CHAPITRE X : PESANTEURS SOCIOCULTURELLES ET RENTABILITE
DES
ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A ADJARRA
Les pesanteurs socioculturelles identifiées au terme
des investigations et qui menacent fortement la stratégie de
microfinancement des activités génératrices de revenus des
femmes plus pauvres en tant que fait économique dans la commune sont
liées aux rites de la maternité, au veuvage et au système
de liens de parenté.
10. 1- Influences des rites de la maternité sur
l'activité des femmes
La première fonction qui est dévolue à la
femme dans la commune rurale d'Adjarra demeure encore la procréation. Le
véritable élément de valorisation du statut de la femme se
révèle être la maternité compte tenu de la valeur
économique et sociale que l'on accorde à l'enfant. La femme
rurale se fait valoir par la maternité dans la mesure où une
femme qui a mis au monde un enfant dispose d'un rang social plus
élevé qu'une jeune fille. Cette dernière se voit aussi
plus valorisée qu'une femme stérile.
En dehors des exigences médicales qui imposent un repos
à la femme après la maternité, la femme mère au
village est contrainte à des rites ou cérémonies
traditionnelles d'enfantement qui durent au moins trois à six mois. Ce
qui l'oblige à limiter ou à suspendre l'activité
économique durant toute la période. Le temps est parfois plus
élastique lorsque la femme donne naissance à des jumeaux. Ces
derniers sont considérés comme des dieux auxquels il faut
accorder le maximum de temps destiné aux rites et
cérémonies sacrés. Les cérémonies rituelles
liées à la maternité chez les femmes dans la commune se
sont ainsi révélées comme une pesanteur culturelle
importante dans le développement des activités
génératrices de revenus qu'elles entreprennent. Selon les
données recueilles, 80% des femmes de la première
catégorie de bénéficiaires du programme ont vu leurs
activités
ralenties par la maternité contre 10% seulement au niveau
du groupe témoin (voir le graphique ci-dessous).
Graphique III :
Répartition des bénéficiaires selon
l'influence des rites de la maternité sur leurs
activités
OUI NON
80%
Influences des rites liés à la
maternité sur les activités économiques Groupe
1
20%
OUI NON
Influences des rites liés à la
maternité sur les activités économiques Groupe
2
10%
90%
Source : données
d'enquête de terrain, septembre - octobre 2011
Mais, le constat le plus préoccupant au niveau de ce
phénomène,
est la fréquence ou le taux élevé de
cette maternité chez les femmes dans la commune. Entre 2006 et 2011, 53%
des bénéficiaires de la première catégorie ont
connu une fréquence de trois maternités successives qui les ont
soustraites momentanément à leurs activités
économiques pendant au moins trois ou six mois selon le cas. Or chez les
femmes du groupe témoin de l'échantillon aucune des
bénéficiaires n'a connu trois maternités successives entre
2006 et 2011.
Graphique IV: Répartition
des bénéficiaires selon la fréquence de
maternité
entre 2006 et 2011
Fréquence de la maternité entre 2006
et 2O11 (Groupe 1)
10%
7%
30%
Zéro maternité Une
maternité Deux maternité
Trois maternité
53%
Fréquence de la maternité entre 2006
et 2011 (Groupe 2)
Zéro maternité Une
maternité
Deux maternité Trois
maternité
7% 7%
86%
Source : Données d'enquête
de terrain, septembre - octobre 2011
Cette réalité renforce d'ailleurs Fourn (1997) dans
ces travaux
lorsqu'elle disait qu' «en même temps que les
femmes évoluent dans les conditions socioéconomiques difficiles,
elles doivent parallèlement procéder à une
stratégie de maternité nombreuse »[32].
[32]FOURN E. (1997), La maternité, un
pouvoir ambigu pour les femmes, UNESCO-Bénin,
n°Spécial
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