Table des matières
I. Introduction
1
II. Démarche
Méthodologique
7
A. J'immigre donc je suis
8
1. Qui émigre et pourquoi ?
Trois origines principales des migrants chinois
9
a) Wenzhou : une immigration historique
organisée
9
b) Chaozhou : les « boat
people » des années 1970
9
c) Dongbei : une immigration précaire
et isolée
10
2. Typologie des parcours migratoires :
3 types
12
a) La voie directe
12
b) La voie parachute
13
c) La voie « Pa
Shan »
13
3. La relation parents/enfants dans le
projet migratoire
14
a) Le confucianisme et la
piété filiale
15
b) La nécessité du lien
filial
16
c) Aspirations individualistes
17
d) La position des jeunes migrants
17
4. Condition de vie en France
18
a) La langue, facteur de
vulnérabilité
18
b) Quand la communauté rend
vulnérable
22
B. Le processus d'intégration des
migrants chinois : une collaboration entre l'espace communautaire et l'espace
républicain
26
1. Point de vue psychologiques et
sociologiques sur la migration
26
a) Le point de vue de la psychologie
26
b) Le point de vue de la sociologie
27
2. L'intégration ? Quelle
intégration ?
30
a) Le modèle d'intégration
républicain
30
b) Le modèle d'intégration
républicain en débat
31
c) Le processus d'acculturation
32
3. Organisation des institutions et des
associations
33
a) Comment s'organise l'Etat pour
l'intégration des migrants chinois ?
33
b) Le travail des associations
39
III. Problématique
45
IV. Outils de vérification
46
V. Conclusion
47
L'intégration républicaine à
l'épreuve du lien communautaire :
L'exemple des migrants chinois
I. Introduction
La thématique de départ a connu une certaine
évolution au fil des lectures, des entretiens et de la consultation des
diverses sources documentaires que j'ai eu l'occasion d'examiner pour affiner
mon choix de réflexion. Ce choix s'est tout d'abord porté sur la
notion de « communautarisme ». Ce thème suscite mon
intérêt car il semble cristalliser les principales peurs de nos
sociétés occidentales. A 32 ans, je fais partie de ce que l'on
appelle la « Génération Mitterrand ». J'ai
en effet grandi dans les années 80 et 90. Une période de notre
histoire où les identités communautaires se sont
particulièrement affirmées. Les premiers germes de la crise
économique, apparaissent à cette période et tendent
à crisper les identités culturelles vers un repli sur soi. Ainsi
nous voyons poindre des associations antiracistes telles que « SOS
Racisme » ou le « Mouvement contre le racisme et pour
l'amitié entre les peuples » en 1983 et 1984 suite à
la première manifestation nationale antiraciste qu'on a appelée
« la marche des beurs ». J'ai donc été
imprégné, durant mon enfance, d'une culture prônant la
tolérance face à l'intolérance. Parallèlement
à ces valeurs, un autre mouvement crée en 1972 connait une forte
croissance, le Front National. C'est en effet en 1982 que ce parti nationaliste
aux valeurs fondées sur la « préférence
nationale », fait une percée aux élections cantonales
de Dreux surprenant le monde politique. Cette ville a été le
terreau d'un débat idéologique qui n'a fait que se
développer depuis. Ayant vécu dans cette ville durant 15 ans, je
pense que ces questionnements identitaires m'ont accompagné tout au long
de mon parcours jusqu'aujourd'hui.
Depuis le début de ces années 80, la question de
l'intégration des personnes migrantes est une problématique
récurrente. Les communautés ont affirmé leur lutte pour
une reconnaissance au sein de la République (revendication du droit de
vote aux étrangers, création de mouvements antiracistes). En
2010, le débat est toujours d'actualité, notamment avec la
résurgence soudaine de « la question Roms » et le
débat ouvert par le ministre de l'immigration fin 2009 sur
l'identité nationale ou la possibilité de déchoir la
nationalité française d'une personne naturalisée depuis
moins de 10 ans. Sur la scène politique et sociale, si la discussion est
âpre, c'est qu'elle représente une évolution d'une question
sociale qui touche aux bases de l'idéologie républicaine
française et de son universalisme. C'est aussi parce qu'elle touche aux
passions identitaires et à la reconnaissance, ou non reconnaissance, des
origines diverses de la population vivant sur le territoire français. La
question de l'intégration des personnes migrantes est donc une question
sociale importante voire essentielle pour une cohésion sociale
nationale.
Dans ce travail, je souhaite questionner le travail social
communautaire qui apparaît comme un élément clé du
processus d'intégration des personnes migrantes. C'est en effet à
travers le prisme des actions associatives communautaires que ma recherche
prendra sens.
Il apparaît important lorsque l'on choisit de travailler
une thématique, ici le fait communautaire, d'en définir les
contours et explorer ce qu'il recouvre. Ainsi, je ne peux faire
l'économie d'une définition qui accompagnera ce mémoire de
recherche jusqu'à son terme et qui représente le pendant de
l'intégration, le communautarisme. En essayant de clarifier ce terme
obscur, je m'aperçus que sa définition n'était, dans mon
esprit, pas aussi limpide et allant de soi qu'elle en avait l'air. Le terme est
en effet teinté d'une certaine opacité, restant pour la
conscience collective un mot générique péjorativement
connoté. Je découvris au cours de mes recherches que ce terme,
bien que massivement utilisé par les médias d'informations, ne
s'est vu attribué une place dans le « petit
Robert » qu'en 2004, et que 2 ans auparavant il était encore
absent de tous dictionnaires de langue française. Aussi, selon une
recherche menée par le sociologue Fabrice Dhume1(*), ce mot est quasiment absent du
discours journalistique sur la période 1983-1994 (le terme faisant
l'objet de 2 dépêches AFP par an en moyenne), tandis que sur la
période 2002-2005, la moyenne d'utilisation du terme explose (218
dépêches AFP par an en moyenne). Pour Pierre-André Taguieff
le terme communautarisme « désigne, avec une intention
critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute
autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance
à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit «
postmoderne » où l'« ouverture » , et plus
particulièrement l'« ouverture à l'autre » , est
fortement valorisée2(*) » . Le communautarisme est alors
présenté comme un contre-modèle d'intégration, une
figure symétriquement opposé au modèle républicain
d'intégration.
La définition du communautarisme prend son sens au
regard de la population sur laquelle j'ai choisi de focaliser mes recherches
ainsi que des idées reçues que l'inconscient collectif lui porte.
J'ai en effet décidé d'étudier le rapport à
l'intégration de la population chinoise. Jusqu'à une
période récente, l'immigration chinoise ne posait pas de
problème à la société française qui
l'observait comme discrète et économiquement bien
intégrée. On la considère parfois comme une
communauté étrangère « idéale » car
perçue comme calme et autorégulée. De nos jours, la
communauté d'origine chinoise en France peut être
évaluée à 600 000 ou 700 000 personnes dont 60% en
Ile-de-France d'après Pierre Picquart, docteur en géopolitique et
auteur d'une thèse sur les chinois de Paris.
En 1997, le Troisième Collectif des sans-papiers a
surpris et rendu visible une immigration chinoise illégale dont
l'ampleur était insoupçonnée. Les pouvoirs publics ont
constaté une nette augmentation de la population chinoise dans les
services sociaux (Caisses d'Allocations Familiales, hôpitaux etc.).
Jusqu'alors, cette population en recherche d'aide était
généralement prise en charge par la communauté. Celle-ci a
vu une diminution de sa capacité d'intégration communautaire due
à une importante augmentation du nombre de migrants et à la
diversification de leurs origines. Les ressources internes à la
communauté ne semblent plus suffisantes pour résoudre l'ensemble
des problèmes de ses membres et de plus en plus de personnes se tournent
vers l'extérieur, c'est-à-dire vers la société
française. Si cette volonté de briser le cercle communautaire
peut-être considéré comme un signe d'ouverture quelque peu
contraint par l'absence de ressources communautaires suffisantes, elle
représente aussi un parcours d'obstacles culturels et linguistiques
énormes et très vite décourageant. En effet, la
maîtrise de la langue et des codes culturels de la société
d'accueil conditionnent la sociabilité des migrants. Les adultes
rencontrent de grandes difficultés d'apprentissage et finissent souvent
par y renoncer. En l'absence de compréhension linguistique, ils font
appel à des médiateurs appartenant à la communauté
chinoise qui servent d'intermédiaires entre les individus et la
société française. La communauté reste une
ressource vitale pour ces migrants qui vont y puiser les éléments
pour assurer leur survie et leur installation dans le nouveau pays.
Au centre du réseau
communauté-migrant-société le mouvement associatif chinois
et franco-chinois joue un rôle de plus en plus important. Il existe en
France un réseau d'action sociale communautaire. Ce réseau est
constitué d'associations communautaires dont le but est d'aider,
accompagner les personnes ressortissantes de la même communauté.
Ainsi, ce tissu associatif, partenaire de fait des institutions
étatiques, constitue un réseau de médiation
interculturelle entre les personnes migrantes et la société
d'accueil. Ces associations entrent en lien avec les services de l'Etat afin de
collaborer en vue d'assurer le parcours d'intégration de ces personnes.
Elles créent des ponts culturels entre chinois et français qui
permettent une compréhension mutuelle des cultures favorisant le
processus d'intégration dans une volonté de mixité
culturelle.
Durant cette phase préparatoire au mémoire de
recherche, j'ai eu l'occasion lors de mon deuxième stage en polyvalence
de secteur ainsi que par le biais d'un entretien avec le président d'une
association chinoise oeuvrant entre autre pour l'intégration des jeunes
chinois en France, de faire quelques constats pratiques coïncidant avec
les constats théoriques cités plus haut. J'ai en effet eu
l'occasion d'accompagner une famille chinoise au sein d'un service social
polyvalent. Cette famille composée d'une mère de famille, d'une
petite fille de 10 ans et d'un bébé était
déjà venu au service l'année passée où elle
avait été reçue pour une demande immédiate de bons
alimentaires et d'un suivi de dossier DALO (Droit Au Logement Opposable). J'ai
effectué deux entretiens avec cette famille. Ces entretiens se sont
révélés d'une certaine complexité car la
mère ne parlait pas du tout le français. Sa fille de 10 ans
faisait office de traductrice. Lorsque celle-ci ne pouvait plus traduire car ne
comprenant pas les démarches à suivre pour le suivi DALO, la
mère me tendit son téléphone afin que je discute avec un
homme chinois comprenant le français et visiblement personne ressource
quant aux démarches administratives.
L'entretien que j'ai effectué avec le président
de l'association communautaire chinoise a également confirmé les
constats théoriques développés ci-dessus. Alors que je
préparais mon matériel, un usager de l'association est
entré et a tendu un billet de 50 euros au président en parlant un
dialecte chinois. Plus tard, alors que je l'interrogeais sur l'importance de la
communauté il revint sur ce fait et me dit qu'il s'agissait de l'argent
d'une quête pour une dame malade qui devait se faire soigner en Chine.
L'information avait été relayée via le forum du site web
de l'association. Durant l'entretien plusieurs personnes sont venues ainsi
donner de l'argent liquide sans facturation pour cette dame.
Ces deux expériences singulières viennent
confirmer l'importance du réseau communautaire dans la vie quotidienne
des migrants chinois. Elles mettent également l'accent sur l'aspect
primordial de l'apprentissage de la langue française, facteur
d'intégration et obligatoire depuis 2005 puisqu'imposé dans le
Contrat d'Accueil et d'Intégration (CAI) aux arrivants réguliers
ou aux personnes clandestines candidates à un titre de séjour.
Le terme intégration, noeud de cette recherche, est
également à définir. Le concept est difficile à
définir. Du latin integrarer qui signifie renouveler, rendre
entier, la notion d'intégration traduit une certaine adéquation
à un ensemble.
Pour les sociologues ce sont toujours des rapports entre
individus et la société dont il est question : le
« faire société », le
« vivre ensemble ». Au sens psychosocial,
l'intégration désigne le processus d'intériorisation qui
permet à un individu de réagir conformément aux normes et
valeurs qui régissent le groupe. Le Haut Conseil à
l'Intégration crée en 1990, définit officiellement en 1991
cette notion :
« il s'agit de susciter la participation active
à la société nationale d'éléments
variés et différents, tout en acceptant la subsistance de
spécificités culturelles, sociales et morales et en tenant pour
vrai que l'ensemble s'enrichit de cette variété, de cette
complexité » .
Cette citation insiste sur l'idée d'un processus.
L'intégration n'est pas un état, mais une histoire, on peut
parler de « parcours d'intégration ».
Le modèle français d'intégration se fonde
sur l'indifférenciation entre les hommes, c'est en ce sens qu'il est
universaliste. Garder des liens avec sa culture d'origine est un droit. Mais
une condition est nécessaire : il faut que ces liens
s'établissent ou se maintiennent dans le respect des règles de la
vie sociale, des lois de la République. Selon le dictionnaire critique
d'action sociale, « l'intégration ne peut se faire sans
transformation identitaire, perçue comme la condition même de la
réussite du processus d'intégration ».
Autre concept à définir avant d'entamer la phase
exploratoire de cette recherche, celui de communauté. Selon Ferdinand
Tönnies (1855-1936), auteur de « Communauté et
société », la solidité de la
communauté serait due à la force du lien social, scellée
par la tradition. Il distingue la société de la
communauté. La société serait fragilisée par
l'individualisation et la tendance à la désagrégation du
lien social qui ne pourrait se maintenir qu'artificiellement sous la pression
de l'Etat. Le lien de l'individu à la communauté d'origine se
caractérise par un sentiment d'appartenance et d'une prise de conscience
de la dimension collective de soi. Le sentiment d'appartenance est
également le fait de prendre conscience d'être membre d'un groupe
et de sa propre identité qui se différencie de ce groupe. Cet
attachement est constitutif de l'identité même de la personne.
L'intégration dans le cas des personnes migrantes ayant pour ressource
et stratégie de survie le lien communautaire serait donc un passage de
la communauté à la société en passant par une
transformation identitaire.
Cette transformation identitaire fait partie du processus
d'acculturation « destructeur de solide tradition (...) mais aussi
créateur de réalités inédites3(*) »
Cette question d'intégration des migrants, la relation
presque exclusive qu'ils entretiennent avec le réseau communautaire
interroge le modèle d'intégration républicain qui renvoie
en France et selon le Dictionnaire critique d'action sociale à une
assimilation culturelle. Or les stratégies identitaires des migrants
visent à concilier la défense de leur patrimoine culturel avec le
besoin d'emprunter divers éléments à la culture d'accueil
pour vivre au quotidien et pour s'intégrer dans la
société.
Aux vus de la présentation de ces différents
constats théoriques et pratiques sur l'intégration de la
population migrante chinoise, des relations étroites qu'elle entretient
comme un système historique de stratégie de survie avec la
communauté ainsi que du rôle des associations communautaires
chinoises et franco-chinoises dans le processus d'intégration, une
question de départ se dégage : Comment l'action sociale
peut-elle accompagner les migrants chinois dans leur processus
d'intégration alors que leur stratégie de survie les ont
positionné dans un repli identitaire communautaire.
Ce mémoire de recherche s'articulera autour de deux
parties. La première partie traitera de l'expérience de la
migration chinoise. Cette partie descriptive tentera une description partielle
et générale de la population qui fait le choix de s'expatrier.
Qui ? Pourquoi ? Comment ? Nous verrons également dans
cette partie les conséquences sur la vie de ces personnes, les nouvelles
conditions de vie, le choc culturel provoqué, le point de vue
psychologique ainsi que sociologique de la migration. Enfin, toujours dans
cette première partie nous verrons les stratégies
élaborées pour vivre au sein d'une société
étrangère, comment la communauté pallie au grand
écart culturel vécu, mais comment elle peut aussi devenir un
obstacle pour ces personnes.
La deuxième partie s'attachera au processus
d'intégration des migrants chinois. Nous verrons comment les
associations communautaires chinoises et franco-chinoises agissent pour
favoriser l'intégration des migrants, ce que les institutions
étatiques ont mis en place également et comment dans une
dynamique partenariale les associations communautaires et les institutions de
la République oeuvrent ensemble pour limiter l'exclusion des migrants
chinois et favoriser leur inclusion dans l'espace sociétal.
II. Démarche
Méthodologique
Se lancer dans un projet de recherche nécessite une
certaine capacité d'adaptation, d'ouverture d'esprit et de remises en
question indispensables pour la bonne avancée de celui-ci. En effet, le
travail de recherche n'est pas un objet dont l'étudiant dans son
positionnement de chercheur pourrait s'emparer à des fins
d'études minutieuses et figées. Cet état de fait est
particulièrement prégnant dans une démarche d'initiation
à l'expertise sociale. Du choix de la thématique au sujet,
jusqu'à la construction de la problématique et de la formulation
de l'hypothèse, l'étudiant fait face à un objet mobile, en
constante évolution avec son environnement social, culturel,
économique et politique. Le travail social fait face à une
mutation constante de la variable sociétale créée par
l'interpénétration quotidienne des ces champs d'investigation.
Dans ce magma d'informations produites par la Société, le travail
du chercheur est de tenter de repérer un fait social participant de
cette mutation sociétale. Il s'agit donc d'isoler un objet directeur,
emprunt d'une certaine constance au sein d'un ensemble mouvant.
Aussi, ma démarche première fut d'aller regarder
les oeuvres et les auteurs ayant consacré enquêtes et
études sur la migration de la population chinoise afin de tenter
d'établir un profil de migration (motifs de départ, choix du pays
d'installation, régions de départ, histoire de la migration
chinoise en France, origines régionales des migrants). Je
découvris vite quelques auteurs incontournables et spécialistes
du monde chinois tel que Pierre Picquart, Le Huu Khoa ou Véronique
Poisson. La consultation du CEDRICC (Centre d'Etude et de Développement
et de Recherche sur l'Immigration Chinoise et la Chine) sur le mouvement
associatif chinois et franco-chinois a également été utile
ainsi que diverses revues spécialisées comme Hommes et
Migrations, Migrations santé, Migrations Etudes ou REMI (Revue
Européenne des Migrations Internationales). Ces éléments
bibliographiques m'ont aidé à dépeindre la situation
actuelle des migrations chinoises, leurs origines et leurs histoires.
En parallèle, je me suis intéressé
à différents concepts venant percuter celui d'immigration.
Notamment ceux d'intégration, de communautarisme, de communauté
ou d'acculturation. Outre le dictionnaire d'action sociale je me suis
intéressé à ces concepts analysés par des
sociologues et philosophes (Dominique Schnapper, Abdelmayek Sayad sur
l'intégration, Pierre-André Taguieff sur le communautarisme,
Andrea Rea et Maryse Tripier sur la sociologie de l'immigration etc.). La
sociologie en particulier occupe une place importante dans cet écrit.
J'ai en effet choisi de m'intéresser à un
phénomène social et sociologique qui intéresse et les
sciences sociales ainsi que le travail social. La sociologie permet
d'élaborer des idéaux-types permettant d'analyser avec le recul
nécessaire un fait social. C'est en quelque sorte la partie large d'un
entonnoir. Les politiques sociales s'appuient souvent sur des rapports
sociologiques. L'action sociale découle de cette logique d'entonnoir.
Voilà pourquoi il m'a paru important de faire appel aux sciences
humaines et sociales dans ma démarche d'initiation à la
recherche.
J'ai également rencontré des personnes
ressources afin de m'entretenir avec eux sur la question de
l'intégration des migrants chinois (Un président d'une
association communautaire franco-chinoise (association P), un président
d'une association chinoise (association H), un membre de cette association, une
assistante sociale de secteur d'un quartier fortement marqué par la
présence d'une population chinoise, une assistante sociale d'origine
chinoise de l'association franco-chinoise P et un ancien journaliste,
spécialiste de la chine et président d'une association
franco-chinoise et des usagers des associations H et P, un jeune lycéen
chinois.
Ces entretiens avec ces personnes fortement impliquées
dans des actions communautaires à vocation intégratrices ou
d'aide à l'intégration ont été forts instructifs
quant aux obstacles rencontrées par les migrants chinois arrivants en
France.
Pour ce j'ai effectué des entretiens semi-directif pour
l'ensemble des personnes que j'ai rencontré. J'ai en effet
privilégié le qualitatif sur le quantitatif car les
données quantitatives n'auraient sans doute pas été un
reflet réaliste de la situation générale des migrants
étant donné le nombre peu élevé de personnes
interrogées.
A. J'immigre donc je
suis
Les migrants chinois viennent principalement de trois
régions de Chine : la province du Zhenjiang est peuplée par les
Wenzhou formant la grande majorité des migrants, les Chaozhou sont des
chinois de la diaspora de l'ex Indochine pour la plupart, les Dongbei sont du
Nord de la Chine. Il y a également plusieurs milliers d'étudiants
chinois et plusieurs chinois d'autres origines regroupé en
communauté de 2 à 5000 personnes4(*). Les trois ethnies principales ont
émigré pour des raisons différentes et présentent
des parcours migratoires singuliers.
1. Qui émigre et
pourquoi ? Trois origines principales des migrants chinois
a) Wenzhou : une immigration historique
organisée
Les Wenzhou, principale communauté chinoise de France,
sont nés en Chine. Ils tiennent leur nom de la ville de Wenzhou de la
province du Zhejiang au sud de la Chine. Ils sont arrivés en France les
premiers, il y a plus d'un siècle. Lors de la 1ère Guerre
mondiale, l'armée française recruta plus de 100.000 travailleurs
chinois. Au lendemain du conflit, environ 3.000 d'entre eux choisirent de
rester à Paris, et s'installèrent dans un quartier de la gare de
Lyon, qui fut le premier quartier chinois de Paris. Ils se sont ensuite
installés dans le quartier des Arts et Métiers (rue du Temple,
rue du Maire) où ils se sont spécialisés dans la
maroquinerie et la confection, reprenant d'anciens ateliers laissés par
les juifs, puis à Belleville, où ils représentent 85%,
voire 90% de la communauté chinoise. La communauté Wenzhou est
organisée par une véritable chaîne migratoire ancienne,
constamment renouvelée, les nouveaux arrivants rejoignant des familles
ou des proches déjà établis économiquement en
France. Ils viennent des régions rurales et pauvres du Zhejiang et ont
un niveau d'études assez bas. Ils émigrent pour des raisons
économiques et afin d'assurer un avenir à leurs enfants. Cet
objectif est atteint pour une majorité d'entre eux grâce au
réseau communautaire et une organisation particulièrement forte.
Ils ont évolué avec succès dans le cadre d'une
économie intra-communautaire. Si le secteur d'activité de la
première génération tourne autour principalement autour du
commerce, de la confection, la restauration ou la maroquinerie (secteur dit des
« trois couteaux »), leurs enfants travaillent aujourd'hui
dans tous les secteurs d'activités français.
b) Chaozhou : les « boat
people » des années 1970
Les Chaozhou, du nom d'une ville côtière du
sud-est de la Chine sont des Chinois de la diaspora. Ils ont quitté leur
pays d'origine pour s'établir dans toute l'Asie du sud-est. Notamment
dans trois pays de l'ex-Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge). Dans les
années 1970, ils se réfugient en France fuyant les conflits
armés et obtiennent le statut de réfugiés et souvent la
nationalité française. Les derniers Chaozhou arrivent en
1985-1987. Ils font partie des fameux « boat people », terme que les
intéressés n'apprécient pas car beaucoup d'entre eux n'ont
jamais mis les pieds sur un bateau pour venir et que le terme tend à les
stigmatiser, caricaturer, et les renvoie à une période
douloureuse de leur histoire.
Avant d'immigrer en France, les Chaozhou étaient
urbains, lettrés, d'un certain niveau social et culturel et souvent
francophones et habitués à la culture française. Leur
intégration en France est alors très rapide. Leurs diplômes
n'étant pas reconnus, ils se tournent vers le commerce, notamment dans
le triangle de Choisy formé par l'avenue de Choisy, l'avenue d'Ivry et
le boulevard Masséna. Les Chaozhou parlent souvent plusieurs langues
étant donné leur parcours migratoire (le chinois, le cambodgien
et le vietnamien avec des notions de thaïlandais)
C'est au moment de l'installation des Chaozhou dans le XIIIe
arrondissement que les Parisiens prennent vraiment conscience de leur
présence. Ils s'installent progressivement à Belleville à
partir de la fin des années 1970. Aujourd'hui, si leur présence
reste visible dans le XIIIe arrondissement à cause des commerces, peu de
Chaozhou y habitent encore. Ils ont également quitté Belleville.
Beaucoup résident en banlieue, notamment à
Marne-la-Vallée, Lognes ou Torcy. Intégrés à la
société française, ils travaillent dans tous les secteurs
de la société. Leurs habitudes culturelles, sont très
distinctes des autres communautés, leur attachement à la France
et aux lois plus fort dû au passé coloniale de l'ex-Indochine.
c) Dongbei : une immigration
précaire et isolée
L'immigration des Dongbei est récente et date d'une
dizaine d'année. C'est par origine géographique que l'on
rassemble les Dongbei, ils viennent des régions du nord et du nord-est
de la Chine. Il ne s'agit pas d'une communauté au sens propre du terme.
Il n'existe aucune solidarité spécifique entre eux.
Les Dongbei sont urbains, éduqués, en
majorité des femmes, d'âge mûr (la quarantaine) et d'anciens
petits cadres appartenant à une classe moyenne en Chine. Beaucoup de
Dongbei affichent un niveau d'études supérieur à la
moyenne nationale avec des diplômes de lycée ou
d'université.
Dans les années 1990, les grandes entreprises
d'état (textile, sidérurgie, métallurgie...)
ferment et licencient massivement. Les Dongbei se retrouvent
alors sans revenus, sans avenir.
Inspirés par la réussite des Wenzhou, les
Dongbei, viennent tenter leur chance. Mais sans tradition migratoire vers
l'Europe, sans connaissance ni réseau installé en France, ils se
retrouvent en position de faiblesse face à la solide chaîne
organisation migratoire des Wenzhou. Une grande majorité vit dans la
précarité. Ce n'est que très récemment que certains
Dongbei ont pu ouvrir des magasins. Les ressentiments entre Wenzhou et Dongbei
est très présent, les rapports de force s'étant
inversés en France.
Les femmes, isolées, souvent divorcées en Chine,
ont quitté leur pays et tout laissé derrière elles,
parfois y compris leur enfant.
![](L-integration-republicaine--l-epreuve-du-lien-communautaire-l-exemple-des-migrants-Chinois1.png)
![](L-integration-republicaine--l-epreuve-du-lien-communautaire-l-exemple-des-migrants-Chinois2.png)
La « communauté » chinoise recouvre
donc une réalité bien plus large que ne le laisse penser
l'ensemble des a priori sur cette population. Dans une perspective de
prise en charge sociale et pour l'inclusion de celle-ci dans l'espace
républicain il semble indispensable d'opérer une connaissance
plus fine de la population chinoise afin que l'appellation
« communauté chinoise » ne soit pas empreinte de
stigmates conçus par la conscience collective. De la même
manière, le parcours migratoire des ces migrants est également
singulier. La manière dont ils émigrent est souvent
laissée à l'interprétation des idées
reçues.
2. Typologie des parcours
migratoires : 3 types
Si l'origine des migrants chinois est plurielle, il en est de
même concernant leur parcours migratoires. Cette partie aura pour
objectif de mettre en valeur certains témoignages sur la situation de
chinois nouvellement arrivés en France et sans statut juridique. Il nous
semble important d'accorder une place à ces témoignages car le
parcours migratoire, nous le verrons occupe une certaine importance dans
l'histoire des migrants et contribue aux développements de
stratégies de survie communautaire.
La première étape du parcours migratoire est le
trajet pour se rendre dans le pays de destination. La plupart des candidats
à l'émigration rencontrent un recruteur/passeur par le biais de
recommandations d'amis ou de la famille. Une préparation est souvent
nécessaire selon le type de parcours. Il y a trois types de trajet qui
se distinguent par leur niveau de dangerosité et donc de cherté.
d) La voie directe
Le premier type de trajet est la voie directe grâce
à un visa de touriste ou de commerce. Etant le plus sûr, c'est ce
type de trajet qui coûte le plus cher. Le passage se fait par
l'intermédiaire d'une agence. Elle utilise un réseau de relations
afin d'obtenir un visa, ce qui est souvent impossible si l'immigré fait
la démarche par lui-même. Le danger encouru par
l'intermédiaire est négligeable par rapport au type de passage
décrit plus bas. Le prix de cette « prestation » est
considéré, par les migrants empruntant cette voix,
disproportionné par rapport à la nature du
« service » rendu. C'est souvent le cas de passages directs
en avion. Ce mode de migration est le plus souvent utilisé par les
chinois du nord, les Dongbei, généralement plus riche que les
Wenzhou en partant du pays.
e) La voie parachute
La voie dite « voie parachute » est ensuite la
méthode la plus courante. Elle consiste à sortir de Chine avec un
vrai passeport munis de sa propre photo et éventuellement de fausses
cartes de séjour ou d'un passeport de l'espace Schengen. L'entrée
en France peut alors se faire en possession de papiers. Les migrants avant
d'entrer en France passent souvent par l'Italie (Prato est notamment une des
premières destinations de choix pour les migrants chinois), Cette
méthode inclut aussi également la possibilité de sortir de
Chine avec un vrai passeport et sa propre photo, un visa de transit pour la
France et, pour destination finale, un pays africain le plus souvent.
f) La voie « Pa
Shan »
La dernière, appelé « pa shan »
(littéralement « escalader la montagne »), est la plus
dangereuse. Cette voie terrestre est d'une grande complexité et peut
s'échelonner sur plusieurs mois : on y prend le train, la voiture,
le bateau, la charrette, on marche, etc. Elle est souvent combinée avec
la voie d'eau, où certains peuvent mourir en contractant des maladies,
en se noyant ou en étant asphyxiés.
Il arrive que les migrants négocient avant leur
départ une voie directe, ou « parachute », et qu'ils se
retrouvent finalement à emprunter la voie « Pa
shan ». C'est le cas de monsieur Y. dont le témoignage
très précis se distingue des autres témoignages car ils ne
savent même pas par quels pays ils sont passés, du fait du nombre
des allers et retours au cours du trajet. Par ailleurs, comme souvent,
arrivés à destination, les passeports sont confisqués par
le passeur et ils ne peuvent pas consulter les visas tamponnés :
« Je suis arrivé en Europe en 1999. Le premier
contact avec mon passeur s'est effectué par l'intermédiaire d'un
ami en septembre 1998. Celui-ci a promis que le voyage se ferait en avion du
Cambodge. Il s'est occupé de la partie chinoise de la route de Nanning
à Fancheng (...). A Fancheng se trouvait un radeau à moteur
(...). La traversée en radeau a duré quatre heures. Quand nous
sommes arrivés de l'autre côté de la rive c'était le
Vietnam. Nous avons attendus que la marée recule pour avancer à
pied sur la plage. Un petit bus est arrivé avec quatre vietnamiens qui
nous ont tout pris (manteaux, sacs, bijoux etc.). Ils nous ont ensuite conduits
chez quelqu'un pour dormir. En pleine nuit quelqu'un est venu nous chercher les
uns après les autres en moto. Sur la route le chauffeur de moto m'a
précipité sous un pont en me forçant à rester
à moitié dans l'eau. Des voitures sont passées. Le
chauffeur m'a demandé de l'argent et m'a frappé de plus en plus
fort jusqu'à que je lui en donne. Il m'a conduit ensuite dans la
montagne. Le lendemain nous avons pris un bus local en direction de Saigon pour
faire un changement en direction de Hanoï. Le trajet a duré 48
heures. Arrivés à destination nous avons à nouveau pris
des motos pour nous rendre dans des montagnes couvertes de rizières
inondées. En pleine nuit nous avons marché pieds nus au bord des
champs. Plusieurs fois nous avons été frappés car nous
n'allions pas assez vite ou glissions. Après quatre heures de marche,
nous sommes arrivés à la frontière cambodgienne. Nous
avons de nouveau emprunté une voie d'eau avec un radeau pour arriver
dans un camp militaire. Par la suite nous sommes allés à Phnom
Penh dans un bâtiment de trois étages où
attendaient plusieurs immigrants illégaux. 100 personnes environ
étaient là en transit. Certains attendaient depuis neuf mois.
L'endroit était infesté de moustiques. Le portail du
bâtiment était fermé à clefs et gardé par des
gardiens cambodgiens. J'ai attendu dans cet endroit pendant quatre mois. Le
passeur tâchait de trouver des passeports qui correspondaient à
nos destinations et à nos profils (âge et sexe). Je me suis rendu
compte que j'avais eu de la chance en écoutant des gens raconter des
trajets plus difficile que ce que j'avais vécu5(*) »
Le parcours migratoire de Monsieur Y. a été
motivé par le devoir de solidarité à l'égard de ses
parents déjà installé.
Le lien filial, dans le processus de migration a une
importance primordiale et influe sur la vie au sein de la société
d'accueil. En effet, de par son caractère essentiellement familial, on
constate non seulement l'installation régulière de nouveaux
adultes sur le territoire français mais également
l'arrivée, depuis les années quatre-vingt-dix, de mineurs venants
seul ou pour rejoindre leurs parents déjà présent en
France.
3. La relation parents/enfants
dans le projet migratoire
Ces mineurs arrivant en France ont entre 13 et 18 ans et sont
donc en âge d'être scolarisés. Ils constituent souvent le
lien entre la société française et la communauté.
Le courant migratoire dans lequel ils sont pris a une incidence de premier
ordre pour eux se trouvant dans une période charnière de leur
développement. Ne connaissant ni la langue ni la culture de la
société d'accueil, leur vie en est bouleversée, tout comme
l'appréhension de leur avenir aussi. On peut se demander la part du
choix personnel dans cette décision de migrer et de tout quitter. C'est
sur la relation parent/enfant qu'il convient de se pencher pour
apprécier ce questionnement. Dans quelle mesure ce lien nous permet-il
de comprendre les choix migratoires de cette population migrante en
France ?
La relation parents/enfants est particulière au regard
de la culture française occidentale. Ce lien culturel s'est
élaboré progressivement, au fil du temps et de
l'élaboration de la philosophie, culture, confucéenne. Il est
donc le fruit d'un héritage culturel qui structure la
société chinoise depuis des siècles.
g) Le confucianisme et le devoir
filiale
Le devoir filiale est un des fondements de la pensée
confucéenne. Au-delà du principe de respect quant à
l'attitude à tenir envers ses parents qui n'est pas
spécifiquement confucéen, il donne également des «
principes d'éthique sociale » dans les rapports que l'être
humain doit avoir avec son environnement. La société chinoise est
basée sur les valeurs familiales. Telle que nous la connaissons, cette
société est fondée sur les traditions. Dans une
société traditionnelle, les individus sont
considérés comme les membres d'une famille ou d'un clan,
plutôt que comme des êtres indépendants. La
solidarité est dite mécanique, notion introduite par Durkheim, le
poids du groupe est très important et absorbe l'individu. De fait, la
morale confucéenne est une morale familiale qui donne, en plus le sens
du devoir induit par la pression du groupe, le « sentiment de ce qui
est dû aux parents » et « le respect des
aînés6(*)», ce qui « remplace presque
complètement la religion en donnant à l'homme la perception de sa
survivance sociale et de sa continuité à travers la famille,
satisfaisant ainsi son insatiable désir d'immortalité »
; cela engendre le sentiment de «l'honneur de la famille7(*) ».
Ainsi, les membres d'une famille ne peuvent agir de
manière individuelle sans penser aux conséquences pour la
communauté familiale. Dès lors, les origines familiales et
sociales influent directement sur la réussite d'un individu et vice
versa. L'individu et le groupe sont interdépendants. On enseigne aux
jeunes générations l'idée «d'apporter sa
contribution » et de « faire honneur aux ancêtres en
réussissant socialement8(*) ». C'est un moyen de remercier les
parents du don de la naissance. Si le respect de la piété filiale
implique une conduite qui dépasse le lien familial, c'est
l'interdépendance de l'individu avec son groupe familial qui dicte sa
conduite envers autrui. À cet égard, le respect dû à
la famille ne pourrait supporter de faire perdre la face à l'ensemble du
groupe familial. Cette valeur est au coeur de l'organisation social de la
population chinoise et est essentielle à la survie des membres de la
famille dans une société qui ne possède pas de structure
institutionnelle d'assurance maladie ou de retraite. Dans le processus de
migration, cet attachement au groupe est primordial. Les chinois qui partent
sont l'objet d'attentes du groupe qu'il ne faut pas trahir. C'est parfois la
famille qui rassemble les fonds pour le départ, ce qui induit chez le
migrant une « obligation de résultat ». Un migrant
chinois n'avouera jamais à quel point la vie est difficile en France et
ne correspond pas à l'image édulcorée entretenue au pays.
Cette image, les migrants l'alimentent eux-mêmes en envoyant des images,
des vidéos de mariage par exemple9(*) représentant leur réussite fictive.
Aussi, 100 euros envoyés à la famille en Chine représente
là-bas 1 mois de salaire selon les secteurs d'activité, cela
crédibilise la « réussite » des migrants et
le rêve d'une migration réussie.
h) La nécessité du lien
filial
Selon Jacques Godbout, « la société
étatique libère [l'individu] de ses multiples obligations
à l'égard de ses parents, de ses enfants, de ses
voisins ». L'Etat concourt à «
l'affranchissement [...] de l'individu de toute forme de sociabilité non
choisie ». L'Etat, puisant dans la solidarité des
réseaux sociaux pour fonctionner, abandonne « aux relations
marchandes et bureaucratiques10(*) » l'ensemble des obligations sociales.
Avec l'État, la sociabilité interne et amicale et les relations
ne sont plus synonymes d'intérêt et d'aide financière. Si
l'individu a besoin d'argent, il se rend à la banque, s'il a des
problèmes financiers ou s'il veut faire garder son enfant, il se tourne
vers les services sociaux, etc.
Dans la société chinoise traditionnelle, au sein
de la population dont les revenus sont faibles, les enfants sont
considérés comme une assurance pour l'avenir. Quand la famille
choisit la migration, les parents insèrent leurs enfants dans le projet
d'enrichissement économique familial dans la mesure où leur
propre avenir en dépend. Le rapport d'interdépendance se joue
là aussi. Les enfants sont élevés avec un sens du devoir
filial, le don de la vie est remercié par les enfants dans le soin
accordé à leurs parents âgés. Le sens du devoir
familial se joue néanmoins dans la réciprocité puisque les
parents doivent prendre soin des enfants jusqu'à l'âge adulte.
Cependant, la culture chinoise n'étant pas figé, les bases de
socialisation ont évolué depuis la rupture maoïste.
i) Aspirations individualistes
Selon Jean-Luc Domenach et Hua Changming, « le
ciment de l'unité familiale est en bonne partie matériel, les
familles donnent l'impression d'être de petites entreprises
à la recherche d'un objectif commun : l'amélioration du
niveau de vie collectif11(*) ». Depuis 1976 et la fin de la
Révolution Culturelle, l'interprétation de la piété
familiale n'est plus aussi homogène. Cela se manifeste au travers des
rapports intergénérationnels qui résident dans le nouveau
pouvoir social et économique détenu par les enfants. Le principe
de piété filiale est mis en balance avec l'aspiration au bonheur
individuel12(*). Cette
valeur fondatrice de l'organisation de la société chinoise tend
à s'effriter petit à petit avec l'évolution de la Chine,
son ouverture et sa place dans le jeu de la mondialisation. Ce balancement se
traduit parfois par l'abandon des parents et oblige l'Etat à
légiférer en donnant obligation aux enfants de soutenir les
parents. Cependant, et de manière général, cette
piété filial demeure néanmoins en Chine. Elle reste un
principe auquel les membres de la société se
réfèrent. L'héritage culturel des enfants/adolescents
chinois dans le processus migratoire est celui d'une interdépendance des
membres de la famille pour la subsistance des membres du groupe. Les enfants
émigrent pour permettre l'enrichissement économique familial,
mettant de côté leurs rêves et projets personnels pour
l'avenir.
j) La position des jeunes migrants
Les adolescents ont souvent un rôle difficile à
tenir dans cette situation, à cheval entre deux cultures. Pris dans les
exigences d'organisation de la part des parents, mais qu'ils s'imposent
également à eux-mêmes au regard de leur appartenance
à la famille, cette situation leur est difficile à vivre. Ils
tiennent le rôle principal dans la famille car sans eux, les parents
perdent leur point de pivot avec la société française. Ils
doivent accompagner leurs parents dans des tâches administratives,
s'impliquer dans l'apprentissage de la langue qu'ils doivent maîtriser
rapidement malgré des difficultés. La question du choix personnel
ne se pose pas. Lors d'un entretien ce jeune lycéen me
dit : « pour moi c'est normal de faire ça, c'est
ma famille, mes parents parlent pas le français et je suis le plus
grand, parfois je vais pas en classe si mes parents on besoin de moi. Mais
c'est pas tous les jours non plus, c'est quand ils ont des démarches
administratives à faire le plus souvent, les papiers, tout
ça... ».
Aussi, le facteur de la clandestinité est difficile
à gérer psychologiquement pour ces jeunes. Cela conduit toute la
famille à un mode de vie marginal qui fabrique de la méfiance
envers tout et tout le monde surtout envers les personnes n'appartenant pas
à la communauté chinoise. Les enfants sont amenés à
mentir quasiment tout le temps sur tout et n'importe quoi pour se
protéger et protéger leur famille, même à leurs amis
français. La confiance n'existe pas, le mensonge en devient presque
naturel. Ils surfent sur de multiples identités en induisant en erreur
sur l'âge, les papiers, les parents, les adresses etc. Tous les sujets
peuvent faire l'objet de mensonges, leur âge, les papiers, les parents,
les adresses etc. toute information pouvant mettre en péril leur
situation de près ou de loin, est sujette à un mensonge, ou une
déformation de la réalité. Dès lors, certains
jeunes, en pleine construction identitaire, sont réellement
perturbés par ces mensonges, d'autant plus qu'ils voient certains
adultes leur faire confiance Madame F assistante sociale à
l'association franco-chinoise P : « je suis d'origine
chinoise et mon contact est forcément plus facile avec les usagers
chinois car la barrière de la langue n'existe pas. Malgré tout,
le travail de mise en confiance reste difficile, les récits de vie sont
parfois contradictoires, ça ne me dérange pas, je travaille avec
la parole de l'usager, mais je tiens compte de ce paramètre. Même
avec moi la relation d'aide n'est pas aisée, alors imaginez pour des
« blancs » ! C'est un travail de longue haleine, il
faut être patient ».
Les relations de confiance sont altérées avec
les adultes. Madame F constate « une grande détresse
» et reconnait qu'il y a des situations où elle se sent
totalement impuissante.
4. Condition de vie en
France
k) La langue, facteur de
vulnérabilité
(1) Un apprentissage ardu
L'apprentissage du français pour un chinois est d'une
réelle difficulté. Les deux langues sont fondées sur des
systèmes profondément différents et ne répondent
pas aux mêmes logiques syntaxiques. L'apprentissage paraître pour
certains migrants être une épreuve insurmontable. Lorsqu'ils sont
lettrés, ils sont habitués à lire des caractères
qui sont des idéogrammes ou sinogrammes qui ne sont pas des mots. Un mot
pouvant être composé de plusieurs idéogrammes. Il n'y a pas
d'alphabet en chinois. Le temps ne s'exprime pas de la même
manière également. Tout ceci relève d'une certaine
abstraction que les migrants chinois ont du mal à comprendre. La
difficulté s'accroît encore lorsque les migrants ne connaissent
pas leur propre langue (illettrisme, analphabétisme). Cette
méconnaissance totale du français et globalement des langues
latines et germaniques est un handicap particulier. Nombreux sont les chinois
qui maîtrisent mal l'alphabet, voire qui ne le connaissent pas du tout,
puisqu'aucun usage n'en est fait en dehors du milieu scolaire ou de l'usage de
la micro-informatique en Chine. Dès lors déchiffrer toute
information devient une épreuve. Malgré une volonté
affichée d'apprendre la langue, les difficultés d'apprentissage
sont importantes. Trois facteurs sociaux peuvent expliquer cela :
- Chez lez Wenzhou, Le niveau scolaire est peu
élevé. 20% de cette population serait analphabète selon
un rapport de Pina Guerassimoff publié en 200213(*).
- Le facteur de l'âge : les migrants adultes ont du
mal à comprendre une logique linguistique et de pensée aussi
dissemblable de celui qu'ils ont connu jusque là.
- Les conditions de vie et les projets migratoires : ceux ci
influent sur le processus d'apprentissage. En effet, les principaux projets des
migrants chinois consistent à travailler à rembourser leur dette
puis économiser et prendre en charge leur situation financière en
devenant leur propre patron dans le secteur des 3 couteaux le plus souvent.
Investir dans un processus d'apprentissage du français reste important
mais secondaire. Beaucoup suivent une formation sociolinguistique après
avoir travaillé la journée, mais les conditions d'apprentissage
sont restreintes dans ces cas là.
Les abandons sont nombreux, sans que les compétences de
base aient été assimilées. Ces migrants vont alors se
contenter du strict minimum pour communiquer avec la société
d'accueil et la population extérieure à la communauté
chinoise. Ceux-ci mettent en place des stratégies d'évitement par
la suite pour éviter de se retrouver dans l'embarras.
Un autre facteur semble avoir une influence décisive :
le regroupement de nombreux migrants aux mêmes endroits. Alliant la force
du nombre et de l'organisation la communauté chinoise offre une
alternative de vie qui fonctionne et permet aux migrants d'éviter
l'obstacle linguistique. Le modèle d'intégration français
attache une importance primordiale à l'apprentissage et la connaissance
du français. Les migrants chinois cumulent les difficultés dues
à l'écart entre les deux cultures, leur projet de départ
et la nécessité de rembourser la dette. L'apprentissage du
français demande par ailleurs un investissement qu'ils ne peuvent
accorder pour les raisons sus-citées. Ceux-ci se retrouvent
fragilisés dans la société. Le sas communautaire leur
permet de pallier cette vulnérabilité.
(2) Le sas communautaire
Les migrants chinois ont développé et
organisé une vie intra-communautaire quasiment fermé et en
relative autonomie vis-à-vis de la société
française et parfois de ses lois (notamment sur la législation du
travail). Selon Monsieur D. journaliste français spécialiste de
la Chine et sinophone : « il suffit de regarder dans le
quartier. Les petites annonces que tu vois scotché sur les cabines de
téléphone, les poteaux, les magasins ce sont des offres de
services de traduction, de la location de dortoirs et même de la
publicité pour des passeurs ! ».
Ce sas communautaire répond à l'urgence et
répond aux projets migratoires qu'ils ont intégrés de
manière plus ou moins inconsciente pris dans un processus historiquement
établi depuis longtemps. Cette urgence est incompatible avec le parcours
administratif régulier que demande la société d'accueil ou
même avec le temps de l'apprentissage du français. Cette urgence
est principalement symbolisée par l'obligation de rembourser la dette
qui a servi pour le voyage. Le poids de celle-ci pèse lourd dans le mode
de vie des migrants puisque les sommes engagées, souvent par la famille
restée au pays, oscillent entre 18 000 et 27 000 euros. Il faut aux
migrants chinois 3 à 10 ans de labeur journalier afin de rembourser la
totalité de la dette. Le coût du périple est moins pesant
pour les chinois du nord plus riche que le reste de la population et qui
réussissent parfois à payer sur leurs propres économies.
Eux ont un projet de retour dès le départ, ils souhaitent
s'installer en France, y travailler, économiser et « se
refaire » en Chine au bout de 2 ou 3 années d'exil. Les
migrants chinois perdent rarement le but de leur venue en vue, travailler et
économiser rapidement. Ils savent qu'ils peuvent compter sur le
système communautaire pour s'installer, trouver un logement ou du moins
un lit et vivre en marge de la société française. La
langue n'est donc pas une nécessité. Du moins à court
terme.
C'est donc la communauté installée qui va offrir
aux migrants arrivants des solutions afin de répondre à leur
urgence. En revanche, l'accès à la société
française est fastidieux et difficile. Le réseau communautaire
procurera rapidement le nécessaire vital, logement (dortoir) et travail.
Cet espace intra-communautaire représente un premier réseau de
sociabilité qui s'avère primordial pour l'obtention
d'informations concernant les démarches à suivre en France. Le
courant migratoire porte les primo-arrivants chinois sur un voie très
organisée. Le travail se trouve au sein du réseau, par des
intermédiaires ou par des annonces collées un peu partout ou dans
les journaux chinois. Celui-ci est quasi exclusivement communautaire. L'emploi
au sein de la communauté est pour les chinois et proposé par des
patrons chinois. Cependant, d'après Monsieur G., président d'une
association de jeune chinois, cette dernière dimension n'est plus
forcément vraie : « aujourd'hui, il y a dans les secteurs
de la restauration, confection et maroquinerie beaucoup plus d'offres d'emploi
que de demandes. Si les patrons ne réservaient ces postes qu'aux
chinois, il y aurait pénurie de main d'oeuvre. C'est pour cela que l'on
retrouve dans les cuisines des restaurants, ou dans les ateliers de confection,
des pakistanais, des indiens, et des africains
également ».
Par la suite il arrive que certains migrant veuillent sortir
de travail au sein de la communauté et cherchent d'autres patrons, la
plupart du temps dans la communauté turque ou juive de Paris travaillant
dans la confection. Il est à noter que cette sortie de
l'intra-communautaire correspond également à une certaine
mobilité professionnelle et salariale.
(3) La clandestinité, appui du
repli communautaire
Outre le fait de la barrière de la langue,
l'accès à la société française est
également barré par une donnée importante, l'absence de
titre de séjour. Ce fait constitue un handicap supplémentaire,
l'insécurité dans laquelle cette absence de statut
régulier met les migrants imprègne leur quotidien. Nous l'avons
vu, elle conduit à une méfiance de tous les instants et au repli
sur les semblables. Il leur est conseillé d'éviter de sortir pour
éviter les contrôles, et de ne pas fréquenter de
français car "on ne connait par leurs intentions". Les contacts sont
très limités et exclusivement entre chinois. Enfin, l'absence
total de connaissances sur la société française et ses
modalités de socialisation et de sociabilité limite les
opportunités d'échanges avec l'extérieur et confine la vie
quotidienne des migrants chinois à l'intérieur des limites de la
communauté.
La communauté chinoise, notamment Wenzhou, est soumis
à des conditions de vie difficiles par les conditions de leur projet
migratoire. Cependant leur histoire d'émigrant/immigrant les a
habitué, conditionné à vivre à l'écart des
règles et à composer avec elles, celles de la
société d'accueil, parfois peu souple et qui tendent à se
durcir encore (exemple des lois Sarkozy I et II). Malgré tout, ils ont
toujours eu des ressources propres. Ce pouvoir d'adaptation leur a
évité de se retrouver dans des situations d'extrême
précarité. Il faut d'ailleurs un minimum de ressources et de
moyens financiers pour envisager migrer. Ils ont développé une
sorte de culture de la marginalité qui contribue à leur
autonomie.
Cette autonomie vis-à-vis de la société
d'accueil a cependant un coût, celui de la dépendance à la
communauté.
Effectivement, le fait communautaire peut aussi rendre la
population des migrants chinois vulnérable surtout les migrants sans
statut légal. Le contrôle du quotidien de ces personnes est
facilité par des offres proposé par la communauté, pour la
communauté dans la communauté. Dans ce contexte d'absence
d'alternatives, certains patrons, propriétaires ou interprètes,
personnes ressources des primo-arrivants et migrants sans papiers ou simplement
des migrants chinois ne parlant pas du tout la langue, profitent et exploitent
cette fragilité.
l) Quand la communauté rend
vulnérable
(1) La dette
Le remboursement d'une dette considérable est le fait
notoire des parcours migratoires. Les sommes à rembourser apparaissent
astronomiques au regard de leur situation. Le voyage pour la France
nécessiterait une somme variant de 12 000 à 18 000 euros. Pour
l'Angleterre le coût serait de 22 000 à 30 000 euros, quant aux
Etats-Unis, la somme est 3 fois plus importante14(*). Des coûts qui même pour le citoyen
lambda pèsent lourds sur leur budget.
Pour optimiser les conditions de remboursement, les migrants
chinois seraient contraints de rester entre eux. Ce fait serait une
spécificité de la migration chinoise par rapport aux autres
communautés. Le sas communautaire leur apparaît indispensable pour
rembourser la dette ne parlant pas le français et ne possédant
pas de titre de séjour. Celui-ci représente la seule
possibilité de travailler, dans les secteurs des "trois couteaux" et de
manière informelle. Ces conditions informelles permettrait selon le
rapport de Véronique Poisson et Gao Yun, de masquer une certaine
réalité, notamment le temps de travaille des moins de 18 ans,
parfois le travail des enfants, la prostitution, le trafic humain, des
conditions de travail absolument indépendantes du droit du travail. Les
témoignages du rapport de Véronique Poisson et Gao Yun montrent
que le sujet reste tabou et que la loi du silence règne. Ces abus se
structurent autour de menaces physiques et psychologiques, le degré de
vulnérabilité dû notamment à la clandestinité
des migrants étant les ficelles des employeurs, propriétaires et
passeurs. Les auteurs du rapport montrent cependant que :
« Cette forme de servage communautaire n'aurait rien de culturel,
mais serait propre aux conditions économiques et juridiques de
l'émigration chinoise ».
Les migrants mettent une moyenne de trois à dix ans
pour rembourser la dette, malgré le salaire bridé au regard des
salaires moyen en France.
(2) Condition de travail
Le travail au sein de la communauté chinoise en France
est caractérisé par la précarité. Selon Monsieur
G. malgré l'offre abondante aujourd'hui (ce n'était pas le cas 7
ans auparavant), la précarité des emplois persistent. Les emplois
les plus précaires sont destinés au primo-arrivants, mais les
migrants installés depuis plusieurs années, même sans
papiers et vulnérables, aspirent à travailler dans de meilleures
conditions et en étant mieux rémunéré. Cependant,
le rapport travail/salaire sera toujours inférieur aux normes en vigueur
en France. Selon Véronique Poisson et Gao Yun : « Il
semble qu'il y ait une entente tacite entre employeurs et employés pour
laisser de côté les normes et protections françaises et se
référer plutôt à des pratiques inspirées de
la Chine ». Les salaires sont extrêmement bas et sans lien
avec le nombre d'heures travaillées.
Il arrive souvent que des migrants travaillent 12 à 15
heures par jour dans des locaux ou des caves pour de salaires moyen de 800
euros par mois dans la confection par exemple. Monsieur G. de me
confier : « personnellement j'ai toujours
travaillé beaucoup, c'est un trait caractéristique de la culture
chinoise, le travail et l'esprit d'entreprise est une valeur ancestrale de
notre culture, du Confucianisme notamment. Un patron ne pourrait pas engager un
français, c'est impossible car celui-ci aurait des revendications par
rapport au droit du travail. Je pense que si les patrons chinois appliquaient
strictement ce droit, beaucoup fermeraient boutique ! Mais même moi,
au sein de l'association j'ai tendance à ne pas respecter les horaires
de travail. Je travaille beaucoup plus que 35 heures par
semaine ! ». Cependant, malgré leur
vulnérabilité les sans-papiers chinois depuis quelques
années commencent à dénoncer leur condition de survie. Fin
2007, 600 migrants chinois la plupart sans-papiers se sont rassemblés
pour manifester leur colère, suite à la défenestration
d'une femme migrante Dongbei sans-papier15(*). En juin 2010, une autre manifestation des
« chinois de Belleville » a surpris.
Dénonçant l'insécurité et les violences faites
spécifiquement aux chinois. Les nourrices à domicile
dénoncent des temps de travail particulièrement long sept jours
sur sept, contre une rémunération mensuelle de 600 à 900
euros. Ces manifestations et dénonciations ont surpris l'ensemble de la
société car elles ne collent pas à l'image que la
conscience collective a de la population chinoise.
La communauté chinoise n'est donc pas à l'image
que la société d'accueil veut bien lui prêter, soit l'image
d'une communauté homogène, unie par une solidarité
très forte en son sein. Les relations d'exploitants/exploités
parfois proche de la relation maître/esclave (dans la perspective de ce
qu'on appelle l'esclavage moderne) sont courantes et nous avons vu les
ressentiments entre Wenzhou et Dongbei. Les clivages régionaux sont
également présents.
La communauté ne possède plus sa capacité
intégratrice d'antan. Le nombre de migrants commence à saturer
l'organisation qu'elle pouvait mettre en oeuvre et ces clivages
régionaux jouent aussi un rôle. Aussi, la crise économique
touche également la communauté et la politique de lutte contre
l'immigration clandestine s'intensifiant, les emplois en direction des
sans-papiers se fait plus rare. Leur situation se fait donc plus
précaire. Le jeu de la concurrence se joue aussi en interne entre les
communautés. Entre les Dongbei et les Wenzhou par exemple. Les Dongbei
en provenance du Nord, arrivées récemment, ne sont pas
organisé depuis des décennies comme les Wenzhou, plus nombreux et
mieux établis en France. L'exclusion se structure autour du dialecte,
premier élément d'identification des personnes. Les Wenzhou
peuvent parler un dialecte que les autres chinois ne peuvent
comprendre. Dans le rapport entre les deux "ethnies" se joue un rapport de
domination. Les Dongbei étaient en Chine en mesure d'employer des
Wenzhou, en France c'est l'inverse. Par ailleurs, les Dongbei sont de
manière générale plus cultivés la plupart ayant
fait des études secondaires, alors que beaucoup de Wenzhou ont un niveau
scolaire peu élevé. Le ressentiment est fort des deux
côtés. Cependant, selon Estelle Auguin et Florence Levy, auteur
d'un article paru dans la revu européenne des migrations internationales
(REMI), les dissonances au sein même des groupes "ethnique" existent.
Entre Wenzhou par exemple voire même des personnes appartenant à
la même famille : « Les récits d'exploitation entre
membres d'une même famille ne sont pas rares, tel celui d'une tante ayant
insisté pour faire venir sa nièce en France, la faisant ensuite
travailler dans son atelier dans des conditions proches de l'esclavage pour
rembourser la dette puis, lorsque celle-ci s'échappe, la
remplaçant par une soeur. Ces phénomènes sont encore
l'objet d'une relative tolérance de la part des Wenzhou qui s'accordent
tout en les déplorant, à expliquer ces situations par « la
dureté de la vie en France16(*) » ».
Témoignages de Monsieur J., vendeur
ambulant17(*)
« Les premiers mois de mon arrivée en
France, indique Monsieur Tao, j'ai travaillé dans une sandwicherie. Je
préparais des sandwichs et des paninis. Le patron était de
Qingtian, la femme du Yunnan. Je gagnais 153 euros par mois (...) Cela devient
très difficile aussi car les Pakistanais sont également sur ce
marché-là et créent de la concurrence. J'arriverais
à gagner 500 euros par mois sans les contrôles et la concurrence,
maintenant je me fais de 300 à 400 euros. Par mois, nous
dépensons 1 000 euros. Ma femme fait de la vente à la sauvette
avec son enfant dans les bras ».
Témoignage de Madame F.18(*)
« Ma soeur est venue me chercher à
l'aéroport. La première phrase qu'elle m'a dite a
été : « Tu ne sais pas comment la vie est dure ici, je
ne peux pas raconter toute la vérité à la famille sinon
elle s'inquiéterait pour moi. J'ai essayé de te persuader de ne
pas venir, mais tu ne m'as pas écoutée ». Ma soeur m'a
ensuite expliqué que les femmes de Dongbei en France gagnaient de
l'argent en se prostituant. Elle m'a demandé de choisir entre
« Xia Hai » (devenir prostituée) et
nourrice ».
Nous avons évoqué dans cette première
partie plusieurs dimensions concernant d'abord l'émigration des migrants
chinois, qui, pourquoi, comment émigrent-ils, pour en venir finalement
à l'immigration dans la société d'accueil. Il nous a
semblé indispensable de faire un état des lieux de cette double
dimension, émigration/immigration, constitutive du projet migratoire et
finalement de l'identité nouvelle construite. D'autre part, cet
état des lieux synthétisé prend également sens au
regard du travail social. Les idées reçus sur la
« communauté chinoise » véhiculées
peuvent parasiter un éventuel accompagnement social ou
socio-éducatif. La connaissance du parcours migratoire, de leurs
origines et de leur motivation, leur projet s'avère essentielle. A
défaut, ce sont nos propres projections caricaturales qui guideront nos
accompagnements à l'intégration.
B. Le processus
d'intégration des migrants chinois : une collaboration entre l'espace
communautaire et l'espace républicain
La communauté chinoise nous l'avons vu, a une emprise
forte sur ses membres. Le processus migratoire mis en jeu et définissant
une organisation historiquement établie est un obstacle majeur à
cette intégration au sein de l'espace républicain. Dans ce jeu de
société, communauté et république ne font pas bon
ménage. Dès lors, comment l'intégration des migrants
chinois est-elle possible ? Si elle l'est, comment la République et
l'action sociale qu'elle met en oeuvre s'organisent-t-elles ? C'est
l'objet de cette deuxième partie.
1. Point de vue psychologiques
et sociologiques sur la migration
m) Le point de vue de la psychologie
D'après Alain Moreau, le phénomène
migratoire a une double dimension. Il y a la mise en jeu d'une culture
d'origine et d'une culture d'installation. Reprenant Carmel Camilleri, que
l'homme s'adapte à son nouveau cadre de vie : « La
culture n'est pas une entité figée et surdéterminante dont
le migrant serait la créature soumise et impuissante. Bien au contraire,
celui-ci apparaît comme acteur de sa vie, au sein d'une culture qui ne
lui est pas familière, il va donc développer des
stratégies lui permettant de résoudre les difficultés
liées à sa personne et aux situations dans lesquelles il se
trouve placé du fait de sa condition d'immigré ».
Pour Toby Nathan, l'adaptation à un nouveau cadre de
vie ne se fait pas aussi simplement. En effet « émigrer,
c'est perdre l'enveloppe de lieu, de sons, d'odeurs, de sensations de toutes
sortes qui constituent les premières empreintes sur lesquelles s'est
établi le codage du fonctionnement psychique. L'émigration
consiste donc à modifier l'enveloppe tout en tachant de préserver
l'identité du noyau ». Il ajoute
« l'expérience montre que cette entreprise à
laquelle se livre tout migrant est la plupart du temps vouée à
l'échec ».
Ces deux points de vue différents montrent que les
phénomènes liés à l'immigration provoquent des
bouleversements identitaires.
Alain Moreau pense que « tout groupe
d'immigrés tente toujours de reconstituer un cadre culturel similaire
à celui du pays d'origine ». Il constate que
« lorsqu'un groupe humain numériquement important quitte
son pays d'origine pour s'établir dans un nouveau pays, il tend à
reproduire, dans ce contexte spatio-temporel bien particulier, une culture
spécifique que l'on peut qualifier de culture de
l'émigration-immigration, ou encore de culture de l'entre
deux ». Cette troisième culture est composé de
trois sortes d'éléments culturels : ceux de la culture
d'origine maintenus tels quels ; ceux empruntés tels quels à
la culture du pays d'installation et surtout des éléments
culturels originaux. Ces derniers « ont été
transformés et remodelés dans le contexte de
l'immigration ».
Ainsi, les traits culturels que la conscience collective
prête souvent à la communauté chinoise seraient le fruit
d'une construction identitaire bâtie dans un entre-deux culturel, entre
« l'ici et là-bas ».
Geneviève Vinsonneau, directrice d'études et de
recherches en psychologie interculturelle à l'université de Paris
V, pense également que les migrants se fabriquent une culture afin de
réduire leur anxiété face à un monde qu'ils ne
connaissent pas : « ils bricolent les codes culturels
afin de réduire leur anxiété de s'adapter au monde
où ils se trouvent, et ils se livrent à des manipulations
symbolique. Cela touche en particulier les valeurs familiales et
religieuses ».
n) Le point de vue de la sociologie
Les travaux de l'école de Chicago produit entre 1910 et
1940 constituent les textes fondateurs de la sociologie de l'immigration. Dans
la richesse et la diversité de ces travaux, trois schémas
d'analyse constituent de véritables référents
disciplinaires : Le cycle
organisation-désorganisation-réorganisation de Wiliam Thomas et
Florian Znanicki ; le cycle des relations raciales de Park et Burgess et
l'étude du ghetto de Wirth.
(1) Le cycle
organisation-désorganisation-réorganisation
L'organisation sociale est un ensemble de conventions,
d'attitudes et de valeurs collectives qui l'emporte sur les
intérêts individuels d'un groupe social.
La désorganisation sociale qui correspond à un
déclin de l'influence des règles sociales sur les individus, se
manifeste par un affaiblissement des valeurs collectives et par un
accroissement et une valorisation des pratiques individuelles. A cette
période de désorganisation fait suite une réorganisation,
sans pour autant que le groupe d'immigrants soit totalement assimilé au
groupe d'accueil.
Selon Fabienne Leconte ce modèle était efficient
pour les populations migrantes d'origine européenne et s'avère
caduc pour rendre compte de la situation sociale des populations d'origines non
européenne : « les conditions socio-historique qui
ont amené à la migration puis à l'installation d'une
population continuent à peser sur son devenir dans le pays de
résidence19(*) ».
(2) Le cycle des relations raciales
Burgess et Park formalise ce cycle dont l'aboutissement est
l'assimilation dans Introduction to the Science of Sociology. Ce cycle comporte
quatre étapes : la compétition, le conflit, l'accommodation
et l'assimilation.
Selon Park et Burgess, les migrants entrent en
compétition pour l'accès à des ressources, principalement
économiques, sous tendant l'idée que la compétition
économique est au fondement de l'organisation de la
société humaine (de la liberté de commerce et de la
formation du marché du travail naîtraient les fondements
économiques de la compétition). La deuxième étape
est celle du conflit, associé à la compétition. Le conflit
cependant suppose le contact entre les individus, la compétition
non : « La compétition est une lutte pour une
position dans l'ordre économique », tandis que le conflit
est une lutte pour le statut social du groupe ou d'un individu :
« par le conflit, le groupe minoritaire acquiert une conscience
commune de sa culture20(*) ». Park retient surtout du conflit sa
fonction socialisatrice grâce au contact social.
La troisième étape est celle de l'accommodation
qui est le résultat du conflit. Le conflit est suivi d'ajustement qui
peuvent prendre des formes diverses telles que le consensus, la
régulation législative, l'adoption de nouvelles normes. Les
individus doivent alors changer leurs coutumes, leurs habitudes pour être
en phase avec ces nouvelles normes.
L'assimilation est la dernière étape. Elle est
un « processus d'interpénétration et de fusion dans
lequel des personnes et des groupes acquièrent la mémoire, les
sentiments et les attitudes d'autres personnes et groupes et, en partageant
leur expériences et leur histoire, sont incorporés avec eux dans
une vie culturelle commune21(*) ».
(3) L'étude du ghetto
Burgess fournit une modélisation du
développement urbain qui explique le processus d'extension de la ville
et celui de la concentration des populations. Les migrants, qui arrivent en
vagues successives, transforment la ville en même temps qu'ils s'y
adaptent en aménageant leur espace propre. Selon lui, la création
de communautés ethniques résidentielles permet la
réorganisation des migrants. Wirth montre lui que le ghetto est un
espace résidentiel à la fois autonome et socialement
hétérogène. Il permet à ses habitants d'entretenir
des relations communautaires de proximité, des rites et une langue
commune (Louis Wirth, « The Ghetto », Chicago, University of
Chicago Press).
Pierre Picquart remarque que le développement social et
urbain de la communauté chinoise à Paris s'est effectué
avec force, dans l'ordre et à un rythme très rapide, avec la
création de plusieurs quartiers urbains autonomes, concentrés et
condensés. Ces quartiers vivent en « développement
séparé » de la communauté parisienne. Les
chinois de Paris vivent et travaillent dans une économie fermée,
appliquant leurs règles et leurs coutumes locales. Ils s'adaptent
rapidement à un ordre interne et ils s'appuient dans leur conquête
spatiale sur l'entraide et sur leurs différents réseaux. Ils ont
déployé des stratégies de développement
économiques rapides, diversifiées et concentrées.
Cependant, soulève que cette réussite est bâtie parfois
« sur un monde sans pitié, où quelques hommes de
main, dans un réseau hiérarchisé, font régner un
ordre cloisonné et secret22(*) ».
En France, les études portant sur l'immigration
viennent assez tardivement. Or, il est avéré que la France est,
de longue date, un pays d'immigration. Plusieurs chercheurs ont essayé
de reconstituer la structuration du champ des sciences sociales se donnant pour
objet les migrations internationales et les relations interethniques en France.
Ils s'accordent à constater que le champ d'étude des migrations
internationales a souffert d'un retard manquant. Dominique Schnapper a
popularisé une formule résumant l'avis
général : « La France est un pays d'immigration
qui s'ignore » et a proposé une explication à ce
déni de mémoire : « La
méconnaissance systématique de l'immigration et des
mécanisme d'intégration a été dans ce cas, l'un des
moyens permettant d'entretenir l'unité nationale23(*) »
2. L'intégration ?
Quelle intégration ?
o) Le modèle d'intégration
républicain
Le « le modèle républicain » de
tolérance ou le modèle français de « nation citoyenne
» a été élaboré entre autres par Dominique
Schnapper. Il élabore l'idéal-type de l'intégration
républicaine à la française qui repose sur les principes
de séparation de la sphère publique et de la sphère
privée, et de la primauté des droits individuels sur les droits
collectifs. La différence culturelle est respectée tant qu'elle
est pratiquée et manifestée dans la vie privée. C'est le
fameux principe de « laïcité » qui ne privilégie
aucune religion dans l'espace public pour assurer la liberté du culte
dans l'espace privé. Le modèle républicain
d'intégration fait abstraction de l'origine ethnique, culturelle ou
religieuse de chacun. Schnapper s'inscrit dans la lignée de Durkheim
insistant sur la fonction intégratrice de la société sur
ses parties. Pour lui, « la spécificité de la Nation
moderne consiste à intégrer toutes les populations en une
communauté de citoyens et à légitimer l'action de l'Etat,
qui est son instrument, par cette communauté24(*) ».
Dès lors, il n'y a pas de communautés dans
l'espace public ; la République française intègre les
individus, non les communautés. L'intégration démocratique
est un processus ouvert supposant que les étrangers peuvent entrer dans
l'espace national et dans la communauté politique. La diversité
culturelle qui accompagne la présence d'immigrés récents
n'est pas vouée à perdurer, ces derniers étant soumis
à un processus d'acculturation : « L'identité
nationale n'est pas un fait biologique mais politique, on est français
par la pratique d'une langue, par l'apprentissage d'une culture, par la
volonté de participer à la vie économique et
politique25(*) ». Cette approche a été
qualifiée de national-républicaine ou de primordialisme
français parce qu'elle stigmatise toute expression identitaire publique
des descendants d'immigrés. Elle s'inscrit fondamentalement dans la
tradition assimilationniste.
Cette approche est actuellement en débat en France.
p) Le modèle d'intégration
républicain en débat
Didier Lapeyronnie pense que la force intégrative de la
société nationale s'épuise. La fragmentation culturelle
produit une diversification des comportements et des normes et une extension
des particularismes : « Les individus et les groupes sociaux
sont de moins en moins identifiés par ce qu'ils font et les relations
qu'ils entretiennent entre eux à travers les institutions, ils ont
tendance à s'identifier par ce qu'ils sont, leurs héritages ou
leurs cultures, et à les renforcer en se différenciant des autres
groupes26(*) ». Dans la notion
générique d'intégration, Lapeyronnie distingue deux
éléments : la participation et l'intégration
culturelle. La participation recouvre l'inclusion dans les champs
économique, politique et national à partir des mobilisations des
acteurs. L'intégration culturelle concerne davantage les enjeux des
conflits culturels.
Khosrokhavar, dénonce lui, une dérive de la
référence à l'universalisme : « Quand
il n'en reste que l'abstraction, il devient un masque pour l'ethnocentrisme. Il
contribue, par son refus de tout compromis avec l'idée même de
communauté, à produire, en lieu et place de
« communautés positives », des
« néocommunautés
déviantes » parmi les jeunes subissant des
stigmatisations prolongées27(*) ».
La conception française de la nation inventée
lors de la Révolution est une « conception Rousseauiste
d'une démocratie unitaire, hostile au pluralisme (...). On continue
à s'efforcer d'intégrer les populations d'origine
étrangère par la citoyenneté individuelle, en refusant de
reconnaître l'existence de communautés particulières dans
l'espace public28(*) ».
Ces analyses ont permis de relativiser le
« modèle
français d'intégration ». Ces auteurs,
malgré leurs différences, partagent le constat de
l'affaiblissement de la force intégratrice des institutions nationales.
De même ils reconnaissent que l'acquisition de la nationalité
française ne constitue pas l'acte final de l'intégration.
L'absence de reconnaissance sociale des communautés et
donc de la communauté chinoise par les pouvoirs publics français
accentue la marginalisation des individus qui ne peuvent pas avoir un
accès direct à la société française.
Paradoxalement, cela tend à renforcer la dépendance des plus
démunis vis-à-vis de cette communauté.
q) Le processus d'acculturation
L'acculturation est selon la définition
anthropologique, le résultat de contacts et
d'interpénétrations de cultures différentes. Elle
nécessite un contact entre les cultures et aboutit à des
transformations culturelles de l'un ou des deux groupes. Les migrants chinois
sont a priori soumis à ce processus d'acculturation. John Berry a
modélisé un schéma des stratégies d'acculturation
qui peut revêtir selon lui quatre formes différentes selon
l'importance que l'individu attache à la conservation de sa culture
d'origine et/ou l'acquisition de la culture d'accueil :
Un individu considérant qu'il doit préserver sa
culture d'origine sans tenir compte de la culture d'accueil adopterait une
stratégie de séparation.
Le rejet de la culture d'origine et la recherche du
conformisme avec la société dominante se caractérise par
une stratégie d'assimilation.
Le maintien de la culture d'origine et l'adoption de la
culture d'accueil se caractérise par l'intégration.
Le rejet des deux cultures se caractérise par la
marginalisation.
![](L-integration-republicaine--l-epreuve-du-lien-communautaire-l-exemple-des-migrants-Chinois3.png)
Modèle des stratégies d'acculturation,
adapté de Berry (1997)
Dans ce modèle, l'intégration est le
résultat d'un compromis entre le maintien de sa culture d'origine et une
acquisition de la culture dominante.
Bien qu'intéressant ce modèle de
stratégie d'acculturation ne rend pas compte de la réalité
du vécu identitaire des migrants chinois interrogés. En effet, la
plupart des personnes interrogées ont fait part de leur réelle
volonté d'intégration dans la société
française. Au regard de ce qui est renvoyé par cette population
et dans la conscience collective du reste de la population, les migrants
chinois se caractériseraient par une stratégie de
séparation, préservant leur culture d'origine et refusant celle
du pays d'accueil. Cette affirmation hâtive ne tient pas compte des
difficultés liées au grand écart culturel de deux
civilisations distinctes et s'étant développées autour de
modes de pensée, philosophie, conception du monde radicalement
différente, dont le système républicain ne tient pas
compte dans le cadre public. Ainsi, les personnes interrogées faisaient
davantage référence à une stratégie de survie
plutôt qu'à une stratégie de séparation, beaucoup
d'entre eux étant pris, malgré eux dans un processus fermé
de gestion de la migration installée depuis des décennies. La
nécessité de rembourser une dette lourde, la précarisation
sociale des migrants les plus fragiles, notamment des dongbei exploités
par des migrants wenzhou organisés depuis longtemps, le
déterminisme social et culturel leur imposant une obligation de
résultats quant à leurs motifs de départ etc. restreignent
leur capacité d'intégration. (Témoignage). Cette
volonté revendiquée d'intégrer la société
française est notamment observable par le fait que la sortie de l'emploi
communautaire marque une certaine mobilité professionnelle et salariale
dont les migrants tirent fierté (Témoignage).
3. Organisation des
institutions et des associations
r) Comment s'organise l'Etat pour
l'intégration des migrants chinois ?
Face à cette population et les exigences
d'intégration auxquelles celle-ci est soumise de fait en venant
s'installer en France, les institutions de la Nation se retrouvent devant un
véritable défi afin de répondre d'une manière
conforme aux valeurs républicaines. Comment favoriser
l'intégration de migrants ayant une vision du monde radicalement
différente de la culture d'accueil ?
(1) Le Contrat d'Accueil et
d'Intégration
Le Haut Conseil à l'Intégration a défini
dans un rapport de 2007, 5 piliers définissant une politique de
l'intégration :
· Les politiques d'accueil avec pour noyau le Contrat
d'Accueil et d'Intégration
· La compensation des inégalités
principalement fondée par la loi de programmation pour la
cohésion sociale du 18 janvier 2005
· La lutte contre les discriminations et pour
l'acceptation de la diversité
· L'incitation à la participation à la
« vie de la cité »
· L'accès à la pleine citoyenneté
débouchant sur l'accession à la nationalité
française.
La politique sociale liée à l'immigration a
connu, depuis l'adoption des lois Sarkozy du 26 novembre 2003 et du 24 juillet
2006 (dites lois Sarkozy I et II), une évolution allant dans le sens
d'un durcissement des conditions d'entrée et de séjour des
personnes migrantes. Décourageant le regroupement familial, elles
promeuvent l'immigration dite choisie et ont également pour axe de
maîtriser les flux migratoires et favoriser l'intégration. C'est
dans ce cadre qu'a été élaboré le Contrat d'Accueil
et d'Intégration (CAI), pour un engagement volontariste
d'intégration républicaine.
Depuis la « loi Sarkozy II », la signature
d'un CAI est obligatoire pour les personnes primo-arrivantes. Elle leur impose
une formation civique sur les institutions françaises et les valeurs
républicaines, une session d'information sur l'organisation de la
société française, un bilan de compétences
professionnelles et une formation linguistique modulée suivant le niveau
de la personne. La carte de résident n'est accordée qu'à
ces trois conditions : l'engagement personnel de respecter les principes
qui régissent la République Française, le respect effectif
de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française.
Ce contrat fait polémique, on lui reproche en effet
sous prétexte de favoriser l'intégration de surtout chercher
à limiter le nombre des installations en en rendant les conditions plus
difficiles. Par ailleurs il ne s'adresse qu'aux nouveaux entrants et n'a aucun
effet sur les populations plus anciennement installées et non
intégrées ni sur les immigrés clandestins. C'est notamment
le cas chez les migrants chinois. Cette critique est reprise par Monsieur X,
président d'une association de jeunes
chinois : « Selon moi, le contrat d'intégration
a été mis en place pour limiter le nombre d'immigrés en
France et spécialement pour limiter le nombre de migrants chinois qui
pose problème au gouvernement français car celle-ci est opaque.
L'apprentissage du français est réellement problématique
chez les chinois, notamment pour ceux arrivés après leurs 13 ans
et les adultes, les mécanismes d'apprentissage étant beaucoup
moins évident chez eux. Le respect du contrat d'intégration est
forcément beaucoup plus difficile à respecter et limite de fait
la régularisation des migrants chinois adultes. A mon avis, cette
politique ne servira qu'à créer plus de
« sans-papiers » car elle ne tient pas compte des
spécificités culturelles ».
C'est en effet une critique relevée par d'autres
associations craignant que ce contrat augmente le nombre d'immigrés
clandestins car les conditions d'installation légale sont plus
contraignantes.
L'apprentissage de la langue, dans l'ensemble de mes
entretiens revient sans cesse et apparaît comme le facteur essentiel de
l'intégration et comme nous l'avons vu en amont sa non maîtrise
est elle factrice de vulnérabilité. Comment l'Etat organise-t-il
cette apprentissage ?
(2) L'apprentissage de la langue
française
C'est l'Office Français de l'Immigration et de
l'Intégration (OFII) qui organise le parcours d'intégration des
migrants et celui-ci commence dans le pays d'origine et se prolonge en France.
Le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de
moins de soixante-cinq ans ou le conjoint de français qui sollicitent le
regroupement familial bénéficient dans leur pays de
résidence, d'une évaluation de leur degré de connaissance
de la langue et des valeurs de la République.
Si cette évaluation en établit le besoin,
l'autorité administrative organise à l'intention de
l'étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la
durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait
l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des
valeurs de la République.
Cette formation est d'une durée de 400 heures maximum.
Elle est gratuite et dispensée dans des centres de formation
linguistique répartis sur l'ensemble du territoire. Elle permet
d'acquérir un premier niveau de connaissance du français et est
valorisé par l'obtention d'un diplôme, le DILF, le Diplôme
Initial de Langue Française.
La formation linguistique est devenue un enjeu social
important pour l'Etat et les migrants. L'apprentissage du français est
une composante évidente de l'intégration de la population.
Cependant, la difficulté d'apprentissage des chinois n'est pas prise en
compte dans le processus d'acquisition des compétences de base de la
langue. C'est un choix qui entre dans une logique républicaine
d'indifférenciation ethnique. Cependant, d'après une
enquête réalisée en 2009 par l'Observatoire Régional
de l'Intégration et de la Ville (ORIV), « les formateurs
reconnaissent qu'avoir des groupes homogènes favorise la progression des
apprenants29(*) ». Cette enquête ne tient
nullement compte du paramètre des origines des populations. Lorsqu'il
est question d'homogénéité du public, ce n'est pas des
origines dont il est question mais du niveau : Les personnes non francophones
ne maîtrisant pas ou partiellement les compétences de base dans
leur langue maternelle, Les personnes non francophones qui maîtrisent les
compétences de base dans leur langue maternelle, Les personnes
francophones, scolarisées en langues française, ne
maîtrisant pas ou partiellement les compétences de base.
Le Cadre national de référence de m'Agence
Nationale de Lutte Contre l'Illettrisme (ANLCI), publié en 2003 donne
trois définitions recouvrant différentes situations
distinctes :
L'Analphabétisme : pas ou peu de scolarisation
dans la langue maternelle et n'ayant jamais appris un code écrit.
FLE : Français Langue Etrangère. Cette
définition s'applique aux étrangers qui ne parlent pas
français, mais qui ont été scolarisé au moins 5 ans
dans leur pays d'origine.
L'illettrisme : se dit de personnes qui ont
été scolarisées en France et qui n'ont pas acquis une
maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture et des
compétences de base pour être autonome dans les situations simples
de la vie courante.
Monsieur X me confirme en entretien que chez les populations
originaires de la province du Zhejiang (Wenzhou), beaucoup de migrants viennent
de la campagne à commencer par sa propre famille :
« ma grand-mère est en France depuis plus de 30 ans et elle
connaît à peine deux mots français ! Elle est de la
campagne, comment voulez-vous qu'elle apprenne le français, elle ne
connaît même pas sa propre langue ! ».
Nous constatons donc que malgré une volonté
affichée de l'Etat de promouvoir l'intégration des migrants,
notamment pas l'apprentissage du français, l'organisation de son
enseignement pour les adultes est relativement limité et répond
à la question de l'intégration sur un mode
générique et sans discrimination (au sens
différencié, donc sans connotation péjorative) par rapport
aux origines ethniques. C'est pourtant selon Monsieur X un point essentiel dont
il faut tenir compte, car dit-il : « on ne peut pas
enseigner le français de la même manière à un
chinois et à un marocain à supposer qu'il se retrouve dans un
même atelier sociolinguistique, il faut prendre en compte les
spécificités de la langue chinoise et de l'arabe, comment adapter
une même logique d'apprentissage à deux système
différents ?! ».
Cette même logique de non discrimination se retrouve
dans l'enseignement du français pour les migrants de moins de 16 ans.
Ceux-ci sont orientés par le Centre Académique pour la
Scolarisation des élèves Nouvellement Arrivés et des
enfants du voyage (CASNAV). Les élèves sont orientés en
Classe d'Initiation pour Non-francophones (CLIN) ou en Classe d'Accueil selon
leur âge. Les élèves de CLIN et CLA sont également
inscrit en classe ordinaire par soucis d'une intégration rapide. Le site
internet du CASNAV30(*) de
Paris met à disposition des témoignages d'enfants de toutes
nationalités. Nous pouvons constater que le niveau de français de
ces élèves sont équivalents en fonction de la durée
de leur séjour en France et ce quelque soit la nationalité.
Ainsi, comme me le disait Monsieur X, les plus jeunes primo-arrivants chinois
s'adaptent plus vite et plus facilement à la langue française.
(3) La place des services de droits
communs
L'un des éléments caractéristiques de
l'intégration selon le Haut Conseil à l'Intégration est le
degré de participation à la vie active à la
société nationale. Ainsi, le citoyen de la République
connaît en théorie ses droits et ses devoirs.
Ainsi : « Toute personne a droit au travail, au libre
choix de son travail, à des conditions équitables et
satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal
pour un travail égal.
Quiconque travaille a droit à une
rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi
qu'à sa famille une existence conforme à la dignité
humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de
protection sociale. Toute personne a droit de fonder, avec d'autres, des
syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses
intérêts31(*) ». L'une des caractéristiques
frappantes chez les migrants chinois spécifiquement les nouveaux
arrivants est leur méconnaissance partielle voire totale du
système français de protection sociale. L'Etat-providence n'a
pour eux aucune signification effective ou symbolique. En 2003 le
système chinois de protection sociale couvrait 110 millions de personnes
sur une population dépassant le milliard trois cent millions selon
l'Organisation Mondiale de la Santé, la proportion est dérisoire.
Ce système est actuellement en construction en Chine et est devenu une
des priorités du gouvernement qui compte l'étendre à toute
la population. Pour l'heure, c'est 70% de la population qui ne dispose d'aucune
protection sociale.
Le projet migratoire des chinois ne tient pas compte au
départ de l'organisation du système de protection sociale ou du
fonctionnement de l'assurance chômage et des retraites. Nous l'avons vu,
celui-ci s'inscrit davantage dans une lignée de cheminements
balisés par des générations de migrants et du lien
communautaire. Le courant migratoire entraîne les migrants chinois au
sein de la communauté, par la communauté et pour la
communauté. La « protection » est fournie par le
réseau communautaire. Pour cette population, les démarches
administratives sont effectuées par l'intermédiaire soit de
personnes identifiées comme étant des personnes ressources par
leur maîtrise relative du français, soit par
l'intermédiaires des enfants qui font office de traducteurs.
Les services de droits communs n'ont pour ainsi dire pas de
place dans la vie quotidienne des migrants chinois. Peu d'entre eux font
état de leur droit qu'ils soient régularisés ou non.
La population des primo arrivants chinois est pourtant
très touchée par le trafic et l'exploitation en France,
même si les qualificatifs habituels d'immigrants irréguliers ou de
travailleurs illégaux cachent leur statut de victimes. Le rapport du
Bureau International du Travail (BIT) de 2005 fait état de cette
situation32(*).
Même au sein des quartiers fortement investis par la
communauté chinoise, les services sociaux ne voient pas ou peu de
personnes chinoises. Ainsi Madame S. assistante sociale de secteur me
confiait : « je travaille dans ce quartier depuis 5 ans, je
couvre le secteur où une grande partie des migrants chinois
résident et travaillent. J'ai pourtant très peu d'usagers
asiatiques dans ma file active, elle est même quasiment inexistante. Les
collègues du Point d'Accès au Droit vous diront la même
chose ! ».
Monsieur X de m'expliquer « les chinois ne
connaissent absolument pas le fonctionnement des institutions de la France,
tout d'abords à cause de la barrière de la langue. Ce n'est pas
du communautarisme, ou volontairement qu'ils ignorent le système
français. Sur le forum du site internet de l'association les questions
sur les droits concernant, la sécurité sociale, CMU/CMU-C, la PMI
ou le RSA sont nombreuses tous les jours ! Pour ces questions vous
êtes plus légitime que moi pour répondre, mais ils se
tournent vers la communauté parce que la langue leur pose
problème ».
Concernant le secteur de l'emploi tout se passe
également au sein de la communauté me dit-il, dans le secteur des
« trois couteaux », la restauration, la maroquinerie et la
confection.
Monsieur T, étudiant chinois et membre d'une
association franco-chinoise avance une autre
explication : « C'est la honte. Le sentiment
d'être disqualifié aux yeux des gens, car la disqualification est
associé au statut de migrants. Je crois que les chinois qui ont à
faire avec les institutions se sentent incompétent et que c'est aussi
cette image qui leur est renvoyée par les professionnels. Ils ressentent
soit du mépris, soit de la condescendance, chez les chinois,
spécialement, c'est insupportable ».
s) Le travail des associations
Cette partie s'attachera à comprendre et analyser le
rôle des associations du système communautaire dans le processus
d'intégration des migrants chinois en France. Nous verrons en quoi ces
associations oeuvrent dans l'intérêt de ce public, pour une
meilleure inclusion dans le champ républicain et pour une
compréhension mutuelle entre communauté et société.
Nous prendrons l'exemple de deux associations que nous nommerons Association H,
P.
(1) Association H : de la
convergence du collectif au statut associatif
L'association H a été crée à
partir d'un collectif de jeunes « sans-papiers » chinois en
2002 réclamant la régularisation de plusieurs familles chinoise.
En 2003, ce collectif a obtenu gain de cause pour plusieurs centaine de
famille. Cependant, ces « sans-papiers » se sont vite rendu
compte que le besoin fondamental ne résidait pas dans l'obtention de
papiers, mais que le besoin d'intégration était indispensable.
Suite à cette prise de conscience, ce collectif a
développé un certain nombre d'activités favorisant cette
intégration. La question de la manière d'intégrer la
communauté chinoise à la société française
est alors devenue centrale dans ce collectif. C'est en 2003 que ce collectif a
obtenu le statut d'association républicaine, subventionnée,
favorisant l'intégration et la mixité des migrants chinois.
Soutenu par l'Etat, l'association H a développé des projets
d'innovation sociale et de recherche. Bénéficiant du financement
de la commune, de la région, de la Caisse d'Allocation Familial, de
l'ACSE (Agence nationale pour la cohésion sociale et
l'égalité des chances ex FASILD (Fonds d'Action et de Soutien
pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations)), et du FSE
(Fond Social Européen) le projet de l'association comporte 6
visées :
Humaine : Contribuer au développement de la personne
humaine et de son environnement proche.
Sociale : Favoriser l'accès aux droits, à la
citoyenneté par une participation effective de la population à la
vie sociale locale.
Linguistique : Favoriser l'apprentissage de la langue
française et l'autonomie des personnes.
Culturelle : Développer les contacts et les
échanges avec la population française, permettre aux personnes de
s'ouvrir à d'autres cultures.
Economique : Contribuer à l'insertion sociale des
migrants par l'emploi et l'aide à la création d'entreprise.
Républicaine et Scientifique : Apporter à
la société française une connaissance sur la migration
chinoise du Zhejiang (projet de recherche en anthropologie sociale avec le
CADIS-EHESS.)
En outre, cette association a pour vocation l'aide à
l'insertion sociale et citoyenne des publics migrants et s'appuie sur une
équipe de 6 salariés et une trentaine de bénévoles.
Elle effectue un accompagnement à la santé en développant
une permanence de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) dans les locaux
de l'association. Un travail de médiation santé est
également dispensé ainsi que de l'information de la
prévention et de l'éducation à la santé. Une action
sociale est également menée avec une permanence quotidienne, pour
des accompagnements, constitution de dossier et surtout un partenariat avec un
Centre Social, des structures administratives et une coopération avec
l'Equipe de Développement Local du quartier.
L'un des membres fondateurs de l'association met l'accent sur
l'importance de la compréhension mutuelle de la communauté et de
la société : « cela montre que la
médiation, la compréhension, l'écoute,
génèrent de la bonne volonté et génèrent
chez ces migrants une volonté de s'intégrer, alors que le rejet
au contraire renforce le repli communautaire ».
(2) L'association franco-chinoise P
Cette association franco-chinoise, implantée au coeur
d'un des premiers quartiers historiques chinois de Paris est né en 1993
de la rencontre d'une sinologue Madame V et d'un éducateur de rue
remarquant l'isolement et le manque de repères des migrants chinois dans
la société d'accueil alors même que l'image
véhiculée dans la conscience collective est celle de la
discrétion, de la solidarité, du retrait et du repli
communautaire. Madame V : « Avant d'être
culturelle, leur position de retrait reflète une blessure, un besoin de
protection(...), le repli des familles sur elles-mêmes et dans des
secteurs d'activités circonscrits s'explique par des contraintes
économiques liées à l'endettement pour le passage en
France d'environ 18 000 euros, soit dix ans d'économie en
Chine33(*) ».
L'association propose une série d'activités afin
d'enrayer cet isolement. Elle fonctionne avec une trentaine de
bénévoles soutenus par une équipe de 5 salariés,
une coordinatrice-médiatrice, une formatrice français langue
étrangère, une assistante sociale d'origine chinoise et deux
animatrices médiatrices. L'association touche surtout un public de
jeunes chinois et leur famille ainsi que les femmes seules originaires du Dong
Beï. Elle a pour objectif d'oeuvrer à l'intégration en
créant des passerelles et des liens entre la population chinoise et le
milieu environnant français (institutionnel ou non-institutionnel). Elle
propose des activités linguistiques, culturelles et sportives, elle
oeuvre également dans le domaine de la santé, en menant des
actions informatives en matière sanitaire et sociale en faisant
intervenir des intervenants de la CAF et de la PMI. L'association fait
également de la médiation socio-culturelle, propose un suivi
socio-éducatif dans une démarche de prévention de la
marginalisation et de la délinquance, favorise l'insertion sociale et
propose également un parrainage adapté au contexte
spécifique rencontré par ces publics vers l'orientation, la
formation et l'emploi.
L'association est devenue un repère pour les habitants
chinois et non chinois du quartier où elle est implantée.
(3) Partenariat entre espace
communautaire et républicain : un compromis tacite ?
Si le modèle républicain n'admet pas la
différenciation culturelle au sein de son système, une
cohabitation avec l'espace communautaire est-il possible ? Selon les
valeurs universelles héritées de la philosophie des
« Lumières », la République est régie
par les principes d'égalité et d'indivisibilité. Est-il
possible dans ces conditions de désacraliser notre expérience de
la République et reconnaître qu'elle n'est pas aussi
homogène que l'idéal républicain le voudrait, sans briser
le Contrat social ?
L'intégration des migrants chinois, et plus largement
des migrants en général, est une question qui occupe l'espace
politique, économique et social de la France. Si pour l'heure la
question est principalement traitée par la philosophie politique, la
partie large de l'entonnoir des idées, celle-ci émerge dans le
champ du travail social.
Cette problématique de l'interculturelle s'impose
aujourd'hui de plus en plus dans les services sociaux.
Dans le cadre des Rencontres-débats de
PARI-Parentalité du 11 février 2003 sur le thème
« Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles
rencontres ? », la question de l'accompagnement
éducatif qui est dû aux jeunes chinois mineurs isolés s'est
posée. Selon Geneviève Lefebvre, Juge des enfants,
« il n'est pas rare de voir des enfants de huit à dix ans
qui sont conduits directement par le « passeur » aux foyers
de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance)34(*) ». En 2003, selon les données du
Centres de Formation et d'Information pour la Scolarisation des Enfants de
Migrants (CEFISEM aujourd'hui CASNAV), les chinois représentaient 50%
des primo-arrivants dans les classes d'accueil. Les liens de confiances que
doivent établir les travailleurs sociaux avec les usagers est
extrêmement difficile à mettre en place pour ce public, car il y a
beaucoup de zone d'ombre dans leur parcours. Les familles chinoises sont
difficiles à approcher pour un travailleur social, celle-ci restent
très méfiante mais aussi elles sont dans une
méconnaissance du concept de travailleur social ou d'éducateur.
Par ailleurs, les clichés véhiculés par ignorance de la
dite culture empêche toute forme d'empathie.
Cette Rencontre-débat organisé par le Conseil
Général de Paris avait pour but d'informer sur le parcours
migratoire des migrants chinois, leur projet, leurs attentes et a servi
à monter un groupe de travail permanent, en collaboration avec
l'association franco-chinoise de Monsieur P et Madame V destiné à
entretenir une collecte d'informations et à mener une réflexion
sur les pratiques, afin de faciliter la rencontre sans a priori des familles et
de leurs enfants.
On peut voir ici une forme de reconnaissance d'un
particularisme culturel de la part de l'institution garante à son
échelle du bon fonctionnement du système républicain et de
son intrusion dans la sphère publique.
De la même manière, toujours à Paris, la
ville s'est engagée dans un programme européen intitulé
« Chinois d'Europe et intégration » sur la
période 2002 - 2005. Le projet était piloté par la Mission
intégration de la Délégation à la Politique de la
Ville et à l'Intégration (DPVI) en partenariat avec l'association
franco-chinoise précitée, la mission locale, un centre
d'apprentissage et une autre association oeuvrant sur le plan international
dans le domaine de l'emploi et la formation professionnelle. Financé en
partie par le Fond Social Européen, le projet partait du constat qu'une
grande majorité de la population chinoise issue du Zhejiang était
très peu intégrée. L'idée du projet était de
mieux connaître la communauté et les mécanismes d'exclusion
pour, à termes favoriser une meilleure intégration. Cette action
avait ceci d'innovant que la Ville de Paris n'avait jamais initié
d'action en ciblant une communauté spécifique. Dans ce projet,
chaque étape a été discutée en discutant avec les
partenaires associatifs, de terrain et connaissant la population ciblée.
Il avait pour finalité de développer des programmes
d'activités pour favoriser des orientations professionnelles
diversifiées et sortant du secteur dit des « trois
couteaux », la maroquinerie, la restauration et la confection :
« toute une série de dynamiques ou d'outils ont pu
être mis en place, qui oeuvrent tous dans le sens d'un appui à
l'intégration des chinois et dont on peut espérer qu'ils
perdureront au-delà du soutien consenti par le FSE35(*) ».
Une plate-forme d'accueil mutualisée a
été crée en 2002 par l'association Franco-Chinoise
pilotant le projet ainsi que deux actions de formations de cinq à six
semaines axées sur l'interculturalité en 2004. La
première formation étaient destinées aux personnes
chinoises désireuses de se former à la médiation
interculturelle afin de pouvoir agir au sein de leur communauté. La
deuxième formation était destinée aux professionnels et
bénévoles du champ social pouvant rencontrer le public migrant
chinois.
Nous constatons donc que le partenariat entre un espace
communautaire ouvert et les institutions républicaines de droit commun
est envisageable lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des actions favorisant
l'intégration des migrants. Il y a une complémentarité
possible entre l'espace communautaire et l'espace républicain qui ne
sont pas séparé si nous y regardons de plus près. Les
associations communautaires relèvent de la loi dite « loi
1901 », à but non lucratif. Ce n'est que le 9 octobre 1981 que
ce droit d'association pour les étrangers a été
promulgué. Auparavant, ces associations étaient soumises à
une autorisation discriminante préalable du ministère de
l'intérieur par un décret-loi « portant statut
particulier des associations étrangères et associations
composées d'étrangers » datant de 1939.
Aujourd'hui les associations relevant de la loi 1901, communautaires ou non
sont de fait, républicaines et relevant du droit privé. Ainsi
l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901
énonce : « Toute association (...) qui aurait
pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire
national et à la forme républicaine du Gouvernement est nulle et
de nul effet ».
Du point de vue individuel et de la pratique professionnelle
du travail social auprès de personne migrante, Delphine Serre,
maître de conférences à l'université paris I
Panthéon Sorbonne a mené une recherche sur les professions
intermédiaires de l'enfance et du social dans une perspective de
sociologie des normes, du travail et des classes sociales. Dans son ouvrage
« Les coulisses de l'Etat social, enquête sur les signalements
d'enfant en danger » (Raison d'agir, 2009), elle note
« des pratiques empreintes de relativisme » chez les
assistantes sociales de l'éducation nationale, selon les origines de
l'usager. Elle note que l'attitude « culturaliste » des
assistantes sociales est très fréquente. Ainsi :
« on dira « dans les familles africaines, on a la main
leste, il y a souvent des coups de ceintures », mais on ajoutera
« c'est comme si, nous, on se ramassait une gifle ou un coup de pied
aux fesses » ». Selon la sociologue,
« le relativisme transparaît dans la mise en équivalence
des pratiques ». Les assistantes sociales interrogées par
Delphine Serre répondent qu'il faut savoir marier les exigences de
l'intégration et le respect de la différence.
Pour Madame Z. assistante social de
secteur : « l'important à mon sens c'est de ne
pas se crisper sur ses propres valeurs. Je suis assistante sociale, j'ai grandi
et j'ai été formée par la République, je suis vraie
une républicaine ! Ceci dit ça ne m'empêche pas de
prendre en compte la culture de l'usager dans mes accompagnements. D'ailleurs
je n'ai pas le choix si je veux faire correctement mon travail ! La
relation d'aide ne s'inscrit que dans un rapport de confiance et je ne suis
trop fermé pour comprendre l'usager, sa façon de comprendre le
monde, et bien je ne pourrai pas effectuer un accompagnement qui ait un sens
pour lui ». A la question « Pourriez-vous envisager de
travailler en partenariat avec une association communautaire ? », la
réponse était sans appel : « d'un point
de vue strictement personnel je dirais oui sans hésitation, si tant est
que l'association en question est sérieuse et n'est pas des fins
obscurs. En revanche je ne suis pas certaine que cela puisse se faire au niveau
institutionnel... encore que... il faudrait en discuter en
équipe »
III.
Problématique
Nous pouvons constater à travers l'exemple du travail
de l'association chinoise H. et de l'association franco-chinosie P. qu'ils
représentent une porte d'entrée indispensable pour une accession
au statut de citoyen d'un public migrant chinois encore méfiants
vis-à-vis de l'extra-communautaire. Cette méfiance, malgré
l'image que cette population véhicule (calme, discret,
intégré économiquement etc.) est cependant
réciproque venant de la société d'accueil. Celle-ci est
surtout répandue dans les quartiers fortement investis par la
communauté chinoise où l'expansion des grossistes en maroquinerie
ou des traiteurs chinois ne semble pas contrôlable. La
méconnaissance mutuelle des cultures respectives stigmatisent les
craintes de chacune des parties. En ce sens, le travail des associations H et P
offre un sas de communication (et de médiation le cas
échéant) idéal. Pierre Picquart évalue à 649
le nombre d'associations, dont 50 sont chinoises et 599 franco-chinoises. Ces
chiffres datent de 2002.
Du point de vue des institutions nous pouvons remarquer que
bien qu'une ouverture vers la prise en compte de particularismes culturels et
surtout du parcours migratoire des migrants est petit à petit mise
à jour, elle reste timide et cantonnée à des projets
expérimentaux et à l'échelle locale. Pris entre des
valeurs républicaines à portées universelles, absolue et a
priori sans concession possible et la nécessité de s'adapter
à l'évolution de la société elles restent pour le
moment dans la lignée d'origine. Au regard de cette analyse, une
question de recherche venant préciser la question de départ se
dégage : En quoi l'action sociale de droit commun peut-elle
favoriser l'inclusion sociale des migrants en partenariat avec les associations
communautaires sans contredire les principes républicains de
non-discrimination, d'unité et d'indivisibilité ?
Afin d'apporter un élément de réponse
à ce nouveau questionnement nous allons émettre une
hypothèse. Celle-ci devra tenir compte de l'analyse du recoupement des
éléments théoriques et pratiques effectué. Nous
l'avons vu, l'élément principal stigmatisant les parties sur
leurs valeurs propres parfois hermétique à toute ouverture, vers
l'autre, est la méconnaissance de celui-ci. Une meilleure
compréhension réciproque passe par l'apprentissage des codes
culturels de l'autre. Elle évite aux individus des attitudes
dictées par des idées reçues.
Par ailleurs, l'un des principes fondateurs de la
République est l'Egalité. C'est pour garantir
l'égalité de tous que les institutions sont amenées
à reconnaître des particularismes culturels, sans pour autant
remettre en question la République une et indivisible. En ce sens,
l'égalité est conciliable avec la différence. Nous l'avons
vu, l'écart culturel entre la population chinoise et celle de la France
représente un fossé très difficile à combler pour
l'une et l'autre des parties pour autant qu'elles le veuillent. Cet
écart s'avère être un frein pour les migrants. Il les
discrimine dans leur accès à l'intégration et à la
participation à la vie publique. Nous faisons donc l'hypothèse
qu'un travail commun sur l'interculturalité pourrait répondre
à la question de recherche qui a émergée. En outre, des
actions de formation à la médiation interculturelle et le recours
à des disciplines comme l'ethnopsychiatrie pourraient créer une
passerelle d'échange et ainsi favoriser l'intégration sociale des
migrants dans un souci d'intérêt général et commun.
IV. Outils de
vérification
Il s'agira, afin de vérifier cette hypothèse de
travail, d'aller sur le terrain et de mener une enquête auprès du
public concerné. La question de recherche que nous avons faite
émerger élargit le public cible à l'ensemble des migrants.
La problématique de l'écart culturel n'est pas spécifique
aux migrants chinois. Il ne s'agit donc pas du public mais des publics dont
font aussi partie les professionnels de l'action sociale, assistants sociaux,
éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs etc.
Les associations communautaires sont des terrains de choix car
elles représentent un sas de rencontre possible entre communauté
et société d'accueil. Les bénévoles et
salariés de ces associations sont donc également
concernés. Dans le triangle migrants - institutions - associations, il
s'agira de recueillir des données qualitatives par des entretiens
semi-directif orientés par des grilles d'entretien spécifiquement
conçus pour chaque public. Une place sera également donnée
aux données subjectives par des entretiens ouverts. Il nous semble
important dans cette enquête de tenir compte du ressenti du public,
autant professionnels que migrants. Face au phénomène de
disqualification ressenti par les migrants confrontés à la
société d'accueil et à l'impuissance des professionnels de
l'action sociale devant cette incompréhension réciproque et
l'incapacité à effectuer leur mission, la prise en compte de
données subjectives peuvent être d'une réelle
utilité. Nous aurons soin d'interroger de manière
spécifique les primo-arrivants, les migrants de longue date et
isolés ayant des problématiques d'insertion, les migrants
économiquement intégrés mais pas socialement et les
enfants de migrants nés sur le territoire. Nous interrogerons
également les mineurs isolés étrangers. Chez les
professionnels, les ethnopsychiatres et les médiateurs feront partie du
panel des personnes avec le personnel associatif, faisant le pont entre
migrants et société d'accueil.
V. Conclusion
La question de l'immigration est devenue en quelques
décennies centrales dans la vie de la population française. Elle
touche tous les champs, qu'il soit politique, social, économique,
culturel, philosophique etc. Dans un contexte de mondialisation, cette question
intéresse l'ensemble des sociétés modernes. La question
chinoise dans ce contexte alimente les craintes. En 1897, déjà,
Jacques Novicow, sociologue russe d'expression française
écrit : « Le Péril
Jaune », expression encore bien connue aujourd'hui. Il y
étudie l'impact de la représentation des chinois. Celle-ci est
donc perçue comme menaçante pour la civilisation
occidentale : « « Partout où l'ouvrier
chinois ou même nègre est en concurrence avec l'ouvrier blanc, dit
M.E Faguet, celui-ci est vaincu »(...) Les chinois sont quatre cent
millions. Théoriquement ils peuvent mettre trente millions d'hommes sur
pied de guerre. (...) Le « Péril jaune » vient
surtout de l'ouvrier chinois qui se contente de cinq sous. ».
Plus récemment, le 9 mars 2011, Philippe Plassart dans le Nouvel
Economiste écrit un article titré également « Le
péril jaune ». Dans cet article, le journaliste s'interroge
sur le futur leadership économique mondial et l'impact que cela aura.
La Chine a de tout temps été l'objet
d'interrogations et de craintes. Aussi la question de leur émigration
inquiète. La population chinoise ne représente pourtant qu'une
faible partie de l'ensemble des immigrés présents en France
(4,4%) et une infime partie de la population totale (0.3%)36(*). Jusqu'à la fin des
années 90, les chinois jouissaient d'une réputation plutôt
positive, perçus comme des personnes calmes, travailleuses,
économiquement intégrés, mais fermés et restant
entre eux. Depuis une dizaine d'années, la population est davantage
observée. Leur inclusion au sein de la société pose
question. Si les services d'actions sociales institutionnels ne voient que peu
d'usagers chinois, ces derniers n'échappent pas aux problèmes
sociaux. La majorité d'entre eux sont pris en charge par une
communauté chinoise depuis longtemps organisée dans un processus
migratoire commençant dans le pays d'origine et ayant cours tout au long
du séjour dans la société d'accueil. Les études
montrent que ce phénomène ne relèverait pas de la culture
chinoise mais serait une stratégie d'adaptation, une stratégie de
survie. La nuance est importante car la communauté chinoise
véhicule beaucoup d'a priori aujourd'hui devenu négatifs.
L'intégration des migrants chinois est aussi devenue un
défi pour la République, pris entre ses principes fondamentaux
d'unité et d'indivisibilité et par conséquent ne
reconnaissant pas l'existence des minorités ethniques. Ce qui pose
problème dans la prise en charge de ces personnes car la prise en compte
de déterminants culturels s'avère indispensable pour qu'un lien
se mette en place. C'est notamment le cas dans la prise en charge d'une
assistante sociale ou d'un éducateur spécialisé. Ainsi,
une connaissance réciproque des migrants et de la société
d'accueil limite la défiance que les deux parties peuvent se vouer. Pour
ce, les associations communautaires représentent un sas de communication
pouvant créer des passerelles. La question de l'intégration
dépasse évidemment celle des migrants chinois et concerne
l'ensemble des migrants. Ce travail sur les migrants chinois peut être
effectué sur les populations pakistanaises, tamoules, cubaines etc.
toutes ces communautés possédant des traits culturels
différents et des typologies migratoires différentes. Elles
vivent l'intégration républicaine de manières
différentes en fonction de leurs spécificités culturelles.
Ce travail sur cette thématique m'a permis de
répondre à la question de l'antinomie apparente du travail en
partenariat avec les communautés et du cadre républicain. J'ai
notamment compris que l'égalité n'est pas incompatible avec la
différence et que celle-ci n'est pas proscrite ni à proscrire
dans le cadre privé comme dans le cadre public. La question
républicaine est également intéressante et revient au
centre des débats politiques et philosophiques. Le fait de
reconnaître ou non l'existence des minorités ethniques est en
débat, même si fondamentalement la République ne peut
revenir sur ces principes fondateurs. Dans ces débats le
parallèle avec les sociétés anglo-saxonne,
américaine, anglaise ou canadienne. Cependant, les comparaisons ne
tiennent pas, car le développement de nos sociétés
respectives s'est effectué de manières tout à fait
différentes. Les Etats-Unis et le Canada ont par exemple
développé une politique social autour de la notion d'empowerment
où les minorités ethniques prennent en charge l'action sociale au
sein de leur propre communauté. C'est probablement une évolution
que la République ne connaîtra jamais.
* 1 Dhume Fabrice,
« Communautarisme, l'imaginaire nationaliste »,
revue VEI-Diversité, N°150, sept 2007
* 2 Taguieff
Pierre-André, « La République enlisée.
Pluralisme, Communautarisme et Citoyenneté », Paris,
édition des Syrtes, 2005
* 3 Giraud M.,
« Vocabulaire historique et critique des relations
inter-ethniques » Pluriel Recherches Cahier n°3, 1995
* 4 Chiffres de Donation
Schramm, journaliste et spécialiste de la communauté chinoise en
France
* 5 Gao Yun, Véronique
Poisson, « Le trafic et l'exploitation des migrants chinois en
France », BIT, 2005. Entretien mené par des
enquêteurs pour Bureau International du Travail (BIT). Il nous a
semblé essentiel de retranscrire une partie de ce témoignage car
celui-ci illustre parfaitement les difficultés que peuvent rencontrer
les migrants chinois avant d'arriver en Europe.
* 6 Zheng Lihua, Les Chinois
de Paris et leurs jeux de face, L'Harmattan, Paris, 1993
* 7 Lin Yutang, La Chine et
les Chinois, Payot et Rivages, Paris, 1997
* 8 Gui Yuhua, Disputes au
village chinois, Maison des Sciences de l'Homme, Paris 2001
* 9 Un documentaire de 48 mn a
été tourné par Lee Show-Chun montrant cela, celui-ci
s'intitule : « Ma vie est mon vidéo clip
préféré », 2004, visionnable à la
BNF
* 10 Godbout Jacques,
« Le retour du social », Les Editions du
Boréal, Montréal, 1990.
* 11 Domenach Jean-Luc, Hua
Changming, « Le mariage en Chine », Presses de la
fondation nationale des sciences politiques, Paris 1987
* 12 Ibid
* 13 Pina Guerassimoff,
« La circulation des nouveaux migrants économiques chinois
en France et en Europe », Paris, 2002
* 14 Gao Yun, Véronique
Poisson, Op. Cit.
* 15 L'hebdomadaire,
L'Express, a consacré un article à ce fait divers
consultable à cette adresse :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/vie-et-mort-d-une-clandestine_474872.html
* 16 Estelle Auguin, Florence
Levy, « Langue et vulnérabilité des migrations
chinoises actuelles », REMI, 2007
* 17 Véronique Poisson,
Gao Yun, Op.Cit.
* 18 Véronique Poisson,
Gao Yun, Op.Cit.
* 19 Fabienne Lecomte,
« La famille et les langues, Une étude sociolinguistique de la
deuxième génération de l'immigration africaine dans
l'agglomération rouennaise, 1998.
* 20 Andrea Rea, Maryse
Tripier, Sociologie de l'immigration, édition La
Découverte, Paris, 2008
* 21 Park, Burgess,
Introduction to the Science of Sociology, 1921
* 22 Pierre Picquart,
« L'Empire chinois », Edition Favre, 2004
* 23 Schnapper Dominique,
« La France de l'intégration », Paris,
Gallimard, 1991
* 24 Schnapper Dominique,
« La communauté des citoyens », Paris,
Gallimard, 1994
* 25 Schnapper Dominique,
« L'Europe des immigrés : essai sur les politiques
d'immigration », Paris, Bourin, 1992
* 26 Lapeyronnie Didier,
« L'individu et les minorités, PUF, Paris, 1993
* 27 Khosrokhavar F.,
« L'universel abstrait » in Wievorka M.,
« une société fragmentée ?»,
La Découverte, Paris, 1996
* 28 Schnapper, Dominique,
« Qu'est ce que la citoyenneté », Paris
Gallimard, 2000
* 29 Gaëlle Donnard,
« Formation linguistique : un nouvel enjeu des politiques
d'intégration ? », ORIV Alsace,
décembre 2009
* 30
http://casnav.scola.ac-paris.fr/page.php?espace=eleves&doc=portrait1#ying
* 31 Extrait de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, article 23, 10
décembre 1948
* 32 Gao Yun, Véronique
Poisson, « Le traffic et l'exploitation des migrants chinois en
France », BIT, 2005
* 33 Extrait du rapport
d'activité 2003 de l'Association franco-chinoise P
* 34 Geneviève Lefebvre,
« Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles
rencontres ? », Cahiers de Chaligny, Paris, décembre
2003
* 35 Sabine Moreno,
« Le projet chinois d'Europe et intégration »,
hommes&migrations, N°1254, mars-avril 2005
* 36 Véronique Poisson,
Gao Yun, op. cit.
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