III. Leçons des expériences mûres
de transition d'Assurance Maladie Obligatoire vers la CMU :
On ne va pas apporter un plus en disant que l'AMO est
une des principales méthodes de financement des systèmes de
santé, si ce n'est la plus importante, puisque plusieurs pays ont
établi le principe de la couverture universelle par cette méthode
(Carrin et al, 2004). Plusieurs pays à faible ou moyen revenus sont en
train d'étendre la couverture de leur assurance maladie existante, pour
couvrir éventuellement la totalité de leur population. En 2005
l'OMS par son assemblée mondiale (WHA : World Health Assembly) a
explicitement incité les pays membres à oeuvrer et planifier pour
atteindre la CMU en tenant compte bien sûr des
réalités
macroéconomiques, politiques et
socioculturelles dans chaque pays (WHA, 2005). Le secrétariat de ce
même WHA a adopté la définition suivante de la couverture
universelle : « access to key promotive, preventive, curative and
rehabilitative health interventions for all at an affordable cost » (WHA,
2005). Le rapport sur la santé dans le monde de 2008 a aussi
définit la couverture universelle comme « universal access to the
full range of personal and non-personal health services they need, with social
health protection » (WHO, 2008). De son côté, Nitayarumphong
a avancé la définition suivante : «universal coverage as
«a situation where the whole population of a country has access to good
quality services according to needs and preferences, regardless of income
level, social status, or residency »(Nitayarumphong, 1998). Enfin de son
côté la commission des determinants sociaux de la santé
«added the requirement that people are empowered to use these
services» (Commission on Social Determinants of Health, 2008). Ces
définitions diffèrent sur la portée et l'étendue
des prestations ou services de soins couverts, mais s'accordent sur la
complète population couverte en termes d'effectifs. La différence
a été qualifiée par «the relative concept of
universal coverage with respect to health care services» (Kutzin, 2000).
Ainsi, «In each of these definitions, universal coverage evokes equity in
access, through financial risk protection and implicitly associated with equity
in financing» (Criel et al, 2010). Le concept de couverture maladie
universelle n'est pas à confondre «with more restrictive but
incrementally used terms as universal insurance coverage (and/or `basic
universalism' in Latin America)» (Criel et al, 2010). La CMU reste un
objectif, et donc les manières et les degrés d'atteinte
diffèrent d'un pays à l'autre. Dans ce qui suit, on va
présenter les facteurs permettant d'accélérer la
transition vers cet objectif - en se basant bien stir sur des
expériences - puis les caractéristiques d'un régime de
santé performant.
1. Les facteurs accélérant la transition
vers la CMU via l'AMO :
«La couverture universelle comprend deux volets :
la couverture médicale (soins médicaux
adéquats) et la couverture de la population
(soins médicaux pour tous)»(Carrin et al,
2004). L'importante mise en commun des risques individuels de santé
ayant des probabilités de réalisation différentes, va
permettre à la population assurée de moins supporter les
conséquences financières de son risque et donc favoriser son
accès aux soins de santé nécessaires puisque ses individus
se partagent le financement de ces cotits de soins. Classiquement, il existe
deux options principales de financement du système de santé pour
arriver à la CMU.
1-«Les impôts sont la source principale de
financement des services de santé. Ces services de santé sont
habituellement rendus par un réseau de contractants publics et
privés, souvent nommé Service National de la
Santé.
2- L'AMO, qui en principe, implique une
adhésion obligatoire de toute la population. Salariés,
travailleurs indépendants, entreprises et gouvernement paient une
contribution à une caisse d'assurance maladie obligatoire. Le
gouvernement peut apporter une aide à ceux qui, autrement, ne pourraient
payer, tels que les sans emploi ou les salariés à bas salaires du
secteur informel» (Carrin et al, 2004). Les fonctions d'affiliation, de
recouvrement des cotisations, de contractualisation et de remboursement des
prestataires de soins ...etc, peuvent être exécutées par
des établissements publics ou des institutions non gouvernementales
connues sous le nom de caisse maladie. Les prestataires de soins publics ou
privés sont accrédités et forment le réseau de
l'AMO.
3- Certains pays utilisent une combinaison des deux
principales options, et on trouve des systèmes mixtes de financement de
la santé, puisqu'une partie de la population est couverte par le
financement de l'impôt et une autre partie de cette même population
est couverte par l'assurance maladie obligatoire.
Des services de santé supplémentaires
(non couverts par les forfaits de prestations de base financés par les
trois systèmes décrits), peuvent être offerts par
l'assurance maladie privée jouant un rôle complémentaire
(Sekhri et al, 2003). Ces options de base ou mixtes, sont utiles pour
définir une méthode motivant un système de financement de
santé à s'orienter vers une couverture universelle. (Carrin et,
2004).
a/ Les facteurs généraux pour arriver
à une CMU : aperçu général :
En se référant au papier de Carrin et
James (OMS, 2004) portant sur les expériences de transition dans
certains pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Costa Rica,
Japon, République de Corée) vers la CMU par l'AMO. La
période de transition était définie comme le nombre
d'années écoulées entre le vote de la première loi
sur l'assurance maladie et la dernière loi pour la mise en oeuvre de la
couverture universelle. A titre d'exemples, ces périodes étaient
:
Tableau 2 : Résumé de la période de
transition de quelques régimes nationaux d'AMO
![](Experiences-de-Micro-assurance-de-Sante-et-d-AMO-qu-en-est-il-d-une-transition-vers-la-Couverture6.png)
Pays Allemagne Autriche Belgique Japon1 Costa
Rica1 ROK
Période de transition
1854-1988
(127années)
1888-1967 (79années)
1851-1969 (118années)
1922-1958 (36années)
1941-1961 (20années)
1963-1989 (26années)
1 Il faut noter que dans
le cas du Costa Rica, la couverture universelle n'a pas été
atteinte suite à la loi de 1961. Au Japon, la couverture universelle par
une assurance maladie obligatoire a été atteinte en
1961.
Source : Carrin et James (OMS, 2004).
De manière générale certains
facteurs peuvent accélérer le processus vers une couverture
universelle à travers l'AMO.
1- le niveau de revenu disponible dans le
pays : que se soit du côté des entreprises ou des citoyens
capables de payer les cotisations d'avance au régime AMO, ou bien
l'augmentation des recettes fiscales de l'Etat par l'augmentation des revenus.
La capacité de payer les cotisations en avance sera plus grande dans une
situation de forte croissance économique (Ensor, 1999).
2- la structure de l'économie
c'est-à-dire la taille du secteur formel et celle du
secteur informel. Plusieurs pays en voie de développement ont
d'importants secteurs agricoles, manufacturiers et de service, avec une partie
importante de l'emploi étant informel. Faute de déclaration des
salaires ou revenus, de sérieuses difficultés administratives
empêchent le prélèvement de l'impôt sur le revenu et
la collecte des cotisations. Ce qui mettra en cause l'application de la
protection maladie au secteur informel de la population, surtout lorsque le
système AMO repose de façon significative sur les contributions
des ménages.
3- la répartition de la
population qui va être couverte par l'AMO : les populations
à densité élevée des zones urbaines, dans
lesquelles il est vraisemblable de trouver un minimum d'infrastructures et de
moyens de communication de qualité, a plus de chance d'être servie
par le régime AMO que la population disparate des zones rurales (Ensor,
1999).
4- la capacité de gestion
du pays : La mise en place d'un régime AMO requiert une
maind'oeuvre suffisamment qualifiée ayant des capacités
comptables, bancaires et informatiques. L'éducation secondaire et
tertiaire devrait en principe répondre à cette demande en termes
de formation. Le propre personnel du régime AMO, peut être
appelé à être impliqué dans la formation et le
renforcement des capacités de leurs collègues.
5- le niveau de solidarité
parmi les membres de la société : On
considère ici une société ayant un niveau de
solidarité élevé comme étant une
société dans laquelle les individus ont une propension plus
grande à soutenir les autres individus. Un système de protection
financière totale requiert une quantité significative
d'interfinancement, aussi bien des riches aux pauvres que des personnes
à faibles risques à celles à hauts risques. Les
décideurs politiques peuvent, parfois, imposer la solidarité,
pour parvenir à un niveau nécessaire permettant la mise en oeuvre
durable de l'interfinancement de l'AMO.
Les cinq facteurs peuvent être plus ou moins
présents, mais l'appui du gouvernement pour lancer et orienter le
procédé qui mènera à un système d'assurance
maladie obligatoire pour tous est l'élément fondamental.
L'élément de l'appui du gouvernement sera discuté
ultérieurement.
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