C. Régime politique démocratique : De
1984 à nos jours
Sous la présidence de Maayoua ould Sidahmed Taya , un
certain nombre de transformations ont eu lieu au niveau parlementaire et
politique s'agissant de l'insertion des femmes dans cette sphère. La
Mauritanie a connu ces deux dernières décennies d'importantes
réformes politiques visant à promouvoir la condition
féminine et à tendre vers une justice paritaire impliquant une
plus grande participation des femmes dans la sphère politique. Quant
est-il réellement de ces avancées sur le terrain ? Ya t'il eu une
réelle évolution du statut de la femme dans le milieu
décisionnel ?
a) Votes des lois sur la parité (Quota,
Sénat, partis politiques,...) et l'évolution de la situation des
femmes dans le paysage politique au regard de la mise en place de ces
politiques paritaires.
Pour répondre à ce questionnement il est
nécessaire de mettre la lumière sur les différentes
réformes adoptées et leur impact sur la réalité
politique des femmes à ce sujet.
Une des anciennes ministres, Seniya mint Sidi Haïba est
l'auteur également d'un certain nombre d'articles et de
réflexions sur la situation de la femme dans la sphère politique.
Elle dresse un bilan des effets des nouvelles législations sur la
parité au sein du gouvernement mauritanien.
En février 2012 à Tanger (Maroc), Seniya mint
Sidi Haiba a présenté, dans le cadre de « la
conférence panafricaine de renforcement des capacités de
leadership », une réflexion s'intitulant : La place et le
rôle des femmes dans le processus d'émergence des pays africains-
Cas de la Mauritanie à travers laquelle elle met la lumière
sur l'évolution du statut de la femme dans les discours politiques ainsi
que sur la scène publique.
En rappelant l'importance de la prise en compte du contexte
politico-économique africain, elle commence par mettre le doigt sur les
défis que les pays du Tiers-Monde doivent surmonter afin de rattraper
les pays émergents qui eux ont connu un développement signifiant
suite à l'adoption de politiques de développement durable. C'est
dans l'optique de proposer des stratégies pour le développement
du pays que Seniya mint Sidi Haiba rappelle l'importance et la
nécessité de mettre en place des politiques visant à
promouvoir l'insertion professionnelle et multi-sectorielle des femmes ainsi
que leur intégration dans les sphères décisionnelles du
gouvernement : « Pour la réalisation de ces reformes, les
stratégies d'avenir doivent se pencher sur la promotion des ressources
humaines par le biais de l'éducation et de la formation en mettant
l'accent sur l'éducation d'une manière générale et
l'éducation de la femme en particulier »45.
Au cours de cette conférence, elle expose les
principales avancées qu'a connue la promotion de la condition
féminine en termes politiques, de lois et de participation des femmes
à la vie publique.
Un certain nombre d'engagements internationaux dont « les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la Plate
forme d'action de Beijing, la Conférence Internationale sur la
Population et le Développement, la Convention sur l'Elimination de
Toutes les Formes de Discriminations à l'égard des Femmes (CEDEF)
ratifiée en 2001[...], la Convention relative aux
45. P.2 «La place et le rôle des femmes dans le
processus d'émergence des pays africains-Cas de la Mauritanie.
»Communication présentée par Madame Seniya Mint Sidi
Haïba lors de la conférence panafricaine de renforcement des
capacités de leadership Tanger, du 20 au 22 février 2012
Droits de l'Enfant (CDE) ratifiée en 1991 et le protocole
à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1981
relatif aux droits des femmes (2005) ».
Puis l'initiative étatique de créer un
ministère pour la promotion de la condition féminine en 1992 a
permis de réaliser des progrès conséquents sur les plans
de l'éducation des filles et de la participation politique des femmes.
En 2008, la question du genre fut intégrée dans les
stratégies nationales pour la promotion de la femme, une question qui
est encore au coeur de divers discours et d'initiatives pour
l'émancipation féminine ; en effet cette considération du
genre dans le débat national déboucha sur « la mise en place
au niveau national et régional d'un groupe de Suivi Genre et la
proclamation solennelle par le Gouvernement, lors d'une réunion
présidée par le premier ministre en 2008, de son attachement au
mainstreaming (intégration) de la dimension Genre dans toutes politiques
publiques »46.
A coté de cela se sont développés des
groupements visant à matérialiser de façon concrète
les efforts entrepris pour la promotion de la femme : En 2007 c'est la
création d'un Réseau Mauritanien des Femmes Ministres et
Parlementaires (RMFMP) et dans cette même lancée s'est crée
récemment (2012) un autre réseau constitué de femmes
engagées issues de différents secteurs appelé le
Connectinggroup-Mauritanie. Ce dernier réseau a pour objectif d'unir les
efforts féminins du pays afin de renforcer leurs prises de positions et
leurs actions vers une direction commune. Le Connectinggroup-Mauritanie qui
n'est pas encore reconnu officiellement est l'aboutissement d'un constat de
l'existence d'un nombre important d'associations féminines (60 % des
associations sont dirigées par des femmes) , le Connectinggroup vise un
meilleur échange entre ces différentes associations de
manière à asseoir la parole de ces femmes et
d'homogénéiser leurs discours.
On note aussi une évolution considérable du
nombre de femmes occupant des postes à haute responsabilité au
sein du gouvernement : En 2007 des femmes ont accédé pour la
première fois à des postes jusqu'à là exclusivement
masculin : Préfet, gouverneur et ambassadeur ; puis en 2010 : 20 % de
femmes occupaient des fonctions de direction d'un département
ministériel.
Dans le cadre de la loi électorale de 2006 a
été instauré un quota de 20% de femmes au niveau des
listes électorales, ce quota a été appliqué
à l'occasion des élections législatives et
46. Ibid 2 p.4- Seniya Mint Sidi Haiba
municipales de 2006 et sénatoriales de 2007. Il s'est
traduit par un taux de 18% de femmes élues à l'Assemblée
nationale (soit 18 femmes sur 95 députés) et de 16% de femmes au
niveau du Sénat (soit 9 sur 56.) Au total, la proportion de
sièges parlementaires occupés par des femmes s'élevait
à 18% (soit 27 sièges sur 151.) Ainsi, cette proportion a plus
que quadruplé entre les deux dernières élections, passant
de 4 % en 2005 à 18 % en 2007. Au niveau des conseils municipaux, la
proportion de femmes élues est de 30,37%. S'en est suivi un accès
de 40 femmes à l'Ecole Nationale d'Administration de Journalisme et de
Magistrature ( ENAJM) suite à l'organisation en novembre 2011 d'un
concours prévu à cet effet.
La mise en place d'un Dialogue politique entre le gouvernement
et les partis de l'opposition a débouché sur « la
création d'une liste nationale de 20 % de femmes lors des
élections législatives »47. Seniya mint Sidi
Haiba est une des principales initiatrice et participante de la mise en place
de ce Dialogue entre ces deux partis.
Entre 2005 et 2007, les femmes ont représenté en
moyenne 15% des membres du gouvernement.
D'un point de vue juridique, un ensemble de mesures
législatives a été mis en place pour la lutte contre toute
forme de discrimination et pour une garantie des droits de la femme (le Code du
Statut Personnel de 2001, le Code du travail de 2004, etc.).
Des campagnes musclées luttant contre la pratique de
l'excision et des diverses formes de violences subies par les femmes. Parmi ces
dispositions, a été mise en place depuis 2003, la Journée
Internationale de Lutte contre les Violences à l'Egard des Femmes, et en
2008 d'un Comité national de lutte contre les violences basées
sur le genre dont la lutte contre les mutilations génitales
féminines (MGF) impliquant la diffusion de la Fatwa48
interdisant cette pratique de mutilation génitale et pénalisant
les auteurs de ces mutilations ( dans le cadre de l'ordonnance n°2005-015
pour la protection pénal de l'enfant).
47. Ibid 2 p. 4 Seniya mint Sidi Haiba
48. Une fatwa est un avis juridique en islam, un avis
juridique donné par un spécialiste de loi religieuse sur une
question particulière. En règle générale, une fatwa
est émise à la demande d'un individu ou d'un juge pour
régler un problème où la jurisprudence islamique n'est pas
claire.
Un renforcement des politiques relatives à
l'amélioration de la santé de la femme ainsi qu'une scolarisation
massive des filles (« le taux brut de scolarisation (TBS) des filles
dépasse désormais celui des garçons : 100,5 contre 95,4%
en 2007 »49).
En ce qui concerne l'autonomie des femmes, un mouvement
coopératif de la micro-finance féminine a été mis
en place en étroite collaboration avec différents
ministères et programmes de développement. Des projets
financés par ces groupements qui visent à consolider le pouvoir
économique des femmes.
Les principales avancées mises en oeuvre
témoignent d'une volonté politique naissante de promouvoir la
condition féminine ainsi que son insertion dans le milieu
décisionnel grâce à un volet revendicatif féminin
considérable. Néanmoins, force est de constater que malgré
ces progrès, perdurent des inégalités quant à la
participation des femmes à la vie publique.
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