La cooperation commerciale entre la Chine populaire et le Tchad: enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Deli laika Kalchekbe Innocent Université de Yaoundé II - DESS en politique et négociations commerciales multilaterales 2010 |
2- Impact négatifTrois aspects sont à prendre en compte dans la relation Sino-tchadienne : - Le premier aspect est celui d'un certain détournement des économies de ces pays qui se concentrent aujourd'hui sur la production de pétrole et de minerais dont la Chine est gourmande. Tout en répondant à cette demande, le tissu économique de ces pays se trouve affaibli par une polarisation des investissements locaux sur ces gisements au détriment de la diversité des productions rendant ainsi ces pays bien plus dépendants de leurs clients étrangers. Une certaine méfiance se fait sentir en raison du coût économique et social sur le long terme. Les entreprises chinoises sont accusées d'inonder les marchés locaux avec des contrefaçons ou des produits de mauvaise qualité, notamment dans le domaine du textile et celui des mobylettes nuisant ainsi aux entreprises tchadiennes. Les boutiques chinoises inondent la ville de N'Djamena et concurrencent directement les marchés locaux. Plus de 30 000 chinois seraient aujourd'hui installés en Algérie (restaurants, textiles). Au Cameroun, les vendeurs des beignets (tradition locale) sont concurrencés par les vendeurs chinois. - Le deuxième aspect est d'ordre social car si en échange de matière première la Chine construit effectivement un certain nombre d'infrastructures routières ou autres, la main d'oeuvre local n'est que peu ou pas concernée, les entreprises chinoises fournissant bien souvent la plus grande partie de celle-ci. En aggravant un taux de chômage initialement élevé cette main d'oeuvre venue des régions pauvres de la Chine, est souvent mal vue par la population locale qui à déjà bien du mal à survivre ; - Une autre dérive sociale concerne les chantiers sur lesquels une part des travailleurs sont des locaux, ceux-ci sont soumis au même condition de travail que leur homologue chinois c'est-à-dire sans trop de garanties ou de respect des condition de travail normalement en vigueur dans ce pays ou la réglementation internationale du travail. SECTION II : LES PERSPECTIVES DE LA COOPÉRATION SINO-TCHADIENNE Aucune coopération n'est a priori avantageuse ou désavantageuse. Tout dépend des ambitions de chacun des acteurs, des moyens qu'il met en oeuvre pour atteindre ses objectifs et surtout de sa capacité à concevoir et à mener une stratégie efficace dans les négociations. Il va sans dire que le Tchad espère de son partenariat avec la Chine, la possibilité d'une relance de son développement (A). Cependant, pour que la coopération sino-tchadienne soit un moteur de la relance économique du Tchad, elle doit relever d'importants défis afin de ne pas répéter les erreurs du passé (B). A- L'ACCOMPAGNEMENT DU TCHAD PAR LA CHINE DANS SON PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT La Chine a réussi son pari de sortir du sous-développement pour faire de son économie l'une des plus dynamiques du monde. Ayant fait cette expérience, elle pourrait valablement aider le Tchad dans son processus de développement à travers le renforcement de son soutien à l'industrialisation et de sa coopération dans le domaine agricole. 1- Le renforcement de soutien de la Chine à l'industrialisation du Tchad Le sommet sur la coopération sino-africaine des 4 et 5 novembre 2006 a débouché sur deux textes d'une importance capitale. D'abord, la Déclaration de Beijing et le Plan d'Action de Beijing21(*). Ce dernier définit avec précision les principaux domaines dans lesquels la coopération va se renforcer pour les années avenir. Parmi ceux-ci, figure la coopération dans le domaine des sciences et technologies, ainsi que de l'informatique22(*). Les deux parties se sont engagées à développer leur coopération en matière d'application des acquis scientifiques et technologiques et de transfert du savoir. La Chine s'est particulièrement engagée à organiser, en faveur du Tchad, des stages de formations sur les techniques pratiques, à lancer des programmes de démonstration de technologies et surtout à l'aider à augmenter ses potentiels industriels. Pour éviter que les deux parties ne fassent litière de ses beaux engagements, des mécanismes de suivi23(*) ont été mis en oeuvre pour veiller à l'application de ces mesures. Avec cette volonté affirmée de part et d'autre, l'on peut raisonnablement avancer que la Chine entend accompagner le Tchad sur la voie de l'industrialisation. D'ores et déjà, on peut se féliciter de quelques expériences réussies : en 2007, la Chine a procédé au lancement d'un satellite de communication au profit du Nigeria. Certains investisseurs africains ont mis sur pied avec succès des industries en Chine24(*). Ayant réussi en Chine, ils vont ramener en Afrique les expériences acquises que le Tchad pourra bien imiter. Par ailleurs, avec la hausse du prix du carburant et l'augmentation du coût des transports y consécutive, la Chine sera obligée, pour réduire les coûts de productions, de construire au Tchad des industries pour transformer sur place les matières premières. Les constructeurs chinois d'appareils électroménagers Shinco, Haier ou Hisense ont ainsi conçu de nouveaux plans de développement en Afrique, passant de la simple exportation de produits finis à l'établissement des usines de production sur le continent25(*) (exemple du téléphone ZTE au Tchad qui est en projet). Sur ce fleuron industriel naissant, viendront se greffer d'autres industries, vecteurs du développement et du renforcement du partenariat sino-tchadien dans le domaine agricole. 2- Le renforcement de la coopération sino-tchadienne dans le domaine agricole Que ce soit dans le Plan d'Action d'Addis-Abeba26(*) ou dans le Plan d'Action de Beijing adopté lors du 3ème sommet du forum sur la coopération sino-africaine de novembre 2006, un accent particulier a toujours été mis sur le renforcement de la coopération agricole. L'agriculture a une place très importante dans le développement économique et le progrès social de tous les pays. Les dirigeants africains et chinois semblent l'avoir compris, même si les initiatives des premiers en la matière ne sont pas encourageantes. Le point 3. 1 de la déclaration de Beijing est entièrement consacré à la coopération dans le domaine agricole. Les deux parties y ont souligné « le rôle important de l'agriculture dans leurs économies respectives », estimant que le renforcement de leur coopération agricole « contribue à l'élimination de la pauvreté...et à la garantie de la sécurité alimentaire ». Il est à noter que dans le domaine agricole, la Chine a fait des avancées considérables dont le Tchad peut s'inspirer : une réforme agraire réussie, la révolution verte, des avancées scientifiques et technologiques en matière de production céréalière, de l'élevage, de l'irrigation, de la pêche, de la mécanisation et de la transformation des produits. Cette avancée de la Chine contraste nettement avec la situation au Tchad où l'on utilise encore des outils aratoires qui n'ont connu aucune amélioration depuis des siècles, où l'autosuffisance alimentaire ne relève que de l'ordre du discours27(*) et où les politiques agricoles nationales laissent à désirer. Consciente de cette situation, la Chine s'est engagée à envoyer en Afrique 100 experts agronomes de niveau supérieur et à y créer 10 centres pilotes caractéristiques des technologies agricoles, à encourager les entreprises chinoises à augmenter leurs investissements dans le secteur agricole en Afrique à travers la construction d'infrastructures agricoles (le projet rizicole dans la région du Mayo-Kebbi Est et un projet maraîcher à Koundoul à 25 kilomètres au sud de N'Djamena permet d'illustrer), à renforcer sa coopération avec le Tchad dans le cadre du programme spécial pour la sécurité alimentaire de la FAO28(*), etc. Toutefois, il y a lieu de relever que cette offre chinoise ne saurait à elle seule suffire pour rattraper le grand retard accusé par le Tchad en matière d'agriculture sans une réelle volonté politique des dirigeants tchadiens de faire de ce secteur un véritable moteur du développement. Avec la conjoncture actuelle de hausse quasi exponentielle du prix des denrées alimentaires, l'adoption de politiques hardies en matière d'agriculture n'est plus une option, c'est une nécessité et tout laisse croire que le Tchad jouera à fond la carte chinoise pour mettre son agriculture sur l'orbite de la modernisation. En vérité, il ne s'agit là que d'une infime partie des grands défis que le Tchad doit nécessairement relever afin de tirer un maximum d'avantages de sa coopération avec la Chine. * 21 Voir le document intitulé Sommet de Beijing du forum sur la coopération sino-africaine : documents et discours, Ed. des Affaires mondiales, Pékin 2006, Volume III, p. 79-116. * 22Voir point 3.7 de la Déclaration de Beijing du Forum sur la coopération sino-africaine. * 23 Il faut citer entre autres, les conférences ministérielles, les réunions des hauts fonctionnaires, les commissions mixtes paritaires, etc. * 24 Par exemple SABMILLER, une société sud-africaine qui a acheté la Resource Snow Breweries Ltd est le plus grand vendeur de bière en Chine, avec 15% du marché ; la Bateman Engineered Technologies qui s'occupe d'équipements spécialisés pour minéraux, ciment, charbon, fer et acier ainsi que de la machinerie industrielle lourde. Voir CHINAFRIQUE, n° 5, Vol.2, mai 2007, pp. 6 et 7. * 25La Jiangsu Shinco electronics group a commencé par fabriquer depuis 2007 des climatiseurs au Nigeria. * 26 Ce plan a été adopté lors du 2ème sommet du forum sur la coopération sino- africaine, des 15 et 16 décembre 2003. * 27 Alors que les conditions naturelles y sont très favorables à l'agriculture. * 28 Voir le plan d'action de Beijing, point 3. 1. 3. |
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