Conclusion
Après plus d'une année du lancement officiel de
l'Union pour la méditerranée et après l'adoption d'un
programme de travail riche en rencontres
interministérielles185, ce qui est frappant, c'est que cette
activité dense ne bénéficie pas d'une grande
médiatisation, on n'en parle presque pas. Pourtant l'ambition de l'Union
pour la Méditerranée est de donner plus de visibilité au
partenariat.
Comme nous l'avons vu, les problèmes à l'origine
des controverses qui continuent de freiner le partenariat euro-
méditerranéen sont multiples ; la fracture religieuse et
culturelle demeure entière, mis à part la promotion de
l'association Anna Lindth pour le dialogue, cette question n'a pas
bénéficié d'un nouveau souffle. Comme nous l'avons
soutenu, cette question devrait faire partie d'un discours politique de haut
niveau qui permet aux populations de dépasser certaines
représentations négatives et anciennes et aussi les
stéréotypes développés récemment. Dans la
mesure ou ni d'un coté de la Méditerranée ni de l'autre le
discours politique n'a pas tendance à apaiser les tensions, l'espoir est
de voir la communauté scientifique des deux rives participer à un
débat médiatisé qui sera en mesure de dépasser les
calculs politiques des uns et des autres.
Si l'action de l'Union européenne envers la rive
méridionale de la Méditerranée reste contestable du point
de vue des résultats, elle a le mérite d'être unique.
L'approche de l'Union européenne respecte les valeurs humaines et
démocratiques et vise leur promotion faisant la différence avec
l'approche américaine basée sur l'emploi de la force militaire
effectif ou seulement dissuasif. On se souvient encore de la tragédie
humaine causée par l'invasion de l'Iraq qui n'a rien réglé
jusqu'à présent. Au contraire, certains spécialistes
soulignent qu'elle a contribué à la montée en puissance du
terrorisme et à l'élargissement de la radicalisation des
populations. Dans ces conditions, l'approche basée sur la
conditionnalité politique pratiquée par l'Union européenne
reste la mieux adaptée en terme de respect des acquis humains. Elle
favorise le changement doux le moins coûteux en terme de sacrifice des
droits fondamentaux et du respect du droit international construit sur une
langue expérience humaine qu'il serait un gâchis de la mettre en
cause.
185 15 rencontres ont été programmées pour
l'année 2009 lors de la rencontre des ministres des affaires
étrangères à Marseille en novembre 2008.
Le fait que l'approche européenne ne contient pas les
éléments du plan Marshall qui pourtant a fait ces preuves marque
le partenariat euro- méditerranéen. Mais, si l'Europe aujourd'hui
est comparable aux Etats-Unis d'Amérique d'hier, comme le soulève
certains, il est vrai que les pays tiers méditerranéens sont loin
de la situation des Etats européens dans la fin des années
quarante. Aujourd'hui, il n'est pas évident que les pays de la rive Sud
de la Méditerranée sont en mesure de faire un plan de leur
développement, et si ils arrivent à la faire, beaucoup de suspens
demeure en ce qui concerne son exécution. Les structures, les
institutions et leur mode de fonctionnement de ces pays ne sont pas
convainquant, elles n'offrent pas assez de transparence et sont marquées
par les phénomènes négatifs comme la corruption, le
populisme et le clientélisme. En gros, elles sont accusées
d'être au service de pouvoirs déjà en mal de
légitimité. Dans cet état de fait, bien que certains
régimes en place ne doivent leur existence qu'au parapluie de puissances
étrangères et notamment européennes, la
responsabilité est partagée. En d'autres mots, il revient aux
pays du Sud de la Méditerranée de réagir à l'offre
européenne, d'y adhérer, ou de proposer des voies alternatives le
cas échéant. Les changements porteuses doivent venir des
concernés eux même, l'action de l'Union européenne doit
arriver par la suite. Car si l'immobilisme règne d'un coté, le
dynamisme de l'autre risque d'être contrarié. Mais pour conclure
sur cet aspect, si le volume d'aide est grandissant, les partenaires doivent
fixer la construction d'un plan comparable au plan Marshall comme objectif
servant de fil conducteur de leur action.
En dépit d'une conscience grandissante de l'importance
de la Méditerranée pour l'Europe et du fait que l'Union
européenne est le premier donateur dans le monde, la rive Sud de la
Méditerranée reste une destination défavorisée des
fonds communautaires. Cette situation a dépourvu la région d'un
financement nécessaire aux ambitions du processus de Barcelone. A cet
égard, il est opportun de souligner le faible taux d'absorption par les
pays destinataires. Ce qui rend la réalisation des objectifs de
Barcelone improbable. L'inscription des financements européens dans
l'effort universel de l'aide publique au développement a rendu les
critiques et discussions au sujet de cette dernière valables aussi pour
l'action de l'Union européenne. D'où la nécessité
de prendre en compte les enseignements issus de l'exécution des
programmes de développement. A cet égard, il est utile de
rappeler que les principaux bayeurs de fonds européens sont membres du
CAD et de l'OCDE, reste le problème de l'inscription effective des
financements bilatéraux européens dans les objectifs de l'aide
publique au développement laissée à la discrétion
des donateurs. En l'absence d'une institution comparable à la Commission
européenne pour gérer l'aide publique au développement sur
le
plan mondial, la meilleure solution se situe en une gestion
multilatérale de celle-ci ; la Commission semble la mieux placée
pour assurer cette fonction.
L'échec de l'intégration régionale en
Méditerranée a remis en question toutes les politiques suivies
dans ce domaine ; l'offre européenne de partenariat est accusée
de n'avoir pas permis à la partie méridionale de la
Méditerranée de se connecter économiquement. S'il est vrai
que la démarche européenne est marquée par le volontarisme
est l'ambition de favoriser la création d'une zone
intégrée au Sud qui sera en mesure de se lancer graduellement
dans une intégration avec l'Union européenne, la signature
d'accords d'associations avec les pays partenaires méditerranéens
a limité cette ambition. Aucun des trois volets du processus de
Barcelone n'a bénéficié de moyens de réalisations ;
la volonté c'est arrêtée à l'étape voeux sauf
pour le domaine commercial qui a enregistré une avancée majeure
vers la libéralisation commerciale à l'horizon 2017. A nouveau,
il faut mentionner la responsabilité partagée car l'Union
européenne s'est engagée sur les trois volets en laissant la voie
ouverte aux parties concernées pour déterminer les actions
concrètes à entreprendre, chose qui n'a pas été
faite. D'ailleurs, lors du sommet des chefs d'Etats dans le cadre du
10ème anniversaire du processus de Barcelone, beaucoup de
présidents du Sud se sont absentés, affichant leur
indifférence. Ce sommet a été considéré par
certains observateurs de coût mortel au processus. Hormis ces
difficultés, l'instrument financier de la communauté
européenne, MEDA et l'instrument européen de partenariat et de
voisinage par la suite, a permis de réaliser certaines actions en faveur
de l'intégration de la région. Acteurs publics et privés
des deux niveaux, national et régional ont
bénéficié de financements communautaires de partenariat
assurant par cela une réponse régionale aux problèmes qui
dépassent le cadre national.
C'est dans ce contexte que l'Union pour la
Méditerranée intervienne ; les promoteurs du projet ont mis en
avant la volonté de donner un élan politique au Processus de
Barcelone, d'offrir une meilleure visibilité au partenariat euro-
méditerranéen et de réunir les partenaires autour de
projets concrets. En bref, la nouvelle initiative compte contourner les
blocages dont a souffert le partenariat euro- méditerranéen.
Parmi les moyens mobilisés à la réalisation de cet
objectif on a dénombré le rehaussement du niveau de
représentation politique, l'instauration d'un partage de
responsabilité entre l'Union européenne et ses partenaires par
l'institutionnalisation d'une coprésidence à tous les niveaux,
l'établissement d'une solidarité de fait autour de projets
concrets et enfin offrir au partenariat un certain degré
d'élasticité par
la technique de géométrie variable qui a fait ses
preuves dans le cas de l'intégration européenne.
Sans aucun doute le rehaussement du niveau politique de la
représentation des partenaires a ses avantages ; les impulsions
nécessaires au processus de Barcelone ne parvient que du sommet des
Etats, l'inter- gouvernementalisme prime dans les relations extérieures
des Etats membres de l'Union et le caractère unitaire et le mode de
gouvernance des Etats partenaires y obligent. Mais le discours qui a
accompagné l'initiative dénonçant le caractère
bureaucratique de la gestion du partenariat est préoccupant. On craint
qu'on vise la remise en cause du caractère supranational du travail de
la Commission, l'unique organe susceptible de doter le partenariat du
professionnalisme nécessaire à son succès. Dans ces
conditions une représentation politique de haut niveau pour le
partenariat ne peut être prometteuse que si son rôle s'arrête
au niveau des orientations et des impulsions.
La coprésidence offre un partage de
responsabilité entre les deux rives de la méditerranée,
elle vise une meilleure appropriation du partenariat notamment par les pays du
Sud. En prenant en compte que la coprésidence n'est qu'à ses
débuts, deux réserves peuvent émises à son encontre
; du fait du blocage politique entre certains pays de la rive Sud, on se
demande si ces derniers arriverons à dépasser leurs querelles
pour trouver un consensus sur le coprésident du Sud et réunir
tous les partenaires lors des sommets qui seront abrités par le pays
assurant la coprésidence. Dans la perspective que l'Union pour la
méditerranée est en quête d'un moteur comparable au moteur
franco-allemand, on se demande si cette première coprésidence
francoégyptienne peut servir de moteur ? Selon cet esprit de
comparaison, le couple franco-algérien semble le mieux placé pour
servir de moteur. Mais comme le notait La Roche foucauld : « Le bon
naturel qui se vante d'être si sensible est souvent étouffé
par le moindre intérêt »186.
L'idée d'une solidarité de fait autour de
projets concrets s'est concrétisée par la définition de
domaine de partenariats jugés prioritaires. Bien que les domaines
cités reflètent les préoccupations des riverains de la
Méditerranée, lorsqu'on sait que le problème des
financements n'est pas résolu, l'espoir est de voir tous les projets
avancés et non pas seulement ceux qui réussissent à
trouver des bayeurs de fonds. Certes, l'idée de projets à
186 Etienne De Montety, L'Europe doit privilégier ses
relations avec les pays du Maghreb, Le Figaro du 10/07/2008
géométrie variable est novatrice. Mais on
espère qu'elle ne servira pas à réaliser des projets
suivants les affinités politiques aux dépens des
intérêts des riverains de la Méditerranée.
Enfin, et pour conclure, l'Union pour la
Méditerranée est certainement arrivée dans un contexte
difficile, elle n'offre pas de réelles pistes pour contourner les
blocages dont souffre le partenariat euro- méditerranéen ; en
dépit du délai fixé pour la nomination de
secrétaires, rien n'a encore aboutit. Mais elle a le mérite
d'avoir relancer le débat sur la Méditerranée. L'essence
de cette initiative et d'offrir à tous les partenaires la
possibilité de contribuer à la détermination de la forme
que prendra le projet finale.
Avec ses avantages et ses limites l'initiative enrichie la
région avec une expérience de plus. Mais tout porte à
croire que la question du comment demeure entière, le défi est
d'offrir aux deux rives la possibilité de s'ériger face à
face en dialogue sans se tourner les dos ni faire la guerre, pour choisir le
chemin à emprunter ensemble et qui les mènera vers la paix, la
prospérité et la solidarité, seules conditions pouvant
aider la région à retrouver son rayonnement.
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