Première partie
LA PROBLEMATIQUE DE REDUCTION DE LA
PAUVRETE
CHAPITRE I: LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
1.1- Le microcrédit entre pauvreté et
production de richesse
Le Bénin est un pays en développement qui a
connu une crise économique sans précédent au cours des
années 80. Depuis lors, les Gouvernements qui se sont
succédé à la tête du pays ont initié
plusieurs programmes pour combattre la pauvreté engendrée par la
crise. Le pays a connu d'abord la mise en oeuvre des programmes d'ajustement
structurel qui ont contribué au rétablissement des
équilibres macroéconomiques et à l'amélioration des
finances publiques jusqu'en 2000. Ensuite, il y a eu la mise en oeuvre de 2001
à 2006 de la Stratégie de Réduction de la
Pauvreté(SRP) élaboré dans la vision des perspectives
à long terme <( Bénin Alafia 2025 ». En dépit de
tous ces efforts, la pauvreté surtout monétaire n'a pas connu un
recul très considérable jusqu'en 2006. Elle s'est plutôt
aggravée avec un indice global allant de 28,5% en 2002 à 37,4% en
2006 (EMICOV, INSAE 2007).
En 2010, l'incidence de cette pauvreté en milieu rural
est de 61,5% contre 34,1% en milieu urbain selon le rapport du PNUD sur
l'évaluation de la situation d'évolution des Objectifs du
Millénaire pour le Développement(OMD) au Bénin (PNUD,
2010). Dans ces conditions, les couches sociales les plus exposées sont
surtout les femmes et les enfants. La pauvreté au Bénin a donc un
<( visage féminin » avec 80% des femmes plus pauvres qui se
retrouvent dans les zones rurales et péri urbaines du pays(INSAE/MCA
2008).
Certes, des efforts sont consentis dans le pays depuis le
début des années 90 pour réduire significativement la
pauvreté féminine grâce au développement de
plusieurs institutions de microfinance et des projets à volet
microfinance afin de permettre aux femmes béninoises et celles rurales
en particulier d'accéder aux petits crédits pour mener des
activités génératrices de revenus.
Dans l'optique de l'atteinte des OMD, le Gouvernement
béninois à travers sa Stratégie de Croissance pour la
Réduction de la Pauvreté(SCRP) et ses Orientations
Stratégiques pour le Développement(OSD), a renforcé ses
politiques de lutte contre la pauvreté en généralisant le
microfinancement des activités génératrices de revenus
depuis 2006. Cette mesure vise à faciliter davantage l'accès des
plus pauvres aux crédits sans autres formes de garantie
matérielle autre que la caution solidaire afin de donner un coup
d'accélérateur au développement de l'économie
locale.
Pourtant, la pauvreté surtout monétaire ne cesse
de galoper. Il s'est instauré dans les zones rurales une sorte de ce que
l'anthropologue Oscar Lewis [3] appelle « culture de la
pauvreté »[4]. La
moitié des départements du Bénin est
sévèrement touchée. De plus, iifaut souligner
le caractère très préoccupant du niveau des indicateurs
de
pauvreté dans certaines communes où près
de 9 personnes sur 10 sont victimes de la pauvreté extrême
(PNUD 2010).
Dans la commune rurale d'Adjarra, la situation n'est pas
également reluisante. Sur les 6656 bénéficiaires ayant
débuté le programme de Micro Crédits aux Plus
Pauvres(MCPP) à Adjarra, seulement 167 (soit un pourcentage de 2,5%)
sont parvenus à la porte de la troisième phase du programme
après quatre années d'activités (Bilan/FNM 2010). Or,
c'est la phase qui représente l'étape conduisant à
l'autonomisation financière [5] et à la sortie de l'extrême
pauvreté. En d'autres termes, 97,5% des bénéficiaires du
programme dans cette zone de couverture du programme s'enlisent davantage dans
la pauvreté monétaire avec des micros dettes. La microfinance
s'étant déjà révélée comme une arme
de lutte efficace contre la pauvreté dans des pays comme
l'Indonésie, la Bolivie, la Tanzanie, le
[3] Oscar Lewis (1914-1970) est un
anthropologue américain. On lui doit le concept de culture de la
pauvreté
[4] Voir définition du concept de pauvreté
dans la suite du mémoire, pp 26 - 28
[5]
Voir le sous chapitre `'mode opératoire du programme
MCPP» dans la suite du mémoire ; pp 63-64
Kenya, ....et surtout le Bangladesh avec la banque Gramen, la
question fondamentale qui se pose dans le contexte béninois et
particulièrement dans les zones rurales du pays comme celles de la
commune d'Adjarra est de savoir pourquoi malgré le
déploiement des efforts de réduction de la pauvreté par
les microcrédits, la pauvreté monétaire s'accroit
paradoxalement au niveau des femmes rurales.
Certes, d'autres recherches antérieures se sont
déjà intéressées à des questionnements
similaires sur la microfinance. Autrement dit `'la recherche s'est
impliquée dans la microfinance dès le milieu des années
1980 à l'Ohio State University, autour des professeurs Adams,
Gonzales-Vega et Graham. (...). Mais les travaux se sont orientés vers
les facteurs de pérennité des institutions pratiquant la
microfinance. Ceux-ci étaient appréhendés à partir
de critères dits« de performance », un ensemble d'indicateurs
quantitatifs et surtout financiers, représentant la « bonne »
situation de l'institution» [6]. Cependant, malgré le
résultat des `'success stories»[7], des observations in situ
montrent encore que la microfinance présente des limites issues de
son environnement socioéconomique et institutionnel. Celles-ci
restreignent ses capacités d'extension et la possibilité que la
microfinance offre des opportunités de participer au
développement économique de sa zone d'intervention. Ces
contraintes amènent à s'interroger sur la validité d'une
politique d'intervention libellée en termes de « lutte contre la
pauvreté ».
En d'autres termes, ces différentes études ne se
sont pas focalisées sur des aspects anthropo-économiques de la
microfinance en tant qu'outil de réduction de la pauvreté non
seulement au Bénin mais spécifiquement dans la commune d'Adjarra
après sa généralisation dans le pays à travers le
programme de Microcrédit aux Plus Pauvres(MCPP).
[6] DJEFAL S. (2004) Les ressorts de la
microfinance : entre marché et solidarité. Impact et
pérennité des systèmes financiers
décentralisés. Etude de cas en Afrique de l'Quest (1980-2000)
; Thèse de doctorat, UNIVERSITE LUMIERE LYON 2
[7]
Les `'success stories» sont des
expériences réussies de la microfinance
C'est ce qui justifie d'ailleurs l'originalité de la
présente recherche qui permettra de mettre aux jours des
résultats scientifiques pouvant servir d'éléments
d'appréciation de cette stratégie de lutte contre la
pauvreté en milieu rural béninois et en particulier dans la
commune d'Adjarra. Dans cette optique, deux hypothèses explicatives ont
été émises tout en situant les microcrédits dans un
contexte innovant de stratégie de développement.
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