L'union pour la méditerranée, quel avenir?( Télécharger le fichier original )par Khoudir Leguefche Université Pierre Mendès-France de Grenoble - Master 2 2009 |
III. Aspects Novateurs et limites de l'UPMLa complexité de la construction européenne et de son processus décisionnel, qualifié de labyrinthe notamment par les spécialistes, et le rôle de la bureaucratie de la Commission dans la gestion de la coopération extérieure de la Communauté européenne, jugée trop technique au détriment du politique, ont fait perdre au processus de Barcelone, le cadre unique du partenariat euro- méditerranéen, sa visibilité. L'ambition de l'Union pour la Méditerranée et de donner un nouvel élan politique au partenariat euro- méditerranéen dans une perspective de lui offrir plus de visibilité et d'appropriation. Parmi les moyens proposés pour réaliser cette ambition, l'instauration d'une coprésidence pour ce partenariat (a). Pour contourner les blocages politiques au sein de la partie Sud de la méditerranée, l'UPM propose une géométrie variable aux projets de partenariat (b). Mais le problème qui se pose aujourd'hui est de savoir si ses innovations ont le mérite d'être prometteuses. En dépit du volontarisme politique de la France qui compte redynamiser sa politique étrangère et reconquérir un espace pressentit vital pour toute l'Europe, l'UPM semble ne pas disposer d'un noyau dur comparable à celui de la construction européenne au début des années 50, sur qui la nouvelle construction peut reposer (c). a) La Coprésidence Le projet d'Union pour la Méditerranée intervient dans un contexte marqué par la gestion technique du partenariat euro- méditerranéen. Comme l'a souligné Frédéric Allemand175, l'essentiel du travail se déroulait au sein des instances techniques. Le mérite novateur de la nouvelle initiative `'Union pour la Méditerranée `' se situe en la volonté de rompre avec cette réalité en dotant le partenariat euro- méditerranéen d'un accompagnement politique. Pour cela, les partenaires ont adopté le système de coprésidence du partenariat à tous les niveaux. Selon la Commission européenne176, « Cette nouvelle initiative imprimera un nouvel élan au processus de Barcelone de trois façons très importantes, au moins: grâce au renforcement du niveau politique des relations de l'UE avec ses partenaires méditerranéens; par un meilleur partage de la responsabilité de nos relations multilatérales, et grâce à des projets régionaux 175 Frédéric Allemand, l'Union pour la Méditerranée : Pourquoi ? Comment ? Dossier disponible sur le site de la Fondation pour l'Innovation Politique : http://www.fondapol.org/fileadmin/uploads/pdf/documents/HS Union pour la Mediterranee.pdf 176 Le processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 20/05/2008, Com(2008) 319/4. et sous-régionaux supplémentaires, utiles pour les citoyens de la région, qui rendront ces relations plus concrètes et plus visibles ». Justement, le Système de Coprésidence renforce le niveau politique des relations, notamment par l'organisation de sommets biannuels au plut haut niveau et alternativement dans l'Union européenne et les pays partenaires méditerranéens, il permet aux pays partenaires méditerranéens de s'impliquer et d'accepter par conséquent leur part de responsabilité. Enfin, il replace le partenariat au centre de l'actualité ce qui lui donne plus de visibilité. Comme l'a souligné Frédéric Allemand177, pour que la coprésidence de l'Union pour la méditerranée soit efficace, elle doit apporter une co- appropriation en amant et en aval, c'est-à-dire qu'elle devrait permettre la participation de tous les partenaires à la définition de l'architecture institutionnelle et du contenu de l'Union pour la Méditerranée.
Si la représentation politique de l'Union européenne ne provoque aucune controverse de grande ampleur et reste susceptible de porter les espoirs des peuples européens, au coté Sud de la Méditerranée la situation est différente. Mis à part quelques exceptions178, tous les régimes en place sont entrain de s'éterniser. Dans cet état de fait, il est curieux de savoir comment des régimes autoritaires (plus ou moins) peuvent porter les espoirs de leurs peuples. Si la nouvelle approche est théoriquement prometteuse, dans le cas de la Méditerranée, on se demande si l'Union européenne n'a pas cautionné pour de bon les régimes en place. Pourtant, durant des décennies, l'Europe a défendu les valeurs humaines et démocratiques. Elle continue de le faire aujourd'hui. La preuve ; dans ses traités constitutifs, l'Union européenne s'est engagée à promouvoir ces valeurs partout dans le monde. Qu'il s'agisse d'une concrétisation d'un mariage de raison comme le stipule Olfa Lemloum179 ou d'un rôle renforcé joué par défaut par l'Union européenne comme le stipule Frédéric Allemand180, l'Union européenne est devant un double défit. D'un coté elle se doit de repousser le sentiment de dépossession des pays partenaires méditerranéens à l'égard du partenariat en leurs donnant les moyens pour s'impliquer d'avantage (coprésidence par 177 Frédéric Allemand, Op. Cite. p.24 178 Israël, Turquie, et... Mais en tous cas, aucun pays arabe. 179 Lemloum O., Op. Cite. 180 Frédéric Allemand, Op. Cite. exemple), de l'autre elle se doit la promotion de la démocratie et des valeurs humaines conformément à ses engagements. Réussir ce double défit semble difficile. De l'avis d'un journaliste, qui aurait participé à Paris si on a invité que les pays démocratique ? Dans la partie méridionale de la Méditerranée, il existe des conflits non résolus. Entre l'Algérie et le Maroc, les relations politiques sont au plus bas niveau. Le conflit isrëlo- palestinien reste sans issue et envenime les relations dans la région. Tous cela pose le problème de la coordination entre les pays du Sud. En principe, il est attendu du système de coprésidence que les deux grands ensembles impliqués dans ce partenariat développent chacun de son coté des initiatives, des propositions et des idées pour en discuter aux sommets. Or, la réalité prouve que c'est l'Union européenne qui cherches des compromis dans le coté Sud de la Méditerranéen ; les points de vues des pays partenaires méditerranéens sont divergent plus qu'ils convergent. Ce qui fait dire que l'essence même de cette idée de coprésidence semble compromise. Si l'approche de l'Union européenne est volontariste en ce domaine. Pour certains, notamment l'opinion publique au Sud, l'Union européenne a un grand héritage historique du fait que les systèmes en place ont été cautionnés par les pays anciens colonisateurs durant des années. Sans s'investir d'avantage dans le débat sur cette question, le défit aujourd'hui se situe au niveau des moyens les plus efficaces pour rendre les relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée plus équilibrées et porteuses de l'espoir des peuples des deux rives. b) Des projets à géométrie variable L'idée de géométrie variable a trouvé son application dans l'Union européenne, l'Union économique et monétaire en est l'exemple parfait. Les 27 pourtant membres a part entière de la construction n'ont pas tous adopté l'Euro comme monnaie nationale. Qu'il s'agisse d'une volonté, comme dans le cas du Royaume Uni, ou d'un rejet des pays déjà membres pour raison de non accomplissement des critères de convergence, cette idée a permis à l'Union d'avancer même avec, à bord, un équipage réduit. Le mérite de cette approche se situe dans la possibilité de réaliser des compromis entre un minimum de membres sur des projets d'intérêts commun. Or, les six projets phares181 proposés ont tous un caractère vital pour la région. Si on peut imaginer que la Tunisie ne fait pas partie d'un projet de coopération dans le domaine solaire, on imagine mal le projet d'autoroute au Maghreb ou de dépollution de la mer sans le Maroc, l'Algérie ou la Tunisie dans le premier cas et sans un pays riverains dans le deuxième cas. L'idéal dans ces conditions est d'appliquer l'approche à géométrie variable à des projets suivant la nature de ces derniers, certains projets rassemblent un nombre limité de partenaires autour d'un intérêt précis. Si cette approche se transforme en une machine qui laisse égaré sur son passage certains sur une base d'affinité politique, le partenariat euro- méditerranéen risque de perdre tout son esprit. c) L'UPM en quête d'un moteur L'histoire des rapprochements régionaux nous a enseigné que tout succès dépende de l'existence d'un intérêt commun, d'une volonté politique et d'un moteur. L'Union européenne s'est construite sur une volonté accrue de ne plus faire la guerre après le désastre des deux guerres mondiales. Cette construction a évolué parce qu'elle a su porter les espoirs des européens en matière de bien être, de croissance et de sécurité. Le moteur franco-allemand a su apporter les impulsions nécessaires à chaque fois que le processus d'évolution de cette construction soit stoppé. Au début, l'aventure européenne n'a réuni que six Etats membres dont la France et l'Allemagne. Bien que l'initiative était ouverte à tous les Etats européens, ce nombre limité a joué en faveur de l'efficacité. L'initiative bien pensée, du fait de la contribution de fonctionnaires dont l'engagement et la compétence étaient exemplaires, a reflétait un génie inédit. Ce qui est devenu par la suite « l'acquis communautaire », « l'image du cycliste » ou le fameux « mécanisme à clapet » sont des innovations qui en témoignent. 181 Annexés à la déclaration finale de Paris (13/07/2008), il s'agit de : Dépollution de la Méditerranée, d'autoroutes de la mer et autoroutes terrestres, de la protection civile des énergies de substitution, de l'enseignement supérieur et recherche, université euro- méditerranéenne et de l'initiative méditerranéenne de développement des entreprises. Dans le cas méditerranéen, ce qui attire l'attention c'est la multitude des projets pour cette région sans qu'aucun n'aboutissent vraiment. Non seulement les résultats du partenariat euro- méditerranéen sont mitigés, ce qui est frappant c'est que « la politique euro- méditerranéenne a produit plus de communiqués de presse que de changements concrets dans les comportements et les mentalités »182. Qu'est ce qui explique ce manque affreux de résultats ? Si la France mérite le leadership du partenariat euro- méditerranéen du coté européen, elle peine à trouver un partenaire crédible au sud de la Méditerranée. En dépit d'une histoire particulière entre la France et les pays du Maghreb, d'une proximité géographique et d'un intérêt évident de l'Europe dans cette région, cette dernière semble de plus en plus marginalisée. D'abord le nombre des Pays Partenaires Méditerranéen (PPM) de l'Europe n'a cessé d'accroître suivant l'élargissement de celle-ci, ce qui a contribué au déplacement du centre de gravité dans les deux sous ensembles, et de l'autre, aucun des pays du Maghreb n'est représenté dans les institutions crées par le projet d'Union pour la Méditerranée mis à part la promesse faite à la Tunisie d'occuper le poste de secrétaire général sans abriter le siège. Apparemment cela a contribué fortement au manque d'enthousiasme de certains chefs d'Etats affiché à la veille du sommet inaugurateur de l'initiative. Certainement le choix de l'Egypte a ces avantages du point de vue politique, puisqu'il s'inscrit dans la tendance générale du rapprochement franco-américain. Mais il y'a de fortes réserves quand à la capacité de ce pays de porter les impulsions nécessaires à la réactivation du partenariat euro- méditerranéen presque dépourvu de toute vie. En effet, l'opinion publique arabe accuse le régime en place en Egypte de complicité avec les puissances occidentales et Israël au détriment de la cause arabe et palestinienne. Prendre en compte la place de la société civile dans l'approche européenne en matière de coopération révèle l'importance de cet aspect. Le partenariat euro- méditerranéen a besoin d'être porté par une force crédible et légitime aux yeux des peuples du Sud. Cela incite les concernés à débuter le grand chantier du partenariat au Sud. La coprésidence tournante offre la possibilité de coprésider le partenariat à tout pays du Sud. Or, certains pays arabes et Israël vont se trouver exclu de cette possibilité de facto. Si cela va conduire à un apaisement entre Israël et les pays arabes, ça sera une avancée majeure. Mais une réconciliation sans le règlement préalable de la question palestinienne va plonger les 182 L'Europe doit privilégier ses relations avec les pays du Maghreb, article paru dans Le Figaro du 10/07/2008. sentiments des peuples de la région dans le désespoir et la déception. Cela est loin d'être un élément en faveur du partenariat euro- méditerranéen. Il est vrai qu'il est plus que jamais temps de raviver les relations dans cette région, mais il faut commencer par le début. L'UPM, s'est elle construite sur de bases solides ? d) L'Union pour la Méditerranée et la fracture religieuse et culturelle Si le président français a raté l'occasion de réconcilier les deux rives de la Méditerranée lors de son discours de Toulon en niant le caractère criminel de l'action colonisatrice, en mettant en avant la mission civilisatrice des colons pour une lecture positive de l'histoire et en s'exclamant << de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n'ont commises que dans votre imagination ? >>183, lors de son discours de Tanger il a corrigé le tir en affirmant que << Pendant quinze siècles, tous les projets pour ressusciter l'unité de la Méditerranée ont échoué, comme ont échoué tous les rêves d'unité européenne, parce qu'il étaient portés par des rêves de conquêtes qui se sont brisés sur le refus de peuples qui voulaient restaient libre. Ce n'est pas un rêve de conquête, c'est un projet porté par un rêve de paix, de liberté, de justice, un projet qui ne sera imposé à personne parce qu'il sera voulu par chacun ». Comme l'a souligné Fabre T., « la lecture que Nicolas Sarkozy fait du passé colonial de la France et de l'Europe soulève de sérieux problèmes et apparaît comme susceptible d'alimenter le ressentiment et de renforcer les incompréhensions de la part de nos voisins du sud de la Méditerranée qui ont subi la conquête coloniale >>184. Il est clair qu'il ne s'agit ni de repentance ni de se mettre à genoux ou de diaboliser une histoire qui a certainement des aspects positifs, mais d'une entente sur la lecture du passé qui semble la seule issue porteuse d'un possible dépassement des différents. 183 Extrait du discours de Toulon, Op. Cite. 184 Thierry FABRE, Nicolas Sarkozy et la Méditerranée, des lignes de failles, Actes Sud, La pensée de midi 2007/3 - Volume 22. |
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