UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET
DES
SCIENCES
PAUL CEZANNE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE
POLITIQUE
D'AIX-MARSEILLE III
L'ABSENCE DE FAUTE DU
TRANSPORTEUR MARITIME DE
MARCHANDISES
MEMOIRE
MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES
TRANSPORTS
Présenté par Didier PICON
Directeur de
recherches: Monsieur Christian SCAPEL
Année de soutenance: 2005
Get ouvrage est dédié à ma mère
Ghantal.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1ERE PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE AVANT L'EXECUTION DU
TRANSPORT MARITIME
CHAPITRE 1: L'OBLIGATION DE FAIRE TOUTE DILIGENCE POUR
CONDITIONNER ET ADAPTER CONVENABLEMENT LE NAVIRE
· Section 1: L'Obligation de mettre le navire en bon
état de navigabilité
· Section 2 : le problème des vices cachée du
navire
CHAPITRE 2: L'ABSENCE DE FAUTE DANS LES OPERATIONS
COMMERCIALES AU DEBUT DE L'EXPEDITION MARITIME.
· Section 1 :L'absence de faute à partir de
l'empotage jusqu'à la prise en charge de la marchandise
· Section 2: L'absence de faute dans les opérations
de mise à bord de la cargaison
CHAPITRE 3 : L'ABSENCE DE FAUTE ET LA VIGILENCE DU
TRANSPORTEUR AU DEBUT DE L'EXPEDITION MARITIME
· Section 1:La vigilance dans la détection des
fautes du chargeur
· Section 2:Les déclarations du chargeur.
· Section 3:Le problème des protestations au moment
du chargement.
2EME PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE PENDANT L'EXECUTION DU
TRANSPORT MARITIME
CHAPITRE 1: L'ABSENCE DE FAUTE ET LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRACTUELLE DU TRANSPORTEUR MARITIME DE MARCHANDISES
· Section 1 : L'absence de faute et la
responsabilité objective du transporteur
· Section 2 : L'absence de faute dans les incidents
d'abordage.
CHAPITRE 2: L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES EVENEMENTS
DEPENDANTS DE LA VOLONTE DU TRANSPORTEUR
· Section 1: Le déroutement raisonnable
· Section 2: L'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens et l'institution des avaries communes.
· Section 3: Le transbordement pour des raisons
commerciales
CHAPITRE 3 : LES DOMMAGES ENCOURUS EN DEHORS DE TOUTE
FAUTE DU TRANSPORTEUR
· Section 1: Le transbordement pour cause -
d'impossibilité de continuer le voyage ou - de réparation.
· Section 2: La nature particulière de certaines
marchandises
· Section 3: Les dommages dus aux autres cas
exceptés.
3EME PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE APRES L'EXECUTION DU
TRANSPORT MARITIME
CHAPITRE 1:L'ABSENCE DE FAUTE LORS DE L'ARRIVEE AU PORT
DE DECHARGEMENT
· Section 1 : L'Information de l'arrivée
· Section 2: Le problème du retard.
CHAPITRE2:L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES OPERATIONS
DE
DECHARGEMENT ET DE LIVRAISON
· Section 1: Les opérations de déchargement
de la marchandise.
· Section 2: La livraison en bon état (Pertes et
avaries)
· Section 3 : Le post acheminement terrestre et le
dépotage des conteneurs CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
Le transporteur maritime de marchandises évolue dans un
monde de règles qui diffèrent selon les Etats impliqués
dans les opérations qu'il entreprend. Tout dépend de
l'état de ratification des différentes conventions
internationales par les Etats concernés par ces opérations. Le
transporteur se verra tantôt soumis aux règles de la Convention de
Bruxelles du 25 août 1924, originelle ou modifiée, et tantôt
à celles des Règles de Hambourg, via les règles de droit
interne des Etats impliqués dans l'opération de transport qu'il
entreprend. En France, il s'agit essentiellement de la loi du 18 juin 1966 sur
les contrats d'affrètement et de transport maritime qui elle même
s'articule avec les dispositions de la Convention de Bruxelles modifiée
par les protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979.
Le régime issu de ce corps de règles, fait peser
une responsabilité présumée sur la tête du
transporteur. Aux termes de l'article 3 de la Convention de Bruxelles, cette
présomption de responsabilité prend naissance à partir du
chargement pour s'achever au moment du déchargement. Pour sa part,
l'article 27 de la loi française du 18 juin 1966 fait courir cette
présomption à partir de la prise en charge jusqu'à la
livraison de la marchandise. C'est ainsi qu'au moment du déchargement ou
de la livraison, le transporteur maritime de marchandises sera tenu de plein
droit pour toutes les pertes et avaries subies pendant que la marchandise
était sous sa garde.
En effet le transporteur est débiteur d'une obligation
de résultat, dans l'acheminement des marchandises à bon port et
dans les meilleures conditions qui soient. Toutefois, il faut préciser
que l'intensité de cette obligation est quelque peu
atténuée
C'est ainsi que, pour se retrouver dans une situation
d'absence de faute, le transporteur maritime devra avoir correctement rempli
toutes les obligations qui sont à sa charge. Partant de là, nous
serons, tout au long de cet exposé, inévitablement amenés
à recenser toutes les obligations du transporteur lors de
l'exécution des contrats de transport de marchandises qu'il conclut.
Cependant, comme le transporteur n'évolue pas dans un
régime de responsabilité pour faute, son absence de faute est,
par ailleurs, insuffisante à le dégager de cette
présomption de responsabilité1. Il ne pourra combattre
celle-ci qu'en établissant l'existence d'un cas
excepté2 ainsi que le lien de causalité entre la cause
d'exonération et le dommage subi, (i.e: Principe de double exigence
probatoire3).
Précisons toutefois que l'absence de faute ne
libère pas forcément le transporteur. C'est ainsi que lorsqu'il
n'a commis aucune faute et que malgré tout il n'arrive pas à
démontrer que le dommage ne lui est pas imputable, le transporteur verra
tout de même sa responsabilité engagée. La CA
d'Aix-en-Provence précise que le transporteur demeure responsable
même si l'origine du dommage ne peut être
déterminée4. Nous nous trouvons bien dans un
régime de responsabilité de plein droit. Quel peut donc
être l'intérêt de ne pas commettre de faute dans ce cas ?
1 CA Aix-en-Provence 2 déc. 2003
2CA Rouen 19 juin 2003
3 CA Versailles 5 avr 2001+ Com 10 july 2001
4 CA Paris 27 novembre 2006
Tout d'abord, « en application de l'article 4 de la
Convention de Bruxelles de 1924 originelle ou amendée, le transporteur
ne peut, en aucun cas, invoquer un quelconque cas excepté sans rapporter
au préalable la preuve de son absence de faute ou de celui de ses
préposés >>1.
Ensuite, même si le transporteur arrive à
éluder sa responsabilité en établissant l'existence d'un
cas excepté ainsi le lien de causalité entre le cas
invoqué et le dommage qu'on lui reproche, le chargeur pourra tout de
même rapporter la preuve d'une faute du transporteur et en quelques
sortes « neutraliser >>2 l'effet du cas excepté ou
alors réintroduire, du moins partiellement, cette responsabilité
d'emblée écartée. Il existe donc une possibilité de
partage de responsabilité (Ex : Aggravation des conséquences
d'une vice propre ou défaut d'emballage par un arrimage
défectueux ou une mauvaise manutention 3: Il se peut aussi
que la faute invoquée ne soit pas suffisamment
établie4).
De plus, le transporteur ne pourra pas
bénéficier de la limitation légale de
responsabilité s'il commet une faute dolosive (celle commise sciemment
avec l'intention de nuire) ou une faute inexcusable. La faute inexcusable se
définit comme « un acte ou une omission (non intentionnel) du
transporteur (commis) témérairement et avec conscience qu'un
dommage en résulterait probablement >>5. Elle serait
tellement grave qu'elle confinerait au dol. La doctrine s'est souvent
interrogée sur l'opportunité d'assimiler la faute lourde à
ces deux types de fautes, mais tel n'a pas été le choix de la
jurisprudence française6.
Quoi qu'il en soit le transporteur doit soigneusement veiller
à na pas commettre de faute car dans un régime de
responsabilité présumée, il a tout intérêt
à être irréprochable.
Avec les Règles de Hambourg du 31 mars 1978, nous
assistons au passage d'un système de présomption de
responsabilité à un système de présomption de faute
accompagné d'une suppression des cas exceptés nommés sauf
pour l'incendie. De plus elles ont édictées de règles
particulières en matière de retard, de transport en
pontée, de transport d'animaux vivants et d'actes d'assistance. Mais
surtout, elles érigent en <exigence préalable
généralisée>, l'obligation du transporteur de prouver
avoir exercé toute diligence raisonnable avant même de
prétendre à invoquer l'un des trois cas excepté
prévus et toute autre cause surmontable.
En addition, les Règles de Hambourg du 31 mars 1978
prennent le soin de préciser clairement qu'en cas de transport
effectué par des substitués, le transporteur demeure responsable
de la totalité du transport, sauf mention spéciale dans le cadre
d'un transport exécuté par des transporteurs successifs.
Dans ce régime fondé sur la faute ou la
négligence présumée, le transporteur doit prouver sa
diligence raisonnable pour se dégager de sa présomption de faute
(qui naît à la prise en charge pour s'achever à la
livraison).
Le transporteur est responsable du préjudice
résultant des pertes ou dommages subies par la marchandise ainsi que du
retard à la livraison si l'événement dommageable est
intervenu alors que la marchandise était sous sa garde, à moins
« qu'il ne prouve que
1 Maître Maryse Follin.
2 Voir A. Seriaux La faute du transporteur, économica,
2ème éd., 1998, préf. P.Bonassies
3 CA Aix-en-Provence 6 mai 2004
4 CA Aix-en-Provence 25 fév. 2004 +
Aix-en-Provence 11 mars 2004
5 Article 4 - 5° de la convention de Bruxelles du 25
Août 1924
6 Pour une typologie complète des
différentes fautes du transporteur, voir A. Seriaux La faute du
transporteur
lui-même, ses préposés ou mandataires ont
pris toutes les mesures qui pouvaient être exigées pour
éviter l'événement et ses conséquences ».
Puisque la Convention de Bruxelles, la loi française du
18 juin 1966 ainsi les Règles de Hambourg du 31 mars 1978 accordent une
place tellement prépondérante au comportement du transporteur,
nous privilégierons l'étude des situations commerciales,
pratiques et techniques que rencontre quotidiennement le transporteur maritime
de marchandises, et dans lesquelles son comportement, toujours sujet à
controverse, permet d'influer sur sa responsabilité.
Par contre, nous écarterons, pour des raisons
éthiques, la défense des transporteurs qui commettent sciemment
des infractions pour quelque cause que ce soit. Il s'agit notamment et surtout
ici de la responsabilité pénale pour rejet d'hydrocarbures,
trafic de drogue et contrebande, fraudes aux législations fiscales,
sociales...etc. Une répression sévère et accrue reste ce
qui ne peut leur être utilement indiquée.
Nous nous efforcerons alors à ne mettre en exergue que
les situations rencontrées quotidiennement et systématiquement
à chaque expédition ou négociation entreprise par le
transporteur maritime de marchandises. Pour cela nous nous livrerons à
une étude chronologique des différentes obligations du
transporteur tout au long de l'exécution de son contrat, afin d'y
dégager tout ce dont il doit et/ou ne doit pas effectuer pour être
dans une situation d'absence de faute. C'est ainsi que nous serons
amenés à traiter de l'absence de faute avant l'exécution
du transport maritime (1ère partie), pendant
l'exécution du transport maritime (2ème partie) et
enfin après l'exécution du transport maritime
(3ème partie).
Quoi de plus approprié que cet argument pictural de
Salvador Dali pour illustrer l'objet de ce mémoire : La défense
du transporteur portant « la croix » de ses obligations. En effet,
cet exposé s'inscrit résolument dans un souci de soutenir la
cause du transporteur maritime de marchandises tout au long de
l'exécution des contrats de transport maritime de marchandises qu'il
sera amené à conclure.
PREMIERE PARTIE:
L'ABSENCE DE FAUTE AVANT
L'EXECUTION DU TRANSPORT
MARITIME
Pendant cette phase préalable à
l'exécution du transport maritime, le transporteur devra veiller
à accomplir toutes les diligences nécessaires afin de
conditionner et d'adapter convenablement son navire (Chapitre 1). Ce n'est
qu'après avoir accompli son obligation de mettre le navire en bon
état de navigabilité que le transporteur pourra prétendre
à la passation des contrats de transport maritime de marchandises.
L'exécution de ces contrats implique la réalisation d'une
série d'opérations commerciales antérieures à la
phase de transport maritime proprement dite (Chapitre 2). De plus, le
transporteur devra se montrer très vigilant pendant cette phase
préalable à l'exécution du transport maritime (Chapitre
3).
CHAPITRE 1
L'OBLIGATION DE FAIRE TOUTE DILIGENCE
POUR
CONDITIONNER ET ADAPTER CONVENABLEMENT LE
NAVIRE
Le souci de conditionner et d'adapter son moyen de transport
pèse sur le transporteur en ce qui concerne le bon état de
navigabilité du navire et les vices cachés dont son
bâtiment est susceptible de receler
L'étude de ces deux éléments, qui
s'analysent comme des cas exceptes, sera ici regroupée car en effet, en
ce qui concerne le transport maritime de marchandises, ce sont les deux uniques
causes d'exonération, envisagées par la Convention de Bruxelles,
qui exigent du transporteur la démonstration d'avoir accompli toute
diligence raisonnable comme condition supplémentaire afin de pouvoir
éluder sa responsabilité. Notons par ailleurs que dans tous les
autres cas exceptés, la seule démonstration de l'existence et de
l'effet dommageable du cas excepté est suffisante.
Cette double exigence probatoire a sans doute pour origine une
interprétation extensive de la Harter Act de 1893 par les juges
du common law.
Le transporteur devra ainsi prouver avoir accompli toutes les
diligences nécessaires pour conditionner et adapter convenablement son
moyen de transport en vue de le traversée envisagée.
En définitive on assiste ici à un renforcement
de la charge de la preuve qui pèse sur le transporteur désirant
s'exonérer de sa responsabilité car il doit en outre prouver que
la survenance dudit cas ne lui était pas imputable.
<< Dans le contrat de transport, (la mise en bon
état de navigabilité du navire) n'est (pas) la fin du
contrat (comme en matière d'affrètement, c'est plutôt) le
moyen pour le transporteur d'assurer ce qui est la fin du
contrat : le déplacement de la cargaison, objet essentiel de ses
obligations >>1
Selon Rodière, il s'agirait là d'une obligation de
moyen dont l'exécution doit permettre celle de l'obligation du
résultat qui pèse sur le transporteur2.
Nous étudierons l'obligation du transporteur de mettre son
navire en bon état de navigabilité avant de nous pencher sur le
problème des vices cachés du navire.
· Section 1: L'Obligation de mettre le navire en
bon état de navigabilité
La navigabilité du navire comprend trois volets : la
navigabilité nautique, la navigabilité commerciale et la
navigabilité administrative.
En ce qu'il s'agit de la navigabilité commerciale, elle
concerne les aménagements intérieurs du navire destinés
à recevoir la marchandise et à assurer sa conservation ; cales,
citernes, appareils frigorifiques, thermomètres, système de
refroidissement, etc.
Le transporteur ne peut pas s'exonérer de sa
responsabilité au motif que le chargeur avait fait visiter et
agréer les cuves par une entreprise de surveillance3. La
responsabilité éventuelle du chargeur n'est en effet pas
exclusive de celle du transporteur.
D'ès qu'il remplit son obligation de
navigabilité commerciale, le transporteur doit, au moyen d'un <<
Notice of Readiness >>, aviser son co-contractant qu'il est prêt
pour procéder à l'embarquement des marchandises et que son navire
est << fit for duty >>
Concernant la navigabilité administrative, le navire
doit être en possession de tous les documents nécessaires à
une navigation normale eu égard à la navigation
considérée. Il convient cependant de préciser que la
<< Blue Card >> a désormais perdu son caractère
obligatoire car les exigences des différents ports ne sont pas
suffisamment uniformisées.
1 R.Rodière, Traité
Général de Droit Maritime, t II, p 131.
2 Voir Rodière R., Affrètement et Transports, t.
II, n° 497 bis.
3 CA Aix-en-Provence, 8 nov. 1988.
Quant à la navigabilité nautique, elle
s'apprécie en fonction de l'état de la coque du navire (notamment
: étanchéité et solidité..), des moyens de
propulsion et de l'approvisionnement des soutes.
La Convention de Bruxelles dispose que le transporteur est
tenu, avant et au début du voyage, d'exercer une diligence raisonnable
pour mettre le navire en bon état de navigabilité (i.e :
convenablement armer, équiper et approvisionner le navire, mettre en bon
état les cales, chambres froides et frigorifiques et toutes autres
parties du navire..)1.
Le Professeur Bonassies vient préciser que le navire
doit être en bon état de navigabilité nautique, coque et
structure en bon état, cales propres, machines et équipements
fonctionnant normalement, équipage compétent, soutes suffisantes
pour réaliser le voyage.
Il ajoute que la notion de navigabilité fait l'objet d'une
appréciation relative en fonction de l'age du navire2.
Rodière attirait déjà l'attention sur le
fait que << la navigabilité est moins une qualité objective
du navire que le produit des diligences du fréteur
>>3
Vu que la << due diligence>> s'apprécie
avant et au début du voyage, la question se pose à propos de la
navigabilité pendant le voyage afin de pouvoir déterminer si le
transporteur devra faire diligence, au cours de la traversée, pour
maintenir le navire en état de navigabilité.
La loi française précise que l'état de
navigabilité doit s'apprécier compte tenu du voyage à
effectuer et des marchandises à transporter4.
En ce qui concerne le transport maritime de passagers et
l'affrètement, il est expressément fait obligation au
transporteur de veiller au bon état de navigabilité de son
bâtiment tout au long du voyage.
Cependant en matière de transport maritime de
marchandises, il semblerait que le bon état de navigabilité ne
serait exigé qu'au début du voyage. Or cela s'avère
être nettement insuffisant eu égard à l'ampleur des
dommages à l `environnement qu'un naufrage serait susceptible
d'occasionner. A notre sens, le maintien du navire en bon état de
navigabilité pendant toute la traversée devrait s'analyser en une
obligation renforcée pesant sur la tête du transporteur.
1 Art.3, Convention de Bruxelles de 1924.
2 Cours de Droit Maritime général du
Professeur Bonassies, n* 668 et s.
3 << Le bon état de navigabilité du navire
affrété >>, DMF 1955, p. 391.
4 Art 21, loi du 18 juill. 1966.
L'innavigabilité du navire libère le transporteur
s'il établit qu'il a satisfait aux obligations de base1.
C'est à dire s'il a accompli toutes les diligences
nécessaires.
La jurisprudence a refusé d'exonérer le
transporteur qui s'est simplement adressé à une
société de classification ou à un chantier de
construction, même répute, pour mettre son navire en bon
état de navigabilité2.
Cette mesure se révèle insuffisante car il n'est
pas établi qu'elle a été prise en relation avec la cause
ou les circonstances du dommage. De plus le transporteur devra établir
que cet organisme spécialisé a bien accompli son obligation de
vérification. A cet égard, il convient de préciser que les
certificats de classification n'ont pas une valeur probante
absolue3. Ils ne constitueront qu'une présomption de fait
(juris tantum) en faveur du transporteur.
En effet même si le transporteur est libre de
déléguer la vérification de l'état de
navigabilité de son navire, il demeure cependant responsable de la
manière dont ses mandataires, ainsi que les préposés des
mandataires, ont exécuté leurs missions.
Nous savons que le transporteur doit établir le
caractère fortuit de l'innavigabilité en démontrant par
tous moyens sa due diligence, afin de pouvoir bénéficier de cette
cause d'exonération. Cependant il faut préciser comment cette
due diligence s'apprécie.
La jurisprudence s'est prononcée pour une
appréciation a priori de l'absence de faute et de la diligence
raisonnable du transporteur.
Dans cette optique les juges veilleront à
vérifier si le transporteur a raisonnablement mis en oeuvre toutes les
mesures de sécurité que l'on pouvait légitimement
s'attendre de lui pour mettre son navire en bon état de
navigabilité. Son manque de diligence ne saurait être
déduit de la seule survenance du sinistre. L'on aboutirait alors
à une appréciation a posteriori de son absence de faute.
Il faut, au contraire, si l'on veut retenir la faute du transporteur,
établir qu'il n'a pas pris d'autres mesures que l'on pouvait
légitimement s'attendre d'un armateur consciencieux et qui seraient
aptes à éviter la réalisation du disfonctionnement se
trouvant à l'origine du sinistre.
Le transporteur ne sera en situation d'absence de faute que si
l'innavigabilité des
son navire ne découlait pas d'une évidence,
fut-elle objective ou subjective.
Bien évidemment, le transporteur n'ayant pris aucune
mesure supplémentaire pour pallier à un problème
d'innavigabilité dont il avait connaissance ou qu'il ne pouvait
1 Art 4-1 conv. Bruxelles de 1924 & Art 27a 1oi du
18 juin 1966
2 CA Aix-en-Provence 27 oct. 1987, DMF1988, p. 126.
3CA Aix-en-Provence 15 fév. 78
ignorer, ne peut pas par la suite se retrancher derrière
le cas excepté d'innavigabilité pour se décharger de sa
responsabilité.
Les juges ont, à maintes reprises, retenu la
responsabilité du transporteur pour ne pas avoir procédé,
lors des escales, à des vérifications de son navire qui venait
tout juste d'être réparé avant le début de la
traversée. Cette jurisprudence se comprend aisément car le
transporteur sachant que des réparations venaient d'être
effectuées sur son navire, se montre négligent lorsqu'il omet de
veiller à ce que l'incident précédemment rencontré
ne surgisse pas à nouveau. Il est clair qu'il ne pouvait pas ignorer le
caractère problématique de cet élément du navire
qui a très récemment fait l'objet d'une réparation.
On pourrait voir, dans cette décision, un
élément de réponse à la question de savoir si le
transporteur est bien débiteur d'une obligation de maintenir son navire
en bon état de navigabilité tout au long de la
traversée
Ceci étant, il convient, d'ès à
présent, de se pencher sur le problème des vices cachés du
navire.
· Section 2 : Le problème des vices
cachés du navire
Le transporteur ne répond des vices du navire que dans la
mesure où un examen sérieux, vigilant et minutieux n'a pas permis
de déceler leur existence.
Rodière mettait déjà en lumière que
la raison d'être de l'exonération pour vice caché se
trouvait dans la complexité des bâtiments modernes1.
Pour ne pas exonérer trop facilement le transporteur,
le vice caché doit échapper à -- une diligence raisonnable
(Art 4§- 2 p de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924) ou
--à un examen vigilant (Art 27 h de la loi française du 18
juin1966).
On ne peut pas non plus exiger une diligence absolue de la
part du transporteur, ce serait trop sévère comme mesure. C'est
pourquoi la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 parle de diligence
raisonnable
Le professionnel averti doit procéder à
certaines vérifications obligatoires et ce n'est que si ces
vérifications ne révèlent pas l'existence du vice que
celui-ci revêtira un caractère caché. Rappelons toutefois
que le caractère caché du vice est une question de fait qui
s'apprécie à la lumière des particularités de
chaque espèce.
1 R.Rodière, Traité
Général de Droit Maritime, t II, n* 648.p. 285
En d'autres mots, le transporteur doit établir
l'impossibilité de découvrir le vice malgré un examen
attentif (effectué avec soin et continuité) et la
causalité entre les difficultés techniques imputables au vice
caché et les dommages causés à la marchandise1
s'il espère s'exonérer de sa responsabilité. Son
obligation de diligence est `fondamentalement capitale'.
Le Professeur Bonassies avance énergiquement, pour sa
part, que « L'obligation de diligence est personnelle et on ne saurait la
déléguer au chantier naval >>2. C'est ainsi que
pour les vices cachés également, le transporteur demeure
responsable du travail effectué par les mandataires à qui il a
confié l'exécution de son obligation personnelle.
La diligence du transporteur doit pouvoir être mis en
rapport avec la cause du dommage. Le défaut de diligence doit être
à l'origine de la cause directe du dommage. C'est ainsi que le
sombrement soudain du navire ayant heurté un obstacle inconnu, ne pourra
pas être attribué à un vice caché du
navire3.
Ici aussi, tout comme en matière
d'innavigabilité du navire, l'absence de faute s'apprécie a
priori. C'est ainsi qu' « étant donné la cause du
dommage, il convient de se demander si le transporteur ou son
représentant a bien rempli ses obligations. Si c'est le cas et que,
malgré tout, il n'a pu découvrir le vice qui affectait le navire,
le transporteur doit être exonéré. Si ce n'est pas le cas,
le doute demeure : il aurait pu découvrir le vice. Par conséquent
sa responsabilité doit être maintenue >>4.
La question qui découle logiquement de cette
affirmation est de savoir, à quel moment pourra-t-on considérer
que le transporteur a fait tout ce qu'il devait faire pour découvrir le
vice ? Une appréciation subjective rentre nécessairement en
jeu.
Les juges recherchent si l'existence du vice était,
objectivement comme subjectivement, évidente. Concernant
l'évidence objective du vice, les juges recherchent si le vice
était décelable par n'importe qui, même par une personne
peu avertie. Il s'agit en définitive de vices tellement importants et/ou
accessibles qu'ils n'auraient pas pu échapper à un examen
attentif et minutieux.
Par contre en ce qui concerne l'évidence subjective, il
convient de rechercher si malgré le fait que le transporteur
était au courant de l'existence ou de l'éventualité du
vice, il n'a rien fait pour neutraliser le vice ou pour prévenir ses
effets néfastes. En d'autres mots, la preuve du manque de diligence du
transporteur sera établie à chaque fois que son attention est
attirée sur l'existence d'un vice ou d'un risque de vice et que
malgré tout, il ne cherche pas à le déceler ni à le
neutraliser.
1 Versailles 8 mars 2001
2 Professeur Bonassies, DMF 1963, p. 247.
3 Com 27 juin 1995, DMF 1996, p. 302.
4 Seriaux A. : La faute du transporteur, 2eme édit., 1998,
n ° 87.
Dans ces deux cas l'existence du vice sera
considérée comme étant évidente et la
responsabilité du transporteur sera, à coup sûr,
retenue.
La jurisprudence ne devrait pas retenir la
responsabilité du transporteur en raison de la survenance même du
disfonctionnement et en déduire que le transporteur n'a pas fait tout ce
qu'il fallait pour déceler et réparer le vice. Ceci reviendrait
à adopter une appréciation a posteriori de l'absence de faute et
l'on ne pourra d'es lors plus se contenter de la notion de diligence
raisonnable. Il faudrait, d'es lors, comme le souligne le Professeur Bonassies,
rapporter la preuve d'une « diligence requise ».
Signalons que les juges sont très réticents
à admettre l'ignorance du vice car ils exigent du transporteur, pour
qu'il soit en situation d'absence de faute, qu'il ait procédé
à un examen vigilant, attentif et minutieux surtout concernant les
points essentiels et névralgiques du navire.
De plus, lorsqu'il est établi que, au cours d'une
inspection du bâtiment, des circonstances précises auraient
dû attirer l'attention du transporteur, celui-ci ne pourra pas invoquer
son absence de faute et ne pourra, d'es lors, pas s'exonérer de sa
responsabilité.
La jurisprudence exige du transporteur deux séries
d'obligations. En premier lieu, il doit assurer un contrôle
général et permanent sur l'aptitude de son navire à
remplir sa fonction nautique. Il devra pour cela déceler
immédiatement les vices importants ou aisément accessibles et
prévoir et neutraliser les vices éventuels. Ensuite il devra
assurer un contrôle renforcé sur les points névralgiques
lors des essais de son navire récemment construit ou à peine
répare et à plus forte raison sur son navire déjà
très ancien.
Notons toutefois, à titre indicatif, qu'en
matière d'action en garantie pour vice caché de l'art 1648 du
code civil, l'ordonnance du 17 fév. 2005 substitue au bref délai
traditionnel un délai de 2 ans à compter de la découverte
du vice pour intenter une action rédhibitoire1.
Ce n'est qu'après avoir rempli son obligation de
s'assurer du bon état de navigabilité de son navire que le
transporteur pourra se lancer dans la passation des différents types de
contrats de transport maritime de marchandises.
De cette variété de contrats découle
toute une palette d'obligations incompressibles qui s'accompagnent d'une
série d'obligations facultatives dont la géométrie varie
en fonction des prestations que le transporteur se propose d'effectuer. C'est
ainsi que, dans certains cas, le transporteur sera emmené à
réaliser lui même l'empotage du conteneur et/ou procéder
à un pré-acheminement de la marchandise jusqu'au quai.
1 DMF avril 2001, p. 291, n. Bonassies
CHAPITRE 2
L'ABSENCE DE FAUTE DANS LES OPERATIONS
COMMERCIALES
AU DEBUT DE L'EXPEDITION
MARITIME.
L'absence de faute du transporteur au début de
l'expédition maritime implique l'accomplissement de toutes ses
obligations à partir de l'empotage jusqu'à la prise en charge de
la marchandise (Section 1) ainsi que pendant les opérations de mise
à bord de la cargaison (Section 2).
· Section 1 :L'absence de faute à partir de
l'empotage jusqu'à la prise en charge de la marchandise.
Pendant cette phase, nous étudierons les
problèmes de fourniture et d'empotage des conteneurs par le transporteur
(§1) avant de nous intéresser au problème du
préacheminement de la marchandise (§2). Par la suite nous
envisagerons la prise en charge de le marchandise (§3)
§1: Les problèmes de fourniture et d'empotage
des conteneurs par le transporteur
Le plus souvent, les conteneurs sont loués par le
transporteur et mis à la disposition du chargeur. Dans ces cas le
transporteur est tenu de fournir un conteneur en bon état et
adapté à la nature de la marchandise à transporter car il
sera responsable des dommages aux marchandises résultant d'une
défectuosité du conteneur fourni par ses soins.
La question qui se pose alors, c'est de savoir à quel
corps de règles sera soumis cette opération de location de
conteneur. Pour la CA d'Aix-en-Provence, << La location de conteneur est
un engagement spécifique et accessoire du transport, (elle) n'est pas
soumis aux règles du transport maritime »1.
Dans les hypothèses où la Cour de cassation
retient la faute du transporteur pour avoir remis au chargeur un conteneur
<< inadapté au transport et à la bonne conservation de la
cargaison » et ainsi contribué à la réalisation du
dommage, celle-là n'indique pas si elle s'est fondée sur le droit
de la location ou sur le droit du transport maritime2.
L'élément déterminant est ici tiré de la faute de
la compagnie maritime.
1 CA Aix-en-Provence 19 fév. 87
2 Com 17 sept. 2002, Revue Scapel 2003. 22, cité au DMF
Hors série n°8 n°89.
Pour sa part, la CA Versailles écarta le droit maritime
dans une affaire concernant des avaries survenues en raison d'un conteneur
frigorifique défectueux loué par l'armement. La cour y a vu un
contrat de location de meubles sans rapport d'indivisibilité ni
même d'interdépendance juridique avec le contrat de
transport1.
Mais la Cour de cassation a censuré cette
décision en soulignant le principe selon lequel « l'action en
responsabilité contre le transporteur à raison des pertes ou
dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la
livraison ne peut être exercée que dans les conditions
prévues par (... ) la loi du 18 juin 1966 »2. Cet
arrêt a été critiqué par le professeur
Bonassies3 car le dommage était dû au conteneur fourni,
plutôt qu'au transport maritime.
Le transporteur répond ainsi des dommages
résultants des vices cachés du conteneur qu'il a
fourni4. Commet une faute le transporteur qui a empoté la
marchandise dans un conteneur vétuste et insuffisamment
étanche5.
La jurisprudence dominante rattache l'opération
d'empotage à l'exécution du contrat de transport, au même
titre qu'une prestation LCL/LCL, car elle ne préfère pas y voir
un contrat d'entreprise de droit commun.
Pour ce qui concerne l'empotage du conteneur par le
transporteur, il convient de préciser que la prise en charge et, par
conséquent, le transfert des risques s'effectue à partir du
moment où le chargeur remet la marchandise destinée à
être empotée au transporteur.
Lorsque c'est le transporteur qui procède à
l'empotage, il doit être très vigilant car il sera responsable de
toutes les avaries ou dommages résultant des carences lors de ces
opérations d'empotage. Il doit, pour prétendre à une
absence de faute sa part, procéder correctement à l'emballage, le
conditionnement et le marquage des marchandises.
Vu les violents efforts qui s'exercent longitudinalement et
transversalement lors de la traversée et verticalement lors des
manutentions, la marchandise empotée dans le conteneur doit être
suffisamment calée et correctement agencée par le transporteur
afin d'en équilibrer la charge. Pour cela, le transporteur devra «
répartir le poids d'une manière uniforme sur la plus grande
surface possible ; le centre de gravité des marchandises devant
être aussi proche que possible du centre de volume et le plus bas
possible dans le sens vertical. De plus, en dehors du plancher qui supporte le
poids du chargement, tous les efforts doivent s'exercer sur les
éléments de structure et le moins possible sur les parois et sur
les portes du conteneur»6.
1 CA Versailles, 14 janv. 1999, BTL 99, p. 550.
2 Com 5 mars 2002 BTL 2003, p. 203.
3 DMF 2003 Hs n°7, p.67.
4 CA Aix 21 sept. 2000, « un conteneur ne saurait être
assimilé à un élément du navire ».
5 CA Versailles 20 avril 2000, BTL 2000, p. 425, confirmé
par Com. 27 sept. 2002, BTL 2002, p. 623.
6 Lamy Transport 2004, t.III , n°1497.
Il doit aussi, pour certaines marchandises, veiller à
ce que le conteneur soit suffisamment ventilé afin d'éviter des
dommages dus à la condensation. Pour ce faire, il doit se garder de
procéder à un empotage trop compact de la marchandise. Concernant
les conteneurs frigorifiques, il doit veiller à ce qu'il y ait une
circulation suffisamment correcte d'air froid à l'intérieur de
ceux-ci.
Toujours dans le souci d'être dans une situation
d'absence de faute, le transporteur devra tout faire pour conditionner au mieux
la marchandise afin de la permettre d'effectuer le voyage dans des conditions
que les usages admettent comme suffisamment correctes. C'est ainsi qu'il devra
veiller à une bonne composition ainsi qu'à une bonne
répartition des différents lots de marchandises. Il devra
également signaler, aux moyens d'étiquettes apposées sur
le conteneur, le caractère dangereux de certaines marchandises dont il a
procédé à l'empotage
Il faut également rappeler que la clause << said
to contain >> est démunie d'effet lorsque c'est le
transporteur qui a procédé à l'empotage du conteneur.
Notons cependant que les résultats d'une
vérification des déclarations du chargeur effectuée en
cours de route ne sont pas opposables au chargeur lorsque c'est le transporteur
qui a lui-même procédé à l'empotage du
conteneur1.
Il convient, d'ès à présent, de
s'intéresser à la phase du pré-acheminement de la
marchandise.
§2 : Le pré-acheminement de la marchandise
Même s'il est la plupart du temps terrestre, le
pré-acheminement peut très bien être aérien,
maritime, fluvial ou même lacustre. Pour notre part nous nous
intéresserons uniquement au pré-acheminement terrestre de la
marchandise.
Pendant cette phase terrestre du transport maritime, le
transporteur sera soumis à la législation en matière de
transport routier. Ce corps de règles englobe notamment le Code de la
route, la loi dite << LOTI >> du 30 déc. 1982, la loi
n°.85-677 du 5 juillet 1985, la loi dite << Gayssot >> du 6
fév. 1998, les articles L132 à L133 du Code de commerce, la
législation sur le temps de conduite et de repos ainsi que la Convention
de Genève de 1956 dite << Convention CMR >>. Le transporteur
maritime de marchandises devra, bien évidemment, respecter toute cette
réglementation pour être en situation d'absence de faute.
Le transporteur devra aussi se montrer très vigilant pour
éviter tout éventuel cas de vol, hélas trop
fréquent en matière de transport routier. Il pourra même
être reproché
1
Cass. com. 26 févr. 1985, n°
224, Lamyline.
d'avoir commis une faute lourde, et ainsi perdre le
bénéfice des plafonds d'indemnisation, si le vol est intervenu
sans violence. Telle est, du moins, la tendance de la jurisprudence actuelle en
la matière. Sa vigilance doit être d'autant plus accrue lorsqu'il
transporte des marchandises de grande valeur et qui de plus sont susceptibles
d'être revendues très facilement. Voilà ce qui en est pour
la réglementation générale.
En ce qui concerne la réglementation spéciale,
précisons que le transporteur sera soumis à des exigences
supplémentaires s'agissant du transport de marchandises dangereuses,
explosibles, hautement inflammables ou même toxiques, pour demeurer en
situation d'absence de faute.
En effet, le Code IMDG précise que le transporteur
devra veiller à ce que les engins citernes utilisés pour le
transport routier des marchandises dangereuses soient correctement entretenus
et suffisamment résistants pour supporter les contraintes
éventuelles imposées par les conditions
d'utilisation1.
De plus le transporteur devra procéder à un
emballage, un marquage et un étiquetage conforme aux dispositions
réglementaires en matière de transport de marchandises
dangereuses même si c'est lui qui procèdera à leur
acheminement maritime. Il devra également veiller à
séparer correctement les matières en fonction de leur classe et
leur compatibilité.
Le transporteur ne doit pas transporter des colis dangereux
présentant des signes de dommage de fuite ou de tamisage. Il doit placer
ces colis de sorte à réduire au maximum les risques d'avarie
pendant le pré-acheminement et veiller a ce qu'il soient placés
près des portes (qui doivent pouvoir être ouvertes
immédiatement en cas d'urgence) afin se s'en débarrasser au plus
vite si le besoin se fait sentir pendant le trajet routier. Telles sont les
principales exigences du Code IMDG.
Comme il a été précisé en amont,
le transporteur n'est redevable de ces obligations supplémentaires que
s'il a été chargé de procéder à l'empotage
du conteneur ainsi qu'à son pré-acheminement au port
d'embarquement. Par contre, lorsqu'il s'engage à ne procéder
qu'au transporteur maritime de la marchandise, le transporteur ne devient
garant de celle-ci qu'au moment de la prise en charge en application de la loi
française du 18 juin 1966.
§3 : La prise en charge de la marchandise
« La prise en charge est à la fois l'acte
matériel et juridique par lequel le transporteur prend possession
effective de la marchandise et l'accepte au transport ». Nous
étudierons, les modalités de la prise en charge (A), la prise en
charge sous palan (B) et la preuve de la prise en charge (C).
1 Code IMDG 7.5.1.1.
A : Les modalités de la prise en charge
Afin de procéder efficacement à cette prise en
charge, le transporteur qui vient recueillir la marchandise, devra
émettre un << Notice of Arrival >> pour informer le chargeur
de sa arrivée, ainsi qu'un << Notice of Readiness >> pour
attester que son navire est prêt pour accueillir la cargaison.
Le moment de la prise en charge est généralement
déterminé par le connaissement dans le respect des dispositions
impératives de l'art. 38 du décret du 31 déc. 66,
réputant non écrites les clauses de prise en charge et de
livraison << à bord >>. Par conséquent le
transporteur devra être présent à la date et à
l'heure convenue pour se retrouver en situation d'absence de faute.
Pour les marchandises déposées à
l'avance, le transporteur a le droit de les refuser. S'il les accepte, les
frais supplémentaires occasionnés par cette remise
prématurée demeurent à la charge du chargeur, sauf
disposition contraire. A ce stade, le transfert des risques est
réputé ne pas s'être encore produit.
Aux termes de la loi française du 18 juin 1966, c'est
seulement au moment de la prise en charge que le transporteur devient garant de
la marchandise et que sa présomption de responsabilité commence
à courir.
Cependant la prise en charge peut intervenir avant la
délivrance de ces documents, notamment lorsque le transporteur
positionne un conteneur chez le chargeur.
B : La prise en charge sous palan
Puisque le transporteur ne devient garant de la marchandise et
que sa présomption de responsabilité ne commence à courir
qu'au moment de la prise en charge, il a tout intérêt à
retarder au plus le moment de la prise en charge.
C'est ainsi que les transporteurs prennent l'habitude
d'insérer des clauses de prise en charge et de livraison sous palan pour
indiquer que leur responsabilité ne commencera à courir qu'a
partir du moment où les marchandises seront à quai, le long du
navire et prêtes pour être saisies et hissées a bord.
Pour être efficaces, les clauses de prise en charge sous
palan doivent être
clairement exprimées au connaissement et acceptées
par le co-contractant1.
1 Lamy Transport 2004 n° 441.
Il faut par ailleurs préciser que les clauses de prise
en charge sous palan ne sont pas valables en matière de connaissement de
bout en bout. Lorsque le transporteur émet ce type de connaissement, il
demeure responsable pendant toute la période que la marchandise est sous
sa garde et non pas qu'à partir de la prise sous palan en vue de mettre
la cargaison à bord.
Quoi qu'il en soit, la preuve que le dommage est attribuable ou
pas au transporteur, passe par la preuve que la survenance du dommage se situe
à un moment oüla marchandise était sous la garde
du transporteur. Pour établir cela, il faut démontrer à
quel moment s'est produit la prise en charge et ainsi, le
transfert des risques attachés à la marchandise.
C : La preuve de la prise en charge
Le transporteur atteste de la prise en charge par le
mate's receipt ou le board receipt. Ces documents, faisant
office de reçu de la marchandise, sont normalement
délivrés avant le connaissement.
En général, la preuve de la prise en charge peut
se faire par tous moyens ; elle peut par ex. résulter de la note de
chargement délivrée par l'acconier agissant pour le compte du
transporteur.
La plus part du temps, la prise en charge pourra être
prouvée sur présentation d'une copie du connaissement car l'issue
d'un tel document passe nécessairement par une prise en charge
préalable.
Après avoir étudié les opérations
de prise d'empotage jusqu'à la prise en charge, nous pouvons nous
consacrer aux opérations de mise à bord de la cargaison pour
revenir aux obligations incompressibles du transporteur maritime de
marchandises.
Rappelons, par ailleurs, que la Convention de Bruxelles ne
fait courir la présomption de responsabilité du transporteur, non
par au moment de la prise en charge mais bien, au moment du chargement lors du
passage au dessus du bastingage du navire,
· Section 2: L'absence de faute dans les
opérations de mise à bord de la cargaison
Aux termes de l'article 38 du décret du 31 déc.
1966, les opérations de chargement et d'arrimages incombent au
transporteur, qui doit les exécuter de façon soigneuse et
appropriée.
Il s'agit là d'une obligation impérative qui
s'effectue sous la responsabilité exclusive du transporteur. Cependant,
en pratique il préfère déléguer, à une
entreprise de manutention, les opérations de chargement, d'arrimage et
de saisissage qui seront surveillées et contrôlées par le
subrécargue désigné par l'armateur1.
Nous verrons que le transporteur devra éviter toute
manutention négligente et insuffisance d'arrimage (§1) tout en
prenant certaines précautions lors du chargement de la marchandise
(§2). Ensuite nous nous pencherons sur le problème de la
pontée régulière tout comme irrégulière
(§3)
§1: La manutention négligente et l'insuffisance
d'arrimage
Le chargement (ou l'embarquement,) est l'opération qui
consiste à mettre les marchandises à bord du navire et qui se
déroule toujours sous la responsabilité du transporteur, alors
que l'arrimage s'analyse en l'ensemble des opérations consistant a
mettre à la bonne place et à disposer la marchandise dans les
différents compartiments du navire.
Quant à l'assujettissement, il s'agit de l'ensemble des
opérations qui permettent de fixer et d'immobiliser la marchandise
à bord.
La mauvaise conception du chargement et l'arrimage
défectueux s'analysent comme des fautes commerciales dont doivent
répondre le capitaine, même si en pratique, les plans d'arrimage
sont le plus souvent délégués aux << ship planners
>> qui le réalisent à terre. Il est patent que, dans cette
hypothèse, le transporteur ne pourra pas se prévaloir de la faute
de ses délégués pour y déduire son absence de
faute.
Notons cependant que l'arrimage défectueux, en principe
faute commerciale, peut revêtir le caractère d'une faute nautique
lorsqu'il compromet la stabilité et la sécurité du navire
Cependant la cour de cassation a récemment tranché en ce sens que
la faute d'arrimage doit être considérée comme une faute
commerciale 2
Selon le professeur Bonassies, seules les fautes concernant la
navigation et la sécurité du navire devraient recevoir la
qualification de fautes nautiques3
En cas de fortune de mer insurmontable, la question se pose
à propos de l'insuffisance d'arrimage. Le caractère insurmontable
de celle-ci met toute la cargaison dans l'impossibilité d'y
résister, fût-elle bien arrimée ou non. Dans de telles
hypothèses, le dommage trouvera sa cause exclusivement dans ce <<
cas de force majeure >>. On ne devrait pas pouvoir opposer l'insuffisance
d'arrimage au transporteur vu que les marchandises correctement arrimées
auront également subi les conséquences de ce cas
1 Lamy Transport 2004 n° 444.
2 Com 26 févr. 91 + Rouen 11 septembre 2003
3 DMF2002, Hors-série 6, p.71
excepté insurmontable1 ; ce qui devrait
permettre de relever l'absence de faute du transporteur.
Pour les marchandises logées dans des semi remorques
ro/ro, les art 4-2 m & n de la Convention de Bruxelles exonèrent le
transporteur maritime de sa responsabilité en cas d'insuffisance
prouvée d'arrimage des marchandises à l'intérieur des
remorques ayant entraîné des avaries par choc2.
§2 : les précautions dans le chargement
Aux termes de l'art 38 du décret du 31 dec. 66, le
transporteur est débiteur d'une obligation de soins ordinaire
conformément à la convention des parties et aux usages du port de
chargement. Par conséquent, en l'absence d'arrangement particulier, les
soins extraordinaires rendus nécessaires en raison de la nature
particulière de la cargaison ne sont pas à la charge du
transporteur.
Notons toutefois que le transporteur n'est engagé que
par les instructions pertinentes. Il s'ensuit que le transporteur n'a pas
à répondre des dommages occasionnés par le non respect des
instructions du chargeur qui se sont révélées
matériellement impossibles à exécuter.
Le transporteur et ses préposés ont une
obligation de procéder de façon sérieuse et
appropriée à la garde de la marchandise. Ils commettent bien
évidemment une faute s'ils ne se rendent pas compte que des individus se
sont introduits à bord du navire pour y dérober de la marchandise
et qu'ils ont pu, par la suite, s'échapper sans encombre3.
Ces cas de vol sont, en effet, très fréquents au moment du
chargement dans les pays africains.
Voici quelques exemples de précautions que le transporteur
devra prendre lorsqu'il effectue le chargement de la cargaison :
° Le transporteur et ses préposés doivent
veiller à ne pas poser en cale des colis fragiles sur des tôles
à hauteurs inégales. 4
° Ils ne doit pas procéder au chargement de
produits dangereux à proximité des produits
alimentaires5 (Chargement de fûts de chlorure de chaux
à proximité de produits alimentaires6), ni charger du
thé à coté de lots de café
défectueux7
° Le transporteur se doit de refuser la prise en charge
d'une cargaison quand il estime ne pas être en mesure d'assurer ses
obligations de façon appropriée et soigneuse1
1 L'exemple le plus frappant serait celui du naufrage
du navire suite à un « freak wave »
2 CA Paris 23 nov. 83, BTL 84 p. 86. & CA Aix 9 oct. 85 Sud
Cargo c/ AGF
3 Lamy Transport 2004 n°1736 n 7
4CA Aix-en-Provence 22 fév. 85
5CA Paris 27 avril 82
6 CA Paris 23 mai 57
7 CA Paris 5 nov. 88
° Obligation de renouveler l'air conformément aux
instructions du chargeur2.
° Lorsque le transporteur n'a pas procède à
l'empotage du conteneur, il n'est pas tenu de contrôler ni de modifier la
température indiquée en cours de route. Il doit simplement
veiller au bon fonctionnement des appareils et installations de
réfrigération.
° En cas de panne de ses installations frigorifiques, le
transporteur doit démontrer le caractère indécelable du
défaut de fonctionnement de son système de
réfrigération.3
° Le transporteur doit également veiller à
ce qu'il n'y ait pas d'interruption de la chaîne du froid4, ni
laisser des conteneurs frigorifiques à quai sans branchement en attente
des opérations de mise a bord.
° Lorsqu'en raison de surbooking, le transporteur est
contraint de laisser des remorques à quai, il doit veiller à
l'alimentation en carburant du système de réfrigération
autonome équipant ces véhicules5.
° Le transporteur doit mettre en place le matériel
nécessaire, en terme de rallonges, pour que des semi remorques
frigorifiques puissent être branchées sur le circuit
électrique de bord6.
Le transporteur doit également veiller à ne pas
trop charger en hauteur car il risque de porter atteinte à la
stabilité de son bâtiment. Il devra favoriser un chargement en
cale. Cependant, certaines marchandises ne peuvent pas être
chargées en cale. Dans ce cas le transporteur procède à
leur chargement en pontée. Il s'agit surtout des animaux vivants et des
marchandises dangereuses que les règlements imposent de transporter en
pontée. Dans certains cas, c'est la coutume qui dictera le transport en
pontée7.
§ 3: La pontée régulière et
irrégulière et le transport d'animaux vivants
Les Règles de La Haye-Visby écartent, de leurs
champs d'application, la pontée dûment déclarée
à 2 conditions : 1- Le contrat de transport doit mentionner que la
marchandise sera transportée en pontée, 2- La marchandise doit
être effectivement transportée en pontée.
Par conséquent, le transporteur peut valablement
stipuler des clauses d'exonération ou de limitation de
responsabilité pour les marchandises transportées effectivement
en pontée et dans les cas de transport d'animaux vivants8. En
pratique, les transporteurs ne manquent pas d'insérer de telles clauses
dans leurs connaissements.
1 Lamy Transport 2004 n° 1736 n° 2
2 Lamy Transport 2004 n°1736 n
4
3Lamy Transport 2004 n° 1736 n 6
4 CA Aix-en-Provence 19 mars 85
5 CA Aix-en-Provence 2 déc. 1999
6 CA Aix-en-Provence 19 mars 85
7 Notamment pour le transport de rondins de bois ou
encore des barres de fer.
8 Art 30 de la loi du 18 juin 1966.
Toutefois, ces clauses demeurent démunies d'effet
lorsqu'il s'agit de chargement de conteneurs à bord de navires munis
d'installations appropriées
Cependant elle reste, à contrario, applicable en cas de
pontée irrégulière comme le précise l'arrêt
de la CA Rouen du 10 nov. 991. Cette décision a
été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt
du 29 avril 2002. En concluant ainsi à l'application exclusive de la
convention internationale, la Cour de cassation laisse entendre que la loi
française et les Règles de Hambourg ne sont pas, en
matière de pontée, considérées comme des lois de
police2.
La loi du 18 juin 1966, dans sa rédaction du 21 dec.
1979, dispose, pour sa part, dans son article 22 al 2 qu'il est interdit au
transporteur, sauf pour les petits cabotages et dans les hypothèses
où des dispositions réglementaires l'imposeraient, de charger des
marchandises sur le pont sans le consentement écrit du chargeur
mentionné au connaissement.
Quant aux Règles de Hambourg, elles considèrent
réguliers les transports en pontée pour lesquels le chargeur a
donné son accord, ceux qui se révèlent conforme aux usages
ou bien encore ceux qui sont imposés par la réglementation en
vigueur
Notons cependant que le transporteur peut
unilatéralement charger en pontée s'il a préalablement
évalué les chances que la marchandise soit acheminée dans
les meilleures conditions qui soient sans subir la moindre avarie. Si dans ce
cas la marchandise arrive effectivement intacte à bon port, la
responsabilité du transporteur ne devrait pas pouvoir être
recherchée au seul titre qu'il a procédé à un
chargement en pontée, type de chargement dont rien n'interdisait
à l'origine.
Ne constitue pas une faute inexcusable, le fait de charger une
caisse, portant des marques distinctives de sensibilité à l'eau,
sur le pont pour un long voyage risqué sans le consentement du chargeur,
ni même l'avoir averti3.
En cas de pontée régulière, le
transporteur n'encourt aucune responsabilité pour les dommages, survenus
à la marchandise, ayant pour origine les aléas de la
pontée. Cependant, cela n'altère en rien son obligation de
veiller soigneusement sur la cargaison malgré les insuffisances
d'emballage et de mesures de protection.
Si la pontée se révèle très
aléatoire pour la cargaison, le transporteur doit prendre encore plus de
précautions, voire refuser de la charger en pontée.
1 Confirmé par Com 29 avril 2002, navire Cam
Iroko Express, DMF 2003. 377, obs. Achard
2 DMF 2003 hors série n° 8 n° 79
3 Com 14 mai 2002, BTL 2002, p. 373.
Le chargement en pontée sans l'autorisation du
chargeur, constitue une faute privative du cas excepté de <<
fortune de mer >> dans la mesure oü la marchandise a directement
souffert de la pontée1.
L'autorisation de charger la marchandise en pontée ne
saurait résulter d'une vague clause d'habilitation
générale et permanente du connaissement du type << carried
on deck at shippers/receivers' risk and expense. Carrier not responsible for
loss or damage however caused >>2. Pour être valable, le
chargement en pontée doit avoir été consenti de
façon écrite dans le connaissement par le chargeur après
qu'il aurait reçu une déclaration écrite destinée
à lui faire connaître d'une façon manifeste que le
transport d'une partie ou de la totalité de la marchandise sera
effectué en pontée
Cependant la doctrine classique (Rodière) et certaines
décisions admettent la validité des clauses d'autorisation sous
réserve que le transporteur avise aussi rapidement que possible le
chargeur du placement de la marchandise en pontée3.
Même si Rodière considère comme licite les
clauses du connaissement dispensant expressément le transporteur
d'aviser le chargeur en cas de chargement en pontée, la jurisprudence se
montre très restrictive et réticente à appliquer de telles
clauses4.
Le prix réduit est un bon indice de l'autorisation du
chargeur en matière de pontée5. En l'absence de
requête d'une telle autorisation préalable, la cour suprême
décide que le transporteur a commis une faute engageant sa
responsabilité6 s'il ne s'agit pas de marchandises dont la
coutume (barres de fer) ou les règlements (matières dangereuses)
préconisent le transport en pontée.
Le caractère dangereux d'une partie de la cargaison
justifie la clause de chargement en pontée7. Ceci s'explique
par le fait que ces marchandises doivent pouvoir être jetées
par-dessus bord à la survenance du moindre sinistre pouvant mettre en
péril le navire, son équipage ainsi que sa cargaison. Bien
entendu, la responsabilité du transporteur ne pourra pas être
engagée pour avoir chargé de telles marchandises en
pontée.
Le projet CNUDCI, quant à lui, considère la
pontée comme une pratique anormale et dispose (art. 24-2) que le
transporteur est responsable de la perte ou des dommages subis par la
marchandise ou du retard de livraison << résultant exclusivement
de leurs transport en pontée >>.
1 Com 22 avril 2002
2 CA Paris 13 mars 2003
3 CA Aix-en-Provence 18 juin 85 BTL 86 p.105 cite au Lamy Tr 2004
n* 1734 ; Com 18 janv. 94 BTL 94 p.
332.
4 CA Paris 19 mai 80 BTL 80 p. 528.
5 CA Paris 22 oct. 2003 BTL 2003, 832
6 Com 29 avril 2002 BTL 2002, p. 335.
7 CA Paris 23 mars 88 DMF 89 p. 230.
Le chargement en pontée au mépris des
instructions expresses du chargeur, de transporter en cale des marchandises
délicates et signalées comme tels, constitue une faute
inexcusable du transporteur ouvrant droit à réparation
intégrale du préjudice subi1.
L'absence d'autorisation du chargeur a été
retenue en cas de transport en pontée : lorsque le connaissement portait
l'indication suivante << marchandise voyage en cale ventilée
>>2 ou << under deck storage only >>3,
ou encore lorsque le chargeur a spécialement contracté pour un
chargement en cale4.
Concernant le transport d'animaux vivants, il faut rappeler
que les Règles de Hambourg du 31 mars 1978 les mentionnent pour la
première fois dans une convention internationale. La Convention de
Bruxelles ne s'applique pas en la matière. Pas contre la loi
française du 18 juin 1966 peut s'appliquer car son article 30 permet
d'insérer au connaissement des clauses dérogatoires aux
dispositions légales.
Le transporteur pourra invoquer son absence de faute pour la
mort des animaux qui à l'origine n'étaient pas capables de
supporter le voyage. Le chargeur reste responsable des pertes subies lorsqu'il
aura confié de tels animaux au transporteur.
Par contre le transporteur devra, pendant le transport de ces
animaux vivants, observer fidèlement toutes les instructions utiles et
réalisables fournies par le chargeur. Encore faut-il que ces
instructions soient suffisamment précises. Nous voici de nouveau dans un
cas où le transporteur devra prouver avoir fait diligence. Encore une
fois il convient de se livrer à une appréciation a priori de ces
diligences. Ce sera bien entendu au chargeur d'établir la faute du
transporteur lorsque celui-ci aura prouvé avoir fait toute diligence que
l'on pouvait s'attendre de lui.
L'article 5 des Règles de Hambourg du 31 mars 1978
permet au transporteur de s'exonérer de ses responsabilités
lorsqu'il prouve qu'il s'est conformé aux instructions du chargeur.
Cependant, en l'absence d'instructions du chargeur, le
transporteur devra quand même prendre toutes les mesures que lui
indiquent la coutume et le bons sens. En effet, en tant que professionnel, il
est censé ne pas ignorer certaines pratiques de base du transport de la
marchandise qu'il s'est proposé de déplacer.
En plus d'éviter toute négligence lors de la
réalisation de ces opérations commerciales, le transporteur devra
se montrer vigilant en ce qui concerne la détection des fautes et la
vérification des déclarations du chargeur afin de pouvoir
utilement faire
1 Com 14 mai 2002 + CA Orléans 9 avril 2004,
DMF, obs. Vialard
2 CA Rouen 7 sept 95 BTL 95 p.732.
3 CA Rouen 18 fév. 99 DMF 2000 p. 231.
4 CA Versailles 30 mars 2000.BTL 2000 p. 542.
part de ses protestations sur le document de transport avant
d'entreprendre la traversée maritime.
CHAPITRE 3
L'ABSENCE DE FAUTE ET LA VIGILANCE DU
TRANSPORTEUR
AU DEBUT DE L'EXPEDITION
MARITIME
Le transporteur devra se montrer vigilant dans la
détection des fautes du chargeur (Section 1) ainsi que dans le cadre des
déclarations de celui-ci (Section 2) afin de pouvoir utilement
émettre des protestations au moment du chargement de la marchandise
(Section 3).
· Section 1: La vigilance dans le détection
des fautes du chargeur.
Les fautes du chargeur peuvent consister dans l'insuffisance
d'emballage, d'étiquetage et/ou de marquage (§1) ou alors dans
l'empotage de conteneur (§2).
§1 : La faute du chargeur pour emballage,
étiquetage et marquage insuffisants
Aux termes des articles 2-i, n et o de la Convention de
Bruxelles, << l'insuffisance d'emballage, l'insuffisance et
l'imperfection des marques de la part du chargeur » libèrent le
transporteur de toute responsabilité en cas de dommages ayant pour
origine lesdites insuffisances. Pour sa part, la loi française du 18
juin 1966 précise dans son article 27-g que le transporteur est
libéré s'il prouve que les pertes ou dommages proviennent
<< des fautes du chargeur notamment dans l'emballage, le conditionnement
ou le marquage des marchandises ».
Donc l'énonciation n'est pas limitative, tout autre faute
du chargeur libère le transporteur maritime du dommage qui
résulte des cas suivants
° Erreurs dans composition et répartition des
lots1.
° Envoi imprudent en raison de la nature des
marchandises2.
° Etat de guerre civile dans le pays de destination de la
marchandise3.
1
T.com., mars 24 mars 78 2CA Aix 14
déc. 78
3
T.com., Paris 13 juin 79
En transport maritime, l'emballage et le conditionnement de la
marchandise incombent à l'expéditeur. Un chargeur ne peut pas
reprocher au transporteur de ne pas avoir lui-même procédé
à l'emballage1. Inversement, le transporteur ne peut, sans
demander des instructions au chargeur, prendre l'initiative de modifier le
conditionnement d'une marchandise2.
Hormis les matières dangereuses, il n'existe pas de
réglementation spéciale précisant les
caractéristiques des emballages maritimes et du conditionnement
intérieur.
Attention la question de l'emballage ne s'apprécie pas
uniquement au regard des conditions de mer exceptionnelles ou de la
période de la traversée. Il faut « apprécier si, eu
égard à la nature de la marchandise, l'emballage était
suffisant pour résister aux manutentions portuaires, à la
pression en cale,aux mouvement du navire en mer, au désarrimage, a la
durée du parcours...etc ... »3
Les juges peuvent retenir ce cas excepte en dehors de toute
circonstance particulière4 . Quelques arrêts
récents exonèrent le transporteur pour les fautes du chargeur au
moment de l'empotage5 .
Le transporteur peut également bénéficier
de la possibilité d'un partage de responsabilité. Ex : Lorsque le
transporteur arrime, contre les parois malpropres et rouillées de la
cale, des marchandises pour lesquelles le chargeur a choisi un emballage de
qualité bien inférieure6.
Attention, l'absence de réserves à
l'embarquement n'empêche pas d'établir la faute du chargeur par la
suite7. C'est par exemple le cas où c'est le chargeur qui a
lui même procédé à l'empotage du conteneur qu'il
remet scellé et plombé au transporteur.
§ 2 : La faute du chargeur dans l'empotage du
conteneur.
En principe c'est le chargeur qui est supposé empoter
son conteneur. Ses carences libèrent le transporteur de toute perte ou
avaries résultant de l'empotage incorrect. Exemples :
° Le défaut d'arrimage à l'intérieur du
conteneur8 ° La mauvaise congélation de la
marchandise9
1 CA Rouen 20 déc. 2001, DMF 2002, p. 515.
2 Com 11 mars 1975, BT1975, p. 238.
3 Lamy transport 2004 p.272.
4 CA Aix-en-Provence 10 sept 92
5CA Aix-en-Provence 16 janv. 2003 ; Aix 6 avr 2000 ;
Aix 29 juin 2000
6 CA Paris 21 fév. 2001
7 Com 15 mai 2001 ; Aix 16 janv. 2003 ; Paris 23 oct.
2002 ; Versailles 5 avril 2001
8 CA Paris 23 oct. 2002, BTL 2002, p. 830.
9 CA Aix-en-Provence 16 janv. 2003. DMF 2003, p.588
° L'absence de pré réfrigérations avant
l'empotage1
° Empotage trop compact dans un conteneur frigorifique
empêchant l'air froid de circuler2
Attention, bien qu'il ait fourni un conteneur imparfaitement
étanche au niveau des portes, le transporteur s'est vu
exonéré de sa responsabilité en établissant que la
marchandise était mal conditionnée et que le conteneur
n'était pas assez ventilé.3..
Dans le cas des conteneurs fournis ou choisis par le chargeur,
les avaries et pertes résultant du mauvais état du conteneur
4 ou de son défaut
d'étanchéité5 ou encore du mauvais choix du
conteneur restent à sa propre charge. Cependant, puisque sa faute
pourrait rétablir en partie sa responsabilité, le transporteur
devra se montrer vigilant et ne pas en commettre.
Le transporteur devrait même conseiller au chargeur le
type de conteneur à choisir, car dans le cas où celui-ci irait
contre son avis, les éventuelles avaries résultantes du non
respect du conseil, auront à être supportées uniquement par
le chargeur. Le transporteur doit, de plus, se montrer très vigilant en
ce qu'il s'agit des déclarations du chargeur.
· Section 2: Les déclarations du
chargeur.
Le transporteur doit vérifier toutes les
déclarations du chargeur (§1) et, à la demande de celui-ci,
prendre bonne note des « déclarations de valeur » (§2)
pour les marchandises dont la valeur est nettement supérieure au plafond
de limitation de réparation des dommages encourus.
-Ss 1 : La vérification des déclarations du
chargeur
Le chargeur doit - 1, déclarer par écrit au
transporteur tous les éléments permettant d'identifier la
marchandise (nature, poids, type d'emballage, marques, nombre de colis) et de
faire une déclaration spéciale pour les marchandises dangereuses.
-2, apposer sur les colis des marques d'une lisibilité suffisante pour
en permettre l'identification jusqu'à la fin du voyage6.
1 CA Rouen 8 déc. 1998. DMF 2000, p. 126.
2 CA Aix-en-Provence 24 fév. 94
3 CA Aix-en-Provence 27 fév. 97, Lamy 2004 n° 437.
4 Com 27 oct. 98. BTL 98 p. 803.
5 CA Aix-en-Provence 27 mai 98.
6 Lamy Transport 2004, n° 427.
Les compagnies maritimes se réservent
généralement, par les clauses d'un connaissement, le droit de
procéder à la vérification des déclarations du
chargeur relatives au poids, mesures, contenu, valeur des marchandises etc, par
les moyens de leurs choix.
L'art 3-3 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924,
permet au transporteur de refuser d'insérer dans le connaissement les
déclarations « dont il a des raisons sérieuses de
soupçonner qu'elles ne représentent pas exactement les
marchandises reçues par lui... ou qu'il n'a pas eu les moyens
raisonnables de vérifier >>.
Cette vérification, qui s'effectue en
général au moment de la prise en charge des marchandises au port
d'embarquement, peut très bien, aux dires de la CA de
Nouméa1, avoir lieu avant la livraison au port de
destination, notamment dans le cadre d'une expertise judiciaire.
Normalement le chargeur commet une faute s'il n'attire pas
l'attention du chargeur sur la particularité de sa marchandise.
Cependant le chargeur n'est pas obligé de signaler les
pratiques de base au transporteur professionnel car celui ci n'est pas
supposé ignorer certaines pratiques que le chargeur est
légitimement en droit de s'attendre de lui.
# Le chargeur n'a pas à indiquer au transporteur
spécialisé en transport de
viande congelée qu'il faut la conserver à une
température de 1 degré Celsius2
# Le bon sens voudrait que « quand on charge un conteneur
frigo qui est plein,
c'est pour le transporter à une certaine
température de froid >>3 .
Le chargeur n'a pas, non plus, à rappeler verbalement au
transporteur les consignes qu'il a clairement signalées sur l'emballage
de son colis4.
Le transporteur peut également voir sa faute retenue
pour avoir suivi à la lettre les consignes du chargeur. En effet, sous
peine d'être déclaré en partie responsable, le transporteur
maritime est tenu de déceler les erreurs manifestes pouvant être
contenues dans les instructions de chargement d'ès lors qu'il en avait
les moyens5.
« Toute fausse déclaration, ou simplement
inexacte,(commise délibérément), ayant
entraîné l'application d'un tarif inférieur à celui
qui aurait dû être appliqué si l'expédition avait
été correctement déclaré ouvre droit, au profit du
transporteur, à une action en redressement du prix du transport
>>.6
1 CA Nouméa, 17juillet 1979, BT 1979 p.494.
2 CA Anvers 23 avril 80
3
T.com Marseille 14 juin 02
4CA Rouen 22 sept 88
5 CA Versailles, 29 juin 1999, CGM/ SCAC, Lamyline.
6 Lamy Transport 2004, p.275.
L'inexactitude délibérée portant sur les
marques, le nombre, la quantité ou la qualité des marchandises ne
peut être invoquée par le transporteur qu'auprès du
chargeur. Elles ne peuvent aucunement l'être auprès du
réceptionnaire de bonne foi, envers lequel il demeure responsable des
marchandises telles que décrites au connaissement.
Les dommages subis par une cargaison dont le poids a
volontairement été minoré par le chargeur ne sont
réparés qu'à hauteur du poids effectivement
déclaré1 et laissent le transporteur irresponsable de
la surcharge non déclarée. Pareillement, les frais de manutention
supplémentaires doivent être supportés par le chargeur qui
a délibérément minoré le poids de son envoi lors de
la déclaration au transporteur2.
Lorsque la fausse déclaration consciente porte sur la
nature ou la valeur des marchandises, le transporteur n'encourt aucune
responsabilité en cas de pertes ou avaries survenues à ces
marchandises. Cette sanction opère même s'il n'y a pas de rapport
de causalité entre la déclaration inexacte et le dommage
subi3.
Si le transporteur n'a émis aucune réserve quant
à une inexactitude apparente dans les déclarations du chargeur,
la jurisprudence considère qu'il a commis une faute au détriment
du porteur du connaissement4. Peut-on transposer cette règle
en matière de déclaration de valeur ?
Ss 2: La déclaration de valeur
Le caractère d'utilité publique que revêt
le transport maritime de marchandises a depuis toujours organisé un
régime plus ou moins favorable au profit du transporteur. C'est ainsi
que hormis le cas des fautes dolosives ou inexcusables, l'obligation de
réparation du transporteur a depuis toujours été
cantonnée à l'intérieur d'un plafond dont la hauteur n'a
pas cessé de varier au fil des époques.
Quoi qu'il en soit, le seuil de ce plafond de limitation de
réparation des dommages a depuis toujours été
inférieure à la valeur réelle de la plupart (pour ne pas
dire la quasi-totalité) des marchandises transportées. Afin
d'échapper à cette limitation, le choix est laissé au
chargeur de faire, en contrepartie d'une majoration du fret, une
déclaration de la valeur des marchandises qu'il expédie, car en
cas de perte, il sera indemnisé à hauteur de la valeur
intégrale de la marchandise déclarée.
Le transporteur doit prendre note de cette déclaration
d'ès que la demande lui en est faite. Il commet une faute s'il refuse de
faire droit à une telle demande tout en acceptant le chargement.
Cependant, sera t'il en situation d'absence de faute si, ayant des raisons de
penser que la traversée sera particulièrement difficultueuse, il
refuse un chargement pour lequel son expéditeur a exprimé le
désir de faire une déclaration de
1 CA Aix-en-Provence, 5 déc. 84,
2
T. com. Bobigny, 9 juill. 1993, Marfret c/
MGG Auto et autres.
3 CA Paris, 20 mars 1969, DMF 1969, p. 735.
4 CA Aix-en-Provence, 22 oct. 1991.
valeur ? Nous n'avons trouvé aucune trace d'une telle
question posée au juge. En toute évidence, dans le cadre d'un
contrat consensuel comme celui du transport de marchandises, les parties
conservent le droit de choisir s'il veulent ou non contracter.
Mais encore, concernant la transposition du raisonnement
retenu pour les autres déclarations du chargeur, est-ce que le
transporteur a droit de s'opposer à une déclaration de valeur qui
lui semblerait manifestement et sciemment inexacte ? Bien sur que oui. L'art
3-3 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, permet au transporteur
de refuser d'insérer dans le connaissement les déclarations
<< dont il a des raisons sérieuses de soupçonner qu'elles
ne représentent pas exactement les marchandises reçues par lui...
»
Cependant, même s'il ne s'est pas rendu compte des
inexactitudes, l'article 31 de la loi française du 18 juin 1966 dispose
en somme qu'en cas de déclaration sciemment inexacte de la valeur et de
la nature de la marchandise par l'expéditeur, le transporteur n'encourt
aucune responsabilité pour les pertes ou dommages survenus à ces
marchandises.
Pour sa part, l'art 4 §5 al 4 de la Convention de Bruxelles
dispose que :
<< Ni le transporteur ni le navire ne seront en aucun
cas responsables pour perte ou dommage causé aux marchandises ou les
concernant, si dans le connaissement le chargeur a fait sciemment une
déclaration fausse de leur nature ou de leur valeur ». Cela suppose
que le caractère inexact des déclarations soit prouvé. Or,
la preuve d'un tel élément se révèle très
difficile à ramener en pratique.
Qu'en est il des cas où le chargeur omet volontairement
de faire une déclaration de valeur ? Celui-ci a bien entendu le droit de
courir le risque de subir les conséquences d'une éventuelle
perte. Mais le transporteur, a t-il pour autant une obligation d'attirer
l'attention du chargeur sur cette modalité ? Aucun texte ne semble
l'imposer au transporteur, hormis l'obligation de conseil du professionnel
pesant sur sa tête.
Intéressons nous, d'ès à présent, au
problème des protestations au moment du chargement.
· Section 3:Le problème des protestations
au moment du chargement.
Les protestations au moment du chargement se font aux moyens
de réserves inscrites au recto du connaissement. Ces réserves
obéissent, par ailleurs, à plusieurs conditions de
validité (§1). Cependant il se peut que, pour des besoins de
crédit documentaire, le chargeur demande au transporteur de
volontairement s'abstenir à prendre des réserves (§2). Dans
ce cas, le transporteur doit veiller à se faire remettre une lettre de
garantie (§3).
§ 1 : La validité des réserves.
La loi française du 18 juin 1966 permet au transporteur
de formuler des réserves dans deux cas : 1 ; lorsqu'il « sait ou a
des raisons de soupçonner » que les indications du chargeur sont
inexactes. 2 ; lorsqu'il n'avait pas « les moyens suffisants de
contrôler les déclarations du chargeur ». Cette loi
précise que les réserves doivent être
précises et motivées.
L'art 16 des Règles de Hambourg du 31 mars 1978
dispose, quant à lui, que le transporteur doit faire des réserves
suffisamment claires et précises pour relever les inexactitudes, s'il
sait ou a des raisons de soupçonner que les indications reprises au
connaissement ne représentent pas exactement les marchandises prises en
charge ou s'il n'a pas eu les moyens satisfaisants de contrôler ces
indications, la raison de ses soupçons ou l'absence des moyens de
contrôle suffisants
Nous avons déjà vu que 'art 3-3 de la Convention
de Bruxelles du 25 août 1924, permet au transporteur de refuser
d'insérer dans le connaissement les déclarations « dont il a
des raisons sérieuses de soupçonner qu'elles ne
représentent pas exactement les marchandises reçues par lui ou
qu'il n'a pas eu les moyens raisonnables de vérifier ».
La faute du transporteur vis-à-vis des réserves
c'est soit de ne pas en avoir pris quand il fallait en prendre, ou d'en avoir
pris alors qu'il ne devait pas en prendre ou enfin, de ne pas les avoir prises
correctement. Ce qui conduit à se demander quand (A) et comment (B) les
prendre ?
A : L'opportunité de prendre des
réserves.
Le transporteur doit savoir quand sera-t-il autorisé
à prendre des réserves. La première réponse qui
vient à l'esprit c'est quand il constate des avaries flagrantes, ou du
moins apparentes, affectant la marchandise. Ensuite, il peut s'agir d'une non
concordance entre les déclarations du chargeur et les constatations du
transporteur. Il peut aussi s'agir des cas où le transporteur n'a pas eu
les moyens de pouvoir vérifier les dires du chargeur. Mais encore, quand
on lui aura strictement interdit d'en prendre.
A cet égard, la CA d'Anvers indique que réserves
ne sont pas valables d'ès lors que les marchandises sont suffisamment
individualisées au connaissement ou alors quand le transporteur avait un
moyen raisonnable de contrôler les opérations de (chargement ou
de) déchargement1.
Il faut aussi que être transporteur sache qu'aucun texte
n'exige que les réserves soient acceptées par le chargeur. Par
conséquent lorsque celui-ci obtient une délivrance tardive du
connaissement, il semble que le chargeur a le droit de refuser le
1 CA Anvers 2 mai 1979.
connaissement et d'obtenir des dommages et
intérêts si l'apposition des réserves non justifiées
lui a causé un préjudice1. Dans ce cas, le
transporteur ne pourra bien évidemment pas prétendre être
dans une situation d'absence de faute
Le chargeur ne peut pas s'opposer à l'inscription de
réserves au connaissement quand celles ci sont complètement
justifiées et qu'elles ne font que relater un fait exact2.
Les dispositions légales autorisent implicitement le
transporteur a formuler des réserves sur ce qu'il constate à
propos de << l'état et le conditionnement apparent des
marchandises » ainsi que sur l'état extérieur des
conteneurs3. Le transporteur ne pourra pas se prévaloir de la
clause << said to contain » lorsqu'il lui aurait
été possible de constater les manquants sans avoir à
ouvrir les conteneurs ni les sacs.
B : Les critères de validité des
réserves .
Le transporteur doit inscrire les réserves sur le
connaissement car au cas contraire (ex : adressées au chargeur par
lettre séparée) elles ne seront pas opposables au destinataire ni
au porteur du titre. Toutefois, celles adressées par lettre
séparée garantissent tout de même au transporteur maritime
de marchandises un droit d'action récursoire à l'encontre du
chargeur4.
Cependant la jurisprudence se montre réticente à
l'égard des réserves trop générales ou
imprécises mais aussi à l'égard des réserves qui ne
permettent pas au transporteur de rapporter la preuve du lien de
causalité entre le dommage subi et les défectuosités qui
sont à l'origines des réserves. Le transporteur désirant
se libérer doit toujours prouver que le dommage constaté à
la livraison résulte précisément et exclusivement de ces
défectuosités5
Les réserves valides font tomber la présomption
selon laquelle le transporteur a reçu les marchandises en bon
état. Du coup, la charge de la preuve se renverse et c'est d'ès
lors à l'expéditeur ou au destinataire qu'il incombera de
rapporter la preuve des dommages6.
Signalons cette décision quelque peu isolée de la
CA d'Aix-en-Provence, en date du 16 sept 1993, qui vînt affirmer que
<< des réserves valides n'ont pas pour effet de
1 Rodière, Portée des réserves inscrites sur
un connaissement tardivement délivré, BT 1977 p.90.
2 CA Aix-en-Provence 26 juin 1956, BT 1956, p. 222.
3 CA Paris 7 mai 1999, Responsabilité du
transporteur pour la moisissure provoquée par l'eau ayant
pénètre un conteneur dont le trou apparent n'a pas fait l'objet
de réserves par le transporteur au moment de la prise en charge de la
marchandise.
4 Cass Com 25 mai 93.
5 CA Paris 13 mai 1982, DMF 1983, p. 173.
6 Art 36 de la loi française du 18 juin
1966.
renverser la charge de la preuve, elles peuvent seulement
faciliter l'administration par le transporteur de la preuve d'une cause
d'exonération de responsabilité1.
Pour les réserves portant sur des marchandises
logées en conteneur, il convient de savoir si, en l'absence de toute
vérification préalable, le transporteur commet une faute
lorsqu'il ne met pas en doute les déclarations du chargeur a propos des
marchandises contenues dans un conteneur clos et scellé qui lui est
remis par celui-ci.
En matière de clauses passe-partout2, selon
l'expression du doyen Rodière, même si la Convention de Bruxelles
est moins exigeante sur ce point, la Cour de cassation avance que celles-ci,
sans autre motivation, ne sont que des clauses de style et ne peuvent en aucun
cas constituer des réserves motivées en raison de leurs
imprécision.
La clause << said to contain » n'est pas
jugée valable lorsque le transporteur pouvait aisément constater
les manquants sans ouvrir les conteneurs ni ouvrir les sacs3. Elle
n'est pas non plus valable lorsque le transporteur a porté des
énonciations précises au connaissement ou qu'il a
mentionné le nombre de sacs et le poids de la marchandise y
correspondant dans chaque conteneur4.
La description de la marchandise sur le connaissement
l'emporte sur les clauses de style car comme le souligne le doyen
Rodière, << il ne s'agit pas de savoir si le transporteur maritime
a vérifié ou a pu vérifier le contenu ; il s'agit de
savoir ce que le transporteur a accepté d'indiquer sur le connaissement
; s'il fait confiance au chargeur au point de porter des mentions qu'il n'a pas
vérifiées5 ». Ces clauses ne peuvent pas porter
atteinte à la force probante des énonciations du connaissement
quant à la quantité des marchandises ; ainsi le transporteur
demeure garant du poids mentionné au connaissement.
Indiquons enfin que les réserves non manuscrites
(cachet d'une formule préparée d'avance) ne sont pas en soi
irrecevables. Dans ces hypothèses le transporteur maritime de
marchandises devra cependant rapporter la preuve de leur justification.
§ 2: L'abstention volontaire et involontaire de
prendre des réserves
Le transporteur n'ayant pris aucune réserve au moment
de la prise en charge est présumé avoir reçu la
marchandise en bon état ou complètes. Il s'agit d'une
présomption simple dont la preuve contraire peut être
rapportée par tous moyens en matière
1 CA Aix-en-Provence 16 sept 1993, BTL 1993, p. 918,
cite au Lamy Transports 2004 n* 472.
2 Exemple : << sans responsabilité pour
les manquants ou avaries pouvant survenir au cours des opérations
d'embarquement ou de déchargement, ainsi qu'au cours du transport
3 CA Rouen 29 juin 1989 DMF 1991, p. 638.
4 CA Aix-en-Provence 5 juillet 1985.
5 Rodière BT 1975, p. 307, cité au Lamy Transports
n° 469.
commerciale. Par conséquent, l'émission d'un
connaissement net de réserves n'empêche pas le transporteur
d'établir valablement sa non responsabilité1.
La Convention de Bruxelles du 25 août 1924 dans son
article 3-4 dispose que le connaissement vaut présomption de la
réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y st
décrites. Cette preuve contraire peut être établie pour
toute cause ne provenant pas du fait du transporteur : le vice propre de la
marchandise, les manquants au départ, l'insuffisance d'emballage,
etc.
Il convient de rappeler que la mention << quality unknown
>> sur le connaissement enlève le caractère << clean
on board >> du document de transport.2
La loi française du 18 juin 1966 dispose quant à
elle dans son article 18 al 2
que le connaissement fait preuve absolue de ses
énonciations relatives à la marchandise à l'égard
du tiers porteur de bonne foi.
En raison des insuffisances de la Convention de Bruxelles du
25 août 1924 relatives aux tiers porteur du connaissement, le protocole
du 23 février 1968 vînt ajouter une disposition selon laquelle
<< La preuve contraire n'est pas admise lorsque le connaissement a
été transféré a un tiers porteur de bonne foi
>> ; solution confirmée par la Cour de cassation3
Concernant les Règles de Hambourg du 31 mars 1978,
l'article 16 dicte que le transporteur n'ayant pas fait mention de
l'état apparent des marchandises est réputé avoir
mentionné dans le connaissement que les marchandises étaient en
bon état apparent.
En cas d'abstention volontaire de réserves à
l'embarquement, << l'article 20, al2 de la loi du 18 juin 1966 interdit
au transporteur de se prévaloir de la dite absence de réserve qui
eût dû être portée au connaissement, d'ès
lorsqu'il avait connaissance, lors de la signature de connaissement, de
l'état défectueux de la marchandise, décrit sur le bon
d'embarquement La Cour d'Appel ajoute que le transporteur ne peut ainsi
<< invoquer une faute du chargeur relativement à des dommages
(subies par) la marchandise dont il a eu connaissance, ayant accepté en
connaissance de cause d'émettre un connaissement omettant les
réserves qui eussent dû y être portées
>>4.
<< L'absence de réserves sur le connaissement ne
prive pas le transporteur de la possibilité d'établir que le
dommage est dû au vice propre de la marchandise5 ; quelque
soit la nature de celui-ci, vice caché ou apparent même lorsque le
connaissement a été transmis à un porteur de bonne
foi6
1 Com 15 mai 2001 et CA Versailles 30 mars 2000, BTL
2000, p.541.
2 CA Rennes 10 oct. 1985, DMF 1987, p. 46.
3 Com 7 dec. 1983, BT1984, p. 414 et Com 25 sept 1984,
Revue Scapel 1986, p. 22.
4 CA Paris 12 sept. 2002, DMF 2003. 665, note Tassel,
cite au DMF 2004, hors série n° 6, n° 83.
5 Aix-en-Provence 16 déc. 99.
6 Com 16 fév. 88.
Le transporteur ayant volontairement omis d'apposer des
réserves sur le connaissement, ne peut plus ensuite « se
prévaloir de ce défaut pour éluder sa
responsabilité et ne bénéficiera pas de la limitation
légale de responsabilité prévue » par la
loi1
Cette abstention volontaire d'apposition de réserves
est interprétée par la Cour de cassation comme une
négligence de nature à engager la responsabilité du
transporteur2.
Les juridictions du fond se rangent sur cette position de la
Cour de cassation3, et vont encore plus loin en décidant que
le transporteur commet non seulement une faute, il se fait aussi, en quelque
sortes, le complice de la fraude commise par le chargeur au détriment du
porteur du connaissement4.
Une telle omission fautive interdit au transporteur de
réclamer des surestaries pour le retard apporté au
déchargement d'une cargaison de grains rendue impossible par
l'aspiration en raison des avaries5, on encore d'invoquer, vis
à vis du destinataire, le vice propre de la marchandise, quand bien
même celui-ci aurait connu antérieurement au chargement, les
mauvaises conditions de stockage6.
Par contre la responsabilité du transporteur n'a pas
été retenue dans des situations où il n'avait aucune
raison de douter de l'exactitude des déclarations du chargeur, ni dans
le cas ou l'emballage de la marchandise était normal d'apparence et ne
présentait extérieurement pas de traces7
Le transporteur ne peut non plus être rendu responsable
pour absence volontaire de réserves, lorsqu'il est constant que les
méthodes de calcul de poids de la marchandise sont
imprécises8
§ 3 : Mécanisme de la lettre de garantie
L'obtention d'un connaissement clean on board
s'avère indispensable pour les marchandises faisant l'objet d'une
opération de crédit documentaire. C'est ainsi que les chargeurs
demandent fréquemment au transporteur de s'abstenir dans l'apposition de
réserves en échange d'une lettre de garantie. Cette lettre, dont
le transporteur n'en fait
1 Art 20 de la loi française du 18 juin
1966.
2 Com 31 janvier 1989, DMF 1991, p. 396.
3 CA Paris 12 sept 2002, BTL 2002, p. 640.
4 CA Aix-en-Provence 20 mars 1979, Revue Scapel 1979,
p.53.
5 Com 15 juill. 1969, BTL 1969, p.338.
6 CA Paris 12 sept 2002, BTL 2002, p. 640.
7 CA Aix-en-Provence 16 dec. 1999, BTL 2000, p.
119.
8 CA Rouen 19 nov. 1987 DMF 1988, p. 754.
état qu'en cas de réclamation, dégage le
transporteur de sa responsabilité et le couvre contre toutes
réclamations ultérieures.
La validité de principe de cette lettre de garantie
entre les parties signataires est consacrée par l'art 20 de la loi
française du 18 juin 1966. Par voie de conséquence, la lettre de
garantie demeure nulle et sans effet à l'égard des tiers
même si ceux-ci peuvent s'en prévaloir à l'encontre du
chargeur.
Pour la lettre de garantie frauduleuse1 La
jurisprudence retient la responsabilité du transporteur pour la
totalité sans que celui-ci puisse ni éluder sa
responsabilité par le jeu des cas exceptés, ni se
prévaloir de la limitation des indemnités dues au porteur du
connaissement.
De plus la lettre de garantie frauduleuse fait perdre au
transporteur le bénéfice de sa propre assurance contractée
auprès de son P&I club.
La jurisprudence déclare nulle la lettre de garantie
demandée au chargeur avant la fin de l'embarquement et
rédigée après l'émission des connaissements
d'ès lors qu'une vigilance suffit à déceler des
défauts flagrants évitant l'émission de connaissement nets
de réserves2.
Aux terme de l'article 17 al 2 et 4 des Règles de
Hambourg du 31 mars 1978, le transporteur perd son recours indemnitaire contre
le chargeur lorsqu'il a eu l'intention de léser des tiers , notamment le
destinataire, en s'abstenant de prendre des réserves.
Une fois toutes ces obligations pleinement remplies, le
transporteur peut s'aventurer sereinement dans l'exécution de la
traversée maritime proprement dite.
1 Celle destinée à tromper les tiers
sur l'état apparent de la marchandise décrite au
connaissement.
2 CA Paris 7 nov. 88, DMF 1989 p; 655.
DEUXIEME PARTIE:
L'ABSENCE DE FAUTE PENDANT
L'EXPEDITION MARITIME.
Au cours de la deuxième partie de cet exposé,
nous serons amenés à étudier l'absence de faute du
transporteur en relation avec sa responsabilité extracontractuelle
(Chapitre 1) et lors des événements dépendant de sa
volonté (Chapitre 2) avant de nous intéresser aux dommages
encourus en dehors de toute faute de sa part (Chapitre 3).
CHAPITRE 1:
L'ABSENCE DE FAUTE ET LA RESPONSABILITE
EXTRA-
CONTRACTUELLE DU TRANSPORTEUR MARITIME DE
MARCHANDISES1.
Nous écarterons les fautes personnelles du transporteur
car elles consistent essentiellement dans la fourniture d'un navire en mauvais
état de navigabilité (voir supra). Par contre nous nous
intéresserons à sa responsabilité objective dans le cadre
de l'article 1384 dommages et intérêts Code civil (Section 1)
ainsi qu'à sa responsabilité en cas d'abordage (Section 2).
· Section 1 : L'absence de faute et la
responsabilité objective du transporteur maritime de marchandises (art
1384-1 du code civil)
Cette section sera consacrée à la
responsabilité du transporteur pour les fautes commises par ses
préposés (§1) et pour les dommages encourus en dehors des
cas d'abordage (§2).
§1 : La responsabilité du transporteur pour les
fautes commises par ses préposés
L'article 3 de la loi du 3 janvier 1969, reprenant les
dispositions de l'article 216 du code de commerce, dispose que « Tout
propriétaire de navire est civilement responsables des faits du
capitaine ». Même si, comme nous le verrons, le transporteur peut
s'exonérer des fautes nautiques du capitaine, il demeure responsable en
première ligne des fautes de ses préposés.
1 La responsabilité extracontractuelle de
l'armateur, Thèse de Patricia Riotte , Aix-en-Provence 1985.
Par conséquent, puisque le transporteur répond
des fautes de ses préposés maritimes et terrestres dans les
termes du droit commun, il doit être à même d'exercer un
contrôle constant sur les activités de ses préposés
afin de se retrouver dans une situation d'absence de faute. Précisons
tout de même que les fautes terrestres des préposés
terrestres demeurent soumises au droit commun en dehors des opérations
expressément soumises au droit maritime.
C'est ainsi que le transporteur ne pourra pas invoquer son
absence de faute dans le cadre des dommages subis par la marchandise en raison
de la faute des entreprises de manutention à qui il a fait appel
;celles-ci étant d'ès lors considérées comme ses
préposés terrestres (voir supra).
Par conséquent, les dommages dus à la manutention
par un acconier agissant pour le compte du transporteur restent à la
charge de ce dernier1. Mais encore, lorsque le transporteur
émet un connaissement de bout en bout il demeure responsable des
dommages causés du fait des transporteurs auquel il s'est
adressé2.
Hormis la faute de ses préposés et le cas des
abordages, que nous étudierons plus loin, le transporteur se trouvera
également tenu des dommages afférents à la
responsabilité objective qui pèse sur sa tête.
§2 : La responsabilité du transporteur pour les
dommages encourus en dehors de la faute de ses préposés et des
cas d'abordage.
La responsabilité du transporteur maritime de
marchandises peut aussi consister en une responsabilité objective. Il
s'agit, plus précisément là, de la responsabilité
du fait du navire applicable en droit maritime. Le transporteur maritime de
marchandises devra encore ici tenir compte de cette éventualité
et faire diligence nécessaire pour ne pas se voir reprocher une faute
En cas de dommages encourus en raison des faits du navire, la
jurisprudence fait application de l'article 1384 al 1 du code civil. Le recours
à cette règle a été clairement affirmé par
la Cour de cassation dans l'arrêt Lamoricière3
en 1951. Cette jurisprudence a par la suite été
réaffirmée dans l'affaire du navire
Champollion4 ainsi que par un célèbre
arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation dans l'affaire du
France5. Dans tous ces arrêts, la Cour de cassation
considère le transporteur comme gardien du navire et c'est à ce
titre là que le transporteur se fait sanctionner.
La responsabilité du transporteur a ainsi
été retenue dans la cas d'une noyade provoquée par des
vagues ayant déséquilibre la victime se trouvant sur une
crique
1 CA Aix-en-Provence 30 nov. 77
2 CA Bordeaux 8 jan 87
3 Cour de cassation 19 juin 1951, D 1951, p.717.
4 Cour de cassation 23 janvier 1969, D 1959, p. 281
5 Cour de cassation 4 déc. 1981, DMF 1982, p.
140.
fréquentée lors du passage d'un navire au cours
d'une journée oü le temps était beau et calme1.
Le transporteur ne peut donc pas invoquer son absence de faute pour les
dommages causés par les remous (wash) provoqués par son
navire.
Le problème des dommages à terre par des remous a
également été rencontré dans l'affaire du navire
Neinburg2
L'article 1384 trouvera également à s'appliquer
dans les cas oü le navire entre en collision avec des installations
terrestres, ou même des installations maritimes n'ayant pas le statut de
navire, voire lorsqu'il périt en mer hors abordage. De plus, les
dommages corporels subis par les membres de l'équipage, victimes de la
chute d'un élément ou apparat du navire, devront être
réparés sur le fondement de l'article 1384.
Toutefois il convient de préciser que le fondement de
l'article 1384 al 1 ne peut sans doute pas être retenue pour les cas
d'abordages. En effet cette institution obéit à des règles
précises du droit maritime qu'il nous convient d'ès à
présent d'aborder.
· Section 2 :L'absence de faute dans les incidents
d'abordage.
Le code de commerce désigne l'abordage comme le
<< heurt de deux navires au cours de la navigation ». Le doyen
G.Ripert mettait déjà en relief les deux caractères
nécessaires de l'abordage. D'une part la collision doit
intéresser un bâtiment de mer et il faut que l'avarie provienne du
heurt matériel entre deux bâtiments d'autre part3.
Autrefois les abordages étaient rares et sans grande
conséquence comme le disait expressément Valin, cité par
le doyen Rodière, << Les abordages en route se font rares ; ceux
en rade le sont en peu moins ; mais au port, ils sont assez communs par la
quantité de navires qui abordent au quai ou qui le quittent
»4.
L'abordage est aujourd'hui régi par la convention de
1910 dont l'essentiel des dispositions a été reprise par la loi
du 7 juillet 1967. L'article 3 de cette loi précise que << si
l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la
réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ».
Ce régime est donc basé sur la faute et cette faute, aux termes
de l'article 6 de la convention, n'est pas présumée. Il s'ensuit
que la victime des dommages souhaitant obtenir réparation du
préjudice qu'elle a subi, devra démontrer la faute du
transporteur. Celui-ci devra bien évidemment tout faire pour
établir son absence de faute.
Précisons tout de même que le régime
d'abordage, qui s'applique que dans les relations extracontractuelles, ne
trouve pas application dans les cas de collisions entre
1Civ 10 juin 2004 DMF fév. 2005. p109
2 CA Rouen 24 nov. 1983, DMF 1984, p. 736.
3 G.Ripert, Droit Maritime, t III, n°2068.
4 R.Rodière, Traité
général de Droit Maritime, t I, n°8.édition 1972.
deux bâtiments qui sont liés par un rapport
contractuel et pendant l'exécution dudit contrat. Tel est le cas pour
des opérations de lamanage, de remorquage, de pilotage ...etc.
Le transporteur maritime de marchandises peut rarement
invoquer son absence de faute dans les cas d'abordages. Ils sont en effet la
plupart du temps le fait d'une décision humaine. Par exemple en cas de
disfonctionnement de la barre, c'est jusqu'au transporteur que la
responsabilité remontera en raison d'un problème de
navigabilité dont son navire fait l'objet.
Cependant dans d'autres cas le transporteur maritime de
marchandises pourra tout de même invoquer son absence de faute si le
heurt a pour origine l'exécution d'un ordre du capitaine ou encore d'une
mauvaise manoeuvre de la passerelle.
L'absence de faute du transporteur peut aussi se retrouver dans
le cas de l'abordage fortuit dû à un cas de force majeure.
Toutefois, il ne peut y avoir absence de faute du transporteur
en cas d'abordage douteux car cette institution retient par essence le concours
des fautes des navires impliqués dans la collision, d'où
l'idée de partage de torts et de responsabilités.
La notion d'abordage a été étendue
à celle d'abordage sans heurt. Il convient donc d'étudier si,
dans une telle hypothèse, le transporteur pourra invoquer son absence de
faute. Dans l'affaire du Ginousse1, la responsabilité du
transporteur a été retenue car l'ancre du navire avait
arraché des canalisations de gaz et ainsi provoqué une explosion
projetant en l'air une embarcation qui assistait le Ginousse dans le relevage
de son ancre.
Le Professeur Bonassies avance que la notion d'abordage ne
devrait pas être retenue dans un tel cas car le dommage trouve son
origine dans le fait d'un apparat du navire et non pas dans le fait du navire
lui même2.
Pour notre part, nous ne partageons pas cet avis car en
matière de la responsabilité du fait des navires, les
éléments et apparats du navire devraient être
rattachés à celui-ci en tant qu'immeubles par destination.
Prenons comme exemple la roue avant d'une voiture qui s'arrache pendant que la
voiture circule pour aller écraser une vitrine, peut on écarter
l'application de la Loi n° 85/677 du 5 juillet 1985 en matière
d'indemnisation des victimes d'accidents impliquant un véhicule
terrestre à moteur au motif que ce n'est pas la voiture qui est à
l'origine du dommage mais bien la roue de celle-ci ?
1 CA Aix-en-Provence 14 sept. 1984, confirmé
par Cour de cassation 7 avril 1987, DMF 1988, p 67.
2 Note du Professeur Bonassies au DMF 1989, p. 16.
CHAPITRE 2:
L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES EVENEMENTS
DEPENDANTS DE
LA VOLONTE DU TRANSPORTEUR
Dans le cadre de ces événements dépendant
de la volonté du transporteur, nous examinerons successivement, le
déroutement raisonnable (Section 1), l'assistance et la sauvegarde des
vies et des biens en mer et l'institution des avaries communes (Section 2) et
le transbordement pour des raisons commerciales (Section 3).
· Section 1: Le déroutement raisonnable
Avant d'étudier l'incidence de l'absence de faute dans
le déroutement raisonnable (§2), nous commencerons par
préciser le caractère raisonnable de ce déroutement
(§1)
§ 1 : le caractère raisonnable du
déroutement
Aux termes de l'art 4§4 de la Convention de Bruxelles du
25 août 1924, << Aucun déroutement pour sauver ou pour
tenter de sauver des vies ou des biens en mer ni aucun déroutement
raisonnable ne sera considéré comme une infraction à la
présente convention ou au contrat de transport, et le transporteur ne
sera responsable d'aucune perte ou dommage en résultant >>
En ce qu'il s'agit du caractère raisonnable du
déroutement, citons Lord Atkin qui dans une décision de la
chambre des lords observait que << Le véritable critère
consiste à se demander quel déroutement pourrait entreprendre une
personne prudente, contrôlant le voyage au moment où le
déroutement est décidé, et ayant en tête toutes les
circonstances pertinentes, y compris les termes du contrat et les
intérêt des parties intéressées, mais sans
être obligée de considérer l'intérêt d'aucune
de ces parties comme déterminant >>1.
Tout comme pour la diligence raisonnable en matière
d'innavigabilité du navire, la faute du transporteur et le
caractère raisonnable du déroutement se doivent d'être
apprécié a priori en se fondant sur les obligations normales d'un
bon professionnel.
1 Chambre des lords, 10 déc.1931 A.C. 1932, p.
328, cité par Seriaux A. La faute du transporteur, 2eme
édit., 1998, n ° 262.
De plus, pour revêtir un caractère raisonnable, le
risque encouru doit être
suffisamment important et se révéler à la
hauteur du déroutement envisagé.
Contrairement à Katsigeras, le professeur Seriaux
considère que tout déroutement , du moment qu'il est raisonnable,
doit exonérer le transporteur pour les dommages aux marchandises qu'il
occasionne, même s'il est initialement dû à la faute du
transporteur. Ce qui importe ici, c'est le danger à éviter lors
même que celui-ci aurait pour origine la faute du transporteur. Le
déroutement n'en sera pas moins considéré comme
raisonnable.
La Cogsa considère déraisonnable le
déroutement pour cause d'innavigabilité connue avant de quitter
le dernier port de chargement. C'est ainsi que la Cour Suprême des
Etats-Unis a admis que le déroutement ne devenait injustifié que
lorsque le transporteur pouvait, au départ, se rendre compte que son
manque de diligence dans la mise en état de navigabilité allait
rendre le déroutement obligatoire. En l'espèce il s'agissait d'un
manque de combustible pour assurer la totalité du voyage1.
§2 : L'absence de faute et le déroutement
raisonnable
La raison d'être de la recherche de l'absence de faute
du transporteur dans le cadre d'un déroutement, c'est de juger de
l'opportunité d'exonérer le transporteur de sa
responsabilité pour les pertes et dommages subis par la marchandise.
Il en découle que le déroutement doit avoir
été la cause directe des pertes et dommages subis par la
marchandise.
Il convient de préciser que le caractère
raisonnable d'un déroutement exonérant le transporteur n'exclut
pas qu'une faute de celui-ci puisse réintroduire sa
responsabilité pour ne pas avoir pris tous les soins raisonnables afin
d'assurer le rapatriement des marchandises au port initial de
destination2.
C'est ainsi que si l'ayant droit parvient à
démontrer que le transporteur n'a pas fourni tous les soins
nécessaires à la marchandise pendant le temps du
déroutement, le cas excepté sera refoulé et le
transporteur ne pourra pas s'exonérer de sa responsabilité.
Le transporteur commet une faute en décidant
d'effectuer un déroutement déraisonnable. C'est en outre le cas
du déroutement effectué dans l'intérêt exclusif du
transporteur. Ce déroutement ayant pour seul motif l'augmentation des
revenus du transporteur n'analyse en une faute lucrative et, par
conséquent, n'exonère pas le transporteur.
1 Cour Suprême des Etats-Unis 4 janvier 1927.
2 CA Paris 29 sept. 1995, DMF 1996, p. 905
Cependant ne peuvent invoquer le déroutement
déraisonnable les chargeurs à qui le transporteur n'a pas
expressément promis que le port désigné initialement
serait le dernier port de chargement, du moins, aussi longtemps qu'une clause
du connaissement lui permet de s'écarter de la route directe ou
habituelle. 1.
Enfin signalons que même si certaines clauses du
connaissement autorisent le transporteur à se dérouter librement
lors de survenance d'un événement expressément
envisagé par les parties, la liberté de dérouter ne
saurait être totale. Cela ne lui dispense en rien de son obligation
d'agir de manière raisonnable face à cet
événement.
L'art 27-i de la loi française du 18 juin 1966
élève au rang des cas exceptés uniquement le
déroutement effectué dans un souci de sauvegarder des vies et des
biens en mer.
· Section 2: L'assistance et la sauvegarde des
vies et des biens et l'institution des avaries communes.
Avant de traiter de l'institution des avaries communes (§2),
intéressons nous à l'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens en mer (§1).
§ 1: L'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens
<< Le statut de l'assistance aux navires et celui du
sauvetage des navires différaient profondément. L'assistant avait
droit à une rémunération (un droit de créance)
tandis que le sauveteur (...) avait droit en nature à une part du navire
sauvé (un droit réel) »2. Le sauvetage
s'appliquait aux seuls navires abandonnés : ceux n'ayant plus à
bord un seul membre de l'équipage vivant ou du moins étant en
<< présence de mourants, incapables de rien faire pour le salut du
bâtiment »3. Cette ancienne distinction fut
abandonnée par la convention de 1910.
Le Professeur Bonassies définit l'assistance maritime
comme << l'aide apportée à un navire en difficulté,
(elle devient même) une obligation impérieuse en cas de
péril des personnes. En effet, le capitaine a un devoir légal
d'assistance.
L'obligation d'assistance est affirmée par l'article 85
du Code pénal et disciplinaire de la marine marchande et prévue
au niveau international par les conventions SOLAS dont la dernière en
date, celle du 28 avril 1989 ratifiée par la France le 23 avril 2002.
.
1 USDC Southern District of NY 2 fév. 82
2 R.Rodière, Traité
général de Droit Maritime, t I, n°149.édition
1972.
3 CA Rouen, 2 déc. 1840, S.1841,2.38,
cité par Rodière
Il convient de préciser que l'assistance aux biens
n'est obligatoire qu'après un abordage1. Cette
précision a pour but d'éclairer les transporteurs à propos
des actes d'assistance qu'il peuvent effectuer sans risque de se voir reprocher
une quelconque faute. C'est ainsi que la tentation serait grande de voir dans
un acte d'assistance, la faute du transporteur pour avoir retardé
l'expédition en vue d'obtenir une indemnité proportionnelle aux
valeurs sauvées et aux risques encourus.
Le transporteur ne peut pas voir sa responsabilité
engagée pour avoir accomplis des actes d'assistance et de sauvegarde des
vies et des biens en mer (Convention de Bruxelles art 4 al2-1 + Loi
française du 18 juin1966 art27i). Encore faut-il que les condition de
l'acte d'assistance soient bien remplies: le navire assisté doit avoir
été menacé d'un péril de mer auquel il n'aurait pu
échapper qu'avec l'assistance volontairement accomplie par le sauveteur.
Enfin le sauvetage doit être réussi en tout ou
partie2.
Doctrine considère que les chargeurs ayant subi un
dommage suite à l'assistance peuvent exercer une action en
enrichissement sans cause contre l'armateur qui aurait touché une
indemnité d'assistance.
Notons que le déroutement inopiné aux fins de
sauvetage, contrairement au déroutement pour des raisons commerciales,
constitue un cas exonératoire de responsabilité pour le
transporteur, même en l'absence de clause spéciale dans le
connaissement.
§ 2 : Les Avaries Communes
<< Cette institution est la plus ancienne qui soit venue
jusqu'à nous. Justinien la décrit comme Lex Rhodia de
jucta. Du Digeste (14.2.1) aux Rôles d'Oléron(art.8), du
Guidon de la Mer à l'Ordonnance de 1681, il n'est pas de texte maritime
qui n'y consacre des textes détailles ». L'auteur poursuit avec la
définition suivante << La contribution aux avaries communes est
l'institution suivant laquelle les sacrifices faits et les dépenses
extraordinaires exposées pour le salut commun et pressant des
intérêts engagés dans une expédition maritime
donnent lieu à indemnisation de la part desdits intérêts
»3.
Le Professeur Bonassies pour sa part le définit comme
suit << L'institution des avaries communes est l'institution selon
laquelle lorsqu'une dépense est volontairement engagée, ou un
sacrifice volontairement fait, dans l'intérêt commun du navire et
de la marchandise, dépense ou sacrifice sont pris en charge par le
navire et par la marchandise, proportionnellement à leur valeur
respective ».
1 Article 8 de la Convention de 1910 sur
l'abordage.
2 US DC, Central District of California du 26 avril
76
3 Martine Remond-Gouilloud, Droit Maritime,
2ème éd., Pedone, 1993, n°701.
<< La théorie des avaries communes se justifie
par l'idée de solidarité qui domine le droit maritime, comme par
la considération technique de l'association d'intérêts qui
existe entre armateurs et chargeurs, chacun ayant intérêt au bon
achèvement de l'expédition maritime »1
L'institution d'avaries communes est strictement
réglementée par la loi du 7 juillet 1967. Cette loi a vocation
à s'appliquer subsidiairement << à défaut de
stipulations contraires des parties intéressés ». Cependant
les compagnies maritimes insèrent souvent dans leurs connaissements des
clauses désignant comme applicables les Règles de York et
d'Anvers de 1890 (révisées en 1974, 1990 et 1994) en cas
d'avaries communes.
Avant de procéder à un sacrifice ou d'engager
une dépense, le transporteur doit veiller à ne pas commettre de
faute. S'il veut voir l'avarie- frais ou l'avarie- dommage être inscrite
en avarie commune, il doit veiller à ce que trois conditions soient
remplies. L'avarie doit résulter d'un acte volontaire ; elle doit
être justifiée par le péril encouru par l'expédition
maritime ; enfin, elle doit être réalisée dans
l'intérêt commun.
Cette exigence d'absence de faute est capitale. En effet, s'il
est établi que la dépense est la conséquence d'une faute
du transporteur, les chargeurs qui ont versé une contribution d'avarie
commune peuvent en demander restitution au transporteur2.
Dans une récente affaire d'échouement, les
arbitres ont relevé l'absence de faute du transporteur en rappelant
l'article D des Règles de York et d'Anvers disposant que <<
lorsque l'événement qui a donné lieu à la
dépense est la conséquence d'une faute commise par l'une des
parties, il n'y aura pas moins lieu à contribution, mais sans
préjudice du recours pouvant concerner cette partie à raison
d'une telle faute »3.
· Section 3: Le transbordement pour des raisons
commerciales
La convention de Bruxelles ainsi que le protocole de 68 ne
contiennent aucune disposition concernant le transbordement. Par
conséquent la loi maritime française trouvera à
s'appliquer pour les litiges portés devant un tribunal français
en matière de transbordement.
En principe le transporteur est supposé
décharger la marchandise au port convenu. Si toutefois il rencontre une
impossibilité de décharger au port de destination initialement
convenu, il doit prouver qu'il ne pouvait pas le faire en raison d'un
événement qui ne lui est pas imputable pour se dégager de
toute responsabilité.
1 Séminaires sur le Droit Maritime
Général par le Professeur Bonassies n° 479.
2 CA Paris 13 janvier 1988, DMF 1988, p. 395.
3 Sentence arbitrale 1099 du 25 juin 2004.DMF 2004,
p.1041.
Le transbordement se distingue de la substitution de
transporteur en ce qu'il << intervient une fois l'opération de
transport commencée, alors que la substitution de transporteur (...)
s'exerce avant tout commencement d'exécution du transport
>>1
Le devoir de transborder existe dans tous les cas
d'empêchement de poursuivre le voyage quelqu'en soit la cause. Le
transporteur ne doit jamais laisser la marchandise en souffrance ; il doit
mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour acheminer la marchandises
à bon port dans les meilleures conditions qui soient. Il s'agit d'une
obligation de moyens renforcée. S'il n'effectue pas le transbordement,
il sera présumé responsable de négligence. Dans ce cas,
selon Rodière, c'est au transporteur qu'il incombera de démontrer
qu'il a fait preuve de toute la diligence nécessaire.
Le transporteur peut être tenté de transborder sa
cargaison en vue de rendre disponible son navire afin d'exécuter un
contrat bien plus onéreux. Dans ce cas si l'expédition arrive
à temps et intacte à bon port, on ne devrait pas pouvoir engager
la responsabilité du transporteur du seul fait d'avoir
procédé à une opération que les clauses de
connaissement ne lui interdisaient pas d'effectuer.
Les compagnies maritime prennent l'habitude d'insérer
des << liberty clause >> dans leurs connaissements. Ces
clauses, qui sont parfaitement licites en droit français2,
leurs permettent de transborder la marchandise en cours de route comme bon leur
semble. L'objet de telles clause est de toute évidence de servir
d'échappatoire aux transporteurs désireux d'effectuer des
transbordements pour des raisons commerciales car, en effet, dans tous les cas
où le transbordement se révèle totalement
justifiée, le transporteur dispose de moyens juridiques pour
éluder sa responsabilité sans même avoir à invoquer
ces liberty clauses.
<< Ces clauses sont valables et doivent être
interprétées comme laissant le transporteur la liberté de
manipuler les marchandises d'un navire à un autre sans avoir à
rendre compte et sans nécessite impérieuse
>>3.
Il est toutefois à noter que même si le chargeur
a accepté ces validity clauses, le transporteur ne demeure pas moins
responsable des dommages subis par la marchandise en raison de ce
transbordement autorisé.
En effet, le déroutement du navire et le transbordement
de la marchandise, ne constituent pas en eux même une faute du
transporteur. C'est uniquement lorsque la marchandise subit des dommages en
raison du transbordement que l'on peut relever la faute de celui-ci. Signalons
cependant que le droit anglais considère comme déraisonnables, et
donc fautifs en tant qu'un << fundamental breach of contract >>,
les transbordements à des fins purement lucratives.
1 R.Rodière, Traité
Général de Droit Maritime, t II, p 132.
2 R. Rodière, Traité général de droit
maritime, t. II, n° 527 & s.
3 Lamy Transport 2004 n* 449
Cependant il est totalement compréhensible que la
responsabilité du transporteur soit engagée si les marchandises
qu'il a décide de transborder ont subi des pertes ou avaries ou encore
si leur arrivée a fait l'objet d'un retard déraisonnable en
raison du transbordement lui même.
Ex : N'est pas libératoire le refus d'un acconier de
décharger une marchandise trop lourde quand le capitaine a
décidé de dérouter vers ce port pour échapper au
paiement de surestaries1 .
Bien entendu, les frais supplémentaires
occasionnés par un transbordement pour des raisons économiques
(manutention, fret afférant à la seconde partie du voyage)
doivent entièrement être supportes par le transporteur.
On assiste en parallèle au développement du
recours à des navires d'apport (feeders), et à la conclusion des
<< Connection Carrier Agreement >> (accords de transbordement). Ce
sont dans tous les cas des transbordements voulus et envisagés à
l'avance par le transporteur. Ils obéissent au même régime
que les transbordements inopinés régis par les articles 40 et 47
du décret du 31 déc.66. Ces transbordement soulèvent une
difficulté considérable dans la mesure où ils ne sont,
pour de diverses raisons (notamment : le crédit documentaire), quasiment
jamais mentionnés dans le connaissement. Peut-on pour autant y voir des
déroutements déraisonnables, donc fautifs, de la part du
transporteur ? Ces questions ne peuvent que faire l'objet d'une
appréciation au cas par cas par les juges du fond.
La CA d'Aix-en-Provence2 a été
censurée par la Cour de cassation pour avoir décidé que le
transporteur était responsable de la perte de certains conteneurs au
cours d'un voyage effectué par un << feeder >> dont
l'existence n'a pas été mentionné au connaissement qui, du
coup, sera qualifié d'inexact. La cour de cassation décide que la
mention du navire sur le connaissement n'a pas une force probante absolue et
qu'ainsi elle pouvait faire l'objet d'une preuve contraire3.
Signalons toutefois que les tribunaux ne reprochent pas au
transporteur (ou au commissionnaire de transport) de s'être livré
à un transbordement interdit, d'ès lors que la marchandise
était dans un conteneur4, en remorque ou en LASH barges.
1 CA Montpellier 1er mars 76 sur renvoi de Com 15 oct.
74
2 CA Aix 6 juill. 87, BTL 88 p. 274.
3 Com 20 déc. 88, p. 238.
4
T.Com Nanterre 8 nov.2000, Revue Scapel, p.
70.
CHAPITRE 3 :
LES DOMMAGES ENCOURUS EN DEHORS DE TOUTE
FAUTE DU
TRANSPORTEUR
· Section 1: Le transbordement pour cause -
d'impossibilité de continuer le voyage ou - de réparation.
Aux termes de l'article 40 du décret du 31 dec 66,
« en cas d'interruption du voyage, le transporteur ou son
représentant doit, à peine de dommages intérêts,
faire diligence pour assurer le transbordement de la marchandise et son
déplacement jusqu'au port de destination prévu. Cette obligation
pèse sur le transporteur quelque soit la cause de l'interruption
».
Précisons tout de même que les tribunaux exigent que
le déroutement, rendu nécessaire par le transbordement,
revêtisse un caractère raisonnable.
En cas de transbordement le transporteur doit veiller à
la propreté des installations destinées à recueillir sa
cargaison ainsi qu'au caractère approprie du mode de transport qu'il
choisit pour réaliser l'acheminement de la marchandise dont il a la
responsabilité1
Les transbordements peuvent, par exemple, être rendues
indispensable en raison d'une grève prolongée au port de
chargement initialement prévu. Dans ce cas les tribunaux ne manquent pas
de rechercher si au moment du chargement, le transporteur avait eu connaissance
ou du moins ne pouvait pas ignorer, en sa qualité de professionnel,
l'état de grève au port de destination. Bien évidemment le
transporteur qui a tout de même pris le risque de charger la marchandise
alors qu'il était au courant qu'il y aurait une grève le jour du
déchargement au port de destination, n'est certainement pas fondé
à invoquer une absence de faute de sa part.
La jurisprudence va encore plus loin en refusant d'appliquer
la liberty clause aux motifs que la congestion portuaire et l'encombrement des
quais étaient prévisibles et ne constituaient nullement
un événement inopiné2.
La CA Rouen donne plein effet à la clause mettant
à la charge de l'expéditeur les dépenses
supplémentaires occasionnées par un éventuel
transbordement du moment que le chargeur a expressément accepté
ces clauses à la formation du contrat. Attention
1Lamy Transport 2004 1736 n9.
2 Lamy Transport
20041737 n 5
une telle acceptation ne saurait nullement être
déduite de la seule livraison aux ayants droit à la
marchandise1.
Ces frais supplémentaires venant s'ajouter au
coût du transport initialement prévu, sont supportés par la
marchandise uniquement si l'interruption du voyage est due à un des cas
d'exonération de responsabilité prévus par la loi.
Lorsque le transbordement était justifié et que
le transporteur a choisi un mode de transport approprié, celui ne
devrait pas pouvoir être tenu pour directement responsable des dommages
subis pendant que la marchandise était sous la garde et la
responsabilité du transporteur substitué. En effet, le principe
veut que chacun des transporteurs demeure responsable pour la partie du voyage
qu'il a lui même effectué2.
Dans le cadre d'un transport successif, le transporteur
voulant se libérer devra attester, par le biais des réserves
qu'il aura prises à l'embarquement, que le dommage s'est produit au
cours du transport précèdent. Il faut quand même
préciser que les parties peuvent expressément ou implicitement
convenir que le premier transporteur sera tenu pour responsable de la
totalité du transport.
De même le premier transporteur est responsable de
l'intégralité du transport lorsque le second connaissement
mentionne ses propres agents comme chargeurs et destinataires3.
Lorsque le transporteur s'engage dans le connaissement
à transporter la marchandise de bout en bout, il demeure responsable,
à l'égard des ayants droit, pour l'intégralité du
voyage et par conséquent, des dommages causés à la
marchandise par le fait du transporteur substitué4.
Les clauses de substitution par lesquelles le transporteur se
réserve le droit de se substituer un autre transporteur, sans pour
autant être responsable de ce dernier, ne sont opposables au chargeur que
dans la mesure ou il en a eu connaissance et les a acceptées. Le premier
transporteur revêt alors la qualité de commissionnaire de
transport, et à ce titre, il répond, en principe, de
l'intégralité du transport exécuté par le
transporteur substitué. Même si le droit commun permet au
transporteur initial de s'exonérer de cette responsabilité, ce
dernier n'en demeure pas moins, en sa qualité de commissionnaire de
transport, personnellement responsable des fautes commises dans le choix du
transporteur substitué.
Le transporteur a l'obligation de prendre soin de la marchandise
sans relâche pendant les réparations 5
1 Lamy 2004 1737 n 8, confirmé par Com 25 fév.
2004, DMF2004, p.735.
2 CA Rouen 19 mars 54 DMF 55 p.208.
3 CA Aix 25 mai 77 DMF 78 p.79.
4CA Paris 24 janv. 79, NCHP c/ assureurs, Lamyline.
5CA Paris 14 mars 95
· Section 2 : La nature particulière de
certaines marchandises
Nous examinerons successivement la freinte de route (§1) et
le vice propre de la marchandise (§2).
§ 1: La freinte de route.
La freinte de route peut se définir comme <<Une
tolérance de perte due à la nature spéciale de la
marchandise transportée1 ». Elle n'est admise que dans
la mesure des tolérances d'usage au port de destination (Loi 66 art
27-f) ou de la freinte en volume ou en poids. (Brux. art 4 al 2-n)
Les tribunaux font souvent bénéficier le
transporteur de la tolérance admise au port de destination ou de celles
découlant des usages si celles ci portent bien sur les mêmes
produits et sont réellement avérés.2
Signalons au passage que pour le cas particulier du
café, << la coutume universellement reconnue établit les
manquants à l'arrivée en fonction de la moyenne des sacs
sains3 ».
Voici quelques exemples de freinte de route pour lesquelles le
transporteur
demeurera en situation d'absence de faute et par
conséquent irresponsable :
° La perte de 5% résultant des restes d'huile de
palme dans les cales et les pompes du navire4.
° La perte de 2% de soja transporté en vrac
° La perte de 0,5% de Fuel-oil.
Par contre, il n'y aura pas de freinte de route dans les cas
suivants :
° Si les manquants ne proviennent que des sacs
déchirés alors que les sacs sains ont conservé leurs poids
d'origine5.
° Si les manquants supérieurs au taux de freinte
reconnu. Dans ce cas, le transporteur demeurera responsable de la perte
excédant le pourcentage reconnu comme normal6
° Si le transporteur n'arrive pas à prouver que la
marchandise est sujette à déchet de route7
1CA Bordeaux 14 nov. 90
2CA Paris 17 janv. 2001
3T com., Marseille, 13 juillet 79 cité au Lamy
transport n°553. 4 USDC District of Oregon 19 nov. 77 + 4
janv.78
5CA Anvers 2 mai 79
6 CA Rouen 24 nov. 88
7 CA Paris 17 jan 2001
§ 2 : Le vice propre de la marchandise.
C'est la propension qu'à la marchandise à se
détériorer sous l'effet d'un transport maritime effectué
dans des conditions normale1. Ce n'est pas nécessairement un
défaut ; cela peut venir de sa nature même2 ou d'un
principe inhérent à la marchandise3. Pour se
prévaloir de son absence de faute et ainsi s'exonérer, le
transporteur doit prouver que le dommage procède bien du vice propre de
la marchandise4 et respecter, entre autres, les quelques consignes
décrites ci-dessous.
Le transporteur ne doit pas embarquer sans réserves des
marchandises qu'il savait à une température anormale5.
En l'absence de réserves à l'embarquement la preuve du vice
propre est rendue plus difficile, voire parfois impossible6. De
plus, en l'absence de toute réserve, la mention << quality unknown
>> doit être considérée comme une réserve de
style. Précisons aussi que le défaut de réserves, les
conditions anormales de transport et le non respect des températures
contractuelles << rendent irrecevable l'allégation de vice propre
>> de la marchandise7.
Le transporteur doit aussi prendre en considération que
l'allégation vice propre est irrecevable en l'absence de réserves
même si le conteneur est embarqué à température
requise et qu'aucune descente progressive de température n'a
été relevée après l'empotage8, ou encore
même si la marchandise présentait des conditions optimales lors du
chargement9
Le transporteur ne peut encore moins alléguer le vice
propre de la marchandise lorsqu'il a laissé des fèves de cacao au
contact des parois non isolées d'un ballast à fuel chauffé
à 50 degrés10
Le transporteur, dont la responsabilité a
été engagée pour avoir utilisé un navire
dépourvu de cales fermant rapidement et de dispositif de contrôle
de température pour un transport de soja, ne peut pas se
prévaloir du vice propre11
1 Com 9 july 96
2 CA Alger 20 déc. 58
3 CA Paris 6 mai 60
4 CA Aix 28 mai 91
5 CA Aix 22 fév. 89
6 CA Versailles 1er avril 99
7 CA Paris 19 mars 2003 8CA Aix 2
déc. 2003
9CA Fort de France 19 mars 2004
10 Pour retrouver tous ces exemples et consignes, Voir
Lamy Transport 2004, t.II n°549 & s
11 Com 22 janv. 2002
· Section 3 : Les dommages dus aux autres cas
exceptés.
` Il incombe au transporteur de prouver les circonstances
caractérisants le(s) cas excepté qu'il invoque'1.
Parmi ces cas, nous traiterons ici de l'incendie volontaire et involontaire
(§1), de la faute nautique (§2), des faits constituant un
événement non imputable au transporteur (§3) et de toute
autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur
(§4).
§ 1 : L'incendie volontaire et involontaire.
Le transporteur est automatiquement et à priori
libéré si la marchandise a péri ou a été
endommagée par un incendie. A ce stade il n'a pas à justifier de
l'origine du dommages (art 4 al 2-b de la Convention de Bruxelles et l'art 27c
de la loi française du 18 juin 1966).
Ce principe souffre d'une seule exception : Si l'incendie a
été cause par le fait ou la faute du transporteur. Dans ce cas,
ce sera au chargeur qu'il incombera de prouver la faute du
transporteur2.
A priori, le transporteur ne pourra pas invoquer son absence
de faute si c'est lui qui a volontairement provoqué l'incendie.
Cependant, il serait intéressant de se demander s'il ne pourrait
toujours pas se prévaloir de son absence de faute pour le fait d'avoir
volontairement incendié la partie infestée d'une cargaison dans
le but de préserver l'autre partie demeurée saine et intacte. Le
bon sens voudrait que cet acte soit couvert par le sacrifice prévu dans
le cadre de l'institution des avaries communes. Il semble donc
inapproprié de penser que l'incendie volontaire serait
systématiquement constitutif d'une faute du transporteur. Bien entendu,
l'incendie volontairement provoquer dans le seul but d'obtenir des primes
d'assurances demeure totalement fautif
Quoi qu'il en soit, l'incendie d'origine inconnue est
libératoire pour le transporteur3. Afin d'exonérer le
transporteur, l'incendie doit avoir été à l'origine des
dommages (i.e : le lien de causalité doit être
établi4).
Il est cependant important de rappeler que l'incendie couvre
les dommages causés non seulement par le feu, mais aussi par la
fumée et l'eau déversée pour éteindre le feu.
1 CA Rouen 19 juin 2003
2 CA Toulouse 13 mai 77
3 CA Aix 16 july 77
4 Exemple d'absence de causalité : Aix 4 mai
04
Ss 2 : La faute nautique du capitaine
Transporteur est exonéré des fautes du
capitaine, des marins pilote ou préposés dans la navigation et
l'administration du navire, tout en restant responsable de ses fautes
personnelles et des fautes commerciales-(c.a.d: fautes dans les soins à
apporter à la marchandise)
Les juges semblent de plus en plus réticents à
admettre cette cause d'exonération. D'ailleurs, le groupe de travail de
la CNUDCI, lors du projet d'élaboration de nouvelles règles de
transport international de marchandises par mer, a décidé de ne
pas retenir la faute nautique comme cause d'exonération du
transporteur.
Seules les fautes concernant la navigation et la
sécurité du navire devraient recevoir la qualification de fautes
nautiques1. L'arrimage défectueux, en principe faute
commerciale, peut revêtir le caractère d'une faute nautique
lorsqu'il compromet la stabilité et la sécurité du navire
Cependant la cour de cassation a récemment tranché en ce sens que
la faute d'arrimage doit être considérée comme une faute
commerciale 2
Cependant il convient de préciser que la faute nautique
peut se doubler d'une faute commerciale.
Pour qu'il y ait faute nautique, le transporteur doit avoir
commis une faute dans l'administration du navire mettant en cause la
stabilité et la sécurité du navire. Pour la CA Rouen,
« l'existence d'une faute nautique n'est pas établie puisque
même si le transporteur maritime parvient à prouver que le
capitaine a fait un mauvais choix de route et adopté une vitesse
excessive, il n'est pas démontré que ces fautes étaient de
nature à intéresser
La faute nautique des préposés ne libère
le transporteur que si elle est la cause unique du dommage : si le transporteur
n'a pas pris tous les soins pour atténuer les conséquences de la
faute nautique, les juges y verront un concours de causes, voire un concours de
faute. Le transporteur ne pourra d'ès lors pas se prévaloir de ce
cas excepté vu qu'il ne saurait pas se prévaloir de son absence
de faute.
Comme cette institution est en passe d'être
abandonné, nous n'allons pas nous étendre d'avantage sur le
sujet. Voyons plutôt les faits constituant un événement non
imputable au transporteur.
1DMF 2002 Hors série 6 p.71
2 Com 26 févr. 91 + Rouen 11 septembre 2003
§ 3 : Les faits constituant un
événement non imputable au transporteur.
Le cas excepté des faits constituant un
événement non imputable au transporteur est prévu à
l'article 27-c de la loi française du 18 juin 1966 et à l'article
4 al2-c à h de la Convention de Bruxelles. Il regroupe les cas fortuits,
la force majeure, la fortune de mer, l'Acte de Dieu, les faits de
guerre ou d'émeutes et les troubles civils, les fait d'ennemis publics,
le fait des tiers, l'arrêt ou la contrainte de prince, la restriction de
quarantaine et les grèves ou lock out.
Concernant la fortune de mer, il s'agit des
événements imprévisibles et anormalement
pénibles1 (résultant d'un concours de circonstances
dans lesquelles entrent en cause la force du vent, l'état de la mer et
la hauteur des vagues2) dont le transporteur n'a pu conjurer les
effets malgré les soins, l'attention et la diligence apportés
à l'exécution de ses obligations. Ces causes libèrent le
transporteur sans qu'il ait à démontrer le caractère de
force majeure de ces événements3.
La jurisprudence a pris l'habitude d'adopter une
interprétation stricte de la fortune de mer4. C'est ainsi que
le gros temps et les tempêtes ne sont pas nécessairement
exonératoires pour le transporteur. De plus, la violence d'une
tempête ne caractérise pas à elle seule, la fortune de
mer5. Le mauvais temps ou la tempête sont des
événements prévisibles en matière
maritime6. Ils n'exonèrent donc le transporteur que s'ils ont
été d'une violence exceptionnelle7 et
insurmontable8. Dans de telles circonstances, il convient de relever
le caractère inopérant des fautes et/ou diligences du
transporteur vu que son comportement ne peut avoir aucune incidence dans le
déclenchement ni dans la résistance face à cet
événement insurmontable. Ce raisonnement semble pouvoir
être transposé, avec des réserves, dans le cas des actes de
Dieu9.
Le transporteur se trouve également en situation
d'absence de faute en cas de dommages ayant pour origine les faits de guerre ou
d'émeutes et de troubles civil10, lorsqu'au moment du
chargement, il ignorait l'existence de cette situation insurrectionnelle
régnant au port de déchargement.
1
T.com, Sète 22 déc. 81
2 Poupard M., DMF 84, p. 424.
3 Com 7 déc. 1999:l'événement n'a
pas à être ni imprévisible ni insurmontable
4 La Cour de cassation a récemment cassé une
décision d'appel ayant retenu la force majeure comme exonérant le
transporteur des dégâts subis par une cargaison de fèves de
cacao vu qu'il était impossible d'aérer naturellement les cales.
Elle fait en effet droit à la demande des assureurs qui soutiennent que
le système d'aération artificielle était en panne : Cass
.com. 21 janv. 2003, Revue Scapel 2003. 55.
5 CA Paris, 5ème ch., 22 janv. 2004. navire MV Maria A.
6 C'est pourquoi les navires doivent être
construits et gouvernés pour y faire face : CA Paris 22 janv. 2004
7 CA Rouen 14 nov. 96
8
T.com Paris 22 mai 80
9 Le transporteur n'est pas responsable des dommages
par mouille aux marchandises placées dans un entrepôt
effondré par la foudre après déchargement en
attente de livraison au destinataire : USDC Southern District of Texas, Houston
Division 14 jan 1980.
10Irresponsabilité du transporteur pour les
dommages aux marchandises encourus lors du déchargement en raison de
l'état de guerre en Angola que le chargeur ne pouvait ignorer :
T.com Paris 13 juin79.
Concernant les faits d'ennemis publics1 et le fait
des tiers2 (i.e : Toute personne n'agissant pas pour le compte du
transporteur maritime), le caractère extérieur à
l'attitude du transporteur ne fait pas de doute et n'oppose aucune restriction
à ce que le transporteur invoque son absence de faute.
Par contre, en ce qu'il s'agit de l'état de
grève au port de déchargement, le transporteur ne se trouvera en
situation d'absence de faute que si, au moment du chargement, il ignorait cet
état de fait3. Au cas contraire, il doit refuser de prendre
en charge la cargaison. De plus, il ne faut pas que cette grève trouve
son origine, totalement ou partiellement, dans un de ses actes ou
décisions.4 Précisons tout de même que le cas
excepté tiré de la grève n'est invocable que si elle
existe au jour où l'escale pour déchargement est prévue et
non pas la veille5.
Au cas où ces conditions seraient remplies, le
transporteur devra quand même prouver que l'activité du port a
été bloquée par un événement
imprévisible et insurmontable6 et que le dommage a bien pour
cause directe la grève ou le lock out invoqué7. Notons
au passage que le chargeur peut se prévaloir d'une faute du transporteur
pour réintroduire partiellement la responsabilité de celui-ci. Ex
: Lacunes dans la conservation des marchandises suite à une
grève8 ou encore si le transporteur avait connaissance de la
situation de grève avant de d'émettre un connaissement. A
été par contre exonéré, le transporteur contre qui
le chargeur n'a pu ramener une faute dans une affaire de
grève9. Quoi qu'il en soit, en principe, les grèves ou
lock out ne doivent pas nécessairement revêtir les
caractères de la force majeure pour être
libératoires10. exigence de la force majeure ne se retrouve
pas non plus en cas de dommages dus au cas excepté tiré de
l'arrêt ou de la contrainte de prince11.
§4 : Toute autre cause ne provenant pas du fait ou de
la faute du transporteur.
Ce cas innomé a été ajouté par
l'art 4 al 2-q de la Convention de Bruxelles afin d'éviter qu'un
transporteur maritime ne soit injustement condamné sur la base d'un
dommage dont la cause ne lui est pas imputable mais dont l'origine ne peut
être trouvée dans l'une des dix-sept causes.
1 Selon Rodière, on peut supposer qu'il s'agit
des actes de ceux qui sont en guerre avec le gouvernement
établi ou en lutte contre le monde entier (ex :les
pirates). Par contre le vol par des individus qui se sont
introduits clandestinement dans les cales du navire ne saurait
être assimilé à un acte de piraterie, lequel
suppose une attaque à force ouverte par des ennemis
publics : CA Aix-en-Provence 29 sept 77
2 Le déchargement négligent par des
autorités portuaires agissant en toute autonomie est libératoire
pour le transporteur du chef de fait de tiers : USDC SD of NY 20 nov. 81
3 CA Versailles 8 avril 2004 + 29 avril 2004
4CA Paris 3 mai 95 + Aix 12 nov. 98
5 CA Aix 19 juin 91
6Com 19 mars
2002
7 CA Aix 28 mai 91
8 CA Paris 16 juin 76
9 Com 30juin 2004
10 Pourtant, il y a quand même la
décision de la cour d'Aix-en-Provence du 6 des 72 qui avait exigé
la
survenance inopinée de la grève pour que le
transporteur puisse s'en prévaloir.
11 Com 20 fév. 90
Le transporteur désirant invoquer ce cas innomé
pour s'exonérer devra établir-1- l'existence d'un
événement précis qui a causé le dommage1
et -2- son absence de faute ainsi que celle de ses préposés dans
la réalisation du dommage.
Cependant cette cause d'exonération reste peu
usitée. Les juges se montrent assez réticents dans l'admission
d'une telle cause. Rappelons à cet égard que la perte d'une
cargaison de fèves de cacao, en raison d'une condensation anormale due
à l'impossibilité d'aérer convenablement les cales
à cause des conditions météorologiques, a dans un premier
temps été reconnue consécutive au cas excepté
innomé par la CA Paris 28 mars 2001. Cependant cette décision
encourût la cassation avec renvoi en date du 21 janv. 2003 aux motifs
qu'il existait un disfonctionnement du système de ventilation
mécanique, supposé fonctionner lorsque l'ouverture des panneaux
de cale en ventilation naturelle n'est pas possible : Cassation technique pour
défaut de réponse a conclusion2.
Même si, contrairement à l'article 5§1 des
Règles de Hambourg, cette double exigence probatoire ne ressort pas de
l'article 4-2 q de la Convention de Bruxelles, il n'en demeure pas moins qu'en
pratique le transporteur devra immanquablement établir la cause
étrangère du dommage avant même de pouvoir établir
son absence de faute ainsi que de celui de ses
préposés3.
Les Règles de Hambourg du 31 mars 1978 semblent
cependant accorder une place primordiale à cette cause
d'exonération. En effet, en dehors des trois cas qu'il prévoit
expressément, le transporteur devra invoquer cette cause pour
s'exonérer de tous les dommages subis par la marchandise qui
était sous sa garde. Ce système est d'autant plus contraignant
pour le transporteur, car il devra, pour revenir à l'esprit du
Harter Act, prouver avoir raisonnablement accompli toutes les
diligences avant de pouvoir invoquer ce cas excepté.
Une fois la traversée achevée, s'ouvre alors le
moment de l'arrivée au port. Encore une fois, toute une suite
d'obligations devront être accomplies par le transporteur qui
désire demeurer dans une situation d'absence de faute.
1 La cause d'origine inconnue du dommage ne
libère pas le transporteur dans un régime de
responsabilité de plein droit.
2 Arrêt reporté à la page 53, note
4.
3 En ce sens, Seriaux. A, la faute du transporteur,
précité, n° 106.
TROISIEME PARTIE:
L'ABSENCE DE FAUTE APRES
L'EXECUTION DU TRANSPORT.
A l'issue de la traversée maritime, le transporteur de
marchandises demeure néanmoins débiteur de plusieurs autres
obligations qu'il convient à présent de mettre en lumière.
Pour ce faire, nous relèverons les différentes obligations qu'il
devra remplir pour être en situation d'absence de faute lors de
l'arrivée au port (Chapitre1), au moment du déchargement et de la
livraison (Chapitre 2).
CHAPITRE 1:
L'ABSENCE DE FAUTE LORS DE L'ARRIVEE AU PORT
DE
DECHARGEMENT
Deux éléments seront ici envisagés :
l'information de l'arrivée (Section 1) et le problème du retard
(Section 2).
· Section 1: L'Information de l'arrivée
En droit commun des transports, le transporteur a l'obligation
d'aviser le destinataire de l'arrivée des marchandises, sauf lorsque les
envois sont livrables à domicile. Cependant, en Droit des transports
maritimes, cette obligation d'aviser le destinataire, ne concerne que les
transports sous connaissement à personne dénommée non
négociables et aussi dans les cas où le connaissement mentionne
un << notify >> (i.e : une personne, physique ou morale, ou une
adresse à qui notifier l'arrivée des marchandises au port de
déchargement).
Même si une clause du connaissement fait cesser la
responsabilité du transporteur au moment de la livraison sous palan,
cela n'altère en rien l'obligation de celui-ci d'aviser les
destinataires (parfaitement identifiables) de l'arrivée de la
marchandise1.
Cependant le transporteur peut valablement2
insérer des clauses dans le connaissement lui permettant de se dispenser
de ses obligations d'aviser le destinataire de l'arrivée des
marchandises, c'est ce que la pratique dénomme couramment les <<
clauses de dispense d'avis >>.
1 CA Aix-en-Provence 5 juill. . 88;
2 CA Aix-en-Provence 27 fév. 97.
Pour ce qui concerne les connaissements à ordre ou au
porteur, le transporteur, ne sachant pas à qui adresser l'avis
d'arrivée, ne doit pas se trouver débiteur d'une obligation
d'aviser le destinataire de l'arrivée des marchandises au port de
déchargement. Il demeure d'ès lors en situation d'absence de
faute en s'abstenant de notifier l'arrivée du navire au port
déchargement
C'est ainsi que dans tous les cas où le transporteur
n'a pas les moyens d'identifier le destinataire, c'est à ce dernier
qu'il incombe de prendre des dispositions pour se maintenir informé et
au courant de l'arrivée du navire.
Même si la Convention de Bruxelles et la loi
française du 18 juin1966, n'imposent (bien évidemment) pas aux
transporteurs de procéder à cet avis d'arrivée, ceux-ci
prennent souvent l'habitude, pour des raisons commerciales, de publier des
annonces dans les journaux afin informer tous les destinataires, sans
distinction, de l'arrivée du navire au port de déchargement.
· Section 2: Le problème du retard.
Vu le caractère aléatoire du transport maritime,
les horaires de départ établis par les compagnies maritimes ne
sont que purement indicatifs1.
Ni la loi française du 18 juin 1966, ni la Convention
de Bruxelles du 25 août 1924 ne fixent de délai légal, ce
ne sont que les Règles de Hambourg qui prévoient
expressément le retard comme source de responsabilité. Le
transporteur est donc responsable du préjudice résultant du
retard, sauf due diligence.
En général, le retard à la livraison
n'engage de plein droit la responsabilité du transporteur maritime que
si un délai a été prévu au contrat. Notons par
ailleurs que l'indication des dates de départ et d'arrivée
annoncées dans un télex « est nécessairement
entrée dans le champ contractuel en ce quelle a donné à
l'expéditeur et au chargeur l'information de la période possible
et de la durée probable du transport »2. Mais même
si l'échange de télex vaut contrat, les dates de départ et
d'arrivée qui y sont indiquées ne valent pas pour autant
délai convenu3.
Cependant, il ne faudrait pas conclure trop hâtivement
à une absence de possibilité d'établir la faute du
transporteur. En effet, la jurisprudence considère que le transporteur
ayant fixé une date d'embarquement est réputé avoir pris
l'engagement d'acheminer la marchandise dans un délai
normal4.
1CA Rouen 13 oct. 88
2 CA Versailles 2 avril 98
3 Com 21 fév. 95
4CA Aix-en-Provence 14 dec. 78 ; Aix-en-Provence 22
des 99
La réglementation en vigueur vient préciser
qu'en l'absence de tout délai convenu, l'obligation d'assurer le
transport de façon appropriée et soigneuse contraint le
transporteur à acheminer la marchandise dans un délai normal eu
égards aux circonstances de fait. (Convention de Bruxelles du 25
août 1924 art 4 al 2+loi française du 18 juin 1966 art 38). Il
s'ensuit que le transporteur ne pourra pas invoquer son absence de faute en cas
de lenteur excessive ou encore de délai anormalement long.
Surtout pour les périssables, le transporteur doit en
refuser la prise en charge s'il ne peut pas déterminer la durée
du voyage1 ou s'il sait que son navire aura inévitablement du
retard.
En cas de retard, le destinataire n'ayant pas mis le
transporteur en demeure de livrer dans un délai de 60 jours à
compter de la date à laquelle la livraison aurait dû avoir lieu ne
peut plus par la suite invoquer la faute du transporteur. Les Règles de
Hambourg du 31 mars 1978 prévoient que dans ce cas, aucune
réparation ne sera due au réceptionnaire. La possibilité
d'invoquer la faute du transporteur devient en quelques sortes absente.
Concernant les clauses de non responsabilité pour
retard, il faut préciser que même si elles sont très
fréquentes dans les connaissements, la Convention de Bruxelles et la loi
française du 18 juin 1966 les interdisent en matière de pertes ou
d'avaries de la marchandise. C'est ainsi que la Cour de cassation décide
que le transporteur ne peut pas se prévaloir d'une clause du
connaissement l'exonérant de tout retard en cas de pertes ou avaries
liées au retard2.
Par contre ces clauses demeurent valables en matière de
préjudices commerciaux résultants du retard, aussi longtemps
qu'elles ont été approuvées par le chargeur. Cependant
leurs efficacité demeure conditionnée par l'absence de dol ou
faute lourde du transporteur 3 et d'autre part par l'absence de
retard exagéré.
Passons maintenant à l'absence de faute du transporteur
maritime de marchandises lors des opérations de déchargement et
de livraison.
CHAPITRE 2:
L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES OPERATIONS
DE
DECHARGEMENT ET DE LIVRAISON
Dans un souci de respecter la chronologie des
événements, nous renoncerons exceptionnellement à une
étude combinée de ces éléments en commençant
à traiter des
1CA Versailles 2 avril 98
2 Com 19 mars 2002, DMF 2004, p.363.
3 Ex : négligence ou défaut de
surveillance à l'embarquement ; Rouen 10 nov. 77
opérations de déchargement de la marchandise
(Section1) pour ensuite examiner le problème de la livraison
(Section2).
· Section 1: Les opérations de
déchargement de la marchandise.
« Le déchargement s'entend de l'opération
qui consiste à enlever la marchandise du navire pour la mettre a
quai..>>. Il convient de préciser à ce propos que Le
chargement des camions depuis le quai ne constitue pas la suite
nécessaire du déchargement du navire1. Cela n'entre
pas dans la sphère maritime. Le transporteur n'en sera responsable que
si la marchandise n'a pas encore été livrée au
réceptionnaire ou encore dans les cas où il aurait émis un
connaissement de bout en bout.
Au cours de cette opération, le transporteur maritime
devra apporter les mêmes soins qu'il avait prodigués à la
marchandise lorsqu'il s'était livré aux opérations de
chargement. Commet ainsi une faute et par conséquent « doit
être déclaré responsable des avaries survenues lors du
déchargement de barges, le transporteur qui les a laissé
stationner durant plusieurs jours au port, par temps de pluie et de neige,
alors qu'il connaissait la nature de la marchandise et n'ignorait pas qu'elles
craignaient l'humidité et, a fortiori, la mouille
>>2.
Il s'agit d'une obligation impérative du transporteur.
Il lui est strictement interdît de s'affranchir de cette obligation au
moyen d'une clause de connaissement. Une telle clause serait d'office
déclarée nulle et non écrite.
Cependant, les compagnies maritimes préfèrent en
pratique user de leurs droit de sous-traiter cette opération à
certaines entreprises indépendantes tout en demeurant totalement, et en
première ligne, responsable des dommages subis par la marchandise
pendant les opérations de déchargement. Il ne s'agit, bien
évidemment, pas ici d'une responsabilité du fait des tiers en
tant que « penitus extraneï ». Ces acconiers doivent
être considérés comme les préposés du
transporteur.
La sous-traitance de cette opération dont il est
débiteur d'une obligation d'apport de soins, met encore une fois le
transporteur dans une situation délicate vis à vis des ayants
droit à la marchandise. Comme pour les opérations de chargement,
la manutention est encore sous traitée pour les opérations les
plus risquées de toute l'expédition maritime. Statistiquement les
endommagements de la marchandise, ont le plus de chance de se réaliser
pendant la manutention à la verticale et à l'horizontal de la
cargaison.
C'est ainsi que pour rester le plus possible dans une situation
d'absence de faute, le transporteur doit être très vigilant dans
le choix de l'entreprise de manutention. Il
1 Com 28 sept 2004 DMF 2005. p.122, n. Tassel
2 CA Paris 26 mai 1992
répond de ce choix vis à vis des ayants droits
à la marchandise. C'est pourquoi le transporteur désigne, la
plupart du temps, un « subrécargue » qui supervisera les
opérations de déchargement, pour ensuite dresser un compte rendu
à la compagnie maritime.
« Lorsqu'un transporteur maritime sait ou devrait savoir
qu'une marchandise ne pourra pas être débarquée dans un
port désigné, il doit refuser d'émettre un connaissement
mentionnant ce port comme port de déchargement1.
· Section 2: La livraison en bon état.
Avant de déterminer quelles sont les règles et
précautions à respecter dans l'attente et au moment de la
livraison (§2), nous devons commencer par définir cette notion
(§1). Par la suite, nous nous intéresserons au problème des
protestations (§3).
§1 : Définition de la livraison
La livraison, marquant la fin juridique du contrat de
transport, entraîne le transfert des risques au destinataire, aux
entreprises de manutention ou aux transitaires. Il est, d'ès lors,
important pour le transporteur de bien appréhender cette notion pour
savoir à quel moment elle sera effective afin de pouvoir correctement
remplir ses obligations et ainsi demeurer dans une situation d'absence de
faute. La date de la livraison est également importante en ce qu'elle
marque le début du délai imparti aux réceptionnaires pour
relever les pertes ou avaries constatées. Si aucune réserve n'a
été émise dans ce délai, la livraison sera
présumée conforme.
Selon Rodière la livraison est « l'acte
juridique par lequel le transporteur accomplit son obligation
fondamentale en remettant au destinataire, qui l'accepte, la marchandise qu'il
a déplacée à cette intention »2.
Cependant, la CA d'Aix-en-Provence consacrera la conception
matérielle, au détriment de la conception juridique, par une
décision du 24 janv. 1992 en considérant que « les
opérations juridiques assortissant la livraison ont pour finalité
d'assurer le transfert de la détention de la marchandise dont
elles sont indissociables. Il ne peut donc y avoir livraison sans transmission
de la détention matérielle »3.
La Cour de cassation fera de même par un arrêt de
principe du 17 nov. 1992 et par un arrêt du 19 mars 1996, la chambre
commerciale viendra préciser que la possibilité
d'appréhension matérielle de la marchandise dépend de
la délivrance du bulletin de livraison4.
1 CA Lyon 31 oct. 80
2 Rodière, Traité de droit maritime, t
II, n°545.
3 CA Aix-en-Provence 24 janv. 1992, DMF 1992, p.
203.
4 Publie au BTL 1996, p. 289.
Il a également été jugé que ne
constituait pas une livraison « la seule mise en place de la marchandise
dans une zone sous douane »1. Auquel cas la livraison sera
réputée avoir eu lieu au jour où le destinataire aura pu
appréhender matériellement les marchandises. Seule sera prise en
compte la livraison effective. La CA de Paris va plus loin en exigeant que
cette livraison soit appropriée2.
§2: Les règles et précautions à
respecter dans l'attente et au moment de la livraison
Nous avons vu que le transporteur reste garant de la
marchandise jusqu'à la livraison effective de celle-ci au destinataire.
C'est ainsi que le transporteur devra prendre toutes les mesures et
précautions nécessaires pour conserver la marchandise dans
l'état où il l'à reçu dans l'attente de la
livraison au destinataire.
Par exemple, le transporteur ne doit pas laisser en
stationnement à quai, au jour de son débarquement, un conteneur
frigorifique chargé de viande fraîche sous vide sans branchement
dans l'attente de la livraison au destinataire3. Il doit conserver
la marchandise en bon état jusqu'au jour de la livraison. A cet
égard, il convient de noter que le retard du destinataire ne peut avoir
d'autre sanction que l'éventuelle facturation d'une durée
excessive de dépôt4
Il faut par ailleurs préciser que la clause de
livraison sous-palan (destinée à avancer le plus possible le
moment de la livraison) ne dispense pas le transporteur des soins à
apporter à la marchandise lors du déchargement ni d'aviser le
réceptionnaire une fois la marchandise débarquée sur le
quai.
Notons toutefois que la clause de livraison sous-palan n'a pas
été jugée valable dans le cadre d'un transport LCL/LCL,
car dans cette hypothèse la responsabilité du transporteur ne
cesse qu'au dépotage du conteneur.
De plus, dans le cadre d'un transport de bout en bout, la
clause de livraison sous-palan ne doit pas être jugée
valable5. En effet le transporteur demeure responsable de la
marchandise jusqu'à ce quelle soit livrée au domicile du
destinataire.
Cependant, la remise de la marchandise à un
établissement portuaire monopolistique fait cesser la
responsabilité du transporteur. Toutefois, celui-ci doit bien veiller
à démontrer le caractère monopolistique de
l'établissement afin de ne pas rester responsable des dommages
constatés à la livraison.
1 Com 13 nov 2002, BTL 2002, p. 772.
2 CA Paris 24 mai 1989, DMF 1991, p. 166.
3 CA Aix 1 oct. 87
4 Lamy Transport 2004, n° 576..
5 CA Versailles 25 mai 2000.
Au moment de la livraison cette fois, il a été
jugé que le transporteur pouvait se prévaloir de son absence de
faute lorsqu'il a livré des marchandises contre une photocopie du
connaissement : le titre produit présentait toutes les apparences de
l'authenticité rendant la falsification quasiment
indécelable1. Par contre, la livraison de la marchandise par
le transporteur à un destinataire qui ne restitue pas le connaissement
à ordre ou au porteur constitue une faute ouvrant droit à
réparation2. Les juges peuvent même retenir la faute
inexcusable du transporteur s'il remet la marchandise à un tiers non
ayant droit3
Cette obligation de veiller sur la marchandise est tellement
renforcée que même en matière de livraison d'un conteneur
plombé, l'intégrité des plombs ne peut, à elle
seule, suffire à démontrer que l'expédition est au complet
et à dégager la responsabilité du transporteur. Elle ne
constitue pas une garantie absolue d'inviolabilité du conteneur
4
En ce qui concerne la preuve de la livraison, c'est au
transporteur qu'il incombe d'établir par tous moyens que la livraison a
bien été effectuée. Cette preuve de la
réalité de la livraison peut être rapportée par la
remise d'un original du connaissement, mais aussi par le bon de livraison, ou
encore par des lettres de réserves non contestées.
§3: Le problème des protestations au moment de
la livraison
A : Le « laissé-pour-compte » et les
réserves à la livraison.
Lorsque la marchandise ne correspond pas aux marques des colis
chargés, ou a été tellement endommagée ou encore
est arrivé tellement en retard, le destinataire peut laisser pour compte
la marchandise s'il estime ne plus en avoir l'utilisation normale.
De même, la décongélation d'une partie
importante de la cargaison ouvre droit au destinataire de refuser l'ensemble du
chargement5. Cependant ce refus de prendre livraison de la
marchandise par le destinataire, ne rend pas le transporteur
propriétaire de la marchandise. Celui-ci commet donc une faute lourde en
vendant à vil prix cette marchandise qui ne lui appartient pas sans
l'avis préalable de quiconque6.
Le destinataire désirant conserver ses recours contre
le transporteur et ainsi faire échec à la présomption de
livraison conforme, doit faire toutes diligences si la qualité et/ou la
quantité de le marchandise qu'il a reçu, ne correspond pas aux
mentions du connaissement. Les réserves doivent être suffisamment
précises et motivées. En outre, elles doivent indiquer la nature
et l'importance des avaries car des réserves trop vagues ne pourront pas
être opposées au transporteur.
1 CA Paris 22 nov. 96
2 Com 29 janv. 1991, DMF 1991, p.354.
3 Com 4 janv 2000, BTL 2000, p. 132.
4 Lamy Transport 2004 1978 jur. 9
5 CA Aix-en-Provence 19 mars 1985.
6 Com 8 oct. 1996, Bull. civ. IV, n°228, p.
199.
Nous ne nous attarderons pas sur le problème des
réserves régulières vu qu'elles n'ont pas grand-chose
à voir avec l'absence de faute du transporteur maritime de
marchandises.
A l'inverse, les réserves irrégulières,
tardives ou inexistantes, entraînent une présomption de livraison
conforme au profit du transporteur. Celui-ci se retrouve d'ès lors dans
une situation où l'on ne peut plus, a priori, lui reprocher de faute. Le
réceptionnaire devra alors prouver que les dommages existaient au moment
de la livraison et qu'ils sont survenus au cours du transport maritime. Cette
preuve peut être fournie par tous moyens, voire par des
présomptions suffisamment graves, précises et concordantes.
Rappelons cependant que l'absence de réserves
n'entraîne pas de fin de non recevoir et ne rend pas irrecevable l'action
contre le transporteur1. Il a également été
jugé que l'absence de réserves à la réception d'un
conteneur frigorifique, n'empêche pas le réceptionnaire
d'établir la faute du transporteur pour les avaries par
décongélation constatées aux moyens du relevé des
températures2. Cependant, le défaut de réponse
à une réclamation adressée au transporteur ne peut pas
valoir reconnaissance d'avaries au cours du transport3.
Il convient toutefois de noter que l'inscription, par le
réceptionnaire, de la mention « reçu la marchandise »
sur le connaissement avant la réception effective, constitue une
décharge qui ne prive en rien le réceptionnaire de formuler des
réserves sur l'état d'avaries ou de manquants constatés au
moment de l'appréhension matérielle de la
marchandise4. Dans une telle situation le transporteur ne pourra pas
se prévaloir de cette mention comme preuve d'une livraison conforme. Sa
faute pourra tout de même être recherchée et
démontrée.
B : Lettre de garantie au moment de la livraison.
Lorsqu'à l'arrivée du navire le destinataire ou
son représentant ne sont pas en possession du connaissement, les
transporteurs ont pris l'habitude de livrer la marchandise à condition
que le réclamant souscrive un engagement formel, cautionné
solidairement par une banque, de garantir le transporteur contre toute
réclamation dont il pourrait faire l'objet de la part de tout porteur
régulier du connaissement.
La lettre de garantie contient généralement un
engagement à première demande, illimité dans le temps et
dans son montant, de prendre en charge tous les préjudices directs ou
indirects pouvant découler de l'irrégularité de la
livraison ainsi que les frais de toute nature suscités par
l'opération5.
1 CA Rouen 13 déc. 2001, DMF 2002, p. 522.
2 CA Versailles 25 mai 2000
3 CA Montpellier 14 mars 2000.
4 CA Aix-en-Provence 22 janv 1953. DMF 1953, p.616.
5 Lamy transport 2004, n°512.
A défaut d'une telle garantie bancaire, le transporteur
ne commet pas de faute en refusant de lui livrer la marchandise. Cependant, le
destinataire qui ne dispose pas du connaissement peut tenter d'obtenir la
livraison en entamant une procédure de référé s'il
est en possession d'éléments suffisants pour étayer sa
réclamation1.
Précisons, à titre indicatif, que la lettre de
garantie se trouvera démuni d'effet si le transporteur a volontairement
omis de prendre des réserves à propos d'un défaut de la
marchandise dont il avait ou devait avoir connaissance lors de la prise en
charge2. Cette omission volontaire ne constitue nullement une faute
du transporteur.
C : La constatation contradictoire et l'expertise
La Convention de Bruxelles (art 3§6) et le décret
du 31 déc. 1966 (art 57) autorisent le transporteur à demander
une constatation contradictoire de l'état des marchandises lors de leur
réception, rendant ainsi les réserves inutiles3. Une
telle expertise fait échec à la présomption de livraison
conforme.
« Le transporteur ne peut pas invoquer son absence de
faute ni se plaindre de n'avoir pas été appelé à
une expertise, d'ès lors que le destinataire lui a notifié des
réserves, dont il a accusé réception, et qu'il n'a pas
demandé la constatation contradictoire de l'état des marchandises
»4.
De plus, le transporteur qui ne s'est pas fait
représenter lors d'une expertise ayant eu lieu au lendemain de la
délivrance d'une marchandise, ne peut pas se prévaloir de son
absence de faute et rejeter les conclusions de cette expertise en
prétextant quelles ne lui sont pas opposables5. L'expertise
ne sera opposable au transporteur que s'il y a été
été appelé ou représenté6. En
effet, les juges rendent généralement opposable au transporteur,
les conclusions d'une expertise amiable à laquelle il a
été convoqué même s'il n'a pas souhaité y
participer7.
· Section 3 : Le post acheminement terrestre et le
dépotage des conteneurs
Les obligations qui découlent de cette ultime
étape, ne pèsent que sur la tête des transporteurs qui ont
conclu un contrat dépassant le cadre du transport maritime stricto
sensu. Il s'agit la plupart du temps des cas où le transporteur a
émis un connaissement de bout en bout. Sinon il s'agira des contrats de
transport maritime assortis de certaines
1 CA Rouen 19 oct. 2004, remise sous astreinte de la
marchandise.
2 CA Aix-en-Provence 7 nov. 1988, BT 1990, p. 47.
3 CA Versailles 1er avril 1999.
4 CA Aix-en-Provence, 11 déc. 1952, DMF 1953,
p.381, cité au Lamy Transports 2005 n°596.
5 CA Paris, 14 nov. 1988.
6 Civ.1ère. 7 mars 2000, Bull. civ.
I, p.54.
7
T.com Marseille, 3 sept. 2004.
Inopposabilité des conclusions au transporteur pour convocation non
conforme.
obligations supplémentaires. L'exécution de ces
obligations se fera pendant deux phases : le post-acheminement, dont nous
n'envisagerons que la modalité terrestre (§1) et le dépotage
du conteneur (§ 2).
§1 : Le post-acheminement terrestre
Nous revenons à la sphère des obligations
facultatives du transporteur. Dans les cas où le transporteur aurait
souscrit pour de telles obligations, sa responsabilité ne s'arrête
pas au déchargement de la marchandise.
Il devra notamment se charger des opérations de
dédouanement de la marchandise, même si en pratique cela est
effectué par les commissionnaires en douane. Il devra aussi charger la
cargaison sur un transport terrestre pour l'acheminer au lieu de livraison
initialement convenu.
Rappelons à cet égard que même si le
chargement des camions depuis le quai ne constitue pas la suite
nécessaire du déchargement du navire, le transporteur sera dans
ce cas responsable de ces opérations.
Bien entendu toutes les précautions et consignes
évoquées plus haut pendant la phase du pré transport
terrestre devront être prises et respectées1.
§2 : le dépotage des conteneurs
Lorsque le transporteur aura acheminé la marchandise
jusqu'au lieu de livraison, il devra s'occuper du dépotage des
conteneurs LCL/LCL qu'il aura transporté.
Il devra procéder avec soin aux opérations de
dépotage pour éviter des accidents pendant la <<
manipulation >> de la marchandise. Sa garde s'arrêtera alors avec
la remise effective des marchandises au réceptionnaire. Le sort des
marchandises ne sera d'ès lors plus sous sa responsabilité. Cela
ne veut pas dire qu'il ne sera plus responsable de la marchandise ou plus
précisément des dommages subis pendant que celle-ci était
sous sa garde.
<< Après le dépotage ou le
déchargement d'un engin de transport ayant servi à transporter
des marchandises dangereuses, il faut s'assurer qu'il ne contient aucune trace
de contamination susceptible de le rendre dangereux.
Dans le cas des matières corrosives, il convient
d'accorder une attention particulière au nettoyage de l'engin de
transport, étant donné que les résidus risquent
d'être très corrosifs pour les structures métalliques
>>1.
1 Se référer au pré acheminement
terrestre traité à la page 18.
CONCLUSION
S'il fallait déterminer l'obligation la plus cruciale
du transporteur maritime de marchandises en dehors de celui d'acheminer et de
livrer la marchandise dans le même état qu'il les aura eues, on
devrait admettre qu'il s'agit de son obligation de mettre le navire en bon
état de navigabilité. L'exécution de cette obligation,
nous le savons, passe entre autres par une série de contrôles et
d'examens minutieux entrepris pour détecter tous les vices
décelables, plus particulièrement celles affectant les parties
névralgiques du navire.
C'est l'une des rares raisons pour lesquelles, la
réglementation en vigueur exige du transporteur, la preuve qu'il a
nécessairement accompli toutes les diligences raisonnables que son
co-contractant serait légitimement en droit de s'attendre de lui, avant
même d'invoquer un des cas exceptés prévus.
En somme le transporteur doit prouver son absence de faute
avant d'invoquer et établir le cas excepté. Cette absence de
faute passe également par l'exécution de toute une palette
d'obligations s'inscrivant dans le souci d'apporter tous les soins
nécessaires et exigibles pour veiller en bon père de famille sur
la marchandise qui devra être remis au destinataire dans l'état
initial qu'il les aurait reçu.
Le transporteur a aussi l'obligation de se montrer vigilant
tout au long de l'exécution de son contrat pour veiller à la
stricte conformité entre ce qu'il a été chargé de
d'acheminer et ce qu'il transporte effectivement. En effet, s'il n'a pas pris
des réserves qui s'imposaient, la réparation des éventuels
dommages et irrégularités faisant l'objet de protestations,
demeurera à sa charge.
Cette obligation de veiller en bon père de famille sur
la marchandise dont il a la garde, procure aux ayant droits de ceux-ci, la
faculté de lui reprocher d'avoir fait passer ses intérêts
personnels avant ceux de la cargaison. On rencontre souvent ce problème
en matière de déviation et de transbordement.
Cependant, nous avons vu que sa situation d'absence de faute
ne lui dégage pas forcément de sa présomption de
responsabilité dans un système de responsabilité de plein
droit tel que celui organisé par le corps de règles issu de
l'articulation de la loi française du 18 juin 1966 et de la Convention
de Bruxelles dans sa version amendée de 1979.
Il ne faudrait pas pour autant en conclure que ce
système est ce qu'il y a de plus sévère à
l'égard du transporteur maritime de marchandises. En effet, la loi
française du 18 juin 1966 et la Convention de Bruxelles montrent leur
lien de parenté avec les constructions juridiques anglo-saxonnes.
1 Code IMDG, 7.5.3.1&2 cité au Lamy
Transport 2004, t.III, n°1498.
Cette influence, qui se retrouvait déjà dans le
Harter Act, se caractérise par l'énumération
d'une longue liste de cas exceptés prévus pour que le
transporteur puisse se décharger de sa présomption de
responsabilité. Pour la majorité de ces cas, la seule preuve de
leur existence ainsi que de leur lien de causalité avec le dommage
éprouvé suffit à exonérer le transporteur. Celui-ci
n'aura qu'à prouver avoir accompli sa « due diligence » que
dans certains cas précis. Ce qui réduit en quelques sortes
à une peau de chagrin, le domaine de l'exigence de la preuve d'avoir
accompli une diligence raisonnable.
Le caractère plus ou moins sévère de la
Convention de Bruxelles et de la loi française du 18 juin 1966
s'apprécie en fonction des règles alternatives
équivalentes. Le meilleur comparatif serait les Règles de
Hambourg du 31 mars 1978. Ces règles présentent plus une
influence française dans leur rédaction puisqu'elles substituent
au système d'énumération d'une liste
prédéfinie, un système basé sur des concepts
généraux et globaux.
Ainsi le transporteur maritime de marchandises désirant
s'exonérer sous l'empire des Règles de Hambourg du 31 mars 1978,
devra quasi systématiquement démontrer son absence de faute,
ainsi que celui de ses préposes, par la biais d'une démonstration
de l'accomplissement correcte de l'obligation de diligence raisonnable dont il
est débiteur, avant même de pouvoir invoquer tel ou tel cas
excepté.
Bien entendu, cette preuve ne sera pas nécessaire dans
les cas où sa diligence ne pouvait avoir aucune incidence sur le
déclenchement de cet événement exonératoire. Elle
ne sera non plus nécessaire dans les cas où toute la diligence du
monde se révèlerait insuffisante à parer aux
conséquences de la cause exonératoire.
Or nous savons pertinemment que les juges se montrent
très réticents à admettre que le transporteur aurait tout
fait de ce que l'on pouvait s'attendre de lui en terme de diligence raisonnable
pour éviter de subir les conséquences de la cause des
dommages.
Il faudrait d'ès lors se rendre à
l'évidence que la loi française du 18 juin 1966 et la Convention
de Bruxelles se montrent beaucoup plus protectrices des intérêt du
transporteur que ne le sont les Règles de Hambourg du 31 mars 1978.
En somme, il faudrait retenir que la loi française du
18 juin 1966 et la Convention de Bruxelles laissent une place beaucoup moins
importante à l'absence de faute du transporteur comme exigence
préalable d'exonération que ne le font les Règles de
Hambourg du 31 mars 1978.
Quoi qu'il en soit les Règles de Hambourg du 31 mars
1978 ne bénéficient que d'un champ d'application
particulièrement restreint, vu son faible taux de ratification. De plus
il semblerait même qu'elles soient en passe d'être bientôt
remplacées par une nouvelle convention internationale. Il se peut
très bien qu'elle cède la place au texte final qui aboutirait du
projet de la CNUDCI par exemple.
Bibliographie :
I : Ouvrages spécialisés
1- Bérurier J.Pierre : Droit Maritime Tome III
Exploitation et Protection de l'Océan
2- Chaiban : Les clauses légales d'exonération du
transporteur Maritime dans le transport de marchandises, Bibl. Droit
Maritime,
3- Du Pontavice E. et Cordier P. : Transports et
Affrètements maritimes, I
4- Remond-Gouilloud Martine : Droit Maritime,
2ème éd., Pedone, 1993,
5- Riotte P. : La responsabilité extracontractuelle de
l'armateur, Thèse Aix-en-Provence 1985.
6- Ripert G.: Droit Maritime, t III, 1953.
7- Rodière R. : Traité Général de
Droit Maritime Tome II Affrètements et Transports
8- Seriaux A. : La faute du transporteur, 2eme édit.,
1998.
9- Vialard Antoine : Droit Maritime, PUF 1ere Edition
1997
II : Mémoires et Thèses
1- Delebecque Ph. : Les clauses allégeant les
obligations dans les contrats. Thèse, Aix-en-Provence 1981.
2- Dervieux Yann : La responsabilité du transporteur
maritime de passagers et de leurs bagages. Mémoire de DESS Droit
Maritime et des Transports 1998
3- Scapel Christian : Le domaine des limitations
légale de responsabilité du transporteur de marchandises par
mer. Thèse, Aix-en-Provence 1973
III : Revues et périodiques
1- Bulletin des transports et de logistique
2- Droit Maritime Français, Edit° Lamy
3- Revue Scapel
IV : Sites Internet
1- Groupe d'Echanges de l'OMI :
www.folk.uio.no/erikro/WWW/corrgr/index.html
2- Ministère chargé des affaires maritimes
: www.mer.equipement.gouv.fr/
TABLE DES ANNEXES
Annexe I : La Convention de Bruxelles du 25 Août
1924
Annexe II : La Convention de Bruxelles du 25 Août
1924 modifiée par les protocoles du 23 février 1968 et du 21
décembre 1979
Annexe III: La loi française du 18 juin 1966 et
le décret du 31 décembre 1966
.
Annexe IV: Les Règles de Hambourg du 31 mars
1978
Annexe I
La Convention de Bruxelles du 25 Août 1924
Annexe II
La Convention de Bruxelles du 25 Août 1924
modifiée par les protocoles du 23 février
1968
et du 21 décembre 1979
Annexe III
La loi française du 18 juin 1966 et le
décret
du 31 décembre 1966
Annexe IV
Les Règles de Hambourg du 31 mars
1978
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 3
1ERE PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE AVANT L'EXECUTION DU
TRANSPORT MARITIME 7
CHAPITRE 1 L'OBLIGATION DE FAIRE TOUTE DILIGENCE POUR
CONDITIONNER ET ADAPTER CONVENABLEMENT LE NAVIRE 7
· Section 1: L'Obligation de mettre le navire en bon
état de navigabilité 8
· Section 2 : Le problème des vices cachés du
navire 12
CHAPITRE 2 L'ABSENCE DE FAUTE DANS LES OPERATIONS
COMMERCIALES AU DEBUT DE L'EXPEDITION MARITIME 15
· Section 1 :L'absence de faute à partir de
l'empotage jusqu'à la prise en charge de la marchandise. 15
-Ss 1: Les problèmes de fourniture et d'empotage des
conteneurs par le
transporteur 15
-Ss 2: Le pré acheminement terrestre. 18
-Ss 3: La prise en charge de la marchandise 19
A : Les modalités de la prise en charge 19
B : la prise en charge sous palan 20
C : La preuve de la prise en charge 20
· Section 2: L'absence de faute dans les opérations
de mise à bord de la cargaison 21
-Ss 1: La manutention négligente et l'insuffisance
d'arrimage 21
-Ss2 : les précautions dans le chargement 22
-Ss 3: La pontée régulière et
irrégulière et le transport d'animaux vivants. 24
CHAPITRE 3 : L'ABSENCE DE FAUTE ET LA VIGILENCE DU
TRANSPORTEUR AU DEBUT DE L'EXPEDITION MARITIME 28
· Section 1:La vigilance dans la détection des
fautes du chargeur 28
-Ss 1 : La faute du chargeur pour emballage,
étiquetage et marquage insuffisants 28 -Ss 2 : La faute du chargeur dans
l'empotage du conteneur. 29
· Section 2:Les déclarations du chargeur .30
-Ss 1: La vérification des déclarations du
chargeur 30
-Ss 2 : La déclaration de valeur 32
· Section 3:Le problème des protestations au moment
du chargement 34
-Ss 1 : La validité des réserves .34
-Ss 2 : L'abstention volontaire et involontaire de prendre des
réserves 37
-Ss 3 : Mécanisme de la lettre de garantie 39
2EME PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE PENDANT L'EXPEDITION
MARITIME. 40
CHAPITRE 1: L'ABSENCE DE FAUTE ET LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRACTUELLE DU TRANSPORTEUR MARITIME DE
MARCHANDISES 40
· Section 1 : L'absence de faute et la
responsabilité objective du transporteur maritime de marchandises (art
1384-1 du code civil) 40
-Ss1 : La responsabilité du transporteur pour les fautes
commises par ses 41
préposés
-§2 : La responsabilité du transporteur pour les
dommages encourus en
dehors de la faute de ses préposés et des cas
d'abordage. 42
· Section 2 :L'absence de faute dans les incidents
d'abordage 43
CHAPITRE 2: L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES EVENEMENTS
DEPENDANTS DE LA VOLONTE DU TRANSPORTEUR 45
· Section 1: Le déroutement raisonnable 45
-Ss 1 : le caractère raisonnable du déroutement
45
-Ss2 : l'absence de faute et le déroutement raisonnable
46
· Section 2: L'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens et l'institution des avaries communes. 47
-Ss 1 L'assistance et la sauvegarde des vies et des biens 47
-Ss2 : Les Avaries Communes 48
· Section 3: Le transbordement pour des raisons
commerciales 49
CHAPITRE 3 : LES DOMMAGES ENCOURUS EN DEHORS DE TOUTE
FAUTE DU TRANSPORTEUR 52
· Section 1: Le transbordement pour cause -
d'impossibilité de continuer le voyage ou - de réparation. 52
· Section 2 : La nature particulière de certaines
marchandises 54
-Ss 1: La freinte de route. 54
-Ss 2 : Le vice propre de la marchandise. 55
· Section 3 : Les dommages dus aux autres cas
exceptés. 56
-Ss 1 : L'incendie involontaire. 56
-Ss 2 : La faute nautique du capitaine 57
-Ss 3 : Les faits constituant un événement non
imputable au transporteur. 58
-Ss 4 : Toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la
faute du transporteur.60
3EME PARTIE: L'ABSENCE DE FAUTE APRES L'EXECUTION DU
TRANSPORT 61
CHAPITRE 1: L'ABSENCE DE FAUTE LORS DE L'ARRIVEE
AU
PORT DE DECHARGEMENT 61
· Section 1: L'Information de l'arrivée 61
· Section 2: Le problème du retard. 62
CHAPITRE 2: L'ABSENCE DE FAUTE LORS DES OPERATIONS DE
DECHARGEMENT ET DE LIVRAISON 64
· Section 1: Les opérations de déchargement
de la marchandise. 64
· Section 2: La livraison en bon état 65
-Ss1 : Définition de la livraison 65
-Ss 2: les règles et précautions à
respecter dans l'attente et au moment de la livraison. 66
-Ss 3: Le problème des protestations au moment de la
livraison 68
A : Le « laissé-pour-compte » et les
réserves à la livraison 68
B : Lettre de garantie au moment de la livraison. 69
C : La constatation contradictoire et l'expertise 69
· Section 3 : Le post acheminement terrestre et le
dépotage des conteneurs 70
Conclusion 72
Bibliographie 74
Table des annexes 75
Annexes 76
Table des matières 115
Remerciements
à tous ceux qui m'ont aidé, soutenu et cru en moi
:
Chantal, Fiona, Man Daisy, Marianne, Sydney, Vincent,
Richard et toi,
TOI Vanessa.