Au Sénégal, il n'existe pas de cadre juridique
spécifique des aires protégées, ni même des aires
marines protégées. Les dispositions qui s'appliquent à
l'intérieur de ces espaces sont réparties principalement entre
les codes de l'environnement, de la chasse et de la protection de la nature, de
la pêche maritime, des collectivités locales et des décrets
d'application qui les accompagnent.
Cet éparpillement des dispositions applicables ne
facilite pas la clarté pour les différents acteurs
intéressés, ni même la pédagogie autour de la
promotion et la gestion des aires protégées au
Sénégal. En effet, une législation spécifique aux
aires protégées clarifierait sensiblement la situation tout en
traduisant l'actuelle volonté politique dans le soutien des ces
initiatives.
D'autre part, il n'existe pas, au sein de la
législation nationale, une définition juridique des
différentes catégories d'aires protégées existantes
au Sénégal, de leurs objectifs, des conditions de leur
création et de leurs modes de gestion. Le décret portant code
forestier donne bien les définitions de « réserve naturelle
», « réserve spéciale » et « parc national
» mais ne définit pas ce que l'on désigne par « aires
naturelles d'intérêt communautaire » et les « aires
marines protégées », utilisé en 2004 pour 5 aires
protégées ayant une emprise marine.
Une norme nationale adaptée aux
spécificités sénégalaises constituerait un outil
efficace pour les acteurs, parties prenantes de la stratégie
régionale pour les AMP et notamment ceux contribuant au renforcement
institutionnel et gestion des AMP au Sénégal. De plus, cet effort
d'actualisation pourrait constituer un premier pas vers une harmonisation des
catégories d'AP au niveau de la
69 Le gouvernement du Sénégal veut
prendre des mesures hardies pour faire face à la raréfaction des
ressources halieutiques. Il s'agit d'asseoir les bases d'une exploitation
rationnelle des ressources de la pêche en restaurant le patrimoine
halieutique dégradé. C'est tout le sens de la révision du
cadre juridique des pêches à travers la création de la
Direction des aires communautaires (Dac) chargée de l'exécution
de la politique de l'Etat en matière d'Aires marines
protégées et de récifs artificiels. Sa création a
été annoncée par le conseil du 21 juillet 2009, a travers
la nomination de son Directeur
sous région. Il pourrait être intéressant
de réfléchir à la centralisation des définitions
des aires protégées au sein d'un méme texte comme cela
peut exister au Cap Vert ou en Guinée Bissau70.
Enfin, il serait judicieux de combler le vide juridique
relative à une définition nationale des « aires naturelles
d'intérêt communautaire » ou « aires marines
protégées» afin de se doter d'un cadre juridique complet et
adapté aux circonstances71.
On constate aussi une mise en oeuvre insuffisante des
dispositions conventionnelles par ces lois et règlements, soit du fait
de la tardiveté de l'adoption des textes d'application (décrets
ou arrétés), soit tout simplement du fait de l'ignorance pure et
simple des conventions.
L'expérience de l'ancien Code de l'Environnement de
1983 qui n'a connu aucun texte d'application pendant près de vingt ans
est assez significative. La méme situation a prévalu pour la loi
portant Code de l'eau du 4 Mars 1981, dont les textes d'application ne datent
que de 1998, a savoir :
· décret 98-555 du 25 Juin 1998 portant
application des dispositions du Code de l'Eau relatives aux autorisations de
constructions et d'utilisations d'ouvrages de captage et de rejet ;
· décret 98-556 du 25 Juin 1998 portant application
des dispositions du Code de l'Eau relatives à la Police de l'Eau ;
· décret 98-557 du 25 Juin 1998 portant
création du Conseil Supérieur de l'Eau.
Même le Code de l'Environnement adopté en
Janvier 2001(loi 2001-01 du 15 Janvier, et décret 2001-282 du 12 Avril),
n'a pas encore finalisé l'ensemble des arrétés
complémentaires d'application nécessaires au contrôle
à faire dans la gestion des ressources naturelles et de
l'Environnement.
La méme situation est valable pour la récente
loi d'orientation agrosylvopastorale de Juin 2004. Les dispositions de cette
loi prévoyaient un réexamen par l'Assemblée Nationale au
bout de trois ans (soit en Juin 2007) et une révision tous les cinq ans.
Aucun réexamen par l'Assemblée n'a été fait en
2007. Aucun texte d'application n'a également été pris
jusqu'en Juin 2009.
En plus, il existe un vide institutionnel pour la prise en
charge de certains éléments de gestion comme le dispositif
institutionnel pour la création et la gestion des aires marines
protégées (AMP). Le Gouvernement a du mettre en place un comite
technique créé par l'arrêté interministériel
2006 du 03 mars 2006.
Ce texte propose que des arrêtés conjoints des
ministres chargés de l'Environnement et de la Pêche
définissent les objectifs de chaque AMP, les principes d'accès,
d'exploitation et de gestion qui découlent des Conventions
internationales, des législations et des politiques nationales
d'environnement et de pêche en vigueur.
70 En Guinée Bissau l'IBAP (Institut de la
Biodiversité et des Aires Protégées) gère les aires
protégées.
71 Marie CUQ, 2008. Analyse comparée des cadres
juridiques relatifs aux Aires Protégées des zones
côtières et marines des pays du PRCM. RAMPAO et FIBA. Rapport
final. 83 pages.
http://www.rampao.org/fr/publication/RapportcjAMP.pdf
Chaque AMP fait l'objet d'un plan de gestion sous la
supervision du comité technique comprenant les services nationaux
compétents et dont le mandat et la composition sont
précisés par arrêté ministériel.
Ce comité co-présidé par le Directeur
des Parcs Nationaux et son homologue de la Pêche Maritime peine a se
réunir. Une querelle de leadership pour le contrôle des AMP semble
être à l'origine de cette situation. Ce vide correspond en
réalité à la lacune de prise en compte de la
spécificité de la protection du milieu marin.
Ainsi, cette protection est réalisée de
manière plus ou moins pertinente, à travers une
législation environnementale traditionnellement tournée vers le
milieu terrestre72. Ce fut le cas au Sénégal jusqu'en
2004, où les processus de protection du territoire sont consignés
dans le code forestier et répondent à la procédure de
classement des sols. Par conséquent, certains Parcs Nationaux et
Réserves contiennent une partie maritime, qui est gérée
spécialement en fonction du zonage de l'aire.
En droit interne, le Sénégal a essentiellement
légiféré selon une orientation terrestre, comme beaucoup
d'autres Etats. Cette « ignorance » du milieu marin vient
essentiellement du manque de visibilité et de conscience de la
détérioration du milieu marin. Or la conservation du milieu marin
est essentielle au maintien de la vie sur terre.
Les aires marines protégées constituent un
outil privilégié pour assurer la protection des habitats et de la
biodiversité des zones marines. Au niveau du Sénégal comme
dans la plupart des pays en voie de développement, le passé
colonial a également joué un rôle, étant
donné que la tradition de conservation était essentiellement
tournée vers les forêts classées, qui sont pour la plupart
devenues des Parcs Nationaux.
Il est à présent établi que si la
dégradation du milieu marin est difficile à appréhender de
manière empirique dans son ampleur, elle est néanmoins bien
réelle et menaçante.
Le décret présidentiel de 2004, portant
création des 5 premières AMP au Sénégal, ne
clarifie pas le contexte juridique des AMP. Ce premier pas politique doit
être suivi d'un accompagnement juridique permettant aux AMP de devenir
une réalité de terrain, de prouver leur efficacité en tant
que outil de gestion tant au niveau de la conservation de l'environnement au
service de l'homme que de la pérennisation de l'économie de la
péche au Sénégal.
C'est d'ailleurs ce qui a justifié la décision
prise par le gouvernement du Sénégal de préparer une
loi-cadre sur la biodiversité et les aires protégées pour
combler ces lacunes.
L'élaboration de ce projet de loi sur la
biodiversité et les aires protégées va entraîner un
certain nombre de modifications au niveau des textes juridiques actuellement en
vigueur73.
C'est la raison pour laquelle des propositions
d'amélioration/révision ont été proposées
dans le sens d'harmoniser l'ensemble des textes. Ces révisions
concernent les textes suivants et les domaines ci-après :
72 GIRMaC, 2008. Proposition d'un cadre
législatif et institutionnel pour la gestion des aires marines
protégées au Sénégal. Document de programme. 37
pages.
73 Ly I., Ngaide M. et Dieng P.M, 2010. AVANT
PROJETS DE TEXTES PORTANT REVISION DES TEXTES SECTORIELS RELATIFS A
L'ENVIRONNEMENT. Version finale corrigee. 17 pages.
· article 28 de la loi n° 96-07 du 22 mars 1996
portant transfert de compétences aux régions, communes et
communautés rurales ;
· avant projet de décret modifiant les articles
38, 39, 40, 44 et 50 du décret 96-1134 du 27 décembre 1996
portant application du transfert des compétences aux régions, aux
communes et aux communautés rurales en matière d'environnement et
de gestion des ressources naturelles ;
· avant projet de loi modifiant les dispositions des
articles 34, 35 et 39 de la loi 98-32 du 14 avril 1998 portant Code de la
pêche maritime;
· avant projet de décret modifiant les dispositions
des articles 35 et 36 du décret 98-498 du 10 juin 1998 portant
application de la loi portant Code de la pêche maritime ;
· avant projet de décret modifiant les dispositions
des articles 2 et 3 du décret du 4 novembre 2004 portant création
des aires marines protégées ;
· modèle d'avant projet d'arrêté
portant règlement intérieur des parcs nationaux. En attendant,
une stratégie nationale pour la gestion des AMP a été
préparée sous la supervision d'un comité qui regroupe la
Direction des pêches maritimes (DPM), la DPN, la Direction des aires
communautaires (DAC) et le PRCM. Ce comité comprend également le
WWF Wamer, la FIBA et l'Association pêche tourisme environnement
(APTE).
En l'absence d'une loi spécifique pour la gestion des
AMP au Sénégal et vu l'urgence de régler les questions
institutionnelles, l'une des solutions à court terme pourrait être
la réorganisation de la structuration actuelle de création des
AMP en consolidant le partenariat et l'intégration entre les structures
qui doivent intervenir en la matière. Toutefois, il est important qu'il
y'ai un organe qui puisse jouer le rôle d'arbitre en cas de conflit et
qui puisse aussi prendre la décision qui s'impose en toute connaissance
de cause pour éviter un quelconque blocage du système.