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La contribution de la Convention sur la diversité Biologique à  la protection de l'environnement au Sénégal: bilan de 20 ans d'application

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par Maà¯mouna OUMAROU IBRAHIM
Université de Limoges - Master 2 droit international et comparé de l'environnement. 2011
  

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B/ les lacunes du cadre juridique et règlementaire pour la conservation

Au Sénégal, il n'existe pas de cadre juridique spécifique des aires protégées, ni même des aires marines protégées. Les dispositions qui s'appliquent à l'intérieur de ces espaces sont réparties principalement entre les codes de l'environnement, de la chasse et de la protection de la nature, de la pêche maritime, des collectivités locales et des décrets d'application qui les accompagnent.

Cet éparpillement des dispositions applicables ne facilite pas la clarté pour les différents acteurs intéressés, ni même la pédagogie autour de la promotion et la gestion des aires protégées au Sénégal. En effet, une législation spécifique aux aires protégées clarifierait sensiblement la situation tout en traduisant l'actuelle volonté politique dans le soutien des ces initiatives.

D'autre part, il n'existe pas, au sein de la législation nationale, une définition juridique des différentes catégories d'aires protégées existantes au Sénégal, de leurs objectifs, des conditions de leur création et de leurs modes de gestion. Le décret portant code forestier donne bien les définitions de « réserve naturelle », « réserve spéciale » et « parc national » mais ne définit pas ce que l'on désigne par « aires naturelles d'intérêt communautaire » et les « aires marines protégées », utilisé en 2004 pour 5 aires protégées ayant une emprise marine.

Une norme nationale adaptée aux spécificités sénégalaises constituerait un outil efficace pour les acteurs, parties prenantes de la stratégie régionale pour les AMP et notamment ceux contribuant au renforcement institutionnel et gestion des AMP au Sénégal. De plus, cet effort d'actualisation pourrait constituer un premier pas vers une harmonisation des catégories d'AP au niveau de la

69 Le gouvernement du Sénégal veut prendre des mesures hardies pour faire face à la raréfaction des ressources halieutiques. Il s'agit d'asseoir les bases d'une exploitation rationnelle des ressources de la pêche en restaurant le patrimoine halieutique dégradé. C'est tout le sens de la révision du cadre juridique des pêches à travers la création de la Direction des aires communautaires (Dac) chargée de l'exécution de la politique de l'Etat en matière d'Aires marines protégées et de récifs artificiels. Sa création a été annoncée par le conseil du 21 juillet 2009, a travers la nomination de son Directeur

sous région. Il pourrait être intéressant de réfléchir à la centralisation des définitions des aires protégées au sein d'un méme texte comme cela peut exister au Cap Vert ou en Guinée Bissau70.

Enfin, il serait judicieux de combler le vide juridique relative à une définition nationale des « aires naturelles d'intérêt communautaire » ou « aires marines protégées» afin de se doter d'un cadre juridique complet et adapté aux circonstances71.

On constate aussi une mise en oeuvre insuffisante des dispositions conventionnelles par ces lois et règlements, soit du fait de la tardiveté de l'adoption des textes d'application (décrets ou arrétés), soit tout simplement du fait de l'ignorance pure et simple des conventions.

L'expérience de l'ancien Code de l'Environnement de 1983 qui n'a connu aucun texte d'application pendant près de vingt ans est assez significative. La méme situation a prévalu pour la loi portant Code de l'eau du 4 Mars 1981, dont les textes d'application ne datent que de 1998, a savoir :

· décret 98-555 du 25 Juin 1998 portant application des dispositions du Code de l'Eau relatives aux autorisations de constructions et d'utilisations d'ouvrages de captage et de rejet ;

· décret 98-556 du 25 Juin 1998 portant application des dispositions du Code de l'Eau relatives à la Police de l'Eau ;

· décret 98-557 du 25 Juin 1998 portant création du Conseil Supérieur de l'Eau.

Même le Code de l'Environnement adopté en Janvier 2001(loi 2001-01 du 15 Janvier, et décret 2001-282 du 12 Avril), n'a pas encore finalisé l'ensemble des arrétés complémentaires d'application nécessaires au contrôle à faire dans la gestion des ressources naturelles et de l'Environnement.

La méme situation est valable pour la récente loi d'orientation agrosylvopastorale de Juin 2004. Les dispositions de cette loi prévoyaient un réexamen par l'Assemblée Nationale au bout de trois ans (soit en Juin 2007) et une révision tous les cinq ans. Aucun réexamen par l'Assemblée n'a été fait en 2007. Aucun texte d'application n'a également été pris jusqu'en Juin 2009.

En plus, il existe un vide institutionnel pour la prise en charge de certains éléments de gestion comme le dispositif institutionnel pour la création et la gestion des aires marines protégées (AMP). Le Gouvernement a du mettre en place un comite technique créé par l'arrêté interministériel 2006 du 03 mars 2006.

Ce texte propose que des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'Environnement et de la Pêche définissent les objectifs de chaque AMP, les principes d'accès, d'exploitation et de gestion qui découlent des Conventions internationales, des législations et des politiques nationales d'environnement et de pêche en vigueur.

70 En Guinée Bissau l'IBAP (Institut de la Biodiversité et des Aires Protégées) gère les aires protégées.

71 Marie CUQ, 2008. Analyse comparée des cadres juridiques relatifs aux Aires Protégées des zones côtières et marines des pays du PRCM. RAMPAO et FIBA. Rapport final. 83 pages. http://www.rampao.org/fr/publication/RapportcjAMP.pdf

Chaque AMP fait l'objet d'un plan de gestion sous la supervision du comité technique comprenant les services nationaux compétents et dont le mandat et la composition sont précisés par arrêté ministériel.

Ce comité co-présidé par le Directeur des Parcs Nationaux et son homologue de la Pêche Maritime peine a se réunir. Une querelle de leadership pour le contrôle des AMP semble être à l'origine de cette situation. Ce vide correspond en réalité à la lacune de prise en compte de la spécificité de la protection du milieu marin.

Ainsi, cette protection est réalisée de manière plus ou moins pertinente, à travers une législation environnementale traditionnellement tournée vers le milieu terrestre72. Ce fut le cas au Sénégal jusqu'en 2004, où les processus de protection du territoire sont consignés dans le code forestier et répondent à la procédure de classement des sols. Par conséquent, certains Parcs Nationaux et Réserves contiennent une partie maritime, qui est gérée spécialement en fonction du zonage de l'aire.

En droit interne, le Sénégal a essentiellement légiféré selon une orientation terrestre, comme beaucoup d'autres Etats. Cette « ignorance » du milieu marin vient essentiellement du manque de visibilité et de conscience de la détérioration du milieu marin. Or la conservation du milieu marin est essentielle au maintien de la vie sur terre.

Les aires marines protégées constituent un outil privilégié pour assurer la protection des habitats et de la biodiversité des zones marines. Au niveau du Sénégal comme dans la plupart des pays en voie de développement, le passé colonial a également joué un rôle, étant donné que la tradition de conservation était essentiellement tournée vers les forêts classées, qui sont pour la plupart devenues des Parcs Nationaux.

Il est à présent établi que si la dégradation du milieu marin est difficile à appréhender de manière empirique dans son ampleur, elle est néanmoins bien réelle et menaçante.

Le décret présidentiel de 2004, portant création des 5 premières AMP au Sénégal, ne clarifie pas le contexte juridique des AMP. Ce premier pas politique doit être suivi d'un accompagnement juridique permettant aux AMP de devenir une réalité de terrain, de prouver leur efficacité en tant que outil de gestion tant au niveau de la conservation de l'environnement au service de l'homme que de la pérennisation de l'économie de la péche au Sénégal.

C'est d'ailleurs ce qui a justifié la décision prise par le gouvernement du Sénégal de préparer une loi-cadre sur la biodiversité et les aires protégées pour combler ces lacunes.

L'élaboration de ce projet de loi sur la biodiversité et les aires protégées va entraîner un certain nombre de modifications au niveau des textes juridiques actuellement en vigueur73.

C'est la raison pour laquelle des propositions d'amélioration/révision ont été proposées dans le sens d'harmoniser l'ensemble des textes. Ces révisions concernent les textes suivants et les domaines ci-après :

72 GIRMaC, 2008. Proposition d'un cadre législatif et institutionnel pour la gestion des aires marines protégées au Sénégal. Document de programme. 37 pages.

73 Ly I., Ngaide M. et Dieng P.M, 2010. AVANT PROJETS DE TEXTES PORTANT REVISION DES TEXTES SECTORIELS RELATIFS A L'ENVIRONNEMENT. Version finale corrigee. 17 pages.


· article 28 de la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, communes et communautés rurales ;

· avant projet de décret modifiant les articles 38, 39, 40, 44 et 50 du décret 96-1134 du 27 décembre 1996 portant application du transfert des compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière d'environnement et de gestion des ressources naturelles ;

· avant projet de loi modifiant les dispositions des articles 34, 35 et 39 de la loi 98-32 du 14 avril 1998 portant Code de la pêche maritime;

· avant projet de décret modifiant les dispositions des articles 35 et 36 du décret 98-498 du 10 juin 1998 portant application de la loi portant Code de la pêche maritime ;

· avant projet de décret modifiant les dispositions des articles 2 et 3 du décret du 4 novembre 2004 portant création des aires marines protégées ;

· modèle d'avant projet d'arrêté portant règlement intérieur des parcs nationaux. En attendant, une stratégie nationale pour la gestion des AMP a été préparée sous la supervision d'un comité qui regroupe la Direction des pêches maritimes (DPM), la DPN, la Direction des aires communautaires (DAC) et le PRCM. Ce comité comprend également le WWF Wamer, la FIBA et l'Association pêche tourisme environnement (APTE).

En l'absence d'une loi spécifique pour la gestion des AMP au Sénégal et vu l'urgence de régler les questions institutionnelles, l'une des solutions à court terme pourrait être la réorganisation de la structuration actuelle de création des AMP en consolidant le partenariat et l'intégration entre les structures qui doivent intervenir en la matière. Toutefois, il est important qu'il y'ai un organe qui puisse jouer le rôle d'arbitre en cas de conflit et qui puisse aussi prendre la décision qui s'impose en toute connaissance de cause pour éviter un quelconque blocage du système.

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