b/ Limites de ce qui peut être assuré :
Une protection financière universelle ou une
CMU veut dire assurer toute la population contre le risque maladie ou les
coûts dits catastrophiques. Cette couverture suppose une « assurance
appropriée» (Musgrove, 1999). On va se baser sur les conclusions et
les analyses de Dror et Vaté (2003). Les auteurs se sont posé la
question fondamentale : où tracer la limite des risques assurables ? Et
plus précisément du risque de santé défini par
toute situation dans laquelle l'état de santé d'un individu ou
d'un groupe est exposé à une dégradation
possible.
Ils ont donc caractérisé le problème
de ce qui est assurable au moyen de trois limites qui se complètent :
actuarielles, économiques et politiques.
1- Limites actuarielles (caractéristiques du
risque) :
Un risque n'est pas assurable si ses
caractéristiques statistiques ne sont pas en conformité avec les
exigences du calcul actuariel, c'est-à-dire que : les
évènements facteurs du risque doivent être
aléatoires, et les risques en question doivent être à la
fois observables (étendue des garanties et donc leur coût, et la
probabilité des évènements susceptibles d'entraîner
ce coût), et diversifiables (dans le temps entre les périodes et
géographiquement par la réassurance). Ces deux conditions
permettent à l'assureur de déterminer une compensation
statistique ; donc calculer sa prime et juger la viabilité
économique.
D'un côté, les théoriciens et les
professionnels de l'assurance considèrent que la nature aléatoire
des risques de santé tient à six conditions :
- L'évènement est possible : il n'est ni
certain ni impossible.
- Le risque est non spéculatif : une
réalisation de ce risque ne sera pas favorable à l'assuré
(contrairement aux paris ou à la spéculation).
- L'évènement est imaginable : il est
possible d'en imaginer, même de manière imparfaite, les
conséquences en termes de nature comme en termes de
coût.
- Le risque est exogène :
l'évènement n'est pas attendu, et par conséquent on ne
peut déterminer sa réalisation à l'avance. La
réalisation du risque ne peut dépendre de la seule intention de
l'assuré, mais elle peut se produire par suite d'une action
effectuée par l'assuré sans intention ni malice.
- Le risque est futur : l'assurance ne peut couvrir un
risque déjà réalisé.
- Le risque est non présumé : On doit
écarter aussi les risques chroniques ou ceux liés à des
causes qui se sont réalisées.
D'un autre côté, la compensation
statistique des risques comprend deux aspects :
- L'unification et la diversification des risques :
hypothétiquement un certain nombre de gens sont disposés à
payer pour s'assurer contre un risque qui n'affectera que quelques individus.
En unifiant les risques, l'assureur applique la loi des grands nombres pour
calculer une prime actuarielle et déterminer une marge de
sécurité afin de limiter son propre risque de
faillite.
Dans le cas tunisien, on peut discuter le montant
d'une cotisation ou une sorte de participation qu'un citoyen n'exerçant
pas une activité professionnelle pourra payer pour se couvrir contre le
risque maladie. (Dror et Vaté, 2003)
2- Limites économiques (souscription de
l'assuré et engagement de l'assureur) :
Sans entrer dans les détails techniques qui ne
sont pas d'ailleurs l'objet de ce travail et qui demandent encore des
études spéciales et très pointues, l'assuré a
intérêt à ce que la prime soit la moins
élevée possible mais à ce que cette même prime
garantit une viabilité financière. Naturellement, on ne peut pas
parler de couverture universelle sans engagement de la caisse d'assurance
maladie. La couverture de toute la population a un impact sur le calcul
statistique du montant de la contribution. Cette prime ne doit pas être
élevée ou considérée comme excessive aux yeux
d'individus vivant dans des conditions sociales et économiques
difficiles.
- Les conséquences d'une asymétrie
d'information (risque moral, sélection adverse) occupent une place
importante dans la théorie de l'assurance. L'information a un rôle
essentiel dans la détermination de l'assurabilité des risques et
dans le fonctionnement des transactions d'assurance (offre et demande de
soins).
- En théorie, lorsqu'un risque satisfait aux
conditions actuarielles d'acceptation, il n'y a pas d'obstacles
économiques. Dans la réalité, les critères
actuariels et économiques d'acceptation sont rarement binaires. Exemple
: couvrir la population sans exigence d'un examen médical
préalable. (Dror et Vaté, 2003)
3- Limites politiques :
Les limites étant l'expression de choix faits
par les pouvoirs publics, elles peuvent être restrictives - en
interdisant une assurance de certains risques qui serait contraire à
l'intérêt public (une assurance contre les amendes) - ou
expansives (des risques doivent être assurés dans
l'intérêt de la société en général :
exemple de l'assurance santé universelle). Seule une intervention des
pouvoirs publics peut permettre la couverture de risques qui autrement ne
seraient pas assurables, en imposant cette couverture, en versant des
subventions à la caisse d'assurance ou en mettant en place une
réassurance. Parvenir à l'objectif de la CMU par la MAS ou par
l'AMO seule et comme on l'a discuté, présente d'énormes
défis. Quelles sont donc les perspectives ?
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