Conclusion générale
Au terme de ce parcours, j'entrevois l'immense richesse d'une
mission départementale du patrimoine audiovisuel dans le
Puy-de-Dôme. Les documents d'archive audiovisuels constituent, au
même titre que les archives papier, les églises romanes, les
vestiges galloromains, les ouvrages classiques de la littérature et de
la philosophie, etc., des matériaux précieux pour comprendre
notre monde et cet étrange animal qu'est l'homme. Pourtant, ces
documents - bobines, bandes-sons, cassettes vidéo- restent les grands
oubliés des greniers et placards de nombreuses maisons du
Puy-de-Dôme, et, déjà, nous le savons, de nombreux
trésors sont perdus à jamais.
J'ai acquis la certitude, à l'occasion de nos
différentes visites, que le Conseil général du
Puyde-Dôme possède toutes les compétences et une base saine
pour mettre en place une mission du « patrimoine audiovisuel » : une
équipe formée aux enquêtes de terrain et à la
valorisation des contenus (la cellule Patrimoine et Ethnologie), dont les
responsables ont une très grande connaissance de l'Auvergne. Une autre
équipe rompue à la conservation et au traitement documentaire de
l'image fixe (la photothèque départementale), qui travaille sur
une base de données à présent apte à gérer
de l'image animée et du son, et au sein d'une institution qui assure la
qualité et la pérennité (juridique et documentaire) de la
conservation (physique et numérique) des documents.
Cela dit, le patrimoine audiovisuel fait appel à des
matériels sophistiqués et évoluant très rapidement
(nécessitant donc des remplacements réguliers), et à un
personnel qualifié, aux compétences multiples. Une équipe
complète et cohérente de conservation et de valorisation du
patrimoine audiovisuel se compose a minima de cinq personnes, aux
tâches bien définies : d'un(e) responsable (rompu(e) à
l'ingénierie de projets et aux problèmes juridiques), d'un(e)
assistant(e) administratif (ou plusieurs), d'un(e)
documentaliste-chargé(e) de collecte (ou plusieurs), d'un(e)
technicien(ne) audiovisuel-chargé(e) de numérisation (ou
plusieurs), et d'un(e) chargé(e) de valorisation et
d'éditorialisation internet (ou plusieurs, qui peuvent diversifier les
modes de valorisation). La constitution d'une équipe complète et
d'un matériel performant nécessite donc, dans les
premières années de construction du projet, un soutien politique
fort et un engagement financier qui peut être soutenu par des aides
européennes.
Si le patrimoine audiovisuel ne bénéficie pas
aujourd'hui d'une véritable légitimité académique,
quelques organismes, tels que ceux présentés dans ce
mémoire, et d'autres plus ou moins prestigieux, ont acquis des
savoir-faire inestimables en matière de conservation et de traitement
documentaire des archives audiovisuelles, et ont exploré de multiples
façons de les valoriser. Certains ont constitué des
réseaux, tel que « Inédits - films amateurs/mémoire
d'Europe », afin de mettre en place des espaces d'échanges et de
promotions. Il est possible aujourd'hui de se rapprocher de ces
communautés de pensée et de pratiques, afin de s'en inspirer et
de participer à cette émulation.
Cette longue période de réflexion et
d'expérimentations a été féconde en rencontres et
en possibilités de partenariats. Les liens avec les responsables
associatifs des Ancizes, suite aux projets Fadas du viaduc et 100
ans d'école laïque aux Ancizes-Comps, se sont affermis : le
film sur le centenaire de l'école devrait être projeté au
cinéma « La Viouze » des Ancizes, et des contacts sont
déjà pris avec des cinéastes-amateurs, qui ont
filmé dans les Combrailles, et en Auvergne en général,
durant ces cinquante dernières années. Par ailleurs, un projet de
films d'entretiens est en cours de réalisation, en partenariat avec le
Musée départemental de la Céramique, à Lezoux, pour
sa prochaine exposition annuelle. De nombreux contacts ont été
aussi pris avec des organismes régionaux du cinéma et de
l'audiovisuel, détenteurs de collections ou organisateurs
d'événements, comme l'Institut du travail social d'Auvergne, qui
met en place le festival du film documentaire de Clermont-Ferrand « Traces
de vie » : peutêtre, demain, y aura-t-il une séance «
mémoire audiovisuelle » lors de cette manifestation ?
Enfin, je terminerai en écrivant ceci, plus personnel :
on dit d'une thèse de doctorat que c'est une ascèse pour celui
qui la rédige. Or, je dois bien reconnaître que le travail
nécessaire à la rédaction de ce mémoire a
été mon ascèse, mon « expérience
intérieure » à moi, toute proportion gardée, et que
j'ai le sentiment d'en sortir différent, peut-être plus mature,
parce que confronté sur une longue période à mes
contradictions, à mes angoisses, à mes faiblesses ; en bref : aux
limites de mes possibles. Je suis en plus ému et heureux de l'avoir
mené à son terme, et, quelque soient les qualités et les
défauts qui seront reconnus à ce mémoire, j'espère
que les lecteurs auront ressenti entre les lignes, en plus d'une
compétence naître, un homme se réjouir et grandir.
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