La baie d'Ambodivahibe, un projet d'aire marine protégée dans le nord de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Jean-Xavier SAINT-GUILY Université Bordeaux 3 - Master 1 Géographie 2009 |
1.3 Méthode et outils d'analyseLes données recueillies ont été traitées, analysées puis mises en forme afin de fournir une compréhension à la fois fine et globale de la situation. Pour cela une approche géographique basée sur un questionnement large et exhaustif concernant le projet a été développée. La contextualisation a pour but d'affiner les enjeux et les facteurs importants dans le projet. La récapitulation chronologique permet d'appréhender le processus de création dans le temps, mettant en évidence la progression et la succession des différentes étapes. J'ai ensuite choisi de me concentrer sur l'analyse de quelques éléments aux révélateurs de l'AMP et aux enjeux particulièrement prégnants pour caractériser le projet. L'analyse, sous forme de schémas, du jeu des acteurs à travers leur positionnement, leur structuration et leurs relations a aidé à comprendre leur rôle et leur influence sur le projet. Dans un esprit de synthèse et de dissociation des échelles d'analyse, l'approche multiscalaire a mis en évidence la divergence des enjeux et des perceptions. Les difficultés rencontrées ont été abordées pour montrer et étudier les points de blocages ainsi que les éléments qui se sont révélés conflictuels. 2. Une AMP impliquée dans le développement régional2.1 La Diana, une région phare pour le tourisme balnéaire et environnemental malgache Pour répondre aux objectifs de développement fixés au niveau national par le MAP (2006), La région de Diana qui dispose d'un capital environnemental et touristique remarquable (Monographie de la Diana, Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche, 2003) compte s'appuyer sur la gestion rationnelle ainsi que sur la valorisation de la biodiversité et des ressources naturelles. Les orientations de développement au niveau régional visent également à positionner cette région comme une « destination touristique par excellence» (Plan Régional de Développement, 2005). Cette valorisation de l'environnement repose en partie et jusqu'à maintenant sur un réseau important d'aires protégées gérées par Madagascar National Park (MNP, ex-ANGAP). Dans le cadre de la mise en place du nouveau SAPM, de nombreux projets de création d'aires protégées dont celui d'AMP à Ambodivahibe sont actuellement en cours. Ces projets représentent au niveau régional prés de 300.000 ha supplémentaires qui devraient ainsi être classés en AP. Figure 12 : Tourisme et Aires Protégées
dans la région de Diana Anstiranana, le capital régional polarise l'activité économique de tout le Nord de Madagascar. La ville et ses environs représentent un secteur touristique majeur. Le projet d'AMP à Ambodivahibe s'inscrit dans le contexte d'une vaste AP dénommée complexe « Ramena » dont font également partie les AP de la montagne des français et d'Orangea. L'objectif de ce complexe est d'assurer à proximité immédiate d'Antsiranana une « stratégie de développement basée sur la promotion de l'écotourisme et l'utilisation durable des ressources » (Présentation du complexe Ramena, CI, 2009). Figure 13 : Répartition du tourisme et des Aires
Protégées au Nord de Diana 2.2 Un projet d'AMP sur un territoire aux enjeux forts Le secteur concerné par le projet d'AMP d'Ambodivahibe se situe sur deux communes : Ramena, où le tourisme est bien développé et Mahavanona, plus éloignée d'Antsiranana et encore largement rurale. Le périmètre initialement défini se répartit sur trois fokontany (entité administrative locale représentée par un chef lieu et incluant d'autres villages plus petits) : Ivovona, Ambodivahibé et Ampondrahazo dont les populations sont respectivement de 330, 151 et 511 habitants. La partie terrestre est occupée par des formations végétales sèches allant de la steppe à la forêt (cf : photos en annexe) et quelques bas fonds humides en partie saumâtres. Les espaces agricoles y sont particulièrement restreints. La partie marine se montre plus diversifiée alternant des zones de mangrove, différents faciès de récif, des côtes rocheuses et de grandes plages de sables. Le système d'activité local repose en grande partie sur la pêche qui occupe selon les villages de 80 à 100% des ménages. L'élevage bovin extensif est également pratiqué de manière généralisée. L'agriculture ne représente l'activité principale que d'une faible minorité. Antsiranana n'est pas loin mais le mauvais état des pistes rend le secteur difficilement accessible. Les trois fokontany, jusqu'alors quelque peu délaissés par les pouvoirs publiques (insuffisance des infrastructures : santé, éducation, communication) sont mal connus des touristes tout comme de la population d'Antsiranana. Figure 14 : Emprise spatiale de l'AMP et territoires
administratifs concernés Des paysages et une biodiversité encore bien préservés associés à la proximité de la capitale régionale (moins de 30km) confèrent au secteur des potentiels de développement touristique considérables. Les enjeux relatifs à l'exploitation et l'appropriation de ces richesses naturelles le sont tout autant. Figure 15 : Ampondrafeta, une des plages remarquables
faisant déjà l'objet de spéculation
foncière Figure 16 : Milieux naturels au sein de
l'AMP 2.3 Une procédure de création complexe où le local aurait sa place La procédure de création d'une AMP du SAPM repose sur le COAP dont la refonte date de 2008. Relativement complexe, elle fait intervenir différents acteurs officiels ayant chacun un rôle précis. Un promoteur est chargé de la gestion du processus et de la mobilisation des financements (obtenus le plus souvent par le biais d'un bailleur de fonds extérieur). Un opérateur local, met en place toutes les actions concrètes (réunions, études et diagnostics) relatives au processus. Tandis que l'Etat valide le projet et institutionnalise l'AMP. L'initiative de création, la mise en protection temporaire, la création définitive et la réalisation sont les quatre phases principales qui s'articulent autour de l'obtention successive de nombreuses autorisations administratives et de la soumission de deux dossiers au Ministère de l'Environnement de la Forêt et du Tourisme (cf : procédure complète de création des AMP en annexe). Certains éléments relatifs à l'intégration locale du projet sont remarquables. Dès l'initiative de création les promoteurs doivent « intégrer la population locale dans la future gestion de l'AMP » et « élaborer le schéma d'aménagement avec les parties prenantes ». Les modalités d'établissement et de fonctionnement de l'AMP doivent être « définies en partenariat avec les populations locales » (Manuel de procédure officielle pour la création des AMP à Madagascar, 2007). Le principe de participation est clairement annoncé comme faisant partie intégrante de la l'approche développée. Cette dimension participative se concrétise par la réalisation de consultations publiques et de séances d'information réparties tout au long du processus ((Manuel de procédure officielle pour la création des AMP à Madagascar, 2007). Ces consultations concernent la totalité des parties prenantes et semblent devoir traiter de tous les aspects du projet (ressources naturelles, gestion des milieux, zonage, mesures de protection, mesures de compensation, gouvernance). On observe donc une certaine reconnaissance de l'échelle décisionnelle locale dans la création de l'AMP. On peu déjà s'interroger sur les effets sur les acteurs locaux, les résultats envisageables et surtout la façon dont le promoteur et l'opérateur vont appréhender cette dimension dans leur travail. 2.4 De l'international au local, un projet marqué par la diversité scalaire des acteurs impliqués On définit les acteurs comme tout individu ou groupe d'individus influençant directement ou indirectement les décisions dans le cadre d'une action collective (Mermet, 1992). Concernant le projet d'AMP à Ambodivahibe, les processus décisionnels sont nombreux, importants et répartis à différentes échelles. Ce constat laisse déjà entrevoir des interactions interscalaires et des divergences dans les logiques d'action. Il est nécessaire de présenter en premier lieu les acteurs impliqués au niveau national dans la mise en place du SAPM au sein duquel s'intègre le projet d'AMP étudié. Peuvent être cités à ce titre : le Président de la République qui a pris lors du congrès de Durban des engagements relatifs à l'augmentation de la surface des AP à Madagascar, le Ministère de l'environnement de la forêt et du tourisme (MEFT) en charge d'assurer la mise en oeuvre de ces objectifs au travers de la Vision Durban, l'Office National de l'Environnement (ONE) responsable du contrôle de la conformité légale du projet ainsi que l'ONG nord américaine Conservation international (CI) qui contribue largement dans cette optique à la création des AP dans tout le pays et se positionnent d'ailleurs comme le promoteur officiel de l'AMP. Cette ONG fonctionnant en partie sur des financements externes, les bailleurs de fonds et les investisseurs privés impliqués sont également à prendre en compte. La focalisation sur la création de l'AMP en elle-même révèle d'autres acteurs : les experts en biologie ou en conservation (Missouri Botanical Garden, Madagascar National Park) et les nombreux consultants privés ayant réalisé les études préliminaires et donc contribué à la création de connaissance sur le territoire, le Service d'Appui à la Gestion de l'Environnement (SAGE) de la région Diana qui est l'opérateur chargé d'animer le processus au niveau local, la région pour qui cette AMP contribue à des objectifs de développement et qui est impliquée directement dans la validation et l'orientation du projet. Les maires, les présidents de Fokontany et les communautés locales le sont également mais dans une approche beaucoup plus distante. Le technicien en SIG chargé de réaliser le zonage et délimitation représente vu l'importance et les enjeux de son travail également un acteur important à ce niveau. Sur les trois fokontany concernés et leurs environs, l'appréhension de la dynamique territoriale en relation avec le projet d'AMP met en lumière un nombre important d'acteurs. Ainsi doivent être pris en considération dans le processus : les leaders locaux qui ont dans chaque village une grande influence sur l'opinion publique, les usagers des ressources naturelles (pêcheurs, éleveurs, agriculteurs) qui assurent jusqu'alors la gestion des espaces exploités et se sont positionnés par rapport au projet selon leurs activités, les acteurs d'origine extérieurs au territoire qui y sont cependant fortement impliqués tels que les pêcheurs et les charbonniers des villages voisins et surtout les opérateurs touristiques et les spéculateurs fonciers d'Antsiranana. 2.5 Depuis janvier 2009, un pays au coeur d'une crise politique importante Il semble nécessaire de rappeler la situation de crise politique que le pays traverse. En tant que projet d'aménagement impliquant de nombreux organismes gouvernementaux ainsi que les collectivités décentralisées à différents niveaux, la création de l'AMP d'Ambodivahibe en est directement affectée. Dans ce climat d'incertitude et de pressions importantes, on observe un retrait des responsables administratifs et des services de l'état qui ne peuvent ou ne veulent plus prendre de décisions trop politiques. L'implication des acteurs institutionnels pourtant nécessaires dans le cadre de certains aspects du processus est par conséquent très limitée. Les populations sont elles enclines à une attitude de repli par rapport aux interventions étatiques ou extérieures qui sont dans ce contexte largement discréditées. L'AMP risque de représenter un projet de plus en provenance d'un gouvernement caractérisé par son instabilité et son inefficience. Pour finir, le relâchement du fonctionnement étatique associé à diminution des moyens financiers entraînent une intensification des activités illégales et de la corruption contribuant ainsi à l'augmentation des pressions sur les ressources et à la déstabilisation du processus. 3. La création d'une AMP dans la baie d'Ambodivahibe 3.1 Déroulement chronologique du processus - Première phase de mise en place Mars 2006 : Conservation Internationale (CI) organise un programme accéléré d'inventaire concernant la biodiversité marine de la côte nord-est de la région Diana. Ce programme est financé par ICBG dans le cadre de ses actions de conservation. Dans la baie d'Ambodivahibe, les biologistes remarquent au cours de leurs plongées un récif corallien exceptionnel et particulièrement bien conservé. Il faudra attendre un an pour que CI lance l'initiative de création d'une AMP sur le site lors d'un atelier régional sur les AP à Antsiranana. Le projet est accepté par le comité régional et CI se place comme promoteur et bailleur de la future AMP. Mars 2007 : En conformité avec les objectifs du promoteur, les partenaires stratégiques au niveau local sont identifiés. Un accord de partenariat et la répartition des activités sont réalisés avec le SAGE et MBG. Juin 2007 : CI a cependant assuré les premières réunions d'information auprès des responsables politiques et coutumiers du village d'Ambodivahibe. Le SAGE n'avait pas encore reçu son financement et le promoteur souhaitait peut être gardé le contrôle sur le début du processus. Il a alors été expliqué que la baie était un site à haute valeur écologique et qu'elle avait été choisie par l'Etat pour un projet d' AP. CI entreprend de sa propre initiative et en tant que mesure de compensation la construction de deux écoles et de plusieurs puits sur le territoire. La volontaire « Peace corps » présente à Ambodivahibe depuis un an pour des actions de sensibilisation environnementale a alors été mise à contribution dans le cadre du projet. CI a ensuite commandité auprès d'experts scientifiques et de consultants indépendants tout un corpus d'études préliminaires. A commencer par les diagnostics écologiques de la baie (Maharavo, 2007) ainsi que de la forêt sèche d'Ampio (MBG, 2008) dont la richesse biologique avait déjà été remarquée depuis 2003 (MBG). Ont également été menées des études d'impact environnemental, des études socio-économiques, écotouristiques et juridiques (cf : liste et références complètes en bibliographie). A l'issue de ces premières analyses, une proposition de zonage est établie (cf : proposition de zonage scientifique en annexe). Octobre 2007 : Le processus de création se poursuit dans sa suite logique par un premier atelier régional de restitution et validation. Un groupe de travail AMP baie d'Ambodivahibe est mis en place au sein du comité de pilotage du complexe « Ramena » (comprenant également l'AP de la Montagne des Français alors au stade de création définitive et la forêt séche d'orangea encore en création). Le SAGE reçoit enfin les fonds de la part de CI et prend alors réellement le processus en main. A l'issue des premières réunions d'information organisées, Ivovona et Ampondrahazo, deux villages voisins d'Ambodivahibe vont se montrer très intéressés. Le Projet qui à l'origine ne concernait que la baie d'Ambodivahibe et la forêt d'Ampio va donc, sur une volonté locale être élargi à ces deux localités. Les réunions d'information se poursuivent et des animateurs locaux sont nommés pour chacun des fokontany. CI décide de s'occuper elle-même de la mise en oeuvre des projets de développement locaux qui doivent accompagner la création de l'AP. Le processus est volontairement ralenti durant la période des élections communales afin d'éviter d'être instrumentalisé. Janvier 2008 : Vu l'importance que prend leur activités sur la région, CI installe un bureau régional Antsiranana. L'échéancier du projet est revu avec SAGE. La création définitive prévue pour juin 2008, est revue en une création temporaire. Février 2008 : SAGE débute les consultations locales concernant la délimitation et le zonage de l'AMP. Des réunions villageoises sont organisées pour recueillir les propositions des communautés. Les propositions des scientifiques soulèvent un mécontentement général à Ambodivahibe. La situation est difficile à gérer pour le SAGE qui n'a pas d'alternative à proposées dans l'immédiat. Le vice-président de fokontany d'Ambodivahibe demande la modification du zonage prenant en compte leur proposition. Il pointe également du doigt le retard de CI dans la mise en place des mesures compensatoires et des projets de développement. - Un projet qui s'avère être de plus en plus conflictuel La divergence de propositions entre les scientifiques et les communautés est à l'origine d'une dégradation des relations entre les opérateurs et la population locale. Aucune décision n'a été prise face à la vive opposition d'Ambodivahibe. Avril 2008 : Lors du second atelier régional, la présentation officielle d'un zonage toujours conflictuel est l'occasion d'une opposition sans précédent de la part des représentants d'Ambodivahibe. Le zonage ainsi que la globalité du projet sont ouvertement contestés et rejetés. La discussion ne s'apaisera qu'après la rédaction et la signature sur le champ d'une déclaration commune reprécisant les droits des communautés sur leurs terres. L'accalmie n'a été que temporaire puisque
quelques semaines plus tard, le président de (SAGE et CI) ainsi qu'au président de la région. Les revendications sont claires et CI est directement visé : le projet d'AMP représente pour eux le vol de leur terres et il est donc refusé. Mai 2008 : le vice-président du fonkontany interdit la venue sur place de CI et SAGE ainsi que toutes réunions concernant le projet. Toutes les activités de terrain sont donc arrêtées. En parallèle, on observe une recrudescence des revendications foncières au sein du périmètre de la future AMP. Cela donne lieu à des incohérences dans la régularisation et la validation des titres en cours de reconnaissance. La situation est tellement problématique que sur ordre du président de région, la délivrance des titres fonciers est suspendue sur les trois fokontany. Juin 2008 : A l'occasion de la Journée Mondiale de l'Environnement une fête officielle est organisée à Ambodivahibe. De nombreux acteurs du projet sont présents et le M. Maharavo est questionné par SAGE sur le zonage. Il affirme que le zonage des communautés était scientifiquement acceptable pour la viabilité de l' AP. CI se serait donc positionné contre les propositions de zonage des communautés sans fondement scientifique ? Malgré la persistance des tensions, le dossier de création temporaire est quand même déposé auprès de l'ONE. Septembre 2008 : Vu la situation et l'ampleur que l'opposition au projet prend, le président de région décide de suspendre et de prendre en main personnellement le processus de création jusqu'à nouvel ordre. Le dossier pour l'obtention du statut de protection temporaire est déposé au MEFT et aucune action n'est menée par la région pendant près de quatre mois. Janvier 2009 : le président de région convoque les présidents de fokontany et les maires concernés pour une réunion. A son issue, l'opposition semble avoir disparu et une fête de résolution du conflit est même organisée à Ivovona. Elle est censée marquer la reprise du processus tandis qu'aucune solution n'a été apportée concernant le zonage. Inévitablement, de nouvelles manifestations d'opposition en provenance d'Ambodivahibe (lettres, pétitions et interdictions d'intervention) se font à nouveaux entendre. Février 2009 : le statut officiel de protection temporaire est délivré dans un climat très tendu (cf : article « l'Express de Madagascar » du 03/02/2009 en annexe) - Le projet s'engage néanmoins vers la création définitive de l'AMP Avril 2009 : On observe maintenant après plus d'un an de blocage une déstabilisation générale du projet. Le programme initial est fortement perturbé, les animateurs locaux ont tous démissionné tandis que l'opinion des communautés est de plus en plus instable. L'importance de la problématique foncière dans les problèmes que rencontre le projet est peu à peu mise à jour. Les opérateurs se doutent que les spéculateurs ont influé au niveau local pour remettre en cause L'AMP et s'assurer de leurs intérêts. En accord avec le Bureau des affaires foncières, la résolution du problème est envisagée au travers de l'intégration des opérateurs fonciers au projet (consultation, sensibilisation). La délivrance des titres fonciers est à nouveau possible, avec pour les communautés des conditions préférentielles en gage de dédommagement. CI estime que vu l'état d'avancement du processus le dossier doit forcément aboutir. D'autant plus que le 30 mai 2009 le financement ICBG s'arrête. La pression est mise sur le SAGE pour que le dossier soit bouclé. CI est prêt à mobiliser ses compétences techniques et son personnel pour la réalisation de nouvelles études. Il est également prévu la venue d'experts du siège de CI à Tananarive. Ces derniers doivent contribuer à la rédaction du dossier de création. Le temps disponible est limité, l'élaboration du Plan de Gestion Environnementale et de Sauvegarde Sociale ainsi que de l'Etude d'Impact Environnementale demande des informations actuellement inexistantes. Mars 2009 : Une dernière campagne d'enquêtes est organisée par SAGE. Les éléments concernés sont tous ceux qui n'ont pas pu être abordés jusqu'alors : gouvernance, objectifs et stratégie de conservation ou encore les mesures de gestion. Les données bio-écologiques sur la baie doivent être également réactualisées. Encadrées par les techniciens de SAGE et de CI, les enquêtes sont réalisées dans la précipitation et après une phase de préparations réduite. Vu le climat sur le territoire, les conditions de travail sont parfois très difficiles ; à Ambodivahibe, les enquêteurs ont été refusés par la communauté, ils opèrent donc dans la clandestinité. La persistance de l'opposition est à l'origine de nombreuses visites de négociation de la part du SAGE, de CI Tana, des maires ou encore du SRPRH essayant chacun de renouer les contacts et d'apaiser les tensions. Le SAGE travaille ensuite sur la restitution et la validation locale avant de rédiger le dossier de création (plan de gestion et de sauvegarde sociale, étude d'impact environnemental, plan d'aménagement et de gestion). Vu les deux semaines imparties, ce travail de terrain nécessitant beaucoup de préparation a été très précipité. Les présidents de fokontany d'Ivovona et Ampondrahazo sont très pressés de faire avancer le processus et la réflexion sur les modalités de la gestion. Cette dernière donne lieu à la rédaction de conventions collectives traditionnelles concernant la réglementation des activités de pêche. Avril 2009 : La crise politique que traverse le pays, la persistance de l'opposition à Ambodivahibé ainsi que les contraintes de temps pour l'élaboration du dossier de création représentent autant d'éléments contribuant à l'incertitude pour l'avenir du projet. On constate cependant une certaine ouverture de la part des opposants ainsi qu'un léger changement d'attitude de la part de CI. L'ONG envisage maintenant de reporter la création quitte à rechercher un nouveau financement. L'avis des experts du siège étant que la précipitation n'y ferait rien. Beaucoup d'erreurs ont été commises par le passé et la priorité devient de procéder à nouveau au zonage en partenariat avec les communautés locales et sur de nouvelles bases plus concertées. 3.2 Focalisation sur les éléments centraux dans l'établissement de l'AMP - La délimitation et le zonage interne de l'AMP La mise en place d'AP nécessite la délimitation d'espaces spécifiques sur lesquels vont s'appliquer des régimes de droits particuliers. Cette opération est donc un acte juridicopolitique important (Feral, 2007). Il va poser beaucoup de difficulté à Ambodivahibe. Dans le cadre du COAP, un zonage interne est réalisé en plus de la délimitation de l'AP. L'objectif est de répartir spatialement les différentes fonctions de l'AP Ce zonage constitue la base d'un schéma d'aménagement indispensable à la création de l'AMP. Le modèle est prédéfini mais la localisation des différentes zones doit cependant être abordée lors des consultations locales. Figure 17 : Schématisation théorique du
zonage de l'AMP Concernant la baie d'Ambodivahibe et la forêt d'Ampio qui lui est attenante, des propositions de zonage ont été réalisées par les scientifiques responsables des diagnostics écologiques (Maharavo, 2007 et MBG, 2008). Ces zonages reposent sur des inventaires biologiques et la sensibilité écologique des habitats. Ce n'est que dans un deuxième temps que le sujet a été abordé avec les communautés locales. Il leur a été demandé de shématiser sur une feuille blanche leurs propositions concernant la limite externe et le zonage interne de l'AMP sur leur fokontany. Cette opération de zonage participatif s'est montrée hasardeuse et difficile. Personne ne voulait prendre la responsabilité de délimiter les différentes zones, leurs fonctions n'étant en plus que très vaguement comprises. Figure 18 : Débat animé entre le
Président et le vice président de fokontany Dans le fokontany d'Ambodivahibe où la baie génère des enjeux de conservation très importants ce travail a été encore plus délicat. La délimitation du périmètre de l'AMP n'a pas posé trop de problème. Les propositions locales de zonage interne se sont par contre heurtées à celles des scientifiques. Le noyau dur de conservation se situait en fait sur leur principale zones de pêche actuelle (cf : cartes en annexe). Aucune solution n'a été trouvée sur le moment car le SAGE devait impérativement consulter CI avant de s'avancer sur les possibilités de négociation. Durant les mois qui suivirent, CI n'a pas apporté de réponse claire concernant ce problème laissant SAGE dans l'expectative et les communautés commencer à vraiment paniquer sur le devenir de la baie. Il était pour CI difficilement envisageable de ne pas respecter la proposition de scientifique. Dans les deux autres fokontany les consultations, on aboutit à des propositions pour le moment accepté de l'enveloppe externe et du zonage interne. La question du zonage interne était toujours bloquée à Ambodivahibe. Une mission de terrain concernant les relevés GPS nécessaires à la formalisation de la limite externe de l'AMP a cependant été menée par un consultant en SIG de Madagascar National Park. Le modèle de délimitation utilisé est celui proposé par les scientifiques qui semblaient respecter les propositions des communautés. Un certains nombre de modifications sont cependant venues s'ajouter. Figure 19 : Une délimitation initiale
modifiée par le processus
La mission de terrain a été réalisée très rapidement dans des conditions montrant bien la controverse qu'elle suscite (travail clandestin de nuit dans les secteurs les plus sensibles). Avec seulement un ou deux habitants du village, l'implication de la communauté est restée très limitée. Ce travail a été en partie assimilé par les communautés aux opérations de titrage foncier (actuellement en cours dans le cadre du Programme National Foncier) renforçant ainsi le sentiment de dépossession déjà bien présent. Disposant d'un schéma d'aménagement qui n'est absolument pas accepté par les communautés locales, le projet reste toujours dans l'impasse. Le zonage fait l'objet du principal blocage et il n'a pourtant pas été géré convenablement puisque les problèmes persistent après plus d'un an de conflit. Tous ces éléments montrent bien le peu de considération apporté aux propositions de communautés ainsi que les logiques d'intérêt parfois personnelles à l'oeuvre dans un acte pourtant si important pour la durabilité de l'AMP. - Gestion de la participation et de la communication En accord avec la procédure officielle du SAPM, les
opérateurs ont cherché à mettre en oeuvre réunions se tenant à Antsiranana, mobilisant les acteurs institutionnels et concernant les grandes lignes du projet se sont bien déroulées (cf : déclaration commune de conservation en annexe). La réalisation du programme de réunions impliquant les communautés ainsi que les leaders et les responsables locaux a été plus problématique. Ce programme a été perturbé par les conflits d'opposition auxquels venaient s'ajouter des problèmes logistiques. Lorsque les réunions avaient lieu, leur efficacité a souvent été remise en cause par l'attitude des différents protagonistes. De même outes les réunions prévues n'ont pas eu lieu, tous les aspects du projet n'ont donc pas pu être abordés. La communication des opérateurs vers les parties prenantes a été envisagée par le biais d'un plan d'action visant à sensibiliser les communautés à l'environnement et à les convaincre de l'intérêt de l'AMP. Sa conception a été confiée par CI à un groupe de consultants en communication en entreprise d'Antsiranana. Il en ressort un vaste programme d'actions comprenant la diffusion de spot tv et radio, la réalisation d'affiches, la distribution de t-shirt ou encore l'organisation de festivités. L'analyse du discours révèle une vision assez simpliste et réductrice de l'environnement ainsi que des problèmes qui y sont liés. L'approche naturaliste y est prédominante alors que les usagers locaux et leurs savoirs ne sont aucunement abordés. Faute de temps et de moyens, la mise en oeuvre de ce plan aura été partielle et ponctuelle. - Définition des modalités de l'AMP La définition de certaines modalités relatives mises en oeuvre du projet de conservation a lieu durant la phase de création (Manuel de procédure, 2007). Ce travail amorcé dés le début du projet n'a été abordé avec les communautés locales uniquement lors de la dernière campagne d'enquête en Mars 2009. Il est intéressant de noter que la question du zonage a donc été soumise aux acteurs locaux avant même la définition des modalités de l'AP. Le choix du type d'AP s'effectue parmi les différentes catégories proposées par l'UICN. Vu le contexte et les objectifs fixés pour la baie d'Ambodivahibe, le classement en Paysages harmonieux protégés (catégorie V) ou en Réserves de ressources naturelles (catégorie VI) a été envisagé par le SAGE. Consultées à propos de ce choix, les communautés locales restent assez peu engagées. La catégorie VI avec toute la dimension de préservation et d'exploitation des ressources qu'elle implique semblait cependant, de leur point de vue être la plus acceptable. A l'inverse CI appuyait une orientation vers la catégorie V qui, d'après eux, était la seule à pouvoir assurer la préservation de la biodiversité au travers de la création de noyaux durs de conservation. Le mode de gouvernance est également un élément qui doit être débattu. Le SAPM en propose quatre selon un gradient croissant d'implication des communautés locales. Les modes de gestion gouvernementaux et privés ont été refusés catégoriquement par les acteurs locaux. La gestion purement communautaire a été écartée car ces derniers ont affirmé ne pas se sentir suffisamment compétents en matière de conservation. Un appui extérieur a été demandé afin d'assurer la gestion de l'AP. Un régime de cogestion semble mettre d'accord l'ensemble des parties prenantes. Concernant les modes de gestion, les consultations au niveau local ont très rapidement fait ressortir le souhait de réinvestir les méthodes de régulation traditionnelles. Les réglementations de l'AMP reposeront donc sur des conventions collectives appelées « dina » répandues dans tout Madagascar. Leur établissement se fera au cours d'assemblées communautaires rassemblant les leaders et les responsables locaux. Les arguments des communautés ont été les caractères traditionnels et locaux de ce type de mesures. Elles pensent pouvoir ainsi déterminer elles-mêmes les règles les concernant. Les opérateurs y voient une base culturelle garante de leur efficacité. - Spatialisation des informations et représentation de l'espace Au sein du projet, la production cartographique est très limitée. Seuls les experts en biologie et le consultant chargé du zonage ont les moyens de réaliser des cartes. Par conséquent il n'existe que des documents se basant que sur des données biologiques (végétation, habitats, sensibilité) ainsi que sur le zonage de l'AP. Aucune carte ne fait figurer d'informations plus socio-économiques ou bien en relation avec les perceptions et les modes de gestion des communautés locales. Les quelques cartes existantes sont utilisées comme support de communication et de discussion avec les différentes parties prenantes quelque soient les sujets abordés. Les communautés ont été amenées à formuler leur proposition de zonage juste après que leurs soient montrées des carte figurant la végétation de la partie terrestre et la sensibilité écologique de la baie d'Ambodivahibe (cf : figure 15 et cartes en annexe). Une évolution est cependant à signaler : l'emploi de fonds de cartes vierges a été envisagé par CI pour la reformulation du zonage par les communautés prévu en Mai 2009. |
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