c/ Analyse des problématiques conceptuelles :
Tel qu'il a été présenté
au paragraphe précédent. On va se référer encore
à l'analyse de Carrin et James (OMS, 2004). Des précisions seront
apportées d'une manière concise, sur les problématiques
conceptuelles ainsi que les indicateurs de performance qui leurs sont relatifs,
dans les pays ayant choisi ou voulant choisir l'AMO comme voie vers la
couverture universelle des soins de santé.
1- La couverture de la population :
- Pourcentage de la population couverte par l'AMO
: sera plus élevé dès le début dans les
économies disposant de grands secteurs industriels, miniers ou de
services.
- Couverture en fonction des groupes
ciblés : Il convient d'analyser la couverture par groupe de
population : fonctionnaires ( y compris les enseignants, la police et le
personnel militaire), Salariés des entreprises publiques et
privées, travailleurs à l'étranger, indépendants
agricoles et non agricoles, les retraités ou pensionnés, certains
groupes de la population non active (étudiants, handicapés,
chômeurs). Il faut aussi comprendre que la transition vers la CMU peut
prendre un certain temps. Toutefois, le pourcentage couvert peut excéder
le pourcentage de cotisants si le gouvernement
crée des arrangements financiers permettant de payer les cotisations de
certaines catégories de la population, comme les plus pauvres, qui
autrement n'auraient pas pu se permettre une adhésion au régime
d'assurance. L'ampleur des financements croisés dépend du niveau
de solidarité parmi les membres de la société.
2- Les méthodes de financement :
- Ratio des cotisations payées d'avance par
rapport au coût total des prestations AMO : Il existe deux soucis.
Premièrement, le ratio des cotisations payées d'avance peut
être très élevé mais le forfait de prestations
très restreint. Un forfait de prestations de soins de santé
complet est généralement composé de soins externes (soins
de santé primaires, certains services de spécialistes,
médicaments essentiels) et de soins hospitaliers (dont les
médicaments essentiels et les services auxiliaires comme les tests de
laboratoire). (Carrin et al, 2001).
Deuxièmement, le souci du hasard moral - qui
implique que les individus peuvent avoir une demande excédentaire de
soins de santé lorsqu'ils sont confrontés à un prix
subventionné au moment où ils ont besoin de soins de santé
- devrait être pris en compte.
- Ratio des cotisations payées d'avance par
groupes ciblés : Le défi pour les régimes AMO
est de développer un plan par lequel les autres groupes ciblés
adhèrent systématiquement au régime selon des
conditions similaires à celles des affiliés initiaux. Ceci
conduira éventuellement à des
ratios similaires pour tous les groupes, avec une
accessibilité financière comparable aux prestations de
santé.
- Pourcentage de ménages avec des
dépenses d'urgence : la problématique conceptuelle de la
protection contre les dépenses d'urgence est importante. Les
régimes AMO les plus performants minimisant le pourcentage des
ménages ayant à effectuer ce genre de dépenses. Plusieurs
articles et papiers ont défini les dépenses d'urgence ou
catastrophiques, et ont défini des pourcentages différents du
revenu du ménage.
- Dépenses d'urgence par groupe
ciblé : Ce critère montre dans quelle mesure le
régime AMO est équitable. Un régime AMO performant
pourrait limiter les dépenses catastrophiques ou d'urgence même
auprès des groupes vulnérables. Le concept d'équité
est plus large que celui de l'accessibilité financière, puisqu'il
s'intéresse de la manière par laquelle les cotisations au
régime AMO sont distribuées aux ménages à revenus
différents (c'est une «équité verticale»), et au
traitement égal à besoin égal qui est une
«équité horizontale». Qu'elles soient forfaitaires
(pour certains indépendants) ou liées au salaire (favorisent
l'équité), les cotisations sont la source primaire de financement
d'un régime AMO. Les cotisations forfaitaires, surtout dans un pays
où il est très difficile d'évaluer les revenus, peuvent
éviter des pertes de temps et faciliter la gestion. On a une
substitution entre l'équité et l'efficacité. Une solution
intermédiaire est d'avoir une série de tarifs forfaitaires comme
alternative à des modèles basés uniquement sur le revenu
ou sur une contribution forfaitaire. Cette alternative doit tenir en compte la
capacité à payer des individus sans trop augmenter les
coûts administratifs et les pertes de temps. Pour prévenir les
contestations de certaines personnes, une manière de reconnaître
les limites de la solidarité financière dans un régime est
de plafonner le salaire, sur lequel sont basées les cotisations. Si les
décideurs politiques désirent couvrir une plus grande partie de
la population (chômeurs, les retraités, les étudiants et
les pauvres), plutôt qu'uniquement ceux qui ont cotisé par le
prélèvement sur leurs salaires, d'autres sources
complémentaires peuvent être apportées dont la principale
d'entre elles provient des subventions gouvernementales à travers la
taxation générale. D'autres sources telles que les impôts
spéciaux (taxes sur la consommation du tabac et de l'alcool), et les
aides extérieures peuvent être utiles mais pour un financement
temporaire ou isolé de certaines tâches. Les tickets
modérateurs ou « le recouvrement des coûts» ne sont pas
une source directe de financement du régime AMO, mais ont un impact sur
le niveau des dépenses de l'AMO.
3- Le niveau de fragmentation :
La mise en commun complète des risques
dépend en plus de l'étendue des cotisations payées
par les usagers, du niveau de fragmentation de cette mise en commun. La
fragmentation se produit
lorsqu'il y a trop de petits systèmes de mise
en commun du risque (WHO, 2000). Les systèmes de mise en commun auxquels
sont associés des groupes à faible revenu recevront un montant
moins élevé de cotisations, amenant des forfaits de prestations
de santé moins généreux et des restrictions dans
l'accès. Si un mécanisme appelé compensation des risques,
qui permet une rectification des ressources disponibles mises en commun selon
les divers risques des affiliés, est en vigueur, la fragmentation peut
être évitée. La mise en commun des risques peut être
multiple (plusieurs caisses d'AMO) ou unique (caisse d'AMO unique). La caisse
unique comme c'est le cas en Tunisie, demeure la meilleure option pour
maximiser la mise en commun des risques et minimiser la fragmentation.
L'objectif des décideurs politiques est d'offrir un forfait de
prestations de santé identique à tous les affiliés pour
permettre la liaison nécessaire entre les systèmes de mise en
commun. Cette liaison des risques est connue sous le nom de « compensation
des risques», par laquelle des subventions sont données aux
personnes à haut risque, à travers «un fonds de
solidarité». Fournir immédiatement un forfait identique
à toute la population nécessiterait outre les subventions du
gouvernement, d'importants transferts de ressources du secteur formel à
celui informel. Enfin Le régime d'assurance maladie universelle de la
Colombie est un bon exemple de mécanisme de compensation des risques
entre systèmes de mise en commun du risque (Londoño,
2000).
4- Mécanismes de paiement aux fournisseurs
:
Que les fournisseurs des soins de santé soient
individuels ou institutionnels, la manière avec laquelle ils sont
payés peut significativement affecter les coûts et la
qualité des soins prodigués, et peut donc contribuer à
l'atteinte de l'utilisation optimale des ressources. Il n'est pas possible
d'établir catégoriquement quel mécanisme de paiement des
fournisseurs de soins de santé est meilleur ou pire que les autres,
puisque chacun a ses forces et faiblesses et un impact sur la maîtrise
des dépenses et la qualité des soins. (Carrin et Hanvoravongchai,
2003). D'où évidemment la préférence d'un
mélange des méthodes de rémunération. Après
un résumé des principales forces et faiblesses de ces
méthodes, on se propose de discuter les perspectives de la MAS à
parvenir à une couverture universelle, ainsi que le système d'AMO
tunisien à transiter vers une CMU. La discussion de cette transition de
l'AMO en Tunisie vers la couverture universelle va constituer une espèce
de «projet» et un objectif pour lequel on va militer toute notre vie,
espérant qu'il se réalisera un jour pour le peuple tunisien
père de «la révolution pour la liberté». Une
telle transition vers la couverture universelle, est aussi une
révolution dans les idées existantes sur la liaison automatique
entre la qualité d'assuré et l'activité
professionnelle.
Tableau 4 : Principales forces et faiblesses des
méthodes de paiement des fournisseurs de soins
![](Experiences-de-Micro-assurance-de-Sante-et-d-AMO-qu-en-est-il-d-une-transition-vers-la-Couverture7.png)
- Encourager les fournisseurs de soins à offrir
des soins de qualité.
Forces Faiblesses
- Encourager d'un autre côté une
surproduction de soins de santé (demande induite de l'offreur). (Witter
et al, 2000).
- Tendance à réduire le temps
passé par activité et/ou à déléguer à
des personnes moins qualifiées.
- Coûts administratifs élevés :
coûts de facturation, frais de remboursement et de
contrôle.
Méthode de paiement
Rémunération à l'acte (pour
chaque acte fourni à un patient)
Rémunération au cas (DRG : Diagnosis
Related Group) : l'hôpital est payé une somme uniforme pour les
traitements du patient selon le groupe dans lequel il a été
diagnostiqué.
Rémunération à la journée
(per diem)
- Pour des soins ambulatoires ou d'hospitalisation.
Facile à administrer.
- Meilleur contrôle des coûts puisque les
fournisseurs ont intérêt à être plus
efficaces.
- Pour des soins hospitaliers, elle est simple et peu
coûteuse à administrer.
- Existence d'un incitatif à augmenter la
durée du séjour des patients et/ou à accroître le
nombre d'admissions.
- Possibilité d'effet négatif sur la
qualité, car les hôpitaux ont intérêt à
réduire leurs facteurs de production pour diminuer les
coûts.
- Incitatifs à augmenter les
admissions, et à faire des diagnostics plus
graves et donc plus coûteux - et/ou à transférer les cas
complexes à d'autres fournisseurs.
![](Experiences-de-Micro-assurance-de-Sante-et-d-AMO-qu-en-est-il-d-une-transition-vers-la-Couverture8.png)
Rémunération à la capitation : les
fournisseurs reçoivent des paiements selon la
taille de la population desservie.
![](Experiences-de-Micro-assurance-de-Sante-et-d-AMO-qu-en-est-il-d-une-transition-vers-la-Couverture9.png)
- Administration facile - Les paiements sont
ajustés pour
refléter la morbidité espérée
de la population.
- Il n'existe pas d'incitatif à fournir
excessivement des soins de santé, et donc risque de sous-production de
soins de santé.
Budget - Peuvent aider à contrôler les
coûts : il
n'y a pas de lien entre la quantité et la
composition des soins de santé offerts aux patients et les montants
reçus par les fournisseurs.
- En cas où les budgets ne sont pas stricts,
pas d'incitatif à minimiser les coûts pour les
fournisseurs.
- Possibilité de sous-production et des listes
d'attente.
Salaires - Méthode simple administrativement - Ne
peut pas couvrir que les coûts de
personnel et pas ceux des médicaments et de
l'équipement médical.
- Possibilité de sous-production
- Possibilité de fuite vers le secteur
privé.
Source : Carrin et James (OMS, 2004)
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