CHAPITRE 2
L'éradication des obstacles à une gestion
appropriée de la MOD : diagnostic et approches de solutions
La gestion de la délégation de la maîtrise
d'ouvrage publique a été retenue, dans le chapitre
précédent, comme objet de notre réflexion. La logique de
recherche - diagnostic dans laquelle s'inscrit notre étude,
nécessite que soient recherchées les causes réelles des
problèmes relevés, afin que des approches de solutions puissent
être suggérées, pour éradiquer lesdites causes. Pour
ce faire, il s'impose de s'assigner des objectifs de recherche et de formuler
des hypothèses destinées à être confirmées ou
infirmées, sur la base d'une démarche méthodologique dont
la pertinence devra être démontrée (Section
1). C'est seulement ainsi que pourront être recueillies et
analysées les données nécessaires à
l'établissement du diagnostic, à partir duquel des approches de
solutions seront proposées et leurs conditions de mise en oeuvre
précisées (Section 2).
SECTION 1 : LA DEMARCHE NECESSAIRE A
L'ETABLISSEMENT D'UN DIAGNOSTIC
La qualité de notre contribution à
l'amélioration des conditions de délégation de la
maîtrise d'ouvrage publique dépend de la précision et de la
justesse du diagnostic que nous poserons. Cela nécessite que soit
adoptée une démarche de résolution répondant aux
exigences de la recherche scientifique. Aussi définirons-nous clairement
les objectifs et hypothèses de notre étude, avant d'explorer la
littérature relative aux problèmes étudiés
(Paragraphe 1). De même, nous adopterons une
démarche méthodologique dont nous nous évertuerons
à démontrer la pertinence (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : les objectifs, hypothèses et le
point des connaissances sur la problématique
Les objectifs et hypothèses de l'étude seront
formulés par rapport à chaque problème spécifique
(A). Quant au point des connaissances sur la
problématique, il consistera à examiner les approches
développées par différents auteurs ayant
déjà abordé des questions relatives à la
problématique (B).
A - Les Objectifs et Hypothèses de
l'étude
Les objectifs traduisent notre intention de résolution
de la problématique étudiée (1). Les
hypothèses consistent en des réponses provisoires,
établies sur la base de causes supposées, et destinées
à être confirmées ou infirmées
(2).
1. Les objectifs de
l'étude
Ø L'objectif général
Pour résoudre le problème de la gestion peu
efficace de la délégation de la maîtrise d'ouvrage publique
au Bénin, notre recherche consistera à identifier les conditions
d'amélioration de la passation et de l'exécution des conventions
de maîtrise d'ouvrage déléguée au Bénin.
Ø Les objectifs spécifiques
Pour aboutir à l'objectif général, les
objectifs spécifiques suivants, formulés par rapport aux
problèmes spécifiques, doivent être atteints :
- proposer les conditions dans lesquelles pourra être
établi un cadre réglementaire et légal propice à la
saine et transparente concurrence sur le marché de la MOD (Objectif
spécifique n° 1) ;
- suggérer les conditions d'application du code des
marchés publics aux maîtres d'ouvrage
délégués (Objectif spécifique n°2) ;
- déterminer les mesures nécessaires à la
célérité de la sélection du MOD et de la signature
de la convention de MOD (Objectif spécifique n°3) ;
- identifier le contexte favorable à l'exécution
diligente des marchés de travaux en maîtrise d'ouvrage
déléguée (Objectif spécifique n°4).
Les objectifs ainsi déterminés, nous
identifierons les hypothèses devant servir de base à notre
étude.
2. Les hypothèses de
recherche
Pour déterminer les hypothèses, nous
énumérerons et analyserons les causes susceptibles d'être
à la base de chaque problème spécifique. La formulation de
chaque hypothèse se fera à partir de la (ou des) cause(s)
considérée(s) comme la (ou les) plus probable(s).
Ø L'hypothèse spécifique
n°1
Le faible impact du cadre juridique sur les conditions de mise
en concurrence des MOD pourrait s'expliquer par :
- la réticence des maîtres d'ouvrage et bailleurs
à « faire confiance » aux nouvelles
agences ;
- l'insuffisante vulgarisation des textes adoptés en la
matière, auprès des acteurs de la commande publique ;
- l'inadaptation des textes aux réalités
vécues dans l'exercice des missions de MOD ;
- les lacunes et imprécisions des textes adoptés
en la matière ;
- l'insuffisance des mesures de mise en oeuvre
nécessaires au succès de la réforme.
La réticence des maîtres d'ouvrage et des
partenaires techniques et financiers (PTF) à faire assurer la
délégation de la maîtrise d'ouvrage par les nouvelles
agences ayant vu le jour après la réforme, peut expliquer ce
problème spécifique, dans la mesure où le poids des
habitudes et le caractère « intuitu personae » que
devrait revêtir la délégation amènent certains MO et
PTF à désigner directement une ou deux anciennes agences, sans
mise en concurrence, ou à restreindre la compétition à
quelques agences seulement. Pourtant, cette cause doit être
réfutée, car, l'AGETIP-BENIN, qui est l'une des agences les plus
expérimentées et jouissant de la confiance de ses partenaires,
subit elle aussi les effets néfastes d'une concurrence purement
théorique. Aussi l'insuffisante vulgarisation des textes adoptés
en matière de délégation de la maîtrise d'ouvrage
publique doit-elle être écartée comme cause, puisque les
maîtres d'ouvrage publics et PTF qui recourent à la MOD n'ont pas
pu ignorer qu'une réforme a été opérée dans
ce secteur, désormais soumis à la concurrence.
On peut alors penser que la réforme porte en
elle-même les germes de son insuccès, en raison, soit de certaines
lacunes et imprécisions des textes adoptés, soit de
l'inadaptation desdits textes aux réalités de la MOD. La
première éventualité (lacunes et imprécisions) nous
paraît plus pertinente. En effet, si la loi MOP du Bénin nous
semble opportune, réaliste, et assez exhaustive, il n'en est pas ainsi
de ses rares textes d'application, qui souffrent davantage d'insuffisances,
d'imprécisions que d'irréalisme.
De même, il nous semble pertinent de relever que
certaines mesures de mise en oeuvre devant « suivre »
l'adoption des textes (incitation par exemple au développement de
nouvelles agences, à travers des exonérations ou autres mesures
facilitatrices, etc.) font défaut.
De cette brève analyse résulte la formulation
suivante de l'hypothèse : les lacunes et
imprécisions des textes adoptés en matière de MOD et
l'insuffisance des mesures de mise en oeuvre de la réforme engendrent le
faible impact du cadre juridique sur les conditions de mise en concurrence des
MOD (Hypothèse spécifique n°1).
Ø L'hypothèse spécifique
n°2
La pratique de dérogation de fait au code des
marchés publics peut s'expliquer par :
- l'inadaptation ou l'irréalisme de cette exigence, par
rapport à la pratique de la délégation de la
maîtrise d'ouvrage ;
- le souci légitime des MOD d'accélérer
les procédures, en évitant les lourds contrôles a priori
exigés par le code ;
- le laxisme des maîtres d'ouvrage, qui ne veillent pas
à l'application correcte des procédures exigées ;
- l'ignorance de la portée de l'article 9 de la loi
portant MOP ;
- le laxisme des structures nationales chargées du
contrôle et de la régulation des marchés publics.
L'exigence de la loi MOP du Bénin, à savoir
l'application du code des marchés publics au MOD, tout comme au
maître d'ouvrage, c'est-à-dire dans les mêmes conditions,
peut paraître irréaliste, dans la mesure où la
célérité recherchée à travers le recours
à la MOD serait compromise si les lourds contrôles a priori
devaient prévaloir. Mais cela ne nous semble pas suffire à
expliquer la dérogation de fait observée, pas plus que le souci
d'accélérer les procédures, car certains acteurs de la
commande publique (interrogés lors de nos investigations) pensent que
les agences d'exécution dérogent, en toute
légalité, au code des marchés publics. Pour les uns, le
contrôle du maître d'ouvrage et les audits effectués a
posteriori suffisent à exclure les formalités traditionnellement
remplies par les maîtres d'ouvrage. Pour d'autres, la convention de MOD
ayant été validée par la DNCMP, tous les actes
passés dans ce cadre le sont de facto. Or, à l'inverse de la
plupart des lois MOP que nous avons consultées (celles de la France, du
Madagascar, et de la Mauritanie, en l'occurrence) et qui atténuent la
rigueur de cette exigence (en prévoyant des
« adaptations » ou « exceptions »), la
loi MOP du Bénin est très rigide sur cette question, en insistant
sur l'application rigoureuse, « dans les mêmes
conditions » du code des marchés publics. Il nous semble,
ainsi, que la mauvaise perception de la portée de l'article 9 de notre
loi MOP par les acteurs justifie l'admission tacite des régimes
dérogatoires. On peut également y ajouter le laxisme, non pas des
maîtres d'ouvrage, mais des structures nationales, notamment la DNCMP et
l'Autorité de Régulation des Marchés Publics,
véritables acteurs du contrôle et de la régulation des
marchés publics au Bénin. L'hypothèse pourra ainsi
être formulée : la pratique de dérogation de
fait au code des marchés publics est due à l'ignorance de la
portée de l'article 9 de la loi MOP et au laxisme des structures
nationales chargées du contrôle et de la régulation des
marchés publics (Hypothèse spécifique
n°2).
Ø L'hypothèse spécifique
n°3
Le retard dans l'opérationnalisation des projets et
programmes publics en MOD peut être dû à :
- la lourdeur dans les procédures
administratives ;
- l'absence de planification rigoureuse des activités
de délégation de la maîtrise d'ouvrage.
La lourdeur dans les procédures administratives est une
cause souvent évoquée, pour rendre compte des dysfonctionnements
d'ordre administratif qui font obstacle à la
célérité dans la mise en oeuvre des activités
quotidiennes des entités publiques. Toutefois, retenir les contraintes
procédurales comme causes du retard observé, présente
l'inconvénient de ne pas permettre de situer les responsabilités.
A notre avis, il n'y aura pas de retard, lorsqu'à la suite d'une
décision de délégation prise à temps, l'on effectue
une planification rigoureuse et réaliste, prenant en compte le temps
nécessaire aux formalités administratives.
Aussi formulerons-nous l'hypothèse de la sorte :
l'absence de planification rigoureuse des activités de
délégation de la MO explique le retard dans
l'opérationnalisation des projets et programmes en MOD
(Hypothèse spécifique n°3).
Ø L'hypothèse spécifique
n°4
Les retards d'exécution des marchés de travaux
peuvent être engendrés par :
- les difficultés de mobilisation du financement par
les maîtres d'ouvrage publics ;
- la saturation des principaux MOD, qui réduit leur
efficacité ;
- la mauvaise organisation et/ou l'inefficacité de
certaines entreprises et bureaux d'études ou de contrôle ;
- le manque de promptitude des maîtres d'ouvrage, dans
le respect de leurs obligations (avis de non-objection, traitement des appels
de fonds, etc.).
Les difficultés de mobilisation des ressources
nécessaires au financement des activités constituent, dans
certains cas, un obstacle à l'exécution diligente des travaux.
Par ailleurs, il arrive parfois que, étant responsables de plusieurs
projets à la fois, les chefs projets ne soient pas à même
de superviser convenablement les travaux : ce qui peut faire penser
à une certaine saturation des principales agences (AGETIP-BENIN et
AGETUR). Cependant, ces facteurs, s'ils expliquent certains retards, ne doivent
pas être généralisés. En effet, certaines
données constantes telles que le traitement tardif des appels de fonds
(certains demeurent deux ans durant, avant d'être traités, pour
des travaux devant être exécutés sur six mois) et les
défaillances des entreprises et bureaux d'études, tendent
à se généraliser. Notre hypothèse peut être
ainsi formulée : les retards d'exécution des
marchés de travaux s'expliquent par la mauvaise organisation et/ou
l'inefficacité de certaines entreprises et bureaux d'études ou de
contrôle et le manque de promptitude des maîtres d'ouvrage dans le
respect de leurs obligations (Hypothèse spécifique
n°4).
Le tableau de la page suivante résume les objectifs,
les causes retenues et les hypothèses formulées, en les liant
à chaque problème :
Tableau n° 3 : Tableau de bord de
l'étude (TBE)
Problématique
|
Objectifs de l'étude
|
Causes (supposées être à la base
des problèmes)
|
Hypothèse
|
|
NIVEAU GENERAL
|
(Problème Général)
Gestion peu efficace de la délégation de la
maîtrise d'ouvrage publique.
|
(Objectif Général)
Identifier les conditions d'amélioration de la
passation et de l'exécution des conventions de maîtrise d'ouvrage
déléguée au Bénin.
|
(Cause Générale)
-
|
(Hypothèse Générale)
-
|
N
I
V
E
A
U
X
S
P
E
C
I
F
I
Q
U
E
S
|
1
|
Faible impact du cadre juridique sur les conditions de mise en
concurrence des MOD.
|
Proposer les conditions dans lesquelles pourra être
établi un cadre réglementaire et légal propice à la
saine et transparente concurrence sur le marché de la MOD.
|
- lacunes et imprécisions des textes adoptés en
matière de MOD ;
- insuffisance des mesures de mise en oeuvre de la
réforme.
|
Les lacunes et imprécisions des textes adoptés
en matière de MOD et l'insuffisance des mesures de mise en oeuvre de la
réforme engendrent le faible impact du cadre juridique sur les
conditions de mise en concurrence des MOD.
|
2
|
Pratique de dérogation de fait aux contrôles a
priori exigés par le code des marchés publics.
|
Suggérer les conditions d'application du code des
marchés publics aux maîtres d'ouvrage
délégués.
|
- ignorance de la portée de l'article 9 de la loi
MOP ;
- laxisme des structures nationales chargées du
contrôle et de la régulation des marchés publics.
|
La pratique de dérogation de fait aux contrôles a
priori exigés par le code des marchés publics est due à
l'ignorance de la portée de l'article 9 de la loi MOP et au laxisme des
structures nationales chargées du contrôle et de la
régulation des marchés publics.
|
3
|
Retard dans l'opérationnalisation des projets et
programmes en MOD.
|
Déterminer les mesures nécessaires à la
célérité de la sélection du MOD et de la signature
de la convention de MOD.
|
Absence de planification rigoureuse des activités de
délégation de la MO.
|
L'absence de planification rigoureuse des activités de
délégation de la MO explique le retard dans
l'opérationnalisation des projets et programmes en MOD.
|
4
|
Retards d'exécution des marchés de travaux.
|
Identifier le contexte favorable à l'exécution
diligente des marchés de travaux en maîtrise d'ouvrage
déléguée.
|
- mauvaise organisation et/ou l'inefficacité de
certaines entreprises et bureaux d'études ou de contrôle ;
- manque de promptitude des maîtres d'ouvrage dans le
respect de leurs obligations.
|
Les retards d'exécution des marchés de travaux
s'expliquent par la mauvaise organisation et/ou l'inefficacité de
certaines entreprises et bureaux d'études ou de contrôle et le
manque de promptitude des maîtres d'ouvrage dans le respect de leurs
obligations.
|
Source : nos observations
Le tableau de bord de l'étude ainsi
présenté, résume le cadre théorique de notre
étude. Il sied, avant l'adoption de toute démarche
méthodologique, de faire une synthèse de la littérature
existante sur la problématique
étudiée.
|