UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC INTERNE
DIPLOME D'ETUDES SUPERIEURES
D.E.S
B.P.204 KINSHASA
L'INSTITUTIONNALISATION DU POUVOIR ET L'EMERGENCE DE
L'ETAT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : 1960 - 2006
?
CORNEILLE YAMBU -A - NGOYI
LICENCIÉ EN DROIT
CHEF DE TRAVAUX
Mémoire présenté et défendu en vue
de l'obtention du Diplôme d'Études Supérieures en Droit
public.
Directeur : B. BIBOMBE MUAMBA
Professeur Ordinaire.
Codirecteur : E. MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA.
Professeur.
2003 - 2005.
DEDICACE.
- A mon père Constantin
NGOYI SAMBA et à ma mère
Constantine KITENGIE NGONGO ainsi qu'à
tous les vôtres ;
- A mes frères et Soeurs ;
- A mon épouse chérie, Myriam
EKANGA HUNYUMBE et aux enfants que tu m'as donnés
Josué YAMBU, Ruth KITENGIE YAMBU, Caleb NGOYI YAMBU, Neville
YAMBU, Esther NGIELE YAMBU et
Espérance MAWENGA YAMBU ;
- A la mémoire de ma belle mère
Antoinette NGIELE, éteinte sans goûter aux fruits
de ses prières.
- A ma belle soeur Marthe Kitoto et mon beau-frère
Dieu-Merci Sekie avec qui nous avons partagé les joies et les peines.
Je dédie ce travail.
AVANT - PROPOS.
Au seuil de ce mémoire, je tiens
à remercier tout particulièrement le Professeur BIBOMBE
MWAMBA qui a accepté de lire et orienter le projet en
qualité de Directeur avec une abnégation digne de
maître.
Avant lui, j'ai reçu l'encadrement scientifique des
professeurs TSHITAMBWE KAZADI à Lubumbashi et
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA à Kinshasa que je remercie
également sans pouvoir trouver des mots à la mesure de mes
sentiments de reconnaissance.
Mes remerciements s'adressent aussi à mon épouse
qui a consenti tant de sacrifices pour rendre possible ce travail.
De même, je remercie, mon frère en Christ Richard
KITENGIE MUEMBO qui m'a assuré d'une collaboration sans faille pour la
saisie de cette oeuvre, et Maître KABANDA pour ses sollicitudes.
Dans le même sens, je pense à mon frère en
Christ Paul MATIABA, que je remets entre les mains du Seigneur
Jésus-Christ pour tout son appui.
Que mon Pasteur Yves KALOMBO, mes frères et soeurs en
christ de LOGOS TABERNACLE à Kinshasa qui m'ont supporté pendant
la période de recherche, trouvent ici, l'expression de ma plus profonde
gratitude et, qu'ils soient bénis de mon Dieu.
Toute prétention à finaliser ce travail serait
vaine sans la solide formation reçue de tous mes professeurs en D.E.S.
de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa qui ont bien
voulu réaménager leurs programmes au prix de nombreux sacrifices
pour organiser les cours après une interruption de plus d'une
décennie. Cela n'aurait pu être possible sans la
perspicacité du Professeur BAKANDEJA, Doyen de la Faculté.
Qu'il me soit permis de leur dire profondément merci et de
citer notamment, Évariste BOSHAB, KALAMBAYI LUMPUNGU, MAMPUYA KANUNKA,
NGUYANDILA, VUNDWAWE-te-PEMAKO et KABANGE TABALA, tous, professeurs nous ayant
prodigué les conseils pratiques, sans lesquels l'achèvement du
cycle de D.E.S. serait bien un mirage.
Je pense à mes professeurs des cours à
caractère pédagogique et de méthodologie, puissent-ils
recevoir ici, mes sincères remerciements.
Corneille YAMBU-A-NGOYI.
INTRODUCTION.
I. ETAT DE LA QUESTION ET
CHOIX DU SUJET
L'institutionnalisation, ce
phénomène par lequel s'opère la dissociation entre le
titulaire du pouvoir politique et ses détenteurs physiques
éphémères se réalise elle-même grâce
à la constitution. Elle est considérée comme primordiale
et fondamentale dans le processus de la formation de l'État, de sa
stabilité et de sa pérennité. Cette assertion conserve -t
-elle la même valeur sous les tropiques en Afrique en
général et plus précisément en République
Démocratique du Congo? Le constitutionnalisme a -t-il pu y jouer ce
rôle bénéfique ? Le souci de vérification qui
nous anime et, lequel justifie notre choix du thème exige au
préalable une nette clarté sur trois concepts clé qui
conditionnent de nos jours toute vie individuelle et collective.
L'Etat, la constitution et
le pouvoir politique sont des concepts autant riches que ceux
dont, selon Charles Goossens, l'objet d'étude ne s'épuise du
jour au lendemain1(*).
Au-delà des simples considérations théoriques, ils
constituent une réalité contraignante. On ne choisit pas son Etat
on y naît ou l'on s'y trouve ; on le subit ou on en jouit. Le
bonheur collectif ou même individuel sont tributaires de l'état de
la « res publica » , du niveau de
stabilité et de la croissance de l'Etat et, surtout de la forme du
pouvoir politique exercé par ses gouvernants.
Par ailleurs, l'existence de l'Etat procède du pouvoir
tel que nous le verrons. Selon que ce pouvoir est fondé ou non sur le
droit le sort de l'Etat est soit stable soit précaire ; et celui
des individus heureux ou lamentable malgré eux. C'est là que la
constitution joue un rôle primordial. Elle aménage le pouvoir et
définit non seulement le statut des gouvernants mais aussi la marge de
liberté laissée aux gouvernés. Néanmoins, toute la
vie en société en dépend. Les activités et
entreprises collectives ou individuelles ne sont possibles de nos jours, que
sous l'éclairage et le moule d'un droit. Or la constitution est la
matrice du droit.
Il s'en suit que, quel que soit le génie d'un peuple
ou aussi brillants que soient individuellement certains de ses membres,
l'éclat de leurs exploits ne saurait luire pleinement sous l'emprise
d'un pouvoir politique médiocre. La médiocrité ici,
s'entend de tout pouvoir non institutionnalisé dont la
caractéristique est d'être stérile c'est- à- dire
incapable de se transmettre par la voie juridique et pacifique, d'un
détenteur à un autre ; d'être personnalisé et,
confondu à son détenteur individuel dont les oeuvres ne demeurent
pas moins une ombre passagère et, lui même un simple mortel, alors
que le pouvoir et l'État se doivent d'être immortels. Estimant
qu'il existe bien un lien inextricable entre le progrès national ou
individuel et le type de pouvoir, lequel le favorise ou le prend en otage,
nous croyons qu'il est plus déterminant de placer le thème de
l'existence et de la stabilité de l'Etat au coeur du débat dans
la recherche des solutions aux problèmes de l'Afrique noire
post-coloniale en général et au Congo-Kinshasa en particulier.
C'est pourquoi nous aimons bien développer ce sujet. Les pays de
l'Afrique sub-sahélienne se caractérisent par un
dénominateur commun : la déchéance ou le recul par
rapport au point de départ pris à partir de 1960.
La littérature abonde pour tenter d'expliquer les
causes et les remèdes . Nous y reviendrons.
Pourtant l'évolution des sociétés
occidentales, dévoilent par leur histoire les traces de mêmes
maux : violence politique, guerres civiles, atteintes graves et massives aux
droits humains, misère et souvent chaos. Cependant, avec
l'avènement de l'Etat- Nation, elles ont mis un terme à ces
calamités qui sont loin d'être une fatalité. Ce qui
témoigne de l'incidence positive de l'avènement de l'Etat sur les
sociétés précitées. Nous estimons que même
à ce jour, l'étude de l'Etat en Afrique en général
et au Congo - Kinshasa en particulier, demeure d'une pertinence non
négligeable.
Vers les années 1950, David Easton, soutenait que ni
l'État, ni le pouvoir ne constituent des concepts utiles à la
recherche politique2(*),
entendant par là que toute préoccupation spéciale
concernant la nature et le rôle de l'État dans les
sociétés de type occidental est inutile et même
inconcevable étant donné que selon une certaine théorie
libérale de l'Etat, presque tous les problèmes traditionnellement
posés concernant l'Etat sont résolus. Les faits démentent
cette conviction.
Plus de cinquante ans après, l'ont peut se rendre
compte que nulle part l'État n'est une donnée éternelle
mais une construction dont il convient d'assurer la stabilité, une fois
né. De ce point de vue, les situations récentes relative à
la disparition des Etats tels que l'ex-Union de Républiques Socialistes
Soviétiques, l'ex-Allemagne de l'Est, l'ex-Yougoslavie et en Afrique, la
Somalie confirment la justesse du propos de Thomas Hobbes qui, parlant de
l'Etat, le compare à un corps humain, disant de manière
imagée, « que la concorde est sa santé, la
sédition sa maladie, la guerre civile sa mort3(*) ». Même en
Europe occidentale, le phénomène de la mondialisation et de
l'unification, par la création de la double souveraineté, de la
double nationalité et même de la double territorialité
entre l'Union européenne et les nationalités internes suscitent
des interrogations utiles sur l'avenir et la survie de l'Etat - Nation.
Nous pensons avec Guy Hermet et ceux de son école que
« les recherches sur l'Etat apparaissent maintenant comme
fondamentales car elles permettent de donner toute sa mesure à la
spécificité du politique »4(*).
Dans son ouvrage, l'Etat ailleurs, entre noyau dur et case
vide, Luc Sindjou5(*)
paraphrasant Ali Kazancigal6(*) montre que « le succès politique
de l'Etat comme modèle d'organisation spéciale a constamment
été à la mesure de son succès scientifique en tant
qu'objet d'étude »7(*)
En même temps que les auteurs reconnaissent la valeur de
l'organisation étatique dans le traitement du mal africain, il
s'élève également une controverse et un doute sur
l'effectivité de la statolité8(*) en Afrique noire, sur la
difficile voir l'impossible adaptation équatoriale d'un Etat
importé 9(*).
Autrement dit, la question est posée en termes de l'existence ou non de
l'Etat en Afrique noire post-coloniale.
Avant de poursuivre notre propos, il convient d'apporter une
précision sur La République Démocratique du Congo et sur
la réserve que nous émettons sur la dénomination
constitutionnelle de « République Démocratique du
Congo », laquelle au regard de la réalité
politique et même constitutionnelle paraît ironique en ce sens que
notre pays n'a rien ni de République ni de Démocratique au
moment où nous couchons ces lignes. Cette réserve est valable
pour la classification consistant à catégoriser les étapes
de l'histoire politique en première, deuxième et troisième
République respectivement de 1960 à 1965, de 1965 à 1990
et à partir de 2006.
Sur ce point, le professeur BIBOMBE MWAMBA a fait une analyse
intéressante où il fait une observation montrant que
« depuis la période mobutienne les idéologues du
parti - Etat nous ont appris que nous étions dans la deuxième
République ! tout le monde y a
cru » .10(*)
En effet, la République est définie comme :
« Etat gouverné par des représentants élus
pour un temps et, responsables devant la Nation », par
opposition à la monarchie ou « forme de gouvernement
où le chef de l'Etat Président n'est pas seul à
détenir le pouvoir qui n'est pas
héréditaire » ou encore,
« régime où le pouvoir est chose publique (res
publica), ce qui implique que ses détenteurs l'exercent non en vertu
d'un droit propre (droit divin héréditaire) mais en vertu d'un
mandat confié par le corps social »11(*) la période
« mobutienne » ne comportant aucune
caractéristique républicaine, il est erroné de parler,
comme beaucoup le font et continuent à le faire, de la deuxième
République. Il est plus logique de faire correspondre la deuxième
République à celle qui sera issue des élections
démocratiques, libres et transparentes.
Cependant, pour des raison d'ordre historique et
méthodologique nous avons retenu cette classification devenue habituelle
au Congo tout en respectant les convictions scientifiques des professeurs B.
Bibombe et E. Pongo avec lesquels nous avons bien discuté.
Par ailleurs, nous retiendrons la terminologie officielle de
la République Démocratique du Congo, consacrée par la
Constitution du 18 février 2006 malgré le déficit
démocratique constaté pendant plusieurs décennies dans le
pays.
Pour revenir à la situation misérable et
préoccupante de l'Afrique et de la République Démocratique
du Congo, Mupapa Say affirme que « l'Afrique se conjugue avec la
pauvreté, avec la maladie, avec la malnutrition, avec
l'analphabétisme ». Plus loin, après avoir
rappelé l'illusion des résultats des colloques et
conférences organisés autour de la question africaine ainsi que
par des experts de la Banque mondiale et du Fond Monétaire
International, il s'interroge sur les causes de inefficacité de l'action
des cadres hautement qualifiés et pour la plupart formés dans les
plus grandes universités occidentales12(*).
Il répond en situant les causes à trois
niveaux : en premier lieu celles provenant des séquelles de la
colonisation ; en second lieu, celles découlant des effets de
l'aliénation mentale en rapport avec les causes
précédentes et enfin, celles liées à un certain
comportement économique pas toujours compatible avec les exigences du
développement13(*).
En guise de solution, il subordonne le développement à une
requalification de la mentalité de l'Africain, qui comprendrait à
la fois l'acquisition des capacités d'action et le façonnement
d'un vécu qui l'authentifie et lui permet une auto-prise en charge dans
une relation équilibrée entre soi et autrui14(*). Cet auteur met l'accent sur
l'aspect culturel de manière à opérer une transformation
mentale de l'homme africain et congolais. Il préconise la production
d'un type nouveau d'africains et de congolais affranchis de divers complexes
maîtres de leur science, fruit de l'école rénovée.
Il n'a pas totalement tort. Mais un tel souhait ne peut se réaliser sans
la métamorphose du pouvoir africain pour l'émergence d'un cadre
propice : l'Etat au sens moderne du terme.
Quant à Niemba S.G., il établit le même
constat que l'histoire politique de l'Afrique décolonisée est la
plus désolante de ce XXème siècle .
« Elle est faite par des dirigeants politiques imbus de gloire,
du pouvoir pour le pouvoir , un pouvoir confisqué au peuple pour
assouvir leurs intérêts personnels. Ils construisent des
régimes politiques extrêmement autoritaires combattant avec
violence toute opposition et toute installation des valeurs
démocratiques15(*).
Il en est de même de l'histoire politique du Congo-Kinshasa faite,
d'impasses politiques, des conflits armées et d'espoir pour un bonheur
inéluctable à tout un peuple »16(*).
Dans la recherche des causes du sombre tableau qu'affiche la
République Démocratique du Congo, l'auteur trouve une explication
politique liée à l'absence d'une réelle volonté
politique manifestée par le magistrat suprême, le chef de l'Etat
car dit-il « c'est lui qui détient les rênes du pouvoir
pour un mode de gestion du pouvoir adapté aux réalités de
cet immense territoire »17(*). Alors que Mupapa Say, préconise, un travail
de fond et sur le plan culturel sans toucher au tréfonds politique,
Niemba lui va dans le même sens en rappelant que la tâche de
l'intellectuel, dans le rôle qu'il joue dans la société,
soit historique, soit immédiat ou prospectif, consiste à produire
des idées susceptibles de protéger les valeurs positives de la
civilisation humaine. Ces idées poursuit-il doivent être à
même de créer un monde meilleur, une société plus
juste où les individus vivent en toute quiétude et dans la
cohésion sociale. Elles se résument dans les droits fondamentaux
de l'homme, permettent tout ce qui concourt à leurs
épanouissement en l'occurrence la recherche et l'adoption d'un mode de
gestion du pouvoir favorisant la vraie démocratie, la protection et
l'éclosion des dits droits et la création des richesses pour
tous, grâce à une bonne et stable politique
macro-économique. Déplorant la mauvaise gouvernance,
l'incompétence et l'amateurisme de dirigeants congolais dans la gestion
de l'Etat, le même auteur exprime sa préférence pour un
mode de gestion penchée vers le fédéralisme
privilégiant l'adaptation au système des valeurs locales
concourant au développement politique18(*). Comme beaucoup d'autres, il fait des analyses
intéressantes sur l'Etat de droit présenté comme garant de
la stabilité en Afrique centrale. Nous pensons quant à nous,
qu'il est prématuré de suggérer une forme d'Etat avant de
s'assurer de l'existence même de l'Etat ou de consolider la forme de ce
qui existe en état embryonnaire. En l'absence d'un pouvoir
institutionnalisé, le fédéralisme pourrait conduire
à la duplication des formes de pouvoirs autoritaires et
individualisés à la tête des entités dites
fédérées au péril même de l'ensemble du corps
social.
Posant son regard sur cette Afrique post - coloniale en
désolation et sur son pays La République Démocratique du
Congo, le professeur DJELO parle des « instances dirigeantes
s'identifiant à la nation au point de confondre leurs propres
intérêts avec ceux du pays. L'Etat qui est lointain, dit-il, le
peuple dont la loyauté va spontanément aux entités de la
base, le perçoit politiquement et socialement comme une conspiration
permanente contre sa tranquillité, comme le règne d'une
élite corrompue qui s'enrichit à ses dépens, comme une
domination violente qu'il craint, à laquelle il se soumettra, le cas
échéant, mais qu'il évite dans toute la mesure du
possible »19(*). Reprenant les propos de Paul VI, il estime
qu'il est donc temps de diversifier le jeu politique étiolé, de
donner aux élites les moyens concrets de faire véritablement
leurs preuves par la participation aux responsabilités, hors de
toute oppression, à l'abri des situations qui offensent leur
dignité d'hommes »20(*) et de décongestionner le centre aujourd'hui
enlisé dans l'impuissance et aliéné dans la magie du
verbe, l'incantation des slogans mille fois répétés et le
dogmatisme démagogique21(*). A la fin de son ouvrage intitulé
« l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire,
le cas du Zaïre », l'auteur reconnaît n'avoir pas
formulées des recettes susceptibles d'apporter des solutions
immédiates à des problèmes concrets.
Il conclut que c'est en définitive
au réel qu'il appartient de sécréter les institutions les
mieux adaptées aux problèmes spécifiques de chaque
collectivité22(*).
Nous pensons que c'est là une manière plutôt
délibérément philosophique de conclure laissant chacun sur
sa soif. Selon nous, le réel ne saurait secréter les institutions
démocratiques sans que le chef despote ou dictateur ne consente soit
à force de pression populaire soit par élan subit du coeur, ce
qui est chose peu commune, à céder à la mutation du
pouvoir qu'il considère à tort être son bien propre.
Pour sa part, le professeur Lumanu Mulenda B-S, trouve
l'explication du paradoxe du développement du sous- développement
au Zaïre aujourd'hui, République Démocratique du Congo, dans
le fait que ce pays réunit toutes les caractéristiques d'une
souveraineté aliénée en démontrant que
l'indépendance au Congo-Kinshasa n'a été qu'un simple
transfert des pouvoirs de colonisateurs aux autochtones qui composent la
nouvelle classe dirigeante dans une continuité structurelle et
idéologique. Ces autochtones explique-t-il, sont ceux-là
mêmes qui sous la colonisation, avaient été
préparés pour vivre en communion spirituelle et matérielle
avec les blancs et qui au lendemain de l'indépendance, devaient
être leurs fidèles alliés23(*). Mais le bloc de conservateurs favorable à
l'indépendance dans la continuité et le bloc de nationalistes ont
vécu dans un état de conflit permanent24(*). Pour conclure sa thèse
l'auteur qui avait déjà dans ses chapitres
précédents exposés les différentes
réflexions et théories sur la nature de l'Etat et rejeté
celles ayant tendance à confirmer La République
Démocratique du Congo dans la sphère de non - Etat, invite
à l'éveil des consciences des acteurs sociaux pour produire et
façonner de nouveaux intellectuels organiquement liés à
titre exclusif à un groupe : le peuple (les masses
déshéritées) et ses intérêts en vue de
l'avènement d'un bloc historique nationaliste25(*).
Il est important de noter que c'est depuis 1985, soit
exactement vingt ans, que le professeur a soutenu sa thèse. Que peut-on
dire des solutions préconisées autant que celles
suggérées par les différents auteurs
précités sur la situation de l'Afrique noire post-coloniale et
sur La République Démocratique du Congo ? le moins que l'on
puisse dire est que hormis quelques cas exceptionnels tels de la
République Sud Africaine, du Sénégal, du Ghana, de la
Zambie, de la Namibie, du Mali et du Bénin, le continent africain est
davantage menacé par les méfaits d'un pouvoir politique
individualisé aux effets
« génocidaires » compromettant la survie
des générations présentes par l'incapacité
d'organiser les règles de transmission paisibles du pouvoir politique.
On dirait mieux que c'est un pouvoir aux effets
« étaticides » car il met constamment en mal les
conditions d'existence de l'Etat. Au Congo-Kinshasa l'ouverture au
multipartisme réclamé par les acteurs politiques n'a permis aucun
progrès par rapport au temps passé, le pays est au bord du
gouffre après une guerre civile qui a duré huit ans. Quant
à la conversion des mentalités et la production des
systèmes susceptibles de générer un type nouveau des
congolais tels que souhaité par Mupapa Say et Djelo E-O, et Lumanu
Mulenda, cela est demeuré un voeu pieu.
II.
PROBLEMATIQUE.
Pour mieux dégager notre problématique, nous
sommes amenés à méditer notamment sur certaines
thèses émises par les spécialistes des sciences sociales
réunis à l'université Laval (Québec) du 15 au 19
mai 1983 dans le cadre de la 13ème conférence de
l'Association canadienne des études africaines. Une table ronde fut
organisée avec pour objectif de réfléchir sur les raisons
de la difficulté voire de l'impuissance de comprendre et d'expliquer
l'évolution actuelle de la société
zaïroise »26(*)
Les participants expliquèrent lors de ladite table
ronde sur le Zaïre que « l'impuissance de l'approche
actuelle à expliquer l'évolution de la société
zaïroise résulterait de l'erreur qu'on a tendance à
commettre en analysant le Zaïre comme un Etat au sens éthique et
sociologique du terme alors qu'il ne l'est point ou ne fonctionnait pas comme
un Etat »27(*).
Déjà en 1982, parlant de la position
exprimée par quelques africanistes réunis à la
12ème conférence annuelle de l'Association canadienne
des études africaines, à Toronto du 11 au 14 mai 1982, Ilunga
Kabongo rapporte : « on a dit plusieurs choses sur mon pays
dont la plus intéressante pour mon propos est qu'il n'existe
pas ». En effet, on raconte dit-il qu'un jour, on a mis dans un
ordinateur toutes les données relatives au Zaïre :
économie politique, culture, histoire ; Réponse de
l'ordinateur : « ce pays n'existe plus ».
Aujourd'hui, plus de deux décennies après, le
débat sur l'existence de l'Etat africain et de l'Etat au Congo-Kinshasa,
refait surface. En effet, un homme d'Etat belge en la personne de Monsieur
Karel de Gucht, alors Ministre des Affaires étrangères de son
pays, après une mission au Congo-Kinshasa, a fait une déclaration
devant la Commission parlementaire de relations extérieures de son pays,
soutenant qu'« il n'y a plus d'Etat au Congo. Même un Etat
en minuscule et entre guillemets ce serait déjà un
progrès »28(*). En cela M. Karel de Gucht rejoint déjà
les auteurs célèbres tels que Crawford Young, B. Jurciewicki et
J. Claude William qui se sont interrogés sur la problématique de
l'Etat au Zaïre29(*).
Pour J. Claude William, il affirme que « ce qui
existe au Zaïre c'est moins un Etat, qu'une fiction
d'Etat ». Il souligne que si l'on envisage la notion d'Etat non
pas dans son sens formel et structuro - fonctionnaliste, mais comme produit
d'une dynamique société civile - société politique
inscrite dans une histoire concrète, il faut constater qu'au Zaïre,
on est loin à la fois de l'Etat « Boula matari »
colonial et de l'Etat modèle
« déclientalisé ». le premier n'est plus
qu'un lointain souvenir perpétué par des rites administratifs et
quelques anciens combattants, le second est encore à naître. Et si
ses réflexions constatant l'inexistence d'Etat au Congo étaient
vraies ?
En dépit de la critique acerbe que leur
décrochent ceux qui se dressent contre une manière de voir l'Etat
dans le modèle occidental accusé d'eurocentrisme ou de
sceptiques, la question mérite d'être posée sous
différents aspects notamment juridique, politique et sociologique :
La République Démocratique du Congo constitue-t-il un Etat au
sens scientifique et moderne du terme ? sans être
l'élément fondamental de notre thème central, la question
vaut son pesant dans la mesure où les diverses hypothèses
émises soit en terme de l'édification d'un Etat de droit, soit de
la bonne gouvernance, soit de la lutte contre la corruption et les
anti-valeurs, ou les théories développementalistes
élaborées pour redresser le Congo, autant que la
démocratie et, l'effort de sauvegarde des droits humains, ne peuvent se
concevoir hors de l'Etat sous la forme institutionnalisée.
Aussitôt qu'il est soulevé la
problématique de l'Etat en Afrique, plusieurs voix
s'élèvent pour mettre en garde contre un thème dont les
contours sont si fuyants qu'ils ne permettraient pas une analyse objective et
une vérification impartiale. Les voix se font entendre pour
prétendre au danger de tomber dans un fanatisme de l'Etat selon le
modèle occidental, intransportable nulle part ailleurs30(*) et dans le mépris des
valeurs ancestrales ou du droit africain dont les civilisations ont produit
des Etats, des anciens royaumes.
A cela, nous opposons que chaque concept
opératoire en sciences sociales comporte une essence minimale
susceptible de le différencier des autres phénomènes
sociaux. Nous croyons qu'il en est de même pour les notions qui nous
préoccupent en commençant par l'Etat. S'il est admis dans
l'histoire que le phénomène étatique et le terme
lui-même ont une genèse, c'est qu'il existe bel et bien des
éléments constitutifs de son essence à tel enseigne que
sous quelque disciplines qu'on le considère, l'on puisse par la
présence ou l'absence de ces éléments essentiels conclure
à son existence ou non . Même en admettant que l'Afrique
pré-coloniale ait eu des formes d'Etats, il convient de les confronter
à la substance essentielle du terme à travers ses
variétés et à travers les différentes disciplines
pour comprendre la réalité de la société africaine
post-coloniale et congolaise.
Parlant de la problématique de l'Etat en Afrique, plus
précisément de la sociogenèse de l'Etat au Cameroun, Luc
Sindjou distingue entre les problématiques locales se rapportant
à l'objet « Etat au Cameroun » et « des
problématiques générales se rapportant au
« transfert » du modèle occidental de
l'Etat ». C'est à propos de ce modèle que naît
un débat qui risquerait de tourner en polémique. Pour mieux le
comprendre examinons avec l'auteur ce qu'il appelle la problématique
universelle instituée. A cette égard, il explique que la
problématique universelle instituée d'étude de l'Etat en
Afrique noire peut s'appréhender à partir de deux sites
principaux31(*):
- Le site éthique qui est le lieu de formulation de la
problématique de la névrose, selon l'auteur, qui
appréhende l'Etat en Afrique en terme d'écart par rapport au
« modèle déposé d'Etat ». Dans cette
catégorie se retrouvent toujours d'après Sindjou, les termes tels
que Etat « inexistant », Etat
« inachevé », Etat en
« déclin », Etat
« néo-patrimonial », Etat
« chancelant » 32(*), Etat « effondré » dans
une analyse critique Tessy D. Bakary a procédé à une
recension des caractérisations de l'Etat en Afrique à partir des
travaux de nombreux auteurs tels Richard Joseph, Jean-François
Médard, Newbury, Saul, Jackson et Rosberg, etc.33(*) La thèse de
l'effondrement de l'Etat a connu un grand succès avec William
Zartman34(*) ;
- Le site du relativisme culturel qui est le lieu de
formulation de la problématique de l'impossible transfert en Afrique de
l'Etat en tant qu'il est un produit de l'histoire et de la culture de
l'occident et de la problématique de la greffe de l'Etat en Afrique sans
aucun enracinement social.
A ce propos, Bertrand Badie a fait une étude
intéressante dans « l'Etat importé
l'occidentalisation de l'ordre politique35(*) ». Dans le même ordre
d'idées, Basil Davidson considère l'Etat en Afrique comme
« le fardeau de l'homme noir » comme étant
condamné à l'inadaptation parce qu'il est le fait des
blancs »36(*).
Sindjou trouve des défauts à l'un et l'autre site sur le plan
épistémologique . A la représentation instituée et
théologique de l'Etat constituant en l'établissement d'une
formule ; « Etat occidental37(*) = modèle déposé d'Etat =
Etat », il reproche l'emprisonnement entre « la
célébration d'une transplantation réussie » et
« le vomissement de la déformation du modèle
légitime ». Vu sous cet angle, l'Etat
« occidental » devient un écran entre le chercheur
et la réalité politique, un instrument de mesure ou alors un lit
de Procuste sur lequel la réalité doit pouvoir suffire sous
peine de disqualification. L'auteur de l'« Etat ailleurs »
considère que cette approche est une pré construction
savante produite généralement par l'ethnocentrisme occidental qui
voile la perception de la réalité. Pour lui, c'est l'illusion de
l'Etat abstrait ou de l'Etat figé qui procède par
méconnaissance des usages et investissements variés dont l'Etat
peut être l'objet suivant les contextes socio - politiques. Certains font
une vive critique de cette approche qualifiée d'une imposition de
modèle déposé d'Etat procédant d'un universalisme
hypocrite.
Pour notre part, nous estimons ces critiques
exagérées dans la mesure où, comme nous l'avons dit, les
concepts ont un contenu qui doit au minimum correspondre aux
réalités auxquelles ils renvoient. Autant que la constitution,
les régimes et les systèmes politiques sont des expressions
inventées dont l'essence correspond à la signification leur
conférée, par leurs auteurs originaires et aux
réalités effectives dans leur milieux de naissance, autant nous
estimons que la notion d'Etat bien que le carrefour de la recherche dans
plusieurs disciplines ne doit pas être laissée au gré des
théories creuses faisant de tout groupement humain un Etat. Nous y
reviendrons. Comment peut-on qualifier une collectivité sociale dont
l'une des conditions d'existence de l'Etat est amputée tel que le
pouvoir politique, une partie du territoire ou la population et ou des
groupes et milices armées exerçant une violence physique
concurrente voire même supérieure à celle de l'Etat, comme
c'est le cas en Somalie si ce n'est par des expressions d'Etat
effondré38(*),
d'Etat fantôme ou de fiction d'Etat ? Comment veut-on mettre aux
mêmes diapasons le Liberia de Samueldo et Charles Taylor, ainsi que le
Rwanda et le Burundi de génocidaires et le Zaïre de Mobutu d'une
part et la France de Chirac, les Etats-Unis de Bill Clinton et l'Angleterre de
Tony Blair d'autre part ? Avouer que les pays africains
précités se recherchent sur la sphère des Etats par
rapport aux pays occidentaux ne relèvent ni d'une névrose ni d'un
complexe. Bien au contraire ça serait la meilleure façon de poser
le diagnostic pour mieux proposer le remède. Pourquoi ne peut-on voir et
le dire que les cas africains précités correspondent aux horreurs
des communautés préhistoriques ou médiévales de
l'Europe lesquelles ont pris fin par l'effort des penseurs et des acteurs
sociaux en vue de construire un modèle d'organisation sociale
susceptible d'équilibrer les forces centripètes et centrifuges
et, de concilier les intérêts divergents des hommes.
S'agissant du deuxième site de la
problématique sur l'impossibilité de transposer le modèle
de l'Etat occidental ailleurs du fait du fondement culturel et
particulièrement religieux dont la complexité rend
« intransportable » selon Bernard Badie, dans tout autre
univers culturel39(*),
Sindjou émet une critique en ce sens que le culturel est acquis et non
inné, à ce titre il peut être transposable partout . Il
démontre le dynamisme des cultures africaines qui ont accueillis le
français, l'anglais et d'autres langues Européennes.
Quant à nous, nous estimons que ces thèses
affichent de faiblesses :
1. A quelques variantes près, les modèles
d'Etat européens sont le fruit d'une construction séculaire. Il
est prématuré de douter de leur exportation ;
2. Sans être à tout point identique aux
modèles européens quant à la forme de l'Etat et du
pouvoir, les sociétés d'Asie issues aussi de la
décolonisation se consolident davantage dans leur
« étatisation » ;
3. Même en Afrique, la République du
Bénin, la République du Sénégal et la
République Sud Africaine ont démontré que les
modèles dit européen d'Etat sont transposables en Afrique par la
volonté politique de leur classe politique ;
4. Il n'y a pas d'intérêt pratique à
s'efforcer de réinventer la roue là où on a jamais ni
tenté de la fabriquer ni osé l'utiliser. Avant de rejeter les
modèles dit occidental d'Etat, les penseurs et les dirigeants africains
devraient d'abord oser de mettre leurs énergies à les comprendre
et à les construire ; pour en apprécier le
bénéfice par rapport à leur propre modèle non
encore inventé.
L'Etat dont nous parlons est l'Etat tout court sans lequel il
n'y aurait pas d'Etat de droit, ni respect des droits humains, ni bonne
gouvernance ni développement humain durable, ni développement
tout court. C'est l'Etat classique lequel dans toutes ses définitions en
droit comme dans d'autres sciences impliquent un élément sur
lequel tous s'accordent,
l' « institutionnalisation » de l'un
de ses éléments constitutifs, le pouvoir politique, il suppose
des éléments constitutifs, à savoir un territoire, une
population et une organisation politique appelée puissance publique ou
gouvernement, ces éléments constituent les conditions de son
existence40(*).
Dans le cadre de cette étude, nous partons d'une
problématique centrale posée en ce terme :
« sans l'achèvement du processus
d'institutionnalisation du pouvoir politique en République
Démocratique du Congo est-il possible de construire un Etat
stable? De là, découlent d'autres questionnements :
Quel est l'impact du constitutionalisme congolais sur l'institutionnalisation
du pouvoir politique ? Quelle est l'approche appropriée pour
stabiliser l'Etat africain et l'Etat congolais. L'objet de notre étude
est d'approfondir les questions relatives à l'Etat pour parvenir
à l'édification d'un Etat effectif et non fictif en
République Démocratique du Congo. Comment cela peut-il se
faire ?
III. HYPOTHESE DE TRAVAIL.
La réponse aux questions constitutives de notre
problématique impose l'analyse de certaines thèses
formulées à ce même propos en vue de préciser notre
bloc d'hypothèses.
Pour le dictionnaire de Robert Méthodique,
l'hypothèse désigne une « proposition relative à
l'explication de phénomènes naturels et qui doit être
vérifiée par les faits41(*). Selon R. Rezsahary, « l'hypothèse
cherche à établir une vision provisoire du problème
soulevé en évoquant la relation supposée entre les faits
sociaux dont le rapport constitue le problème et en indiquant la nature
de ce rapport »42(*). Gordon Mace est encore plus précis :
l'hypothèse, peut être envisagée comme une réponse
anticipée que le chercheur formule à sa question
spécifique de recherche. Le même auteur cite Monhein et Rich qui
la décrivent comme un énoncé déclaratif
précisant une relation anticipée plausible entre les
phénomènes observés ou imaginés43(*). L'Etat en Afrique ou ce qu'il
convient ainsi d'appeler, pose un problème dramatique de misère
de pauvreté, , du délabrement des tissus sociaux et
économiques, exacerbés par des violences cycliques. La
République Démocratique du Congo, tel que nous l'avons vu, est
parmi les cas les plus spectaculaires. A son sujet nous avons rappelé
les conclusions des africanistes sociologues et historiens mettant en doute son
existence en tant qu'Etat sans ignorer que les politologues et les juristes ont
aussi écrit à ce même sujet. Dans une étude
récente, intitulée le « constitutionnalisme africain
entre la gestion des héritages et l'invention du futur , l'exemple
congolais » de Djoli Eseng'Ekeli, on peut
lire « Etat de lieux : le Congo, un territoire
à la recherche d'un Etat »44(*). Ce sous titre est
assez révélateur, on peut déduire que l'espace territorial
congolais abrite une population n'ayant pas encore eu le privilège de
goûter aux fonctions bénéfiques d'un Etat.
Reprenant les propos de Sall Babacar, il écrit :
« en effet, le Congo, ce territoire de 2.345.000 Km2 ,
doté d'une population estimée à plus de 50 millions
d'habitants, situé au coeur de l'Afrique, est devenu le
« ventre mou » de ce continent. Ce sous-continent,
équivalent à l'ensemble de l'Union européenne, a
progressivement implosé et se présente aujourd'hui comme un
« tissu mite », atomisé, fragmenté en
principautés militaires. Son territoire est le théâtre
permanent de rebellions où règnent des satrapies et autres
seigneurs de guerre : c'est une zone de chaos, avec des espaces, qui dans
les territoires nationaux, échappent au contrôle de
l'Etat45(*).
Dans le même sens Braud, soutient que la situation
congolaise est plus ou moins semblable à celle de nombreux autres pays
africains, et la République Démocratique du Congo est tout
simplement le paradigme le plus achevé des
« dynamismes », de ces Etats à la fragmentation . En
effet, « de nombreux Etats africains sont minés par des maux
multiformes et sont devenus comme le Congo, presque des Etats
fantômes46(*).
L'hypothèse de travail majeure autour de laquelle notre
recherche s'articule est : l'institutionnalisation du pouvoir
politique est le facteur fondamental dans l'émergence et la
consolidation de l'Etat. Tel qu'il en fut en occident, il peut en
être pareil en Afrique et au Congo. Ce facteur déterminant a
manqué au Congo depuis la création du Congo par Léopold
II. De cette hypothèse principal, dérivent d'autres
ci-après :
- l'institutionnalisation du pouvoir politique passe d'abord
par le droit, et par le droit constitutionnel. Le poids de la constitution au
sens matériel premièrement et au sens formel secondairement est
plus déterminant dans le processus d'institutionnalisation du pouvoir
politique que d'autres facteurs, souvent évoqués :
exogènes (impérialisme ou capitaliste), endogènes
(ethnicité, corruption, mauvaise gouvernance,
immaturité.....).
- l'institutionnalisation du pouvoir politique est possible
par un constitutionalisme accepté d'abord par le détenteur du
pouvoir suprême, le Chef de l'Etat et ensuite par la majorité des
citoyens.
Dans ce travail, nous voulons par analyses successives et
comparatives dans l'espace et dans le temps, démontrer que La
République Démocratique du Congo est bel et bien un Etat
menacé non au sens où on souhaite souvent de l'entendre,
c'est-à-dire par une belligérance du voisin ou de
l'impérialisme, ce qui laisse supposer une note militariste, mais nous
parlons d'une menace de disparition en tant qu'Etat, par l'absence à ses
destinées, du moins jusqu'à Joseph KABILA, d'un homme
déterminé à privilégier la règle
constitutionnelle même à son détriment pour créer un
cadre favorable à une véritable culture démocratique. Cela
étant, il est impérieux de pénétrer le sens de
l'Etat, de la constitution et du pouvoir d'une part et d'examiner les
différentes constitutions connues au Congo en vue d'une confrontation
entre les concepts et le réel.
IV. DELIMITATION DU SUJET
Du point de vue spatiale, il est superflu d'en parler au motif
que l'intitulé du sujet renseigne que l'étude porte su la
« République Démocratique du Congo dans ses
frontières actuelles telles que tracée, en 1885 et sous ses
différentes dénominations depuis 1960. Du point de vue temporel
nous circonscrivons le sujet entre les années 1960 à partir du 30
juin, date de la proclamation de l'indépendance et 2006, à partir
du 18 février, date de la promulgation de la constitution de la
République Démocratique du Congo. Du point de vue
matériel, le sujet est susceptible de nous emporter dans les
sphères parfois nébuleuses de la religion, de la sociologie, de
la philosophie (source du pouvoir...) aussi, circonscrivons-nous notre
réflexion aux concepts d'institutionnalisation pour l'appliquer au
pouvoir et à l'Etat au Congo-Kinshasa sans ignorer le rôle
primordial que doit jouer la constitution. Il en résulte la
nécessité d'une approche théorique et d'une analyse
fondée sur l'observation des faits sociaux et politiques ainsi que de
l'évolution du constitutionnalisme congolais et de son incidence sur la
survie de l'Etat.
V. INTERET DU SUJET.
Nous l'avons dit précédemment que l'Etat -
nation et même l'Etat gouvernement est un objet
d'étude d'intérêt certain et toujours accru sur le plan
théorique. L'Etat africain et l'Etat congolais ne sont pas en reste,
ils font d'objet d'un engouement de la part des chercheurs africanistes au
point que l'utilité de l'étude se mesure dans la perspective
d'aider à l'accroissement des connaissances sur l'Etat. Nous
plaçons l'Etat au coeur de toute préoccupation relative au
développement des nations ainsi qu'à l'épanouissement
intégral de l'individu. Pour La République Démocratique du
Congo, nous croyons que la connaissance formelle de l'Etat et, sa nature, son
caractère institutionnel et son rôle, est d'un
intérêt réel, du point de vue pratique.
Nous pensons que l'Etat, à l'instar de la cité
antique (Athène et Rome) avec laquelle d'après Marcel
Prélot47(*), il
n'entretient qu'une différence de degré et non de nature,
constitue la meilleure organisation de la société humaine
susceptible de sortir l'individu des ténèbres et du gouffre des
barbaries antiques . L'Etat monopolise l'usage de la violence rendant
inefficientes toutes les autres violences, équilibre les forces
antagonistes, stabilise la société par l'édiction des
normes contraignantes. L'une des causes du chaos menaçant l'Etat
africain, étant la violence politique, il va de soi que l'extinction des
violences politiques grâce à l'encadrement juridique du jeu
politique sous-tendant l'exercice et l'organisation du pouvoir est une garantie
du progrès et du développement. N'ont pas tort ceux qui comme
Aristote reconnaissent l'impact positif de la cité sur l'humain,
expliquant la notion d'une véritable société politique
où humanité et citoyenneté sont identiques48(*) ; Parlant de la
Grèce antique, il déclare que « c'est dans la
cité seule où l'homme est un être juridique en dehors de la
cité, il n'y a ni liberté ni sécurité, ni
humanité, l'être humain est un barbare, il est rejeté dans
un abaissement incompatible, avec l'idée de l'homme49(*) ». Du
Libéria, à la Sierra Léone, du Congo-Kinshasa au Burundi
et au Rwanda,de l'Ouganda au Soudan en passant par le Tchad et la
République centrafricaine ne trouve-t-on pas des situations qui
corroborent la triste expression de Bluntshi sur la bassesse de l'homme dans
les communautés « anétatiques »?
La pertinence de son analyse, vérifiable par
l'observation des sociétés occidentales parvenues à
d'énormes progrès en matières des droits de l'homme et de
développement dans presque tous les domaines aussitôt qu'elles
sont sorties de modèles communautaires ou de type féodal pour
s'étatiser, nous amène à considérer que le
démarrage de l'Afrique toute entière passe préalablement
par la solution au problème lié à l'existence de l'Etat.
Celui-ci est lui même dépendant de la qualité du pouvoir.
Ce qui, en ajoute à l'intérêt pratique du travail. En
effet, la construction de l'Etat en République Démocratique du
Congo impose un sévère diagnostic sur notre pays : son
inexistence institutionnelle.
La comparaison des faits à la théorie permet de
constater depuis 1960 :
- l'absence d'un pouvoir organisé revendiquant avec
succès le monopole de la violence physique ou
armée caractéristique d'un Etat, l'existence des pouvoirs
parallèles exerçant avec succès la même violence;
- l'absence d'une maîtrise effective des
frontières : l'occupation par des armées
étrangères des portions de territoires à
l'intérieur de frontières congolaises ;
- l'absence d'un pouvoir transmis par une règle
préétablie (de droit) ;
- l'absence d'organes représentatifs de la nation ou
d'institutions politiques ayant survécu pacifiquement aux
générations antérieures successives.
Parvenir à la démonstration que la renaissance
de l'Etat au Congo et, sa stabilisation passe par l'institutionnalisation du
pouvoir et que celle-ci n'a pas eu lieu en dépit des textes
constitutionnels successifs entre 1960 et 2006, implique une
méthodologie incluant différentes méthodes et techniques
d'interprétations juridiques.
VI. METHODES ET TECHNIQUES.
Par méthodes, nous entendons avec le professeur E.
BOSHAB l'ensemble de démarches que suit l'esprit humain pour
découvrir et démontrer une vérité
scientifique50(*). Aucune
de ces démarches n'est suffisante pour rendre compte de toute la
réalité du phénomène étudié. Aussi,
avons-nous recouru à plusieurs méthodes et interprétations
pour l'aboutissement de notre étude. Nous disons mieux que seule une
méthode interdisciplinaire associant l'approche sociologique à
l'approche juridique a permis l'aboutissement de notre travail.
L'approche juridique fondée sur
l'exégèse, a été la mieux indiquée pour
analyser la forme du pouvoir et mesurer son incidence sur l'Etat à
travers les textes constitutionnels élaborés depuis 1960 au
Congo-Kinshasa. Cependant, l'observation des faits et des comportements
politiques aidant à une pleine perception du phénomène
étatique et du pouvoir ne procède pas du seul droit mais
plutôt de la sociologie. Comme notre champ d'investigation
s'élargit au passé et englobe plusieurs textes, l'approche
historique et comparative nous ont été bien utiles. Dans
l'étude des textes concernés, nous avons fait appel à
diverses méthodes d'interprétations :
- « théologique » ou
« finaliste » consistant en l'analyse d'un texte
au regard de sa raison d'être (ratio legis) ;
- « génétique »
par laquelle on se réfère à la genèse du texte en
recherchant l'intention de ses auteurs ;
- « systémique »
consistant à prendre en considération d'autres articles d'un
texte ou éventuellement d'autres règles du Droit pour qu'ils
s'éclairent les uns les autres51(*).
La technique documentaire est parmi toutes, celles nous ayant
plus servi à la finalisation de cette oeuvre.
Ainsi, il a fallu une méthode interdisciplinaire aux
approches sociologiques associant l'approche juridique aux méthodes
systémique, historique et comparative pour mener à bien l'oeuvre
que nous avons entamée.
VII. SUBDIVISION DU
TRAVAIL .
La clarté de la pensée exige la clarification
des concepts dans une approche théorique consacrée à
l'évolution du pouvoir politique (première partie). Les faits
politiques seront confrontés aux concepts théoriques en vue de
mesurer l'incidence du constitutionnalisme congolais sur la formation de l'Etat
et l'institutionnalisation du pouvoir au point consacré à
l'avènement de l'Etat en République Démocratique du Congo
(Deuxième partie).
PREMIERE PARTIE :
L'EVOLUTION DU POUVOIR POLITIQUE ET L'AVENEMENT DE L'ETAT.
On examinera successivement l'évolution du pouvoir
politique d'une part et d'autre part, l'avènement de l'Etat en vue de
poser une base conceptuelle susceptible d'offrir un champ de
vérification dans la seconde partie.
CHAPITRE I : L'EVOLUTION
DU POUVOIR POLITIQUE.
Section 1 : Notion du
pouvoir politique
Qu'entendons-nous par pouvoir
politique ? Pour saisir cette expression, il importe d'expliquer
séparément ce qu'est le pouvoir et ce qu'est la politique. Ce
n'est qu'après que nous tracerons l'évolution du pouvoir
politique.
§1. Le pouvoir.
Le Robert définit le mot pouvoir notamment comme le
fait de pouvoir, de disposer de moyens naturels ou occasionnels qui permettent
une action, et aussi comme l'autorité, l'empire ou la puissance52(*).
L'aspect primordial qui nous intéresse est certainement
celui de son lien avec l'émergence et la stabilité de l'Etat qui
pourra nous servir de base de vérification des réalités
africaines et congolaises sur leur existence et leur pérennité en
qualité d'Etats. La compréhension de cette idée implique
l'analyse des contours sous lesquels nous employons l'expression (notions) pour
en déceler les diverses manifestations d'exercice, (formes), lesquelles
ont évolué (processus d'institutionnalisation) et abouti à
l'émergence de l'Etat (Rôle dans la genèse de l'Etat).
§2. La politique.
Pour être plus complet sur la notion du pouvoir
politique, voyons ce qu'en dit Max Weber.
Lors de la conférence sur le métier et la
vocation d'homme politique, l'auteur parlant de la politique, explique que le
concept est extraordinairement vaste et embrasse toutes les espèces
d'activités. On parle dit-il, de la politique de devise d'une banque, de
la politique d'escompte de la Reichsbank, de la politique d'un syndicat au
cours d'une grève, de la politique scolaire d'une commune urbaine, de la
politique d'un comité qui dirige une association, et finalement de la
politique d'une femme habile qui cherche à gouverner son mari. Mais
précise t-il, nous entendrons uniquement par politique la direction du
groupement politique que nous appelons aujourd'hui « Etat »
ou l'influence que l'on exerce sur cette direction. Plus loin il
ajoute : « nous entendons par politique
l'ensemble des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou
d'influencer la répartition du pouvoir soit entre les Etats, soit entre
les divers groupes à l'intérieur d'un Etat »
53(*).
La conception de Mac Weber enrichit celle communément
connue depuis Aristote, définissant la politique comme l'art de
gérer la citée.
§3. Le pouvoir politique
Reprenant l'une de
définitions du dictionnaire selon laquelle le pouvoir c'est la
« puissance » ou « l'autorité »,
nous rappelons que comme tel,ce fait est considéré par tous comme
l'un de trois éléments constitutifs ou l'une de trois conditions
d'existence de l'Etat outre le territoire et la population. Mais plus que les
deux autres, les publicistes y voient la genèse de la manifestation de
tout Etat.
A ce sujet, l'affirmation de Marcel Prélot est
intéressante lorsqu'il dit que « la primauté
du pouvoir, dans la formation de l'Etat, se retrouve dans tout le cours de son
existence. Elément formateur, le pouvoir est aussi le facteur permanent
de cohésion de la société politique, puisque celle-ci est
une association obligatoire pour ses membres, qui lui appartiennent
d'ordinaire, non par adhésion, mais par
situation »54(*).
Pour mieux comprendre le sens du pouvoir dont nous
parlons , voyons ce qu'en dit Georges Burdeau : « la
puissance, c'est le pouvoir de commander de telle sorte que l'on soit
obéi » ce n'est pas dit-il, le droit ni la
possibilité de commander, c'est simplement le phénomène
qu'exprime l'exécution de l'ordre donné55(*). Il explicite :
« quels que soient les motifs de l'obéissance, qu'elle soit
provoquée par la crainte d'une sanction ou par l'adhésion
à la substance du commandement, elle implique la puissance de celui qui
l'obtient ». Dans ce même ordre d'idées, Alain56(*) constate avec regret bien
sûr, que « si le pouvoir n'est pas résolu à
forcer l'obéissance, il n'y a plus de pouvoir. Si le citoyen ne comprend
pas et n'approuve pas ce puissant mécanisme bien avant de le craindre,
il n'y a plus d'ordre ».
L'avantage d'une telle assertion dans la poursuite de notre
pensée, c'est de fournir un élément d'appréciation
et de vérification théorique et plus tard empirique tout simple.
Supposons que de l'entendement de tous, il y ait d'Etat sans puissance ou
pouvoir, entendu comme « capacité » de commander et
de se faire « obéir » sur tout son territoire et par
tous, il devra s'en suivre que la collectivité sociale où ce
phénomène se morcelle et s'effrite au point que se forment les
îlots de « sujétion -
obéissance » perde sans polémique son essence
étatique. Il importe de s'en souvenir tout le long de notre
étude.
C'est à juste titre alors que Treitschke57(*) a dit :
« l'Etat est la puissance suprême ». cette formule
demeure vraie dans la mesure où même si l'Etat n'est pas que force
et même qu'il doit se passer d'elle, il faut qu'au cas où une
épreuve de force surviendrait, il puisse avoir le dernier mot. En ce
sens, il faut reconnaître avec Ihering que « le
caractère de l'Etat est d'être une puissance supérieure
à toute autre volonté se trouvant sur un territoire
déterminé. Cette puissance est, et doit être, pour qu'il y
ait un Etat, une puissance existant sur le territoire
considéré... Avant que cette condition soit remplie, toutes les
autres sont anticipées ; car pour les remplir, l'Etat doit exister
et il n'existe que lorsque la question de puissance est
résolue »58(*). Etant susceptible de degrés, la puissance
peut être partagée, de même étant un état de
fait et non une qualité de droit dans la société, elle est
l'objet des fluctuations relatives aux circonstances. Fondée sur la
force, elle peut se trouver en présence d'une force égale ou
supérieure avec laquelle, elle doit composer ou devant laquelle elle
doit s'incliner, fondée sur l'astuce ou la ruse, elle peut s'effriter
devant la manoeuvre clairvoyante d'un sage, fondée sur la richesse, elle
peut disparaître avec celle-ci.
L'oscillation perpétuelle entre les pouvoirs distincts
selon que leur puissance s'accroît ou diminue créée par
leur rivalités dans un milieu social, est un obstacle majeur à
l'éclosion d'un Etat stable. Il convient de reconnaître que les
sociétés occidentales ont résolu la question du pouvoir
tandis que tel que nous allons le voir la plupart des société
africaine subsahariennes, se recherchent encore dans cette voie.
Section 2. Formes du
pouvoir.
Le pouvoir politique a subit une évolution allant du
pouvoir diffus ou anonyme au pouvoir institutionnalisé en passant par le
pouvoir individualisé.
§1. Le
pouvoir diffus et anonyme.
Il n'est pas possible
de connaître avec certitude la forme sous laquelle se présentait
le pouvoir aux origine des sociétés humaines, mais on
considère qu'il apparut avec la famille et l'autorité du chef de
famille et s'est élargie avec celle-ci à plusieurs personnes
jusqu'à la gens romaine, à la tribu et au clan59(*). Cette forme de pouvoir
était largement anonyme diffuse dans le cadre de petites unités
sociales créant leurs coutumes largement imprégnées
religieuses et de superstitions60(*).
§2. Le pouvoir
individualisé.
Selon Max Weber61(*), le pouvoir
individualisé est fondé sur les vertus personnelles d'un chef
charismatique. Dans ce cas, l'autorité du pays s'incarne non pas dans
l'institution mais dans l'homme. Le pouvoir individualisé
présente plus d'inconvénients que d'avantages. Burdeau en
présente les plus remarquables que nous allons brièvement
parcourir.
I. La répugnance à
concevoir le pouvoir comme un pur phénomène de force.
Avec le pouvoir individualisé, la puissance trouve son
fondement direct dans celui qui l'exerce. La force, le courage, la
subtilité ou la chance du prince sont extérieurement du moins, la
source des facultés exorbitantes dont il use. Ses volontés
trouvent leur puissance contraignante, dans ses qualités ou sa force
matérielle. Bien qu'il puisse par moment faire de son pouvoir un usage
qui le justifie, il ne reste pas moins vrai que ce pouvoir lui appartient comme
une qualité inhérente à sa personne. Or, avec
l'amplification du groupe social les fonctions du pouvoir s'accroissent et les
ordres se multiplient. Il s'en suit que pour siéger dans un palais
d'où émanent des décisions, suivies d'une police
chargée d'en poursuivre l'exécution. Par ailleurs, la
complexification de la fonction gouvernementale, implique une prévision
de l'avenir et, par là même, la création d'une
législation débordant le cadre des préoccupations
présentes. Cela rend l'explication du pouvoir par les seules
qualités de celui qui l'exerce insuffisante. Ainsi le pouvoir
individualisé a comme premier inconvénient de ne pas fournir une
explication plausible du pouvoir lui-même62(*).
II. Le défaut d'unité
juridique de la collectivité.
Sur le plan psychologique, on note, une
autre insuffisance du pouvoir individualisé ; celle qui tient au
défaut d'unité juridique de la collectivité.
En effet, l'affermissement du sentiment national, impose la
nécessité de concrétiser dans une formule objective cette
communauté de vues d'aspirations et de réactions qui fait la
nation, de solidariser dans un concept durable, les membres actuels du groupe
avec les générations passées et à venir63(*).
Il se crée entre les hommes unis par le pouvoir dans
l'obéissance, un esprit national. D'où le besoin qu'au
delà du chef, être physique passager qui incarne le pouvoir qu'il
y ait une idée pour faire écho à une idée :
l'idée abstraite du pouvoir au sein d'une entité nationale
abstraite.
III. L'absence de
légitimité.
Sur le plan de l'aménagement
pratique de la collective, le pouvoir individualisé présente de
défauts que M. Hauriou explique : « avec la conception du
pouvoir individualisé aucune solution n'est apportée à la
question de la légitimité. On sait qui commande, mais on ignore
qui a le droit de commander. Ou plutôt ce droit n'apparaît que
lorsqu'il a été conquis de haute lutte par celui qui
prétend s'en arroger l'exercice. Mais la manière dont ce droit
s'affirme prouve l'insuffisance de son fondement. Si le chef doit d'abord
imposer son titre les armes à la main, si un échec
l'élimine définitivement, si la victoire le consacre, c'est donc
que le droit de commander réside en sa personne, associé à
sa chance ou à sa force. Or, demain la chance peut sourire à
d'autres, une force plus grande peut triompher et le droit de commander, comme
un butin suivra le vainqueur64(*). Et Burdeau de montrer que « cette
situation est fâcheuse à la fois pour les gouvernants dont
l'autorité dépend sans cesse de l'issue d'une rivalité
avec les pouvoirs rivaux65(*) et pour la masse de gouvernés parfois
incertaine du pouvoir véritable, toujours victime de luttes dont le
titre au commandement est enjeu. Que si le prestige du chef est suffisant pour
fonder sans contestation, sa vie durant son autorité, la question de la
légitimité se posera après lui et toute la vie nationale
sera suspendue au résultat du conflit qu'elle ne manquera pas de
provoquer66(*). N'est-ce
pas là la triste réalité de l'Afrique dont nous
parlons.
Jean Bodin67(*) estime que l'incertitude des successions dans
l'exercice de la fonction politique est, au point de vue pratique, le vice
essentiel du pouvoir individualisé.
Parlant des mobiles qui déterminent l'acceptation du
pouvoir, Burdeau explique que « les gouvernés voient en lui
l'agent de réalisation de l'idée de droit qu'ils
considèrent comme devant procurer la réalisation du bien commun.
Ses prétentions sont fondées dans la mesure où elles sont
commandées par le but social. Le pouvoir est ainsi dans sa raison
d'être solidaire de l'idée de droit »68(*); Admettre qu'il réside,
en toute plénitude, dans la volonté des gouvernants, laisse
subsister la question de la conformité de cette volonté avec les
services qu'implique l'idée de droit. Dans le « monde
féodal », J. Calmette traduit mieux cette préoccupation
par une interrogation. Comment pourra-t-on empêcher que les attributs de
l'autorité, la sanction, la puissance soient détournés de
leur fins pour être utilisés selon la convenance du chef ? Si
le pouvoir est pour lui une prérogative personnelle, rien ne s'oppose
à ce qu'il en fasse usage qu'il lui plait : maître du
pouvoir, on ne saurait sans contradiction lui contester la possibilité
d'en disposer à sa guise.
IV. Le danger d'arbitraire.
Dans « le bras
séculier », Casamayor cité par Georges Burdeau,
parlant du pouvoir individualisé, explique le sens du danger
d'arbitraire. Il affirme que « le but de toute organisation
sociale est d'empêcher le pouvoir d'être individualisé. A
partir du moment où un homme le considère comme son bien
personnel... on passe à l'organisation
arbitraire »69(*). Le danger de l'arbitraire est un défaut
auquel conduit le pouvoir individualisé. C'est le risque dit Burdeau que
l'autorité s'affranchisse de la règle sociale pour poursuivre des
fins personnelles70(*).
Pour expliquer les causes du pouvoir arbitraire, Etienne de la Böetie
cité par Burdeau71(*), fustige l'inertie des sujets. Il démontre
comment la tyrannie repose toute entière sur la volonté de
quelques individus s'opposant à la veulerie des sujets. De ce point de
vue, le tyran est le produit de l'abdication des sujets, selon la Boëtie,
l'arbitraire naît moins de la toute puissance du chef que de la faiblesse
de l'idée de droit nationale à exiger d'être
écoutée.
Après l'analyse de la notion du pouvoir
individualisé et de ses inconvénients dont l'idée
essentielle est qu'il est un obstacle majeur au processus de la formation de
l'Etat72(*), nous devons
aborder le problème de l'institutionnalisation du pouvoir ainsi que son
rôle dans la formation de l'Etat.
§ 3. Le pouvoir
institutionnalisé.
L'Etat est le cadre du pouvoir
institutionnalisé. L'intérêt d'une telle affirmation pour
nous, réside en ce que tout en admettant l'existence du pouvoir dans
d'autres groupes sociaux, « infra - étatique » ou
« supra - étatique », le pouvoir politique au sein
de l'Etat et même de l'Etat est spéciale et
caractéristique. La conséquence utile à tirer est la
possibilité d'établir un lien entre la définition de
l'Etat et « la forme du pouvoir ». De là il est
aisé de parvenir à la démonstration que la notion de
l'Etat au sens moderne sous toutes les facettes doctrinales est inconciliable
avec l'idée du pouvoir non institutionnalisé. Aussi,
l'explication de ce concept s'impose-t-elle pour en saisir le sens et en
découvrir l'impact dans la genèse de l'Etat.
I. Notion d'institution et pouvoir
institutionnalisé.
A. L'institution.
L'élucidation de la notion d'institution apparaît
comme préalable à la perception lucide de celle
d'institutionnalisation.
Parlant de la notion d'institution, Marcel Prélot,
explique que le mot « institution »
répété à dessein dans le titre de divers cours non
économiques - histoire des institutions, institutions judiciaires,
institutions internationales, institutions financières, se trouve ainsi
pris à la fois dans son sens pédagogique de « formation
élémentaire » et dans son sens sociologique de
« chose instituée », de création humaine par
opposition à ce qui provient de la nature73(*).
Malinowski, cité par A. Cuvillier, observe que
l'institution parvient à une existence propre transcendant ses
composants individuels auxquels on ne saurait la réduire74(*). La transcendance et la
séparation de l'institution par rapport aux individus qui la composent
est un élément très intéressant quant à son
application tant au pouvoir qu'à l'Etat.
B. L'institutionnalisation du
pouvoir et de l'Etat.
Nombreux sont d'éminents
publicistes qui définissent l' « Etat » comme
« pouvoir institutionnalisé ». Avec une
perspicacité et une clarté peu commune Georges Burdeau à
élaboré une profonde réflexion sur le thème et il
affirme que « l'Etat c'est le pouvoir
institutionnalisé »75(*).
Marcel Prélot déclare :
« l'Etat - pouvoir - et tel est son dernier trait essentiel - est
institutionnalisé »76(*); Parlant du pouvoir institutionnalisé, il
explique, que la puissance de l'Etat qui, physiquement, prime tous les domaines
où elle n'est pas primée elle-même par une autorité
étatique concurrente s'exerce selon des règles. Celles-ci,
suivant le degré de développement de l'Etat et la nature de
régime, sont plus ou moins complexes, plus ou moins précises,
mais un minimum de dispositions normatives est nécessaire à
l'existence même de l'Etat. L'institutionnalisation implique le pouvoir
étatique est un pouvoir s'exerçant selon les règles,
c'est-à-dire un « pouvoir de droit ». Ntumba Luaba
explique clairement cette notion : il y a institutionnalisation du pouvoir
lorsque le pouvoir appartient à une institution même s'il est
exercée par un individu. Grâce au processus
d'institutionnalisation, la désignation des gouvernants, l'exercice et
la dévolution du pouvoir s'effectuent selon les règles et des
procédures préétablies. L'Etat apparaît comme une
institution distincte de ses représentants qui les dépasse. Les
gouvernants exercent le pouvoir non en leur nom mais au nom de l'Etat, et pour
le compte de l'Etat. La propriété du pouvoir et son exercice sont
ainsi séparés par l'institutionnalisation77(*).
Rappelons encore cette pensée de la doctrine :
« les hommes ont inventé l'Etat pour ne pas obéir
aux hommes. Ils en ont fait le siège et le support de la puissance dont
ils éprouvent tous les jours la nécessité et le poids,
mais qui, dès lors qu'elle est imputée à l'Etat, leur
permet de se plier à une autorité qu'ils savent
inéluctable sans cependant être assujettis à des
volontés humaines. L'Etat est une forme du pouvoir qui ennoblit
l'obéissance. Sa raison d'être première est de fournir
à l'esprit une représentation de l'assise du pouvoir qui autorise
à fonder la différenciation entre gouvernants et gouvernés
sur une autre base que des rapports de forces »78(*).
A l'opposé du pouvoir individualisé qui s'exerce
sur la base de la tradition ou du charisme, le pouvoir institutionnalisé
est celui qui peut se réclamer de l'institution au nom de laquelle il
est exercé, l'autorité fondée sur la loi79(*). « Il y a enfin,
écrit M. Weber cité par G. Burdeau, l'autorité qui
s'impose en vertu de la légalité, en vertu de la croyance, en la
validité d'un statut légal et d'une compétence positive
fondée sur les règles établies rationnellement, en
d'autres termes l'autorité fondée sur l'obéissance qui
s'acquitte des obligations conformes au statut établi. C'est
là le pouvoir tel que l'exerce le « serviteur de
l'Etat moderne...»80(*). A-t-on trouvé ce serviteur au Congo ?
Là réside le problème.
II. Le rôle de
l'institutionnalisation dans la pérennité du pouvoir et de
l'Etat.
L'institutionnalisation assure la
permanence et la continuité du pouvoir de l'Etat. la durée et la
permanence du pouvoir et de l'Etat ne sont pas garanties sans
l'institutionnalisation. Pour que le pouvoir subsiste et se transmette, il faut
qu'il dépasse le stade individuel pour atteindre celui
d'impersonnalisation. Reprenant Bossuet, il écrit :
« O princes, vous mourrez, mais votre Etat doit
être immortel »81(*). Sans l'institutionnalisation, les gouvernements
ainsi que les sociétés qui se veulent Etats ne sont que les
phénomènes éphémères dans l'histoire.
Dans une société étatique, le pouvoir
institutionnalisé, existe en lui-même, indépendamment de
ses supports. La personne, le collège, l'Assemblée, le peuple en
corps assurent l'autorité, mais ne se confondent pas avec elle. Tel
individu, telle collectivité peuvent perdre le pouvoir. Il ne cessera
pas d'exister en lui-même82(*). C'est aux cimes de cette noble pensée que les
acteurs politiques africains et congolais doivent se hisser. C'est pourquoi
nous écrivons.
III. Processus
d'institutionnalisation et rôle du pouvoir institutionnalisé dans
la formation de l'Etat.
Au début du siècle Max
Weber, cité par D. Chagnollaud, a donné une définition
célèbre de l'Etat entendu comme « une entreprise
politique de caractère institutionnel dont la direction administrative
revendique avec succès, dans l'application de règlements, le
monopole de la violence physique, légitime »83(*). L'Etat est ainsi une forme de
pouvoir particulière, mais qui n'a pas existé de tout temps en
occident84(*) mais qui a
connu un processus lent de formation.
A. Processus
d'institutionnalisation.
Comme l'observe Marcel Prélot, l'institutionnalisation
est le fruit d'un long processus historique85(*).
De même G. Burdeau rappelle que l'institution
étatique ne s'est pas affirmée tout d'un coup sur le plan des
réalités juridiques ; elle ne s'est pas apparue à un
moment précis, ayant réalisé d'emblée la
plénitude et ses attributions et la perfection de sa technique.
Avec D. Chagnollaud, il y a lieu de rappeler le processus
d'institutionnalisation constatée dans les transformations sociales (la
décomposition de la féodalité), économique (le
développement de rapports marchands), politiques (la volonté de
pouvoir des princes), religieuses (la séparation progressive du pouvoir
temporel, accordé par l'Etat, du pouvoir spirituel de l'Eglise)86(*).
L'aboutissement du processus d'institutionnalisation s'est
traduite par l'émergence de notamment quatre principes qui ont
profondément transformé les rapports du pouvoir et des
gouvernés :
1°. - La dissociation
progressive de l'Etat de la personne de ses dirigeants (princes,
monarques).
Désormais, les gouvernants exercent une fonction au nom
de l'Etat dont ils sont les organes. Sous la monarchie, la personne du roi se
confond avec l'Etat (d'où la formule prêtée à Louis
XIV, « l'Etat c'est moi »). Nous pensons que cette
situation comme nous le verrons dans la seconde partie est similaire, celle
des sociétés traditionnelles africaines et des certains pays
africains contemporains, la République Démocratique du Congo
inclus.
Mais, en occident, il s'est opéré avec le temps
la distinction même relative entre le roi et la couronne, entre le
patrimoine du premier et celui de la seconde, entre la fonction et son
titulaire (ainsi des règles organisant la succession monarchique qui
assurent la continuité de la fonction royale au delà de la
disparition physique du monarque)87(*).
2°. - L'action des
gouvernants est soumise à des règles.
L'action des gouvernants comme de ceux
placés sous leur autorité (les fonctionnaires) s'effectue non en
fonction de leur bon plaisir, mais en vertu de règles
générales, stables, impersonnelles, obligatoires, organisant
leurs attributions et les limitant.
3°. - L'Etat a le monopole
de la contrainte légitime.
L'Etat institution
différenciée de la société, est doté d'un
appareil administratif et répressif qui va, progressivement, assurer son
autorité exclusive sur un territoire. Il a le monopole de la contrainte,
c'est-à-dire, si besoin par la force (ce qui exclut, par exemple, la
justice privée) dont l'usage est légitime.
4°. - Les règles de
l'Etat sont consenties par les gouvernés.
Les dispositions, fixant le statut des
gouvernants et plus largement celui des agents de l'Etat, comme celles visant
les gouvernés ; font l'objet d'un consentement formel de ces
derniers dans les Etats démocratiques. Pour nous, le mérite de
ces principes c'est leur objectivité et leur neutralité par
rapport au souci de vérification de l'institutionnalisation d'une forme
de pouvoir ou d'une forme de société. Ils peuvent nous permettre
un essaie d'application aux pays africains, et au Congo-Kinshasa, en vue de
mesurer objectivement leur degré d'institutionnalisation.
Ainsi comme la forme d'autorité adossée à
un statut est un aboutissement ou, mieux encore, une solution qui, à
l'expérience, s'est montrée adéquate à plusieurs
problèmes que, dans un groupe politiquement évolué posent
l'existence et l'activité du pouvoir. Il y a eu dit-t-il
« l'adaptation de formes politiques à des besoins sociaux
inédits. Mais l'adaptation n'est pas le fait du hasard, c'est la logique
vécue »88(*).
B. L'impact du
pouvoir institutionnalisé sur la genèse de l'Etat.
Un regard rétrospectif dans la
société occidentale renseigne que le pouvoir
considéré sous son apparence historique, c'est-à-dire des
chefs a une large part dans la construction de l'Etat. La création de
l'Etat, par le fait de la mutation du pouvoir n'est pas une
génération spontanée. L'institutionnalisation implique que
l'idée dont elle est tributaire ait de l'emprise sur les consciences et
crée un environnement favorable. G. Burdeau affirme que
l'institutionnalisation est ainsi « le résultat d'un
phénomène de psychologie collective »89(*).
Il explique le rôle des chefs, détenteurs du
pouvoir de fait dans la création de l'institution étatique.
Nous suivons ce rôle à trois niveaux, avec G.
Burdeau. D'abord la recherche de la légitimité par le
chef pour se purifier du phénomène de force auquel il doit sa
situation prépondérante ; ensuite la recherche de la
continuité du pouvoir pour assurer sa succession, et enfin la
recherche de la supériorité de ses compétences
sur les autres, relative au problème de la souveraineté.
1. La recherche de la légitimité.
En dehors de l'institutionnalisation au sens où nous
venons de l'expliquer, il n'existe pas de solution au problème de la
légitimité. Or il s'agit d'un problème aussi grave pour
les gouvernés qui doivent subir les caprices d'un pouvoir arbitraire,
que pour le gouvernant qui doit souffrir à chaque instant des menaces
des pouvoirs concurrents susceptibles de mettre définitivement un terme
à son pouvoir.
L'avantage de l'institutionnalisation est de purifier le
pouvoir quelle que soit sa source du péché originaire. G. Renard
cité par Burdeau, constate à juste titre, qu'il y a toujours
quelques traces de force à l'origine du pouvoir ; or dans
l'institution ce péché est effacé, le vice du point de
départ ne réfléchit pas jusqu'au point
d'arrivée : il se produit une purification en cours de
route »90(*).
C'est pourquoi, même le chef le plus despote est préoccupé
par un minimum d'idée de droit, c'est-à-dire institutionnelle.
Mais non pour favoriser une construction juridique de l'Etat mais pour placer
son titre à l'abri de revendications des rivaux redoutables d'une
défaillance de la force ou d'un abandon de la chance91(*). C'est mus par cette
préoccupation, comme l'explique P. Mesnard cité par G. Burdeau,
que les gouvernants doivent donc inventer et faire accepter par le groupe, un
fondement de leur légitimité qui mette leur situation à
l'abri de l'instabilité92(*).
Ainsi, la légitimation du pouvoir monarchique en Europe
occidentale n'eut pour solution que de rattacher directement les
prérogatives du principe au droit valable dans la communauté. Ce
fut l'unique solution susceptible d'assurer l'exercice du pouvoir sans en
compromettre son indépendance.
L'évolution à signaler est que par la force des
choses, le prince devait se tourner vers l'idée que le droit crée
la légitimité et admettre que le pouvoir n'était pas un
effet des qualités personnelles des gouvernants, mais une
conséquence de l'idée de droit elle-même, son prolongement
en quelque sorte93(*).
Il en est résulté que le pouvoir devenait une
entité abstraite exigeant un support de même nature. Ce support
c'est l'institution étatique.
2.La recherche de la continuité du pouvoir.
La durée du pouvoir comme sa
légitimité est aussi la hantise des gouvernants. Historiquement
les chefs détenteurs originaires du pouvoir ont cherché à
résoudre ce problème en créant une
hérédité dans leur famille pour mettre le pouvoir à
l'abri des compétitions.
En France, la continuité du pouvoir s'est introduite
avec les premiers capétiens. Mais la continuité fut bien
précaire car de fait. Plus tard, elle se consolidera au moment où
le Roi obtint que, le Roi régnant encore, le sacre fut
considéré à son fils aîné. Comme l'observe
Fr. Ozamam, cité par Viollet, une signification nouvelle94(*) : celle que le Roi
sanctionnait la dévolution du pouvoir conformément au statut
organique de l'institution. Le Roi n'est plus le titulaire de la puissance
souveraine, il n'en est que le dépositaire.
Dans la souveraineté et les limites du pouvoir
monarchique du XVè siècle, M. David montre que
« pour connaître ce titulaire, il faut imaginer l'institution,
car c'est en elle que le pouvoir trouve son véritable siège. Le
sacre est alors l'acte d'investiture des gouvernants, celui en vertu duquel
leur est dévolu l'exercice d'un pouvoir antérieur et
supérieur à eux »95(*). On peut facilement comprendre que
l'hérédité a pu être érigée en loi
fondamentale du royaume. Lhommeau estime à juste titre que
l'hérédité exprime, en effet un véritable principe
constitutionnel en ce sens que, d'une part, elle s'appuie sur l'existence
objective du pouvoir, c'est-à-dire de l'Etat, et d'autre part, fonde
l'autorité légale des gouvernants96(*).
Nous découvrons comme beaucoup l'admettent que
l'empirisme organisateur qui fut la méthode des rois de France a
porté une pierre à l'édifice qui devait leur survivre.
Avec eux une idée qui ne serait pas ruinée par la chute de leurs
dynasties comme le dit Burdeau avait germé : l'idée de
l'Etat. « Prodige de la science théorique, allié
à une connaissance jamais dépassée du coeur de l'homme et
des nécessités du gouvernement, la notion d'Etat, à
laquelle il n'est pas un esprit cultivé du IVème
siècle qui n'ait apporté sa contribution, était
définitive parce que fondée sur les données immuables de
la vie politique »97(*).
3. La recherche de la souveraineté.
Ici se pose le problème de supériorité
des compétences des gouvernants sur toutes forces rivales
éventuelles. Dans un régime de pouvoir individualisé, le
chef ne pourra imposer ses volontés, en cas de résistance des
gouvernés ou des groupes secondaires qu'en les faisant prévaloir
par la force. Ces décisions ne priment que par la situation personnelle
de l'individu dont elles émanent. Cette situation est extrêmement
fragile. Ainsi pour que les gouvernants assurent d'une façon
indiscutable leur monopole dans le pouvoir de décision, il leur faut en
chercher la source ailleurs que dans une qualité particulière de
leur volonté. Et c'est par l'affirmation de la solidarité entre
l'idée de droit et le pouvoir que les gouvernants ont pu faire
prévaloir la supériorité de leur compétences. Sous
cet angle, la solution désirée n'a été possible que
par la construction juridique de l'Etat. C'est de cette construction que nous
parlons pour l'émergence de l'Etat et pour sa stabilité au
Congo-Kinshasa.
Pour que l'autonomie du Pouvoir fut définitivement
acquise, il fallait que la supériorité inconditionnée des
décisions gouvernementales trouve une justification qui
dépassât la personnalité éphémère du
monarque. L'institution étatique fournit précisément cette
justification parce qu'elle représente l'ordre juridique requis par le
service du bien commun, l'institution fonde l'imperium du Roi. Ainsi c'est sur
la concordance entre la finalité du pouvoir et celle de l'idée
de droit que repose la supériorité de la volonté des
gouvernants.
C. L'acte
d'institutionnalisation.
Nous convenons avec G. Burdeau que l'acte
d'institutionnalisation est l'acte créateur de l'Etat.
La question de savoir par quel acte s'opère
l'institutionnalisation du Pouvoir est pertinente dans la mesure où elle
permet de comprendre les caractères généraux, sa nature
juridique et ses effets. Cela est d'autant plus important que dans l'acte
d'institutionnalisation, il est possible de voir l'incidence du droit sur la
formation et la stabilité de l'Etat de peser le poids de la constitution
sur l'émergence et le suivie de l'Etat.
1. Les caractères généraux de l'acte
d'institutionnalisation.
L'institutionnalisation du Pouvoir est l'opération
juridique par laquelle le Pouvoir Politique est transféré de la
personne des gouvernants à une entité abstraite : l'Etat.
L'effet juridique de cette opération, c'est la création de l'Etat
comme support du Pouvoir indépendant de la personne des gouvernants
d'une part et la distinction entre le pouvoir et les individus qui en exercent
les facultés d'autre part98(*).
L'acte d'institutionnalisation opère ainsi une
transformation du pouvoir considéré sans exagération comme
un phénomène capital dans l'histoire des sociétés
politiques, et l'on admet que l'institutionnalisation du Pouvoir permet, en
effet, au groupe de poursuivre, selon une technique plus perfectionnée,
la recherche du bien commun99(*).
2. La nature juridique de l'acte
d'institutionnalisation.
Le problème est de savoir si
l'acte d'institutionnalisation est un simple fait comme la conquête ou
comme la différenciation entre gouvernés et gouvernants ou est -
ce un acte juridique.
Dans le débat sur la genèse de l'Etat
Carré de Malberg, observe qu'au point de vue juridique, la question de
la formation de l'Etat n'est point de savoir quelles sont les causes profondes
qui ont suscité l'Etat, mais bien quel est l'acte positif qui lui donne
directement naissance. Or il est manifeste que cet acte ne peut être
qu'un acte humain et, par suite, un acte de volonté humaine. Nous
épousons le point de vue de ceux comme Malberg et Burdeau qui
soutiennent que quels que soient les évènements historiques qui
ont provoqué l'opération, celle-ci présente toujours des
traits identiques : il y a création d'un support impersonnel des
prérogatives du Pouvoir. L'acte d'institutionnalisation se traduit
toujours sous la même forme qui est la constitution100(*). Et cette constitution est
un acte juridique101(*).
Cette position est compréhensible dans le sens que seule
l'institutionnalisation, acte juridique explique la nature juridique de l'Etat.
L'analyse des fonctions de la constitution au regard de ce que nous venons de
dire sur l'institutionnalisation justifie bien le point de vue selon lequel
l'acte d'institutionnalisation est de nature juridique.
D. Les fonctions
constitutionnelles et l'institutionnalisation du Pouvoir.
En effet, la constitution est la
source de légitimité, l'expression d'une philosophie politique
et, elle définit le statut des gouvernants102(*).
1. La constitution, source de
légitimité.
Quelques principes démontrent la
validité de cette assertion :
- le fondement de l'autorité des gouvernants
réside dans le fait qu'ils ont été désignés
conformément à la constitution ;
- L'obéissance qui est due à leurs actes,
procède, non de leur personne ou d'une source extérieure, mais de
la constitution elle-même;
- Toute autorité investie conformément à
la constitution donc toute autorité légale, est
présumée légitime. Le consentement populaire à la
constitution fait présumer de l'adhésion des citoyens à
une autorité qui exerce ses pouvoirs en application de la
constitution.
2. La
constitution, statut des gouvernants.
Comme l'observe Jacqué, c'est la
fonction la plus évidente de la constitution dont une simple lecture
permet de rendre compte. La constitution institue les pouvoirs publics, fixe
leurs compétences et règle leurs rapports. C'est donc en fonction
de ces règles que l'on appréciera la légalité de
l'action des pouvoirs publics103(*).
CHAPITRE II. L'AVENEMENT DE
L'ETAT
L'Etat est-il un phénomène spécifique ou
un phénomène commun à la nature humaine ? Si on admet
la spécificité du phénomène étatique, on
reconnaît par là que l'Etat n'est pas aussi vieux que le monde ni
aussi rependu que l'espace. C'est aussi reconnaître avec Marcel
Prélot que l'Etat est un phénomène humain localisé
géographiquement, la carte étatique ou politique ne
s'étant jamais superposé exactement à la carte physique
du monde habité et habitable »104(*). Nous ne pouvons dire de
l'Etat comme du droit : « ibi societas ibi
jus »105(*).
Il importe de préciser :
- l'étymologie, et les sens du terme Etat ;
- les éléments constitutifs de l'Etat ;
- les théories sur La formation de l'Etat.
Le terme Etat vient du latin « status »
traduisant une certaine position, celle d'être débout et aussi,
l'idée d'une stabilité de situation. Ce vocable n'ayant pas
à l'origine un sens précis prend une signification politique,
grâce à l'adjonction du terminatif « Rei
romanae » ou « Rei publica », l'état de la
chose romaine, ou de la chose publique, ou encore l'état de la
République. Au fil des temps le mot « status » sans
son complément mais avec une majuscule se suffira à
lui-même. C'est en Italie que le mot fut utilisé pour la
première fois au XVème siècle par Nicolas
Machiavel106(*) dans son
ouvrage le « Prince » où il précise :
« Toutes les dominations qui ont eu ou ont autorisé sur
les hommes sont des Etats, et sont ou Républiques ou
Principautés », « Tutti sono stoat e sono o
Republiche o Principati » c'est de la sorte, explique Marcel
Prélot que le terme « stato » s'introduit dans la
langue moderne avec le sens qu'il conservera désormais de
l'institution politique en soi située au dessus des
régimes particuliers. Le mot stato se trouve bientôt
transposé en allemand (straat) et en Anglais (state). Il se rencontre
déjà dans l'oeuvre de Shakespeare, Hamlet où il est
dit : « il y a quelque chose de pourri dans l'Etat du
Danemark107(*) ». Quant au sens qu'il faut donner
à l'Etat, on retient deux sens distincts : celui de l'Etat- Nation
désignant la Nation elle-même et, celui de l'Etat - Gouvernement
désignant l'ensemble des institutions gouvernementales d'une
Nation108(*). Ainsi on
parle respectivement du sens large et du sens restreint. L'Etat étant
une abstraction par le concept ne serait pas perceptible sans ses
éléments constitutifs.
Sans certains éléments, l'Etat ne serait
nullement perceptible du fait de sa nature abstraite. Gaston Jèze
disait : «Je n'ai jamais dîné avec
l'Etat ».109(*)C'est vrai que nul n'a rencontré l'Etat car
personne morale, mais comme le fait remarquer G. Burdeau, personne n'a jamais
vu l'Etat, mais qui pourrait nier cependant sa
réalité ? .Un certain nombre de signes (existence des
gouvernants, des services d'un territoire, des cartes et le pointillé
des frontières, une population, des règles obligatoires, un
gendarme et un juge chargés d'intervenir en cas de violation de ces
normes....) constituent autant d'approches conduisant à l'Etat, sans
toutefois faire de l'Etat une phénoménologie tangible110(*). Comme le dit Burdeau,
« l'Etat est au sens plein du terme, une idée » un
concept que les juristes essayent de saisir à travers des
éléments que certains qualifient de
« constitutifs » et d'autres de « conditions
d'existence ». Ces éléments sont le territoire,
la population et le gouvernement effectif ou autorité publique
(puissance publique). Pour Burdeau, les facteurs précités
constituent les conditions d'existence de l'Etat. Il explique qu'en
réalité quelle que soit l'importance du rôle joué
par ces éléments dans la genèse et dans l'Etat
lui-même, c'est déformer leur signification que de voir en eux des
parties intégrantes de l'Etat. Il estime que d'anciennes et respectables
habitudes d'esprit nous invitant à confondre l'Etat tantôt avec un
territoire, tantôt avec la population, tantôt avec une combinaison
de ces deux éléments unis sous une autorité commune sont
des conceptions erronées111(*). Le même auteur déplore de fait que
l'immense majorité des auteurs n'hésite pas à voir en eux
les éléments constitutifs de l'Etat. Ainsi presque tous les
traités de droit constitutionnel situent l'étude de la nation et
du territoire sous une rubrique qui semble traditionnelle ; les
éléments constitutifs de l'Etat112(*). L'observation de Georges Burdeau ne manque pas de
pertinence car la confusion entre l'Etat et l'un des facteurs préalables
à sa formation laisse voir l'Etat même là où il ne
s'est pas encore formé. Nous croyons pour notre part que sans
méconnaître le talent des auteurs congolais113(*) alignant l'étude du
territoire, de la population et de l'organisation politique, sous le titre
d'éléments constitutifs de l'Etat, il est
préférable d'opter pour les conditions d'existences de l'Etat
préconisées par Georges Burdeau. Pour nous, la raison en est
simple, si les éléments précités pris isolement ou
cumulativement étaient constitutifs de l'Etat au sens plein du terme,
l'actuelle Palestine autant que les anciennes colonies seraient des Etats car
toutes disposant d'une population, d'un territoire et dune puissance publique.
En plus, comme l'observe Burdeau, l'Etat est concept et institution, ce que ne
sont ni le groupe social, ni le territoire, lesquels préexistent
à l'Etat et conditionnent son existence114(*).
Le Droit international public confirme également la
théorie de trois éléments115(*), ainsi la Commission
d'Arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie du 29 novembre
1991 a rappelé que « l'Etat est communément
défini comme une collectivité qui se compose d'un territoire et
d'une population organisée ». cette définition nous
semble moins satisfaisante pour la raison que nous avons déjà
avancée. Elle ne nous semble pas complète au point de rendre
compte de la spécificité du phénomène
étatique. Même en droit international public la doctrine va
au-delà de ces trois éléments, tel que nous le verrons
plus loin. Cependant, il est extrêmement utile de comprendre le
rôle joué par le territoire, la population et la puissance
publique dans la formation de l'Etat. La question qui mérite
d'être posée est celle de savoir si un pays qui perdrait
simultanément ces trois éléments ou circonstanciellement
l'un d'eux peut conserver sa qualité d'Etat. La position prise par
Burdeau offre un élément de réponse :
« sans eux, l'Etat disparaît, non parce qu'ils sont sa
subsistance, mais parce qu'il n'aurait plus sa raison d'être116(*). Nous débattrons de
cette question dans la seconde partie consacrée à une sorte
d'autopsie de l'Etat « congolais ». Tour à
tour, voyons ce que représente chacun des éléments
précités.
Il importe de comprendre comment l'Etat se forme. Plusieurs
théories sont élaborées. Elles tentent d'expliquer la
genèse de l'Etat soit par la formation juridique, soit par la formation
extrajuridique.
Section 1 : La formation juridique de l'Etat.
L'école qui soutient la thèse du fondement
juridique de l'Etat englobe les auteurs pensant que l'Etat est une formation
politique voulue et réalisée consciemment, donc d'origine
conventionnelle117(*).
Trois auteurs se sont rendus illustres dans la défense des
théories dites du contrat : Thomas Hobbes et Jean Jacques Rousseau
pour le contrat social et John Locke pour le contrat politique.
§1. La
théorie du contrat social.
I. Selon Thomas Hobbes.
A. Présentation de la
théorie.
Dans Léviathan paru en 1650, Thomas Hobbes
explique : « les hommes sont égaux par nature. La nature
a fait les hommes à ce point égaux en ce qui concerne les
facultés du corps et de l'esprit que..... le plus faible en a assez pour
tuer le plus fort, soit en usant de ruse, soit en s'alliant à d'autres
qui sont menacés du même danger que lui... Il est donc ainsi
manifeste que, tant que les hommes vivent dans une puissance commune qui les
maintienne tous en crainte, ils sont dans cette condition que l'on appelle le
guerre, et qui est la guerre de chacun contre chacun... »118(*).
Dans cette guerre permanente et générale Hobbes
tire une autre conséquence ; l'absence des notions du droit et du
tort, de la justice et de l'injustice. Dans la société qu'il
décrit, il n'y a pas de loi. La force et la ruse y sont les deux vertus
cardinales119(*).
L'auteur assimile ici, le droit de la nature à « la
liberté que chacun a d'user de sa puissance propre comme il
l'étend, pour la préservation de sa propre vie. Et, que la
condition humaine est une condition de guerre de chacun contre chacun,
où chacun est gouverné par sa propre raison, et de ce que, pour
préserver sa vie contre ses ennemis, il n'est aucun moyen qui ne puisse
être de quelque utilité, il s'en suit que dans une telle
condition, chacun a droit sur toutes choses, même sur le corps des
autres... »120(*).
Ce qui nous intéresse ici, c'est l'observation des
faits dans les pays africains qui semblent curieusement correspondre aux
conditions pré-étatiques décrites par Thomas Hobbes. Il y
a lieu de penser que certains pays de la sous- région africaine des
grands lacs, le Burundi, le Rwanda et le Congo - Kinshasa auraient choisi de
revivre l'Etat de nature. Cela étant, il est bénéfique de
réfléchir sur les voies de sortie et, c'est ce que nous entendons
poursuivre dans notre étude. Déjà Hobbes, fournit une
explication qui pourrait être une proposition de solution possible.
Aussi poursuit-il son analyse :
« la justice et la propriété
commencent avec la constitution de l'Etat... ». Avant donc que l'ont
puisse user des mots « juste » et
« injuste ». Il faut qu'il y ait une puissance coercitive
d'une part, pour contraindre également les hommes à
l'exécution de leurs pactes par la terreur d'autre part, pour leur
confirmer la propriété de ce qu'ils acquièrent par contrat
mutuel en compensation du droit universel qu'ils abandonnent ; et, une
telle puissance il n'y a en a point avant l'établissement de l'Etat.
L'Etat est présenté comme un homme :
« homme - Etat », un homme puissant à qui tous les
membres de la communauté abandonnent leurs droits et leurs
libertés. L'homme - Etat, le Léviathan est souverain absolu. Dans
la deuxième partie de son oeuvre Thomas Hobbes montre que la naissance
de l'Etat se fait par un pacte créateur121(*).
B. Portée et limites de
la théorie.
La théorie de Hobbes a
influencé largement le XVIIè siècle, surtout en
France où elle fut exploitée par Bossuet pour donner un fondement
doctrinal à la monarchie absolue de Louis XIV122(*). Cette théorie a
suscité bien de critique parmi lesquelles nous retenons celle que le
pacte créateur de l'Etat dont parle l'auteur est loin d'être un
contrat, car le Léviathan prend tout le souverain qui serait l'une de
partie au contrat, prend tout, tandis que les sujets renoncent à tout.
Il n'y a ni concours de volonté comme dans un contrat classique ni
égalité de liberté. La théorie du Léviathan
sera exploitée et complétée par Jean - Jacques
Rousseau.
II. Selon Jean Jacques Rousseau.
A. Exposé de la théorie.
Comme Thomas Hobbes, Jean Jacques Rousseau part
également de l'Etat de nature. Dans le « contrat
social » Jean Jacques Rousseau explique l'état naturel des
hommes où à l'origine tous étaient égaux, libres,
indépendants et bons. Parlant de premières
sociétés. Il dit : « la plus ancienne de toutes
les sociétés, et la seule naturelle, est celle de la
famille : encore les enfants ne restent liés au père
qu'aussi longtemps qu'ils en ont besoin. Dès qu'il cesse, le lien
naturel se dissout. Les enfants exempts de l'obéissance qu'ils devaient
au père ; et le père exempt des soins qu'il devait aux
enfants, rentrent tous également dans l'indépendance. S'ils
continuent de rester unis, ce n'est plus naturellement, c'est
volontairement ; et la famille elle - même ne se maintient que par
convention. Cette liberté commune est une conséquence de la
nature de l'homme. Sa première loi est de veiller à sa propre
conservation, ses premiers soins sont ceux qu'il se doit, à lui et
sitôt qu'il est en âge de raison, lui seul étant juge des
moyens propres à le conserver, devient par là son propre
maître123(*). Pour
Rousseau, la famille est premier modèle des sociétés
politiques : le chef étant l'image du père, le peuple
l'image des enfants et tous étant nés égaux et libres
n'aliènent leur liberté que pour leur utilité124(*). Parlant d'un tel postulat,
l'auteur s'interroge sur le paradoxe que l'homme né libre soit partout
dans les fers. En cherchant une explication, il montre que c'est la
propriété privée, engendrée par l'invention de la
métallurgie, et de l'agriculture, qui va dénaturer l'homme en
suscitant inégalement, richesse et misère, rivalités et
passions, introduisant ainsi le malheur dans l'état de nature. La
nécessité du contrat social apparaît lorsque les hommes
sont « parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent
à leur conservation dans l'état de nature l'emportent par leur
résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se
maintenir dans cet état125(*) ».
Sentant la nécessité qu'il y avait à
mettre en commun la gestion de leurs intérêts, les hommes ont
renoncé à leur liberté de plein gré par un accord
général que Rousseau appelle le contrat social qui est le
fondement de l'Etat. L'Etat serait ainsi l'association politique librement
formée par les participants au contrat social, la souveraineté de
l'Etat, c'est la volonté générale des contractants, la
somme de leurs volontés individuelles ; les libertés ou
droits individuels seraient cette part de la liberté primitive qui
n'aurait pas été restituée par le corps social126(*).
B. Critique de la
théorie.
L'un de grief fait à la
théorie de Rousseau est l'absence des traces historiques du contrat
social.
§2. La
théorie du contrat politique de John Locke.
I. Exposé de la théorie.
John Locke (1632 - 1704) s'efforce d'expliquer le pouvoir
politique, partant de l'Etat de nature à la société
civile. Dans « essais sur le pouvoir civil », John
Locke dit que pour bien comprendre ce qu'est le pouvoir politique et pour
remonter à sa source, il faut considérer l'Etat dans lequel tous
les hommes se trouvent naturellement : c'est un état de parfaite
liberté, là ils règlent leurs actions et disposent de
leurs biens et personnes ; ils l'entendent dans les limites de la loi
naturelle, sans demander d'autorisation, ni dépendre d'aucune autre
volonté humaine, c'est aussi un état d'égalité,
dans lequel tout pouvoir et toute juridiction sont réciproques, personne
n'en ayant plus qu'un autre...127(*). Il enchaîne qu'il n'y a de
société politique que là et là seulement où
chacun des membres a renoncé à ce pouvoir naturel, et l'a
cédé à la communauté pour tous les cas où il
ne lui est pas possible de recouvrir à la loi établie par
elle.... c'est ainsi que l'Etat en vient à détenir le pouvoir de
fixer le châtiment dont il juge convenable de sanctionner les
différentes transgressions commises parmi les membres de cette
société, ce qui constitue le pouvoir de faire des lois : il
possède en même temps celui de venger le tort fait à l'un
de ses membres par quelqu'un qui ne l'est pas, c'est le pouvoir de paix et de
guerre.... En conséquence, chaque fois qu'un certain nombre d'hommes,
s'unissant pour former une société, renoncent, chacun pour son
compte, à leur pouvoir de faire exécuter la loi naturelle et le
cèdent à la collectivité, alors et alors seulement
naît une société politique ou civile.... Les hommes sortent
donc, de l'Etat de nature et forment une société civile,
lorsqu'ils instituent un juge qui ait autorité pour régler les
litiges et réparer les torts susceptibles d'être faits aux membres
de celle-ci.... Il est clair, dès lors que la monarchie absolue,
considérée par certains comme le seul gouvernement au monde, est
en fait incompatible avec la société civile, et qu'elle ne peut
même pas, par suite, constituer une forme de pouvoir civil128(*).
Poursuivant son analyse, Locke explique que dans une
société civile personne ne peut se soustraire aux lois qui la
régissent. Il montre que grâce au consentement de chaque individu,
ils ont formé une communauté, en constituant du même coup,
celle-ci en un corps, avec le pouvoir d'agir comme un seul corps, et que cela
n'est possible que par la volonté et la décision de la
majorité de ses membres129(*). Les membres de la communauté conviennent
ainsi de former un corps politique soumis à un gouvernement, chacun
s'engage, vis-à-vis de chaque membre de cette société,
à se soumettre à la décision de la majorité et
à se laisser diriger par elle. Il faut voir ici, une
délégation de pouvoir résultant de la simple convention de
former une société politique qui constitue l'unique contrat
nécessaire des individus entrent dans un Etat ou en créent un
nouveau.
Plus que Hobbes et Rousseau, Locke procède,
d'après nous, à une analyse mieux étoffée en ce
qu'elle permet une compatibilité entre le processus de la formation de
l'Etat société politique ou civile et le concept de
liberté. Il émet des hypothèses théoriques qui nous
semblent bénéfiques dans l'appréciation du processus de
formation des « Etats africains » et surtout de
l'«Etat » au Congo-Kinshasa. Il est important de saisir
toute la partie de ce qu'il dit ailleurs : « ainsi ce qui
donne naissance à une société politique, ce qui l'institue
effectivement, n'est autre chose que le consentement par lequel un certain
nombre d'hommes libres, prêts à accepter le principe majoritaire,
acceptent de s'unir pour former un seul corps social. C'est cela et cela encore
qui pourrait donner naissance à un gouvernement
légitime »130(*).
En résumant la théorie de Locke, il y a lieu
d'établir un rapport entre le contrat social et le contrat politique.
Ainsi, le contrat social serait une entente entre les futurs sujets de l'Etat
se mettant d'accord, à un moment donné, pour abandonner leur
liberté et établir, au dessus d'eux, le pouvoir politique, ce qui
est malaisé à croire. Le contrat politique serait au contraire,
seulement un accord entre personnages ou corps politiques constituant
déjà des cadres sociaux de la nation ou des organisations
sociales antérieures à l'Etat, qui s'entendent pour
établir un pouvoir politique, central et créer un Etat131(*).
II. Appréciation critique de
la théorie.
La théorie de John Locke a
beaucoup influencé les révolutionnaires en Angleterre, aux
Etats-Unis et en France du XVIIè au XVIIIè
siècle. Son explication semble confirmée par certains
événements historiques. On citera à titre d'exemple, la
Grande Charte que Jean sans Terre en Angleterre, conclut en 1215 avec les
Barons féodaux. On peut citer également, l'exemple des anciennes
colonies britanniques de l'Amérique du Nord, qui ont crée une
confédération, transformée ensuite en une
fédération en 1787 ; on cite enfin la charte
française de 1830, présentée à la suite d'une
entente entre le Duc d'Orléans, qui allait monter sur le trône
sous le nom de Louis - Philippes, et les assemblées législatives
de la restauration, chambres des pairs et chambres des députés
qui étaient restées en place132(*). Bien que plus proche de la réalité,
la théorie de Locke n'a pas manqué de susciter quelques
critiques.
Le professeur Marcel Lihau observe : « des
contrats politiques ont existé, mais ils ont eu un caractère
accidentel : tous les Etats ne sont pas issus de ces contrats.
D'ailleurs,... on peut se demander si ces contrats n'ont pas été
plutôt à l'origine des régimes politiques (c'est - à
- dire de la façon d'aménager l'Etat) que des Etats eux-
mêmes »133(*).
D'autres griefs sont faits à la théorie de Locke
en ce que même en admettant l'existence des contrats politiques à
certains moments de l'histoire, ces contrats ont très vite perdu leur
caractère contractuel et ont été traité comme des
lois. Sous cet angle, on considère que dès la fin du
XVIIIème , la Grande Charte était perçue comme
vieille et véritable coutume, sur laquelle les héritiers des
contractants n'avaient pas le droit de pouvoir134(*) ; De même,
estime-t-on, le soi-disant caractère conventionnel de la constitution
de 1787 n'a pas empêché les Etats du Nord, en 1861, de s'opposer
à la sécession des Etats du Sud et de leur imposer par la force,
après une guerre de cinq ans, de rester dans l'Union et la Charte
française de 1930 a été appliquée comme une loi
aussitôt après son établissement135(*).
A notre avis, ces critiques ne suffissent pas à
conclure au rejet de la théorie du contrat politique de la même
manière que celle du contrat social comme le font certains
publicistes136(*) car si
à l'origine les actes apparemment ou fondamentalement contractuels
trouvent une exécution plus ou moins renforcée dans les
générations futures, cela ne devrait pas servir de mesure au
caractère contractuel originaire. En plus, l'impact du contrat ou pacte
politique sur la mutation, de la société naturelle, à la
société politique nous paraît évident. Parmi les
publicistes et d'autres auteurs qui ont apprécié les
théories sur la genèse de l'Etat, et plus particulièrement
sur les thèses contractuelles, Burdeau nous semble-t-il, est allé
bien plus loin et a été plus complet. Tout en reconnaissant avec
d'autres, l'incapacité des idées de Rousseau et de Hobbes de
rendre compte de la formation de l'Etat, il voit derrière l'idée
du contrat une intuition exacte. C'est que l'Etat n'est pas brutalement
imposé par une loi naturelle ou par la force de quelques uns ; il
est une oeuvre des hommes. OEuvre plus ou moins volontaire sans doute, mais qui
réclame, sinon de tous une participation active, du moins un
consentement, une adhésion. Des théories du contrat, Burdeau
estime que c'est là ce qui doit être retenu137(*). C'est aussi notre avis.
Dans la réflexion qui nous préoccupe, à savoir
l'émergence et la stabilisation de l'Etat en Afrique en
général et au Congo-Kinshasa en particulier, il est important
d'avoir présent à l'esprit, le rôle primordial de la
volonté humaine dans la construction de l'Etat. Sans anticiper, nous
voulons ainsi dire que l'Etat ne peut se créer ni par baguette magique
à coup de décret, d'ordonnance ou des lois fondamentales non
voulues, ni par la force. C'est là une idée qui peut bien
être exploitée par les gouvernants et les gouvernés pour la
consolidation des Etats africains. D'autres facettes de la thèse du
contrat explorées par Burdeau bien que révélant beaucoup
de limite, n'offrent pas moins des pistes de réflexion utiles. Aussi,
découvrons avec lui la première figure du contrat social, le
« pactum subjectionis »138(*). L'idée du pactum
subjectionis, « pacte de
sujétion »139(*) fut celle de l'Eglise affirmant que le pouvoir
vient de Dieu par le peuple selon la formule attribuée à Saint
Paul : « omni potestas a Deo per populum ».
une fois adoptée par les publicistes, cette doctrine donna naissance
à l'idée d'un contrat de souveraineté par lequel la
collectivité transférait ou aliénait ses droits à
un souverain, à des conditions à propos desquelles d'ailleurs,
selon Gierke140(*)
régnait une grande imprécision. La caractéristique de ce
contrat, est qu'il est politique et non sociologique, « pactum
societatis ». ce contrat fonde l'Etat et non la
société. L'avantage de cette idée est que lorsqu'au
XVIème siècle, les Monarchomaques en firent le pivot
de leur théorie politique, c'est par le pacte de sujétion qu'ils
expliquèrent la position respective du peuple et du monarque en
même temps qu'ils en firent le fondement de leurs droits et devoirs
respectifs. Mais lorsque une partie des publicistes141(*) du XVIème
siècle et les Jésuites de XVIème siècle
Bellarmin, Molina, Mariana, Suarez, l'utilisèrent tantôt comme un
instrument d'absolutisme tantôt comme une arme contre le pouvoir civil,
la théorie du pacte subjectionis aboutit à un échec pour
servir d'instrument à la formation de l'Etat. Néanmoins, elle a
un mérite bien supérieur à bien des théories sur
l'explication de la genèse de l'Etat : ce que d'une part, elle
distinguait clairement la formation de la société, de la
formation de l'Etat. Burdeau observe que cette distinction demeure cependant
à la base de toute théorie juridique de l'Etat142(*). Et, d'autre part, dans sa
dernière forme, la conception du contrat de souveraineté
subordonne l'accord du peuple et du souverain à la considération
d'un but à l'égard duquel ils sont solidaires143(*). Ici apparaît, une
idée utilement exploitable qu'il importe de retenir dans la thèse
des Monarchomaques : la place faite à un but social qui
déclenche la soumission du peuple et provoque l'acceptation du monarque.
L'exigence du « bien commun » à
laquelle sujets et souverains sont également subordonnés est un
élément important dans le processus de développement et de
la stabilité de l'Etat. Expliquons mieux cette idée avec Burdeau
car nous comptons en tirer bénéfice dans l'observation du
phénomène congolais. L'idée essentielle de la doctrine est
que « la finalité du groupe conditionne l'attitude du
pouvoir ». Ni la volonté du groupe, ni celle du pouvoir
ne peuvent, par déterminations égoïstes fonder l'Etat. Elles
ne le peuvent pas davantage par un marché où n'entrerait que le
souci d'un avantage particulier. C'est par l'adhésion à une
commune idée de l'avenir, désirable pour tous, qu'elles
s'engagent sur la voie qui conduit à l'Etat, car alors leur entente est
scellée par la décision de sauvegarder l'intégrité
de l'idée tout en accentuant, par une technique appropriée, son
empire sur le groupe144(*).Cette réalité semble une utopie dans
nombre des pays africains La République Démocratique du Congo
inclut ; la poursuite du bien commun est bien loin d'être le sens du
pouvoir des gouvernants qui se préoccupent d'abord
d'intérêt particulier.
Du point de vue du bien commun ou de l'intérêt
général, vu par les gouvernants et les gouvernés que peut
- on dire de l' Afrique subsaharienne et du Congo-Kinshasa ? De même
quel souci a-t-on d'une idée de l'avenir commune selon, le
modèle, ci explicité de Monarchomaques, en Afrique ? la
représentation que se font les membres d'une société sur
ces deux questions, selon qu'elle est positive, et d'une certaine importance
pour les gouvernants surtout, et pour les gouvernés, est un facteur
indispensable à la formation et à la survie de l'Etat.
§ 3. La théorie de la fondation et de l'institution
I. Exposé de la théorie.
Cette théorie a été organisée en
grande partie par Maurice Hauriou. Il part de la constatation que l'Etat
présente tous les caractères d'un organisme social
structuré145(*).
Pour le doyen Hauriou, l'Etat est un organisme social
structuré.
Son fils André Hauriou résume en ces termes
l'idée de son père : « l'Etat est un
groupement d'individus, dirigé par un gouvernement central au nom d'une
idée d'entreprise, qui est la réalisation d'un certain ordre
social et politique, dont les sujets de l'Etat sont les
bénéficiaires ».
Le fondement de l'Etat est caractérisé par trois
éléments : une idée d'entreprise qui consiste en la
réalisation d'un ordre social et politique ; un pouvoir
organisé et exercé par les organes de l'Etat ; les
bénéficiaires de l'entreprise, c'est-à-dire les individus,
sujets de l'Etat et tous ceux qui résident sur son territoire. La
conjugaison ou réunion de ces trois forment une entreprise, une
institution.
A la différence d'un contrat où il y a
croisement de volonté, ici il y a concours de volontés vers la
réalisation d'un même but : l'entreprise ou
l'institution146(*). Les
partisans de la théorie de l'institution ou de la fondation estiment que
l'erreur de Jean-Jacques Rousseau et les partisans du contrat social ou
même du contrat politique est une généralisation abusive de
l'idée du contrat qu'ils voient partout où il y a
d'éléments consensuels.
Pour Maurice Hauriou, l'Etat se forme par le processus
suivant : des individus conçoivent l'idée d'entreprise et
les moyens à mettre en oeuvre pour la réaliser, ils fondent un
organisme par des procédés juridiques qu'ils trouvent à
leurs position dans le droit existant et ils recrutent ensuite des
adhérents pour les aider dans la réalisation de leur entreprise.
Le groupe fonctionne alors avec cet ensemble complexe : idée
directrice, pouvoir organisé, groupe d'individus intéressé
à la réalisation de l'idée et il constitue ce qu'on
appelle une institution147(*). Pour lui, cette opération qui se
réalise tous les jours sous nos yeux pour les sociétés ou
les associations, est celle qui est intervenue pour la formation des Etats. A
titre d'illustration, on cite quelques exemples historiques : la naissance
de l'Etat anglais résulte d'une fondation qui a été
instituée par Guillaume le conquérant et par ses barons ; on
cite aussi pour le Bangladesh, Mujibur Rahman, le père du Bangladesh,
l'homme - nation, et les Etats nés de la décolonisation. Il est
admis que la décolonisation s'opère pacifiquement, la fondation
entre l'ancienne puissance coloniale et les animateurs de l'entité
étatique en gestation148(*).
II. Critique de la
théorie.
Comme toutes les autres théories,
celle de Maurice Hauriou n'est pas exempte des critiques149(*).
En ce qui nous concerne, ces critiques relatives à la
position de Maurice Hauriou sur la différence entre le contrat et
l'institution ainsi que d'autres griefs fait à sa théorie
présentent moins d'intérêts. Nous retenons comme dans
d'autres théories les idées susceptibles d'aider à la
consolidation de la collectivité étatique en Afrique
subsaharienne et au Congo-Kinshasa. Ici encore il y a lieu de bien retenir
l'idée de la volonté humaine concourant à la
réalisation d'un objectif commun. L'observation des faits sociaux et
politiques en Afrique et au Congo-Kinshasa, depuis les décolonisations,
confirme-t-elle ou non l'existence de cette idée d'entreprise
chère à Maurice Hauriou ? cela serait déjà un
bon engagement de la part des « fondateurs »,
« adhérents »,
« bénéficiaires » africains ou
congolais. Il est prématuré de vouloir apporter une
réponse sur cette question qui sera examinée concrètement
après avoir analysé les thèses du fondement extra -
juridique de l'Etat. L'Etat fait insusceptible de qualification juridique.
Section 2. Formation extra
juridique de l'Etat.
Il y a bien une tendance à rejeter hors du droit la
formation de l'Etat150(*). On parle alors du fondement extra-juridique de
l'Etat151(*).
Il n'est pas étonnant qu'il en soit ainsi dès
lors que presque toutes les branches des sciences sociales semblent
intéressées par la question de la genèse de l'Etat.
Historiens, sociologues, juristes, philosophes en revendiquent l'examen
à titre égal. D'où la multiplicité des solutions
proposées. Dans une approche théorique, nous jugeons utile de
présenter les thèses contraires à celles qui venaient
d'être exposées sur le fondement juridique en vue d'un
débat plus élevé sur la question de l'existence ou non de
l'Etat et de son application pratique en Afrique subsaharienne. Nous rappelons
que cette question est fondamentale car préalable aux différentes
pistes de solutions. Pour revenir aux auteurs qui envisageaient l'Etat comme un
phénomène soustrait à toute qualification juridique, ils
affirment que l'Etat est le naturel produit spontané des forces qui ont
contribué à la cohésion du groupe et de sociabilité
qui incitent les hommes à vivre en communauté152(*). Beaucoup d'auteurs se
rallient à cette thèse153(*). Il convient de signaler la distinction que fait
Bluntschli, entre les modes originaires de formation de l'Etat et les modes
secondaires et dérivés ; les seconds ne concernent que les
Etats composés, Etats fédéraux ou
fédérations. Pour les premiers, il fait monter leur origine aux
temps les plus anciens puisqu'il évoque la fondation de Rome et l'
« Etat » juif de la Bible.
Quant à Maurice Hauriou dont nous avons
déjà parlé, Burdeau estime que sa théorie doit
être rattachée aux thèses du fondement extra - juridique de
l'Etat car d'après Georges Burdeau, il rattache la formation de l'Etat
à un phénomène naturel154(*) qui est le consentement coutumier. Dans
l'appréciation de l'oeuvre de Hauriou, Georges Burdeau observe que comme
ce consentement ne peut apparaître que dans un groupe déjà
unifié, le phénomène historique capital dans la
genèse de l'Etat est la formation ethnique d'une communauté
nationale. A ce propos, Burdeau observe qu'il existe pourtant une
imprécision dans l'attitude d'Hauriou à cet égard car il
semble également admettre à l'origine de l'Etat, un acte
juridique de la nature de fondation. Burdeau pense que ce flottement dans sa
doctrine est dû à ce qu'Hauriou ne parvient pas à prendre
définitivement parti entre le point de vue historique et le point de vue
juridique de l'origine de l'Etat.
Pouvons-nous penser que c'est ce flottement qui déroute
au point que certains auteurs comme le professeur Mpongo, E., classe la
théorie de la fondation et l'institution dans la catégorie du
fondement juridique155(*) tandis que d'autres comme le professeur Ntumba Luaba
la place dans la rubrique du fondement extra - juridique de
l'Etat ?156(*).
Pour nous, comme on peut le constater, nous estimons que l'institution, la
fondation ou l'entreprise n'est possible que par le droit. C'est pourquoi la
théorie de Maurice Hauriou est reprise dans les thèses de la
formation juridique de l'Etat.
On regroupe les thèses non conventionnelles de la
fondation de l'Etat ou les théories extra - juridiques de l'Etat en
trois : la théorie du fondement sociologique, la théorie de
la création de l'Etat en dehors du droit, la théorie marxiste du
fondement de l'Etat et le positivisme juridique.
§1. La théorie du
fondement sociologique et du conflit.
I. Exposé de la théorie.
De Polybe à Duguit157(*) beaucoup d'auteurs ont cru trouver l'explication de
la genèse du phénomène étatique dans un Etat de
chose résultant d'un conflit qui, à un moment de l'histoire,
aurait opposé les groupes primitifs158(*). L'école du conflit est défendue par
les sociologues et les historiens qui considèrent que la formation des
Etats est le résultat tantôt de la conquête, tantôt de
l'hétérogénéité culturelle dans une aire
géographique d'une certaine étendue, tantôt des tensions
politiques entre tribus ou gens antiques et vivant primitivement, en bonne
intelligence159(*). Dans
son ouvrage intitulé « Anthropologie politique paru en
1967 », Georges Balandier160(*) soutient que la formation des Etats est le
résultat d'un processus naturel souvent violent, quelque fois pacifique,
mais en tout cas, l'idée de l'Etat n'est pas le moteur de l'action.
De manière accessoire, les partisans de la
théorie du conflit voient, dans l'institution du droit de
propriété le résultat de la conquête, car c'est lui
qui, d'une part, affirmé au profit des vainqueurs, sanctionne leur
suprématie et, d'autre part, donne au travail auquel est obligée
la race asservie, sa signification économique comme facteur de
l'interdépendance sociale161(*).
A travers diverses nuances, la doctrine du conflit conserve un
fond commun dans l'affirmation que l'Etat est le résultat d'une
stratification provoquée dans une collectivité par la
différenciation entre une classe supérieure ou gouvernante et une
classe inférieure ou gouvernée162(*).
Oppenheimer, un des théoriciens les plus
autorisés de l'école du conflit montre en effet que le point
essentiel de la doctrine c'est la négation de toute possibilité
d'expliquer l'Etat par la stratification sociale qui se produirait à
l'intérieur d'un groupe unique d'individus « libres et
égaux ». Pour lui, il faut des vainqueurs et des vaincus,
l'Etat étant alors la constitution sociale ayant pour but d'assurer la
domination des gouvernants contre les révoltes de l'intérieur et
les attaques du dehors163(*).
Donc, après toutes ces précisions, la conception
du conflit peut reposer sur une trilogie. D'abord tout Etat est un Etat de
classe, ensuite l'origine de l'Etat, résultant de la
différenciation de fait entre deux groupes d'individus, ne saurait
être expliqué juridiquement ; enfin c'est l'organisme
étatique qui par l'établissement d'une hiérarchie,
crée l'unité sociale du groupe vivant dans les limites
territoriales de l'Etat, la communauté ne précède pas
l'Etat.
II. Appréciation critique de
la théorie.
La doctrine du conflit contient des
idées exactes mais qui ne la mettent pas complètement à
l'abri de certaines objections. Il est exact que cette thèse invoque des
exemples historiques dont il serait difficile de contester
l'authenticité, sinon la pertinence. Il est admis que la lutte des
groupes, sinon toujours la conquête, entre pour une bonne part dans la
situation de fait d'où procède l'Etat. L'Etat doit être
précédé d'une discrimination entre ceux qui commandent et
ceux qui obéissent. Ici, la doctrine du conflit a l'avantage d'insister
sur le rôle de l'organisation dans la genèse de l'Etat ; il
est soumis incontestable que l'Etat est avant tout un ordre valable pour une
certaine collectivité ; enfin cette thèse compte à
son actif un souci de réalisme.
Quant aux objections, nous pouvons en prendre quelques
unes.
D'abord il faut remarquer que la théorie du conflit ne
rend pas compte de la formation de tous les Etats. Un grand nombre d'Etats sont
hors de son champ d'explication, notamment les Etats de l'Amérique. Cela
revient à n'expliquer que la formation des Etats anciens à
l'exclusion des Etats modernes. Or il faut trouver une explication valable pour
tous les Etats. Ensuite, on peut admettre que d'une part, il y a des
conquêtes qui n'ont pas réussi à fonder un Etat, et d'autre
part c'est un postulat que d'identifier la naissance de l'Etat avec un ensemble
de phénomènes dont on peut, peut - être, dire qu'ils
accompagnent l'apparition de l'Etat, mais dont on ne saurait affirmer qu'ils le
constituent164(*).
D'aucuns considèrent que la méthode historique
est à la base de cette insuffisance, car l'histoire interdit d'aller au
delà des faits. Il s'en suit que l'apparition de l'Etat est un
phénomène historique, mais que l'histoire ne l'explique pas tout
entier. Aussi cette théorie a-t-elle beau avoir l'appui de sociologues
et historiens, elle ne peut satisfaire les juristes. Ce n'est pas que les
juristes cherchent absolument une explication qui leur soit propre, mais ils
demandent que l'explication proposée fournisse un fondement acceptable
aux problèmes que pose l'existence de l'Etat : critérium,
nature juridique, autorité étatique 165(*). Plus loin Burdeau dira que
l'explication recherchée pour la genèse de l'Etat devra, pour
être acceptée, valoir pour tous les Etats166(*). Et pour cela la simple
description historique ou des faits historiques est insuffisante,
dominante ; c'est semble-t-il, se satisfaire d'une approximation. En
outre, c'est rendre difficilement applicables, du moins au sens artificiel, les
notions ainsi acquises aux formes modernes d'Etat.
Marcel Prélot rappelle que la thèse selon
laquelle il y aurait Etat partout où il y a un groupe qui commande et un
groupe qui obéit a suscité des vives protestations parmi les
historiens et les juristes167(*). Lucien Febvre, pour sa part la qualifie de
« confusion intolérable »168(*) considérant
l'élément institutionnel du pouvoir comme facteur essentiel de
l'émergence et de la stabilité de l'Etat nous ne pouvons nous
rallier à cette thèse. Par contre, nous partageons à ce
propos, le discours de Maurice Hauriou d'après lequel « il
n y a d'Etat au sens précis et exact du terme qu'au moment où
dans une population de civilisation déjà avancée le
pouvoir politique, s'étant dégagé de tout
élément étranger, notamment patrimonial, prend l'aspect
d'une autorité souveraine s'exerçant sur des hommes libres.
Celle-ci cesse d'être assimilable à une propriété
privée ; le pouvoir du prince à un bien de famille. On doit
donc réserver l'appellation d'Etat à la forme définie,
qualifiée, perfectionnée, éminente de la
collectivité politique, création de la volonté et de la
raison humaines appliquant leurs efforts et leurs réflexion aux
problèmes de l'organisation civique »169(*). Nous estimons qu cette
thèse de Maurice Hauriou a l'avantage de fournir des critères
susceptibles de confronter le phénomène africain et congolais au
concept d'Etat moderne.
§2. La théorie de la
création de l'Etat en dehors du droit et le positivisme juridique.
I. Exposé de la théorie.
Devant l'impossibilité où
l'on s'est trouvé d'expliquer par le contrat la formation des Etats,
certains auteurs juristes notamment Jellinek et Carré de Malberg ont
soutenu que l'Etat se crée en dehors du droit170(*). Selon les auteurs, la
fondation de l'Etat est un pur fait ne relevant d'aucune qualification
juridique. La création de l'Etat découle des
événements historiques qui se situent en dehors du droit.
Carré de Malberg soutient que « la naissance de l'Etat
coïncide avec l'établissement de sa première constitution
écrite ou non, c'est-à-dire avec l'apparition du statut qui pour
la première fois a donné à la collectivité des
organes assurant l'unité de sa volonté et faisant d'elle une
personne étatique »171(*).
II. Appréciation critique
.
La théorie de Carré de
Malberg soulève moins d'objections surtout dans le contexte des Etats
nouveaux nés de la décolonisation où il y a presque la
coïncidence entre la naissance de l'Etat et la constitution. Mais il est
important de signaler certaines objections. Pour les cas des Etats originaires
non issus de la décolonisation, d'aucuns s'interrogent sur le sort de
ces pays avant l'apparition des constitutions. Les auteurs de l'école
positiviste se rencontrent dans la solution adoptée quant au
problème de la formation de l'Etat. Celle-ci est commandée par
l'affirmation fondamentale selon laquelle il n'y a de droit digne de ce nom que
dans l'ordre juridique positif, c'est-à-dire, pratiquement, dans l'Etat.
La conséquence à tirer de cette affirmation serait que le droit
étant postérieur à l'Etat, c'est-à-dire
étant un résultat de la puissance de l'Etat, ne peut intervenir
pour expliquer la formation de celui-ci172(*). le juriste n'a pas donc à rechercher
l'origine de l'Etat qui ne peut être pour lui qu'un simple fait
insusceptible de qualification juridique. Pour mieux comprendre le fond de
l'école positiviste, il convient d'examiner le rôle qu'elle
assigne à la constitution dans la formation de l'Etat. Avec Carré
de Malberg et Kelsen, le positivisme conçoit la constitution comme le
fait générateur de l'Etat, c'est là un point original par
rapport à d'autres partisans de la formation naturelle de l'Etat qui
confèrent le rôle de la formation de l'Etat tantôt aux
circonstances individuelles, tantôt aux circonstances sociales ou
historiques particulières, tantôt à l'influence du milieu
physique de manière que l'institution étatique serait le
résultat de diverses forces hétérogènes.
L'originalité de la théorie positiviste
disons-nous est que sans nier l'action de différentes forces
précitées, Carré de Malberg comme le montre
Burdeau173(*) les unit
en faisceau convergent qui aboutit à un fait précis,
générateur de l'organisation de la collectivité. C'est que
parmi les innombrables faits dont la résultante est l'Etat, le
positivisme n'en retient qu'un comme véritable créateur au point
de vue juridique, c'est la constitution174(*). Carré de Malberg fournit une explication qui
nous paraît très intéressante pour la suite de notre
pensée. Il explique que « ce fait générateur de
l'Etat consiste précisément en ceci qu'un groupe national se
trouve constitué en une unité collective en tant qu'à un
moment donné il commence à être pourvu d'organes voulant et
agissant pour son compte et à son nom. A partir du moment où elle
est ainsi organisée d'une façon régulière
et stable la communauté nationale devient un Etat ».
Ainsi l'Etat doit son existence au fait qu'il possède une constitution
peu importe qu'elle soit écrite ou non. Dès lors qu'existe un
statut donnant à la collectivité des organes qui unifient sa
volonté, l'Etat est né175(*). La doctrine kelsenienne confère le
même rôle décisif à la constitution dans la formation
de l'Etat. Selon Kelsen, l'Etat se confond avec le système des
règles constitutif de l'ordre juridique176(*). Bien que confirmée
par les faits historiques en ce qui concerne la formation des Etats nouveaux de
la décolonisation, la théorie du positivisme juridique ne manque
pas de susciter quelques critiques.
Pour l'appréciation critique nous retenons ainsi deux
auteurs : Mpongo Bokako et Georges Burdeau.
Le professeur Mpongo apprécie la simplicité de
la théorie de la création de l'Etat en dehors du droit. Mais
estime que d'une part cette théorie est en contradiction avec les
constatations historiques du fait que les constitutions n'apparaissent pas dans
un processus normal, au moment de la naissance des Etats. Elles sont
établies quand l'Etat est adulte, c'est-à-dire quand la nation
prend conscience d'elle même et obtient du gouvernement à la suite
d'un mouvement constitutionnel souvent de longue durée, que soient
rédigées en forme solennelle le statut du pouvoir et les bases de
la coexistence pacifique entre pouvoir et liberté dans le cadre de
l'Etat177(*) comportant
la théorie de l'école positiviste à la formation des Etats
anciens, l'auteur s'interroge sur la valeur juridique des actes
antérieures à la constitution. Faut-il considérer, dit-il,
qu'aussi longtemps que la constitution n'existait pas ces actes n'existaient
pas ?178(*) D'autre
part, il pense que les partisans de cette théorie ont tort d'accorder
trop d'importance aux mondes dans lesquelles sont coulées les
opérations juridiques. Le fait que des opérations sont
effectuées en des formes différentes de celles qui nous sont
familières ne les empêche pas d'être juridiquement
valables179(*). La
pertinence de ces observations critiques n'altèrent pas totalement la
consistance de la théorie de Carré de Malberg et Kelsen quant
à leur incidence pratique sur la stabilité et la
continuité de l'Etat découlant de son institutionnalisation et de
sa personnification.
Pour sa part, Georges Burdeau néglige l'aspect de la
critique tendant à qualifier la théorie positiviste d'une
théorie de l'Etat sans Etat180(*). il retient le résultat de la théorie
assimilant la naissance de l'Etat à l'apparition de sa constitution pour
formuler deux objections majeures.
1°- la constitution ne peut créer l'Etat que si
elle est un acte juridique. Georges Burdeau souscrit à la théorie
qui voit dans la constitution le point de départ de l'Etat.
Mais il émet de réserves quant à la
nature que les positivistes, en général, assignent à la
constitution et de la raison pour laquelle Carré de Malberg, en
particulier, voit en elle, l'origine de l'Etat. En effet, pour les
positivistes, la constitution n'est qu'un fait parmi beaucoup d'autres. Elle
n'a pas une nature spéciale en dépit du rôle décisif
qu'elle joue dans la formation de l'Etat, puisqu'il n'y a pas de droit
antérieur à l'Etat. disent-ils, l'établissement de la
constitution ne peut relever d'aucun ordre juridique. Ici les positivistes
admettent que une constitution élaborée en vertu des dispositions
d'une charte précédente qu'elle abroge, sera bien un acte
juridique. Mais qu'il faut remonter plus haut, jusqu'à la constitution
primordiale, et là il n'y a plus de droit car le droit ne remonte au
delà de la constitution initiale qui ne peut être par
conséquent, « qu'un pur fait, réfracteur à toute
qualification juridique »181(*). Selon Burdeau, dire ainsi que la constitution n'est
pas de nature juridique parce qu'elle ne peut se réclamer d'aucun ordre
juridique préexistant, c'est énoncer une des conséquences
les moins acceptables du positivisme. En disant que la constitution initiale ne
peut être un droit parce qu'elle crée le droit, Burdeau veut que
l'on voit que cette affirmation condamne à la fois l'assimilation de la
constitution à un fait et la doctrine qui légitime cette
assimilation. Sur ce point Burdeau exprime sa critique en disant qu' «en
réalité la constitution ne saurait se suffire à
elle-même, elle est impuissante à créer le droit, car ce
n'est pas le créer que de désigner l'autorité qui sera
chargée de l'exprimer. S'il est vrai qu'elle est l'acte créateur
de l'Etat, c'est dans la mesure où elle peut s'appuyer sur une
donnée préalable qui est l'idée de droit
préexistante. Acte juridique, elle explique tout, simple fait
matériel, elle n'explique rien182(*).
2°- la constitution change le titre en vertu duquel
agissent les organes existant.
D'après Carré de Malberg et les positivistes de
son école, « la constitution initiale n'aurait ce
privilège de créer l'Etat que pace qu'en elle la
collectivité trouverait des organes capables de vouloir et d'agir pour
son compte et en son nom. La constitution serait donc ainsi au sens plein du
terme, une organisation de la collectivité nationale. Burdeau
réfute cette thèse en soulignant que tel n'est pas l'objet de la
constitution. Bien avant qu'elle apparaisse dit-il, existe déjà,
dans le groupe, des autorités qui pensent et agissent pour la
communauté entière, ce sont les chefs. Leurs actes engagent le
sort de tous les membres du groupe et ils n'ont ce caractère que parce
que, dans le pouvoir, le peuple reconnaît l'expression de ses vues, le
réalisateur de ses espérances.
Burdeau explique mieux en précisant que si la
constitution originaire se rapporte bien à l'organisation du groupe, ce
n'est pas parce qu'elle crée ses organes, c'est parce qu'elle modifie le
titre en vertu duquel ils décidaient et organisaient jusqu'alors.
Elle les investit du titre d'agent d'exercice d'un pouvoir qui cesse de
leur appartenir en propre. Elle crée précisément
l'Etat pour en faire le sujet de cette puissance qu'elle retire aux
gouvernants. Les organes demeurent mais leur statut est modifié :
« ils étaient, les titulaires du pouvoir, ils ne
sont plus que les agents de son exercice » 183(*). Les analyses de Burdeau sur
le rôle de la constitution dans la formation de l'Etat nous semblent d'un
grand intérêt pour nous qui voulons mesurer le poids de cet acte
fondamental dans l'institutionnalisation du pouvoir gage de l'émergence
et de la stabilité de l'Etat auquel la théorie marxiste donne une
explication extra-contractuelle.
§3. La thèse
marxiste.
I. Exposé de la thèse.
Le marxisme donne à l'origine de l'Etat une explication
qui s'apparente à la théorie du conflit en ce sens que l'Etat
serait le résultat d'une lutte : la lutte de classe.
La théorie marxiste de l'Etat a été
conçue par Karl Marx et Engels et développée par
Lénine184(*).
Marx trouve le point de départ de sa théorie de l'Etat dans sa
critique de la philosophie du droit de Hegel185(*). Il entend substituer le primat du monde réel
c'est-à-dire du monde économique à l'idée de la
prédominance de l'Etat sur la société civile
prononcée par Hegel. Marx explique que c'est la société
économique qui permet de comprendre l'Etat car c'est dans sa structure
qu'il trouve son origine. Il est l'aboutissement d'un processus
déclenché par l'antagonisme des classes dans un premier mouvement
affirme-t-il, une classe établit son pouvoir qui correspond à sa
situation économique, puis une seconde phase commence durant laquelle la
classe qui occupe la position dominante cherche à maintenir sa
domination sur l'autre classe pour éviter d'être
dépossédée par elle. Puisqu'elle freine ainsi une
évolution inéluctable elle devient oppressive et l'appareil et
l'Etat n'est autre chose que l'instrument de cet oppression. C'est l'Etat
bourgeois.
Sans contester l'utilité ni la légitimité
du pouvoir, Marx admet que toute société ne peut vivre que
grâce à une sélection qui porte les individus les mieux
doués à la direction de l'ensemble. Cette hiérarchie est
inséparable des nécessités concrètes de
l'organisation du groupe. Elle est légitime si elle est
perpétuement remise en question par l'apparition des talents nouveaux.
Mais en fait, ces conditions n'ont pas été
respectées ; à un certain moment de l'histoire, les
fonctions dirigeantes se sont séparées des données qui les
justifiaient ; « elles se sont fixées à part,
et par conséquent érigées en dehors et au dessus de la
société. Elles sont devenues fonctions
politiques ». Au moment où l'apparition de la
propriété privée, la dissociation des emplois manuels et
du travail intellectuel, et la division du travail, engendraient les classes
sociales, les fonctions dirigeantes sont devenues les monopoles des castes
dominantes. C'est de cet accaparement rendu possible par la
supériorité d'un groupe dominant, qu'est né
l'Etat186(*).
Pour Engels, l'Etat n'est donc pas un pouvoir imposé du
dehors à la société : il n'est pas davantage
« la réalité de l'idée morale »,
« l'image et la réalité de la raison », comme
le prétend Hegel. Il est bien plutôt un produit de la
société à un stade déterminé de son
développement ; il est l'aveu que cette société
s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même,
s'étant scindée en oppositions inconciliables qu'elle est
impuissante à conjurer. Mais pour que les antagonistes, les classes aux
intérêts économiques opposés, ne se consument pas
elles et la société, en une lutte stérile, le besoin
s'impose d'un pouvoir qui, placé en apparence, au dessus de la
société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites
de l'«ordre » : et ce pouvoir, né de la
société, mais qui se place au dessus d'elle et lui devient de
plus en plus étranger, c'est l'Etat187(*).
Dans le même sens, Lénine constatera que
« l'Etat surgit au moment où, et dans la mesure où,
objectivement, les contradictions de classe ne peuvent pas être
conciliées188(*).
Etat dans les mains de la classe économiquement dominante, l'Etat va
disposer de toutes les ressources que procure la supériorité
économique. Ainsi, la classe privilégiée utilisera de son
côté, les moyens de la puissance étatique, notamment la
police, pour maintenir l'autre classe dans sa situation subordonnée.
L'Etat ne peut donc être conçu que comme un instrument
d'oppression ; le moyen par lequel les détenteurs du capital
exploitent le travail salarié189(*) Partant, les règles de droit expriment
l'idéologie et les intérêts de la classe dominante si bien
que droit et Etat se confondent, d'après Stoyanovitch190(*). A l'explication marxiste de
l'Etat est liée un élément fondamental de la
théorie : le dépérissement et la disparition
inéluctable de l'Etat.
Lénine l'explique comme suit : « l'Etat
n'existe donc pas de toute éternité. Il y en a des
sociétés qui se sont tirés d'affaire sans lui, qui
n'avaient aucune idée de l'Etat et du pouvoir d'Etat. A un certain stade
du développement économique, qui était
nécessairement lié à la division de la
société en classes, cette division fit de l'Etat une
nécessité. Nous nous approchons maintenant à pas
rapides d'un stade de développement de la production dans lequel,
l'existence de ces classes a non seulement cessé d'être une
nécessité, mais devient un obstacle positif à la
production. Ces classes tomberont aussi inévitablement qu'elles ont
surgi autrefois. L'Etat tombe inévitablement avec elles. La
société qui réorganisera la production sur la base d'une
association libre et égalitaire des producteurs, relèguera toute
la machine de l'Etat là où sera dorénavant sa place :
au musée des antiquités, à côté du rouet et
de la hache de bronze »191(*). Dans le même ordre d'idée, la
théorie marxiste enseigne la disparition de l'Etat par l'instauration du
communisme, phase ultime du processus. Que faut-il penser de cette
théorie ?
Elle n'appelle pas moins de vives critiques desquelles nous
pouvons principalement retenir trois :
II. Appréciation
critique.
1° - Critique sur les fonctions de
l'Etat.
Pour mieux apprécier la théorie marxiste, il
convient de distinguer les utilisations historiques de la formule
étatique, ce qui constitue l'essence de l'Etat192(*). Si dans bien des pays
à travers l'histoire l'organisation étatique a assuré la
prépondérance de la classe sociale parvenue à s'en rendre
maître, tel d'ailleurs l'Etat des tsars ayant servi d'instrument de
domination d'une aristocratie foncière autant que l'Etat
soviétique lui-même servit à la domination des autres
classes par la classe prolétarienne, il est inexact que cette domination
soit la fonction de l'Etat. Il est plus aisé d'admettre que les visages
historiques de l'Etat tels que décrits par le marxisme, constituent le
détournement de la raison d'être véritable de l'Etat.
Il ne serait pas correct de conclure que le marteau n'ait été
inventé que pour assassiner des vielles dames, parce qu'il y eut un cas
ou des cas où il aurait servi à assommer une
rentière193(*). Ainsi, il est un fait que l'Etat soit devenu un
instrument d'oppression mais dire que cela soit son motif
d'établissement n'est pas défendable. D'ailleurs les exemples
historiques contredisent cette thèse. La naissance de l'institution
étatique en France au XVIè siècle a eu pour
conséquence de priver la noblesse des prérogatives de puissances
publiques qu'elle détenait antérieurement. L'émergence de
l'Etat en Allemagne ou son avènement dans l'Italie de Cavour n'ont pas
eu pour cause l'esprit de domination de la catégorie sociale jouissant
de la supériorité économique. Nous croyons avec Burdeau,
que peu importe l'emploi qui puisse ultérieurement assigné
à son pouvoir, l'Etat naît du souci d'assigner au pouvoir une
assise qui désolidarise des intérêts d'un groupe
particulier.
Pour nous, ce point est capital dans l'analyse que nous
entendons faire sur les Etats africains et sur l'Etat congolais quant à
la nature et le caractère de leur pouvoir comme critère de mesure
du niveau d'étatisation de leurs sociétés.
2°- Critique sur le dépérissement de
l'Etat.
Dans une page célèbre, Engels décrit le
processus du dépérissement de l'Etat : « le
prolétariat s'empare de la puissance de l'Etat et transforme les moyens
de production tout d'abord en propriété de l'Etat. Mais par
là, il s'abolit lui-même entant que prolétariat ; par
là il abolit toutes les différences et tous les antagonismes de
classes, et par là aussi, l'Etat en tant
qu'Etat »194(*). Le dépérissement de l'Etat
étant considéré comme une pièce capitale de la
théorie marxiste de l'Etat, on ne peut apprécier la valeur de la
théorie sans l'évaluer. En bref, il convient de constater que
l'histoire et les faits ne laissent voir aucun indice du
dépérissement de l'Etat par le processus marxiste.
3°- Critique sur la notion du pouvoir politique.
La conception de Marx et Engels de l'Etat apparaît comme
une condamnation du pouvoir politique. Cela est paradoxal, dès lors
qu'on sait quelle force le marxisme attache à sa conquête et
quelle valeur il lui accorde en tant qu'instrument d'édification du
socialisme. C'est pourquoi certains ont dit que Marx est dépassé
par le marxisme195(*).
C'est aussi à cause de cette contradiction que dans le grand
schisme,196(*) Raymond
Aron, écrit qu'il y a une théorie des luttes maîtres et
esclaves, entre classes, avec l'écrasement des uns par les autres. Il
n'y a pas de théorie de la communauté, pas de théorie de
la justice ou du bien commun qui fonderait l'ordre établi entre les
ex-ennemis.
Nous ne pouvons terminer ses préoccupations sur la
genèse de l'Etat, sans parler de la conception particulière de
Léon Duguit.
Deux raisons nous déterminent à fixer notre
attention sur la réflexion de cet auteur sur la formation de
l'Etat :
En premier lieu, parce qu'il figure parmi les publicistes
français modernes les plus remarquables197(*) le poids de son nom offre un
patronage considérable à sa conception quelle que soit sa valeur.
En second lieu, sa conception de la genèse de l'Etat
apporte du vent au moulin dans le débat qui nous occupe sur
l'émergence ou la consolidation de l'Etat en Afrique en
général et en République Démocratique du Congo en
particulier.
Parler des théories de la formation de l'Etat comme
nous venions de le faire était indispensable pour éclairer
l'origine du phénomène étatique objet de notre
étude mais définir l'Etat demeure encore une exigence
scientifique à laquelle nous devons nous livrer pour mieux avancer sur
du concret en République Démocratique du Congo.
Nous pensons que si le foisonnement des modèles
proposés excluait la nécessité d'une définition
comportant les critères sur lesquels tous, quelle que soit la discipline
ou le terrain envisagés s'accordent pour dire qu'il y a Etat ou non, le
terme Etat devrait retomber dans la vulgarité , et aucun auteur quelle
que soit son domaine devrait plus s'en prévaloir faute de connotation
scientifique. Nous ne pouvons partager cet avis car il n'y existe bien un
élément de définitions acceptable par tous en ce qui
concerne l'Etat moderne, à savoir le pouvoir institutionnalisé.
Un rappel de définitions essentielles de l'Etat le
démontre :
Dans le lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et
Jean Vincent, nous font découvrir que du point de vue sociologique
l'Etat est :
1) une espèce particulière de
société politique résultant de la fixation sur un
territoire d'une collectivité humaine relativement homogène
régie par un pouvoir institutionnalisé comportant le monopole de
la contrainte organisée spécialement le monopole de force
armée198(*).
2) Au point de vue juridique : une personne
morale titulaire de la souveraineté199(*).
3) Dans un sens plus étroit et concret : un
ensemble des organes politiques, des gouvernements par opposition aux
gouvernés200(*).
4) Selon la conception marxiste : un appareil
d'oppression au service de la classe dominante, en régime capitaliste,
instrument de la bourgeoisie en vue de l'exploitation du
prolétariat201(*).
Le dictionnaire du droit constitutionnel définit l'Etat
à la fois d'un point de vue historique et sociologique comme : un
pouvoir qui s'est institutionnalisé, en d'autres termes
qui a pris corps dans une organisation202(*).
Par ailleurs, le dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques, l'Etat se conçoit avec Max Weber comme
« une entreprise politique de caractère
institutionnel dont la direction administrative revendique
avec succès, dans l'application des règlements, le
monopole de la contrainte physique »203(*). Selon la même source,
la notion d'Etat implique de manière plus générale aussi
bien la maîtrise complète du territoire que la mise en oeuvre
d'une bureaucratie différenciée des autres forces sociales
animées par des fonctionnaires recrutés de manière
méritocratique à travers un système scolaire public des
écoles de formation des agents de l'Etat, une laïcité
minimale renforçant la séparation de l'espace étatique et
de l'espace religieux, un droit public protecteur des frontières de
l'Etat, une conception forte de la citoyenneté rattachant directement
les citoyens à l'Etat et limitant l'emprise des groupes et des
communautés intermédiaires, se marquant aussi par une quasi -
fusion entre la nationalité et la citoyenneté lorsqu'on se trouve
en présence d'un Etat - Nation204(*).
Le professeur E. Mpongo, dans son ouvrage, Institutions
politiques et droit constitutionnel, opère une synthèse
remarquable des sens de l'Etat205(*).
En effet, il précise que l'Etat comporte deux sens
large et le sens restreint :
1. Au sens large, l'Etat désigne une communauté
humaine organisée politiquement sur un territoire
déterminé, c'est en quelque sorte définir l'Etat
Nation206(*).
2. Au sens restreint, l'Etat vise les gouvernants au pouvoirs
publics. C'est pourquoi on peut parler ici d'Etat - Gouvernement207(*).
Ailleurs, le même auteur dit :
« réduit à ses critères
essentiels, l'Etat peut par conséquent se définir comme une
personne morale collective souveraine et soumise au droit qu'elle
crée », c'est la définition juridique dont nous
avons parlée avec Carré de Malberg208(*).
Outre les définitions les diverses conceptions de l'Etat
méritent d'être examinées en vue de déceler parmi
elles les éléments communs s'ajoutant à ceux de nombreuses
acceptations étudiées. Deux courants se sont opposés au
cours de ce siècle finissant de notre ère : les conceptions
pluralistes et les conceptions socialistes. Celles-ci, fondées sur le
marxisme - léninisme, ayant subi entre 1988 et 1991 un recul
prononcé209(*)
n'offrent plus qu'un intérêt historique. Il convient plutôt
de parler des conceptions pluralistes. Elles dévoilent deux
tendances.
A. L'Etat, produit de la
différenciation.
Certains auteurs, comme le fait remarquer E. Mpongo, voient
dans l'Etat le produit de la différenciation des gouvernants et des
gouvernés, les premiers « possédant la puissance
politique, c'est-à-dire une puissance de contrainte ».
B. L'Etat, produit d'un ordre
juridique.
D'autres auteurs par contre, estiment
que l'Etat est lié à l'apparition d'un ordre juridique mis en
place par la constitution et succèdent au désordre de fait
antérieur, d'autres encore font de l'Etat la plus éminente des
constitutions sociales210(*).
Est-il possible de se retrouver dans cette mosaïque de
sens, de définitions et des conceptions de l'Etat pour repérer
des critères moins contestables susceptibles de nous confronter dans
notre thèse que l'Etat n'est pas comme le droit dont il est juste de
dire « Ibi societas ibi jus », c'est-à-dire
là ou est la société là est le droit ; que
l'Etat n'est pas partout où il y a des hommes, mais qu'il est une
construction. Nous le croyons en nous fondant sur l'élément
« institution » et sur les formulations pertinentes des
professeurs Edouard Mpongo, Maurice Hauriou et Carré de Malberg. Faisant
l'appréciation critique des conceptions pluralistes de l'Etat, Edouard
Mpongo, estime que pour lui, l'essentiel dans ces théories réside
moins dans ce qui le sépare, et qui est souvent important que dans ce
qui le réunit et qui tient leur inspiration. Il retient comme leurs
dénominateurs, le postulat de l'existence d'un fait de solidarité
sociale, perçu par Léon Duguit211(*), « la communauté
d'intérêt », observée par Maurice
Hauriou212(*) et l'union
de tous les membres de la société étatique telle
qu'analysée par R. Carré de Malberg213(*).
Aussi, partageons - nous le discours de Maurice Hauriou, dans
« principes du droit public », d'après qui,
« il n'y a d'Etat au sens précis et exact du terme qu'au
moment où, dans une population de civilisation déjà
avancée, le pouvoir politique, s'étant dégagé de
tout élément étranger, notamment patrimonial, prend
l'aspect d'une autorité souveraine s'exerçant sur des hommes
libres. Celle-ci cesse d'être assimilable à une
propriété privée ; le pouvoir du prince, à un
bien de famille. On doit donc réserver l'appréciation d'Etat
à la forme définie, et de la raison humaines appliquant leurs
efforts et leurs réflexions aux problèmes de l'organisation
civique »214(*).
R. Carré de Malberg, s'exprime presque dans le
même sens. Selon lui, « au point de vue juridique,
l'essence propre de toute communauté étatique consiste d'abord en
ceci que, malgré la pluralité de ses membres et malgré les
changements qui s'opèrent parmi eux, elle se trouve ramenée
à l'unité par le fait de son organisation : en effet, par
suite de l'ordre juridique statutaire établi dans l'Etat, la
communauté nationale envisagée, soit dans la collection de ses
membres présentement en vie, soit organisée de telle façon
que les nationaux forment à eux tous un sujet juridique, unique
invariable, comme aussi ils n'ont à eux tous en ce qui concerne la
direction des affaires publiques qu'une volonté unique, celle qui est
exprimée par les organes réguliers de la nation et qui est la
volonté collective de la communauté »215(*). Il affirme que tel est le
fait juridique capital dont la science du droit doit tenir compte, et elle ne
peut en tenir compte qu'en reconnaissance à l'Etat l'expression de la
collectivité unifiée, une individualisée globale distincte
de ses membres particuliers et transitoire ; c'est-à-dire en
définissant l'Etat une personne juridique.
On ne peut vider le point sur les considérations
théoriques de l'Etat sans un mot sur l'Etat de droit, de manière
incidente. Selon la conception Kelsennienne l'Etat de droit peut se
définir comme un système institutionnel dans
lequel la puissance publique est soumise au droit. D'origine allemande
(Reettsstoat), cette notion a été redéfinie au
début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans
Kelsen, comme un Etat dans lequel les normes juridiques sont
hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve
limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa
validité de sa conformité aux règles supérieures.
Un tel système suppose, par ailleurs, l'égalité des sujets
de droit devant les normes juridiques, et l'existence de juridictions
indépendantes216(*). Selon le dictionnaire de la science politique et
des institutions politiques, l'expression Etat de droit, revêt de nos
jours, de plus en plus une acception subjective, qui tend simplement à
opposer les régimes démocratiques aux dictatures de toutes
espèces réputées étrangères au
droit217(*).
Le plus intéressant pour nous est de constater que
même dans la définition de l'Etat de droit, la notion
d'institutionnalisation du pouvoir à son niveau le plus
perfectionné, et en plus d'observer qu'il n'est point logique comme le
font beaucoup de publicistes et africanistes d'insister sur les fonctions de
l'Etat de droit en Afrique et au Congo sans s'assurer de l'existence des
conditions minimales d'un Etat tout court au sens moderne. Il importe pour nous
de rappeler que dans toutes les définitions de l'Etat moderne car nous
ne plaidons pas pour un retour de l'Afrique à la société
archaïque, sous l'angle juridique, sociologique et politique, le facteur
le plus déterminant commun à toutes les définitions est le
caractère institutionnel du pouvoir politique.
Il est à noter que l'institutionnalisation du pouvoir
ne s'opère pas sans que soient réunies des conditions qui la
rendent possible. Comme le dit Michel de Villiers, l'institutionnalisation
n'est pas automatique218(*).
Pour nous, elle est rendue possible par
le droit et spécialement par la constitution au sens matériel et
formel comme socle du pouvoir politique.
Dans cette première partie, nous avons tracé le
cadre théorique où nous avons démontré l'existence
du lien indispensable entre la métamorphose du pouvoir politique et la
fondation de l'Etat par le processus d'institutionnalisation. Celle-ci n'est
possible, tel que nous l'avons aussi démontré que par la
constitution écrite ou coutumière qui opère ainsi un
encadrement juridique du pouvoir politique en constituant sa source et sa
limite. Aussi fallait-il clarifier les concepts d'Etat, de pouvoir politique,
et d'institutionnalisation en vue de leur étude dans le contexte
congolais. Cependant force est de reconnaître que sans la culture
politique éprouvée pour servir de cadre du jeux politique la
lettre de la constitution seule demeure impuissante à achever le
processus d'institutionnalisation indispensable à la formation de
l'Etat.
Ce souci de vérification de l'effectivité de
l'institutionnalisation du pouvoir et de l'édification de l'Etat par
rapport à la réalité africaine en général
et congolaise en particulier sera mieux exprimé dans la deuxième
partie.
DEUXIEME
PARTIE : L'EMERGENCE DE L'ETAT EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
La doctrine est quasi unanime que l'Etat au sens moderne,
« est formé lorsque le pouvoir a son siège non plus
dans un homme, mais dans une institution »219(*).
Nous entendons dans cette deuxième partie de notre
étude, vérifier si ce résultat de mutation de pouvoir
acquis par l'opération juridique appelée
« institutionnalisation » a pu être
obtenu en République Démocratique Congo de 1960 à ce jour.
Une telle analyse passe impérativement par l'étude de la
règle constitutionnelle relative à l'organisation et à
l'exercice du pouvoir d'une part, et par l'observation des faits politiques
fondée sur l'histoire et l'actualité politique d'autre part.
Ainsi, la problématique de l'institutionnalisation du
pouvoir et de la fondation de l'Etat congolais, suppose, une approche
basée sur l'examen des constitutions congolaises que nous voulons
aborder en deux phases, à savoir celle relative à la
période dite de la première République de 1960 à
1965 (chap. I) et celle relative aux constitutions des régimes
monocratiques et de transitions, de 1965 à 2006 (chap. II).
CHAPITRE I. ETAT SOUS LA
PREMIERE REPUBLIQUE.
De 1960 à 1965, la République
Démocratique du Congo a connu deux textes constitutionnels, à
savoir la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et
la constitution du 1er août 1964 dite de Luluabourg. Nous
voulons voir comment l'organisation et l'exercice du pouvoir était
aménagés la règle constitutionnelle (section 1), et
apprécier si cet aménagement ainsi que le fonctionnement des
institutions politiques ont eu un impact positif sur l'institutionnalisation du
pouvoir et sur la formation de l'Etat (section 2).
Section 1 : Pouvoir et
l'Etat sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo.
Successivement, nous examinerons la loi fondamentale du 19 mai
1960 relative aux structures du Congo (§ 1.), et la constitution du
1er août 1964 (§ 2.).
§ 1.
Aménagement constitutionnel du Pouvoir.
Nous sommes intéressés plus
particulièrement par le Pouvoir politique au sommet, et par les organes
ou les institutions qui les incarnent à cause de leur rôle moteur
dans la transformation de la société. C'est pourquoi dans nos
analyses nous voulons mettre l'accent plus sur l'institution « chef
de l'Etat », et sur celle du gouvernement que sur d'autres. Nous
pourrons aussi parler du sénat et de la chambre de Représentants
incidemment.
Il importe en premier lieu de présenter les
institutions du pays (I) avant de parler de leur fonctionnement.
I. Les institutions
politiques.
L'Etat congolais ou ce qu'il convenait d'appeler ainsi
comprenait des institutions centrales, provinciales et locales220(*).
Les institutions centrales, qui seules nous
intéressent ici, étaient :
- Le Chef de l'Etat ;
- Le Gouvernement dirigé par un Premier
Ministre ;
- La chambre de Représentant ;
- Le sénat.
A. Le Chef de l'Etat.
Pour savoir quelle forme de pouvoir fut exercé par le
Chef de l'Etat, il importe d'en connaître la source et
l'étendue.
De quelle manière était-il désigné
et quelles furent ses attributions ?
1. Mode de désignation.
Le Chef de l'Etat, le tout premier, devait être
désigné selon la procédure prévue aux articles 11
te 12 de la loi fondamentale. Ces dispositions prévoyaient que :
« Dans les quarante huit heures qui suivent la
désignation du Président du sénat et la constitution
définitive de son bureau, les chambres se réunissent en
assemblée commune sous la présidence du plus âgé des
présidents des chambres. Après en avoir éventuellement
déterminé les modalités cette assemblée se prononce
sur le choix du chef de l'Etat »221(*).
« La désignation du Chef de l'Etat est
acquise à la majorité de deux tiers de tous les membres qui
composent les deux chambres réunies »222(*).
Que devait-il se passer si la majorité requise
n'était pas dégagée ?
L'article 13 du même texte dispose :
« Si, dans un délai de huit jours
à dater de la réunion des chambres en assemblée commune,
la majorité prévue à l'article 12 n'a pu être
atteinte, la fonction de Chef de l'Etat est provisoirement assurée par
le Président du sénat ». Aux termes de la
même disposition, les chambres pouvaient être convoquées
pour procéder à la désignation du Chef de l'Etat selon la
procédure prévue aux articles 11 et 12, à tout moment,
à la requête du Président du sénat, du
Président de la chambre des Représentants ; du Premier
Ministre ou encore d'un tiers des membres qui composaient l'une de deux
chambres.
C'est en vertu de la procédure prévue aux
articles 11 et 12 que Monsieur Kasa-Vubu fut désigné comme
premier Chef de l'Etat du Congo.
Quelles étaient ses attributions
constitutionnelles ? Nous verrons comment il les a exercé dans le
point consacré au fonctionnement des institutions.
2. Attributions constitutionnelles du Chef de
l'Etat.
Le Chef de l'Etat congolais
institué par la loi fondamentale jouissait d'un certain nombre des
prérogatives rappelant à bien d'égards celles d'un
monarque dans une monarchie limitée, régnant sans gouverner.
Parlant de ses compétences, les dispositions de la loi
fondamentale, disposaient :
- « Le pouvoir exécutif tel qu'il est
réglé par la présente loi appartient au Chef de l'Etat
sous le contreseing du Ministre responsable »223(*);
- « Aucun acte du Chef de l'Etat ne peut avoir
d'effet s'il n'est contresigné par un ministre qui, par cela seul, s'en
rend responsable. En aucun cas, l'ordre verbal du Chef de l'Etat ne peut
soustraire un ministre à la responsabilité »224(*) ;
- « Le Chef de l'Etat n'a d'autres pouvoirs que ceux
que lui attribue formellement la présente loi. Il n'exerce ces pouvoirs
et notamment ceux repris aux articles 16, 22 à 32 que dans les
conditions prévues aux articles 17, 19 et 20 » 225(*);
- « Le Chef de l'Etat nomme et révoque le
Premier Ministre et les Ministres »226(*);
- « Le Chef de l'Etat confère les grades dans
les forces armées et la gendarmerie. Il nomme aux emplois
d'administration générale, sauf les exceptions établies
par les lois, il nomme à d'autres fonctions qu'en vertu de la
disposition expresse d'une loi ». Il confère les ordres
nationaux, civils et militaires, en observant à cet égard ce que
la loi présente »227(*);
- « Le Chef de l'Etat fait les traités. Les
traités n'ont d'effets qu'après avoir reçu l'assentiment
des chambres sous forme de loi »228(*);
- « Le Chef de l'Etat commande les forces
armées » 229(*);
- « Le Chef de l'Etat fait les règlements et
ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir
jamais, ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur
exécution »230(*) ;
- « Le Chef de l'Etat sanctionne et promulgue les
lois »231(*) ;
- « Le Chef de l'Etat a le droit de remettre, de
réduire ou de commuer les peines, sans préjudice à
l'application de l'article 41 »232(*) ;
Il faut préciser que l'article 41 de la loi
fondamentale n'autorisait le Chef de l'Etat de faire grâce au Ministre
condamné par la Cour de Justice, que sur la demande de l'une de deux
chambres.
- « Le Chef de l'Etat a le droit de convoquer les
chambres en session extraordinaire »233(*);
- « Le Chef de l'Etat peut ajourner les chambres,
conformément à l'article 70 »234(*);
L'article 70 dispose que : « l'ajournement
en cours de session des chambres, prononcé par le Chef de l'Etat, ne
peut excéder le terme d'un mois, ni être renouvelé dans la
même session sans l'assentiment des chambres ».
- « Le Chef de l'Etat a le droit de dissoudre les
chambres, conformément aux articles 71 et 72 »235(*).
L'article 71 conditionnait la dissolution d'une ou de deux
chambres du Parlement avant l'adoption définitive de la constitution,
à la délibération en Conseil des Ministres et à
l'accord d'une de deux chambres au moins, acquis aux deux tiers des membres
présents.
Tandis que l'article 72 prévoyait qu'en cas de
dissolution soit des deux chambres, soit de la seule chambre des
représentants, l'acte de dissolution devait contenir convocation des
électeurs dans les trois mois et des chambres dans les quatre
mois ; qu'en cas de dissolution du sénat, l'acte de dissolution
devait contenir convocation de cette nouvelle chambre, dans un délai
d'un mois ».
Il était encore prévu à la même
disposition que le Chef de l'Etat pouvait dissoudre également les
Assemblées provinciales, s'il était amené à
dissoudre une nouvelle fois la nouvelle chambre dans un délais de six
mois à partir de la réunion de celle-ci. Dans ce cas l'acte de
dissolution devait contenir convocation des électeurs dans les trois
mois, des Assemblées provinciales et du Sénat dans les quatre
mois.
B. Le Gouvernement.
Les règles relatives à la
composition du gouvernement ainsi que de ses attributions, dans la loi
fondamentale du 19 mai relative aux structures du Congo, étaient
posées au chapitre III, traitant du pouvoir exécutif et se
trouvant lui-même au titre III ayant trait aux
« pouvoirs ».
1. Composition et mode de désignation.
Le tout premier gouvernement congolais fut composé du
Premier Ministre et de Ministres, il devait comprendre au moins un membre de
chaque Province. Il était prévu qu'avant le 30 juin 1960 et
après la proclamation des résultats des élections pour la
chambre et le sénat, le premier gouvernement du Congo soit
constitué de la manière suivante236(*) :
- « Compte tenu des résultats des
élections et après consultation des principaux groupes et
personnalités politiques ».
2. Attributions du Premier Ministre et du
gouvernement.
Aux termes de l'article 36 de la loi
fondamentale, le Premier Ministre avait pour attributions de :
- conduire la politique de l'Etat en accord avec le Conseil
des Ministres ;
- diriger l'action du gouvernement ;
- présider le Conseil des Ministres ;
- soumettre au Chef de l'Etat des propositions relatives
à l'exercice du pouvoir réglementaire et à
l'exécution des lois.
Il convient de signaler que le gouvernement pouvait pour
l'exécution urgente de son programme, demander aux chambres
l'autorisation pour le Chef de l'Etat de prendre par ordonnance-loi, et pour
une matière déterminée, des mesures qui sont normalement
du domaine de la loi. Les ordonnances-lois étaient
élaborées en Conseil des Ministres et préalablement
soumises à la chambre de constitutionnalité. Elles devenaient
caduques si elles n'étaient pas approuvées par les chambres dans
un délai de six mois à dater de leur mise en vigueur. On ne peut
vider ce point sans rappeler de quelle manière était
désigné le Premier Ministre et les membres du gouvernement.
3. Mode de désignation du Premier Ministre et
de formation du gouvernement.
Le Roi Belges désigne un
formateur dont la tâche consiste à réunir une équipe
ministérielle apte à obtenir la confiance du Parlement ; Sur
proposition du formateur, le Roi des Belges nomme le Premier Ministre et les
Ministres.
Conformément à l'article 48 de la loi
fondamentale, relative aux structures du Congo, ce premier gouvernement devait
se présenter dans les trois premiers jours de la nomination de ses
membres, devant les chambres en vue d'obtenir leur confiance. Nous pouvons
dégager de ce qui vient d'être dit que le Chef de l'Etat et le
gouvernement composé du Premier Ministre et des Ministres furent les
pièces maîtresses du pouvoir exécutif sous la loi
fondamentale tandis que le pouvoir législatif était
collectivement exercé par le Chef de l'Etat, la chambre des
Représentants et le Sénat, et par chacune des assemblées
provinciales d'autre part237(*).
C. La chambre des
Représentants.
De quelle manière ses membres
étaient-ils recrutés et quels furent leurs pouvoirs ?
1. Mode de recrutement.
Les membres de la chambre des Représentants
étaient élus au suffrage universel direct, conformément
aux dispositions de la loi électorale du 23 mars 1960. Il était
prévu que dans une circonscription électorale, il y ait un
député par 100.000 habitants sans distinction d'âge, sexe
ou nationalité. Chaque fraction de population donnant droit à un
député de plus. Le chiffre de la population pris en
considération fut celui figurant aux statistiques officielles
établies au 31 décembre 1953. Chaque électeur n'avait
droit qu'à une voix238(*).
2. Pouvoir et compétences.
Les compétences des membres de la chambre de
Représentants sont celles reconnues à celle-ci au terme de la loi
fondamentale239(*).
Il s'agit principalement des compétences
législatives et interprétatives.
Les deux chambres disposaient d'une compétence
législative identique. Elles avaient également les
compétences d'interprétation des lois240(*).
D. Le Sénat.
1. Mode de
recrutement.
Le Sénateurs étaient élus selon le mode
prévu aux articles 87 et 88 de la loi fondamentale.
En effet, le Sénat se composait de sénateurs
élus par les assemblées provinciales à raison de quatorze
par province dont au moins trois chefs coutumiers ou notables. Les
sénateurs élus pouvaient s'adjoindre des membres
cooptés.
2. Attributions.
Les sénateurs jouissaient des mêmes
prérogatives législatives que les députés. En plus
chaque membre du sénat représentait sa province dont il
défendait les intérêts dans le cadre de
l'intérêt général et supérieur de la nation.
II. Relations entre les organes du
pouvoir et entre les institutions.
La loi fondamentale du 19 mai 1960
relative aux structures du Congo, définissait bien la manière
dont les pouvoirs devraient s'exercer241(*).
En dépit de la séparation fonctionnelle des
pouvoirs et de l'existence de plusieurs branches au sein d'un même
pouvoir, il existait des mécanismes de collaboration ou de participation
de l'un à l'oeuvre de l'autre.
A. Le Chef de l'Etat et le
Premier Ministre.
Au niveau du pouvoir exécutif, il faut rappeler que
l'article 17 disposait que le « pouvoir exécutif tel qu'il est
réglé par la présente loi appartient au Chef de l'Etat.
Mais cette disposition est presque en opposition avec l'article 36 qui dispose
que le Premier Ministre conduit la Politique de l'Etat en accord avec le
conseil de Ministre qu'il préside. Il dirige l'action du
gouvernement ». Jusqu'à ce niveau on est en droit de
considérer que la loi fondamentale a consacré un exécutif
bicéphale, bien que le dernier alinéa de l'article 37 impose au
Premier Ministre de soumettre les propositions relatives à l'exercice du
pouvoir et à l'exécution des lois.
Entre le Chef de l'Etat et le Premier Ministre la loi
fondamentale n'a pas organisé des mécanismes clairs. Cette lacune
engendra, tel que nous le verrons, des conflits entre le Chef de l'Etat et le
Premier Ministre qui se révoquèrent mutuellement quelques jours
seulement après la proclamation de l'indépendance.
B. Le pouvoir législatif et
le pouvoir exécutif.
Quant aux rapports entre le gouvernement
et le parlement, l'article 42 de la loi fondamentale prévoyait que le
gouvernement se présentait devant chacune des chambres en vue d'obtenir
la confiance, à lui conférer à la majorité absolue
des voix de tous les membres qui les composaient.
Le dépôt d'une motion de défiance mettait
en cause la responsabilité solidaire du gouvernement. Et si cette motion
était adoptée les ministres remettaient leur démission au
Premier Ministre qui remettait la sienne au Chef de l'Etat.
Par ailleurs, le dépôt d'une motion de censure
engageait la responsabilité d'un membre de gouvernement et
entraînait en cas de recevabilité sa démission sans que la
responsabilité du gouvernement soit engagée242(*).
S'agissant des rapports du Chef de l'Etat avec le pouvoir
législatif, nous avons dit précédemment qu'il
détenait concurremment le pouvoir législatif avec les deux
chambres du parlement conformément à l'article 69 de la loi
fondamentale, le Chef de l'Etat avait le pouvoir de réunir les chambres
et de prononcer la clôture de session. Il avait en plus le pouvoir de
dissolution243(*).
§2. Fonctionnement des
institutions et crise du pouvoir.
Dès la première année de
l'indépendance, la machine démocratique au Congo n'a pas
tourné. L'on a déploré la paralysie des institutions et
nous pouvons parler de l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir.
I. Paralysie
des institutions sous la loi fondamentale.
La pièce maîtresse de l'architecture
institutionnelle congolaise, à savoir, le pouvoir exécutif fut
déstabilisé dès sa formation, par le conflit
irréductible entre ses principaux acteurs : Le Chef de l'Etat
KASA-VUBU et son Premier Ministre LUMUMBA.
On a tenté d'expliquer différemment la
méfiance excessive constatée entre les deux personnalités
qui conduisit non seulement au retard dans la formation du tout premier
gouvernement mais encore et pire à la crise congolaise dont l'impact
sur la formation de l'Etat se feront longtemps sentir.
Selon KAMITATU M., « c'est la soif du pouvoir,
ou la lutte pour le contrôle de l'appareil étatique entre LUMUMBA
et KASA-VUBU, qui seraient à la base de cette
situation »... Désigné l'un et l'autre comme
membres du collège exécutif national par leurs provinces
respectives, Kasa-Vubu et Lumumba qui ont pour la première fois
l'occasion de se côtoyer et de travailler ensemble, se méfient
beaucoup l'un de l'autre. Autant s'approchait la date du 30 juin et l'impact
des responsabilités qu'elles réservent, les deux hommes,
jusqu'alors nationalistes convaincus, s'épient et s'observent.
Kasa-Vubu, l'aîné voudrait que Lumumba, le démocrate, n'a
qu'une pensée : si le peuple lui accorde un suffrage majoritaire,
il ne le cédera à personne »244(*).
Le professeur Lumanu Bwana Sefu estime ce constat
fondé. Mais l'interprétation sentimentale et confusionniste. Pour
lui, « le conflit entre Kasa-Vubu et Lumumba ne relève pas
de l'âge. Il résulte d'une opposition idéologique
inconciliable »245(*).
Il explique : « A la conscience africaine
de situation qui caractérise le nationalisme exclusive et conservateur
de Kasa-Vubu s'oppose la conscience nationale qui oriente la stratégie
unitariste et continentale de Lumumba »246(*). Nous remarquons que
l'interprétation faite par les deux auteurs contient chacune, une part
de vérité, si l'idéologie fut au centre du conflit de
Kasa-Vubu et Lumumba. Il n'en demeure pas moins vrai que le côté
émotionnel soit à constater, et que la soif du pouvoir dans le
Chef de deux leaders congolais soit à la base de cette fameuse crise
dont nous parlerons encore plus loin. Toujours est-il que le 5 septembre 1960,
Kasa-Vubu révoqua le Premier Ministre Lumumba qui à son tour le
révoquera aussi. Après sa chute, Lumumba sera traqué,
arrêté et assassiné le 17 janvier 1967.
Il est important de noter que derrière Kasa-Vubu et
Lumumba se trouvaient deux mondes politiques opposés tant sur le plan
interne que sur le plan international. Face à Lumumba se dressaient avec
Kasa-Vubu d'autres partis fédéralistes et conservateurs :
L'ABAKO, le PUNA, le MNC/K, le PNP ainsi que le bloc occidental avec les
Etats-Unis et la Belgique en tête. Tandis que lui-même jouissait de
l'appui des partis tels que le Centre de Regroupement africain (CEREA) et le
Parti Solidaire Africain (P.S.A)247(*). Dès lors que la charpente institutionnelle
de la République se fissurait au sommet, il aurait été
impossible que les bas étages ne soient pas affectés, le
Parlement avec ses deux chambres devaient en ressentir l'onde de choc.
Aussi le Parlement réagit en annulant d'abord les deux
destitutions le 7 septembre 1960248(*). Ici nous pouvons dire que cette initiative
était complètement dépourvue de fondement constitutionnel.
Elle n'avait aucune empreinte de légitimité. Tandis que Kasa-Vubu
agissait sur base de l'article 22 de la loi fondamentale, Lumumba et les deux
chambres ne disposaient d'aucune base juridique pour le révoquer.
Ensuite, les deux chambres réunies en congrès national
décidèrent de constituer une commission
« compromissoire » de sages, composée de Okito,
Kasongo et Weregemere chargée de la réconciliation de deux
dirigeants. Bien que l'initiative fut encouragée par plusieurs autres
initiatives comme le montre Ndaywel, notamment celles de l'ambassadeur du
Ghana, du Président Nkrumah lui-même, des fonctionnaires de l'ONU
et même de Frantz Fanon249(*), et qu'il y eut même un projet d'accord
définissant la répartition des compétences entre les deux
fonctions250(*), Trop de
personnes avaient avantage à ce que la réconciliation
échoue251(*).
Le 8 septembre, le Sénat par 41 voix contre 2 et 6
abstentions sur 84 membres, repousse la décision prise par le Chef de
l'Etat. Ce vote n'eut aucune incidence sur la décision du
Président Kasa-Vubu.
Le 13 septembre, les chambres réunies accordent des
pleins pouvoirs sollicités, à Lumumba252(*).
Le 14 septembre, la Commission compromissoire du Parlement
chargée de la réconciliation, telle que nous l'avons vu, propose
une équipe gouvernementale de large union nationale
présidée par Lumumba ayant en son sein toutes les tendances
exceptées la CONACAT. Toutes les figures marquantes de
l'indépendance, autrefois écartées, y sont reprises :
Vice-Premier Ministre, Adoula (PUNA), Affaires économiques, Bolikongo
(PUNA), Agriculture, Albert Kalonji. L'ABAKO conserverait ou de la
Présidence de la République, les Affaires foncières un
ministre d'Etat sans porte feuille, les secrétaires d'Etat et les
Ambassadeurs253(*). Mais
mécontent de l'appui que les élus du peuple continuèrent
à témoigner à Lumumba, le Président Kasa-Vubu
ajourna les chambres254(*).
Par cet acte, le Président Kasa-Vubu entraîna le
deuxième pouvoir du pays dans le tourbillon de la crise congolaise.
En la même date du 14 septembre le Lieutenant Joseph
Désiré MOBUTU Chef d'Etat Major de l'Armée Nationale
Congolaise annonce la neutralisation de Kasa-Vubu et de Lumumba.
Nous retiendrons qu'en moins d'une année tous les
pouvoirs instaurés par la loi fondamentale se sont
écoulés. Il est utile de rappeler les propos de Mpinga Kasenda
parlant de l'inadéquation de la loi fondamentale, « la
première manifestation de cette inadéquation à la
situation politique congolaise fut l'épreuve de force entre le
Président de la République et le Premier Ministre, épreuve
de force qui déboucha sur une paralysie du système
constitutionnel de l'époque ».
II. Echec d'institutionnalisation
du Pouvoir sous la loi fondamentale.
La problématique de
l'institutionnalisation du pouvoir et de la formalisation de l'Etat implique
toujours une parfaite analyse du siège du pouvoir. Il faut bien
comprendre la différence entre le titulaire du pouvoir et le
détenteur du pouvoir qui n'en est ni le siège ni le titulaire,
car le véritable titulaire doit être une institution.
En plus, l'autre idée-force, rentrant dans cette
problématique est l'existence des règles juridiques qui servent
des piliers au pouvoir. Il ne suffit pas que ces règles soient contenues
dans la constitution pour réaliser l'institutionnalisation du pouvoir,
encore faut-il que le pouvoir s'exerce selon elles. Enfin, un autre
élément et non le moindre mérite d'être
rappelé, c'est la durée et la permanence du pouvoir et l'Etat,
lorsqu'il y a institutionnalisation255(*).
Nous n'apprécions pas l'institutionnalisation
simplement par rapport aux « pouvoirs » dits
« institués » à partir des constitutions
écrites, autrement l'étude n'aurait le moindre
intérêt car, toutes les constitutions du Congo ont consacré
l'organisation du pouvoir. Mais nous apprécions l'institutionnalisation
par rapport à la manière dont le pouvoir est aussi effectivement
exercé eu égard aux normes pour autant qu'elles existent.
L'examen des faits saillants de l'histoire politique du Congo depuis 1960 et
même précisément après la promulgation de la loi
fondamentale relative aux structures du Congo, témoigne de
l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir au Congo.
A cette période, des individus ont exercé le
pouvoir d'Etat dévolu aux institutions de façon patrimoniale.
Moïse TSHOMBE au Katanga256(*), Albert KALONJI au Sud - Kasaï257(*) se conduirent en homme -
institution. Ils étaient les propriétaires du pouvoir qu'ils
exercèrent.
De la même manière, le Président
Kasa-Vubu, le Premier Ministre Lumumba, les membres de deux chambres du
Parlement ainsi que le Lieutenant Colonel Joseph Désiré MOBUTU
posèrent des actes de la plus haute portée politique, traduisant
l'exercice du Pouvoir politique sans se soucier de la loi fondamentale. La part
de l'homme et surtout le souci de répondre positivement aux injonctions
de puissances étrangères l'ont emporté sur la puissance
normative.
Plusieurs questions demeurées sans réponses,
selon la logique juridique démontrent de l'absence de
l'institutionnalisation du pouvoir caractérisée par le
mépris du texte par les acteurs politiques :
- Sur quelle base juridique Lumumba s'était - il
fondé pour révoquer Kasa-Vubu ?
- Comment l'Ordonnance de destitution devait-elle être
contresignée par un Ministre du gouvernement Lumumba qui par le fait
même devait être lui-même déchu aussitôt,
après de ces fonctions par solidarité gouvernementale ? Il
s'agit de Adoula ;
- Comment un Premier Ministre fut-il désigné en
lieu et place de Lumumba issu de la majorité parlementaire par la seule
volonté de Kasa-Vubu contrairement aux principes régissant le
régime parlementaire consacré par la loi fondamentale ?
- Comment la décision prise par Mobutu de neutraliser
les deux Chefs de l'exécutif a-t-elle pu produire des effets par
l'installation des commissaires généraux en l'absence de tout
fondement constitutionnel ?
- Et comment la conscience collective congolaise, et les
acteurs concernés ont-ils pu tolérer que ce gouvernement de
commissaires généraux aient pu fonctionner parallèlement
à la loi fondamentale ?
Beaucoup d'autres questions demeurent sans réponse. Par
exemple, comment expliquer que Kasa-Vubu neutralisé comme Lumumba par la
même décision de Mobutu ait pu exercer encore un Pouvoir mettant
fin au mandat des commissaires généraux ?258(*).
Ainsi, la loi fondamentale autant que le régime qu'il
consacra n'ont pu réaliser l'institutionnalisation du pouvoir au
Congo-Kinshasa. Dès la manifestation de l'impasse politique après
la double révocation du Chef de l'Etat et du Premier Ministre, la loi
fondamentale qui ne prévoyait pas la solution à ce genre de
crise, de même que toutes les institutions qu'elle consacrait
d'être la source du Pouvoir. La loi fondamentale, comme droit, source de
légalité et de légitimité fut aussi
paralysée. Avec elle, tout l'ordonnancement juridique relative à
l'encadrement politique, c'est-à-dire à l'organisation et
à l'exercice du pouvoir fut « ankylosé ».
Dès lors la source du Pouvoir fut à chercher ailleurs, et se
révéla être ailleurs. Pas dans une institution mais dans un
homme, Mobutu. Se plaçant au dessus de tous, même de l'institution
normative qu'était la loi fondamentale, Mobutu, par son acte,
exerça un Pouvoir suprême à faire et défaire la
« puissance publique ».
Que penser ou que dire d'un pays où un homme selon les
circonstances ou même les humeurs peut disposer sans base constitutionnel
ni même légal, d'un tel pouvoir, de mettre ou démettre un
Chef d'Etat , de nommer qu'il veut au gouvernement et quand il veut, et surtout
d'empêcher hors de toute norme le parlement de fonctionner ?
Il est difficilement admissible que les faits à la base
de nos différents questionnements ci-haut se déroulent dans une
société méritant scientifiquement le qualificatif d'Etat
tel que nous l'avons défini tout au long de nos analyses. L'étude
du Pouvoir sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 s'accompagne d'une analyse
nécessaire à la clarté de la pensée, de ce qui fut
appelé, « la crise congolaise » résultant de
plusieurs faits saillants de l'histoire politique congolaise259(*).
§3. Le sort de l'Etat sous
l'empire de la loi fondamentale.
I. La République du Congo « Etat mort
né » ou « Etat né
prématuré ».
La naissance juridique de l'Etat congolais, s'est faite sur
fond d'une tension interne d'une part entre « unitaristes »
et « fédéralistes »et, d'autre part entre les
présumés « nationalistes » et
« pro-occidentaux ».
La jeune République proclamée le 30 juin 1960
eut à peine quelques jours qu'une succession des faits aussi graves les
uns que les autres se produisit mettant en péril l'existence de
l'Etat :
- La mutinerie de la force publique ;
- L'intervention belge ;
- La sécession katangaise ;
- La sécession kasaïenne260(*).
Les méthodes adoptées par le Chef de l'Etat et
son Premier Ministre se révélèrent tellement
opposées qu'elles aboutirent à un antagonisme dont le paroxysme
fut atteint le 5 septembre 1960 par la révocation de Lumumba par
Kasa-Vubu.
A. Notions et aspects de la crise
au Congo sous la loi fondamentale.
I. Notions et causes de la
crise.
La crise est susceptible de plusieurs entendements parmi
lesquels avec Mpinga Kasenda nous épousons celui proposé par
Ilunga Kabongo261(*).
Ainsi l'indépendance proclamée ainsi que la loi
fondamentale accouchaient d'un Etat qui a évolué au gré de
ce qu'on a appelé « la crise congolaise ». Le plus
important pour nous est d'apprécier l'impact de cette crise sur le
processus de création de l'Etat au Congo.
Comme l'a dit C. Young, la loi fondamentale sur la structure,
et les institutions du Congo élaborée à partir des
résolutions de la table Ronde Belgo - Congolaise de Bruxelles, fut
acceptée par les congolais comme une constitution provisoire devant
simplement, « rendre possible la naissance de
l'Etat »262(*). D'après cet auteur, « la crise
politique est ce moment d'instabilité pathologique
caractérisé par une rupture brutale de l'équilibre de la
société, rupture s'effectuant en un temps explosif et se
manifestant dans un contexte de violence ébranlant aussi à la
fois, le pouvoir, l'ordre et la stratification sociale ».
La notion de crise ainsi définie peut s'appliquer
à la situation ayant prévalue au Congo de 1960 à 1964. Les
études sur les causes de cette crise peuvent se révéler
utiles si nous mettons en relation avec le processus d'institutionnalisation du
pouvoir et de formation de l'Etat au Congo263(*).
Résumant ces causes Gendebien P.H, cité par
Mpinga, K. distingue les causes lointaines des causes immédiates de la
crise264(*).
a. Les causes lointaines :
1°. Les causes liées à la nature de la
colonisation belge.
Pour l'auteur précité, la politique coloniale de
contrainte, de coercition et de partenalisme avait contenu une tension qui ne
put se libérer que la veille de l'indépendance, au moment
précis où le régime colonial commença à
présenter quelques signes de faiblesse265(*).
En plus de l'absence d'une élite intellectuelle capable
de prendre la relève, c'est la conséquence de la formule belge
comme : « pas d'élites, pas de
problèmes »266(*), et l'absence de transition entre la période
coloniale et l'accession à la souveraineté nationale.
Enfin, l'on cite aussi la faiblesse du gouvernement belge
caractérisée par l'absence d'une politique coloniale
précise de la part de la métropole et par le découragement
et l'anémie des autorités administratives au Congo.
2°. Les causes de natures diverses.
Elles regroupent les facteurs tel que l'immensité du
pays dont les populations d'origines différentes n'eurent le plus
souvent comme leurs communs que la colonisation belge. Ces facteurs furent des
obstacles majeurs à l'édification d'une conscience nationale. Ils
expliquent aussi la présence au Congo des leaders n'ayant qu'une
audience limitée régionale ou ethnique.
b.Les causes immédiates
sont trouvées dans :
1°. L'absence de partis politiques
structurés et encadrés.
Ce point de vue de P.H. Gendebien, n'est pas partagé
par tous car d'aucuns estiment que certains partis étaient bien
encadrés et bien structurés. Tels que M.N.L.C, CONAKAT, ABAKO,
PNP, PSA.
Selon Mpinga Kasenda, ce qui s'est produit, c'est que ces
partis étaient organisés dans un but : l'accession à
l'indépendance acquise, ils perdaient leur raison d'être faute
d'avoir eu d'autre objectifs. Nous pouvons retenir comme le dit P.H. Gendebien,
cité par Mpinga Kasenda267(*) que les partis politiques de l'indépendance
ne furent capables ni de maîtriser les forces centrifuges au moment de la
crise ni d'élaborer une doctrine politique précise. Cela a
marqué presque toute l'histoire politique.
2°. La faiblesse politique du gouvernement Lumumba.
Comme le fait remarquer Mpinga Kasenda, cette faiblesse est
due en grande partie, par le fait que ce gouvernement a été
dès la première semaine de l'accession du pays à
l'indépendance, privé de ses principaux instruments du
pouvoir : l'Administration et l'Armée qui étaient jusque
là entre les mains de Belges268(*). Cette observation est pertinente. Mais d'autres
facteurs de divers ordres expliquent cette faiblesse :
- Facteurs d'ordre institutionnel ;
Beaucoup pensent que la loi fondamentale instaura un
Exécutif bicéphale qui fut la cause de nombreux conflits qui
débouchèrent sur la révocation du Premier
Ministre269(*).
- Facteurs d'ordre social ;
Après l'indépendance, le nationalisme ethnique
et irrédentistes et la résurgence de certaines forces
traditionnelles jusque là contenues par la contrainte coloniale, mirent
en mal la coalition gouvernementale, en l'absence d'une forte
personnalité nationale jouissant d'une légitimité
unanime.
- Facteurs partisans.
A défaut d'une majorité confortable Lumumba fut
contraint de former un gouvernement de coalition sans beaucoup de
cohésion. Cela fut dû au multipartisme congolais qui amena au
Parlement une multitude de partis d'importance variable. La crise congolaise a
revêtu des aspects divers.
2.Les aspects de la crise congolaise en 1960.
Les analystes de la crise congolaise
conviennent qu'elle avait atteint tous les niveaux de la vie nationale et avait
revêtu différentes formes : crise d'autorité, crise
constitutionnelle, crise institutionnelle, crise sociale et crise
économique270(*).
Nous retiendrons les aspects ayant des connexions avec notre sujet.
1) La crise
d'autorité.
Le concept d'autorité tient une position clé
dans le processus de formation l'existence de l'Etat, tant il est lié au
pouvoir. De ce fait, il est utile d'en préciser le sens. Le terme
autorité est définie de différentes manières en
science politique. A titre indicatif nous en citons quelques unes.
Littré, donne plusieurs définitions du mot autorité parmi
lesquelles nous retenons celle-ci : « l'autorité c'est le
pouvoir de se faire obéir »271(*).
Prélot (M.) et Bourricaud, (F.),
« l'autorité c'est le pouvoir légitime, ou encore,
le commandement perçu, non pas comme une force brute, mais comme une
force en laquelle, je peux avoir confiance parce qu'elle est fondée - ou
du moins pourrait l'être »272(*).
Exploitant la définition de Littré, A. Lalande
propose une définition qui nous semble plus opératoire dans le
cas de notre étude sur La République Démocratique du
Congo. D'après lui, l'autorité au sens sociologique du terme, est
le droit (ou pour le moins le pouvoir établi) de décider ou de
commander ». Il écrit, qu'il « convient d'introduire
dans la définition de Littré, l'idée du droit, sans
oublier que le pouvoir peut s'exercer sans le droit, puisqu'il y a des
autorités usurpées ; et que le droit peut exister sans
pouvoir, puisqu'il y a des autorités
méconnues »273(*).
Brièvement nous pouvons résumer l'idée de
la crise d'autorité par le fait que les agents, les institutions ou
organes investis du droit de commander, ne se font plus obéir.
A ce propos, J.L. Lacroix, observe avec justesse que
« l'organisation du pouvoir colonial s'est effondrée avant que
le pouvoir national ait eu le temps de constituer la sienne274(*) et, Mpinga Kasenda de
constater qu'en juillet 1960, lorsque, la mutinerie de la force publique et la
fuite des fonctionnaires belges privèrent le gouvernement congolais des
moyens de commander et de se faire obéir275(*) de ceci nous tirerons des
conséquences utiles sur la formation de l'Etat.
Cependant, un mot peut être dit sur manifestation de
cette crise d'autorité. Nous retiendrons deux formes
considérées par les auteurs comme les plus manifestes de la crise
d'autorité : le vacuum du pouvoir et la fragmentation de
l'autorité.
a. Le vacuum du pouvoir.
Comme l'a observé Ziégler se fondant sur la
définition que donne l'association française de science
politique276(*), il a
constaté qu'aucune autorité légitime, au sens courant du
terme n'existait au Congo du 5 septembre 1960 au 2 août 1961 ; date
de l'investiture du gouvernement Adoula277(*). D'aucuns estiment que si au sens de la sociologie
politique, on peut suivre J. Ziegler et admettre qu'il avait absence de
légitimité, on ne peut valablement soutenir juridiquement que le
Président Kayac-Vubu n'était pas une autorité
légitime. Nous ne voulons pas quant à nous verser dans ce
débat, mais nous voulons bien poursuivre le raisonnement sur le
« vacuum du pouvoir » pour en mesurer l'impact sur
l'éclosion de l'Etat au Congo.
J. Ziegler fait remarquer dans ses notes que le terme est
emprunté à la sociologie américaine et qu'il ne peut
être traduit par « vacance du pouvoir ». la vacance,
dit-il suggère la permanence et l'absence temporaire d'un titulaire. Le
terme de « power vacuum », par contre désigne un
phénomène plus complexe : le pouvoir s'est effondré,
il n'existe plus. Là où il se trouvait il est remplacé par
un vacuum. Le phénomène clé est l'absence du
pouvoir »278(*).
Bien qu'il y eut le collège de commissaires
généraux installé par le colonel Mobutu,
succédé par le deuxième gouvernement Iléo
(février - août 1961), la crise politique congolaise ne manqua pas
de fragmenter l'autorité de l'Etat.
b. La fragmentation de
l'autorité.
L'effondrement de l'Armée et
l'Administration et l'impasse constitutionnelle causée par la
révocation du cabinet Lumumba, laissèrent le pays sans
gouvernement pendant un temps relativement long. La fragmentation de
l'autorité fut la conséquence du processus de
désintégration du pays déclenché le 11 juillet 1960
par la proclamation de l'indépendance de la province du Katanga ;
suivie de la création au mois de novembre de la même année,
d'un gouvernement central « légitime » à
Stanley ville, par le Vice-Premier Ministre de Lumumba, Gizenga, qui
étendit son contrôle sur le Kivu, le Nord Katanga et, une partie
importante de l'ancienne province du Kasaï.
Par ailleurs, A. Kalonji et Ngalula constituèrent une
province dissidente baptisée « Etat autonome du
Sud-Kasaï ». Ainsi on s'est trouvé en présence de
quatre capitales avec chacune son armée et son administration, à
savoir Elisabethville, Léopoldville, Bakwanga et Stanley ville,
devenues aujourd'hui respectivement, Lubumbashi, Kinshasa, Meïji-Mayi et
Kisangani279(*).
Restait-il grand chose du Congo Kinshasa, à part sa
définition théorique telle qu'exprimée dans la loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ? Il
était aisé de constater que ces
« structures » étaient ébranlées. Dans
les pages suivantes nous aborderont bientôt cette question.
2) La crise
constitutionnelle.
L'impasse constitutionnelle
provoquée par la révocation de Lumumba, au dire de nombreux
auteurs, n'était qu'un aspect du problème constitutionnel du
Congo. Depuis la Table ronde de Bruxelles en 1959, le Congo s'est trouvé
toujours en quête d'une constitution capable de réconcilier d'une
part les pouvoirs au sommet et d'autre part les pouvoirs entre le sommet et la
base; ainsi entre unitaristes, fédéralistes et
confédéralistes la bataille a toujours fait rage, de même
entre les tenants d'un régime parlementaire et d'un régime
présidentiel.
Il est fait grief à la loi fondamentale d'avoir
été une copie de la constitution belge basée ni sur les
traditions politiques établies ni sur celles des anciens
colonisateurs280(*).
Comme le dit Young, le défaut capital de la loi fondamentale fut de
n'avoir prévu aucun moyen de sortir des équivoques
constitutionnelles éventuelles. Le même auteur explique le premier
coup d'Etat de Mobutu par la nécessité d'une intervention d'un
élément extérieur du cadre constitutionnel pour trouver
une issue à la paralysie du système constitutionnel281(*). cette analyse est d'autant
exacte que les institutions politiques régies par la loi fondamentale se
trouvèrent incapables de fonctionner normalement.
3.Aspect institutionnel de la crise.
J. Buchmann observe que les
institutions politiques constituent le moyen central du système
politique. Il explique qu'elles peuvent avoir un triple objet :
- Le mode de désignation des gouvernants (le
régime électoral) ;
- Les techniques de limitation de gouvernants (le
régime constitutionnel) ;
- Les rapports entre les « pouvoirs » ou
« le régime gouvernemental » qualifié de
régime politique stricto sensu.
Dans ce dernier cas, dit-il, « le régime
politique se réduit à l'un des éléments structurels
du système : l'élément
« institutionnel »282(*). Sous cet aspect, le lien avec notre sujet est
l'intérêt que présente la relation entre la constitution au
sommet d'un pouvoir exécutif effectif, impulsant sur l'ensemble des
organes du pouvoir et, l'émergence ainsi que la formation et la
stabilité de l'Etat. Entre 1960 et 1965, la crise institutionnelle fut
remarquable, en 1960 sous la loi fondamentale comme en 1964 sous la
constitution de Luluabourg par la difficulté de fonctionnement d'un
exécutif bicéphale.
En 1960, deux mois seulement après l'entrée en
vigueur de la loi fondamentale comme nous l'avons vu, l'antagonisme entre les
deux têtes de l'exécutif a abouti à la crise dont nous
avons parlé.
De même, en 1964, la même situation se
présenta : le Chef de l'Etat révoque le Premier Ministre
Tshombe, mais ne put le remplacer par un autre Chef de gouvernement jouissant
de la confiance du gouvernement, et comme la dit Mpinga Kasenda, tout se
termina comme en 1960 par l'intervention de Mobutu283(*), cette fois, le colonel
devenu général ne restitue plus le Pouvoir ni à l'un ni
à l'autre. Nul ne put penser qu'il n'en sortirait que par la force tel
que nous le verrons, après Trente - deux ans de règne sans
partage.
Sur le plan institutionnel, Mpinga Kasenda fait une
observation pertinente, lorsqu'il affirme que « de 1960 à
1965, le Congo n'a connu que des pouvoirs exécutifs faibles et conteste
les relations entre ces gouvernements privés de la plupart de leur
moyens d'action et les autres branches du pouvoir de l'Etat profondément
modifiés »3(*)34.
Nous pourrons anticiper pour constater que depuis 1990, la
même situation s'est répétée jusqu'à la date
où nous rédigions ces lignes.
Quant au Pouvoir législatif, le constat de C. Young
est des plus significatifs : la faiblesse du Parlement congolais sous la
loi fondamentale et les difficultés de son fonctionnement. Il explique
cette faiblesse par trois causes essentielles :
- L'absence d'une majorité confortable en faveur d'un
parti susceptible d'imprimer son action et ses orientations politiques aux
autres. Cela est du à la composition hétéroclite du
parlement ;
- Le manque de préparation des hommes politiques
à la vie parlementaire. La plupart des parlementaires, exceptés
ceux qui furent membres des conseils communaux, n'avaient jamais eu à
connaître des problèmes de portée nationale ;
- Le caractère corporatif du Parlement congolais.
C. Young, note avec une justesse, vérifiable
également à ce jour, qu'un trait constant de ce parlement fut le
sens de la solidarité que les députés manifestaient
lorsqu'il s'agissait de leur mandat ». L'auteur cite des traits
relatifs à la recherche des intérêts pécuniaires et
des avantages personnels et de solidarité dans le mal, qui rappelle
curieusement les incidents qui ont émaillé le parcours des autres
Parlements du Congo, tel que le Parlement sous la constitution de la transition
du 9 avril 2003, avec ce qu'on a appelé « Affaire
Kamitatu-Bemba ». Il montre que le Parlement sous la loi fondamentale
s'était tellement discrédité que le prestige de
l'institution en fut au plus bas et que le terme député fut
synonyme de politicien corrompu ; « le titre de
député était devenu l'objet de la dérision
publique, et que c'était le terme qu'on utilisait maintenant pour
désigner un voyou et un vaurien284(*).
B. Incidence de la crise
congolaise sur l'institutionnalisation du pouvoir et sur la formation de
l'Etat.
Dans les pages précédentes
nous avons bien montré l'impact de la crise congolaise sur
l'institutionnalisation du pouvoir politique au Congo. Il a été
suffisamment démontré que sous la loi fondamentale du 19 mai 1960
relative aux structures du Congo, le Pouvoir politique théoriquement
« institué » n'a pu s'institutionnalisé.
Quelles sont les conséquences à tirer d'une
telle affirmation au sens de la logique juridique dans la poursuite de nos
analyses sur la qualité du pouvoir et l'existence de l'Etat au
Congo-Kinshasa ?
Après avoir compris que l'Etat est une forme de pouvoir
politique et une forme de pouvoir institutionnalisé, démontrer
l'absence d'un pouvoir institutionnalisé, équivaut à avoir
démontré l'absence de l'Etat pour autant que l'on reste dans la
logique du cadre théorique précédant. De même c'est
admettre que chaque fois qu'il y a effondrement du pouvoir285(*), il conviendrait de parler
de l'effondrement de l'Etat, quitte à opérer une renaissance ou
une réfondation qui passe nécessairement par le
rétablissement d'un pouvoir politique non seulement légal et
légitime, mais suffisamment puissant pour être suprême sur
l'ensemble du territoire.
Nous l'avons dit précédemment que la loi
fondamentale n'a pas eu suffisamment d'emprise sur la conscience collective
congolaise ni sur les acteurs politiques, pour s'imposer en norme arbitrale
suprême gage d'un processus normale d'institutionnalisation du pouvoir.
Cela étant, il nous reste à démontrer que l'exercice d'un
pouvoir politique ou des pouvoirs politiques anarchiques a compromis pour
longtemps la naissance d'un Etat congolais viable. Nous dirions que la loi
fondamentale du 19 mai 1960 ou comme on le voudra, l'indépendance, ont
accouché soit d'un Etat - avorton, soit d'un Etat
prématuré, vite disparu. Pour le démontrer, il est utile
de rappeler :
qu'il n'y a pas d'Etat sans pouvoir ayant le monopole de
la violence physique ; sans territoire sur lequel s'exerce globalement la
puissance publique et sans population constituée des peuples libres
soumis à une autorité légale et légitime ;
qu'il n'y a pas d'Etat sans personnalité juridique unique et, sans
souveraineté. Or la crise congolaise de juillet 1960 a affecté La
République Démocratique du Congo dans tous ces
éléments.
La clarté de l'exposé impose une analyse de
l'incidence de la crise congolaise sur les éléments constitutifs
de l'Etat et de sa définition avant l'examen de son incidence sur les
fonctions de l'Etat.
1. Incidence de la crise congolaise de 1960 sur les
conditions d'existence de l'Etat.
a. L'absence du gouvernement et la multiplicité des
gouvernements, absence de la puissance publique.
De toutes les trois conditions l'existence de l'Etat,
l'organisation politique ou le pouvoir politique que nous avons appelée
la puissance publique est la plus déterminante car c'est par elle que
s'opère le phénomène de commandement - obéissance
caractéristique de l'Etat même au stade embryonnaire.
Dans les lignes précédentes, nous avons
observé avec Ziegler que quand le consensus social fait défaut,
il n'y a ni autorité ni, à plus forte raison,
légitimité ; comme l'autorité et la
légitimité forment deux éléments constitutifs de la
définition du pouvoir, il y avait donc « vacuum » du
pouvoir au Congo286(*).
Même C. Young tout en s'insurgeant contre les
thèses selon lesquelles la période entre 1960 et 1964 ne connut
qu'une véritable anarchie, reconnaît cependant que du
1er juillet au 29 septembre 1960, le pays ne fut pas
réellement gouverné.
Si comme nous pouvons le redire avec l'Association
française de science politique, cité par J. Ziegler, le pouvoir
politique est « l'exercice de l'autorité légitime de
quelques uns sur tous », il est aisé de constater que deux
semaines seulement après l'indépendance du Congo, rien de telle
ne pouvait correspondre à une telle définition. Aucun noyau du
pouvoir institué ou de fait ne s'identifiait à l'Etat pour
commander et se faire obéir par tous.
La mutinerie de la force publique ainsi que les sessions ne
furent que les soubresauts annonçant la mort précoce d'un Etat
« prématuré »287(*). Au cas où nous
pouvons nous consoler d'un Etat né viable mais n'ayant vécu que
l'espace d'une rose. Deux semaines de vie pour un Etat !
L'absence du pouvoir politique, c'est-à-dire du pouvoir
étatique au Congo, sous la loi fondamentale est d'autant plus facile
à établir qu'aucun pouvoir disposant du monopole de la contrainte
physique élément fondamentale dans la définition de l'Etat
- n'y existait plus.
Kasa-Vubu, Tshombe, Gisenga et Albert Kalonji, étaient
à la tête des gouvernements disposant chacun des armées et
des administrations indépendantes les unes à l'égard des
autres ou constamment en conflit violent. Un tel phénomène sur un
même territoire ne s'accommode pas avec la cohésion nationale
susceptible de déclencher le sentiment d'appartenance à un Etat
au sein d'une population.
b. Absence d'une population caractéristique d'un
Etat.
La population congolaise de 1960 est marquée par ce que
nous pouvons appeler de l'«ethnie identification ». Nous voulons
parler de cette satisfaction quasi irrésistible de s'identifier
mutuellement par les ethnies et les tribus même au sein d'une même
province ». Le lien tribal ou ethnique semblait chaque fois
l'emporter sur le sentiment national c'est-à-dire d'appartenir à
un Congo constituant un tout avec ses centaines de tribus dans les confins des
frontières héritées de la colonisation.
Donc distordues, entre quatre pouvoirs majeurs,
exerçant les prérogatives gouvernementales sur des portions de
territoires aussi difficiles à franchir par les uns et les autres autant
qu'il en fut pour le passage de Berlin est à Berlin Ouest, les
populations congolaises vivaient comme dans plusieurs Etats souverains, sans
homogénéité ni le vouloir vivre ensemble
poussé ; cependant, elles vivaient sur un même territoire.
c. Absence d'un territoire étatique.
Nous ne voulons pas dire que La République
Démocratique du Congo sous la loi fondamentale ait manqué de
territoire, mais nous retiendrons que l'examen des lieux entre l'Etat -pouvoir
et son territoire ne correspondait plus à ce que cette relation devrait
être. Et aussi, faut-il noter que le territoire hérité de
la colonisation fut marqué sérieusement par la crise congolaise.
Avec Ndaywel, nous avons vu que les partis politiques qui
auraient pu véhiculer une idéologie, à même de
rassembler les membres de la collectivité autour d'un idéal ou un
projet national, regroupant indistinctement les personne de différentes
tribus et ethnies, se sont plutôt posé en larges associations
tribalo - ethniques, dressées les unes contre les autres. Le territoire
est considéré comme « la circonscription à
l'intérieur de laquelle s'exerce la puissance de l'Etat, la limite
matérielle à l'action des gouvernants »288(*). De là, nous pouvons
affirmer que si à un point de son territoire l'Etat n'arrive plus
à imposer sa puissance, c'est que à ce point et au regard de ses
occupants, l'Etat cesse d'être un Etat. Ne dit-on pas « qui
tient le sol tient l'habitant » pour montrer que le territoire joue
un très grand rôle dans la création de l'Etat289(*).
2. Observations
découlant du morcellement du territoire.
A ce propos, quelques observations s'imposent :
1° La République Démocratique du Congo
n'avait plus la capacité de défendre son territoire sur toute
son étendue.
Ainsi, après avoir perdu la bataille contre les
armées de Tshombe, le gouvernement central n'exerçait plus
pleinement son pouvoir sur les frontières de la province du Katanga. De
même qu'il en sera pour l'Etat autoproclamé du Sud - Kasaï et
pour la province orientale ou stanleyville.
Il en découlait que sur le plan de sécurisation
du pays pour pérenniser l'Etat que la présence des troupes
congolaises régulières aux postes frontaliers à partir des
provinces rebelles devint impossible. Cela reviendrait à dire que le
pouvoir centrale n'était plus à même d'empêcher par
la force, une infiltration extérieure ou même une occupation par
les armées de pays limitrophes.
2° Sur le plan interne, le territoire était
morcelé comme nous l'avons dit précédemment entre
Kasa-Vubu, Tshombe, Gisenga et Kalonji.
Ces deux observations justifieraient la déduction par
laquelle un constat est possible conformément à toutes les
théories sur le territoire, la République Démocratique du
Congo ne disposait plus en tant qu'Etat d'un territoire jouant un rôle
caractéristique.
En effet, dans la première partie théorique nous
avons vu avec E. Mpongo290(*) et d'autres publicistes, le rôle du territoire
en ce qu'il joue le rôle de sujet, d'objet ou de limite. En tant que
sujet, le territoire est considéré comme la personnalité
même de l'Etat parce que sans territoire Etat ne pourrait exprimer sa
volonté291(*). Le
même auteur poursuit que ce qui caractérise la volonté de
l'Etat, de quelque manière qu'elle s'exprime (loi ou traité),
c'est l'autonomie, la souveraineté. Mais cette souveraineté ne
peut se manifester qu'à l'intérieur d'un territoire qui devient
par la suite un élément de la volonté et de la
personnalité de l'Etat292(*). Or avec la sécession et les rebellions des
années soixante, nous découvrons que cette souveraineté
faisait défaut sur l'ensemble du territoire qu'on ne pouvait plus
modifier de national.
Quant à la théorie du territoire objet, selon
laquelle le territoire est considéré comme un domaine
éminent de l'Etat, nous aurons constaté que la crise congolaise
avait eu pour effet la perte de ce domaine au profit des puissances internes
concurrentes à celle de l'Etat né de l'indépendance. De
même, en vertu de la théorie du territoire limite, celle
d'ailleurs, à laquelle on donne plus de préférence.
Aux termes de nos analyses sur l'institutionnalisation du
pouvoir et l'Etat au Congo, sous la loi fondamentale du 1er
août 1960 relative aux structures du Congo, nous avons
démontré que du point de vue théorique, le pouvoir
était constitutionnellement organisé à l'instar du pouvoir
politique en régime parlementaire dans les Etats occidentaux. On
pourrait s'y méprendre et croire à un pouvoir politique
institutionnalisé. Mais allant au delà de textes, nous avons
confronté l'effectivité de l'exercice du pouvoir à la
théorie pour conclure à l'échec de l'institutionnalisation
du pouvoir. S'il y avait eu institutionnalisation du pouvoir politique, Mobutu
n'aurait pas nommé les commissaires généraux, sortis de
nulle part, sinon de la fertilité de sa pensée sans que le pays
tout entier en soi scandalisé. Les ambiguïtés contenues dans
la loi fondamentales notamment celles relatives à la direction de
l'exécutif et à la nomination et la révocation du Premier
Ministre, le caractère étranger de la loi fondamentale par ses
origines, les pressions extérieures occidentales sur le Pouvoir
politique à Kinshasa frisant l'ingérence ou le
néocolonialisme, l'immaturité politique de la classe congolaise
recrutée à la hâte, après l'indépendance sont
autant des facteurs qui se sont dressés en obstacle à
l'institutionnalisation du pouvoir politique au Congo-Kinshasa.
Cela aura une grave conséquence : l'échec
de la maturation de l'Etat né juridiquement le 30 juin 1960. Cet Etat
disons-nous, comparable à un enfant prématuré dans la
couveuse, s'est trouvé brutalement déconnecté de
l'ambiance favorable à sa survie et s'est effondré mort. Nous
avons mesuré l'impact de la crise politique eu de la crise du pouvoir
sur l'Etat, nous avons pu démontré l'incidence négative
qu'elle a eu sur chaque élément constitutif de l'Etat congolais.
Aussi avons-nous le courage d'affirmer que depuis juillet 1960, et des mois
sombres qui ont marqué la paralysie de la loi fondamentale ainsi que du
système politique dont elle fut le pilier, le jeune Etat congolais ayant
cessé d'exister fut précipité dans un gouffre duquel les
efforts futurs par le constituant de Luluabourg, de 1964, et tous ceux qui ont
suivi tels que nous allons le voir, tentent de l'extirper s'affairant ainsi sur
un Etat non Etat ou un Etat « Zombi »293(*).
Section
2 : Pouvoir et Etat sous de la constitution du 1er août 1964.
Nous examinerons successivement, l'aménagement du
pouvoir, les relations entre les institutions, le fonctionnement des
institutions et l'incidence de la constitution de Luluabourg sur le pouvoir et
l'Etat.
§1. Aménagement du
pouvoir sous la constitution du 1er août 1964.
Comprendre l'architecture constitutionnelle des institutions
politiques avant d'examiner leur fonctionnement tel qu'organisé par la
constitution dite de Luluabourg, tel est notre préoccupation essentielle
dans ce paragraphe.
§1 Les institutions
politiques.
Hormis la Cour constitutionnelle, et les Cours et Tribunaux
l'article 53 de la constitution de Luluabourg prévoyait :
- Le Président de la République ;
- Le gouvernement ;
- Et le Parlement composé de deux chambres.
A. Le Président de la
République.
1.Mode de désignation.
Sous la constitution de Luluabourg, il fut prévu que le
Président de la République soit élu par un corps
électoral composé des membres du Parlement et des membres de la
ville de Léopoldville qui devraient voter dans la capitale, ainsi que
les membres des assemblées provinciales qui devraient chacun au
chef-lieu de la province qu'il représentaient.
La ville de Léopoldville désignerait un nombre
d'électeurs du Président équivalent au nombre des
Conseillers provinciaux auquel cette ville aurait en droit si elle était
constituée en province. Le scrutin aurait dû s'ouvrir sur
convocation du Président de la chambre des députés trente
jours au moins et soixante jours plus tard avant l'expiration du mandat du
Président en exercice294(*)
Les déclarations de candidature à la
présidence de la République devraient être
déposées sur le bureau de la chambre des députés
quatre vingt-dix jours au plus avant l'expiration du mandat du Président
en exercice.
L'élection devait avoir lieu à la
majorité absolue des suffrages aux deux premiers tours du scrutin,
à la majorité relative au troisième tour. Au
deuxième tour, seuls devraient rester en compétition les deux
candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix au premier
tour295(*).
2. Rôle et compétences du
Président de la République.
Conformément à l'article
54 de la constitution de Luluabourg, le Président de la
République était le représentant de la Nation et Chef de
l'exécutif central. Il devait conduire la politique de l'Etat, fixer le
cadre de l'action du gouvernement, veiller à son application et informer
le parlement de son évolution.
Par ailleurs, il était prévu que le
Président de la République dirigeait et contrôlait la
politique étrangère de la République, accréditait
les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des
puissances étrangères ; les ambassadeurs et les
envoyés extraordinaires devraient être accrédités
auprès de lui296(*).
Le Président de la République promulguait les
lois nationales dans les conditions prévues par la
constitution297(*); il
devait assurer l'exécution des lois nationales et faire les
règlements nationaux de police et d'organisation interne de
l'administration centrale298(*). Le Président de la République
exerçait des prérogatives législatives en prenant des
décrets ayant force de loi nationale, dans les conditions prévues
aux articles 95 à 97.
En effet, l'article 95 de la constitution du 1er
août 1964 disposait que : « Les chambres peuvent soit de
leur propre initiative, soit à la demande du Président de la
République, déléguer à celui-ci par une loi,
l'exercice du pouvoir législatif fédéral, pour certaines
matières déterminées et pour la durée qu'elles
fixent. Le Président de la République fédéral
exerce le pouvoir qui lui est ainsi délégué par voie de
décrets-lois délibérés en Conseil des Ministres.
Les chambres peuvent demander au gouvernement fédéral de
communiquer à leurs bureaux dans le délai qu'elles fixent les
décrets-lois délibérés en Conseil des
Ministres »299(*).
Par ailleurs, en temps de guerre, la disposition de l'article
97 conférait au Président de la République
fédérale le pouvoir de proclamer l'Etat de siège. Et,
lorsqu'un danger extérieur menaçait la République
fédérale ou que le fonctionnement régulier des
institutions de la République fédérale ou d'une preuve
était interrompu, le Président de la République
fédérale devait proclamer l'Etat d'urgence300(*). Ainsi, il devait prendre
des mesures d'urgence nécessaire pour faire face à la situation.
La constitution du 1er août 1964, le
Président de la République fédérale avait les
compétences de nommer le Premier Ministre et les autres membres du
gouvernement fédéral301(*). De même, il pouvait mettre fins aux fonctions
du Premier Ministre, d'un ou de plusieurs membres du gouvernement
fédéral sur présentation par eux de leur démission
ou sur proposition du Premier Ministre ;
Il pouvait également de sa propre initiative, mettre
fin aux fonctions du Premier Ministre, d'un ou de plusieurs membre du
gouvernement fédéral, notamment lorsqu'un conflit grave
l'opposait à eux ; Il avait la compétence de trancher
souverainement les conflits qui surviendraient entre le Premier Ministre et les
autres membres du gouvernement fédéral302(*). Le Président de la
République fédérale devait investir les gouverneurs de
province du pouvoir de le représenter dans la province303(*). Il était le Chef
suprême des forces armées pouvant nommer et révoquer
conformément à la loi fédérale, le Commandant en
Chef et les autres officiers des forces armées304(*).
L'article 63 de la constitution du 1er août
1964, lui conférait les compétences de nommer aux hautes
fonctions de l'administration fédérale, et le pouvoir de
nomination des magistrats à tous les niveaux de juridictions.
B. Le gouvernement
fédéral.
Nous examinons sa composition et le mode
de désignation de ses membres avant de voir ses attributions.
1. Composition du gouvernement fédéral
et mode de désignation de ses membres.
Aux termes de l'article 64 de la constitution du
1er août 1964, le gouvernement fédéral
était composé du Premier Ministre et des Ministres dont le nombre
ne dépasserait pas quinze.
Il pouvait comprendre en outre, au maximum, trois
secrétaires d'Etat adjoints au Premier Ministre ou à un
Ministre.
Comme nous l'avons déjà signalé, le
Premier Ministre était nommé par le Président de la
République fédérale. Les autres membres du gouvernement
fédéral étaient également nommés par le
Président de la République fédérale sur proposition
du Premier Ministre305(*).
2. Attributions du gouvernement et du Premier
Ministre.
Le Premier Ministre jouissait de la
prérogative de diriger l'action du gouvernement fédéral
dans le cadre du programme tracé et des décisions prises par le
Président de la République fédérale pleinement
responsable de la conduite des affaires du gouvernement306(*).
En plus, le Premier Ministre ou le Ministre
délégué par lui, présidait le Conseil du
Cabinet307(*), et
tranchait les conflits survenant entre les membres du gouvernement308(*).
Quant aux Ministres, ils étaient les Chefs de leurs
départements et appliquaient chacun dans son département, sous la
direction du Premier Ministre, le programme fixé et les décisions
prises par le Président de la République fédérale.
Les ministres demeurant dans la les limites de leurs prérogatives
constitutionnelles prenaient toutes les décisions relatives à la
gestion des services publics relevant de leur département.
Par contre, les secrétaires d'Etat, sous
l'autorité du Ministre auquel ils sont adjoints exerçaient les
attributions qui leur étaient expressément dévolues par le
Président de la République fédéral.
Que faut-il dire des pouvoirs du Président de la
République fédéral et du Premier Ministre personnage
clé dans l'évolution politique et la construction de l'Etat au
Congo ? Il serait anticiper d'apporter une réponse à ce
niveau. Le moins que l'on puisse dire est que sous la constitution du
1er août 1964, le Président de la République
jouissait des pouvoirs plus étendus et plus clairs que le Chef de l'Etat
sous la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.
S'agissant du Premier Ministre, il a vu son rôle
strictement encadré par le Président de la République
fédéral en même temps que son investiture était
soumise à l'approbation du Parlement réuni en
congrès309(*).
C. Le Parlement
Le Parlement fédéral
comportait deux chambres :
- la chambre de députés,
- et le sénat.
La manière dont leurs membres entrent aux affaires
déterminant la qualité du Pouvoir politique. Sous cet angle, il
n'est pas vain de parler de mode de recrutement ainsi que de leurs
attributions.
1. Mode de recrutement.
Les députés étaient élus au
suffrage universel direct et secret à raison d'un député
par 100.000 habitants : Chaque fraction de population égale ou
supérieure à 50.000 donnait droit à un
député de plus310(*).
Par ailleurs, les sénateurs étaient élus
par les Assemblées provinciales. L'un de six sénateurs
représentant de District fédéral de Léopold ville
devait être un chef coutumier ou un notable élu en cette
qualité311(*).
2. Attributions.
La chambre des députés et
le Sénat exerçaient collectivement le pouvoir législatif
fédéral conformément à l'article 90.
Conformément à l'article 96, les chambres donnaient approbation
par une loi aux décrets ayant force de loi pris par le Président
de la République en cas extraordinaire de nécessité ou
d'urgence.
Par ailleurs, chaque chambre avait le droit d'envoyer aux
membres du Gouvernement les pétitions qui lui étaient
adressées, et aux quelles les membres du Gouvernement
fédéral sont tenus de répondre chaque fois que l'une de
chambre l'exige312(*).
§2. Relations entre les
institutions et entre les organes du Pouvoir.
Les rapports entre les détenteurs du pouvoir d'Etat,
méritent l'analyse car ils sont susceptible de renseigner sur la forme
du pouvoir en place. Le pouvoir institutionnalisé se caractérise,
du moins formellement, par un partage des fonctions soit entre les organes
d'une même institution tels que le Chef de l'Etat et le Premier Ministre
pour l'institution gouvernementale d'une part soit entre différentes
institutions telles que le Gouvernement et le Parlement. Par contre, le pouvoir
individualisé est réfractaire au partage d'autre part. Qu'en
était-il sous l'empire de la constitution du 1er août
1964 ? Il est utile d'examiner les relations entre le Président de
la République et le Premier Ministre (A) avant d'apprécier les
rapports entre le pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif
(B).
I. Le Président de
République fédérale, le Premier Ministre et les membres du
gouvernement fédéral.
La constitution du 1er août 1964
confère sans ambiguïté une position hiérarchique plus
élevée au Président de la République
fédérale par rapport au Premier Ministre. D'abord par la source
de leur légitimité. Le Président de la République
fédéral était élu par un corps électoral
composé des membres du parlement et par les
délégués du District fédéral de
Léopoldville et les membres des assemblées provinciales313(*). Tandis que le Premier
Ministre est nommé par le Président de la République.
Ensuite par la précision apportée à
l'article 54 que le Président de la République
fédérale est le Chef de l'exécutif fédéral.
Et en fin par les prérogatives reconnues au Président de la
République fédérale de déterminer et de conduire la
politique de l'Etat. La même disposition de l'article 54 lui attribuait
le pouvoir de fixer le cadre de l'action du gouvernement fédéral.
Il en résultait que lors de son entrée en fonction le Premier
Ministre devait prêter serment devant le Président de la
République fédérale.
Peut-on penser que ce serment ait été la
reconnaissance d'un pouvoir personnel du Président de la
République par un acte d'allégeance à la personne du
Chef ?
Nous ne le croyons pas pour deux raisons, la première
est que la formule même du serment constitutionnelle telle que
prévue à l'article 65 ne faisait nullement allusion à la
« fidélité » au Chef de l'Etat
Président de la République comme à l'époque du
« Maréchal » Mobutu, mais on retrouve plutôt
une formule plus républicaine, expression d'un acte d'engagement
à observer la constitution et les lois de la République
fédérale du Congo ; la deuxième, est qu'il est plus
logique de considérer que le Président de la République
fédérale ne recevait ce serment qu'en sa qualité de
Représentant de la Nation314(*).
Pour sa part, le Premier Ministre était tenu de diriger
l'action du gouvernement fédéral dans le cadre du programme
tracé et des décisions prises par le Président de la
République fédérale qu'il tenait pleinement informé
de la conduite des affaires du Gouvernement315(*). Quant aux autres membres du Gouvernement
fédéral, ils n'étaient responsables que devant le
Président de la République fédérale. Ils
s'engageaient par le contreseing qu'ils opposaient à ses actes, à
les exécuter316(*).
II. L'Exécutif et le
Législatif.
Il importe de rappeler que les membres
du Parlement concouraient avec d'autres, à l'élection du
Président de la République fédérale qui
était comme nous l'avons dit, Chef de l'Exécutif.
Il convient de signaler que la constitution du 1er
août 1964 conférait au Parlement un pouvoir de désaveu du
Gouvernement qui conduisait le Premier Ministre et toute son équipe
à la démission317(*). Dans ce cas, le Président de la
République devait désigner un autre formateur pour lui proposer
une autre équipe gouvernementale.
Le Président de la République disposait d'un
pouvoir législatif exceptionnel en cas de siège ou d'un Etat de
siège. Dans ces circonstances, il pouvait prendre comme nous l'avons vu
prendre des décrets ayant force des lois. Le Parlement devait approuver
par ses deux chambres endéans soixante jours, depuis leur signature. La
promulgation des lois était faite par le Président de la
République fédérale. Mais il ne pouvait promulguer que les
lois approuvées par le Parlement. Ainsi les décrets lois qui
n'étaient pas approuvées dans le délais
précité, cessaient de produire les effets318(*). S'agissant de
l'élaboration de la loi, nous devons signaler que l'initiative des lois
fédérales appartenait concurremment au Président de la
République fédérale et à chacun des membres du
Parlement conformément à l'article 90 de la constitution du
1er août 2006.
Le Président de la République
fédérale pouvait déclarer un projet ou une proposition de
loi urgent, cet acte là devait être examiné en
« priorité ».
Le Parlement exerçait des moyens de contrôle
classique sur le Parlement, à savoir, la question orale ou
écrite, l'interpellation, l'audition par les commissions, la commission
d'enquête, l'avertissement ou la remontrance319(*).
§3. Fonctionnement des
institutions.
Il était possible d'espérer à juste titre
que les institutions mises en place par la constitution du 1er
août 1964 fonctionneraient sans accroc, du fait des correctifs
apportés dans la nouvelle constitution élaborée par les
congolais eux-même, par rapport à l'expérience malheureuse
de la loi fondamentale du 19 mai 1960. Mais c'était sans compter avec la
caractéristique quasi unique de la classe politique congolaise, le vice
du conflit faisant d'elle l'une de classe la plus pervertie de notre
planète. Nous y reviendrons.
Sur le plan formel, les attributions des organes et des
institutions ainsi que leurs modes de collaboration étaient clairement
définies par la constitution. La nouvelle crise institutionnelle qui
devait naître avait une fois de plus conduit à la paralysie des
institutions se traduisant par un blocage du fonctionnement du système
(I.), et ayant une fois de plus abouti à l'échec de
l'institutionnalisation du pouvoir (II.).
I. Paralysie des institutions sous
la loi du 1er août 1964.
Tirant les leçons des révocations mutuelles de
1960 entre le Chef de l'Etat Kasa-Vubu et le Premier Ministre Lumumba, le
constituant de Luluabourg renforça les prérogatives du Chef de
l'Etat tel que nous l'avons vu précédemment. Au terme de
l'article 54, il détermine et conduit la politique de l'Etat, fixe le
cadre de l'action du gouvernement, veille à son application et informe
l'assemblée de son évolution. Il a le pouvoir de révoquer
un ministre voire même le Premier Ministre sans condition
préalable d'un contreseing ministériel.
Toujours dans le souci de garantir la stabilité des
institutions, le constituant de Luluabourg a fait disparaître les notions
de censure et de défiance. Cependant les deux chambres conservaient
leurs pouvoirs d'approbation ou de refus d'investiture d'un gouvernement
nommé par le Chef de l'Etat320(*). Alors que seule la chambre de représentant
pouvait approuver ou non la nomination d'un Ministre.
La constitution du 1er août 1964 ne
résolvait pas la question de savoir ce que adviendrait en cas de la
reconduction d'un même formateur par le Chef de l'Etat en cas de sa
désapprobation lors de sa première désignation par le
Parlement réuni en congrès ou celle du refus d'approbation d'un
nouveau Ministre.
Certes le bon sens et même la simple logique exigent
qu'une telle préoccupation ne soit pas d'une grande importance
dès lors qu'on pouvait bien penser qu'en vertu du principe, que les
mêmes causes produisent les mêmes effets, le Chef de l'Etat aurait
suffisamment de lucidité pour ne plus rédésigner un
formateur précédemment désapprouvé par les chambres
du Parlement. Or c'est malheureusement ce qui arriva en 1965.
Ayant proposé la candidature d'Evariste KIMBA, en
remplacement de son Premier Ministre Moïse TSHOMBE qu'il venait de
révoquer, le Président de la République
fédérale Monsieur Joseph Kasa-Vubu, se heurta au refus
d'investiture de son candidat de la part du Parlement. Faisant fi de ce refus,
il proposa le même candidat que le Parlement devait également
refuser. Ce fut le blocage, et la résurgence d'une crise
institutionnelle321(*).
D'aucuns essayent de comprendre le comportement politique du Président
de la République fédérale Monsieur Kasa-Vubu par son
désir de se présenter aux prochaines élections
présidentielles où devait également se présentait
Monsieur Moïse Tshombe comme adversaire. Or jouissant d'une confortable
majorité au Parlement ce dernier était crédité
d'avance gagnant compte tenu de la majorité dont il jouissait dans le
nouveau parlement322(*).
II. Echec d'institutionnalisation
du pouvoir sous la constitutions du 1er août 1964.
Sans un rappel aussi bref que possible de ce que nous avons
dit sur institutionnalisation du pouvoir, quelques incompréhensions
peuvent persister. L'important ici est de mesurer l'impact de la constitution
du 1er août 1964 sur le processus d'institutionnalisation du
pouvoir politique. Pour bien nous situer, il est utile de préciser que
nous parlons du pouvoir suprême dans l'Etat. Ce pouvoir défini
comme la capacité de commander et de se faire obéir. A son niveau
le plus élevé, nous avons vu qu'un telle capacité est
l'apanage de l'Etat. L'Etat étant, invisible, l'exercice de son pouvoir
s'exprime par des gouvernants organes ou personnes physiques, investis du
pouvoir d'action.
Deux formes du pouvoir nous ont permis d'explorer la notion
d'institutionnalisation, à savoir la forme personnifiée ou
individualisée du pouvoir et la forme institutionnalisée.
Dans la première nous avons dit, le pouvoir est
perçu comme la propriété de son détenteur qui
l'exerce selon tous les attributs de son droit. Ici Le détenteur est
dispensé du souci de conformisme à une quelconque règle
dans l'exercice du pouvoir. Une telle forme de pouvoir est incompatible avec
l'idée même de l'Etat car, après Burdeau G. et
Prélot M. nous avons dit que l'Etat est un pouvoir de droit, un
« Pouvoir institutionnalisé », Sachant que
l'institutionnalisation implique que le pouvoir étatique soit un pouvoir
s'exerçant selon les règles », l'épisode
congolaise de 1965 suscite certaines questions. Quelle forme faut-il attribuer
au pouvoir politique exercé et manifesté au sommet sous le mandat
du Président de la République fédérale de Joseph
Kasa-Vubu. L'institutionnalisation du pouvoir a-t-il été rendue
possible. Nous devons situer la repose de cette double préoccupation
à deux niveaux, à savoir de l'analyse juridique,
constitutionnelle et de la pratique constitutionnelle et politique.
1°. Du point de vue constitutionnel.
Il est aisé de considérer que la constitution du
1er août 1964 a consacré l'institutionnalisation du
pouvoir dans ce sens que le pouvoir d'Etat devrait se conquérir,
s'exercer et se transmettre conformément aux règles
préétablies. Le mode de désignation du Président de
la République était déterminé aux articles 55 et 56
qui déterminaient également son mandat, ses compétences
furent également son mandat, ses compétences furent
également clarifiées notamment aux termes des articles 58 et 63.
Donc sur le plan strictement juridique, la constitution du
1er août 1964 se posait en socle suffisant pour la disparition
du pouvoir individualisé ou personnalisé. Nous croyons que notre
point de vue se trouve renforcé par les dispositions des articles 2 et
71 de la constitution du 1re août 1964.
En effet, l'article 2 dispose que « tout pouvoir
émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie
du référendum ; aucune section du peuple ni aucun individu
ne peut s'en attribuer l'exercice ».
Par ailleurs, l'article 71 érige en infraction de haute
trahison à charge du Président de la République et des
membres du gouvernement, tout acte contraire à la constitution nationale
par lequel l'un ou l'autre se substituerait ou tenterait de se substituer
à une institution, ou empêcherait à une autre institution
de fonctionner. Ces dispositions font une démarcation remarquable entre
l'institution Etat source du pouvoir et ses détenteurs précaires
ou agents que devraient être le Président de la République
et les membres du gouvernement. Cela suffirait à conclure à
l'institutionnalisation du pouvoir. Cependant nous croyons qu'il serait
naïf de se limiter à la façade constitutionnelle sans
pénétrer la profondeur de la pratique et jauger le niveau de
culture politique du moment.
2°. Du point de vue de la pratique politique.
Le régime de la constitution du 1re
août 1964, avec au centre, les mêmes acteurs du régime de la
loi fondamentale excepté Patrice LUMUMBA disparu, n'a pas
généré une forme de pouvoir institutionnalisé. Au
paragraphe suivant nous verrons qu'elle n'a pas eu grande incidence sur le
pouvoir.
§4. Incidence de la
constitution du 1er août 1964 sur le pouvoir et l'Etat.
Il importe d'examiner le sort de l'Etat sous la constitution
du 1er août 1964. Ce texte a-t-il eu un impact positif sur le
processus de formation ou de consolidation de l'Etat au Congo-Kinshasa ?
Il y a lieu de procéder à une analyse à trois niveaux.
D'abord sur le plan théorique (I.), ensuite sur l'observation de
l'exercice du pouvoir (II.), et enfin sur la déliquescence de l'Etat
(III.).
I. Projection
théorique.
Il est utile de constater qu'à l'instar de la plupart
des constitutions écrites, la constitution du 1er août
1964 élaborée par la commission constitutionnelle réunie
à Luluabourg323(*), du 1er janvier au 11 avril 1964, et
soumise au référendum du 25 juin au 10 juillet 1964, commence par
des dispositions relatives à la définition de la forme de
l'Etat.
En effet, l'article 1er dispose :
« la République Démocratique du
Congo constitue dans ses frontières au 30 juin 1960, un Etat souverain,
indivisible, démocratique ».
« l'emblème de la République est
le drapeau bleu ciel, orné d'une étoile jaune dans son coin
supérieur gauche et traversé en biais d'une bande rouge finement
encadrée de jaune ».
La même disposition définit sa devise324(*) et ses armoiries
composées d'une tête de Léopard encadrée à
gauche d'une branche de palmier et d'une flèche et, à droite
d'une pointe d'ivoire et d'une lance, le tout reposant sur une pierre.
Dans le même ordre d'idée, la constitution du
1er août 1964 affirme l'existence d'un territoire
découpé en 21 provinces325(*), et d'un pouvoir dont le peuple est
titulaire326(*). On
peut, à la lecture des dispositions de la constitution du 1er
août 1964, déceler en faveur du Congo-Kinshasa, la réunion
de toutes les trois conditions d'existence de l'Etat, aussi appelées,
éléments constitutifs de l'Etat à savoir, une population,
un territoire et un pouvoir politique formellement institutionnalisé.
De là, à penser qu'il n'y aurait aucun
intérêt à s'interroger sur la formation de l'Etat ou sur sa
consolidation serait une erreur car entre la disposition théorique et
l'effectivité de l'Etat la marge peut être considérable. Il
y a lieu de considérer les déclarations faites aux articles
1er, 2 et 3 de la constitution du 1er août 1964,
comme une affirmation de principe, une projection théorique ou un
idéal. L'effectivité de l'Etat congolais sous la constitution de
Luluabourg ne peut se vérifier sans apprécier la manière
dont le pouvoir était exercé.
II. Le Pouvoir dans le chaos.
La constitution du 1er août 1964 fut
promulguée à une période de grande tension interne. Bien
que l'année 1963 connut la fin de la sécession
« katangaise », la République Démocratique du
Congo ne sombrait pas moins dans le chaos. Un fait majeur devrait perturber le
cours de la situation politique et militaire, à savoir la
« révolution muleliste ». A cette période,
parler du pouvoir au Congo-Kinshasa appellerait la question de savoir de quel
pouvoir s'agissait-il, tellement que les guerres révolutionnaires et les
rebellions persistaient ayant pour conséquence, plusieurs centres de
pouvoirs. Il convient de rappeler les événements troubles de
cette époque non par le souci de faire de l'histoire mais de mettre en
relief les obstacles à l'exercice d'un pouvoir institutionnalisé
et à l'édification de l'Etat, bref des facteurs
défavorables à la stabilité et du pouvoir et de l'Etat.
Jusqu'à la promulgation du 1er août 1964 le clivage
politique entre les nationalistes327(*) et les autres formations politiques
qualifiées de néocolonialistes ou pro occidentales persista.
Isidore Ndaywel affirme que la réconciliation de
Lovanium328(*) fut de
courte durée car les nationalistes qui se réclamaient
héritier de Lumumba se rendirent compte qu'ils avaient été
dupés par le « groupe de Binza ». Le gouvernement
Adoula procéda à des remaniements visant à évincer
la tendance nationaliste en son sein. A cela s'ajoutaient deux faits ayant
contribué à renforcer l'opposition à l'égard du
gouvernement Adoula, à savoir le refus de libérer Gisenga Antoine
et la dissolution des chambres du Parlement.
En effet, Gisenga était emprisonné depuis 1962,
en mai 1962, le conseil de Ministres avait décidé de le
relâcher mais plus tard Adoula reviendra sur cette décision,
déclarant qu'il était lui-même d'accord, mais que ses amis
avaient refusé. En juin 1963 c'est Adoula lui-même qui se
décida de libérer le prisonnier encombrant, mais Kasa-Vubu n'y
prêtera guère grande attention ; Et c'est Tshombe qui le
libérera le 15 juillet 1964, soit à quelques jours de la
promulgation de la nouvelle constitution. Du fait de son emprisonnement Gisenga
commençait à acquérir la faveur de l'opinion comme un
héros tandis que le gouvernement Adoula devenait de plus en plus
impopulaire. En même temps, le Président Kasa-Vubu prit la
décision, le 29 septembre 1963, de dissoudre les chambres en vue de
stopper l'offensive de l'opposition qui ne cessait d'importuner le
gouvernement329(*).
A l'abri des incursions policières, l'opposition
frondeuse, trouva abri à Brazzaville où Alphonse Massamba -
Débat favorable à la tendance progressiste et partenaire de
Lumumbistes, venaient de renverser l'Abbé Youlou ; Mieux
sécurisé à Brazzaville qu'au sein du Parlement à
Kinshasa, l'opposition congolaise décida de s'organiser pour
déclencher la « révolution ». Ainsi, les
partis unitaristes qui constituaient l'opposition s'organisèrent en un
cartel appel « Conseil National de Libération »
(CNL) ayant pour objectif de renverser le gouvernement Adoula et
réaliser enfin « la décolonisation totale et effective
du Congo », encore dominé par la coalition, des puissances
occidentales330(*).
Fondé le 3 octobre 1963, la CNL proclama dans son
manifeste, la déchéance de toutes les institutions régies
par la loi fondamentale, Chef de l'Etat, Gouvernement et autres et
réclama, la mise en place d'un « gouvernement provisoire de
salut public »331(*). Autant que le pouvoir à Kinshasa
était dès 1960 affaibli par les tendances à la
personnification et les contestations réciproques de ses
détenteurs les uns les autres autant les pouvoirs
révolutionnaires souffraient de mêmes maux. De là, à
nous faire croire que l'homme congolais s'est systématiquement
montré inapte à se conformer à la rigueur d'une discipline
institutionnelle. L'institutionnalisation suppose, l'organisation structurelle
et systématique par des normes, et une soumission des membres et
à la règle et à la hiérarchie ou aux organes.
Ainsi, à partir de février 1964, il eut deux ailes du CNL :
le CNL - Gbenye et le CNL - Bocheley. Ce dernier étant
Vice-Président du CNL contestait l'autorité de son
Président Gbenye dont il trouvait le mouvement ambigu et hésitant
à s'engager dans une lutte concrète. Avec ses amis, Bocheley,
révoque Gbenye et se fit élire responsable du CNL, le 5
février 1963. Comme Kasa-Vubu et Lumumba en 1960, Gbenye à son
tour révoqua son Vice-Président. Finalement chaque comité
fonctionna en dissident. Le CNL Bocheley s'appuya davantage sur le Parti
Solidaire Africain (PSA), et essaya de récupérer le projet
révolutionnaire de Mulele. Il importe de signaler qu'il existait deux
ailes du PSA, PSA - Kamitatu et PSA - Gbenye, farouchement opposés. La
« révolution » fut déclenchée en deux
mouvements :
Le premier fut dirigé par Pierre Mulele dans le Kwilu
à partir du mois d'août 1963. Ce front fut complété
par un autre ouvert dans la région de Bolobo - Mushie en juillet
1964.
Le second, partait de la région Uvira - Fizi conquise
en avril 1964332(*). Il
s'étendit vers le Nord - Katanga par la conquête d'Albert - ville
le 19 juin 1964 ; puis au Maniema dont la capitale tomba le 24 juillet de
la même année et enfin au Haut- Congo ou Stanleyville
tombée le 5 août 1964 devint la capitale d'une
« République populaire du Congo ».
Il faut noter que l'offensive muleliste enregistra une
succession de victoires. Les forces mulelistes en quelques mois,
occupèrent le territoire compris entre Kikwit - Gungu et Idiofa.
A l'Est, un autre front révolutionnaire s'ouvrit le 15
avril 1964, huit mois après le déclenchement de
l'opération du Kwilu. Depuis le mois de janvier, Gaston Soumaïli
dit Soumialot et Laurent Désiré Kabila venant de Brazzaville s'y
livraient à des activités subversives. La Chute d'Uvira servit de
point de départ pour des nouvelles conquêtes. Albert - Ville,
Baudouin ville, Kabalo, Manono, Kabongo tombèrent successivement l'un
après l'autre.
Très rapidement l'ensemble de la région tomba
sous contrôle de révolutionnaires333(*). Au mois de juillet, Kindu
la capitale du Maniema tomba avant Kabambare, Kasongo et d'autres villes et
localités.
Comme il est possible de le constater, au moment où la
constitution du 1er août 1964 est promulguée, le pays
est déchiré par des guerres rageuses qui ne manquent pas
d'affecter le pouvoir et l'Etat. Les calculs politiciens et le souci de
protéger les intérêts extérieurs semblent plus peser
dans la manière dont les détenteurs du pouvoir l'exercent que la
règle constitutionnelle, que du reste, les rebelles ignorent.
Le moins que l'on puisse dire est que le pouvoir tel que
défini par la constitution du 1er août 1964 s'est
exercé dans un environnement chaotique qui a favorisé le
processus d'effondrement de ce qui aurait dû aboutir à la
formation de l'Etat au Congo-Kinshasa.
III. Poursuite du processus
d'effondrement de l'Etat embryonnaire.
La crise institutionnelle congolaise a eu une incidence
très relative sur la consolidation de l'Etat. Il est utile d'examiner
son incidence sur les conditions d'existence de l'Etat avant d'analyser celle
sur les fonctions de l'Etat.
A. Incidence sur les conditions
d'existence de l'Etat.
Trois éléments sont retenus comme constitutifs
de l'Etat à savoir, la population, le territoire et la puissance
publique.
IL convient d'apprécier chacun de ces
éléments par rapport à son essence ou à son
rôle étatique en ce qui concerne la République
Démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du 1er
août 1964.
1. Incidence de la crise
politique sur la population au Congo.
L'existence des êtres humains sur un sol donné
suffit-il à faire des lieux occupés un Etat au sens
moderne ?
La réponse est sûrement négative. Nous
l'avons dit avec Carré de Malberg que la population étatique
satisfait à certains critères à savoir
l'homogénéité, le caractère politique et la
liberté.
Carré de Malberg observe que « dans chaque
Etat on trouve un certain nombre d'hommes. Ce nombre peut être plus ou
moins considérable : il suffit que ces hommes soient parvenus en
fait à former un corps politique autonome »334(*). Il dit que l'Etat c'est
avant tout une communauté humaine. L'Etat est une forme de groupement
social. Ce qui caractérise cette sorte de communauté humaine, ce
qu'elle est une collectivité publique, se superposant à tous les
groupements particuliers, d'ordre domestique ou d'intérêt
privé, ou même d'intérêt public local qui peuvent
exister entre ses membres335(*). Tandis que à l'origine, poursuit le
même auteur, les individus n'ont vécu que par petits groupes
sociaux, famille, tribus, gens, isolés les uns des autres quoique
juxtaposés sur le même sol, et ne connaissant chacun que son
intérêt particulier, les communautés étatiques se
sont formées en englobant tous les individus qui peuplaient un
territoire déterminé, en une corporation unique fondée sur
la base de l'intérêt général et commun qui unit
entre eux, malgré toutes les différences qui les séparent,
les hommes vivant côte à côte en un même
pays »336(*).
C'est dire que la population étatique n'est pas un conglomérat
des groupes opposés les uns aux autres pour satisfaire leurs aspirations
particulières. Il doit s'agir plutôt d'une population
constituée en une nation ou ayant la vocation à le devenir.
Comme observe Carré de Malberg, le mot
« nation » dans son sens juridique précis, tel qu'il
résulte du système positif du droit public français et
notamment du système de la souveraineté nationale, désigne
non pas une masse amorphe d'individus, mais bien la collectivité
« organisée des nationaux, en tant que cette
collectivité se trouve constituée par le fait même de son
organisation en une unité individuelle »337(*). Partant de l'analyse
précédente de Carré de Malberg, l'on peut retenir que ni
l'intérêt général ni le bien commun ne constituaient
la préoccupation des populations congolaises. Fragmentées autour
des politiciens omnibulés par la recherche effrénée du
gain personnel, les masses congolaises miséreuses et
éprouvées par les affres de la guerre, se préoccupaient
plus des problèmes de survie dans un environnement où
l'allégeance au seigneur de guerre occupant offrait l'unique voie de
salut, encore que cela ne suffirait pas car les caprices d'un porteur d'armes,
révolutionnaire ou rebelle pouvaient donner la mort sans que l'auteur
soit inquiété par une quelconque justice.
Depuis 1960, la caractéristique de la population
congolaise, fut une agitation quasi permanente soit des partis politiques
à connotation exclusivement tribale ou ethnique soit des politiciens
incitant à la haine tribale.
La situation n'aurait pu être différente
dès lors qu'à la veille de l'indépendance les partis
politiques qui ont existé ou émergé à
l'époque ont véhiculé plutôt une sensibilité
tribale ou ethnique découlant même de leurs dénominations.
Ces formations étaient les plus nombreuses. Ainsi on pouvait noter
l'existence de l'Alliance des Bakongo (ABAKO), le Mouvement Solidaire Muluba
(MSM), le Mouvement pour l'Unité Basongye (MUB), l'Union de Bateke
(UNIBAT), l'Union des Mongo (UNIMO), l'Union de Warega (UNERGA), l'Association
des Baluba du Katanga (BALUBAKAT), etc. Ces types des partis étaient
complétées par des fédérations et autres structures
interethniques : l'Association de Tchokwe du Congo, de l'Angola et de
Rhodésie (ATCAR), la confédération des Associations
tribales du Katanga (CONAKAT), la coalition Kasaïenne (COAKA), la
fédération des Associations des ressortissants de la province du
Kasaï (FEDEKAT), l'Association des Ressortissants du Haut - Congo
(ASSRECO), l'Union Kisangalaise pour l'indépendance et la liberté
(LUKA), le Rassemblement Démocratique du Lac Léopold II et du
Kwango - Kwilu (RDLK). Mêmes quelques uns aux titres extravagants
n'avaient qu'en audience régionale : Centre de Regroupement
Africain (CEREA) au Kivu, Parti Solidaire Africain (PSA) au Kwilu et Parti de
l'Unité Nationale (PUNA) en Equateur338(*). Les partis à vocation nationale qui auraient
pu galvaniser l'élan de la population vers l'intérêt
général non seulement étaient moins nombreux mais ce sont
trouvés farouchement opposé par rapport à des positions
irréductibles quant aux options sur la gestion politique et
administrative de l'Etat d'une part et sur la poursuite ou non de la
coopération avec le bloc occidental. Aussi a-t-on assisté
à un combat acharné entre le bloc pro occidental accusé de
néocolonialisme dit bloc de « Binza » comme on l'a
vu opposé au bloc de nationaliste « Lumumbiste »
accusé de communiste. Mais quant à la forme de l'Etat la bataille
s'est située entre fédéraliste et unitariste. Comme les
congolais ne sont pas fort en batailles d'idées et des mots seulement,
ils recourt trop vite à la bataille du feu.
Au delà de la population en tant que communauté
organisée, et faut-il le souligner l'organisation ne provient que d'un
pouvoir lui-même organisé, les individus membres de la
communauté sont des nationaux ou encore des citoyens au sens romain du
mot « civis »339(*). Ce terme désigne le lien social qui, par
dessus tous leurs rapports particuliers et leur groupement partiels, rattache
tous les membres340(*).
De ce point de vue, il y a lieu de dire que pris individuellement les hommes
constituant la masse humaine congolaise manifestaient moins ce lien
d'appartenance à un corps politique congolais qu'à un corps
tribal ou « idéologique ».
Nous dirons que selon les extravagances de leurs leaders
tribaux de leur conducteur politique, les populations congolaises se sont
trouvés soit otages soit prisonniers des libérateurs auxquels ils
n'ont légués aucuns mandats. Or l'Etat est formé d'hommes
libres. Nous retiendrons que de 1964 à 1965, la constitution du
1er août 1964 n'a pas eu d'incidence d'impact sur
l'organisation sociale au point de générer une culture de
citoyenneté ni de liberté ni chez les gouvernés ni chez
les gouvernants. A cette période est-il possible de parler d'une
population congolaise en tant qu'élément constitutif de l'Etat
alors que la volonté la plus remarquable entre les communautés de
ses populations était soit de se détruire mutuellement soit de
s'exclure ? La question demeure lorsqu'on considère que ces
populations se sont trouvées sous l'autorité des plusieurs
« pouvoirs » exerçant avec succès le monopole
de la violence physique, c'est-à-dire deux gouvernements dont l'un de la
République Démocratique du Congo avec comme capitale
Léopoldville sous la direction de Adoula ou Tshombe après et
l'autre, la République Populaire du Congo à Stanleyville, sous
l'autorité de G. Soumialot341(*). Nous y reviendrons.
2. Incidence de la crise politique sur le
territoire.
Il est admis que le sort de l'Etat est
inextricablement lié à son territoire comme l'une de trois
conditions de son existence. Les événements relatifs au
territoire d'un Etat dans le sens soit de sa réduction spatiale, disons
géographique, soit de sa perte totale, affecte proportionnellement
l'Etat dans le sens de sa survie ou sa disparition.
En parlant de la population comme élément
constitutifs ou condition d'existence de l'Etat nous avons insisté sur
la nécessité d'une certaine cohésion entre membres de la
collectivité étatique. A ce propos, c'est à juste titre
que Carré de Malberg affirme qu'un rapport de liaison nationale ne peut
prendre de consistance qu'entre homme qui se trouvent mis en contact par le
fait même de leur cohabitation fixe sur un ou plusieurs territoires
commun : le territoire est donc l'un des éléments qui
permettent à la nation de réaliser son unité342(*). Le même auteur
poursuit avec justesse, qu'une communauté nationale n'est apte à
former un Etat qu'autant qu'elle possède une surface de sol sur laquelle
elle puisse s'affirmer comme maîtresse d'elle-même et
indépendante c'est-à-dire sur laquelle elle puisse tout à
la fois imposer sa propre puissance et repousser l'intervention de toute
puissance étrangère343(*).
Dans une autre direction, nous devons considérer le
rapport entre le territoire et le troisième élément
constitutif de l'Etat, le pouvoir, le gouvernement ou la puissance publique.
Sous cet aspect, nous observons après Georges Burdeau que le territoire
apparaît d'une importance capitale dans l'oeuvre politique du
pouvoir344(*). Et il
conserve ce caractère quelle que soit la forme du Pouvoir. Le territoire
est toujours un cadre de compétence, une base d'action du Pouvoir et
pour le groupe, il ne cesse de demeurer le symbole tangible de l'esprit de
communauté345(*).
A ce titre le territoire ne présente pas seulement un
intérêt pour le groupe national, dans son rôle de
délimitation du groupe grâce aux frontières ; il sert
également les vues du Pouvoir étant pour lui une condition de son
indépendance et un facteur de son autorité. Un autre rôle
majeur du territoire, est de servir à l'Etat un cadre de
compétence et un moyen d'action. Sans préjudice des
considérations d'opportunités politiques et des engagements
internationaux, il convient de constater que le territoire est le cadre naturel
dans lequel les gouvernants exercent leurs fonctions. Ils sont maîtres,
en principe, de subordonner à leur réglementation toutes les
activités qui s'y donnent cours. Pendant la situation qui a
prévalu sous l'empire de la constitution du 1er août
1964, peut-on vérifier que le territoire du Congo-Kinshasa ait pu
joué ce double d'un Etat existant et effectif ? Ici aussi, du point
de vue théorique le constituant de Luluabourg affirme de manière
savante, l'existence « d'un Congo constituant, dans ses
frontières actuelles un Etat indivisible et
démocratique » ; comprenant six provinces ainsi que des
institutions centrales et provinciales »346(*). Mais les faits
relèvent une situation toute différente.
En effet, comme nous l'avons dit, entre 1964 et 1968, le
territoire du Congo-Kinshasa était le théâtre des guerres
dites populaires ou révolutionnaires, menées par Pierre Mulele et
Soumialot, soustrayant les portions de territoires qu'ils occupaient de
l'imperium de ce que l'on pouvait considérer être le gouvernement
congolais ou Etat congolais. Le territoire du Congo-Kinshasa ne pouvait
être dans ces conditions ni le cadre de compétence de l'Etat, ni
le moyen de son action, encore mois l'élément de cohésion
de la communauté nationale. Aussi morcelé et
hermétiquement fermé à l'intervention du Pouvoir
constitutionnel le territoire congolais ne répondait pas au
critérium requis comme condition d'existence de l'Etat.
Nous noterons que l'incidence majeure de la crise politique,
essentiellement causé par la crise du Pouvoir sur le territoire du Congo
sous l'empire de la constitution du 1er août 1964 comme sous
la loi fondamentale, est de le rendre inefficient quant à son double
rôle classique : la délimitation des groupes sociaux et de
leurs cohésion d'une part et l'intervention permanentes dans les
manifestations de la puissance de l'Etat d'autre part. Encore une fois le
formalisme constitutionnel n'a pu triompher des réalités sociales
et politiques négatives.
3. Incidence de la crise politique sur la puissance
publique.
Comme pour les deux
éléments constitutifs de l'Etat étudiés
précédemment, la puissance publique appelée
« gouvernement », Pouvoir politique ou
« organisation politique» selon les auteurs, n'offre
d'intérêt que comme facteur de vérification de la
perturbation du processus de formation de l'Etat au Congo par
l'incapacité d'institutionnaliser le Pouvoir politique.
L'appréciation de l'existence de l'Etat au Congo, nous conduit à
l'examen de la question sous tous ses régimes constitutionnels et mus
par le souci de reconnaître l'impact des constitutions congolaises sur la
genèse de l'Etat. Cet impact aussi négatif ou positif soit-il, se
mesure mieux par les éléments qui prévalent à la
formation d'un Etat moderne. Ceci justifie l'impérieuse
nécessité d'analyser le pouvoir sous les crises
constitutionnelles, et ici sous la crise de 1964 sous la constitution du
1er août 1964. Dans la partie consacrée aux
considérations théoriques nous avons largement défini le
Pouvoir et précisé son rôle dans la création de
l'Etat. Un bref rappel s'impose pour un lien avec La République
Démocratique du Congo. Dans le dictionnaire de la science politique et
les institutions politiques, adaptant la définition de Max Weber, Guy
Hermet dit que l'Etat doit se concevoir, comme « une entreprise
politique de caractère institutionnel dont la direction administrative
revendique avec succès dans l'application des règlements, le
monopole de la contrainte physique »347(*).
Cette définition met en exergue l'une de
caractéristique de la puissance étatique, le monopole de la
contrainte physique envisagé dans sa qualité et par degré,
cette contrainte doit être supérieure et sans partage. Cet
élément est tellement important dans la formation de l'Etat,
qu'il se retrouve dans sa définition comme nous l'avons
déjà démontré sous toutes les disciplines
intéressées à son étude.
Dans le dictionnaire du Droit constitutionnel nous avons
appris que l'Etat est un Pouvoir qui s'est institutionnalisé, en
d'autres termes qui a pris corps dans une organisation348(*). De même, en
définissant l'Etat sur le plan juridique comme une personne souveraine,
il est sous-entendu l'existence d'un pouvoir. Il n'y a pas de
souveraineté sans la puissance.
A ce sujet Carré de Malberg dit que par dessus tout, ce
qui fait un Etat, c'est l'établissement au sein de la nation d'une
puissance publique s'exerçant supérieurement sur tous les
individus qui font partie du groupe national ou qui résident seulement
sur le sol national. L'examen des Etats sous cet angle, poursuit-il,
révèle que cette puissance publique tire son exigence
précisément d'une certaine organisation par laquelle se trouve
définitivement réalisée l'unité nationale, et dont
aussi le but essentiel est de créer dans la nation une volonté
capable de prendre pour le compte de celle-ci toutes les décisions que
nécessite : enfin, organisation d'où résulte un
pouvoir coercitif permettant à la volonté ainsi constituée
de s'imposer aux individus avec une force irrésistible349(*). Ici, il faut signaler un
débat entre la doctrine généralement admise qui voit dans
la puissance publique le troisième élément constitutif de
l'Etat350(*) et certains
auteurs comme Scidler ayant prétendu que le véritable de l'Etat
en ce qui concerne sa puissance ce n'est ni cette puissance ni l'organisation
dont elle découle, mais les organes qui la possèdent et qui
l'exercent en fait351(*). Bien que cette thèse ne semble point
l'emporter du fait que les organes peuvent changer ou tomber sans que la
puissance publique tombe, ce débat n'est pas au coeur de notre
préoccupation. Nous savons que les organes détenteurs du pouvoir
déterminent la forme qu'il revêt. Ce qui doit nous
intéresser c'est la confrontation de la puissance publique dans son
rôle favorable à la création de l'Etat, à la
réalité congolaise des années 1964-1965. Autrement dit,
nous voulons bien savoir si la collectivité humaine fixée sur le
territoire de ce que la constitution du 1er août 1964 a
dénommé « République Démocratique du
Congo, disposait d'une organisation ayant la caractéristique de la
puissance publique, s'exerçant
« supérieurement » sur tous les individus qui font
partie du groupe nationale ou qui résident seulement sur le sol
national.
Même en épousant la thèse de Scidler, il y
aurait intérêt à vérifier que les organes
détenteurs de la puissance publique soient effectivement en même
d'exercer sur tous les groupes, sur tous les sujets et sur l'ensemble du
territoire national le droit de domination dont constitutionnellement ils
seraient investis. En ce qui concerne La République Démocratique
du Congo, il n'y a pas de fausse pudeur à le dire, ni le pouvoir sous
Kasa-Vubu et Adoula ni celui sous Kasa-Vubu et Tshombe, n'ont satisfait
à ce critérium.
Autrement dit, nous constaterions que ce pays ne disposait pas
d'un pouvoir sociologiquement institutionnalisé c'est-à-dire,
différent des personnes physiques se le disputant.
Nous dirons que depuis le mois d'avril 1964, période du
déclenchement des opérations militaires par l'Armée
Populaire de libération (APL), au front Est, la République
Démocratique du Congo ne disposait plus d'un pouvoir susceptible
d'être un élément constitutif de l'Etat au sens du Droit
public. La raison est simple, le Pouvoir de Léopoldville n'était
plus à mesure de réaliser le phénomène
créateur de la société politique, à savoir la
« sujétion - obéissance » sur l'ensemble du
pays ni de défendre les frontières par sa seule armée, ni
de réduire le Pouvoir concurrent de Stanleyville qui se prévalait
avec succès des prérogatives d'Etat sur les portions de
territoires « conquises » ou
« libérées »352(*).
En effet, comme on peut le noter avec Ndaywel que lorsque
l'APL occupa Stanleyville actuelle Kisangani, le 5 août 1964
« la République Populaire du Congo » y fut
proclamée le 5 septembre. Jusque là c'est le Président, le
gouvernement provisoire du Conseil National de Libération (CNL) -
section Est chargé de la Défense nationale, G. Soumialot en
devint le Président, L.D. Kabila, Vice-Président, d'abord
chargé des Affaires intérieures peu après, des Relations
et Commerce extérieurs, N. Olenga fut désigné Chef
militaire. Il s'octroya le grade de
« Général-major » puis de
« Lieutenant-Général »353(*). Le gouvernement provisoire
fut dissous pour être remplacé par celui de la nouvelle
République354(*)
présidé par Gbenye et au sein duquel L.D. Kabila fut retenu comme
secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et ministre
plénipotentiaire au près de la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya.
Chaque province fut dotée d'un gouvernement provincial mis en place par
le nouveau pouvoir. Il en fut ainsi à Uvira, à Albertville
actuelle « Kalemie » et à Kindu. Alors que la
constitution du 1er août 1964 instituait la République
Démocratique du Congo avec 21 provinces, par Décret-loi du 5
septembre 1964, Gbenye créa « la République Populaire
du Congo » avec 6 provinces dans les limites ayant existé au
30 juin 1960 ; Gbenye, président et chef de gouvernement,
décida de la mise en place d'un gouvernement comprenant 17
Ministres404. Sur 17 Ministres le chef du gouvernement nomma
seulement quatre Ministres parmi lesquels certains devraient assumer
l'intérim des absents et ceux des provinces qui restaient à
conquérir. Ainsi Soumialot fut nommé, Ministre de la
Défense nationale, Assoumani Senghie, Ministre de l'intérieur, S.
Kama, Ministre des Finances.
Par rapport à notre préoccupation essentielle
relative à l'impact de l'institutionnalisation du Pouvoir sur la
formation de l'Etat congolais et à l'incidence de la constitution ou du
droit sur le processus d'institutionnalisation, force nous est de formuler deux
réflexions en guise de constat :
1°- La première est que la constitution du
1er août 1964 et l'existence du gouvernement de
Léopoldville n'ont eu le moindre effet sur le comportement politique des
« révolutionnaires » ou
« rebelles ». De ce fait il a existé plusieurs
centres de pouvoirs, tous illégitimes parce que se contestant
mutuellement. A Léopoldville se trouvait un gouvernement légal
mais illégitime et à Stanleyville régnait un gouvernement
de fait, illégal et illégitime mais dont la présence
empêchait celui de Kinshasa d'accomplir les compétences d'Etat sur
l'ensemble du territoire national.
2°- La seconde tient à la perception moins
responsable du pouvoir par les acteurs politiques congolais de l'époque,
lesquels soi-disant combattant la dictature, le néocolonialisme et
l'impérialisme ne se comportaient pas moins en despotes assoiffés
du pouvoir personnel. Cela est vérifiable ne serait-ce que dans l'auto-
attribution des charges ministérielles. Ainsi à
Léopoldville au sein du gouvernement Tshombe355(*).
Celui-ci, assuma seul, le portefeuille de Premier Ministre,
Ministre des Affaires étrangères, du Plan, du Commerce
extérieur et de l'information. De son côté, Gbenye
remplaça lui seul les titulaires des Finances, des Affaires
étrangères et du Commerce extérieur, de l'éducation
nationale, de la santé publique, du plan et coordination. L'auto octroi
des charges aussi lourdes en cumulant seul les fonctions de plus de 4 Ministres
au sein d'une communauté aussi peuplée et diversifiée que
le Congo ne peut s'expliquer que par la perception patrimoniale du pouvoir en
dépit des textes constitutionnels ou le goût effréné
du lucre frisant le vol, ou même par les deux.
Pour résumer notre propos en ce qui concerne la
puissance publique comme élément constitutif de l'Etat au Congo
sous l'empire de la constitution du 1er août 1964, nous disons
encore que une telle puissance n'a pas existé, et sur le plan strict de
la science politique et même de la science juridique l'Etat n'a pas
existé.
Pour le démontrer l'on peut prendre appui de ces
assertions admises en Droit public et en science politique, de Georges
Burdeau : « Le pouvoir doit détenir la puissance pour
former l'Etat »356(*). Avec le même acteur nous avons observé
que la rivalité des forces en présence crée dans le milieu
social une oscillation perpétuelle entre des pouvoirs distincts, selon
que leur puissance s'accroît ou diminue. Ce morcellement de la puissance
constitue un des obstacles le plus sérieux à la formation de
l'Etat357(*). N'est-ce
pas là la situation réelle du Congo de 1960 à 1968 puis de
1997 à ce jour tel que nous le verrons. Nous épousons à ce
point, la formule tant critiquée de Treitschke cité par Burdeau,
« Der stoat Macht » qui signifie simplement que
« dans le milieu qu'il régit, l'Etat est la puissance
suprême »358(*). Les publicistes avisés traduisent mieux cela
en admettant que l'Etat n'est pas que force, certes, qu'il peut même se
passer d'elle, mais qu'il faut qu'au cas où une épreuve de force
surviendrait, il puisse avoir le dernier mot. En d'autres termes, et selon la
manière dont l'Etat est conçu, le Pouvoir
institutionnalisé est nécessairement celui qui dispose de la
puissance la plus grande dans le groupe359(*). Faute de puissance et d'autorité, il n'est
pas étonnant que La République Démocratique du Congo ait
manqué de remplir les fonctions d'Etat en dépit de la
constitution de Luluabourg.
B. Incidence de la crise du
pouvoir sur les fonctions et le rôle de l'Etat congolais en 1964.
L'Etat au sens acceptable du terme
exerce des fonctions et joue un rôle variable selon ses conceptions
politiques. Du point de vue théorique, on distingue ainsi l'Etat
techno-démocratique, l'Etat marxiste - léniniste, l'Etat
totalitaire et l'Etat de Droit. Sur base des critères religieux on parle
aussi de l'Etat islamique360(*). Bien que toute classification contienne une
certaine dose d'arbitraire, toute collectivité à la quelle le nom
d'Etat n'est point attaché à tort, devrait manifester les
attributs de tel ou tel type d'Etat. Notre préoccupation à ce
niveau est de démontrer que la crise politique ou la crise du pouvoir
sous l'empire de la constitution de Luluabourg a eu un impact négatif
sur la formation de l'Etat au point que La République
Démocratique du Congo ne pouvait jouer un rôle susceptible de le
catégoriser dans la classification des Etats selon les conceptions
politiques précitées.
1. La République Démocratique du Congo
et l'Etat libéral.
L'Etat libéral est celui qui privilège
l'individu, lui accorde des droits contre l'Etat, met l'accent sur ses
libertés publiques et respecte largement sa vie privée361(*). Il garantit le plus des
droits et de libertés aux citoyens. Les droits individuels, les droits
politiques et les droits économiques et sociaux sont non seulement
garantis aux citoyens mais ceux-ci les exercent effectivement. Sans risque
d'être contredit, nous noterons que la République
Démocratique du Congo « institué » par la
constitution du 1er août 1964, fut loin de satisfaire aux
exigences d'un tel Etat non du fait de l'existence d'un pouvoir
personnifié à Léopoldville mais du fait de l'absence de
l'autorité de l'Etat ou de la puissance étatique. En l'absence
d'un pouvoir politique suffisamment organisé et structuré il
n'est pas possible d'assurer le respect des droits. L'émiettement de
l'autorité dont nous avons précédemment parlé
rendait possible l'évolution anarchique des pouvoirs rebelles et
révolutionnaires pour lesquels la protection des droits et
libertés du citoyen ne constituait guère une priorité.
Ainsi à Léopoldville, à Stanleyville, Mbuji-Mayi et
Elisabethville où demeuraient les anciennes forces rebelles ou
sécessionnistes, il n'exista point de coin où les droits humains
ne soient systématiquement et massivement violés, nonobstant les
dispositions pertinentes de la constitution du 1er août
1964.
En effet, l'article 1er dispose que « la
République Démocratique du Congo constitue dans ses
frontières au 30 juin 1960, un Etat souverain, démocratique et
social. Par ailleurs, la constitution du 1er août 1964
consacrait tout un titre aux droits fondamentaux362(*).
2. La République Démocratique du Congo
de 1964 et l'Etat totalitaire363(*).
L'Etat totalitaire absorbe et même
nie totalement l'individu en l'assujettissant dans tous les actes de son
existence tant privée que politique364(*). L'Allemagne Hitlerien et l'Italie fasciste de
Mussolini offrent des illustrations historiques de ce type d'Etat. Aujourd'hui
la Corée du Nord peut être compté parmi les Etats
totalitaires. Dans cette catégorie d'Etat, l'appareil étatique
est très puissant. Son fonctionnement exige une structure bâtie
sur un ordre idéologique ou une discipline qui sont parfois du point de
vue de l'autorité de l'Etat et de la sécurité, très
rentable. L'anarchie caractéristique du pouvoir politique au Congo ne
s'accommode pas avec la qualification d'un Etat totalitaire.
3. La République Démocratique du Congo
et l'Etat Marxiste - Léniniste.
Pour Gramsci, philosophe marxiste
italien, cité par Ntumba Luaba l'Etat inclut non seulement l'appareil
bureaucratique et militaire, mais également l'ensemble des organisations
idéologiques de la classe dominante. Ainsi dit-il, sont compris dans
l'Etat tout les appareils civils, militaires et policiers l'Eglise, le
système scolaire, les partis politiques, les arts...365(*). Lénine par contre,
affirmait : « L'Etat est une matraque ». Marx
lui-même, considérait l'Etat comme un instrument de domination et
d'oppression.
En 1964, la République Démocratique du Congo
consacré par la constitution du 1er août et
déchirée par les troubles et des tensions ne pouvait même
pas rentrer dans la conception de l'Etat selon la conception marxiste.
4. La République Démocratique du Congo
de 1964 et l'Etat moderne.
L'Etat moderne ou le
« Welfore State » est un Etat dont le rôle a
dépassé celui de l'Etat - gendarme et de l'Etat providence. Il se
pose en Etat - entrepreneur. Il procèdent des économies modes
mêlant capitaux privés et publics, axées sur les
interventions de l'Etat dans le domaine économique, notamment à
travers la planification, l'aménagement du territoire et l'urbanisme,
l'accroissement des prélèvements fiscaux et sociaux et des
redistributions366(*).
Maurice Duverger, cité par Ntumba Luaba, appelle cette
sorte de socialisation, « la techno-démocratie »,
c'est-à-dire une démocratie dominée par la technostructure
politique et économique367(*). Claude - leclercq le dénomme
« Etat techno-démocratique »368(*). Tandis que G. Burdeau parle
de l'«Etat fonctionnel ». Comme nous aurons à dire plus
loin, la République Démocratique du Congo s'affiche dans le
concert mondial à marche régressive. En l'absence d'une
Administration performante depuis le départ des agents belges en 1960,
la dislocation de l'armée, le pillage des infrastructures
économiques, il est difficile de parler d'un Etat
techno-démocratique. D'autant que l'Etat dans ce cas remplit la fonction
de prendre en charge des secteurs socio-économiques pour fournir des
prestations positives en vue d'assurer un minimum de qualité de vie
(Welfore state). La République Démocratique du Congo est bien
loin de remplir cette fonction.
5. La République Démocratique du Congo
et l'Etat de Droit.
L'Etat de Droit s'oppose à l'Etat
de fait ou l'Etat policier. Il tire son origine en particulier dans la doctrine
allemande de la fin du XIXè siècle, mais dont des
traces sont déjà perceptibles chez les publicistes
français du XVIIIè siècle qui fondent sur le
« droit naturel » les limites à apporter au droit
positif. Dans un Etat de droit, la puissance publique agit sur base et dans les
limites des règles qu'il édicte et qui s'imposent à
elle-même. Sous cet angle, le développement de la justice,
spécialement de la justice constitutionnelle en substituant le
règne du droit à la logique dominatrice des vainqueurs du moment
a contribué énormément, selon Ntumba Luaba à
l'affermissement de l'Etat de droit369(*). Nombreuses études traitent de la question de
l'Etat de Droit en République Démocratique du Congo370(*). Ce qu'il importe de retenir
est que le développement de la justice ainsi que le respect des
principes et valeurs fondamentaux notamment les droits de l'homme, les
libertés publiques et la séparation des pouvoirs,
éléments caractéristiques de l'Etat de droit n'ont pas
été les symboles forts de la République
Démocratique du Congo. Qu'en a -t-il été sous les
régimes qui ont succédé à ceux de la
première République, notamment celui secrété par
la constitution du 24 juin 1967.
CHAPITRE
II :L' ETAT SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE
Environs deux ans après le coup d'Etat de 24 novembre
1965 qui porta le Lieutenant Général Joseph Désiré
Mobutu au pouvoir, le pays se dota d'une constitution le 24 juin 1967. Celle-ci
subit tellement des modifications qu'un débat doctrinal divise les
publicistes entre ceux qui estiment que plutôt que de parler des
modifications, il convient d'y voir des nouvelles constitutions. En ce qui nous
concerne, nous ne voulons pas, dans le cadre de ce travail, verser dans cette
controverse.
Cependant, nous portons notre attention sur le pouvoir
politique tel qu'il fut institué juridiquement dans la constitution et
de quelle manière il fut exercé dans la réalité. Il
sera utile en plus de mesurer l'impact de ce pouvoir sur l'évolution de
l'Etat au Congo. Nous n'exploiterons pas toutes les modifications.
Section
1. Aménagement constitutionnel du pouvoir sous la constitution du 24
juin 1967.
Il est utile d'étudier les principes relatifs à
l'organisation et à l'exercice du pouvoir essentiellement dans la
version originaire de la constitution du 24 juin 1964371(*).
§ 1. Les institutions
politiques.
L'article 19 de la constitution énumérait les
principales institutions de la République, à savoir :
- Le Président de la République,
Président du Parti et Chef du gouvernement ;
- L'Assemblée Nationale ;
- Le gouvernement ;
- La cour constitutionnelle ;
- Les cours et tribunaux.
Les trois premières nous intéressent dans le
cadre de notre réflexion.
I. Le
Président de la République372(*).
Aux termes des articles 20 suivant la constitution du 24 juin
1967, le Président de la République :
- Représente l'Etat et est Chef de
l'exécution ;
- Détermine et conduit la politique de la
Nation ;
- Fixe le programme d'action du gouvernement, veille à
son application et informe l'Assemblée Nationale de son
évolution ;
- Dirige et contrôle la politique
étrangère de la République ;
- Accrédite les ambassadeurs et les envoyés
extraordinaires auprès de plusieurs puissances étrangères
et reçoit l'accréditation des envoyés spéciaux, et
des ambassadeurs envoyés auprès de lui ;
- Promulgue les lois dans les vingt jours de leur transmission
au gouvernement par le Président de l'Assemblée
Nationale ;
- Nomme et révoque les membres du gouvernement et
détermine leurs attributions respectives ;
- Fixe souverainement les conditions dans les lesquelles
l'action du gouvernement sera coordonnée ;
- Reçoit les serments des membres du
gouvernement ;
- Nomme et révoque les gouverneurs des
provinces ;
- Nomme et révoque les magistrats du Parquet ;
- Nomme et révoque les officiers des forces
armées et de la police ;
- Est le Chef suprême des forces armées et de la
police ;
- Nomme et révoque les hauts fonctionnaires de
l'administration ;
- Reçoit le serment des gouverneurs des provinces, des
conseillers à la Cour constitutionnelle et des officiers des forces
armées et de la police373(*);
- Peut remettre, commuer et réduire les
peines ;
- Confère conformément à la loi, les
grades dans les ordres nationaux et les décorations de la
République ;
- A le droit de battre la monnaie et d'émettre du
papier monnaie en exécution de la loi ;
Outre les attributions classiques, le Président de la
République disposait de la prérogative de mettre les membres du
gouvernement en accusation.
II. Le
Gouvernement 374(*).
Le gouvernement comme nous le dirons,
deviendra monocéphale : un seul chef de gouvernement. Il
était constitué des ministres. Chacun d'eux était le chef
de son département. Les ministres appliquent chacun dans son
département, le programme fixé et les décisions prises par
le Président de la République.
III.
L'Assemblée Nationale.
Le parlement congolais sous la
constitution du 24 juin 1967 fut constitué d'une chambre unique
appelée Assemblée Nationale. Il était prévu que les
membres de l'Assemblée Nationale soient élus aux suffrages
universels375(*).
Le parlement disposait des moyens de contrôle par la
question orale ou écrite, l'interpellation, l'audition par les
commissions, la commission d'enquête et d'avertissement ou la
remontrance376(*).
§2. Relation entre les
institutions.
Les rapports entre le gouvernement et le Parlement sont les
seuls qui nous intéressent. Il est utile de noter que les membres du
gouvernement intervenaient dans les limites fixées par la constitution
à l'activité du Parlement lequel à son tour intervenait
sans le faire tomber dans l'action du gouvernement. Ainsi le Président
de la République convoquait en session extraordinaire le Parlement. Il
disposait concurremment du pouvoir législatif par l'initiative des lois
avec chacun des membres de l'Assemblée Nationale377(*).
Comme les membres de l'Assemblée Nationale, les membres
du gouvernement avaient le droit d'amendement au cours de toute la
procédure législative. S'agissant des autres membres du
gouvernement, ils avaient le droit et s'ils en étaient requis
l'obligation d'assister aux séances de l'Assemblée Nationale.
Chaque fois qu'ils demandaient, ils devaient être entendus.
Le Président de la République pouvait
déclarer la guerre après autorisation du Parlement, de même
qu'il pouvait proclamer l'Etat de siège. Dans ce cas, il lui
était reconnu le pouvoir de prendre des actes du domaine de la loi.
§3.
Fonctionnement des institutions et exercice du pouvoir.
La longue période au cours de laquelle s'exerça
le pouvoir mobutienne connut des fortunes variables. Ce qui est important
à retenir est la stabilité institutionnelle remarquable sous
l'empire de la constitution du 24 juin 1967. Mais il est aussi significatif de
considérer l'effondrement de l'édifice institutionnel
échafaudé par Mobutu dont les craquements perceptibles depuis les
années 1980, se cristallisèrent en 1990 et emportèrent
tout le système en 1997.
Le plus utile pour nous est surtout d'apprécier
l'incidence de la constitution du 27 juin 1967 sur la forme du pouvoir et le
sort de l'Etat au Congo. Avant d'en arriver là, il est utile d'analyser
les faits saillants ayant marqué la période observée par
rapport à la constitution et à l'exercice du pouvoir.
Nous retiendrons deux aspects de l'évolution
institutionnelle et constitutionnelle du Congo sous l'empire de la constitution
du 24 juin 1967 :
1. La résorption de la crise politique ;
2. Le renforcement de l'exécutif.
I. La
résorption de la crise politique.
Dès le coup d'Etat survenu le 24 novembre 1965, le
souverain pouvoir s'est activé à rompre avec la situation du
chaos ayant caractérisé le pays depuis juillet 1960.
Pour mieux nous faire comprendre, il convient de rappeler que
cette situation qualifiée de crise politique congolaise correspond
à l'explication de A-R. Ilunga-Kabongo sur la « crise
politique ». En effet, d'après cet auteur, la troisième
phase de la dynamique politique - après l'adaptation ou
l'évolution et la mutation ou la révolution - se
révèle lorsque « la structure politique, (les relations
d'autorité et de la pouvoir au sein d'une société
donnée) apparaît durant un moment sous le coup d'une
instabilité pathologique : le combat entre le pouvoir établi
et les forces adverses semble sans issus »378(*). C'est à croire que
le nouveau Président Joseph Désiré Mobutu assimila
parfaitement le sens de derniers termes de l'explication ci-dessus. Il fallait
trouver à tout prix une issue en faveur du pouvoir établi. Mobutu
s'employa par une combinaison judicieuse des mécanismes juridiques
spécialement constitutionnels, politiques et même frisant la
terreur, pour réduire ou supprimer les « forces
adverses ».
Sur le plan constitutionnel, le constituant du 24 juin 1967
réduisit la kyrielle des formations politiques à résonance
tribale et autres, à deux seulement. Encore faudra-t-il constater que
l'article 4 de la constitution disposant qu'il ne peut être
créé plus de deux partis politiques » sera
révisé et remplacé en 1970379(*) sans qu'un seul parti
d'opposition ou adverse ait réussi à se faire légalement
accepté380(*).
De cette manière personne ne pouvait fonder un parti
politique sans violer la constitution. Ainsi serait juridiquement enrayé
les querelles chroniques des acteurs politiques avec des répercutions
négatives sur la marche des institutions.
Dans le même contexte, il faut signaler que le
Président de la République n'a pas hésité un seul
instant à modifier ou réviser la constitution pour
légaliser les décisions prises par le parti et surtout pour
donner un revêtement juridique au nouveau parti unique.
Sur le plan politique, la création du Mouvement
Populaire de la Révolution, le 20 mai 1967 381(*) marquant un tournant
décisif dans l'histoire du pays. Ce parti s'imposa d'abord comme parti
unique de fait, ensuite il lui fut constitutionnellement reconnu la
primauté et le rôle Directeur aux termes des articles 2 et 4 de la
loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 portant révision de la
constitution. L'article 2 de ce texte intègre le Mouvement Populaire de
la Révolution dans les institutions énumérées
à l'article 19 de la constitution du 14 juin 1967 et le place en
tête. Tandis que l'article 4, insère un article 19 bis, disposant
que « le Mouvement Populaire est l'institution suprême de la
République. Il est représenté par son président.
Toutes autres institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous
son contrôle » ; enfin le parti deviendra la seule
« institution »du pays au sens d'institution politique
conformément à l'article 28 de la loi n° 74-020 du 15
août 1974 portant révision de la constitution du 24 juin 1967, et
sera proclamé « la Nation zaïroise politiquement
organisée »382(*).
Mobutu étant l'incarnation du parti et de la Nation
dont tous les organes dépendaient, le conflit du genre Kasa-Vubu Lumumba
ou Kasa-Vubu Tshombe était inconcevable. D'ailleurs, ici, il est
important de souligner la disparition du bicéphalisme au niveau de
l'exécutif. Le Président de la République est seul
maître à bord. Au terme de l'article 20 de la constitution, il
représente l'Etat ; il est le Chef de l'exécutif. Il
détermine et conduit seul la politique de la Nation.
Sur tout à fait un autre plan, le fonctionnement des
institutions sous l'empire de la constitution du 24 juin 1967 jusqu'en 1990
baignait dans une atmosphère de terreur inspirée par les
méthodes draconiennes du nouveau régime : pendaisons
publiques, exécution au champ de tire, relégation au lieu natal,
répression disproportionnée de manifestations et chasse aux
anciens sécessionnistes ou rebelles dont le sort voguait entre la mort
et l'exil383(*).
Par d'autres méthodes aussi moins juridiques que
politiques Mobutu, réduisit aux silence la quasi totalité de
« politiciens » de la ville garde auteurs des troubles et
du chaos de la période de 1960 à 1965. Pierre Mulele fut
exécuté le 9 octobre 1968 ; Kasa-Vubu fut contraint à
se réfugier dans son « Mayumbe » natal où il
s'éteignit le 22 avril 1969, Tshombe mourut le 30 juin 1969 dans sa
prison d'Alger où l'ombre de Mobutu n'a pas manqué de planer. Les
survivants furent rendus aussi impuissants que les morts pour troubler le
fonctionnement des institutions politiques de la révolution Mobutienne.
Les anciens leaders rebelles Gbenye et Soumialot furent
contraint à l'exil. Les membres du fameux « groupe de
Binza » furent eux aussi mis à l'écart peu à
peu384(*). Nendaka et
Bomboko furent éloignés du cercle du pouvoir et affectés
en postes diplomatiques. Même le Premier Ministre Mulamba
n'échappa point à l'éloignement. Durant les deux
premières décennies du régime Mobutien, ce qu'on à
appelé la crise congolaise fut complètement
résorbée. C'est avec à propos que Ndaywel observe que
pendant 25 ans le pays connut une stabilité institutionnelle qui
tranchait, de manière remarquable, avec la période
précédente385(*). Concomitamment à la stabilisation des
institutions, se développait un accroissement des pouvoirs de
l'exécutif et un mécanisme implacable de la personnification du
Pouvoir.
II. Renforcement de
l'Exécutif.
L'on peut considérer que le
Président Mobutu avait très bien compris la difficulté de
cohabitation entre « son pouvoir » et l'existence d'un
régime parlementaire avec un pouvoir législatif aussi fort. De
même il ne pouvait bien évoluer dans son désir d'un pouvoir
fort avec un exécutif bicéphale.
On peut considérer que l'Ordonnance
présidentielle déchargeant le Colonel Mulamba de ses fonctions de
Premier Ministre fut l'instauration d'un régime présidentiel qui
virera au présidentialisme386(*).
Il faut rappeler que malgré le fait par le haut
commandement des Forces Armées congolaises d'accepter le maintien des
institutions de l'ancien régime dans le message annonçant le coup
d'Etat387(*), et le fait
que tirant profit de l'article 59 de la constitution du 1er
août 1964 pour communiquer avec le parlement par un message388(*), et faire légitimer
son coup d'Etat par les chambres, Mobutu ne s'est pas moins
démarqué de la volonté du Haut Commandement. Dans son
message389(*) il
suspendait complètement la même constitution pour une durée
de cinq ans. Le 30 novembre 1965, cinq jours seulement après le coup
d'Etat, le Président Mobutu prit l'ordonnance n° 7 en vertu de
laquelle il s'accorda des pouvoirs spéciaux en laissant la
possibilité d'une garantie de contrôle du Parlement qui gardait le
pouvoir d'abroger « par un acte législatif les
ordonnances-lois prises en vertu des pouvoirs spéciaux390(*). Après quelques
expériences amères à la suite desquelles, les chambres du
Parlement usant de cette prérogative bloquèrent les
décrets présidentiels déposés devant elles, le
Président décida de se passer du Parlement pour ses actes. Il
prit l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars par laquelle il s'attribua le
pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnance-loi transmise à
la chambre des députés et au sénat simplement à
titre d'information. En même temps l'ordonnance loi du 30 novembre 1965
lui accordait les pouvoirs spéciaux.
Quelques mois plus tard, le 21 octobre 1966, le pouvoir
législatif est remis au Parlement en vertu de l'ordonnance loi n°
66/621. Mais le Président s'autorisa à prendre par ordonnance loi
toutes mesures qui, d'après la constitution sont du domaine de la loi,
en cas d'urgence l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966 fut
abrogée. Il importe de noter que le Président Mobutu, investit
lui-même d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation des
cas « d'urgence » lui donnant droit de
« légiférer ». Aspirant de plus en plus
à un pouvoir sans concurrent, le Président Mobutu travaillera
à fond pour noter des mécanismes politiques, juridiques et de
terreur pour asseoir un pouvoir despotique et tyrannique habillement
maquillé par un sous bassement constitutionnel. Aussi dans son discours
du 27 juin 1967 il annonça la dissolution du Parlement. Il faudra
attendre les élections législatives de décembre 1970 pour
la mise en place de la nouvelle Assemblée391(*). Il est utile de noter que
durant toute la période de son règne, le Président Mobutu
ne s'est pas accommodé à un pouvoir législatif
contestataire. Usant de tous les moyens, pour affaiblir le Pouvoir
législatif, il a renforcé le pouvoir exécutif à
outrance.
Section 2. Impact de la
constitution du 24 juin 1967 sur la forme du pouvoir et sur la formation de
l'Etat.
Alors que généralement il est admis que la
constitution joue notamment deux rôles parmi les plus essentiels à
savoir la limitation des pouvoirs des gouvernants et la création
juridique de l'Etat, la constitution du 24 juin 1967 a eu sur le pouvoir au
Congo et sur la virtuosité d'Etat un effet paradoxal.
En effet, dès sa promulgation en 1967 à sa
dernière révision en 1990, cette constitution n'eut pour objectif
primordial que la concentration et la personnification du pouvoir au profit
d'un seul homme : Mobutu. En même temps, que le processus de
personnification du pouvoir se poursuivait en
« crescendo », il se dégageait l'oppression d'une
renaissance de l'Etat congolais sur ses cendres tant ses éléments
constitutifs donnaient l'apparence de se reconstituer.
Est-ce possible que d'un pouvoir non institutionnalisé
sans mutation, naisse un Etat stable ? L'analyse mérite
d'être approfondi.
§1. Impact de la constitution
du 24 juin 1967 sur le pouvoir.
Nous retiendrons deux aspects d'analyse à ce
niveau : le rejet de l'institutionnalisation du pouvoir et la
dérive autoritaire et, la consécration d'un pouvoir
despotique.
Si comme nous l'avons dit précédemment,
l'institutionnalisation du pouvoir est le mécanisme ou le principe
d'après lequel la personne détentrice du pouvoir n'en est pas le
titulaire et la source mais plutôt l'institution étatique, il faut
reconnaître que durant tout son règne le Président Mobutu
fut aux antipodes d'un tel principe. A ce sujet le professeur Djelo. E., a fait
une étude intéressante où l'on peut se rendre compte que
déjà au début de son règne les ordonnances lois
précitées notamment n° 65-07 du 30 novembre 1965, n°
66-92 du 7 mars 1966392(*) et n° 66-621 du 21 octobre 1966393(*) toutes ayant trait au
pouvoir législatif du Président, n'avaient aucun fondement
juridique394(*).
Autrement dit le pouvoir même du Président de prendre de tels
actes ne procédait que de sa souveraine volonté. C'est dire
encore que l'on se trouvait en présence d'un pouvoir s'exerçant
sans se soumettre à aucune règle préétablie. C'est
tout le contraire de l'institutionnalisation.
Ainsi par la loi constitutionnelle du 23 décembre 1970
le Mouvement Populaire de la Révolution, le MPR a acquis une existence
juridique qui appellera encore davantage d'autres révisions pour la
personnalisation du pouvoir. L'article 4 de la loi constitutionnelle
précitée a comme nous l'avons montré plus haut
inséré un article 19 bis qui a fait du MPR l'institution
suprême de la République, dans la constitution du 24 juin 1967. il
en est résulté comme incidence sur le pouvoir, selon nous, une
mutation rétrograde. Au lieu que le principe démocratique
universellement admis selon lequel le peuple est la source du pouvoir et
l'exercice par ses délégués, s'applique, c'est le parti
qui devint la source du pouvoir et qui l'exerce par le biais de son
Président. Le même auteur observe que les débuts de la
« deuxième » République sont marqués
par une volonté de concentration de pouvoir tant au sein de
l'exécutif qu'en matière législative395(*).
Il poursuit que le Président de la République
qui a toujours veillé à détenir la compétence
législative a cherché à l'exercer sans être soumis
ni à l'autorisation, ni au contrôle du Parlement, il disposait
ainsi des pouvoirs très étendus. Cette concentration des pouvoirs
lui a toutefois paru insuffisante. Aussi, lui fallait-il, pour réaliser
le programme qu'il s'était tracé, se donner d'autres atouts tant
sur le plan politique que social396(*). Ces atouts majeurs seront trouvés dans le
rôle du parti unique, la doctrine du recours à
l'authenticité et le « Mobutisme ». A cela, il faut
ajouter le droit dont le Président de la République a fait son
meilleur instrument de personnalisation du pouvoir. C'est une affirmation
curieuse. Mais qui révèle le caractère paradoxal de
l'usage du droit par le Président Mobutu à son profit. S'appuyant
sur la norme constitutionnelle, il a intégré son idéologie
et son parti dans l'ordonnancement juridique constitutionnel de telle sorte que
la constitution étant au dessus de tous devait imposer les idéaux
du parti à tous mais le Président se conservait un statut
spécial en tant que fondateur du Parti, et bien plus il se
plaçait au dessus de la constitution qu'il pouvait modifier à sa
guise.
En effet, l'article 2 alinéa 1 de la constitution du 24
juin 1967 dispose « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce
par ses représentants ou par la voie du
référendum ». C'est la consécration du principe
cher à Montesquieu, de la séparation des pouvoirs. C'est aussi
l'expression de la démocratie à la fois représentative et
semi-directe dont le principe est repris presque dans toutes les constitutions
des régimes réellement démocratiques. Par contre,
l'article 9, alinéa 1 de la loi constitutionnelle n° 74-020 du 15
août 1974 porte : Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce
par le Président du Mouvement Populaire de la Révolution qui est
de droit Président de la République avec le concours des organes
du Mouvement Populaire de la Révolution ». Ici, c'est la
consécration de la concentration des pouvoirs à son paroxysme et
le monolithisme à son comble. Le principe de la séparation
cède le pas à la confusion des pouvoirs. Cette confusion est
d'autant précisée que l'article 30 alinéa 1,
dispose : « le Président du MPR est de droit
Président de la République et détient la plénitude
de l'exercice du pouvoir ». Et alinéa 2
d'enchaîner : il préside le Bureau politique, le
Congrès, le Conseil législatif, le Conseil exécutif et le
Conseil judiciaire ».
Comme nous l'avons montré plus haut, toutes les
institutions ainsi que les organes de l'Etat sont sous l'autorité
hiérarchique du MPR. La constitution elle-même n'est plus une
norme arbitrale suffisante car elle est guidée par le Mobutisme entendu
comme la pensée et l'action du guide. Dans ce contexte, plutôt que
d'encadrer la pensée et l'action politique du gouvernant, la
constitution est à la remorque de cette pensée. L'essentiel que
nous pouvons retenir est la négation du pouvoir
institutionnalisé, la concentration des pouvoirs et le culte de
personnalité sous le mobutisme étant érigé en
dogme.
Le professeur Djelo commente cet état de chose :
« Au lieu d'un amour pour les institutions du pays, on insiste sur la
nécessité de suivre celui qui a découvert la voie du
salut, le chef charismatique, ce qui contribue au développement de la
personnalisation du pouvoir »397(*).
Nous pensons qu'à force de vouloir tout commander sans
partage et sans règle, le Président Mobutu fut rattrapé
par l'adage : « le pouvoir absolu corrompt
absolument ».Le pouvoir absolu l'a fait sombré dans une
dérive autoritaire frisant le népotisme398(*).Il n'est pas vain de
rappeler l'article 41 bis ajouté à la constitution par la loi
n° 80-007 du 19 février 1980 par laquelle il se fit attribuer
le pouvoir de dissoudre le Conseil législatif. Le même élan
d'absolutisme le poussera à créer le comité central dont
les décisions s'imposaient erga omnes par la loi n° 80-12
du 15 novembre 1980. Comme les précédentes, la constitution du
24 devait avoir l'impact sur le sort de l'Etat.
§2.
Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le sort de l'Etat.
Dans un premier temps la réorganisation du pouvoir par
la nouvelle constitution eut un effet bénéfique sur la
reconstruction de débris du territoire congolais et la
réunification de ses tribus ou populations disloquées.
L'autorité de l'Etat se trouvait rapidement rétablie. A ce sujet,
Ndaywel parle d'un nouvel ordre national et de l'invention de la
société congolaise contemporaine399(*). Administration fut
restructurée et réorganisée, les contradictions au sommet
de l'Etat disparurent. Dans un deuxième temps la croissance concomitante
des structures étatiques renaissantes et structures partisanes
engendrèrent une dichotomie difficile à gérer qui aboutit
à la loi n° 078-010 du 15 février 1978 portant
révision de la constitution, laquelle fit du MPR l'unique
« institution » en République démocratique du
Congo400(*) comme si
cela ne suffisait pas à assouvir la soif du pouvoir et la contemplation
de la grandeur de son parti, le Président de la République
procédera à des révisions constitutionnelles de 1980 et de
1982 qui aboutiront à la fusion Etat - Parti. Cette notion de Parti -
Etat pose comme le professeur Djelo l'a démontré la
problématique du rôle dirigeant du parti.
Selon la décision d'Etat du comité central du
MPR du 1re avril 1966 relative au rôle dirigeant du Parti, Le
Parti - Etat signifie :
1°. « Le MPR commande et oriente l'Etat qui est
devenu son instrument pour la réalisation de ses
objectifs » ;
2°. « Rien de ce qui touche à la vie de
la nation ne doit échapper à l'autorité du MPR. ;
3°. « Il ne peut y avoir dichotomie ni
opposition entre l'Etat et le MPR »401(*).
L'auteur note que ces affirmations sans détours
dévoilent au grand jour le malaise qui, au Zaïre, émaille de
bout en bout la cohabitation de l'Etat et du Parti à travers les
tentatives jusque là apparemment infructueuses pour le MPR, d'assujettir
l'Etat. le centre d'intérêt de nos analyses étant
l'observation des effets de l'institutionnalisation du pouvoir sur
l'éclosion de l'Etat, il nous revient de schématiser notre
pensée quant à l'impact de la constitution du 24 juin 1967 sur la
formation de l'Etat congolais dans deux axes : le mythe de la renaissance
de l'Etat congolais, la sublimation du parti unique et l'effondrement de
l'Etat.
I. Mythe de
la renaissance de l'Etat congolais.
L'élaboration de la constitution du 24 juin 1967 ainsi
que les multiples révisions issues de l'esprit fertile du
Président Mobutu ont joui d'un contexte historique et social propice. En
effet, au lieu des oppositions internes chroniques et des guerres fratricides
sans issues, le peuple lassé reçu le coup d'Etat de novembre 1965
avec soulagement et espoir. Son auteur se présenta en homme potentiel
qui réussit à reconquérir le territoire national et
à réunifier le peuple.
1. Reconquête du
territoire.
Nous avons vu que de 1960 à 1965, le territoire du
Congo morcelé entre plusieurs forces ne se posait guère en
condition favorable à l'existence de l'Etat, avec Mobutu, il va en
être autrement.
Dès la prise du pouvoir en 1965, le Président
Mobutu se préoccupa de réorganiser l'Armée. Celle-ci avait
non seulement gonflé les effectifs mais aussi acquis un nouveau
matériel. Elle procéda à la formation. La création
du centre d'entraînement de Kitona (CEKI) et du centre d'instruction des
Parachutistes (CIP) qui deviendra plus tard le centre d'entraînement des
troupes Aéroportées (CETA) et le renforcement de l'unité
commandement de l'Armée, aurait permis au Congo d'avoir à
l'époque une force de frappe dissuasive et même défensive
tant à l'égard des perturbateurs internes que ceux opérant
à partir de pays voisins.
La réorganisation militaire n'eut pas pour unique
objectif de défendre le territoire national mais surtout et plus de
protéger le guide et le MPR402(*). Avec le Président Mobutu lui-même
comme commandant suprême des forces armées et Ministre de la
défense, l'Armée structurée en quatre forces403(*) fut déployée
sur l'ensemble du territoire national, repartie en
« Région » et « circonscription
militaire ». En vue de garantir l'ordre et la sécurité
sur toute l'étendue de la République d'autres corps et services
furent créés notamment : le CADER (Corps des Activistes pour
la Défense de la Révolution) créé au sein de la
JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution), la garde
civile, le service d'Action et de Renseignement Militaire (SARM), la Maison
Militaire du Chef de l'Etat et une Division Spéciale
Présidentielle (DSP). Sur le plan de la sûreté nationale,
il y eut également une évolution remarquable. Le seul service
existant en 1965 devint le Centre National de Documentation, puis fut
scindé en trois parties : Agence Nationale de Documentation (AND)
s'occupant du réseau intérieur, le Service National
d'Intelligence (SNI) pour le réseau extérieur et le Conseil
National de Sécurité (CNS) coordonnant les deux autres et
coordonné par le Conseiller Spécial du Chef de l'Etat404(*). Les agents de service de
sécurité et d'ordre déployés à tous les
niveaux prévenaient toute velléité de contestations. On
pouvait bien espérer que la paix était acquise pour longtemps et
que le Congo renaissait de ses cendres. Du moins jusqu'à la veille de
les deux guerres du Shaba405(*) ce fut chose faite sur le plan de l'organisation
territoriale et administrative qui fut aussi un facteur important de
l'unification du peuple congolais.
2. Regroupement des
populations.
Pendant les deux premières
décennies du pouvoir Mobutien, l'on émit que la Nation
« zaïroise » était née. L'impressionnant
appareil militaire et de sécurité que nous venons de
décrire précédemment eut raison jusque vers les
années 1980 des « rebelles »,
« sécessionnistes » ou
« opposant » de quelque sorte que ce soit. Cependant, nous
devons reconnaître qu'un travail d'encadrement autour des
idéologies généralement acceptées où presque
toutes les couches se retrouvaient : neutralisme positif, unité
nationale, la libération totale de l'Afrique, l'indépendance
économique et la congolisation de l'économie a soudé le
sentiment national406(*). Tous les espoirs étaient permis.
Ndaywel écrit à ce sujet : les
problèmes issus du spectacle anomique de la décolonisation
avaient été, l'un après l'autre éliminés.
Après la réduction des sécessions et des rebellions, la
société zaïroise se félicitait à
présent de la disparition des dernières oppositions
armées, du regroupement des provinces et de la dépolitisation du
territoire. On s'autorisait à parler plus ouvertement de la relance
agricole. En effet, le slogan : « retrousser les
manches » avait fait place en 1968 à
« Salongo » (travail), chacun étant invité
à remplir correctement la tâche qui était la
sienne ». Sur le plan international, les coup d'Etat en Afrique
furent appréciés comme solutions à des crises politiques
internes, pendant que les partis uniques étaient instaurés
partout et interprétés comme les solutions
inespérées aux excès de la démocratie d'origine
occidentale407(*). il y
a lieu de constater que de manière incidentielle, la constitution du 24
juin 1967 avec ses multiples révisions, a contribué par la
réaffirmation du pouvoir d'Etat à rapprocher les populations
autrefois soumises à des seigneurs de guerre, Maquisards, ou
révolutionnaires de tout bord, séparées les unes des
autres par des pouvoirs fragmentés tel que nous l'avons montré
dans les pages précédentes. Ainsi, de 1968 à 1996 lors du
début de la guerre de l'A.F.D.L. (Alliance des Forces
Démocratique pour la Libération du Congo). La République
Démocratique du Congo alors Zaïre disposait d'une population en
voie de se constituer en nation dira-t-on. Le Président Mobutu
était appelé Père de la Nation. Et même le fondateur
de l'Etat congolais moderne. Quelle valeur peut-on accorder à ces
affirmations avec le recul du temps ?
Certes, le régime Mobutien a eu le mérite de
consolider la paix et de rendre viables pour la construction d'un Etat, le
territoire et la population. Cependant force est de reconnaître que le
défaut d'institutionnalisation rendrait vains tous les efforts de
réfondation de l'Etat.
II.
Sublimation du Parti Unique et effondrement de l'Etat.
1. Sublimation du Parti unique.
Sous la constitution du 24 juin 1967,
caractérisée par la soumission de la constitution à la
volonté suprême du Président-fondateur du MPR, la
collectivité congolaise habitant sur le territoire du pays ne
mérite pas la qualification d'Etat au sens où nous l'avons
scientifiquement défini dans la première partie de cette
étude. Cette affirmation semble osée, car c'est à cette
période que pour beaucoup, le Congo s'est comporté en Etat.
Pour nous, ce n'était qu'un Etat fictif comme le
« fameux » Etat indépendant du Congo. Nous pensons
que dans l'appréciation d'un Etat ce qui importe plus c'est la forme du
pouvoir. Il convient de mieux clarifier notre pensée, en ce que
juridiquement, sociologiquement et pratiquement le système construit par
le Président Mobutu et fondé sur le Mobutisme contenait comme on
dit les germes de sa propre destruction et était bien loin de favoriser
l'éclosion d'un Etat. Nous devons motiver notre avis :
1) Presque tous les analystes conviennent que le
Président Mobutu par une habileté juridique et politique sans
précédant, a exercé un pouvoir affranchi de tout
contrôle, de toute soumission aux règles impersonnelles donc
personnalisée à outrance et incapable de se reproduire ou se
transmettre après son règne. Il devait s'en suivre que toute
l'oeuvre du génie apparent de Mobutu pour autant qu'elle n'avait
d'objectif que la sublimation du Parti et de sa propre personne devait
s'éteindre avec la fin de sa vie, comme la lumière
disparaît avec le coucher du soleil. Nous avons démontré
qu'une société politique accède à l'étape
d'Etat lorsque seulement le siège du pouvoir politique quitte l'individu
vers une institution c'est-à-dire que lorsqu'une distinction claire
s'établit de manière durable entre les détenteurs des
fonctions étatiques et celles-ci. Or toute la constitution politique et
juridique du Président Mobutu s'est dressée en obstacle vers la
réalisation et l'achèvement du processus de cette mutation.
C'est à ce propos que le professeur Lumanu dit :
« l'avènement du nouveau régime marque une
césure avec la nature du régime qui a prévalu entre 1960
et 1965. Un monolithisme autoritaire et personnifié s'est
substitué au pluralisme idéologique
institutionnalisée408(*). Et il poursuit : « en s'appuyant sur
les dispositions de la constitution en vigueur nous pouvons dire que c'est le
Président de la République, à la tête de toutes les
institutions politiques importantes qui dispose de toutes les ressources du
pays. Il contrôle et repartit toutes les charges, tous les postes, tous
les avantages liés au pouvoir. Tous revenu, toute nomination, toute
promotion dépend, en dernière instance du bon vouloir
présidentiel. Aucune position n'est à l'abri d'une
décision du Président. Aucune règle impersonnelle ne
préside à ce choix. C'est l'heure de l'opportunité
personnelle ».
Nous constaterons ici sans risque de subjectivisme que le
pouvoir sans limite exercé par le Président de la
République Mobutu Sese Seko Kuku Ngendu Wazambanga sur La
République Démocratique du Congo et sur ses peuples au plus fort
de sa gloire n'a rien de moins que celui exercé par Léopold II
Roi de belges en tant que propriétaire du Congo-Léopoldville,
sous l'Etat indépendant du Congo. Il s'agit d'un pouvoir patrimonial
dépassant de loin en étendue même les pouvoirs de Chefs
africains des anciens empires et royaumes lesquels étaient
encadrés juridiquement par des coutumes ayant force de loi. Le
problème d'institutionnalisation du pouvoir en Afrique est
également perçu avec pertinence par C. Clessis, cité par
Djelo, lorsqu'il affirme que ce souci sans cesse renouvelé qui a pour
enjeu l'accroissement de l'équation personnelle du Chef de l'Etat pose
un problème à la fois général et fondamental pour
les jeunes Etats d'Afrique, celui de l'institutionnalisation du pouvoir. Il
s'agit de faire la distinction juridique entre les fonctions politiques et les
hommes appelés à les assumer. Cette exigence suppose la diffusion
d'un certain type de mentalité politique au niveau des élites
dirigeantes de sorte que le loyalisme au pouvoir passe de la personne
détentrice du pouvoir à la fonction exercée
elle-même409(*).
Or comme l'indique Verhaegen B. trois règles guidaient entre autre la
sélection des membres de la classe dirigeante par le Président de
la République :
- Le jeu des affinités familiales, ethniques et
régionales ;
- Le système d'allégeance par la corruption
organisée ;
- La sélection mandarinale410(*).
Le même auteur conclut que l'affirmation de ces trois
règles de sélection permet d'identifier trois couches qui
composent la classe dirigeante :
- La clique présidentielle ;
- La confrérie régnante ;
- La grande bourgeoisie potentielle.
Selon nous, une telle description qui ne nous paraît
nullement loin d'être vraie, se retrouve plus dans les
sociétés féodales pré étatiques que dans un
Etat.
2) L'absence de séparation des pouvoirs ne s'accommode
guère à l'éclosion de l'Etat. Par la concentration des
pouvoirs et par la confusion des pouvoirs exécutif, législatif et
même judiciaire dans une certaine mesure, dans sa personne, tel qu'avec
différents auteurs nous l'avons montré, le Président
Mobutu, vidait la constitution de son sens matérielle originaire.
Appliquant le principe cher aux révolutionnaires
français qui en vertu de l'article 4 et 16 de la déclaration
universelle des droits de l'homme de 1789, déclaraient que tout Etat
où la séparation des pouvoirs n'est pas organisée n'a pas
de constitution, l'on peut considérer que la constitution du 24 juin
1967 ne fut pas une constitution après avoir subi les révisions
du 23 décembre 1970 du 15 août 1974, du 15 février
1978411(*) mais
plutôt un simple « jouet » du Président Mobutu
manipulable à volonté et lui servant d'instrument
d'assouvissement de ses désirs sous un camouflage éminemment
juridique.
3) De ce qui précède, nous retiendrons que le
système instauré par le Président Mobutu n'ayant rien
posé en « institution » ni le pouvoir ni le Parti ne
pouvait créer l'Etat qui est d'abord une institution et bien plus
l'institution primordiale. Nous voulons nous faire comprendre en
précisant que l'institution n'est pas la magie du décret ou de
l'acte juridique. On nous opposerait le raisonnement selon lequel le
Président fondateur par les dispositions constitutionnelles
précitées a décrété l'institutionnalisation
du MPR...l'institutionnalisation ne se décrète pas seulement. Il
eut fallu que l'essence de l'institution soit respectée : la
différenciation entre les membres et l'organisation. Or en refusant de
se faire le Représentant du pouvoir et du Parti, pour se vouloir
à tout prix leur incarnation, Mobutu l'être mortel a privé
à son Parti, le mérite d'être même un parti et
à son pouvoir celui d'être un pouvoir d'Etat, un pouvoir
politique. A cela il faut ajouter qu'en ayant horreur de penser à la
succession par d'autres à la tête du parti et du pouvoir, il en a
éloigné les possibilités d'en faire des institutions car
dans toutes les définitions de l'institution l'élément
« durée » est essentielle également412(*). Or la pérennisation
d'une oeuvre institutionnalisée n'est pas non plus garantie à
coup de décret et d'ordonnance déclarant la volonté de
perpétuation ou à force de slogan413(*) comme se fut le cas pour le
MPR et son Président fondateur, mais par des règles juridiques
objectives visant à définir avec clarté la succession des
dirigeants actuels par ceux des générations futurs. L'Etat en
tant qu'institution n'échappe pas à cette exigence. Faute de s'y
être conformé, Mobutu s'est laissé attrapé par le
sceptre de la crise congolaise mettant à néant sa propre oeuvre
par l'écroulement du mythe étatique.
2. Effondrement de l'Etat.
Dans un environnement politique où aucune politique
sociale ne permet d'améliorer le vécu quotidien de la population,
ou l'écart entre le nouveau bourgeois et la personne démunie ne
cesse de se creuser, ni les prouesses médiatiques ni la politique de la
terreur, ni la mystification juridique ne sont suffisants pour contenir la
contestation et l'opposition. Chaque tentative de protestation
étouffée équivaut à une bombe à
retardement ; A chaque mesure de renforcement du pouvoir personnel,
correspond un gonflement plus ou moins proportionnel des rangs des
mécontents adversaires ou ennemis potentiels du pouvoir en place. Au fil
de temps l'élément commandement-obéissance entre le
gouvernant et le gouverné perd son automaticité alors qu'il est
indispensable à la survie de l'Etat. Les divers foyers de tension ou de
troubles contestant la légalité ou la légitimité du
pouvoir monolithique finissent par devenir un brasier.
Entre 1965 et 1967, le Président Mobutu faisant fi du
droit comme régulateur de la vie politique et ne s'est fié
qu'à son génie mystificateur compromettant ainsi la grandeur de
son oeuvre dont l'apothéose serait l'édification d'un Etat stable
réalisé par l'inculcation à ses concitoyens d'une culture
politique fondée sur l'arbitrage juridique constitutionnel du jeu
politique.
Aussi, les manifestations estudiantines depuis 1968414(*), le mécontentements
de l'Armée des années 1970, réprimés dans le sang,
les déclarations des évêques catholiques, la
littérature anti - mobutistes415(*), les incursions rebelles du FLNC (Front de
Libération Nationale du Congo) en 1977 à Kasaji et Kapanga, et
Kolwezi en 1978, sans oublier la création de l'Union pour la
Démocratie et le Progrès Social (UDPS) comme parti politique
étaient autant d'indicateurs que le sceptre du chaos des années
1960 était proche avec tous ses méfaits sur la consistance des
conditions d'existence de l'Etat. La crise était bel et bien là,
il ne manquait qu'un déclic pour la déclencher. Le déclic
vint de l'ex-Union de Républiques socialistes soviétiques (URSS)
ou le Président Mikhaïl Gorbatchev élabora une
théorie qui fit l'effet d'un cyclone sur tous les régimes
autoritaires monolithiques : la perestroïka. De l'Europe de l'Est
à l'Afrique ce mouvement qui prônait le changement et la
transparence provoqua des bouleversements profonds au niveau de l'exercice du
pouvoir. L'empire soviétique s'écroula, le mur de Berlin
s'écroula comme un symbole fort de la chute des régimes
dictatoriaux, le Zaïre de Mobutu n'en fut pas épargné.
Secoué jusqu'aux racines, le régime devait changer ou
disparaître. Après les consultations du 14 janvier 1990 le mythe
du Parti - Etat et du Mobutisme s'effondrèrent peut - être avec la
charpente fissurée de toute part de la virtuosité d'Etat
congolais. La constitution du 24 juin 1967 devait subir sa dernière
modification après que le 24 avril 1990, Mobutu ait annoncé la
mort dans l'âme des mesures qui lui arrachèrent publiquement des
larmes : le « congé » du Président
fondateur par rapport au MPR, le multipartisme, la fin du rôle directeur
du MPR, la libération vestimentaire.
Ces mesures imposèrent la révision de la
constitution du 24 juin 1967 par la loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 dont
les dispositions essentielles par rapport au sujet qui nous préoccupe
furent celles relatives à :
- La modification globale des dispositions de la constitution
ayant trait à la confusion de l'Etat et du Parti, au rôle
directeur du MPR et, à son institutionnalisation ;
- La réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels,
à savoir, le législatif, l'exécutif et le judiciaire,
comme seules institutions constitutionnelles ;
- La consécration du pluralisme politique ;
- L'organisation du référendum416(*).
Cette loi constitutionnelle eut-elle une incidence
déterminante sur l'institutionnalisation du Pouvoir et la
réfondation de l'Etat ? la réponse n'est pas aussi simple.
D'une part elle eu le mérite de désacraliser
définitivement la personne de Mobutu comme incarnation des institutions
étatiques ravalées au rang d'organe du MPR mais elle n'eut pas
assez de force pour concrétiser le nouvel ordre politique. La lutte
entre le camp du changement attaché à la constitution
constitué de l'opposition et celui de Mobutu soufflant le chaud et le
froid, s'enlisa. Aucun n'arrivait à renverser l'adversaire et imprimer
une orientation nouvelle au pays. Entre le 24 avril 1990 et le 17 mai 1997, ce
fut une période de fortes turbulences. Le passage d'un pouvoir politique
patrimonial à un pouvoir politique institutionnalisé ne vint pas.
Le Zaïre en tant qu'«Etat » ne disposait plus d'une
organisation politique répondant aux caractéristiques d'un
pouvoir d'Etat. La crise de légitimité était à son
comble417(*). L'on se
trouva en face d'une crise institutionnelle aggravée par l'existence de
deux exécutifs, et deux textes constitutionnels pour un même pays
sur un même territoire dans une même et seule capitale.
Après les négociations du Palais du Peuple
conduites par Monseigneur Laurent Mosengwo Président du Haut Conseil de
la République418(*), il fut convenu entre les deux camps de
réduire le dédoublement institutionnel par la mise au point d'un
seul acte dénommé « Acte constitutionnel de la
transition »419(*), cet acte consacrera le démarrage juridique
de la période de démocratisation et de la transition au
Zaïre. Pendant cette période on cru revivre les scènes des
années 1960 et 1965 entre le Président Kasa - Vubu et Lumumba
d'abord et entre Kasas - Vubu et Tshombe ensuite.
En effet, entre le Premier Ministre Tshisekedi - wa - Mulumba
élu à la Conférence Nationale souveraine, le 15 août
1992, à 2 heures du matin eut des relations tumultueuses avec le
Président Mobutu qui le nomma par deux fois et le révoqua
aussitôt420(*).
Par ailleurs, l'acte juridique issu de résolutions de
la Conférence Nationale souveraine, à savoir l'Acte portant
dispositions constitutionnelles relatives à la période de
transition, se heurta à une forte contestation de la part du camp
présidentiel qui tint le conclave politique de Kinshasa470
duquel sorti la loi n° 93/001 du 02 avril 1993 portant Acte
constitutionnel harmonisé relatif à la période de
transition.
CHAPITRE
III : l'ETAT SOUS LA PERIODE DE TRANSITION.
La transition politique théoriquement ouverte depuis le
24 avril 1990 avec l'ouverture démocratique a connu trois textes qui
nécessitent d'être examinés sur la plan
constitutionnel :
- L'Acte constitutionnel de la transition du 9 avril
1994421(*);
- Le Décret - loi constitutionnel n° 003 du 27 mai
1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République Démocratique du Congo 422(*);
- La constitution de la transition du 3 avril 2003423(*).
La constitution de la République Démocratique du
Congo promulguée le 18 février 2006 est le dernier texte
constitutionnel au moment de notre réflexion. Elle met fin
théoriquement aux régimes de transition424(*). Mais la fin effective de la
transition se fera par l'investiture du Président de la
République issu des élections tel que prévu dans la
constitution du 03 avril 2003.
Section 1. Le pouvoir et
l'Etat sous l'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994.
Nous considérons deux aspects,
l'aménagement juridique des pouvoirs et, le fonctionnement des
institutions d'une part et l'impact de l'Acte constitutionnel de la transition
sur le sort de l'Etat d'autre part.
§1. Aménagement
juridique des pouvoirs et fonctionnement des institutions
I. Aménagement des pouvoirs
A. Les institutions politiques.
Elles sont présentées à l'article
38 : « Les institutions de la République pendant la
transition sont :
1) Le Président de la République ;
2) Le Haut Conseil de la République - Parlement de
transition;
3) Le gouvernement ;
4) Les Cours et tribunaux.
Cette constitution réaffirme la disparition des
vestiges du Parti - Etat, même dans la terminologie. Les termes de
gouvernement et de parlement refont leur apparition en remplacement de
Conseil exécutif et Conseil législatif. De même le
Président de la République n'est plus affublé des titres
de « fondateur » ou autre.
L'étude qui nous concerne étant limitée
aux institutions politiques, il sera normal de ne point parler des Cours et
tribunaux. Aussi allons-nous découvrir les prérogatives de ces
institutions précitées.
B. Les
attributions constitutionnelles des institutions.
1. Le Président de la République.
Aux termes de l'article 39 le Président de la
République :
- est le Chef de l'Etat ;
- représente la Nation ;
- est le symbole de l'unité nationale ;
- promulgue les lois dans les quinze jours du Haut Conseil de
la République - Parlement de transition ;
- est le Chef suprême des Forces Armées ;
- préside le Conseil supérieur de la
Défense.
Bref, le Président de la République exerce les
prérogatives constitutionnelles classiques d'un Chef d'Etat en
régime parlementaire comme en 1960 et en 1964. Il faut noter le retour
du contreseing en ce qui concerne les prérogatives prévues
à l'article 47, en ce qui concerne les nominations aux postes des
fonctions étatiques élevées. Il proclame l'Etat de
siège, en temps de guerre et l'état d'urgence en cas de danger
tel que prescrit à l'article 48. C'est le Président de la
République qui procède également à la
déclaration de guerre. Dans tous ces cas, il le fait à la demande
ou à l'initiative du gouvernement après avis conforme du Haut -
Conseil de la République - Parlement de transition. Une nouveauté
de taille par rapport aux décennies du pouvoir monolithique est la
possibilité, pour le Haut - Conseil de la République Parlement de
transition de mettre fin par une loi à l'Etat de siège ou
d'urgence pris par le Président de la République. De même,
les actes du Président de la République pris dans le domaine de
la loi, cesseraient de produire d'effets si l'institution législative ne
les approuvait dans un délai de trente jours à compter de la date
du dépôt à son Bureau425(*). il faut noter que le Président de la
République conduit plus la politique de la Nation seul et ne dirige plus
l'action du gouvernement.
2. Le Haut - Conseil de la
République, Parlement de transition.
Parlement de transition (HCR - PT)
est l'institution législative de la Transition; Il comprend une chambre
unique dont les membres sont appelés Conseillers de la
République. L'article 56 de l'Acte constitutionnel de la transition
précise le mode de leur recrutement.
En effet, le HCR -PT est composé :
- des Conseillers de la République
désignés par la Conférence Nationale Souveraine
(CNS) ;
- des Députés de l'ancienne Assemblée
Nationale ayant participé ès - qualité à la
Conférence Nationale Souveraine ;
- des Négociateurs aux concertations politiques du
Palais du peuple qui ne sont ni Conseillers de la République ni
Députés.
Conformément à l'article 58 de l'Acte
constitutionnel de la transition, le HCR - PT a eu pour mission de :
- élaborer les lois ;
- contrôler le gouvernement ;
- émettre des avis conformes prévus dans l'Acte
constitutionnel de la transition dans le délai de quinze jours à
compter de la date de réception des dossiers ;
- suivre et contrôler l'exécution des Actes de la
Conférence Nationale ;
- interpréter les Actes de la Conférence
Nationale Souveraine autre que l'Acte constitutionnel de la
transition ;
- définir la structure devant assurer la tutelle des
médias publics en vue d'en garantir la neutralité, sans
préjudice des dispositions de l'article 59. Cet article détermine
les matières relevant du domaine de la loi. Le HCR -PT détenait
d'autres pouvoirs dont nous parlerons au point de relations entre les
institutions.
3. Le Gouvernement.
Par rapport aux constitutions
antérieures, l'Acte constitutionnel de la transition présente
avec plus de clarté la mission du gouvernement. En effet, l'article 75
dispose :
« Le gouvernement conduit la politique de la
Nation ;
Il exécute des actes de la Conférence
Nationale Souveraine et les lois de la République ; Il est
pleinement responsable de la gestion de l'Etat et répond de celle-ci
devant le Haut-Conseil de la République - Parlement de transition dans
les conditions définies par le présent Acte ; Il dispose de
l'Administration, de la Gendarmerie Nationale, de la Garde Civile et des
Services de Sécurité civile ;
Le Gouvernement procède aux nominations de cadres
de commandement autres que ceux visés à l'article 47 du
présent Acte par Décret du Premier Ministre
délibéré en Conseil des Ministres et contresigné
par le Ministre compétent. Il en informe le Haut - Conseil de la
République Parlement de transition ».
Par ailleurs, il faut noter qu'en ce qui concerne
l'état de siège ou d'urgence, c'est le gouvernement qui en prend
l'initiative426(*). Nous
ne pouvons mieux saisir les prérogatives du gouvernement sans
connaître le statut et les compétences du Premier Ministre ainsi
que des Ministres.
L'article 78 alinéa reconnaît au Premier Ministre
la prérogative de Chef du gouvernement. L'alinéa 2 de la
même disposition précise la manière dont il est
désigné : « il est présenté,
après concertation avec la classe politique par la famille politique
à laquelle n'appartient pas le Chef de l'Etat, dans les dix jours
à compter de la promulgation du présent Acte. Passé ce
délai, le Haut - Conseil de la République - Parlement de
transition se saisit du dossier ».
Nommé ou investi, selon le cas, par ordonnance du
Président de la République, le Premier Ministre propose pour
nomination les membres de son gouvernement au Président de la
République conformément à l'article 81 du même
Acte427(*).
A l'article 80, il est précisé d'autres
attributions constitutionnelles du Premier Ministre :
- Il préside le Conseil des Ministres ;
- Il peut tenir des réunions de concertation entre le
Président de la République et le Gouvernement à
l'initiative de celui-ci ou à l'initiative du Président de la
République ;
- Il exerce le pouvoir réglementaire par voie de
décrets délibérés en Conseil des Ministres.
Les actes du Premier Ministre pris dans ce cadre sont
contresignés, le cas échéant, par le Ministre
chargé de leur exécution. Le Premier Ministre pouvait
déléguer certains de ses pouvoirs aux Ministres.
S'agissant de Ministres, l'article 81 428(*) précise le mode de
leur désignation tandis que l'article 82 429(*) fixe leurs attributions. Aux
termes de l'article 81, les autres membres du gouvernement sont nommés
et déchargés de leurs fonctions par le Président de la
République sur proposition du Premier Ministre. Dans ce cas, les
ordonnances du Président de la République sont
contresignées par le Premier Ministre430(*).
Chaque fois que les fonctions de Premier Ministre prennent fin
les membres du gouvernement sont réputés démissionnaires.
Dans le même ordre d'idées, l'article 82 dispose :
« Les Ministres sont les Chefs de leurs ministères ;
ils appliquent dans leurs ministères, le programme fixé et les
décisions prises par le gouvernement ; ils statuent par voie
d'arrêtés ».
C. Les relations entre les
institutions
Il importe d'analyser les rapports entre
d'une part, le Président de la République et le gouvernement, et
d'autre part entre l'exécutif et le législatif.
Le Président de la
République et le gouvernement.
L'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994
évite le bicéphalisme de l'exécutif en laissant au
Président de la République, le rôle du Chef de l'Etat
garant de la Nation régnant sans gouverner, et en précisant que
le gouvernement conduit la politique de la Nation431(*). dans le même sens le
constituant a précisé que c'est le Premier Ministre qui
préside le Conseil des Ministres.
Mais la question que l'on pouvait se poser serait de savoir
laquelle de deux personnalités entre le Président de la
République et le Premier Ministre devait présider les
réunions de concertation prévues à l'article 80 auxquelles
participerait le Président de la République, à
l'initiative du gouvernement ou à l'initiative du Président de la
République .
La constitution ne le dit pas clairement, mais nous pensons
que compte tenu de sa position hiérarchique plus élevée,
le Président de la République devait, de bon droit,
présider ces réunions.
Il faut aussi signaler que l'Acte constitutionnel de la
transition a prévu des domaines de collaboration entre le
Président de la République et le gouvernement en ce qui
concerne :
- La défense nationale ;
- La diplomatie ;
- Et la politique extérieure432(*).
Par ailleurs, le « contreseing »
établissait un rapport obligé selon les cas, entre le
Président de la République et le Premier Ministre ou les
Ministres.
L'exécutif et le
législatif.
Le Président de la République et le
Parlement ;
Le Président de la République peut
conformément à l'article 66 convoquer le Haut - Conseil de la
République - Parlement de transition en session extraordinaire, à
la demande du gouvernement. Cette situation intervient notamment dans les cas
exceptionnels prévus à l'article 48 concernant l'Etat d'urgence
ou de siège. Ici toutes les institutions politiques interviennent. Le
gouvernement a l'initiative du dossier, le Président de la
République déclare la guerre ou proclame l'Etat d'urgence ou de
siège, seulement après l'avis conforme du Haut - Conseil de la
République - Parlement de transition.
Le Gouvernement et le Haut -
Conseil de la République - Parlement de la transition.
Les rapports entre les deux institutions
sont fixés par les articles 87 à 94 de l'Acte constitutionnel de
la transition.
Aussi-est-il dit : « L'initiative des lois
appartient concurremment à chacun des membres du Haut- Conseil de la
République - Parlement de la transition et au gouvernement ; les
projets de loi adoptés par le Conseil des Ministres sont
déposés sur le Bureau du Haut - Conseil de la République -
Parlement de la transition ».
Tandis que l'article 88 dispose : « Les
propositions de lois sont, avant délibération et vote,
notifiées pour information au gouvernement qui adresse ses observations
éventuelles au Bureau du Haut - Conseil de la
République-Parlement de transition dans les dix jours de la
notification ».
Dans ce même point, il faut noter la possibilité
pour le gouvernement de prendre des actes relevant du domaine de la loi pour
l'exécution de son programme d'action, après autorisation
demandée au HCR-PT.
Les Décrets pris en Conseil de Ministres dans ce cadre
deviennent caducs si le projet de ratification n'est pas déposé
devant le Haut - Conseil de la République-Parlement de transition avant
la date limite fixée par la loi d'habilitation433(*).
En plus, les membres du gouvernement ont le droit et, s'ils en
sont requis, l'obligation d'assister aux séances du Haut-Conseil de la
République-Parlement de transition, d'y prendre la Parole et de donner
aux Conseillers de la République les éclaircissement qu'ils
jugent utiles434(*).
Dans ce cas, ils ont le droit de proposer des amendements aux propositions de
loi en discussion mais ne participent pas au vote435(*).
Lorsque le Haut-Conseil de la République-Parlement de
transition exigent des explications au Premier Ministre et aux membres du
gouvernement sur leurs activités, ils sont tenus de les lui
fournir436(*).
Le Haut-Conseil de la République-Parlement de
transition peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par
une motion de censure, laquelle si elle est adoptée entraîne
d'office la démission du gouvernement. De la même manière
l'investiture de l'équipe gouvernementale après sa formation est
conditionnée à son approbation par le Haut-Conseil de la
République qui se prononce dans les quinze jours à la
majorité absolue437(*).
II. Fonctionnement des
institutions.
Le fonctionnement des institutions
politiques consacrées par l'Acte constitutionnel de la transition du 09
avril 1994, à savoir le Président de la République, le
Haut-Conseil de la République-Parlement de transition et le gouvernement
fut rendu difficile sinon impossible par la crise aiguë
déclenchée depuis 1990 par les tergiversations du
Président Mobutu sur les promesses de démocratisation et le
phénomène de pillages perpétré par son armée
sur le pays438(*).
Par ailleurs, les partis d'opposition récemment
constitués légalement avec d'autres forces de la
société civile, exprimaient leur mécontentement par des
actions de protestation de tout genre. Ils réclamaient la tenue de la
Conférence Nationale, ensuite il fallait appliquer les
résolutions de la dite conférence et, enfin ils
réclamèrent le départ de Mobutu qui, à sa guise se
jouait de l'Acte constitutionnel de la transition dont il ne faisait aucun
cas.
Au delà de la crise interne entre le pouvoir et
l'opposition un autre événement extérieur survint et qui
détourna toutes les institutions de la transition de leur mission
constitutionnelle : le génocide au Rwanda et ses implications au
Zaïre. L'afflue de réfugiés dépasse les
capacités d'accueil et d'encadrement du Zaïre.
Il importe de retenir est que d'autant qu'elles l'ont fait
entre 1990 et 1994, les institutions politiques de la transition se sont
distinguées dans une dialectique stationnaire « d'initiative -
blocage » entre 1994 et 1997.
Comme l'observe Désiré AFANA chaque fois que
l'une des institutions de la transition voulait relancer la machine du
processus démocratique, les deux autres formaient bloc pour la
paralyser439(*). Le
même auteur poursuit qu'après la CNS, les familles politiques
zaïroises, au lieu de construire et d'appliquer les résolutions de
la CNS, ont gaspillé du temps dans des querelles enfantines et des
marchandages ridicules, poursuivant leurs querelles et se laissant guider par
le besoin de s'anéantir mutuellement »440(*).
§2. Impact de l'Acte
constitutionnel de la transition du 09 avril 1994 sur le sort de l'Etat.
Nous l'avons suffisamment
démontré. Le sort de l'Etat au sens moderne est intimement
lié au sort du pouvoir. Chercher à mesurer l'incidence de l'Acte
constitutionnel revient à apprécier ses effets sur la forme du
pouvoir politique et sur les conditions d'existence de l'Etat. L'objectif
étant de constater l'accélération, le retard ou le blocage
du processus de formation de l'Etat. Généralement une
constitution comme toute loi a pour effet d'améliorer les conditions
d'exercice des rapports sociaux, par la clarification des règles du jeu
et l'arbitrage ultime par des dispositions impératives ou
consensuelles.
Curieusement après la promulgation de l'Acte
constitutionnel de la transition du 09 avril 1994, le ciel politique congolais
s'est trouvé plus sombre qu'avant et la confusion n'a eu de comparable
que celle des années 1960 avec tout ce qui a été dit
précédemment à ce propos.
Pour demeurer dans le fond de notre étude sur
l'institutionnalisation du pouvoir et la fondation de l'Etat, il convient
d'analyser successivement :
- L'inefficience du pouvoir politique
« constitutionnalisé » ;
- La dislocation et le relâchement du lien national et
la résurgence des sentiments ethniques ;
- Et la disparition du rôle de l'Etat par la
fragmentation du pouvoir.
I. L'inefficience du pouvoir
politique « constitutionnalisé ».
Par pouvoir « constitutionnalisé »,
nous entendons le pouvoir politique tel qu'il est théoriquement
institué par le texte constitutionnel. En l'occurrence, l'Acte
constitutionnel de la transition.
L'organisation et l'exercice du pouvoir initialement
institué procédait d'une démocratie parlementaire à
l'opposé du monolithisme dictatorial sous la constitution du 24 avril
1967.
Aux termes de l'Acte constitutionnel de la transition le
Président de la République cessait d'être le Chef du
gouvernement et le conducteur de la Politique Nationale.
Mais refusant d'« inaugurer les
chrysanthèmes », le Président Mobutu est demeuré
la pièce maîtresse de la machine politique congolaise. Faisant et
défaisant les règles du jeu, il rendit tout le système
constitutionnel aussi inefficace qu'inutile comme en 1961 où au
gré de sa volonté il marcha sur la loi fondamentale et en 1965
où il enterra la constitution du 1er août 1964. Il
importe de rappeler que l'Acte constitutionnel de la transition est
lui-même le résultat de velléité dictatorial du
Président Mobutu. Car pour noyer les résolutions de la
Conférence Nationale Souveraine et sa charte de la transition, il fit
provoquer un conclave politique qui révisa unilatéralement l'Acte
constitutionnel de la CNS, sous le titre de l' « Acte
constitutionnel harmonisé ». Dans les faits, les textes
n'eurent pas raison de la personnification du pouvoir. Le Président
Mobutu continuait d'agir selon son bon vouloir et ses intérêts en
dépit des dispositions constitutionnelles contraires. Il pouvait
désigner un gouverneur à la Banque centrale prérogative
reconnue au Premier Ministre, nommer et révoquer le Premier Ministre
sans se soucier de la constitution, se passer des avis conformes du Parlement
et même menacer les membres de cette institution législative de
faire cesser leur « recréation ».
Le Pouvoir était caractérisé par les
luttes stratégiques d'anéantissement de l'un par l'autre à
tous les trois niveaux des institutions. D'abord l'exécutif était
tantôt secoué par la querelle Tshisekedi, chef du gouvernement et
Mobutu, Chef de l'Etat chacun avec son camp offrant chaque fois un spectacle
défavorable à la consolidation de l'autorité de l'Etat
tantôt confronté à la bataille de repositionnement entre
Tshisekedi évincé par Mobutu et chaque nouveau Premier Ministre
désigné considéré à tort ou à raison
comme traître à la cause de l'opposition.
Ensuite, au niveau du gouvernement, l'ouverture
démocratique consacrée par les discours du Président
Mobutu du 24 avril 1990 et constitutionnellement, par l'Acte de la transition
connut des phénomènes de dédoublement entre le
gouvernement de l'opposition et le gouvernement du Premier Ministre
désigné en vertu du vote de la CNS
« arbitrairement » selon les uns et
« légalement » selon les autres par le
Président Mobutu. Ce qui nous intéresse est de constater qu'un
tel dédoublement a eu un effet négatif remarquable sur
l'existence d'une puissance publique étatique.
Enfin, le pouvoir législatif fut tellement
contorsionné entre les différentes forces politiques en
lutte de leadership, qu'il ne put produire un travail conforme à son
rôle constitutionnel au point que son Président pourtant
constitutionnellement investi du mandat d'assurer l'intérim du
Président de la République en cas de vacance fut contraint
à la démission laissant un vide juridique longtemps non
comblé.
II. La dislocation et le
relâchement du lien national et la résurgence des sentiments
ethniques.
Un regard impartial sur l'histoire du
Congo-Kinshasa, nous révèle qu'avant 1965, le pays était
miné par le tribalisme qui fut un facteur d'échec du
multipartisme et du fédéralisme.
En effet, les partis politiques et les provinces ou Etats
fédérés se voulaient plus tribalo - ethniques que
nationaux. Certains auteurs affirment que « le multipartisme
organisé par la loi fondamentale et la constitution de Luluabourg avait
donné lieu, sous la première République, à la
création de formations politiques simplement tribales et ethniques, et
avait favorisé la lutte entre clans, tribus et ethnies pour la
conquête du pouvoir et de leadership, abandonnant les idéaux de
mutuelle confrontation d'idées politiques généreuses et
nationalistes en vue de bâtir une société congolaise unie
et prospère ». De même, ils sont d'avis que
« les partis politiques étaient un facteur détonateur
de l'éclatement de l'unité du Congo, en sus de la balkanisation
du pays en Etats ethniques et tribaux sur le plan territorial441(*). Cependant, ils
reconnaissent que le régime autoritaire instauré par le
général Mobutu de 1965 à 1990 eut à son actif la
lutte pour la détribalisation de la vie nationale442(*). Tel fut d'ailleurs
l'objectif au Congo. Analysant le phénomène du Parti unique
Shirishungu, à ce propos, Shirishungu décrit son processus de
suppression multipartisme ethno - tribal :
La détribalisation recherchée des masses
s'appuierait sur :
- Le caractère unique du parti conçu comme le
lieu d'union, de rassemblement politique des masses de toutes les tribus, de
tous les clans et ethnies auxquels la réforme territoriale a
enlevé toute dimension politique et toute autonomie, fut-elle
administrative ;
- Le caractère national du parti unique, le parti
unique se réclamant d'aucune tendance tribale ni ethnique et n'exaltant
que des idéaux de l'Etat, le faisant passer aux yeux du peuple, par
force de propagande des ténors politiques, comme la nation unique en
formation ».
La suppression des partis politiques multiple et ethno -
tribaux opère dès lors :
- Une stabilité politique au niveau des organes
politiques de l'Etat ;
- Une paix sociale entre factions claniques, tribales et
ethniques jadis rivales.
La stabilité institutionnelle et la paix sociale sous
le règne du Président Mobutu furent effectives. Cependant
bâties sur la force de l'homme Mobutu et non sur l'institution Etat,
elles cessèrent dès 1990 avec la fin du monopartisme. Mobutu
mécontent du combat que lui menait l'opposition politique
symbolisée au début par Etienne Tshisekedi et d'autres, se mit
à saper les colonnes de son propre édifice. Attisant habilement
les appétits du pouvoir chez les leaders politiques, il parvint à
les opposer les uns aux autres selon leur tribus. Ainsi on pu assister à
la radicalisation de la querelle entre Kyungu-wa-Kumwanza, gouverneur du
Katanga, soutenu par Nguza-Karl-Bond, alors président de
l'UFERI443(*) et
Tshisekedi -wa - Mulumba, président de l'UDPS. Ce conflit artificiel,
conduisit à l'expulsion de tous les ressortissants des provinces des
« Kasaï » de l'ethnie Luba, du
« Katanga »444(*). Des expressions nouvelles firent leur apparition
telles que : « la territoriale des
originaires » ; « la
géopolitique » ; « kilamutu
kwabo »....445(*).
Après le triste exemple du Katanga, on assiste
impuissant aux revendications ethniques et tribales, lesquelles
exacerbées à l'Est du pays servirent de détonateur aux
deux guerres de 1996 et du 2 août 1998. L'ethnie Banyamulenge
frustrée par la non reconnaissance de sa nationalité congolaise
rallia tous les mécontents du régime Mobutu et avec l'alliance du
Rwanda sonna le glas de la fin du système Mobutu qui fut
démantelé complètement le 17 mai 1997 avec l'entrée
des troupes de Kabila à Kinshasa446(*).
III. L'effondrement du rôle
de l'Etat ou le retour du « zombi » à sa tombe.
Nous avons montré que de 1965
à 1990, ce qui passait pour être un Etat congolais ou zaïrois
selon les périodes ne pouvait nullement l'être sauf en terme de
fiction comme à l'époque de Léopold II. Nous en avons
donné les raisons parmi lesquelles la plus fondamentale est l'absence
d'un pouvoir juridiquement « institutionnalisé »
différent de la personne physique Mobutu son détenteur. Et
celui-ci imposant la force de sa propre personnalité à l'ensemble
des populations congolaises extenuées des affres des crises chroniques
et des guerres incessantes, manipulait en fin stratège les caricatures
d'un Etat dont l'embryon serait mort depuis les années 1961 et 1962, tel
un « zombi »447(*) sans vie accomplissant les gestes de son
maître.
Sennen Andriamirado cité par Afana dit :
« le mal zaïrois réside dans la confusion que l'on a
faite pendant la deuxième République et le parti Mobutu et le
Zaïre. Mobutu, au temps fort de sa dictature était le Zaïre et
le Zaïre était lui. Avec les événements de 1990,
Mobutu quitte momentanément la scène politique et, avec lui,
l'administration disparaît. Les bureaux se vident et la mafia
s'installe »448(*).
Deux secteurs sont révélateurs de l'effacement
du rôle de l' « Etat » de la vie
nationale :
- L'Administration ;
- Et l'Armée.
1°. L'Administration congolaise.
Nous pouvons ainsi les décrire avec
Désiré AFANA : « l'Administration zaïroise
est en perte de vitesse. Elle est minée par la corruption et souffre de
ses accointances passées avec le Mouvement Populaire de la
Révolution. Elle n'a pas encore réussi à s'adapter aux
exigences de la démocratie. Endetté tant sur la plan interne
qu'à l'extérieur, l'Etat zaïrois ne peut plus à ce
jour, assurer l'éducation de sa jeunesse, les soins de santé de
sa population, l'entretien de son réseau routier etc.... ».
Sous l'acte constitutionnel de la transition, il a
été tenté d'effacer juridiquement Mobutu de la
scène politique. Il s'en suivi que l'Etat incarné par Mobutu
devait aussi s'effacer. N'ont pas totalement tort ceux qui comparent l'
« Etat » congolais ou zaïrois de ce temps ou ce qui en
tient lieu à un « lobby » étranger plus
attentif aux caprices de ses pilotes qu'aux problèmes de la
masse »449(*).
Il est vrai que le Zaïre disposait encore d'une
population comme élément constitutif ou condition d'existence de
« l'Etat » ; il est aussi évident que le pays
ne disposait plus d'un gouvernement et d'un territoire correspondant
respectivement à une organisation politique ni à une
territoriale étatique l'est ainsi que l'on pu assister à une
double représentation diplomatique zaïroise au 34ème
sommet de l'OUA où le pays fut représenté par Me
Kamanda Wa Kamanda pour le compte de Kinshasa et par Bizima Karaha pour le
compte de Goma, le 17 mars à Lomé au Togo.
2°. L'Armée congolaise.
Il n'est pas alors surprenant que l'Administration
zaïroise batte de l'aile car il est de principe que l'Administration
travaille sous l'impulsion du gouvernement en vue d'assurer l'exécution
de ses orientations générales au bas niveau. Il ne pouvait
en être ainsi lorsque l'autorité gouvernementale se trouvait
dispersée. L'on ne peut parler de l'Etat au sens moderne sans
l'existence d'une armée nationale permanente et organisée.
Celle-ci sert à rendre effective la souveraineté tant sur le plan
extérieur par la défense des frontières nationales contre
une agression que sur le plan intérieur par la réduction de toute
force opposée au gouvernement légale en cas d'échec de
services de police. Or le Zaïre de 1990 à 1997, les services
militaires formés pour n'obéir qu'à un seul Chef Mobutu,
et vivant comme ledit Désiré Afana grâce aux
retombées financières de cette soumission au guide
éclairé, ne tenaient plus le coup sans la
générosité du Maréchal Président, exception
faite bien sûr, de la Direction Spéciale Présidentielle
(DSP).
L'Armée est désormais comme sans maître
depuis que le Chef suprême en proie à une lutte sans merci contre
une classe politique déterminée à le diminuer
résiste par une errance qui le tient loin de la capitale. C'est avec
à propos que l'on peut conclure à la déliquescence des
forces armées zaïroises lesquelles faute d'assurer la protection de
leurs concitoyens abusèrent systématique de la force de la
gâchette par les pillages rappelant les « razzia »
des hordes barbares sur les populations victimes. Cela semble bien
reculé dans l'histoire. Mais au Zaïre ce fut une triste
réalité ; est-il aussi qu'une telle armée
n'était plus qu'une coquille vide, incapable de jouer son rôle,
elle se fondit comme neige au soleil à chaque confrontation avec les
forces rebelles de Laurent Désiré Kabila appuyé par le
Rwanda, jusqu'à ce que n'ayant plus ni troupe ni garde
« impériale » comme Napoléon à
Waterloo, Mobutu quitta Kinshasa le 16 mai 1997 sans que ni la constitution du
24 juin 1967 fréquemment révisée ni l'Acte constitutionnel
de la transition du 09 avril 1994 aient eu suffisamment d'autorité
juridique pour s'imprimer dans la culture congolaise et concourir à
l'instauration d'un pouvoir politique institutionnalisé catalyseur d'une
société politique organisée et d'une Armée
Républicaine. Avant de disparaître de la scène, sur les
cendres de son oeuvre qu'il a contribué activement à
démolir le Maréchal-Président a promis après lui,
le déluge à son peuple au lieu d'un Etat stable.
Le 17 mai 1997 Laurent Désiré Kabila s'auto -
proclama, à partir de la ville minière du Zaïre, Lubumbashi,
le 3ème Président du pays. Le lendemain ses troupes
investirent Kinshasa la capitale sans combat faute de combattants. Avec le
nouveau régime, l'ordonnancement constitutionnel devait changer. Ce qui
nous intéresse c'est logiquement, le sort du pouvoir et ses implications
sur la renaissance de l'Etat au Congo.
Section 2. Pouvoir et Etat
sous le Décret-loi n° 003 du 28 mai 1997 relatif à
l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République
Démocratique du Congo.
Le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai
1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République Démocratique du Congo, a fait l'objet des
modifications qui ont donné lieu aux textes coordonnés et mis
à jour au 1er juillet 2000450(*).
Il convient d'examiner successivement :
- L'aménagement constitutionnel des pouvoirs ;
- Le fonctionnement des institutions ;
- Et l'impact dudit décret sur le pouvoir et l'Etat.
§1. Aménagement
constitutionnel des pouvoirs.
Il est mieux rendu par les institutions politiques et, par les
rapports qu'elles entretiennent entre elles.
A. Présentation des
institutions politiques.
L'article 3 du Décret-loi constitutionnel 003 du 27
mai dispose : les institutions de la Républiques sont :
- Le Président de la République ;
- L'Assemblée constituante et législative,
Parlement de transition ;
- Le gouvernement ;
- Les Cours et Tribunaux.
Hormis les institutions du pouvoir judiciaire, il y a lieu
d'analyser les attributions constitutionnelles de chaque institution.
B. Les attributions
constitutionnelles du Président de la République.
Aux termes des articles 1,5 et 6 du Décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 le Président de la
République :
- est le Chef de l'Etat ;
- représente la Nation ;
- est le Chef de l'exécutif et des Forces
Armées ;
- a le droit de battre monnaie et d'émettre du papier
en exécution de la loi ;
- assure la promulgation des lois ;
- décrète l'état d'urgence, l'état
de siège et déclare la guerre ;
- peut soumettre au référendum le projet de
constitution ou tout autre question d'intérêt national ;
- a le droit de faire ;
- négocie et refuse les traités et accords
internationaux au nom de la République Démocratique du
Congo451(*).
- relève de leurs fonctions les membres du
gouvernement ;
- nomme et relève de leurs fonctions les Ambassadeurs
et envoyés extraordinaires, les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs de
Provinces, les officiers supérieurs et généraux de
l'Armée et de la Police, les cadres de commandement de l'Administration
publique, les Mandataires actifs et non actifs dans les entreprises et
organismes publics, les magistrats du siège et du parquet ;
- accrédite les ambassadeurs et les envoyés
extraordinaires auprès des puissances étrangères et des
organisations internationales. Il importe de noter que le Président de
la République préside le Conseil des Ministres452(*).
C. Les attributions
constitutionnelles de l'Assemblée constituante et
législative/Parlement de transition.
L'article 9 du Décret-loi
n° 003 du 27 mai 1997, précise les attributions de cette
institution constituante et législative :
- examiner et adopter le projet de constitution
élaboré par la commission des Réformes institutionnelles
près la Présidence de la République, à soumettre
éventuellement au référendum ;
- exercer le pouvoir législatif pendant la
période de transition et plus particulièrement élaborer et
adopter les textes se rapportant aux élections, à
savoir :
§ la loi sur la Commission Nationale des élections
(CNE) ;
§ le code électoral ;
§ la loi sur le référendum, s'il
éclat ;
- contrôler les activités du gouvernement, des
entreprises publiques, des établissements et des services publics de
l'Etat ;
- représenter l'Etat dans les rencontres parlementaires
et accomplir diverses missions à l'intérieur et à
l'extérieur du pays.
C. Les attributions
constitutionnelles du gouvernement et des Ministres.
Conformément à l'article
34 du Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, le
gouvernement :
- Conduit la politique de la Nation telle que définie
par le Président de la République ;
- Exécute les lois de la République et les
décrets du Chef de l'Etat ;
- Négocie les accords internationaux sous
l'autorité du Chef de l'Etat ;
- Dispose de l'Administration et des Forces Armées.
Quant aux Ministres, l'article 36 dispose qu'ils sont
responsables de la gestion de leurs ministères devant le
Président de la République.
II. Les relations entre les
pouvoirs.
A. Les rapports entre le Président de la
République et le Gouvernement.
Entre les deux institutions, il n'y a ni
ambiguïté ni équivoque comme sous la loi fondamentale du 19
mai 1960. L'exécutif est monocéphal dans la mesure où le
Président de la République en est le Chef et que le gouvernement
conduit la politique de la Nation tel que définie par lui. Le
décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 n'a pas prévu de poste de
Premier Ministre comme ce fut le cas de l'Acte constitutionnel de la transition
du 09 avril 1994.
B. Les rapports entre le
Président de la République et le Parlement.
Il est important de retenir que les
membres du Bureau de l'Assemblée constituante et législative sont
nommés et relevés de leurs fonctions par le Président de
la République, conformément à l'article 14 du
décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 et, que le Président de la
République dispose d'un pouvoir de dissolution si l'intérêt
supérieur de la Nation l'exige ; dans ce cas le Président de
la République légifère par décret-loi. Le
Président de la République convoque l'Assemblée
constituante, Parlement de transition en session extraordinaire et il
déclare par décret, la clôture de ses sessions ordinaires
et extraordinaires453(*). Dans ce point, il importe d'observer que
l'initiative des lois appartient concurremment au Président de la
République sous forme de projet de loi et à chaque
député sous forme de proposition de loi454(*). Il y a aussi lieu de noter
que les lois sont promulguées par le Président de la
République dans les quinze jours de leurs transmission par le
Président de l'Assemblée constituante et législative.
Toute fois, le Président de la République peut, demander au
Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de
ses articles. Le Parlement ne peut pas refuser cette nouvelle lecture455(*).
C. Les rapports entre le
gouvernement et l'Assemblée constituante/Parlement de transition.
A ce propos, l'Assemblée
constituante/Parlement de transition dispose des moyens d'information et de
contrôle prévus à l'article 19 du décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, à savoir :
- la question écrite ;
- la question orale avec ou sans suivi de vote ;
- la question d'actualité ;
- la commission d'enquête ;
- l'interpellation.
§2. Fonctionnement des
institutions.
Le fonctionnement des institutions
consacrées par le décret-loi constitutionnelle du 27 mai 1997 est
marquée notamment par le renforcement du pouvoir exécutif
traduisant une rupture des équilibres institutionnels issus de l'Acte
constitutionnel de transition du 09 avril 1994.
I.
Renforcement du pouvoir exécutif.
Comme Joseph Désiré Mobutu en 1965, Laurent
Désiré Kabila qui l'a combattu, a instauré un
régime caractérisé par l'affaiblissement du Parlement au
profit de l'exécutif mais un exécutif dont la personne du
Président de la République est l'épicentre de toute
activité étatique. De même que sous le régime du
Président Mobutu, le régime présidentiel voulu par AFDL du
Président Kabila s'est nué en
« régime » présidentialiste avec tous les
méfaits dont la crispation politique et le blocage du système
institutionnel sont les plus marquants.
A. La crispation
politique.
Dès les premiers jours de son accession au pouvoir,
Laurent Désiré KABILA a pris des mesures qui ont conduit à
la crispation à outrance de l'atmosphère politique. Nous en
citerons notamment :
- l'interdiction des activités des partis politiques
exceptées celle de l'AFDL, jusqu'à nouvel ordre ;
- la nomination des membres du gouvernement du salut public en
se référant au seul statut de l'AFDL456(*).
- La signature du Décret-loi constitutionnel n°
003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation, à l'exercice du
pouvoir pendant la transition ;
- L'exclusion par le Président Laurent
Désiré KABILA, d'autres forces politiques de son
gouvernement457(*).
Les quelques mesures dont nous venons de parler montrent
à suffisance l'absence de volonté de la part du nouveau Chef de
l'Etat de rechercher un consensus autour de l'organisation et de la conduite de
la Nation. Face aux multiples résistances des sensibilités
politiques exclues de l'organisation et de l'exercice du pouvoir par l'AFDL, le
fonctionnement de nouvelles institutions politiques étaient presque
voué au blocage.
B. Le blocage du
système institutionnel.
Aux mesures déjà
précitées prises par le nouveau Président de la
République, telle que l'interdiction des partis politiques, s'ajoutent
d'autres qu'ils importent de mentionner :
- La création de la Commission constitutionnelle par
Décret-loi n° 037/97 du 01-1997 ;
- La Commission des reformes institutionnelles ;
- La création des Comités de pouvoirs populaires
(C.P.P).
Comme les premières ainsi que toutes les autres sous
le régime de Laurent Désiré KABILA, ces mesures seront
unilatérales ce qui créera autant de malaise que du temps de
Mobutu pendant les deux dernières décennies de son règne.
La malaise fut perceptible même au sein de l'AFDL que son
Président attitré, le Président de la République
qualifiera de « conglomérat d'aventuriers... ».
Le 02 août 1998, la guerre dite d'agression
éclate secouant les institutions politiques du Décret-loi 003 du
27 mai 1997 et compromettant l'évolution vers un pouvoir
institutionnalisé et vers la fondation d'un Etat au Congo.
§3. Impact du
Décret-loi constitutionnel du 27 mai 1997 sur le pouvoir et sur la
formation de l'Etat.
Il est important de rappeler que le
Décret-loi constitutionnel avec ses amendements est l'expression de la
volonté d'un homme seul, le Président de la République
Laurent Désiré Kabila s'ayant octroyé des
prérogatives exorbitantes. Celles-ci ont une évidence des effets
moins bénéfiques à la mutation du pouvoir et à
l'éclosion de l'Etat.
I. Incidence du Décret-loi
constitutionnel sur le pouvoir.
Nous n'aurons pas exagéré en affirmant que sur
le plan d'institutionnalisation du pouvoir, le Décret-loi 1997 est une
reculade d'au moins trois décennies. Au moment où ce texte est
publié, le Président - Laurent Désiré Kabila,
exerce seul, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le
Chef de l'Etat aura fait exactement comme celui qu'il avait combattu, le
Président Mobutu. Par sa volonté exclusive, il a invalidé
les dispositions bénéfiques à la démocratie et au
principe de la séparation des pouvoirs. Sous cet angle, il n'est pas
exclu de constater le retour d'un pouvoir dictatorial ou individualisé
confronté à une contestation regroupée autour des
oppositions « armées » et « non
armées ». Nous pouvons sur ce point parler de la dérive
dictatoriale du pouvoir AFDL. Son Président, devenu le moteur des
activités des CPP, exercera un pouvoir sans partage de forme
patrimoniale dont la persistance ne favorise guère le passage de la
société naturelle à la société politique
« étatisée ».
II. Incidences du
Décret-loi constitutionnel sur la formation de l'Etat.
Nous concédons que c'est de
manière incidentielle que le texte constitutionnel peut avoir d'effet
ici, sur l'émergence de l'Etat. Sous le règne de l'AFDL et des
CPP, il y a eu un effet de personnification des pouvoirs à pôles
multiples.
Au début, « Mzee », se veut
l'homme seul sur la scène politique, mais à partir du 02
août 1998, l'éclatement de la guerre dont la plupart exercent sur
les populations de territoires sous leur contrôle un pouvoir plutôt
patrimonial. La dislocation de l'AFDL a conduit à la création
d'un mouvement rebelle dit le « rassemblement congolais pour la
démocratie » RCD, suivi de « mouvement de
libération du Congo » MLC, suivi de plusieurs autres groupes
politico-militaires. L'enlisement de cette guerre eut d'effets les plus
désastreux sur la tentative de réfondation de l'Etat congolais.
Pour comprendre l'impact de ce conflit sur le processus de formation de l'Etat
il faut se placer à deux niveaux :
- Pendant la guerre ;
- A l'issue de la guerre.
A. Pendant la guerre dite
d'agression.
Pour nous l'effet le plus remarquable c'est la disparition de
la quasi totalité des facteurs déterminants pour la qualification
d'Etat. A la suite de cette crise politique militaire, nous pouvons affirmer
que l'ombre de l'Etat qui se profilait à l'horizon du Congo-Kinshasa
s'est depuis le 02 août 1998 envolée. Nous en voulons pour preuve,
la perte par le pays des critères de définition de l'Etat,
à savoir la personnalité juridique et la souveraineté
d'une part et, la remise en cause de ses éléments constitutifs
entant qu'Etat, d'autre part.
1) La République Démocratique du Congo a perdu
sa personnalité juridique.
Pour asseoir cette conviction il y a lieu de rappeler que la
personnalité juridique est considérée par les publicistes
comme le fait juridique capital dont la science du droit doit tenir compte dans
la définition de l'Etat458(*). Reconnaître ou admettre cela revient à
comprendre que au point de vue juridique, l'essence de toute communauté
étatique consiste d'abord en ceci que, malgré la pluralité
de ses membres et les changements qui s'opèrent parmi eux, elle se
trouve ramenée à l'unité459(*) par le fait de son organisation. Ici l'unité
envisagée procède de l'ordre juridique statutaire établi
dans l'Etat, et d'une volonté unique de l'ensemble de nationaux dans la
direction des affaires de l'Etat. Nous voyons là que l'ordre juridique
statutaire concerné n'est autre que l'ordre constitutionnel par lequel
la personnalité juridique de l'Etat lui permet à la fois de
rendre compte de sa capacité et de sa continuité ; d'imputer
à la collectivité nationale les effets de droit qui
résultent de l'activité des personnes physiques qui la
représentent et d'amorcer, à travers la succession d'hommes, un
fonctionnement continu des pouvoirs indispensables à la
sécurité des relations sociales et internationales460(*). Or entre la période
du 02 août 1998, date du déclenchement de la guerre et le 04 avril
2003, le pays ne disposant plus d'un gouvernement capable d'assurer la
contrainte suprême et de se faire obéir par l'ensemble de sujets
sur l'ensemble de son espace territorial a perdu en même temps et son
unité juridique du fait de la multiplicité des ordres juridiques
opposés ou concurrents à celui du Décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, et l'unité de son ordre
politique, du fait de la reconnaissance en fait et en droit d'un statut
égalitaire entre le gouvernement issus de l'ordre institutionnel du
Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 et l'opposition armée
regroupant les mouvements politico-militaires. L'existence des groupements
sociaux disposant d'un pouvoir politique et des forces armées ainsi que
des Administrations de même niveau que le gouvernement de Kinshasa a eu
pour conséquence qu'il n'existait plus au pays cet être juridique
incarnant la volonté collective, cet être institutionnalisé
appelé « Etat ». Nous avons bien montré que
la République Démocratique du Congo cessait d'être cette
collectivité unifiée organisée politiquement formant une
personne juridique et cela surtout par la perte de la souveraineté.
2) La République Démocratique du Congo a perdu
la souveraineté.
La souveraineté est l'élément que
prétend n'appartenir que l'Etat contrairement à la
personnalité qu'il peut partager avec d'autres personnes morales de
droit public (provinces, villes, communes...) ou de droit privé
(sociétés privées dotées de la personnalité
juridique). On reconnaît que ce qui distingue l'Etat de tous autres
groupements, c'est la puissance dont il est doué. Cette puissance, dont
lui est capable et qui est suffisamment qualifiée de puissance
étatique porte dans la terminologie traditionnelle française, le
nom de souveraineté461(*). Celle-ci désigne généralement
un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d'aucun
autre. De là, il est aisé de comprendre que sur un territoire et
sur une communauté étatique il ne peut coexister plusieurs Etats.
Cela pourrait encore mieux se comprendre par le rappel des conceptions
politiques et, par la distinction de cette notion sur le plan interne et sur le
plan international.
Sur le plan interne, la conception politique de la
souveraineté, établit une équivalence entre
souveraineté et une indépendance absolue, selon la formule
« Le Roi est empereur en son royaume ». Sous réserve
des critiques du caractère absolu de cette doctrine, nous devons
reconnaître qu'elle peut être applicable, dans les limites
constitutionnelles au gouvernement de l'Etat. Il doit disposer seul de la
puissance d'action partout sur l'espace territorial. Sur le même plan, la
conception juridique consiste à reconnaître que la
souveraineté est propriété des pouvoirs du gouvernement
d'un Etat de mettre en oeuvre un certain nombre de pouvoir ou de droit :
droit de législation et de réglementation de police, de justice,
droit de battre armée, etc. Les publicistes s'accordent pour dire que ce
qui caractérise ces pouvoirs c'est que ce sont des droits
régaliens462(*).
Nous pensons justement que lorsque le gouvernement d'une communauté perd
la capacité de déterminer lui-même ses propres
compétences et ses propres règles fondamentales, normalement
inscrites dans sa propre constitution et, qu'il perde également la
disposition des pouvoirs régaliens dont nous venons de parler, il perd
ipso facto, la souveraineté interne.
Nous constatons que à partir du 02 août 1992
jusqu'au 30 juin 2003463(*), aucune organisation politique ne disposait de la
souveraineté sur le territoire marqué par les frontières
de l'ex-Congo Belge. Dès lors que sur base des statuts de leurs
mouvements respectifs, les seigneurs de guerre exerçaient toutes les
prérogatives régaliennes sur les étendues des territoires
sous leur contrôle telles les nominations aux grades civil et militaire,
les réglementations policières, la création des
entités administratives et territoriales exactement de la même
manière que le Chef de l'Etat à Kinshasa le faisant sur la
portion du territoire qui lui restait, il convient de constater que l'Etat
congolais souverain n'existait plus. Sur le plan externe, la
souveraineté signifie également indépendance :
absence de sujétion à des puissances
étrangères464(*). An Brownlie, cité par Ntumba Luaba
considère la souveraineté comme le critère décisif
d'identification de l'Etat » et Lauterpacht, cité par le
même auteur qualifie l'indépendance de l'Etat de « the
first condition of state - haod »465(*) . En ce qui concerne le Congo en guerre d'agression,
ou de libération selon le camp où on se trouve, il convient
d'observer avec Jean Bodin que la souveraineté est indivisible et
absolue et que cela étant, il est inconcevable que l'on parle de la
souveraineté de l'Etat congolais lorsque sur la plan interne, plusieurs
personnalités politiques toutes autoproclamées Président
de la République ou des mouvements rebelles exercent avec succès
la contrainte physique466(*). A cette considération, il faut ajouter le
fait que aucune de ses organisations politiques autant que le gouvernement
congolais ou ce qu'il convient ainsi d'appeler ne disposait d'une force
armée autonome ; ils régnaient sur le pays et administraient
les territoires conquis par l'occupation militaire étrangère.
Ainsi les forces rebelles avaient toléré l'occupation du pays par
l'Ouganda pour le MLC et par le Rwanda et le Burundi par le RCD. Le
« gouvernement » de Kinshasa fit venir les armées
Angolaises, Zimbabwéennes et Namibiennes. Il n'y a nul doute que chaque
groupe était incapable de relever la tête face à ses
protecteurs qui seuls exercent alors la souveraineté sur le territoire
congolais. Ainsi la bataille de Kisangani opposant les forces Rwandaises pour
le compte du RCD et les forces Ougandaises pour le compte du MLC avec des
graves violations des droits humains sur les populations congolaises est
restée tristement célèbre. Par ces analyses, nous avons
voulu démontré et nous croyons l'avoir fait, que sous le
Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, l'échec de
l'institutionnalisation du pouvoir a conduit à l'éclatement de la
guerre dont les effets ont été la disparition de la
personnalité juridique et de la souveraineté de l'Etat. Nous
pouvons ainsi conclure en nous fondant sur la déclaration de J.
Verhoeven et sur l'affirmation de Carré de Malberg que sous
Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, qu'il n'y a pas
eu d'Etat au Congo.
En effet, J. Verhoeven affirme « en
définitive, il n'y a Etat que là ou la population sur un
territoire est placée sous l'autorité d'un gouvernement, qui
contrôle un appareil politique et administratif
approprié »467(*) ; Et, Carré de Malberg d'observer que
l'Etat est une personne collective souveraine ». Or aucune de ces
assertions précitées ne correspond à la
réalité congolaise entre 1997 et 2003. ce qui vient d'être
dit suffit pour nous ; il serait superflus d'aborder les points relatifs
à la mise en cause des éléments constitutifs de l'Etat
avant la fin de la guerre.
B. l'issue de la guerre.
Aussi paradoxale que cela puisse
être, la guerre du 02 août 1998 au Congo est susceptible de
concourir à la renaissance de l'Etat congolais, à moins que sur
le plan politique et juridique, les congolais soient capables d'une observation
impartiale. Les causes majeures des conflits au Congo, étant la
contestation de légitimité, les efforts de mettre fin à la
guerre se sont accentués sur les moyens politiques consensuel et
juridique de mettre au point un cadre approprié d'institutionnalisation
du pouvoir. La fin de la guerre par la négociation en l'absence d'un
vainqueur par les armes a pu aider à éviter le règne d'un
autre pouvoir personnifié au patrimonial, et la mise en échec de
la violation de la souveraineté internationale du pays.
Après plusieurs tractations, il a été
convenu d'un Accord politique dit Accord global et inclusif qui a donné
lieu à un ordre constitutionnel source légale du pouvoir qui a
efficacement stoppé les dérives autoritaires des uns et des
autres et qui a eu le mérite tel que nous le verrons de faire
réapparaître l'ombre de l'Etat à l'horizon du ciel
congolais468(*).
Section 3. Le pouvoir et
l'Etat sous la constitution de la transition du 04 avril 2003.
En 1999, les principales parties à la guerre dont nous
venons de parler ont signé les Accords de Paix de Lusaka, ayant eu pour
effet le déploiement en 2000, de la Force des Nations Unies, la Mission
des Nations Unies en RDC (MONUC) pour observer le cessez-le-feu et favoriser le
règlement politique du conflit. A cette fin, des négociations
politiques inter congolaises furent organisées et aboutirent à
l'Accord Global et inclusif pour la gestion consensuelle de la période
de transition en RDC. Celui-ci devait régler le partage des
responsabilités entre les protagonistes. Mais la légalité
et la légitimité du pouvoir à partager ne pouvait
être conférer que par une constitution. D'où la
constitution de la transition, endossée et adoptée par les
délégués au Dialogue Inter congolais le 1er et
le 2 avril 2003 à Sun City et promulguée le 4 avril 2003 par le
Président de la République469(*). Il est utile d'examiner l'aménagement
constitutionnel du pouvoir avant d'apprécier l'impact de la constitution
de la transition sur la forme du pouvoir et sur le processus de formation de
l'Etat.
§1. Aménagement
constitutionnel du pouvoir.
Nous procéderons à la présentation des
institutions politiques ainsi que de leurs compétences (I) avant
d'apprécier les relations qu'elles entretiennent ainsi que leurs
fonctionnement(II).
I. Les institutions politiques et
leurs compétences constitutionnelles.
A. Les institutions de la
République.
Les institutions politiques de la transition :
- Le Président de la République ;
- Le Gouvernement ;
- L'Assemblée nationale ;
- Le Sénat ;
- Les Cours et Tribunaux 470(*);
Les institutions du pouvoir judiciaire ne feront pas objet de
nos réflexions.
B. Les compétences
constitutionnelles des institutions politiques de la transition.
1. Attributions du Président de la
République.
Elles sont essentiellement énumérées aux
articles 68 à 82 de la constitution de la transition.
Conformément à ses dispositions, le Président de la
République jouit des prérogatives ci-après :
- Il est Chef de l'Etat, représente la Nation et veille
au respect de la constitution de la transition ;
- Il est le garant de l'indépendance nationale, de
l'intégrité du territoire national et de la souveraineté
nationale ;
- Il convoque et préside le Conseil des Ministres au
moins une fois tous les quinze jours ;
- Il promulgue les lois, assure l'exécution des lois et
exerce le pouvoir réglementaire par la voie de décrets
délibérés en Conseil des Ministres ;
- Il est le Commandant Suprême des Forces Armées.
Il préside le Conseil supérieur de la Défense ;
nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant
révoque les officiers de l'armée et de la police, après
délibération du Conseil supérieur de la
Défense ;
- Il procède à l'accréditation des
Ambassadeurs et des envoyés extraordinaires auprès des Etats
étrangers et des organisations internationales ;
- Il nomme les hauts fonctionnaires, les mandataires publics,
le gouverneur de la Banque Centrale, les gouverneurs et vice-gouverneurs de
province, dans les conditions prévues aux annexes de l'accord global et
inclusif471(*) ;
- Il nomme et révoque le cas échéant, les
magistrats du siège et du parquet, sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature ;
- Il a le droit de grâce, peut remettre, commuer et
réduire les peines, après en avoir informé le
gouvernement ;
- Il confère les grades dans les ordres nationaux et
les décorations conformément à la loi ;
Dans ses rapports avec d'autres membres de l'Exécutif,
en l'occurrence les quatre Vice-Présidents de la République et
les Ministres, le Président de la République et les ministres, le
président de la République exerce des prérogatives
prévues aux articles 80,81 et 82 de la constitution de la transition
relatifs à la Présidence de la République :
- Il nomme et révoque les Ministres et les
Vices-Ministres sur propositions des composantes et entités du Dialogue
inter-congolais.
Il est utile de noter que conformément à
l'accord global et inclusif, la constitution de la transition a doté le
pays d'un Exécutif à la forme particulière,
composée d'un Président de la République assisté de
quatre Vice-Présidents de la République dont nous verrons aussi
les attributions472(*).
Aussi l'article 80 alinéa 2 dispose-t-il que le Président de la
République assure, avec les Vice-Présidents, un leadership
nécessaire et exemplaire dans l'intérêt de l'unité
nationale de la République Démocratique du Congo. Et dans le
même ordre d'idées, les Président de République
tient des réunions restreintes de concertation avec les
Vice-Présidents sur toutes les matières relatives à la
gestion du gouvernement ; il préside les réunions de
concertation avec les Vice-Présidents de la République.
2. Du Gouvernement et de ses
membres.
Le gouvernement de la transition est
composé du Président de la République, des
Vice-Présidents, des Ministres et Vice-Ministres. Conformément
à l'article 93, le gouvernement détermine et conduit la politique
de la Nation conformément aux résolutions du Dialogue
inter-congolais. Le gouvernement exécute les lois et les décrets
du Président de la République ; il dispose de
l'administration publique, des forces armées de la police nationale
ainsi que des services de sécurité et de protection civile. Quant
aux Vice-Présidents et aux membres du gouvernement leurs attributions
sont précisées aux articles 86, 87 et 88 pour les
Vice-Présidents de la République et 91 pour les Ministres.
3. Des Vice-Présidents
de la République et des Ministres.
Les Vice-Présidents de la
République sont issus respectivement des composantes gouvernement de la
République Démocratique du Congo (RDC), le Rassemblement
Congolais pour la Démocratie (RCD), le Mouvement de Libération du
Congo (MLC) et l'opposition politique.
Chaque Vice-Président de la République est en
charge d'une des quatre Commissions gouvernementales prévues à
l'article 86 de la constitution de la transition conformément à
l'accord global et inclusif473(*), à savoir :
- Commission Politique, Défense et
Sécurité, pour la composante RCD, avec Monsieur Azarias Ruberwa
Manywa ;
- Commission Economique et Financière pour la
composante MLC, avec Monsieur Jean-Pierre Bemba ;
- Commission pour la Reconstruction et le
Développement, pour la composante gouvernement, avec Monsieur Abdoulay
Yerodia ;
- Commission Sociale et Culturelle, pour la composante
opposition politique, avec Monsieur Arthur Zahidi Ngoma.
Les Vice-Présidents exercent les fonctions et pouvoirs
prévus dans l'accord global et inclusif et repris dans la constitution
de la transition. Il s'agit de :
- Convoquer et présider les réunions de leur
Commission ;
- Présenter les rapports de leur Commission au Conseil
des Ministres ;
- Coordonner et superviser la mise en application des
décisions du Conseil des Ministres en rapport avec leur Commission
respective474(*).
S'agissant des Ministres, ils exercent leurs attributions
selon leur appartenance à l'une ou l'autre commission gouvernementale
conformément à l'annexe I, tableau 1 de l'Accord global et
inclusif. L'article 91 de la constitution de la transition dispose que les
Ministres sont responsables des départements ministériels qui
leur sont confiés. Ils appliquent, par voie d'arrêtés, les
programmes et les décisions prises par le gouvernement.
4. De l'Assemblée
Nationale.
L'Assemblée Nationale est l'une
de deux chambres que comprend le Parlement congolais pendant la transition. Sa
composition est définie à l'article 99 de la Constitution de la
transition conformément à l'annexe IB de l'Accord global et
inclusif. Elle comprend 500 membres désignés par les composantes
et Entités du Dialogue inter-congolais.
Ses attributions sont telles que prévues à
l'article 98 sans préjudice d'autres prérogatives lui reconnues
par la constitution de la transition sont :
- Voter les lois ;
- Contrôler le gouvernement, les entreprises publiques,
les établissements et services publics ;
- Contrôler l'exécution des Résolutions du
Dialogue inter congolais ;
- Adopter le projet de constitution à soumettre au
référendum.
5. Du Sénat.
Composé de 120 membres
désignés dans les mêmes modalités que les membres de
l'Assemblée Nationale, le Sénat est chargé de :
- Elaborer l'avant-projet de constitution à soumettre
au référendum ;
- Examiner concurremment avec l'Assemblée nationale des
propositions ou projets de lois relatifs à la nationalité,
à la décentralisation, aux finances publiques, au processus
électoral et, aux institutions d'appui à la démocratie.
La compréhension de l'aménagement
constitutionnel des pouvoirs implique l'examen des relations entre les
pouvoirs.
II. Des relations entre les
institutions.
Il s'agit dans ce point, d'analyser les
rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ces
rapports sont définis par la constitution de la transition475(*). Il ressort des
dispositions des articles 110, 111, 112, et suivant, que :
- Le Président de la République communique avec
l'Assemblée nationale et le Sénat par des messages qu'il prononce
ou fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ;
- Les membres du gouvernement ont accès à
l'Assemblée nationale et au Sénat ainsi qu'à leurs
commissions, ils ont l'obligation d'assister aux séances de
l'Assemblée nationale et à celles du Sénat, d'y prendre la
parole et de fournir aux parlementaires toutes les explications qui sont
demandées sur leurs activités ;
- Le Sénat et l'Assemblée nationale disposent
des moyens de contrôle et d'information sur le gouvernement, les
entreprises publiques, les établissements et services publics.
Ces moyens sont :
- La question orale ou écrite avec ou sans débat
non suivi de vote ;
- La question d'actualité ;
- L'interpellation ;
- La commission d'enquête ;
- L'audition par les commissions.
Ces moyens de contrôle ne peuvent pas donner lieu
à la censure du gouvernement. Le Président de la
République ne peut dissoudre le Parlement. Par ailleurs, il faut noter
que le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale
l'autorisation de prendre, par décrets-lois, des mesures qui sont du
domaine de la loi, pour l'exécution urgente de son programme et, dans
les limites des conditions fixées par la loi d'habilitation.
Dans le même ordre d'idée, il convient de
signaler que conformément aux articles 73 et 74 la constitution de la
transition fait intervenir le Président de la République, le
Conseil de Ministres ainsi que les deux chambres du parlement dans certaines
procédures à différentes étapes, il en est ainsi en
ce qui concerne la déclaration de guerre, la proclamation de l'Etat de
siège ou d'urgence par le Président de la République, sur
décision du Conseil de Ministres, après avis conforme ou
autorisation de l'Assemblée nationale et du Sénat.
III. Fonctionnement des
institutions de la transition.
Entre les dates du 04 avril 2003 et du
18 février 2006 relatives à respectivement à la
promulgation de la constitution de la transition et la promulgation de la
constitution de la République Démocratique du Congo, il y a lieu
d'affirmer que le fonctionnement des institutions politiques de la transition
s'est effectué sans blocage. Certes, il est possible d'inventorier
quelques crises majeures mais dont les auteurs ont usé plus de
dissuasion que d'action. L'on peut penser aux menaces brandies tantôt par
l'une ou l'autre composante de quitter les institutions si ses revendications
n'étaient prises en compte, chaque fois le pire a été
évité par des âpres négociations avec l'appui de la
communauté internationale. Ainsi, la composante ex-gouvernement,
revendiquant des effectifs plus nombreux pour la garde présidentielle
lors de l'examen de la loi sur les Forces Armées au Parlement
menaça de se retirer de la transition, le Rassemblement Congolais pour
la Démocratie (RCD), fit de même par deux fois, à la suite
du massacre de réfugiés Tutsi à Gatumba au Burundi
après la visite du Vice-Président de la République Me
Azarias Ruberwa et lors de revendications de faire reconnaître les actes
ayant érigé certaines entités territoriales en
circonscription d'échelon supérieur, le Mouvement de
Libération du Congo (MLC), en fit autant lors de sa revendication pour
le respect du partage dans les entreprises publiques. Mais chaque fois il y eut
plus de peur que de mal.
Nous pouvons croire que les institutions instaurées par
les constitutions de la transition du 04 avril soient les premières de
notre pays à avoir fonctionné sans interruption ni changement
telles que consacrées par la constitution jusqu'au bout de la
période légale de leur mandat. C'est à la
différence des institutions instituées par toutes les
constitutions précédentes, étudiées
précédemment. Nous en voulons pour preuve les prestations de
chacune des institutions qu'on peut évaluer globalement positives par
rapport à leurs fonctions.
Le Président de la République a
systématiquement convoqué et présidé le Conseil de
Ministres et de la Présidence de la République sans rupture
sensible ; il a procédé aux nominations requises
conformément à ses prérogatives constitutionnelles aux
fonctions militaires et civiles, exceptées à la magistrature. Le
gouvernement a fonctionné sans interruption et a soumis au parlement
plusieurs projets des lois conformément aux résolutions du
Dialogue inter-congolais et a émis ses avis sur les propositions des
lois.
Les Ministres selon leur commission ont pris de nombreux
Arrêtés sous la supervision des Vice-Présidents de la
République.
Le Sénat et l'Assemblée nationale ont
également fonctionné à tel point qu'ils ont doté le
pays d'une nouvelle constitution, d'une nouvelle loi sur la nationalité,
d'une nouvelle loi électorale, des lois organiques relatives aux
institutions d'appui à la démocratie. On peut constater que le
Parlement n'a pas su voter certaines lois importantes telles que le statut des
magistrats, la loi relative à la décentralisation et la loi de
mise en application de la cour pénale internationale. Mais cela ne peut
nullement faire douter du fonctionnement effectif des institutions. A quoi
serait dû cet heureux sort des institutions de la transition qui ont
connu une stabilité réelle dans la turbulence. Nous pensons que
ce la procède d'un début fragile d'institutionnalisation du
pouvoir.
§2. Impact de la constitution
de la transition du 04 avril 2003 sur la forme du pouvoir et sur la formation
de l'Etat.
Le poids de la constitution
étudiée sur le pouvoir et l'Etat au Congo, peut se mesurer sous
trois aspects :
- Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir ;
- Retour au principe de séparation et
d'équilibre des pouvoirs ;
- Jalons pour la réfondation de l'Etat.
I.
Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir.
Alors que sous les constitutions précédentes les
hommes de la carrure de Mobutu et Laurent Désiré Kabila
réussirent à paralyser complètement les textes
constitutionnels ainsi que les institutions qu'ils préconisaient, la
constitution de la transition n'a pas connu ce drame. Nous pouvons ainsi
constater qu'elle a posé de manière satisfaisante les jalons
d'une institutionnalisation du pouvoir.
La source du pouvoir a bien été l'Accord global
et inclusif et la constitution de la transition, conformément à
son article 1 alinéa 1. Il est remarquable que cette disposition
constitutionnelle se soit imposée comme fondement juridique de toute
l'activité politique pendant la transition, du moins jusqu'à la
promulgation de la nouvelle constitution. Pour nous c'est un
événement important qu'un texte constitutionnel ait pu encadrer
le pouvoir sans que les volontés unilatérales des acteurs au
sommet puissent l'invalider quant à l'organisation et l'exercice du
pouvoir. Il suffit d'une rétrospection pour s'en convaincre. Comme nous
l'avons dit, de 1961 à 1965, Mobutu en tant que Chef militaire se fit la
source du pouvoir. Homme-souverain, il a pu par sa seule volonté
défaire les institutions consacrées par la loi fondamentale du 19
mai 1960 relative aux structures du Congo, en démettant le
Président, le Premier Ministre et tout le gouvernement. De 1965 à
1990 le même homme, devenu l'homme - Etat est demeuré la source et
le siège du pouvoir. L'organisant comme il voulait, il en distribuait
les fonctions à son gré. Le Mouvement Populaire de la
Révolution qui sera parti - Etat et source du pouvoir n'était
rien selon lui que le reflet de sa pensée, le Mobutisme. De 1990
à 1997, la personnalité du Président Maréchal a
été tellement puissante au dessus des institutions issues de la
Conférence Nationale Souveraine et des reformes institutionnelles
d'après le 04 avril 1990, qu'elle a complètement
verrouillé la machine politique, au point que le projet de constitution
de la CNS est demeuré sans effet faute de promulgation et l'Acte
constitutionnel de la transition est devenu une coquille vide.
De 1997 à 2001, le Président de la
République Laurent Désiré Kabila ayant tiré le
pouvoir du statut de l'AFDL, Association privée bien que rebelle, s'est
fait lui-même l'incarnation du pouvoir d'Etat et siège du pouvoir
politique dans la mesure où faisant fi de la constitution existante, il
n'a pas attendu non plus que l'AFDL ou le peuple congolais lui attribue le
pouvoir. De 2001 à 2003, le Président Joseph Kabila tirant son
pouvoir d'une source militaire n'a pas jugé utile de se conformer au
Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997, néanmoins à partir
de 2003, il peut être comme le seul et le premier Président de la
République qui s'est suffisamment discipliné pour donner une
chance aux institutions constitutionnelles de son pays. Il ne s'est pas
comporté de manière à être la source et le
siège du pouvoir. C'est pourquoi nous osons affirmer que sous la
constitution de la transition du 04 avril 2003, le pouvoir s'est
institutionnalisé parce que s'exerçant selon les règles
préétablies et impartiales. Cela ne devait nullement
manqué d'influencer positivement les rapports entre les pouvoirs.
II.
Retour au premier principe de séparation des pouvoirs.
Le constituant de la transition de 2003
a clairement exprimé sa résolution d'édifier un Etat de
droit durable fondé notamment sur la séparation des pouvoirs
entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire476(*). En ce fondant sur Acte
politique consensuel, l'Accord global et inclusif, partie intégrante de
la constitution de la transition, la classe politique congolaise et la
communauté internationale qui l'y a aidé a trouvé
là un moyen efficace d'assurer un retour à l'équilibre de
puissance entre les acteurs politiques et entre les institutions, dans la
mesure où la composition de l'exécutif étant basé
sur le fameux « partage équitable et
équilibré » il n'a pas été facile pour un
homme à la présidence d'une institution de la subordonner
à sa volonté ni à la volonté d'autre institution.
Ainsi on a pu constater d'abord au sein des institutions politiques une
stabilité organique et un équilibre des forces entre les membres.
Le Président de la République confronté
au sein de la Présidence de la République d'une part à un
pluralisme politique découlant des ex-mouvements politico - militaires
devenus MLC et RCD et d'autre part au niveau du Conseil de Ministres à
un pluralisme de tendances formé des entités et composantes s'est
trouvé juridiquement et politiquement encadré de telle sorte
qu'il n'a pu facilement manipuler ni la présidence ni le gouvernement. A
cela faut-il ajouter que les actes juridiques par lesquels il s'exprime
concernant la gestion du pays, sont débattus, en Conseil de Ministres
après avoir été traités dans les commissions
gouvernementales, puis dans les réunions restreintes de la
présidence477(*),
couramment désignée « Espace
présidentielle ». Ensuite en ce qui concerne les rapports de
l'Exécutif et du parlement, la même explication que nous venons de
donner peut valoir pour le respect de l'équilibre des forces entre les
deux institutions. Dans le passé l'on a pu voir que le meilleur moyen
pour le Chef de l'Exécutif de faire du Parlement une simple caisse de
résonance c'était soit de s'arroger des pouvoirs
législatifs exceptionnels en étant convaincu de la non
réaction des autres membres de l'Exécutif ni des membres du
Parlement, soit de placer à la tête du Parlement un fidèle
idéologique. Or ces méthodes ne pouvaient se concevoir avec les
formules de partage de responsabilités inventées dans l'Accord
global et inclusif et coulées en force de loi dans la constitution de la
transition. Enfin, il s'en suit que le Parlement, présidé par des
personnalités issues de la société civile pour le
Sénat et du Mouvement de Libération du Congo pour
l'Assemblée nationale, courants opposés au camp du
Président de la République n'a été facilement
manipulable comme du temps des Présidents Mobutu ou Kabila
père.
A ces facteurs, il faut tout de même tenir compte de
l'équation personnelle du Président Joseph Kabila qui s'est
investi dans la logique juridique constitutionnelle plutôt que dans la
dictature comme tous ses prédécesseurs. Son comportement
politique caractérisé du moins jusque là, par le respect
de la constitution de façon générale a permis de revenir
à un Exécutif normal c'est-à-dire classique d'un
régime présidentiel. Par rapport aux régimes passés
l'Exécutif a été ramené à ses proportions
normales.
Mais du fait de sa forme directoriale, on peut dire que
l'Exécutif a été quelque peu affaibli par rapport aux
formes de gouvernement précédentes à cause de sa
composition poly forme. En dépit de ses faiblesses, la formule
dite de « 1+4 » institué par la constitution de la
transition réussi à éviter la ré
consécration d'une concentration exacerbée du pouvoir à
l'Exécutif et de sa personnification dans le chef d'un individu.
Il serait surprenant que l'évolution constatée
au niveau du pouvoir sous la constitution de la transition soit sans incidence
positive sur le processus de formation de l'Etat.
III.
Processus de réfondation de l'Etat.
La constitution de la transition du 04
avril 2006 peut compter à son actif des aspects favorables à la
reconstruction de l'Etat au Congo, à savoir :
- La réunification du pouvoir d'Etat ;
- La réunification du territoire national ;
- Le regroupement des populations ;
- La reconquête de la souveraineté.
A. La réunification du
pouvoir.
Dans les lignes précédentes nous avons
montré que du fait de la guerre du 02 août 1998, le pouvoir
politique s'est disloqué en plusieurs centres ayant tous les attributs
du pouvoir d'Etat sur les territoires occupés. Cette triste
réalité a été entérinée par les
résolutions du Dialogue inter congolais et par l'Accord de paix de
Lusaka qui ont reconnu un même statut tant au gouvernement de Kinshasa
qu'aux mouvements de l'opposition armée, le RCD et le MLC. En plus les
actes juridiques posés dans le cadre de la gestion politique et
administrative, dans les territoires rebelles ont été en principe
reconnus et largement confirmés par après. Il en résultait
qu'il n'y avait plus de gouvernement ni de puissance publique sur le territoire
congolais ; il n'y avait plus d'organisation politique sur un Etat, mais
plusieurs organisations sur des caricatures d'Etats. On parlerait de plusieurs
« gouvernements » sur plusieurs
« Etats » mais sur un même territoire aux
frontières internes hermétiquement closes par différentes
armées, surtout étrangères, obéissant au
commandement étranger. En se conformant à la constitution de la
transition qui intègre l'Accord global et inclusif, le peuple congolais
et la classe politique ont souscrit aux objectifs principaux de la transition
parmi lesquels figurent en premier lieu, la réunification, la
pacification, le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur
l'ensemble du territoire national. Cet objectif a été atteint
avec l'installation d'un nouveau gouvernement à Kinshasa composé
du Président de la République, des quatre Vice-Présidents
de la République, des Ministres et des Vice-Ministres. Au 30 juin 2003,
la ville de Kinshasa a retrouvé l'effectivité de siège de
toutes les institutions nationales. Tous les chefs de guerre principalement
Jean Pierre Bemba Président du MLC et Azarias Ruberwa
abandonnèrent respectivement les villes de Gbadolite et de Goma leur
fiefs et capitales de territoire qu'ils dirigeaient. Dès cet
événement, aucun mouvement de l'ex-rébellion
n'était à même d'ordonner des actes ou mesures contraires
aux dispositions de la constitution de la transition et de l'Accord global et
inclusif, devenus les seules bases juridiques et source de
légalité et de légitimité de tout pouvoir politique
sur toute l'étendue du territoire national. La constitution du 04 avril
2003 fait perdre à tous les mouvements politico-militaires la puissance
publique au profit de l'Etat en chantier.
B. La réunification du
territoire national et le regroupement des populations.
Dès le déclenchement des
hostilités le 02 août 1998, la République
Démocratique du Congo qui ne su ni contenir immédiatement ni
repousser à l'instant l'agression perdit des larges portions du
territoire tombées à l'Est sous l'occupation rwandaise,
ougandaise et burundaise alliés du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie et du MLC. Aussi les provinces de l'Equateur, du Nord et du
Sud Kivu, de Maniema et des deux Kasaï, sans oublier la province orientale
échappèrent soit complètement soit partiellement au
pouvoir de Kinshasa478(*). Cette situation perdura jusqu'à
l'installation de la constitution qui consacra l'effectivité de l'Accord
pour le cessez le feu de Lusaka du 10 juillet 1999 et des plans de
désengagement de Kampala et d'autres Accords de paix. En effet, il
était plus difficile pour un ressortissant ou domicilié d'une
province de franchir la limite de l'autre province ou l'autre zone sans se
faire sévèrement châtier ou la plupart des cas trouver la
mort. Les populations congolaises ne constituaient plus une communauté
unique régie par un pouvoir unique. Aussitôt après la
promulgation de la constitution du 04 avril 2003, la levée des
barrières militaires consécutive au désengagement des
toutes les parties sur tous les fronts intérieurs permit une
réunification des population par la circulation des biens et des
personnes.
C. La reconquête de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale.
La guerre du 02 août 1998 a
placé, à ses débuts, le pays dans une incapacité de
disposer d'une puissance suprême ou d'un pouvoir suprême sur son
organisation politique, sur ses citoyens et sur son territoire. Au début
la thèse de l'agression étrangère n'était pas
acceptée. Pour ne pas nous engager dans une querelle autour d'une notion
encore controversée faute de définition claire même en
droit international public, nous disons que plusieurs armées
étrangères ont franchi les frontières et se sont
installées au Congo-Kinshasa dans l'intention de renverser le pouvoir en
place, lequel a fait aussi appel à un certain nombre de pays dont les
forces armées sont aussi devenues opérationnelles au
Congo479(*). Nous
pensons que le Congo s'étant ainsi trouvé sans armée
nationale et occupée a pendant un temps perdu sa souveraineté sur
le plan interne où son gouvernement était incapable d'obtenir
l'obéissance civile et d'assurer une administration classique de
l'ensemble de la cité et, sur le plan international où, il devait
se plier aux ordres de ses protecteurs, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie
d'une part et la communauté internationale. Il est symptomatique que
presque dans toutes ses résolutions relatives à la situation au
Congo, le Conseil de sécurité insiste sur la réaffirmation
de l'indépendance politique du Congo » et se déclare
fermement résolu à la préserver480(*).
Il serait facile au gouvernement de Kinshasa de parler de
coopération avec les pays précités, dans le cadre de la
SADC, et aux mouvements rebelles de parler d'alliance avec les trois pays de
l'Est précités. Nous pensons que cela n'est valable que pour les
apparences mais pour le fond le pays s'est trouvé dans une situation
presque similaire à une colonisation pour ce qui est de la partie Est et
à une vassalisation pour la partie du territoire restée au
gouvernement. Notre argumentation sur ce point se fonde sur la raison que la
coopération ou l'alliance placent les parties à un niveau
d'acceptation volontaire, laissant à chacune d'elle une égale
autonomie de volonté. Or dans le cas des mouvements politico-militaires
de l'Est et même du gouvernement de Kinshasa, nous l'avons dit, le manque
des forces militaires propres les placait dans une telle situation
d'impuissance qu'ils n'avaient aucun moyen de résister aux institutions
des puissances étrangères lesquelles pour des raisons
géostratégiques ou sécuritaires fondées ou non,
pouvaient se permettre de franchir les frontières congolaises sans
solliciter l'autorisation ni des mouvements rebelles ni du gouvernement de
Kinshasa. S'ajoutant à cela, le fait que certaines de ses forces
étrangères pouvaient se livrer aux actes d'exploitation
illégale des ressources naturelles et humaines contre la volonté
du Congo481(*), nous
nous réconforterons dans la thèse d'une perte momentanée
de la souveraineté.
Progressivement le Conseil de sécurité a pris
plusieurs résolutions dans lesquelles, il est réaffirmé
à maintes reprises la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la République Démocratique du Congo482(*). Sur ce point, il y a lieu
de retenir que la promulgation de la constitution de la transition du 04 avril
2003 et la volonté constatée de la part des animateurs de la
transition à s'y conformer, ont contribué largement à la
reconstruction progressive de l'édifice fissuré de l'Etat
congolais. Nous pensons qu'en créant un environnement favorable à
la reconstitution des conditions d'existence de l'Etat la constitution de la
transition à déblayer le terrain pour la réfondation de
l'Etat au Congo détruit depuis la première crise politique ainsi
que le premier coup de Mobutu en 1961, du fait que depuis cette époque,
le Congo n'a plus connu de pouvoir institutionnalisé condition
indispensable à la naissance et à la survie de l'Etat. Sans
préjudice des autres facteurs liés à l'homme comme la
culture politique démocratique, la constitution de la République
Démocratique du Congo promulguée le 18 février 2006,
grâce au balisage de la constitution de transition peut valablement
servir de fondement à l'édification de l'Etat au sens
précis du terme par une institutionnalisation effective du pouvoir
politique.
Section 4. Pouvoir et Etat
sous la constitution de la République Démocratique du Congo du 18
février 2006.
Il est utile d'observer que la constitution de la
République Démocratique du Congo ainsi intitulé, est au
moment où nous rédigeons ces lignes la dernière oeuvre de
l'histoire constitutionnelle congolaise. Elle est l'expression de la
volonté de délégués de la classe politique et de la
société civiles forces vives de la Nation, réunis en
Dialogue inter congolais qui ont convenu dans l'Accord global et inclusif
signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de
mettre en place un nouvel ordre politique, fondée sur une nouvelle
constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais
puisse choisir souverainement ses dirigeants au terme des élections
libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et
crédibles483(*).
Le Sénat issu de l'Accord global et inclusif, a élaboré
conformément à l'article 104 de la constitution de la transition
un avant projet de la nouvelle constitution soumis à l'Assemblée
Nationale qui l'a adopté sous forme de projet de constitution et soumis
au référendum populaire le 18 avril 2005.
Nous allons examiner de l'aménagement constitutionnel
des pouvoirs sans qu'il soit possible d'apprécier le fonctionnement des
institutions car ce serait prématuré de le faire étant
donné que dans les faits les nouvelles institutions devront provenir des
élections, lesquelles n'ont pas encore eu lieu. A propos du
fonctionnement des institutions nous pourrons nous exprimer en termes de
perspectives par rapport à l'avenir et d'observation par rapport au
présent et au passé, concernant l'institutionnalisation du
pouvoir et l'Etat.
§1. Aménagement
constitutionnel des pouvoirs sous la constitution de la République
Démocratique du Congo.
Il convient de découvrir les institutions politiques et
leurs attributions avant d'examiner les relations qu'elles entretiennent.
I.
Institutions politiques et leurs attributions.
L'organisation et l'exercice du pouvoir sont définies
au titre III de la constitution de la République, à
savoir :
- Le Président de la République ;
- Le parlement ;
- Le gouvernement ;
- Les Cours et Tribunaux.
Les trois premières sont les seules sur lesquelles
porte notre analyse, au motif du caractère particulier des institutions
judiciaires desquelles font parties les cours et tribunaux.
A. Le Président de la République sous la
nouvelle constitution.
Le constituant de la République Démocratique du
Congo a clairement exprimé sa volonté d'institutionnaliser le
pouvoir par l'origine démocratique des gouvernants ainsi que par la
précision constitutionnelle de leurs compétences. Aussi est-il
prévu que le Président de la République soit élu
à la majorité absolue des suffrages exprimés484(*), au scrutin à deux
tours pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. L'article 69
introduit les compétences du Président de la République en
précisant que :
- Il est le Chef de l'Etat, représente la Nation et,
est le symbole de l'unité nationale ;
- Il veille au respect de la constitution ;
- Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la
continuité de l'Etat. Il est le garant de l'indépendance
nationale, de l'intégrité du territoire, de la
souveraineté nationale et du respect des traités et accords
internationaux.
Il est important d'observer que l'article 78 du même
texte confère au Président de la République les
prérogatives de nommer le Premier Ministre au sein de la majorité
après consultation de celle-ci et, de mettre fin à ses fonctions
sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. A
l'alinéa 2 du même article, il est dit que si une telle
majorité n'existe pas, le Président de la République
confie une mission d'information à une personnalité en vue
d'identifier une coalition. Aux termes de la même disposition le
Président de la République nomme les autres membres du
gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier
Ministre. Il est également important de noter que le Président de
la République convoque et préside le Conseil des ministres. En
cas d'empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier
Ministre. Il promulgue les lois dans les conditions prévues par la
constitution. Les autres pouvoirs du Président de la République
sont définis aux articles 80 à 89 en ce qui concerne les
nominations aux grades supérieurs de la vie publique et, aux articles
143 à 145, en ce qui concerne les déclarations de guerre, de
l'Etat de siège et de l'Etat d'urgence. Il faut noter qu'hormis les
actes relatifs prévus aux articles 143 ci-dessus485(*), et à la nomination
du Premier Ministre, l'investiture des gouverneurs et
vice-gouverneurs486(*),
aux grades conférés dans les ordres nationaux487(*), les ordonnances du
Président de la République sont contresignées par le
Premier Ministre488(*).
B.Les attributions du gouvernement sous la nouvelle
constitution.
Le gouvernement
est selon l'article 90, composé du Premier Ministre, de ministres, de
vice-ministres et, le cas échéant, de Vice-Premier Ministres, de
ministre d'Etat et délégués.
L'article 91 de la constitution de la transition
précise à son alinéa 2 que le gouvernement est
dirigé par le Premier Ministre chef du gouvernement et, qu'en cas
d'empêchement, son intérim est assumé par le membre du
gouvernement qui a la préséance. Quant aux attributions,
l'article 91 du même texte dispose que le gouvernement définit, en
concertation avec le Président de la République, la politique de
la Nation et en assume la responsabilité, qu'il conduit la politique de
la Nation. La même disposition fait de la sécurité, la
défense et les affaires étrangères des domaines de
collaboration entre le Président de la République et le
gouvernement. Pour l'accomplissement de sa mission, le gouvernement dispose de
l'Administration publique, des Forces armées, de la police nationale et
des services de sécurité.
S'agissant des prérogatives constitutionnelles des
membres du gouvernement , elles sont définies aux articles 92 à
95 inclus qui disposent successivement :
« Le Premier Ministre assure l'exécution
des lois et dispose du pouvoir réglementaire sous réserve des
prérogatives dévolues au Président de la République
par la présente constitution. Il statue par voie de décret
délibéré en Conseil des Ministres, aux emplois civils et
militaires autres que ceux pourvus, par le Président de la
République ;
Le ministre est responsable de son département. Il
applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la
direction et la coordination du Premier Ministre. Il statue par voie
d'arrêté ;
Les Vice-ministres exercent sous l'autorité des
ministres auxquels ils sont adjoints, les attributions qui leur sont
conférées par ordonnance portant organisation et fonctionnement
du gouvernement. Ils assument l'intérim des ministres en cas d'absence
ou d'empêchement ».
Comme nous pouvons le constater la nouvelle constitution
modifie complètement la configuration du gouvernement. Les postes de
Vice-Présidents sont supprimés et, il est créé un
poste de Premier Ministre avec l'éventualité de nomination des
Vice-Premier Ministres dont le nombre n'est pas précisé par la
constitution ni les fonctions définies.
C. Le Parlement sous la constitution de la
République Démocratique du Congo du 10 février 2006.
Le Parlement est composé de deux
chambres : l'Assemblée nationale et le Sénat. Les membres de
l'Assemblée nationale portent le titre de député national
et sont élus au suffrage universel direct et secret489(*).
Les membres du Sénat portent le titre de
sénateur et sont élus au second degré par les
Assemblées provinciales. Ils représentent leurs provinces
respectives. Les attributions du Parlement sont principalement définies
à l'article 100 de la nouvelle constitution sans préjudice des
autres dispositions. Il est dit à l'article précité que le
Parlement vote les lois, contrôle le gouvernement, les entreprises
publiques ainsi que les établissements et les services publics.
II.
Relations entre les institutions.
A. Le Président de la République et le
Gouvernement.
A ce point la constitution de la République
Démocratique du Congo suscite des curiosités non sans
intérêt pratique. L'analyse des attributions constitutionnelles
des eux institutions laisse paraître des zones d'ombre sur certaines
questions fondamentales. Le Président de la République est-il
membre du gouvernement ou non ? qui en est véritablement Chef de
l'Exécutif ? Le Président de la République jouit-il
de la liberté absolue de mettre fin aux fonctions du Premier
Ministre ?
Aussi simple qu'elles puissent paraître, ces questions
sont d'un intérêt primordial car les réponses y
apportées ont une incidence considérable sur l'objet de notre
préoccupation majeure, l'institutionnalisation du pouvoir et la
formation de l'Etat au Congo. Depuis l'indépendance, on peut constater
que les tentatives d'instauration d'un régime parlementaire aboutit
presque toujours à un blocage du mécanisme institutionnel
à cause des relations conflictuelles entre un chef de l'Etat
théoriquement sans compétence de gouverner et un Premier Ministre
Chef de gouvernement théoriquement soumis à l'orientation du Chef
de l'Etat. Dans ce jeu les relations entre le Président de la
République chef de l'Etat et le Premier Ministre chef de gouvernement ou
non ont souvent pesé dans l'échec de la stabilisation du pouvoir
et conduit notre pays au désastre. Comme nous l'avons
démontré, le conflit Kasa-Vubu - Lumumba et ses
conséquences a brisé l'élan du Congo dans
l'édification de l'Etat jusqu'en 1964 ; le conflit Kasa-Vubu -
Tshombe a ruiné les efforts du constituant de Luluabourg et
justifié le camp d'Etat du 24 novembre 1965 par Mobutu et enfin le
conflit Mobutu - Tshisekedi a hypothéqué tous les efforts de la
conférence nationale souveraine jusqu'à l'anéantissement
de deux protagonistes par les Forces de l'AFDL.
Sous la première République, l'on a
attribué la crise entre autre aux ambiguïtés de la loi
fondamentale dont l'article 22 laisser le champ libre au Président de la
République pour révoquer le Premier Ministre, sans se soucier de
savoir si celui-là conservait encore la confiance du Parlement.
Revenant à notre interrogation, abordons en les trois
aspects :
- Le Président de la République
Démocratique du Congo membre du gouvernement ou non ;
L'article 90 de la constitution de la République
Démocratique du Congo qui définit la composition du gouvernement
ne cite pas le Président de la République comme c'est le cas de
l'article 89 de la constitution de la transition du 03 avril 2003.
En effet, l'article 89 alinéa 1 de ce texte
dispose : « le gouvernement est composé du
Président de la République, des Vice-Présidents, des
ministres et vice-ministres ». Tandis que l'article 90 de la
nouvelle constitution précitée porte : « le
gouvernement est composé du Premier Ministre, de Ministres, de
Vice-Ministres et, le cas échéant, de Vice-premier ministres
d'Etat et de ministres délégués ». Il est
important de bien clarifier la forme de l'Exécutif congolais. Son
caractère mono ou bicéphale n'est pas clairement posé en
ce sens que l'article 79 fait du Président de la République
autorité compétente de convoquer et de présider le Conseil
des Ministres, avec possibilité de déléguer ce pouvoir au
premier Ministre. Il en découle logiquement que le Premier Ministre qui
ne peut convoquer et présider un Conseil que par
délégation en cas d'empêchement du Chef de l'Etat ne serait
pas à considérer comme le chef de ce Conseil des Ministres qui
est en même temps le gouvernement. Cependant là s'arrête la
clarté car l'alinéa 2 de l'article 90 est susceptible
d'équivoque car il est dit que le « gouvernement est
dirigé par le Premier Ministre, chef du gouvernement. En cas
d'empêchement, son intérim est assuré par le membre du
gouvernement qui a la préséance ». En plus,
l'article 91 donne au gouvernement la compétence non seulement de
conduire mais de définir la politique de la Nation. Nonobstant
l'expression « en concertation avec le Président de la
République » ajoutée au terme
« définit », il n'est pas facile de voir sans
embarras laquelle de deux institutions conçoit la politique de la
Nation, entre le Président de la République et le gouvernement
d'une part et lequel de deux dirige réellement le gouvernement.
Une tentative de réponse serait que sur le plan
hiérarchique, le Président de la République soit le Chef
de l'Exécutif mais encore qu'il se situe également au sommet de
l'édifice institutionnel non seulement sur base de l'ordre
d'énumération de cette institution qui vient occuper la
première place à l'article 68 mais aussi du fait du rôle
d'arbitrage que lui confère l'article 69 pour le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et des institutions. A cela il faut
ajouter l'origine électorale de l'un par rapport au Premier Ministre.
Cependant ce qui est de la conduite du gouvernement il est difficile de trouver
un appui constitutionnel susceptible d'en conférer la conduite au
Président de la République dont le contreseing des actes par le
Premier Ministre en fait endosser à ce dernier, la
responsabilité. Faut-il considérer qu'hormis les domaines de
collaboration, le Président de la République joue le rôle
d'un monarque régnant, sans gouverner ! Cela nous semble plus
logique. Sur ce point nous pouvons dire qu'il y a risque de considérer
que l'Exécutif est bicéphale ayant à sa tête le
Président de la République et le Premier Ministre. Ce qui
pourrait être dangereux dans la mesure où cela conduirait à
une lutte de leadership entre le Président de la République et le
Premier Ministre comme par le passé.
L'on peut dès lors déduire que le Premier
Ministre une fois nommé, et investi avec les membres de son gouvernement
ne peut être révoqué par le Président de la
République tant qu'il jouit de la confiance du parlement. Il faudra
attendre l'installation des nouvelles institutions pour en apprécier le
fonctionnement. A cet effet, l'ordonnance dont question à l'article 91,
fixant l'organisation du gouvernement et des modalités de collaboration
entre le Président de la République ainsi qu'entre les membres du
gouvernement sera d'une importance considérable.
B. L'Exécutif et le
législatif.
Les rapports entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif sont définis de
l'article 122 à l'article 148 de la nouvelle constitution. Il est utile
de noter que l'initiative des lois appartient concurremment au gouvernement,
à chaque député et à chaque sénateur. Le
gouvernement et le Parlement interviennent dans le processus législatif
de la manière confirmée à l'article 100. Ainsi, les
projets de loi adoptés par le gouvernement en Conseil des Ministres sont
déposés sur le Bureau de l'une des chambres. Toutefois,
s'agissant de la loi des finances, le projet est impérativement
déposé dans le délais prévu à l'article 126
sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Tandis que les propositions de
loi sont, avant délibération et adoption, notifiées pour
information au gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant leur
transmission, ses observations éventuelles au Bureau de l'une ou l'une
de l'autre chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont
mises en délibération. L'article 131 de la nouvelle constitution
dispose que « les membres du gouvernement ont accès aux
travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'à
ceux de leurs commissions. « s'ils en sont requis, les membres du
gouvernement ont l'obligation d'assister aux séances de
l'Assemblée nationale et celles du Sénat, d'y prendre la parole
et de fournir aux parlementaires toutes les explications qui leur sont
demandées sur leurs activités. Les projets de loi peuvent donner
lieu à la discussion devant l'une de chambres. Les membres du
gouvernement ont le droit de proposer des amendements aux textes en discussion
mais ne participent au vote490(*). Quant au Président de la République
et le Premier Ministre, le premier reçoit la loi adoptée par le
Parlement endéans six jours de son adoption pour sa promulgation, tandis
que le second en reçoit ampliation. D'autres matières telles que
la déclaration de guerre faite par le Président de la
République ainsi que l'état d'urgence et l'état de
siège proclamés également par lui, requièrent
l'autorisation de deux chambres mais à la demande du
gouvernement491(*).
S'agissant des moyens de contrôle du Parlement sur le
gouvernement, les entreprises publiques et les services publics, il s'agit
de :
- La question orale ou écrite ou sans débat non
suivi de vote ;
- La question d'actualité ;
- L'interpellation ;
- La commission d'enquête ;
- L'audition par les commissions.
Ces moyens de contrôle prévus à l'article
138 peuvent donner lieu à la motion de défiance ou à la
motion de censure conformément à l'article 147. En cas d'adoption
d'une telle motion, le Premier Ministre remet la démission du
gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre
heures. Dans la nouvelle constitution, le pouvoir de renverser le gouvernement
conféré au Parlement est contrebalancé par le pouvoir de
dissolution reconnu au Président de la République. Il est dit au
premier alinéa de l'article 148 qu'en cas de crise persistance entre le
gouvernement et l'Assemblée nationale, le Président de la
République peut, après consultation du Premier Ministre et des
Présidents de L'Assemblée nationale.
§2. Fonctionnement des
institutions et devenir de l'Etat sous la constitution de la République
Démocratique du Congo sur le pouvoir et l'Etat du 18 février
2006.
La constitution du 18 février 2006 constitue une
énième tentative d'organiser juridiquement l'exercice du pouvoir
politique ainsi que l'Etat au Congo. Par son élaboration, elle marque
une rupture avec le passé dans la mesure où elle est l'oeuvre du
pouvoir congolais constitutionnellement habilité à cette
fin ; à savoir le parlement congolais dont l'une de chambre le
Sénat fut investit de la mission d'en élaborer
l'avant-projet492(*) et
l'autre chambre l'Assemblée nationale de l'adopter493(*). Elle a suivi la
procédure référendaire par laquelle les voix favorables
l'ont emporté. Le caractère démocratique à la base
de la nouvelle constitution confère au bénéfice de
celle-ci, une forte présomption de légitimité et de
légalité pour les nouvelles autorités. De ce processus, il
découle l'émergence d'une nouvelle culture bien que la
démocratie soit encore au stade de balbutiement. L'on peut conclure
à un progrès par rapport à l'institutionnalisation du
pouvoir et à la renaissance de l'Etat congolais.
A la différence des textes constitutionnels que nous
avons abordé d'un point de vue historique et actuel de manière
à ce que l'observation de fait et l'étude de la doctrine nous ont
fourni d'éléments objectifs pour apprécier le
fonctionnement des institutions consacrées, la constitution de la
République du Congo ne peut être analysée à ce jour
que pour des observations théoriques sur les mérites, ce qui
vient d'être fait et des craintes sur les perspectives ce qui sera fait
dans les lignes suivantes.
I. Le pouvoir sous l'empire de la
nouvelle constitution.
Dans son exposé des motifs, le constituant de la
nouvelle République, dévoile sept préoccupations majeures
qui président à l'organisation des institutions politiques dans
la constitution de la République Démocratique du Congo, à
savoir :
- Assurer le fonctionnement harmonieux des
institutions ;
- Eviter les conflits ;
- Instaurer un Etat de droit ;
- Contrer toute tentative de dérive
dictatoriale ;
- Garantir la bonne gouvernance ;
- Lutter contre l'impunité ;
- Et assurer l'alternance démocratique.
De ces nobles objectifs, certains nous intéressent de
façon particulière du fait de leur lien avec l'objet de notre
réflexion. Ils sont comme des conditions premières à
l'institutionnalisation du pouvoir gage de l'émergence et de
l'édification de l'Etat en Afrique noire post-coloniale en
générale et en République Démocratique du Congo en
particulier. Ces préoccupations premières seraient :
- Le fonctionnement harmonieux des institutions ;
- La prévention ou la réduction maximale de
conflits ;
- La lutte contre la dérive dictatoriale ;
- L'alternance démocratique.
Il convient déjà sur ce point, d'opérer
judicieusement une distinction entre les dispositions théoriques
contenues dans la constitution qui rassurent jusqu'à un certain
degré et la pratique politique congolaise avec les mêmes acteurs
des années soixante ou leurs progénitures idéologiques qui
ne rassurent pas. Du point de vue strictement constitutionnel
c'est-à-dire aussi théorique, l'organisation et l'exercice du
pouvoir sont définis de manière à consolider
l'institutionnalisation du pouvoir. Les aspects les plus déterminants
dans cette voie et qui confirment notre avis sont notamment : le
renforcement du pluralisme politique par non seulement sa renaissance juridique
à l'article 6, 1er alinéa, mais encore par le
financement des partis politiques par l'Etat. A cela faut-il ajouter, la
reconnaissance et l'organisation de l'opposition politique par le constituant
à l'article 8 alinéa 2 ainsi que la pénalisation de
l'institution d'un parti unique en des termes très sévères
tels qu'exprimés à l'article 7 :
« Nul ne peut instituer, sous quelque forme que
ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire
national ;
L'institution d'un parti unique constitue une infraction
imprescriptible de haute trahison punie par la loi ».
Nous pensons que par ces dispositions, le peuple congolais a
érigé une barrière juridique très solide au retour
au parti unique du moins pour la génération présente.
Certes, le prochain dictateur commencerait comme toujours par la modification
de la constitution, mais ça serait un risque plus grand que sous les
constitutions précédentes. Quiconque le ferait s'exposerait
à des situations bien plus inconfortables que Mobutu et Kabila
père. Par ailleurs, on peut considérer à juste titre que
les articles 219 et 220 de la nouvelle constitution offrent suffisamment de
garde-fou pour empêcher que le prochain détenteur du pouvoir au
sommet ne compromettent son institutionnalisation par des révisions
constitutionnelles tendant à conférer un revêtement
juridique à ses abus. Aucune de constitutions congolaises allée
aussi loin dans les précautions de prévenir un retour au pouvoir
personnel. Au delà de restrictions relatives à l'exercice du
pouvoir tel que nous venons de le voir, la constitution de la République
Démocratique du Congo du 18 février 2006 renforce plus que
d'autres les garanties des droits fondamentaux, spécialement de la
liberté individuelle. Ainsi les abus commis par les services de
sécurité lesquels ont toujours été un instrument au
service du pouvoir personnel sont évitables grâce au principe de
la reconnaissance du droit pour toute personne de se faire assister d'un
défenseur de son choix même devant ces services.494(*)
En plus la constitution de la République
Démocratique du Congo du 18 février élargit le champ des
poursuites pénales à l'encontre des détenteurs au sommet
du pouvoir exécutif à savoir le Président de la
République et le Premier Ministre. L'on peut constater la
pénalisation des faits non érigés en infraction ni par la
loi fondamentale du 19 mai 1960 relative à la structure du Congo, ni par
toutes les constitutions ayant suivi, tels l'atteinte à l'honneur ou
à la probité, le délit d'amitié et l'outrage au
parlement495(*).
L'effort du constituant de limiter autant que possible le pouvoir des
gouvernants est susceptible de produire la mutation nécessaire à
l'émergence d'un environnement propice à la renaissance de l'Etat
au Congo.
II. L'Etat sous l'empire de la
nouvelle constitution.
Le progrès enregistré sur
la voie d'institutionnalisation du pouvoir dans la nouvelle constitution ne
saurait être sans incidence positive sur le sort de l'Etat.
Déjà faut-il observer que les dispositions relatives aux choix
des animateurs des institutions de la nouvelle République par les
élections sont effectivement appliquées. En effet, depuis le 09
mars 2006, la loi électorale est promulguée. En la même
date, on retiendra, également la publication de mesures d'application et
décision d'ouverture des centres d'inscription des candidats aux
élections présidentielles et législatives ont
été officiellement déposés. Il est frappant de voir
un nombre très élevé des candidatures enregistrées,
73 au départ et 32 retenus496(*) sans qu'aucun d'eux soit inquiété ni
poursuivi. Nul d'entre eux n'a subi les tracasseries. Le lien de ce qui vient
d'être dit et l'Etat se trouve dans l'affirmation selon laquelle l'Etat
est le siège du pouvoir et non ses détenteurs précaires.
Ici, l'intérêt est de constater que les citoyens désireux
d'exercer le pouvoir l'obtienne d'une source extérieure à leur
personne, non au moyen de la guerre mais par les suffrages sollicités du
souverain primaire.
La nouvelle constitution a trouvé une situation
déjà déblayée par la constitution de la transition
du 04 avril 2003 en ce qui concerne la pacification du pays. Mais quant au sort
de l'Etat, nous pouvons juste exprimer les espoirs et les craintes,
fondés respectivement sur la volonté du constituant, du peuple et
des gouvernants actuels de rompre avec le pouvoir personnifié à
travers la nouvelle constitution et, sur les gènes des conflits contenus
dans les nouvelles constitutions. Nous en voulons pour preuve les
ambiguïtés de la constitution sur la direction effective de
l'Exécutif. Est-ce le Président de la République ou le
Premier Ministre qui est le chef de l'Exécutif et qui conduit la
politique.
A notre avis la constitution de la République
Démocratique du Congo n'offre pas des voies de solution solide en cas de
crise entre le Premier Ministre et le Président de la République.
Dans une telle hypothèse, le Premier Ministre comme le Président
de la République chercheront sûrement à se prémunir
du soutien du Parlement. Le Président de la République et son
clan voudront bien obtenir des chambres législatives le renversement du
gouvernement conformément aux articles 146 et 147. Si le Parlement
soutient le Premier Ministre, la crise peut s'étendre à son
niveau ouvrant le front opposant d'un coté le gouvernement et le
Parlement à la première institution le Président de la
République. Une telle situation non souhaitable mais
caractéristique de l'histoire politique du Congo serait pire que les
différentes guerres car en cas d'impasse, l'effort consenti par les
congolais avec l'appui de la communauté internationale, fondrait comme
neige au soleil et, plutôt que d'un Etat tout le processus politique et
juridique accrocherait d'un avorton du chaos.
Pour nous, il s'agit là d'une question fondamentale,
sinon la primordiale, conflit persistant entre le Président de la
République et son Premier Ministre de la nouvelle République,
conduirait sûrement à la paralysie des institutions dont les
effets risqueraient de retarder pour peut-être encore plusieurs
décennies la renaissance véritable de l'Etat congolais, comme ce
fut en 1960.
D'aucuns seraient tentés de croire qu'en cas d'une
telle crise le Premier Ministre peut se fonder sur son origine étant
issu du parti majoritaire ou de l'investiture du gouvernement par le Parlement
mais dans le même ordre d'idées, il faut remarquer que l'origine
du chef de l'Etat issu du suffrage universel direct est un argument suffisant
à opposer à la prétention précitée. Les
élections confèrent au Président de la République
une légitimité plus renforcée qu'avant et, un prestige
plus éclatant que les membres d'autres institutions pris isolement.
Notre préoccupation est d'autant plus grande que la nouvelle
constitution confère à la Cour constitutionnelle de
connaître des conflits des compétences entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu'entre l'Etat et les
provinces, conformément à l'article 161 alinéa 3. Dans le
même sens, une crise persistante entre le gouvernement et le parlement,
peut se résoudre par l'arbitrage du Président de la
République, disons par son intervention susceptible de conduire à
une dissolution du Parlement conformément à l'article 148.
Cependant nous constatons que la crise éventuelle entre le
Président de la République et le gouvernement, manque d'arbitre.
Pendant la transition, les différentes crises entre les institutions
congolaises ou entre les organes du pouvoir ont jouit de l'assistance assidue
du comité international d'accompagnement (C.I.A.T). Ce comité a
jouit lui-même d'une assistance remarquable de la communauté
internationale. Nous pensons qu'en grande partie, l'aboutissement de la
transition est due à cette garantie internationale497(*).
En effet, ce comité international, composé des
ambassadeurs du Conseil de sécurité accrédité
à Kinshasa, visait la bonne mise en oeuvre de l'Accord global et
inclusif, autrement dit de la constitution, il devait apporter son soutien
« actif » à la sécurisation des institutions
de la transition issues du Dialogue inter congolais (DIC) et à
l'application effective des dispositions du chapitre 8.22 de l'Annexe A de
l'Accord de Lusaka en ce qui concerne, la neutralisation et le rapatriement des
groupes armés opérant sur le territoire de la R.D.C. Le
comité international avait mandat d'arbitrer et de trancher tout
désaccord pouvant souvenir entre les parties à l'Accord global et
inclusif. Il est important de constater qu'en réalité, le
comité d'accompagnement ou les Nations Unies à travers cet organe
ont été l'instance de prévention et d'arbitrage efficace
jusqu'à l'élaboration de la nouvelle constitution des crises et
conflits entre les institutions politiques et organes constitutionnels du
pouvoir au Congo. La constitution de la transition étant la
transposition juridique de l'Accord politique de Sun-City, nous disons que le
C.I.A.T. a été le garant de l'application de la constitution
concernée. Son engagement à assurer le fonctionnement des
institutions concernait ipso facto, le pouvoir et l'Etat issus de
négociations inter congolais. Or la constitution de la République
Démocratique du Congo ne jouit pas d'une telle garantie. C'est pourquoi
aussi remarquable que soit sa version théorique par l'équilibre
de ses institutions, la limitation des gouvernants et, la participation du
peuple à l'exercice du pouvoir, nous pensons que cela est insuffisant au
Congo, à cause de l'absence d'une culture politique respectueusement des
textes de loi soient-ils « fondamentaux ».
CONCLUSION GENERALE.
Au terme de nos analyses sur l'institutionnalisation du
pouvoir et la fondation de l'Etat en République Démocratique du
Congo, un choix difficile s'offre à notre esprit entre la
synthèse de l'oeuvre élaborée aussi utile que des
repères sur une voie tortueuse et les perspectives s'imposant comme une
boussole, guide nécessaire sur une mer agitée. Le balancement
entre les deux pôles étant susceptible d'engendrer des graves
lacunes, il nous semble important d'opter pour une approche globalisante.
Dans une première partie, le cadre conceptuel a permis
de clarifier les notions au centre de nos recherches, à savoir l'Etat et
le pouvoir dans leur simplicité autant que dans leur complexité.
Il a été possible de démontrer le lien indissoluble entre
l'existence de l'Etat et l'institutionnalisation du pouvoir, de
démontrer que sans elle, la survie de l'Etat est quasi impossible car
étant périodiquement compromise par les conflits du pouvoir dont
effet le plus néfaste est la disparition même des attributs du
pouvoir d'Etat ou de l'une des conditions de son existence.
Il était impérieux, en toute logique de
s'apaisentir sur le concept d'institutionnalisation lequel suppose la bonne
compréhension du terme institution que nous avons défini. Notre
préoccupation majeure ayant été de pénétrer
les profondeurs de la situation congolaise en vue de contribuer à la
renaissance et à la stabilisation de l'Etat, il fallait en guise de
diagnostic préalable à toute thérapeutique,
disséquer le parcours historique du Congo pour confronter chaque fois
l' « Etat » et le
« pouvoir » tels que dessinés par les
lignes constitutionnelles et animés par les acteurs politiques mais en
rapport avec les données impartiales de l'approche théorique. Cet
exercice laborieux de soumettre le phénomène congolais à
l'éclairage du principe universel ou scientifique a constitué la
seconde partie de notre travail. L'interrogation sur l'institutionnalisation du
pouvoir et l'avènement de l'Etat en République
Démocratique du Congo s'est déroulée successivement
à travers la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo, la constitution du 1er août 1964 dite de Luluabourg, la
constitution du 27 juin 1967, l'Acte constitutionnel de la transition du 09
avril 1994, le Décret-loi constitutionnel n° 003 du 28 mai 1997
relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
République Démocratique du Congo, la constitution de transition
du 03 juin 2003 et enfin, la constitution de la République
Démocratique du Congo du 18 février 2005. Nous avons
constaté que les constitutions congolaises, exceptée la
constitution de la transition du 03 juin 2003 n'ont point réussi
à s'imposer sur les pratiques du pouvoir individualisé, aucune
constitution n'a pu assumer sa fonction fondamentale de dissocier le
siège du pouvoir d'avec ses détenteurs. Le constitutionnalisme
congolais est demeuré de façade et, n'a pu marquer la conscience
collective des congolais ni parmi les cadres encore moins parmi les masses.
Cela est d'autant vrai que la jurisprudence constitutionnelle congolaise au
cours de cette période est lamentablement pauvre.
L'encadrement juridique par la voie constitutionnelle semblait
étrangère à la mentalité congolaise; dans les
années soixante, le Président Mobutu était l'homme tout,
au dessus de la constitution, des lois et de l'Etat il a joui dans la
conscience collective congolaise d'un prestige supérieur à la loi
fondamentale et à la constitution de Luluabourg au point que les
institutions politiques autant que l'armée évoluaient au
gré de sa volonté pendant que le peuple dans sa plus grande
majorité le redoutait ou l'idolâtrait. Le régime d'avant
1965, dit de la première République fut caractérisé
par une crise politique chronique attribuée du moins sur le plan
juridique aux ambiguïtés de la loi fondamentale dont l'article 22
autorisait la révocation du Premier Ministre, sans déterminer ce
qu'il adviendrait en cas de l'opposition du Parlement. Le manque de
maturité politique est aussi évoqué pour justifier cette
crise. Nous avons été particulièrement
intéressés par ses incidences sur le pouvoir et sur l'Etat. Ni
l'un ni l'autre n'ont connu un sort heureux. Dans une agitation politique
permanente, le pays s'est retrouvé avec un pouvoir fragmenté, un
territoire morcelé et une population écartelée.
L'institutionnalisation du pouvoir n'a pas été possible. L'on
pouvait constater que l'indépendance ou la décolonisation avait
accouché d'un Etat « avorton » du fait que toutes
les trois conditions d'existence de l'Etat à savoir, la puissance
publique, le territoire et la population étaient défaillantes. De
même que la souveraineté sous ses deux aspects ainsi que la
personnalité juridique du pays était compromises.
La période des années soixante dix, quatre-vingt
et quatre-vingt-dix connut une stabilité politique fondée
malheureusement non sur la qualité du pouvoir et le mérite de la
constitution mais sur le charisme et l'autoritarisme du Président Mobutu
qui rendit l'idée de la constitution aussi banale qu'une simple lettre
que son auteur traiterait au gré de ses caprices. Ce régime
controversé en ce qui concerne son classement numérique parmi les
régimes congolais est distingué par une concentration à
outrance des pouvoirs entre les mains d'un homme qui devint à un moment
l'Exécutif et le Législatif réunis. La confusion des
pouvoirs rendit facile leur personnification.
La constitution du 27 juin 1967 plutôt que de servir
d'instrument d'institutionnalisation du pouvoir produisit l'effet contraire par
le génie politique du Président Mobutu. La plupart des
révisions subies par ladite constitution consistèrent à
renforcer toujours de manière croissante son pouvoir et le parti unique
le M.P.R. Sous ce régime peut-on parler de l'Etat ? Notre
réponse est négative. Elle se fonde telle que nous l'avons
montré sur l'absence d'un pouvoir institutionnalisé sans lequel
il n'y a pas d'Etat. ce pouvoir doit régner sur des peuples libres et
souverains. L'« Etat » mobutien ressemblait
parfaitement à l' « Etat »
léopoldien. Chacun exerçait un droit de
propriété avec tous ses attributs sur les sujets et les biens du
Congo. Nous avons montré l'incompatibilité profonde d'un tel
pouvoir avec l'idée d'Etat au sens scientifique du terme sous tous les
angles. Et pourtant, les trois conditions d'existence de l'Etat étaient
bien remplies du moins en apparence. Mais les publicistes avisés parmi
lesquels nous avons cité G. Burdeau, Bibombe Muamba, E. Mpongo, M.
Prélot reconnaissent que ces conditions dites également
éléments constitutifs ne suffisent pas ni dans leur
réunion ni pris isolement et insistent sur la mutation qualitative du
pouvoir politique, du caractère patrimonial à la forme
institutionnelle ainsi qu'à l'adhésion du peuple à la
réalisation de l'intérêt général. S'il faut
dans tous les cas parler de l'Etat sous le règne du Président
Mobutu, nous disons qu'il s'est agit d'une fiction d'Etat autocratique à
l'instar du fameux Etat indépendant du Congo ou parlerons-nous d'un
« Etat zombi ». Une tentative de réanimer l'avorton
de l'Etat post-colonial comme un éventail par la manipulation sans se
soucier de soigner le mal dont il s'est éteint : le non respect des
règles constitutionnelles relatives à la conquête et
à la transmission du pouvoir. Montrant l'absence de l'Etat entant
qu'institution sous Mobutu, nous avons dit qu'aussitôt qu'il a
déclaré se retirer de la gestion politique et de son parti, tout
s'est effondré comme les membres mous d'un mannequin de chiffons dont
les fils de soutènement se sont brisés,
l'« Etat », le parti, l'Armée, etc. qui
n'étaient que son ombre et non des institutions au sens organique
disparurent avec lui.
Nous en avons conclu que l'institution étant
caractérisée par la dissociation avec ses fondateurs et ses
membres, a la capacité de leur survivre. Or l'histoire politique et
constitutionnel de notre pays est jalonnée d'organes dits
« institutions » politiques ou
partis politiques qui ne durent que la vie de leurs fondateurs personnes
physiques. Dans le même ordre d'idées, on découvre une
logique dans la précarité des
« institutions » congolaises. Elles sont apparemment
basées sur l'acte créateur : la constitution. Mais la
constitution étant souvent la transposition ou le camouflage juridique
de l'assouvissement d'intérêts personnels du
« prince » : du chef de l'Etat ou du Premier Ministre
selon les régimes, elle ne tire sa force que de la vertu charismatique
de celui-ci. A sa disparition, même la constitution supposée
être le fondement de son pouvoir disparaît aussi. Il s'en suit
enfin la disparition des institutions secrétées par la
constitution souvent par un coup d'Etat. Ce fut le mode en Afrique noire
post-coloniale pendant la première décennie des
indépendances. La même situation a prévalu au Congo. Il y a
lieu de douter de la valeur de ces « institutions » qui ne
survivent guère à leur fondateurs, et du caractère
politique d'un pouvoir appelé à disparaître chaque fois
avec ses détenteurs. Dans la théorie juridique du Doyen Hauriou,
comme l'observe Jean Jacques Yoka Mampunga l'institution politique est un
concept fondamental défini comme une organisation sociale,
créée par un pouvoir, dont l'autorité et la durée
sont fondées sur l'acceptation de la majorité des membres du
groupe, et qui repose sur un équilibre de forces ou une
séparation de pouvoirs. En assurant une expression ordonnée des
intérêts adverses en présence, elle assure un état
de paix sociale qui est la contre partie de la contrainte qu'elle fait peser
sur ses membres498(*).
La révision constitutionnelle de 1990 par la loi
n° 90-002 du 5 juillet 1990 portant révision de certaines
dispositions de la constitution, a marqué le commencement de la fin du
régime autoritaire du Président Mobutu en introduisant le
multipartisme ainsi que les principes classiques de la démocratie
libérale dans l'ordonnancement constitutionnel. Cela aurait pu aboutir
à l'institutionnalisation du pouvoir et à la réfondation
de l'Etat congolais. Mais encore une fois la personnalité du
Président Mobutu s'est révélée plus forte que le
droit. Entre 1994 et 1997, la société congolaise alors
« zaïroise » est demeurée sous la domination
d'un pouvoir à double visage : d'une part fondé sur l'Acte
constitutionnel de la transition du 04 avril 1994, instituant un régime
parlementaire issu du compromis politique global du 31 juillet 1992 et de la
Conférence Nationale Souveraine et, d'autre part, fondé sur les
« pratiques » politiques de Mobutu, exerçant quand
il veut un pouvoir sans base juridique mais ayant souvent plus de force que la
loi, fut-elle constitutionnelle. La conséquence d'une telle situation
fut l'échec de l'institutionnalisation du pouvoir. La conjugaison des
forces internes et externes firent basculer le « baobab »
lequel secoué jusqu'aux racines, s'effondra pour de bon. Le
gouvernement, le parlement, l'Armée et le MPR toute la création
du Maréchal Président disparurent avec sa fuite
précitée au Maroc le 16 mai 1997. Nous avons
démontré que s'il y avait un Etat au sens juridique ou
sociologique du terme, il aurait survécu en tant qu'institution des
institutions. Mais non. Il disparu jusqu'au nom qui le symbolise
« Zaïre » ainsi que ses emblèmes :
« drapeau vert-clair orné au centre d'un cercle jaune dans
lequel figure une main droite tenant un flambeau à la flamme
rouge ». Comment a-t-il été possible qu'avec Mobutu
l'hymne national, la devise et les armoiries de l'« Etat »
aient disparu. Ainsi la « zaïroise » comme hymne
national a été remplacé par le « débout
congolais », « paix - justice - travail » comme
devise, par « Démocratie - justice - unité »,
les armoiries marquées par la tête du Léopard se
substituèrent à la tête du Lion. L'explication majeure
à cet anéantissement en un jour d'une oeuvre de plusieurs
décennies est liée l'absence de cette acceptation de la
majorité de membres du groupe reposant sur l'équilibre des forces
dont Hauriou a parlé et dont nous venons de parler lorsqu'il s'agit
d'une institution. Nous avons retenu que l'acte constitutionnel de la
transition n'a pas réussi à métamorphoser le pouvoir
politique pour générer une nouvelle culture politique et de ce
fait a échoué à recréer l'Etat au Congo jusqu'au 28
mai 1997.
L'étude du pouvoir sous le Décret-loi
constitutionnel n° 003 du 28 mai 1997 nous a fait voir la similitude entre
les pratiques du MPR et les pratiques de l'AFDL caractérisée par
le désir de concentration de pouvoirs au profit d'un seul homme
incarnant l'exécutif, à savoir le Président de la
République qui, par moment, cumule également les
compétences législatives ou crée un Parlement sur mesure
caisse de résonance de ses ordres. Il s'en suivit une situation de crise
de légitimité aussi aiguë que celle des années
soixante et qui mit en pièces l'« Etat - zombi » ou
avorton dont les membres inanimés se trouvèrent
éparpillés : un pouvoir sur trois zones de contrôle,
Kinshasa-Goma-Gbadolite ; un territoire morcelé est
complètement désuni, une population esclavagisée ou
libérée selon le camp où on se trouve, une
souveraineté méconnue et une personnalité juridique
perdue. Une collectivité sociale correspondant à ce tableau ne
peut rien être que l'Inti-thèse de l'Etat. A moins qu'il ne
s'agisse d'un Etat caricatural. Tel fut le sort de la République
Démocratique du Congo après le déclenchement de la guerre
du 02 août 1998 où les armées de neuf pays de la
région furent directement impliquées sur le sol congolais
« chosifiant » à moindre prix les fils et les filles
du Congo. Qui doit en porter la responsabilité ? Sans douter de la
pertinence de cette question nous disons qu'elle n'est pas l'objet principal de
notre réflexion. La meilleure, qui nous intéresse est
« comment en arrive - t - on là et comment arrêter
cela » ?
Le pouvoir non institutionnalisé est la cause de ces
maux. Il est aussi dévastateur qu'une flamme entre les mains d'un enfant
inconscient à l'intérieur d'une maison, et la paix que procure
les régimes dictatoriaux par la terreur ressemble au calme
précaire qui précède la tempête. Tout
détenteur du pouvoir politique suprême, investi par la
constitution, légitime ou non qui s'obstine à sortir
systématiquement du cadre constitutionnel espérant régner
ou gouverner par le charisme, la terreur ou la démagogie est en ces
temps comme quiconque poserait une flamme sur un fil relié à une
dynamique. Quelle que soit la longueur du fil le danger est bien
évident. La sentence est en sursis. En combattant le régime du
pouvoir personnalisé l'AFDL a produit une réplique du même
pouvoir jusqu'au 16 janvier 2001 date du décès du
Président Kabila, sans reconstruire l'Etat ni susciter une mutation du
pouvoir.
Les forces belligérantes coalisées contre le
pouvoir de l'A.F.D.L. n'ont pas réussi à le vaincre par les armes
et pendant les cinq années de guerres nous pourrions dire que faute de
restaurer un Etat viable fondé sur un pouvoir statutaire, la plupart des
chef de guerres se sont révélés sous la duplication des
dictateurs qu'ils ont combattu et les espaces contrôlés ainsi que
leurs sujets n'ont pas joui des fonctions louables des Etats ou des
Administrations étatiques. Il a fallu attendre la constitution de la
transition. Entre le 30 juin 2003 et le 18 février 2006, le pouvoir
politique régi par la constitution de la transition est un régime
sui generis sous la formule restée célèbre de 1 + 4.
c'est-à-dire un Président de la République assisté
par quatre Vice-Présidents au sein d'un gouvernement formé des
ministres et vice-ministres avec lesquels le Président de la
République et ses Vice-Présidents composent le gouvernement et
l'exécutif. Lequel se trouve en face d'un Parlement bicaméral.
Les deux institutions composées de membres
désignés conformément à l'Accord global et inclusif
sur base d'un partage négocié des postes, sont dans un parfait
équilibre des forces. Bien qu'à la tête de
l'Exécutif et présidant le Conseil de Ministres, le
Président de la République ne dispose d'aucun pouvoir de sanction
ou de révocation d'un membre du gouvernement comme en régime
présidentiel. Il est lié dans son pouvoir de nomination et de
révocation, par la volonté des composantes et entités. Il
ne peut dissoudre le Parlement lequel ne peut renverser le gouvernement ni par
motion de censure ni par question de défiance comme en régime
parlementaire. C'est un régime hors de classification classique selon
nous. Mais notre attention a porté sur la forme du pouvoir et le sort de
l'Etat. Nous avons constaté que la constitution de la transition est la
seule à avoir secrété des institutions ayant
fonctionné jusqu'à son terme dans un équilibre des forces
sans que le Président de la République ait réussi à
y faire obstacle complètement. Les institutions politiques de la
transition ont fonctionné effectivement jusqu'à la promulgation
de la constitution de 18 février 2006.
Du point de vue théorique, l'agencement des pouvoirs
sous l'empire de la constitution de la transition ne laissait place à
aucune possibilité de personnification ou individualisation du pouvoir.
Plusieurs garde-fou à la dérive autoritaire sont
posés : la réaffirmation du pluralisme politique et
syndical, le principe du consensus, le traitement préalable des
matières relatives à la conduite de l'Etat au sein des
réunions restreintes entre le Président de la République
et les Vice-Présidents de la République, conformément
à l'article 82, la limitation du pouvoir du Président de la
République par l'exigence de discuter préalablement des projets
de ses décrets au Conseil de Ministres après un traitement
antérieur au niveau de l'une de quatre commissions gouvernementales dont
est en charge mutatis mutandis chaque Vice-Président de la
République.
Du point de vue pratique, les soubresauts n'ont pas
manqué quant à l'application de la constitution de la transition.
Mais plusieurs facteurs déterminants ont joué pour calmer la
tempête : la disponibilité du leadership de l'Exécutif
à la concertation, quelle que soit la gravité de la divergence,
le comportement politique du Président de la République en clin
plutôt au recours au juge constitutionnel, c'est-à-dire au droit
plutôt qu'à l'abus de la force ou du pouvoir499(*), l'encadrement permanent de
la Communauté internationale institutionnalisé par l'Accord
global et inclusif à travers le Comité international de suivi
composé des Ambassadeurs des membres permanents du Conseil de
sécurité de l'ONU, l'assistance assidue aux moyens
considérables de la Mission des Nations Unies en République
Démocratique du Congo (MONUC), l'attention particulière de
l'Union Africaine et surtout de l'Union Européenne. Sous l'empire de la
constitution de la transition on peut constater la réalité du
nouveau constitutionnalisme africain par l'irruption du constitutionnalisme
dans le débat politique et l'affirmation de la suprématie
constitutionnelle comme l'observe Albert Bourgi500(*). Que fallait-il penser du
pouvoir et de l'Etat sous la constitution de la transition ? Le pouvoir a
connu un début d'institutionnalisation. Ses détenteurs n'en
étaient pas des propriétaires.
La constitution a rempli avec succès son rôle de
statut de gouvernants. Le pouvoir s'est exercé sous la forme non
personnalisée et les conditions d'existence de l'Etat
reconstituées dans leur débris ont refait surface : le
gouvernement, le territoire et la population. En plus, les critères de
définition de l'Etat ont retrouvé la clarté par la
réaffirmation de la souveraineté nationale et internationale
ainsi que de l'intégrité territoriale du Congo par le Conseil de
sécurité, par l'exigence de retrait des troupes
étrangères et par la condamnation de leur retour par la
même instance. A cela s'ajoute l'expression de la volonté
nationale congolaise unique sur le plan international comme manifestation d'une
personne morale de Droit public unique agissant pour tous. C'est la
réaffirmation de la personnalité juridique.
L'analyse du pouvoir sous la constitution de la
République Démocratique du Congo du 18 février 2006 nous
projette dans le second aspect de notre conclusion : les perspectives.
Entre la promulgation de la dite constitution et la fin effective de la
transition plane un flottement.
Par rapport au présent et à l'avenir, quelques
interrogations d'un intérêt évident sont permises ayant
trait:
- au fondement juridique des compétences des
gouvernants actuels issus de la constitution abrogée ;
- à la fin de la transition et à la promulgation
de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18
février 2006.
- à la date qui marque la fin de la période de
transition . Est-ce la date du 30 juin 2006 accomplissant les 24 mois,
période limite dévolue à la transition conformément
à l'article 196 alinéa 1er in fine ou celle de
l'investiture du Président de la République élu
conformément à la même disposition ?
Sur le plan pratique, nous disons que ces
préoccupations sont fondamentales car un moindre dérapage
politique prend au Congo des proportions incendiaires dont les effets
dévastateurs durent très longtemps. La réponse à la
première préoccupation se trouve dans les deux textes
constitutionnels . Dans la constitution de la transition du 04 avril 2003,
l'article 1er alinéa 2 dispose que l'Accord global et
inclusif et la constitution constituent la seule source du pouvoir. Ainsi la
base juridique des compétences des institutions de la transition est
posée dans ces deux actes politique et juridique. Il s'est fait que
cette constitution soit abrogée avant la fin de la période de la
transition et qu'elle soit remplacée par la constitution de la
République Démocratique du Congo du 18 février 2006.
En effet, l'article 205 de la constitution de la transition
dit que « la constitution de la transition cesse de produire ses
effets à l'entrée en vigueur de la constitution adoptée
à l'issue de la transition ». En promulguant la nouvelle
constitution en cours de la transition, on peut penser que cette disposition
n'a pas été suivie. Il s'est posé un problème qui
justifierait cela ; Il n'était pas possible d'organiser les
élections sans la loi électorale laquelle elle-même est
liée à la constitution. D'où l'impérieuse
nécessité de la promulgation anticipée. La nouvelle
constitution offre également une base juridique aux prérogatives
des institutions d'avant les élections à l'article 222
alinéa 1 qui prévoit : « les institutions
politiques de transition restent en fonction jusqu'à l'installation
effective des institutions correspondantes prévues par la constitution
et exercent leurs attributions conformément à la constitution de
la transition ». La combinaison des articles 222 ci-dessus et
l'article 228 de la nouvelle constitution rend claire la volonté du
constituant de respecter le consensus de Sun City, c'est-à-dire
la constitution de la transition en ce qui concerne les prérogatives des
institutions créées à la suite de l'Accord politique. La
parfaite compréhension serait que la constitution de la
République Démocratique du Congo abroge l'ancienne constitution
sauf dans ses dispositions relatives aux institutions de la transition avant
leur remplacement par celles issues des élections. C'est dans ce sens
selon nous que l'article 228 de constitution du 18 février 2006 doit
être compris. En effet, il est dit : « sans
préjudice des dispositions de l'article 222 alinéa 1, la
constitution de la transition du 04 avril 2003 est abrogée ».
Dans le même ordre d'idées, il sied de
répondre à la deuxième préoccupation sur la fin de
la transition en relevant d'abord les thèses et les anti-thèses.
Pour les uns la constitution de la nouvelle République aurait mis fin
à la transition dont le support constitutionnel est abrogé :
la constitution de la transition. Ils enchaînent de même que
l'Accord global ne serait plus la source du pouvoir dès lors que le
peuple souverain a approuvé le référendum relatif à
la nouvelle constitution. Dans le même sens certains pensent que le
Président de la République reconnu comme seule institution
politique pourrait demeurer en fonction en application des articles 64 de la
constitution de la transition et de l'article 222 de la nouvelle constitution.
En effet, l'article 64 de la constitution cite le Président
République parmi les institutions politiques sans reprendre les
Vice-Présidents de la République qui ne seraient pas
constitutionnellement des institutions politiques au sens de l'article 222
précité.
L'anti-thèse de ces courants est la tendance qui
soutient que la période de la transition se poursuit jusqu'au
remplacement des institutions de la transition par celles issues des
élections conformément à l'article 196 de la constitution
de la transition selon lequel la durée de la transition est de vingt
quatre mois et qu'elle court à compter de la formation du gouvernement
de transition et prend fin avec l'investiture du Président de la
République élu à l'issue des élections marquant la
fin de la période transitoire en République Démocratique
du Congo. La même disposition prévoit une durée de six mois
renouvelable une seule fois. Il faut noter qu'à ce jour ce délais
a été prorogé une fois et que juridiquement il n'y a plus
une autre voie juridique de tenter une extension de la période
transitoire sauf à croire que la disposition précitée est
abrogée.
En une synthèse, il importe de rapprocher les
tendances en tenant compte des interprétations théologique,
génétique et systématique, pour découvrir la ratio
legis des dispositions concernées, pour les associer avec d'autres et
les replacer dans le contexte général de la période de
transition. Il résulte de cet exercice que la constitution de la
transition est une tentative ultime du Congo par ses
délégués au Dialogue inter congolais de résoudre le
problème de légitimité cause des guerres civiles à
répétition. Les institutions politiques de la transition sont
justifiées par la volonté de tous de retrouver la paix. Au
delà des textes constitutionnels, il est convenable d'en sonder
l'esprit.
Pour cela, il est utile de considérer les objectifs de
la transition dont les principaux sont :
- La réunification, la pacification, la reconstruction
du pays, la restauration de l'intégrité territoriale et le
rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du
territoire national ;
- La réconciliation nationale ;
- La formation d'une armée restructurée et
intégrée ;
- L'organisation d'élections libres et transparentes
à tous les niveaux permettant la mise en place d'un régime
constitutionnel démocratique ;
- La mise en place des structures devant aboutir à un
nouvel ordre politique.
Ces objectifs découlant de l'Accord global et inclusif
devraient servir de balisage.
De ce qui vient d'être dit, nous pouvons tenter une
réponse à la question de savoir si la nouvelle constitution met
fin à la transition avant terme. Sur le plan formellement juridique la
réponse est selon nous négative car aucune disposition de la
constitution de la transition du 04 avril 2003 ne lie la fin de la
période de transition à la promulgation de la nouvelle
constitution. En plus, prétendre que la transition étant
arrêtée par le fait de la nouvelle constitution, les institutions
non reprises dans la nouvelle constitution tombent laissant au Président
de la République seul le champ politique nous semble erronée.
En effet, le Président de la République est
compté parmi les institutions politiques de la transition. Le fondement
de sa légitimité ne procède pas de la nouvelle
constitution par les élections qui n'ont pas encore eu lieu mais du
compromis politique de Sun City par l'Accord global et inclusif. C'est
là le fondement politique devenu la base légale par
l'intégration à la constitution, de toutes les institutions
politiques du pays. L'ordre politique entier repose sur cette logique. Par
ailleurs, le nouvel ordre politique n'est pas encore mis en place. Il faut
alors retenir que la promulgation de la nouvelle constitution ne met pas fin
à la période de transition. Mais à quand la fin de cette
période pour répondre à la troisième
préoccupation.
Nous l'avons dit dans les lignes précédentes la
constitution de la transition et la constitution de la République
Démocratique du Congo contiennent des ambiguïtés
dangereuses :
- La durée de 24 mois posée en termes claires
à l'article 196 de la constitution de la transition ainsi que les
conditions, et le délais de prorogation pour 6 mois renouvelable une
seule fois est sans équivoque lorsqu'on se place sur la logique
numérique, en comptant à partir du 30 juin 2003 date de la
formation du gouvernement de transition. Vu sous cet angle, la période
de transition se termine le 30 juin 2006. Après cette date le pouvoir
politique sera sans base légale et sans légitimité en ce
qui concerne toutes les institutions de la transition, y compris le
Président de la République ;
- L'expression selon laquelle la période de transition
prend fin avec l'investiture du nouveau Président de la
République formulée à la même disposition ne peut
logiquement se comprendre comme une volonté du même constituant de
prolonger la période de la transition au delà du temps
numériquement fixé.
Le simple bon sens impose que le constituant de la transition
entendait circonscrire la dite investiture dans la période
indiquée dont les échéances ultimes seraient les
élections. Il n'y aurait aucun problème si le calendrier
électoral demeurait dans ses limites. Mais du fait que toutes les
opérations électorales sont accomplies conformément
à la loi n° 06/006 du 09 mars 2006, et que malgré tout, les
élections ne peuvent se tenir avant le 30 juin 2006 date de la fin
constitutionnellement admise de la période de transition, le
problème juridique et politique qui se pose est réel.
Les efforts d'institutionnalisation du pouvoir amorcé
depuis le 04 avril 2003 sont gravement compromis. Sans les élections
aucun pouvoir institutionnalisé n'est possible car le détenteur
du pouvoir après le 30 juin le fera sans mandat du peuple et sans aucun
support légal valide. Il sera dépourvu de la
légalité et de la légitimité. Or le vide politique
est pire que l'illégitimité. Avant les élections aucune
autorité n'a compétence de proroger encore le délais de la
période de transition. Certains croient voir la solution dans
l'existence de la constitution de la troisième République car
dirait-on il n'y a pas de vide juridique. Un tel raisonnement est formellement
défendable mais il est dépourvu d'intérêt pratique
dans la mesure où le constituant s'est voulu tellement
démocratique que toutes les institutions politiques consacrées
par la constitution de la République Démocratique, sont issues
des élections à tous les niveaux. Le Président de la
République issu des élections tel que nous l'avons montré,
constitue l'Exécutif avec un gouvernement composé d'un Premier
Ministre issu de la majorité ou désigné après
consultations, des vice-premiers ministres, ministres d'Etat, ministres et
vice-ministres, en face d'un Parlement dont les membres de deux chambres sont
également élus. Il est aisé de voir qu'entre le 30 juin
2006 et les prochaines élections il est impossible d'appliquer la
nouvelle constitution en ce qui concerne l'organisation et l'exercice du
pouvoir.
En considération du passé et du présent,
il y a lieu de retenir pour l'avenir que l'apparente institutionnalisation du
pouvoir et la renaissance de l'Etat au Congo sous la constitution du 04 avril
2003 est trompeuse et factice. Elle est plus l'oeuvre des garanties
internationales par lesquelles le CIAT et l'ONU veillent au chevet du Congo
comme sur un bébé prématuré dans une couveuse que
du constitutionnalisme congolais. L'avenir très proche sans ces
garanties n'offre pas de sécurité faute du consensus politique et
de culture politique. Face au dilemme de la fin de la période de
transition les pistes de solutions raisonnables et efficaces peuvent
être soit celles de renégociations politiques pour canaliser le
cadre d'une prolongation aussi courte de la transition sur base d'un acte
juridique avant la date du 30 juin 2006 soit celles de la tolérance
fondée sur la disposition selon laquelle la transition prend fin par
l'investiture du nouveau Président de la République élu
pour supporter les quelques mois de prolongation.
Que faut-il conclure de l'institutionnalisation du pouvoir et
de la ré fondation de l'Etat en République Démocratique du
Congo ? Il s'impose un choix entre deux voies choisies par les pays
africains au Sud du Sahara : une pour l'émergence de l'Etat et sa
consolidation par un constitutionnalisme affirmé et efficace et, une
autre pour le pouvoir personnalisé soutenu par un constitutionnalisme
hypocrite, instrumentalisé, obstacle à alternance
politique selon les règles démocratiques.
Dans la première, on trouve notamment, le Bénin
et le Sénégal dont la vie politique est constamment
encadrée par les constitutions au sens formel et matériel du
terme. Dans ces pays l'institutionnalisation du pouvoir est effective et pour
nous l'Etat y est né au sens juridique du terme et survit grâce
non simplement au fait de la décolonisation mais du fait de la mutation
qualitative du pouvoir politique dont le siège n'a pas été
un Kérékou ou un Senghor mais leurs Etats sous tendus par la
constitution. Ni les institutions politiques ni leurs Armées, n'ont
chancelé avec la sortie de la course des détenteurs du pouvoir
politique suprême. C'est là la preuve éloquente que l'Etat
en tant qu'institution des institutions était le seul cadre des
fonctions politiques dont les présidents de la République
précités n'étaient que de simples agents.
En effet, dans ces pays, les acteurs politiques engagés
dans le processus de démocratisation ont tenté de trouver les
voies d'opérer de véritables changements. La cause du
progrès politique dans ces pays c'est plus la capacité des
Présidents de la République en exercice, avant les
échéances électorales à se soumettre aux
règles constitutionnelles limitant le nombre de leurs mandats et les
excluant pour limite d'âge, que la perfection des textes constitutionnels
eux-mêmes. Au Sénégal l'article 27 de la constitution
adopté par référendum du 7 janvier 2001 relative à
la durée du mandat présidentiel est insusceptible de
révision sans une loi référendaire ou constitutionnelle.
Dans le même ordre d'idées, les Présidents de la
République du Bénin M. Kerekou et Soglho se sont conformés
à l'esprit et à la lettre de la loi n ° 90632 du 11
décembre 1990 portant constitution de la République du
Bénin précisément en ses articles 42 et 43 sans chercher
une manipulation politique en vue d'une révision intempestive qui leur
soit favorable. Ils ont chacun rendu le tablier se pliant avec
élégance à la force du droit, à la
vérité des urnes sans gêner le jeu démocratique tel
qu'organisé par la constitution. C'est là une grande leçon
dont les Chefs d'Etat congolais ont grandement besoin pour l'édification
d'un Etat non fictif.
La seconde voie est celle des pays où le pouvoir
politique souffre encore du caractère patrimonial au point que les
constitutions dans leurs dispositions relatives au mandat politique subissent
systématiquement les humeurs des gouvernants. Cela compromet non
seulement l'institutionnalisation du pouvoir mais aussi celle de l'Etat. La
République Démocratique du Congo est appelé à
sortir de cette voie.
Malgré le caractère démocratique de la
nouvelle constitution, la réfondation de l'Etat au Congo reposera
d'abord et davantage sur la constance du Président de la
République en exercice , à se conformer à la règle
du droit comme il l'a fait jusqu'à présent, ensuite sur la
volonté des animateurs de la transition du 30 juin 2003 d'en faire
autant par leur engagement à renoncer définitivement aux armes
lesquelles depuis 1960 ont fait preuve d'inefficacité à
régler la question du pouvoir légitime au Congo, et enfin sur
tous les acteurs politiques congolais non engagés dans le processus
électoral par leur lucidité à comprendre qu'ils ne peuvent
pas renier l'aboutissement de leurs combat en faisant obstacle aux
résultats des élections du 30 juillet 2006.
A l'instar du Mali, de la République Sud-Africaine, du
Ghana, de la Zambie, du Sénégal, du Mozambique pour ne citer que
ces pays là où le sort de l'Etat n'est plus lié au sort
d'un homme soit-il puissant ou charismatique grâce à
l'institutionnalisation du pouvoir politique par la vertu constitutionnelle, la
République Démocratique du Congo grâce à la
volonté politique de ses princes peut se construire en Etat stable.
Nous terminons en disant que contrairement à l'opinion
générale selon laquelle le peuple congolais n'est pas mûr,
ce peuple n'est pas très différent des autres mais jusqu'à
2003 il n-a pas eu à sa tête un Président de la
République qui croit en la vertu du droit. Nous croyons pour notre part
que les peuples sont le produit ou les reflets de leurs princes. Celui qui
tient les rênes du pouvoir suprême et ceux qui le contestent ont
tous un choix historique à faire : consolider l'embryon
étatique né du processus transitoire fondé sur la
constitution de la transition du 04 avril 2003 et , sur le nouvel ordre
politique institué par la constitution de la République
Démocratique du Congo du 18 février 2006 ou lui donner la mort et
l'enterrer par des querelles politiciennes par lesquelles leurs
prédécesseurs en ont fait autant dans les années
antérieures. L'exercice du pouvoir autant que sa contestation peuvent
dignement se faire dans le cadre tracé par la constitution sans que les
uns s'en accaparent comme un bien privé poussant les autres à
les combattre par des moyens non constitutionnels. C'est à ce prix que
l'institutionnalisation effective du pouvoir est possible pour la renaissance
et la stabilité de l'Etat en République Démocratique du
Congo.
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- Constitution de la transition, in J.O., numéro
spécial du 05 avril 2003 ;
- Constitution de la République Démocratique du
Congo du 18 février 2006 in J.O.R.D.C, n°
spécial du 18 février 2006.
- Accord global et inclusif sur la transition et
République Démocratique du Congo, in J.O., numéro
spécial du 5 avril 2001, p.p. 49-69.
b) Autres textes.
- Loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des
élections présidentielles, législatives, provinciales,
urbaines, municipales et locales, in publication C.E.I., Kinshasa, mars
2006 ;
- Loi n° 04/023 du 12 novembre 2004 portant organisation
générale de la Défense et des Forces armées, in
J.O. n° spécial du 13 novembre 2004 ;
- Décret-loi n° 002 du 26 janvier 2002 portant
institution, organisation et fonctionnement de la police nationale
congolaise.
c) Accords internationaux et résolutions du Conseil
de sécurité sur la R.D.C.
- Accord de Lusaka du 10 juillet 1999, in J.O.
numéro spécial du 05 avril 2001, p.p. 103-128 ;
- Résolution 1341 du 22 février 2001, in
J.O. n° spécial du 05 avril 2001, p.p. 131-136 ;
- Résolution 1323 du 13 octobre 2000, in J.O,
n° spécial du 05 avril 2001, p.p. 137 ;
- Résolution 1316 du 23 août 2000, in
J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 138 ;
- Résolution 1304 du 16 juin 2000, in J.O.,
n° spécial du 05 avril 2001, p. 139 ;
- Résolution 1291 du 24 février 2000, in
J.O., n° spécial du 05 avril 2001, p. 144 ;
- Résolution 1279 du 30 novembre 1999, in J.O.,
n° spécial du 05 avril 2001, p. 150 ;
- Résolution 1273 du 05 novembre 1999, in J.O.,
n° spécial du 05 novembre 1999, p.p. 150-153 ;
- Résolution 1258 du 6 août 1999, in J.O.,
n° spécial du 05 avril 2002, p. 154 ;
- Résolution 1234 du 09 avril 1999, in J.O., du
05 avril 2001, p. 157 ;
- Plan de désengagement de Kampala et sous plan de
désengagement de Harare, in J.O., n° spécial du 05
avril 2001, p. 161-184.
d) Actes de jurisprudence.
- Ordonnance de la Cour internationale de justice/Affaire des
Activités Armées sur le territoire du Congo (République
Démocratique du Congo - Ouganda) du 1er juillet 2000, in
J.O. n° spécial du 05 avril 2000, p. 219 ;
- Arrêt de la Cour internationale de justice/Affaire des
Activités Armées sur le territoire du Congo (RDC - Ouganda) du 19
décembre 2005 in communiqué de presse 2005/26 C.I.J. du 19
décembre 2005.
- Avis consultatif de la Cour Suprême de Justice R.L.
09 du 20 janvier 2004
e) Textes constitutionnels du Bénin et du
Sénégal.
- Constitution de la République du Bénin Loi
n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la
République du Bénin. (http :
//fr.wikisource.org/wiki/constitution - du - B% C3% A 9 nin /07/03/2006.
- Constitution de la République du
Sénégal adoptée au référendum du 08 janvier
2001(Site officiel de la République du Sénégal www
gouv.sn/rec. Htm)
COURS.
- BOSHAB, (E.), Droit constitutionnel.
Le contre seing, élément prééminent de
détermination d'un régime parlementaire, Cours polycopié,
D.E.S., Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa,
2003-2005, « inédit » ;
- MPONGO BOKAKO (E.), Droit constitutionnel. Les
procédures de révision constitutionnelle, Cours de D.E.S.,
Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2003-2005
« inédit » ;
- BIBOMBE MWAMBA, Libertés publiques, Cours de D.E.S.,
Faculté de Droit, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2003-2005
« inédit ».
LES PRINCIPALES
ABREVIATIONS.
- ABACO. : Alliance des Bakongo ;
- A.F.D.L. : Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo ;
- ANC : Armée Nationale Congolaise ;
- Art. : Article ;
- ATCAR : Association de Tchokwe du Congo, de l'Angola et de
Rhodésie ;
- BALUBAKAT : Association de Baluba du Katanga ;
- CNC : Conseil National de Libération ;
- CNS : Conférence Nationale Souveraine ;
- CONAKAT : Confédération des Associations
tribales du Katanga;
- KOAKA : Coalition Kasaïenne ;
- MLC : Mouvement de Libération du Congo ;
- MNC/K : Mouvement National Congolais ;
- MSM : Mouvement Solidaire Muluba ;
- MONUC : Mission d'observation des Nations Unies au Congo;
- MPR : Mouvement Populaire de la Révolution.
- MUM : Mouvement pour l'Unité Musonge ;
- ONU : Organisation des Nations Unies ;
- PUNA : Parti de l'Unité Nationale ;
- PSA : Parti Solidaire Africain ;
- RDC : République Démocratique du
Congo ;
- UDPS : Union pour la Démocratie et le Progrès
Social;
- UNIBAT : Union de Batetela ;
- UNIMO : Union de Mongo ;
- UNERGA : Union de Warega;
- URSS : Union des Républiques Socialistes
Soviétiques ;
TABLE DE MATIERES.
INTRODUCTION. 4
I. ETAT DE LA QUESTION ET CHOIX DU SUJET 4
II. PROBLEMATIQUE. 11
III. HYPOTHESE DE TRAVAIL. 16
IV. DELIMITATION DU SUJET 18
V. INTERET DU SUJET. 19
VI. METHODES ET TECHNIQUES. 20
VII. SUBDIVISION DU TRAVAIL . 21
PREMIERE PARTIE : L'EVOLUTION DU POUVOIR
POLITIQUE ET L'AVENEMENT DE L'ETAT. 22
CHAPITRE I : L'EVOLUTION DU POUVOIR
POLITIQUE. 22
SECTION 1 : NOTION DU POUVOIR POLITIQUE
22
§1. Le pouvoir. 22
§2. La politique. 23
§3. Le pouvoir politique 23
SECTION 2. FORMES DU POUVOIR. 25
§1. Le pouvoir diffus et anonyme. 25
§2. Le pouvoir individualisé. 25
I. La répugnance à concevoir le pouvoir
comme un pur phénomène de force. 25
II. Le défaut d'unité juridique de la
collectivité. 26
II. L'absence de légitimité. 26
IV. Le danger d'arbitraire. 27
§ 3. Le pouvoir institutionnalisé.
28
I. Notion d'institution et pouvoir
institutionnalisé. 28
A. L'institution. 28
B. L'institutionnalisation du pouvoir et de l'Etat.
29
II. Le rôle de l'institutionnalisation dans la
pérennité du pouvoir et de l'Etat. 30
III. Processus d'institutionnalisation et rôle du
pouvoir institutionnalisé dans la formation de l'Etat. 30
31
A. Processus d'institutionnalisation. 31
1°. - La dissociation progressive de l'Etat de la
personne de ses dirigeants (princes, monarques). 31
2°. - L'action des gouvernants est soumise à
des règles. 32
3°. - L'Etat a le monopole de la contrainte
légitime. 32
4°. - Les règles de l'Etat sont consenties
par les gouvernés. 32
B. L'impact du pouvoir
institutionnalisé sur la genèse de l'Etat. 32
1. La recherche de la légitimité.
33
2. La recherche de la continuité du
pouvoir. 34
3. La recherche de la souveraineté.
35
C. L'acte d'institutionnalisation.
35
''
1. Les caractères généraux de
l'acte d'institutionnalisation. 36
''
2. La nature juridique de l'acte
d'institutionnalisation. 36
D. Les fonctions constitutionnelles et
l'institutionnalisation du Pouvoir. 37
2. La constitution, statut des gouvernants.
37
CHAPITRE II. L'AVENEMENT DE L'ETAT
38
SECTION 1 : LA FORMATION JURIDIQUE
DE L'ETAT. 41
§1. La théorie du contrat social.
41
I. Selon Thomas Hobbes. 41
A. Présentation de la théorie.
41
B. Portée et limites de la théorie.
42
II. Selon Jean Jacques Rousseau. 43
A. Exposé de la théorie. 43
B. Critique de la théorie.
44
§2. La théorie du contrat politique de John
Locke. 44
I. Exposé de la théorie. 44
II. Appréciation critique de la théorie.
46
§ 3. La théorie de la fondation et de
l'institution 48
I. Exposé de la théorie. 48
II. Critique de la théorie. 50
SECTION 2. FORMATION EXTRA JURIDIQUE DE L'ETAT.
50
§1. La théorie du fondement sociologique et
du conflit. 52
I. Exposé de la théorie. 52
II. Appréciation critique de la théorie.
53
§2. La théorie de la création de
l'Etat en dehors du droit et le positivisme juridique. 54
I. Exposé de la théorie. 55
II. Appréciation critique . 55
§3. La thèse marxiste. 58
I. Exposé de la thèse. 58
II. Appréciation critique. 60
64
A. L'Etat, produit de la différenciation.
64
B. L'Etat, produit d'un ordre juridique. 64
DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE DE L'ETAT EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO. 68
CHAPITRE I. ETAT SOUS LA PREMIERE REPUBLIQUE.
68
SECTION 1 : POUVOIR ET L'ETAT SOUS LA LOI
FONDAMENTALE DU 19 MAI 1960 RELATIVE AUX STRUCTURES DU CONGO. 68
§ 1. Aménagement constitutionnel du Pouvoir.
69
I. Les institutions politiques. 69
A. Le Chef de l'Etat. 69
1. Mode de désignation. 69
'
2. Attributions constitutionnelles du Chef de
l'Etat. 70
B. Le Gouvernement. 72
1. Composition et mode de désignation.
72
2. Attributions du Premier Ministre et du
gouvernement. 72
3. Mode de désignation du Premier Ministre
et de formation du gouvernement. 73
C. La chambre des Représentants. 73
1. Mode de recrutement. 73
2. Pouvoir et compétences. 74
D. Le Sénat. 74
1. Mode de recrutement. 74
2. Attributions. 74
II. Relations entre les organes du pouvoir et entre
les institutions. 74
A. Le Chef de l'Etat et le Premier Ministre.
75
B. Le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif. 75
§2. Fonctionnement des institutions et crise du
pouvoir. 76
I. . Paralysie des institutions sous la loi
fondamentale. 76
II. Echec d'institutionnalisation du Pouvoir sous la
loi fondamentale. 78
§3. Le sort de l'Etat sous l'empire de la loi
fondamentale. 81
I. La République du Congo « Etat
mort né » ou « Etat né
prématuré ». 81
A. Notions et aspects de la crise au Congo sous la
loi fondamentale. 81
I. Notions et causes de la crise. 81
a. Les causes lointaines : 82
b. Les causes immédiates sont
trouvées dans : 83
2. Les aspects de la crise congolaise en
1960. 84
1) La crise d'autorité. 84
a. Le vacuum du pouvoir. 85
b. La fragmentation de l'autorité.
86
2) La crise constitutionnelle. 86
3. Aspect institutionnel de la crise.
87
B. Incidence de la crise congolaise sur
l'institutionnalisation du pouvoir et sur la formation de l'Etat. 89
''
1. Incidence de la crise congolaise de 1960 sur les
conditions d'existence de l'Etat. 90
2. Observations découlant du morcellement du
territoire. 91
SECTION 2 : POUVOIR ET ETAT SOUS DE LA
CONSTITUTION DU 1ER AOÛT 1964. 93
§1 Aménagement du pouvoir sous la
constitution du 1er août 1964. 94
§1 Les institutions politiques. 94
A. Le Président de la République.
94
1. Mode de désignation. 94
2. Rôle et compétences du
Président de la République. 95
B. Le gouvernement fédéral. 96
1. Composition du gouvernement fédéral
et mode de désignation de ses membres. 96
2. Attributions du gouvernement et du Premier
Ministre. 97
C. Le Parlement 97
1. Mode de recrutement. 98
2. Attributions. 98
§2. Relations entre les institutions et entre les
organes du Pouvoir. 98
I. Le Président de République
fédérale, le Premier Ministre et les membres du gouvernement
fédéral. 99
II. L'Exécutif et le Législatif.
100
§3. Fonctionnement des institutions. 100
I. Paralysie des institutions sous la loi du 1er
août 1964. 101
II. Echec d'institutionnalisation du pouvoir sous la
constitutions du 1er août 1964. 102
§4. Incidence de la constitution du 1er août
1964 sur le pouvoir et l'Etat. 103
I. Projection théorique. 104
II. Le Pouvoir dans le chaos. 104
III. Poursuite du processus d'effondrement de l'Etat
embryonnaire. 107
A. Incidence sur les conditions d'existence de l'Etat.
107
1. Incidence de la crise politique sur la
population au Congo. 108
2. Incidence de la crise politique sur le
territoire. 110
3. Incidence de la crise politique sur la puissance
publique. 112
B. Incidence de la crise du pouvoir sur les fonctions
et le rôle de l'Etat congolais en 1964. 116
'
1. La République Démocratique du Congo
et l'Etat libéral. 117
'
2. La République Démocratique du Congo
de 1964 et l'Etat totalitaire. 117
'-
3. La République Démocratique du Congo
et l'Etat Marxiste - Léniniste. 118
'
4. La République Démocratique du Congo
de 1964 et l'Etat moderne. 118
'
5. La République Démocratique du Congo
et l'Etat de Droit. 119
CHAPITRE II :L' ETAT SOUS LA DEUXIEME
REPUBLIQUE 119
SECTION 1. AMÉNAGEMENT CONSTITUTIONNEL DU
POUVOIR SOUS LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967. 120
§ 1. Les institutions politiques. 120
I. Le Président de la République.
120
II. Le Gouvernement . 121
III. L'Assemblée Nationale. 122
§2. Relation entre les institutions. 122
§3. Fonctionnement des institutions et exercice du
pouvoir. 122
I. La résorption de la crise politique.
123
II. Renforcement de l'Exécutif. 125
SECTION 2. IMPACT DE LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967 SUR
LA FORME DU POUVOIR ET SUR LA FORMATION DE L'ETAT. 127
§1. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur
le pouvoir. 127
§2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur
le sort de l'Etat. 129
I. Mythe de la renaissance de l'Etat congolais.
130
1. Reconquête du territoire. 131
2. Regroupement des populations. 132
II. Sublimation du Parti Unique et effondrement de
l'Etat. 133
1.Sublimation du Parti unique. 133
2.Effondrement de l'Etat. 136
CHAPITRE III : L'ETAT SOUS LA PERIODE DE
TRANSITION. 138
SECTION 1. LE POUVOIR ET L'ETAT SOUS L'ACTE
CONSTITUTIONNEL DE LA TRANSITION DU 09 AVRIL 1994. 139
§1. Aménagement juridique des pouvoirs et
fonctionnement des institutions 139
I. Aménagement des pouvoirs 139
A. Les institutions politiques. 139
B. Les attributions constitutionnelles des institutions.
140
1. Le Président de la République.
140
2. Le Haut - Conseil de la République, Parlement
de transition. 141
3. Le Gouvernement. 141
C. Les relations entre les institutions 143
1. Le Président de la République et le
gouvernement. 143
2. L'exécutif et le législatif.
144
a.Le Président de la République et le
Parlement ; 144
b.Le Gouvernement et le Haut - Conseil de la
République - Parlement de la transition. 144
II. Fonctionnement des institutions. 145
§2. Impact de l'Acte constitutionnel de la
transition du 09 avril 1994 sur le sort de l'Etat. 146
I. L'inefficience du pouvoir politique
« constitutionnalisé ». 147
II. La dislocation et le relâchement du lien
national et la résurgence des sentiments ethniques. 148
III. L'effondrement du rôle de l'Etat ou le retour
du « zombi » à sa tombe. 150
SECTION 2. POUVOIR ET ETAT SOUS LE DÉCRET-LOI
N° 003 DU 28 MAI 1997 RELATIF À L'ORGANISATION ET À
L'EXERCICE DU POUVOIR EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO.
152
§1. Aménagement constitutionnel des
pouvoirs. 153
I.Présentation des institutions politiques.
153
A. Les attributions constitutionnelles du
Président de la République. 153
B. Les attributions constitutionnelles de
l'Assemblée constituante et législative/Parlement de transition.
154
C. Les attributions constitutionnelles du gouvernement
et des Ministres. 155
II. Les relations entre les pouvoirs. 155
A. Les rapports entre le Président de la
République et le Gouvernement. 155
B. Les rapports entre le Président de la
République et le Parlement. 155
C. Les rapports entre le gouvernement et
l'Assemblée constituante/Parlement de transition. 156
§2. Fonctionnement des institutions. 156
I. Renforcement du pouvoir exécutif.
156
A. La crispation politique. 157
B. Le blocage du système institutionnel.
157
§3. Impact du Décret-loi constitutionnel du
27 mai 1997 sur le pouvoir et sur la formation de l'Etat. 158
I. Incidence du Décret-loi constitutionnel
sur le pouvoir. 158
II. Incidences du Décret-loi constitutionnel
sur la formation de l'Etat. 158
A. Pendant la guerre dite d'agression. 159
B. A l'issue de la guerre. 162
SECTION 3. LE POUVOIR ET L'ETAT SOUS LA CONSTITUTION DE
LA TRANSITION DU 04 AVRIL 2003. 163
§1. Aménagement constitutionnel du pouvoir.
163
I. Les institutions politiques et leurs
compétences constitutionnelles. 163
A. Les institutions de la République.
163
B. Les compétences constitutionnelles des
institutions politiques de la transition. 164
1. Attributions du Président de la
République. 164
2. Du Gouvernement et de ses membres. 165
3. Des Vice-Présidents de la République
et des Ministres. 166
4. De l'Assemblée Nationale. 167
5. Du Sénat. 167
II. Des relations entre les institutions.
167
III. Fonctionnement des institutions de la transition.
168
§2. Impact de la constitution de la transition du
04 avril 2003 sur la forme du pouvoir et sur la formation de l'Etat.
170
I. Amorce de l'institutionnalisation du pouvoir.
170
II. Retour au premier principe de séparation
des pouvoirs. 171
III. Processus de réfondation de l'Etat.
172
A. La réunification du pouvoir.
173
B. La réunification du territoire national et
le regroupement des populations. 174
C. La reconquête de la souveraineté et
de l'intégrité territoriale. 174
SECTION 4. POUVOIR ET ETAT SOUS LA CONSTITUTION DE LA
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO DU 18 FÉVRIER 2006.
176
§1. Aménagement constitutionnel des
pouvoirs sous la constitution de la République Démocratique du
Congo. 176
I. Institutions politiques et leurs attributions.
177
A. Le Président de la République sous
la nouvelle constitution. 177
B. Les attributions du gouvernement sous la
nouvelle constitution. 178
C. Le Parlement sous la constitution de la
République Démocratique du Congo du 10 février 2006.
179
II. Relations entre les institutions.
179
A. Le Président de la République et
le Gouvernement. 179
B. L'Exécutif et le législatif.
182
§2. Fonctionnement des institutions et devenir
de l'Etat sous la constitution de la République Démocratique du
Congo sur le pouvoir et l'Etat du 18 février 2006. 183
I. Le pouvoir sous l'empire de la nouvelle
constitution. 183
II. L'Etat sous l'empire de la nouvelle
constitution. 185
CONCLUSION GENERALE. 188
BIBLIOGRAPHIE 201
I. OUVRAGES GENERAUX. 201
II. OUVRAGES SPECIFIQUES. 202
III. ARTICLES. 204
IV. THESES. 205
V. DOCUMENTS ET TEXTES OFFICIELS. 205
VI. COURS. 209
LES PRINCIPALES ABREVIATIONS.
209
TABLE DE MATIERES.
210
* 1 Goossens, C.),
« Préface » DJELO, E.O,in L'impact de la coutume
sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas du Zaïre,
Bruxelles, le Bel Elan Editeur, 1990, p.20
* 2 DJELO,
E.O,op.cit, p. 20.
* 3 Hobbes,
(T.), Léviathan, 1ère partie, De
l'homme, trad. Antony, (A.), Paris, Giard, 1921, p,p. 198-199 cité
par...
* 4 Hermet, G. et al.
« dictionnaire de la science politique et des institutions
politiques », 5è éd. Paris, Armand
colin, 1994, p. 107.
* 5 SINDJOUN (L.),
l'Etat ailleurs, Entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2004,
p.1.
* 6 Ali Kazancigal (sous la
direction de ), l'Etat au pluriel, Paris, Economica/UNESCO, 1985.
* 7 Tessy Bakary,
« côte d'ivoire, l'étatisation de l'Etat :
l'Etat d'Afrique noire », sous la direction de Jean
François, (M.), Paris Karthala, 1991, p. 53, cité par SINDJOUN,
(L.) op. cit.
* 8 Idem.
* 9 Le terme
« statolité » désigne la qualité
d'Etat, et a été utilisé par le Professeur Augustin
Kontchou Koumegni, « De statolité en Afrique : à
la recherche de la souveraineté », Revue science et
technique, volume VI, n° 3-4, juillet décembre 1989, p.
19-33.
* 10 Bibombe Mwamba, (B.),
Formes de l'Etat, Régimes Politiques et systèmes
électoraux. Dossiers de Droit constitutionnel et institutions
politiques, Publications de la Faculté de Droit de l'Université
libre des Pays des Grands Lacs « U.L.P.G.I. », Goma 2002,
p.11.
* 11 Dictionnaire
québécois d'aujourd'hui, 1996-1997, p. 1024, cité par
BIBOMBE MWAMBA B, idem.
* 12 Mupapa Say, (M-A),
Le Congo et l'Afrique à l'orée du troisième
millénaire. Photogénie d'un sous-développement,
Kinshasa, PUC, 2004, p. 16.
* 13 Mupapa Say, (M.A),
op.cit, p. 16.
* 14 Idem.
* 15 Niemba Souga, (J.),
Etat de Droit, Démocratique, fédéral au Congo-Kinshasa
source de stabilité réelle en Afrique centrale, Paris,
l'Harmattan, 2000, p.10
* 16 Idem.
* 17 Ibidem
* 18 Niemba Souga, (J),
op.cit, p. 10.
* 19 Goffaux, (J.),
Problèmes de développement, Kinshasa CRP, 1986, p. 180,
cité par Djelo, (E-O), l'impact de la coutume sur l'exercice du
pouvoir en Afrique noire, Bruxelles, Bel élan, p. 146.
* 20 Paul VI, le
développement des peuples, Tournoi, 1967, n° 6
* 21 Goffaux, (J.),
cité par Djelo, (E-O), op.cit, p. 146.
* 22 Djelo, (E-O.), op.
cit. p. 146
* 23 Lumanu Mulenda, B-S,
Dépendance et personnification du pouvoir dans la dynamique de
l'édification de l'Etat au Zaïre sous la deuxième
République. Essai d'explication du fondement et des
mécanismes de consolidation du bloc historique actuel, T1, Thèse
de Doctorat en sciences sociales administratives et politiques,
Université de Lubumbashi, 1985, inédit p.13.
* 24 Idem.
* 25 Ibidem.
* 26 Lumachelle Mulenda,
B-S. op.cit. p.51.
* 27 Ilunga Kabongo,
Déroutante Afrique ou la syncope d'un discours d'ouverture de la
12è conférence annuelle de l'Association canadienne
des études africaines, University of Toronto du 11-14 mai
1982 ; In revue canadienne des études africaines vol 8. n° 1.
op.cit. pp. 13-32.
* 28 Le phare n°
2452, quotidien du 22 octobre 2004, p. 2.
* 29 Crawford Young,
« Zaïre is a state » in Revue canadienne des
études africaines, vol 8, n° 1, 1984, op.cit, p.p.
80-82.
* 30 Lire à ce
propos, Luc Sinajou, op.cit. pp,14-28 ;
Lumanu Mulenda. B-S. op.cit. p.p.
* 31 Sindjou (L.),
op.cit. p. 14.
* 32 Idem.
* 33 Tessy (D.B.),
l'Etat en Côte d'Ivoire (entre
« dépendance » et « autonomie
relative »), cité par Sindjou L., op.cit. p.14.
* 34 Zartman, (W.) (sous
direction de ), l'effondrement de l'Etat. Désintégration et
restauration du pouvoir légitime, Nouveaux Horizon, 1997,
cité par Sindjou, idem
* 35 Badie, (B.),
l'Etat importé. L'occidentalisation de l'ordre politique, Paris,
Fayard, 1992. lire aussi du même auteur, les deux Etat Pouvoir et
Société en occident et en terre d'Islam, Paris, Fayard, 1986,
cité par Sindjou, (L.), idem.
* 36 Davidson, B., the
black man's barden : Africa and curse of the nation-state, New-York, Times
Books, Random House, 1992.
* 37 Marcel Merle met en
doute l'existence d'un modèle d'Etat occidental. Il
préfère parler des modèles d'Etat occidentaux car l'Etat
n'est qu'un modèle abstrait dont les formes ont revêtu dans son
propre terrain d'origine, des incarnations très diverses, lire Merle,
(M.), « la crise des nations internationales ». A propos du
livre de Bernard Badie L' «Etat importé » in
Esprit n° 197, décembre 1993, Paris, p.p. 102-167.
* 38 Zartman
W.,cité par DJOLI E.E, le constitutionnalisme africain entre la
gestion des héritages et l'invention du futur, l'exemple congolais,
thèse de Doctorat d'Etat en droit public, Université Paris I.
Panthéon - Sorbonne, 200...., inédit p. 8.
* 39 Zartman W.,cité
par Djoli,( E.E), le constitutionnalisme africain entre la gestion des
héritages et l'invention du futur, l'exemple congolais, thèse
de Doctorat d'Etat en droit public, Université Paris I. Panthéon
- Sorbonne, 2003, inédit p. 8.
* 40 Lire, Burdeau, G.,
Traité de science politique T. II l'Etat, Paris, R. Pichon et R.
Durand Auzias ; 1967, p.p. 77-252.
* 41 Montréal,
Canada, 1998, cité par SHOMBA Kinyamba S., Méthodologie de la
Recherche scientifique parcours et moyens d'y parvenir, Kinshasa, Edition
M.E.S, 1995, p. 51.
* 42 Rezsahazy, (R.),
théorie et critique des faits sociaux, la Renaissance du livre,
Bruxelles, 1971, p.24.
* 43 Gordon Mace, Guide
d'élaboration d'un projet de recherche, Paris, Editions
universitaires,.....p.
* 44 Djoli Eseng'Ekeli, J.,
le constitutionnalisme africain entre la gestion des héritages et
l'invention du futur, l'exemple congolais, thèse de Doctorat d'Etat,
Université Paris I, Panteon - Sorbonne, 2002, inédit, p.p. 4-10.
* 45 Sall Babacar,
« Anétatisme et modes sociaux de recours », p. 247
in GEMDEV (coll.), les Avatars de l'Etat en Afrique, Paris Karthala, 1997,
cité par Djoli, E.E. idem.
* 46 Braud (Ph.), La
science Politique, II, l'Etat, Paris, Seuil, 1997, p. 229.
* 47 Prélot. M.,
Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, P.U.F, 1969, p.
2.
* 48 Aristote cité
par Prélot, (M.), idem, p. 4.
* 49 Bluntshi,
théorie générale de l'Etat, trad. Ricomataten,
Paris, Guillaumin 1977, p. 30.
* 50 BOSHAB, (E.), Comment
conduire une recherche en D.E.S. : Conseils pratiques en marge du Droit
constitutionnel, cous de D.E.S.
* 51 Sur ces méthodes,
lire utilement Cohendet, (A.), Méthodes de travail en Droit
public, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 1998, p.p.
30-31.
* 52 Legrain, (M.), (sous
direction de ), Dictionnaire pratique de la langue française, le Robert,
Gilbert - Clarey, Paris, 1996, p. 1489.
* 53 Weber, (M.),
« Le métier et la vocation d'homme politique », in
Leclercq, (C.) et Chalvidan, (P.H.), op cit, p 26
* 54 Prelot, (M.),
op.cit, p. 12.
* 55 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 99.
* 56 cité par
Burdeau, G. idem
* 57 Cité par
Burdeau, G., ibidem.
* 58 Ihering, Der Zwech im
Recht, T. 1, 1880, p. 311, cité par Burdeau, G., op.cit, p.
100.
* 59 Lire dans ce sens,
Mpongo, (E.), op cit, p. 147.
* 60 Idem
* 61 Cité par Niemba
(S.J.), op.it, p. 19.
* 62 Burdeau, G.,
op.cit, p. 174.
* 63 Lire aussi
Carré de Malberg sur l'unité juridique de la collectivité
étatique. Carré de Malberg, op.cit, p.
* 64 Hauriou,
Précis de droit constitutionnel, 2è
éd., 1929, p. 17. cité par Burdeau, (G.), op.cit, p.
177.
* 65 Idem.
* 66 Ibidem.
* 67 Cité par
Burdeau, (G.), op.cit, p. 178.
* 68 Burdeau, G.,
op.cit, p. 179.
* 69 Casamayor, Le bras
séculier, justice et police, 1960, p. 85., cité par Burdeau
(G.), op.cit, p. 179.
* 70 Burdeau (G.),
op.cit, p. 179.
* 71 Idem
* 72 Voy, Burdeau, (G.),
op.cit, p.
* 73 Prélot, (M.),
op.cit, p. 39.
* 74 Malinowski, Freedom
and civilisation, cite par A. Cuvillier, Manuel de sociologie, Paris,
P.U.F., 1960, p. 217.
* 75 Burdeau, (G.),
op.cit, p.p. 169-
* 76 Prélot, (M.),
op.cit, p. 15.
* 77 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 92.
* 78 Lire en ce sens,
Burdeau, (G.), L'Etat, Paris, Editions du seuil, 1970, p. 15.
* 79 idem
* 80 M. Weber cité
par Burdeau (G.), op.cit, p. 15.
* 81 Prélot, (M.),
op.cit, p. 16.
* 82 Prélot, (M.),
op.cit, p. 16.
* 83 Chagnollaud, (D.),
op.cit, p. 7.
* 84 idem
* 85 Prélot, (M.),
op.cit, p. 16.
* 86 Chagnollaud, D.,
op.cit, p. 6.
* 87 Idem.
* 88 Lire en ce sens, Berr
(G.), cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 160.
* 89 idem
* 90 G. Renard,
Théorie de l'institution, 1930, p. 160, cité par Burdeau,
(G.), op.cit, p. 190.
* 91 Boutruche, (R.),
seigneurie et féodalité, 1959. I, p. 296, cité par
Burdeau, (G.), idem.
* 92 Burdeau, (G.),
op.cit.
* 93 Sanchez, (A.),
cité par Burdeau (G.), op.cit, p. 192.
* 94 Ozamam, et Viollet,
cité par Burdeau, G., op.cit, p. 196.
* 95 David, (M.), La
souveraineté et les limites du pouvoir monarchique, du
IXè au XVè sicles, 1954, p. 224 et du
même auteur, Le serment du sacre, 1951, p.p. 236 et suiv.,
cité par Burdeau, G., op.cit, p. 197.
* 96 Lhommeau, Maximes
générales du droit français, 1665, p. 13, cité par
Burdeau, (G.), op.cit, p. 198.
* 97 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 198.
* 98 Burdeau (G.),
op.cit, p. 210.
* 99 idem.
* 100 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 213.
* 101 Idem, p.
214.
* 102 Sur ce point lire
utilement Jacqué, J.P., op.cit, p.p. 46-47.
* 103 Jacqué
(J.P.), Op.cit, p.p. 46-47.
* 104 Prélot,
(M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dallas,
1969, p. 1.
* 105
« Là où il y a la société, là
est le droit ».
* 106 Machiavel, N ;
cité par Prélot, M. op.cit. p.1 ; sur l'étymologie
et la naissance de l'Etat, lire aussi Mpongo Bokako Bautolinga, E.
institutions politiques et droit constitutionnel, T. 1. Théorie
générale des institutions politiques de l'Etat, Kinshasa,
Editions universitaires africaines, 2001, p.p. 27-28.
* 107 Prélot, M.
op.cit. p.1
* 108 Mpongo Bokako,
(E.), op.cit. p. 28.
* 109 Jèse, (G),
cité par Ntumba-Luaba Lumu, Droit constitutionnel
Général, Kinshasa, Editions universitaires africaines, 2005,
p. 20.
* 110 Ntumba Luaba,
Idem.
* 111 Burdeau, (G).
op.cit. p. 78.
* 112 Cependant Burdeau
reconnaît que seuls, dans les doctrines françaises, Duguit et Jean
Dabin, distinguent entre le milieu sociologique, condition de formation de
l'Etat, et les éléments constitutifs de celui-ci.
* 113 Les professeurs
Mpongo Bokoko et Ntumba Luala, parlent des éléments constitutifs
de l'Etat. Voy. Mpongo, (B.), op.cit, p. 28, Ntumba Luaba, op.cit
, p. 30.
* 114 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 78.
* 115 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 30.
* 116 Burdeau. G,
op.cit, p. 78.
* 117 Lire utilement,
Burdeau, (G.), op.cit, p.p. 48 et s., Chagnaullaud, D., op.cit., p.p. 5
et 6, Mpongo, (E.), op.cit., p. 57.
* 118 Hobbes, (T.),
Léviathan, 1ère partie, De l'homme, trad, R,
Anthony, Paris, Gard, 1921, p.p. 198, 2004, 211, 212, 238 et 239.
* 119 Idem
* 120 Ibidem
* 121 Hobbes, T.,
Léviathan, 2è partie, De l'Etat, éd., O &
ford, Clarendon Press, 1909, pp 131 et 132.
* 122 Bossuet, cité
par Mpongo, E., op.cit, p. 59.
* 123 Rousseau, (J.J.),
Du contrat social, Paris, Unions générales
d'éditions, 1973, p. 61.
* 124 Rousseau, (J.J.),
Du contrat social, Paris, Unions générales
d'éditions, 1973, p. 62.
* 125 Rousseau, J.J.,
cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 23.
* 126 Mpongo, (E.),
op.cit, p. 24.
* 127 Locke, (J.),
Essais sur le pouvoir civil, 1960, trad. Fyot, Paris, PUF, 1953, p.p 63
et s.
* 128 Locke, J.,
op.cit., p.p. 63 et s.
* 129 Idem.
* 130 Locke, J.,
op.cit., p.p. 63 et s.
* 131 Mpongo. E.,
op.cit., p. 62.
* 132 Idem.
* 133 Lihau, M.,
cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 26.
* 134 Mpongo,E.,
op.cit., p. 63.
* 135 Mpongo,E.,
op.cit., p. 63.
* 136 Comme le professeur
Mpongo, voy. Mpongo,
* 137 Burdeau, (G.),
op.cit., p. 73.
* 138 L'idée, du
pactum subjectionis, parfois appelé pacte de souveraineté,
procède de l'interprétation que les théologiens du Moyen
Age donnèrent de la notion ancienne du contrat social.
* 139 Sur le pacte de
sujétion, lire, Hitier, la doctrine de l'absolutisme in
« Annales de l'université de Grenoble », T.XV, 1903,
cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 74.
* 140 cité par
Burdeau, (G.), op.cit., p. 74.
* 141 Althusius,
cité par Burdeau, Idem
* 142 Burdeau, G.,
op.cit., p. 76.
* 143 Idem
* 144 Ibidem.
* 145 Hauriou, (M.),
Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey,
2è éd., 1929, réédité par la
C.N.R.S., cité par Ntumba Luaba, op.cit., p. 27 ; Voy. Aussi
Mpongo (E.), op.cit., p. 63.
* 146 Idem
* 147 Hauriou, M.,
cité par Mpongo, (E.), op.cit., p. 65.
* 148 Idem
* 149 Sur
l'appréciation critique de la théorie de Maurice Hauriou, lire,
Mpongo,E., op.cit., p.p. 66-67, Duverger, (M.), cité par Ntumba
Luaba, op.cit., p. 28.
* 150 Burdeau, G.,
po.cit., p. 8.
* 151 Mpongo, E.,
op.cit., p. 66.
* 152 Burdeau,G.,
op.cit., p. 8.
* 153 Idem.
Burdeau, cité parmi les plus remarquables : Gierke, Die
Grundbergriff des Staatsrechts, Zeitsehr, Fiir die Gesammte Reichtswissenchaft,
T. XXX, p. 170; N.M. Korkounov, Cours de théorie
générale du droit, trad. Larnaude, 1903, p. 356 ;
Orlando, (V.E.), Précis de droit public et constitutionnel, Trad.
Franç., 1902, p.p. 29-33 ; Jellinek, l'Etat moderne et son
droit, Trad. Franç. T. I, 1911, p. 218; Michaud(L.), la
personnalité morale, 2è éd., T. I, p.p.
289 et suiv. ; Esmein, Eléments de droit constitutionnel,
7è éd., 1921, T. I, p. 2, Erich, (R.), la naissance
et la reconnaissance des Etats, Académie de droit international,
recueil des cours, T.13, 1926, III, p. 442 ; Dabin, (J.), philosophie
de l'ordre juridique positif, 1929, p. 187, note1, doctrine
générale de l'Etat, trad. Franç., 1877, p.p. 229 et
suiv. ; Bluntshili, théorie générale de
l'Etat, 1877, p.p. 229 et suiv.
* 154 Ibidem,
* 155 Mpongo, E.,
op.cit., p. 65.
* 156 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 27.
* 157 cité par
Burdeau, (G.), op.cit., p. 10.
* 158 Idem.
* 159 Mpongo, E.,
op.cit., p. 68.
* 160 Idem
* 161 Novicow, Les
luttes entre sociétés humaines, 1893, p. 82, cité par
Burdeau, G., p. 11.
* 162 Oppenheimer, (R.),
l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad.
Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.),
Idem.
* 163 Oppenheimer, (R.),
l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad.
Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.),
Idem.
* 164 Burdeau,
op.cit, p. 14.
* 165 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 10.
* 166 Idem, p.
14.
* 167 Prélot, M.,
op.cit, p. 2.
* 168 Febvre, (L.), De
l'Etat historique à l'Etat vivant, Préface au Tome X de
l'encyclopédie française, L'Etat moderne, Paris
1ère éd., 1935, p. 10083
* 169 Hauriou, (M.),
Principes du droit public, cité par Prélot, (M.),
op.cit., p. 3.
* 170 Mpongo, (E.),
op.cit, p. 68, Ntumba Luaba, op.cit, p. 27.
* 171 Idem
* 172 Carré de
Malberg, Contribution à la théorie générale de
l'Etat, T. I, cité par Burdeau, (G.), op.cit, p 29.
* 173 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 29.
* 174 Idem
* 175 Carré de
Malberg, op.cit, p. 62.
* 176 Kelsen, H.,
Aperçu d'une théorie générale de l'Etat,
Paris, Rev. Du droit public., 1926, p.p. 561 et suiv.
* 177 Mpongo, (E.),
op.cit, p. 69.
* 178 Idem
* 179 Mpongo, (E.),
op.cit, p. 69.
* 180 Koelbreuter, (O.),
Goundriss der allgemeinen Staatsre chtslekre, 1933, p. 6, cité
par Burdeau, (G.), op.cit, p.30.
* 181 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 31.
* 182 Idem.
* 183 Burdeau, (G.),
op.cit, p. 31.
* 184 Lire, Marx - Engels,
Etudes philosophiques, Paris, éditions sociales, 1961, in
Leclereq, (C.) et Chavildan, (H.P.), Travaux dirigés de droit
constitutionnel, 8ème édition, litec, Paris, 1996,
p. 45 ; Burdeau (G.), op.cit., p. 20 ; Mpongo, (E.),
op.cit., p. 69 ; Ntumba Luaba, op.cit ; p.p. 28, 29.
* 185 Marx, K, Critique
de la philosophie du droit de Hegel, éd. Méga, T. I, p.p. 404
et suiv. cité par Burdeau, (G.), op.cit, p. 20, lire utilement
aussi, Hyppolite, (J.), La conception hégélienne de l'Etat et
sa critique par K. Marx, in Cahiers internationaux de sociologie, vol 2,
1947, p.p. 142 et suiv ; Gurvitch, G., la sociologie du jeune Marx,
Ibid., vol 4, 1948, p.p. 3 et suiv.
* 186 Lefèvre, H.,
Le marxisme, 1951, p. 93, cité par Burdeau, G., op.cit.,
p. 20.
* 187 Engels,
« Signification de l'Etat bourgeois. L'origine de la famille, de
la propriété privée et de l'Etat », in
oeuvres complète de Engels, (F.), Paris, Ed. sociales, 1966, p.p.
155 et 156.
* 188 Lénine,
L'Etat et la Révolution, p. 12, cité par Burdeau, (G.),
Ibidem, p. 20.
* 189 Engels,
op.cit., p. 227.
* 190 Stoyanovitch,
Marxisme et droit, 1964, p.p. 74 et suiv., cité par Burdeau, G.,
op.cit., p. 21.
* 191 Lénine,
L'Etat et la Révolution, (1917) oeuvres complètes, T. xxv,
Moscou, Ed. en langues étrangères, 1966, p. 477.
* 192 Lire dans ce sens
Burdeau (G.), op.cit., p. 22.
* 193 Idem
* 194 Engels, F.,
Anti-Diihring, éd. Castes, T. III, p.p. 46 et suiv., cité
par Burdeau, (G.), op.cit., p. 23.
* 195 Engels, F.,
Anti-Diihring, éd. Castes, T. III, p.p. 46 et suiv., cité
par Burdeau, (G.), op.cit., p. 23.
* 196 Aron, R., Le
grand schisme, Paris, 1948, p. 132, cité par Burdeau, G.,
Ibidem.
* 197 Burdeau, (G.),
op.cit., p. 34.
* 198 Guillien, (R.), et
Vincent, (J.), Lexique des termes juridiques, 14è
éd., Paris, Dallez, p 2003, p. 107.
* 199 Idem
* 200 Ibidem
* 201 Hermet, (G.), et al,
op.cit, p. 107.
* 202 De Villiers, (M.),
Dictionnaire de droit constitutionnel, 4è éd,
Paris, Armand Colin, 1998, p. 104.
* 203 Hermet, (G.), Badie,
(B.) et al., dictionnaire de la science politique et des institutions
politiques, 5è éd., Paris, Armand Collin, 1994, p.
107.
* 204 Idem
* 205 Mpongo, E.,
op.cit, p. 25.
* 206 Idem.
* 207 Ibidem.
* 208 Carré de
Malberg, les éléments constitutifs de l'Etat,
op.cit, p. 41.
* 209 Mpongo, E.,
op.cit, p. 25.
* 210 Mpongo, E.,
op.cit, p. 25.
* 211 Duguit, L.,
cité par Mpongo, E., op.cit, p. 71.
* 212 Hauriou, M.,
cité par Mpongo, E., Idem.
* 213 Carré de
Malberg, R., cité par Mpongo, Ibidem.
* 214 Hauriou, (M.),
Principe du droit public, cité par Prelot, (M.), op.cit,
p. 3.
* 215 Carré de
Malberg, Les éléments constitutifs de l'Etat, in
Chalvidan, (H.) et al., Travaux dirigés de droit constitutionnel, Paris,
Litec, 1996, p. 41.
* 216 Consulter
utilement : http : //
www.vie-publique.fr/découverte_instit/approfondissements/approf_003.htm.;
Chevalier (J.), l'Etat de droit (n.898 mars 2004) http : //
www.la documentation
française.fr/catalogue/330333208985/index. ; Nicolaï, (A.),
Etat de droit, démocratie et développement, in http: /
www.globenet.org /horison_local
/delphes/delpnic.html.
* 217 lire à ce
propos, Chevallier (J.), l'Etat de droit, Paris Montchrestien,
1993 ; Kelsen, (H.), Théorie du Droit, Paris Sirey, 1962,
la Pensée politique de H. Kelsen Coen, centre de publication de
l'université de Coen, 1990 ; Troper, M., pour une théorie
juridique de l'Etat, Paris, PUF, 1994, transcrites par Hermet (G.) et al.,
Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques,
5è éd., Paris, Armand Colin, 1994, p. 109.
* 218 Michel de Villiers,
op.cit., p. 104.
* 219 Burdeau, G.,
op.cit.214.
* 220 Article 8 de la loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.
* 221 Article 11.
* 222 Article 12.
* 223 Article 17.
* 224 Article 20.
* 225 Article 21.
* 226 Article 22.
* 227 Article 23.
* 228 Article 24.
* 229 Article 26.
* 230 Article 27.
* 231 Article 28.
* 232 Article 29.
* 233 Article 30.
* 234 Article 31.
* 235 Article 32.
* 236 Article 47.
* 237 Article 15. L.F.
* 238 Article 84. L.F.
* 239 Article 50. et suiv.
L.F.
* 240 Article 51. L.F.
* 241 Article 14 de la loi
fondamentale du 1er mai 1960 relative aux structures du Congo, ni
Iyeleza (M.), op.cit, p.4.
* 242 Articles 45 et 46 de
la loi fondamentale au 19 mai 1960.
* 243 Articles 71,72,73,74
et 75 du même texte.
* 244 Kamitatu (C.), La
grande mystification du Congo-Kinshasa, les crimes de Mobutu, cité
par Lumanu Bwana Sefu, op.cit, p. 211.
* 245 Lumanu, (B-S.),
op.cit, p. 211.
* 246 idem, p.
211.
* 247 Ndaywel,
op.cit, p. 583.
* 248 Lire dans ce sens,
Ndaywel, op.cit, p. 583, Lumanu B-S., op.cit, p. 269.
* 249 William J.C. cite
par Ndaywel, op.cit. p. 582.
* 250 Gerod L.J. et
Verhaegen. B. cité par Ndaywel, op.cit, p. 582.
* 251 Selon Boissonnade
(1990, 89), cité par Ndaywel, l'ambassadeur des USA aurait menacé
Kasa-Vubu, de lui retirer l'appui de son pays s'il se réconcilier avec
Lumumba. Les américains y étaient farouchement opposés,
les belges aussi.
* 252 Lumanu B-S.,
op.cit, p. 269.
* 253 Lumanu (B.S.),
op.cit, p. 269.
* 254 Ordonnance du 14
septembre 1960 in Moniteur congolais n° 10 du 3 octobre 1960.
* 255 Lire Prélot,
M., op.cit, p. 16.
* 256 TSHOMBE fut à
la tête de la République du Katanga le 11 juillet 1960 et
* 257 Albert KALONJI,
proclama l'autonomie du « Sud - Kasaï », le 8
août 1960.
* 258 Décret-loi
constitutionnelle du 9 février 1961 relatif à l'exercice des
pouvoirs législatifs et exécutifs à l'échelon
central, in Moniteur Congolais n° 5 du 9 février 1961.
Décret contresigné par Mbomboko et Lihau.
* 259 Mutinerie de l'ANC
(), sécession Katangaise (), sécession Kasaïenne (),
révocation de Lumumba (5 sept.)
* 260 Lire utilement
Ndaywel, op.cit, p.p. 569-570.
* 261 Ilunga Kabongo,
Crise politique, concept et application à l'Afrique, cahiers
économiques sociaux, vol III, n° 3, octobre 1965, p. 327.
* 262 Young,(C.),
Introduction à la politique congolaise, Bruxelles, CRISP, 1968, p.
171.
* 263 Les études
les plus intéressantes sont de : Libois (T.G) et Verhaegen (B.),
Congo 1960, T.I et T. II, Bruxelles, Dossiers du CRISP, 1960, cités par
Mpinga K., op.cit, p. 19.
* 264 Mpinga, K.,
op.cit, p. 20.
* 265 Idem.
* 266 Ibidem.
* 267 Mpinga, K.,
op.cit, p. 23.
* 268 Idem.
* 269 Ibidem.
* 270 Mpinga (K.),
op.cit, p. 24.
* 271 E, Littré,
op.cit, p. 134.
* 272 Bourricaud, (F.),
Esquisse d'une théorie de l'autorité, Paris, Plon, 1961, p. 4.
* 273 Lalande, A.,
cité par Mpinga K., op.cit, p. 25.
* 274 Lacroix, J.L.
Industrialisation au Congo, Paris, la Haye, Mouton, 1966, p. 198.
* 275 Mpinga K.,
op.cit, p. 27.
* 276 « Le
pouvoir politique est l'exercice de l'autorité légitime de
quelques uns sur tous », Association française de science
politique, colloque de 1963, cité par Mpinga K., op.cit, p.
27.
* 277 Ziegler, J.,
Sociologie de la nouvelle Afrique, Paris Gaillimard, p.p. 215-216, cité
par Mpinga K., op.cit, p. 27.
* 278 Idem.
* 279 Pour la relation des
faits, lire utilement :
- Ndaywel, e Nziem (I.), op.cit, p.p. 605-610;
- Lumanu M.B.S., op.cit, p.p. 270-280 ;
- Mpinga Kasenda, op.cit, p.p. 20-30;
- C. Young, op.cit, p.p. 174-183.
* 280 C. Young,
op.cit, p. 306.
* 281 C. Young,
op.cit, p. 174.
* 282 Buchmann, (J.),
l'Afrique noire indépendante, Paris, L.G.D.J., 1964, p. 7.
* 283 Mpinga, K.,
op.cit, p. 34.
* 3
* 284 Rapporté dans
Présence congolaise, le 3 novembre 1962, cité par C. Young,
op.cit, p. 203.
* 285 Nous ne parlons pas
du coup d'Etat rapidement opéré et réussi, mais du vacuum
de l'autorité.
* 286 Ziegler, (J.),
op.cit, p.p. 215-216.
* 287 Nous faisons allusion
aux bébés nés prématurés entretenus et
soignés dans les couveuses.
* 288 Ziegler, (J.),
op.cit, p.p. 215-216.
* 289 Lire utilement
Mpongo, B. (E.), op.cit, p. 44; Burdeau (G.), op.cit, p. 84.
* 290 Mpongo B. (E.),
op.cit, p. 44.
* 291 Idem.
* 292 Ziegler, (J.),
op.cit, p.p. 215-216.
* 293 Terme rappelant les
« mort-vivant » mythique de la religion vaudou.
* 294 Article 56 de la
constitution du 1er août 1964.
* 295 Article 56 de la
constitution du 1er août 1964
* 296 Article 59.
* 297 Article 60 de la
constitution du 1er août 1964.
* 298 Article 61 du
même texte
* 299 Article 95 de la
constitution du 1er août 1964
* 300 Article 97 du
même texte
* 301 Article 62 du
même texte.
* 302 Idem.
* 303 Article 63 de la
constitution du 1er août 1964.
* 304 Idem.
* 305 Article 65 de la
constitution du 1er août 1964.
* 306 Article 64 du
même texte.
* 307 Idem.
* 308 Ibidem.
* 309 Article 66, al.
1er. de la constitution du 1er août 1964.
* 310 Article 74 du
même texte.
* 311 Article 75 du
même texte.
* 312 Article 99 du
même texte.
* 313 Article 56 de la
constitution du 1er août 1964.
* 314 Article 54 du
même texte.
* 315 Article 67 du
même texte.
* 316 Article 68 du
même texte.
* 317 Article 66 du
même texte.
* 318 Article 36 du
même texte.
* 319 Article 70.
* 320 Article 66.
* 321 Lire utilement
LUMANU, S., op.cit, p. 350.
* 322 NDAYWEL è
NZIEM (I.), «La République Démocratique du Congo et ses
constitutions successives», in comprendre la Transition ou la
constitution de la Transition expliquée, Kinshasa, Fored, 2004, p.
26.
* 323 Chef lieu de la
province du Kasaï Occidental, actuel Kananga.
* 324 « Justice,
Paix, Travail ».
* 325 Article 4 de la
constitution du 1er août 1964.
* 326 Article 3 du
même texte.
* 327 Ndaywel è
Nziem (I.), Histoire générale du Congo de l'héritage
ancien à la République Démocratique, Paris, Bruxelles,
Afrique - Editions, 1998, p.p. 611 et s.
* 328 Idem, p.
611.
* 329 Ndaywel è
Nziem (I.),op.cit, p. 611.
* 330 Mbaya (E.R.),
cité par Ndaywel è Nziem, op.cit, p. 612.
* 331 Congo 1963, p.
332-235 cité par Ndaywel è Nziem (I.), op.cit, p. 612.
* 332 Ndaywel è
Nziem (I.),op.cit, p. 615.
* 333 Pour plus de
détails, lire Verhaegen (B.), cité par Ndaywel è Nziem
(I.), op.cit, p. 620.
* 334 Carré de
Malberg, op.cit, p. 37.
* 335 Idem.
* 336 Ibidem.
* 337 Carré de
Malberg, op.cit, p. 38.
* 338 Ndaywel è
Nziem (I.), op.cit, p. 540.
* 339 Carré de
Malberg (R.), op.cit, p. 38.
* 340 Idem.
* 341 Lire Ndaywel
è Nziem, (I.), op.cit, p. 619.
* 342 Carré de
Malberg, op.cit, p. 38.
* 343 Idem.
* 344 Burdeau (G.),
op.cit, p. 84.
* 345 Idem.
* 346 Articles 6 à
8 de la constitution du 1er août 1964, in Iyeleza Moju-Mbey,
Masika Katsiwa, Recueil des textes constitutionnels de la République du
Zaïre du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 avec Annexe de la date coloniale du
18 octobre 1908, Ed. /SE - CONSULT/ Kinshasa Avril 1991, p. 3.
* 347 Hermet (G.), Badie
(B.), op.cit, p. 107.
* 348 Villiers (de) (M.),
op.cit, p. 104.
* 349 Carré de
Malberg (R.), op.cit, p. 40.
* 350 V. Notamment Esmein,
Eléments de Droit constitutionnel, 5e éd., p. 1,
cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 40.
* 351 Scidler, Des
juristiche kriterium des staotes, p. 65 cité par Carré de
Malberg, op.cit, p. 40.
* 352 Comme en 1997, la
terminologie varie selon le camp légaliste ou rebelle.
* 353 Congo 1965 :
374.
* 354 Ndaywel,
op.cit, p. 621.
* 355 Du 9 juillet 1964 au
18 octobre 1965 par ordonnance n° 217 du 9 juillet 1964 portant
composition du gouvernement de transition, lire, Lumanu B.S. op.cit, p.
315.
* 356 Burdeau (G.),
op.cit, p. 100.
* 357 Idem.
* 358 Ibidem.
* 359 Ibidem.
* 360 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 52.
* 361 Idem.
* 362 Titre II,
comportant, 34 articles.
* 363 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 52.
* 364 Sur l'Etat
totalitaire, lire Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme,
Paris, coll. Idées, 1965, p.p. 287-288.
* 365 Sur l'Etat
totalitaire, lire Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme,
Paris, coll. Idées, 1965, p.p. 287-288.
* 366 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 56.
* 367 Ntumba Luaba,
op.cit, p. 56.
* 368 Idem.
* 369 Ibidem.
* 370 Sur l'Etat de droit,
lire Carré de Malberg, op.cit, p.
* 371 Modifiée et
complétée par Ordonnance n° 70-025 du 17 avril 1970 ;
Loi n°70-001 du 23 décembre 1970 ; Loi n° 71-006 du 29
octobre 1971 ; Loi n° 71-007 du 19 novembre 1971 ; Loi n°
71-008 du 31 décembre 1971 ; Loi n° 72-003 du 5 janvier
1972 ; Loi n° 72-008 du 3 juillet 1972 ; Loi n° 73-014 du 5
janvier 1973 ; Loi n° 74-020 du 15 août 1974 ; Loi n°
78-010 du 15 février 1978 ; Loi n° 80-007 du 19 février
1980 ; Loi n° 80-012 du 5 novembre 1980 ; Loi n° 82-004 du
31 décembre 1982 ; Loi n° 88-004 du 27 janvier 1988 ; Loi
n° 88-009 du 27 juin 1988 ; Loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 et
Loi n° 90-008 du 25 novembre 1990, voir Iyeleza Moju-Mbey et alii,
op.cit, p. 85.
* 372 Le statut du
Président de la République ainsi que ses attributions sont
définis aux articles 20 à 30 de la constitution du 24 juin
1967.
* 373 Art. 51 de la
constitution du 24 juin 1967.
* 374 Articles 31,32,33,34
et 35 du même texte.
* 375 Article 34.
* 376 Article 32.
* 377 Article 45.
* 378 Ilunga - Kabongo (A.
R.), cité par Mpinga K, op.cit, p. 18.
* 379 L'article 4 de la
constitution du 24 juin 1967 fut remplacé par l'article 1er
de la loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 en ces termes ;
« l'article 4 de la constitution est remplacé par la
disposition suivante : « le Mouvement populaire de la
Révolution est le seul parti politique en République
Démocratique du Congo ».
* 380 Sur les
échecs de tentatives de créer un deuxième parti entre 1967
et 1970, lire utilement, Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 668-669.
* 381 Officiellement
né le 20 mai 1967 par la proclamation du manifeste de la N'Sele.
* 382 Depuis le 27 octobre
1971 Mobutu avait changé l'appellation du pays de
« Congo » en « Zaïre » dont les
habitants devenaient des « Zaïrois » et
« Zaïroises », cfr. Loi n° 71-005 du 29 octobre
1971 in Iyeleza, op.cit, p. 95.
* 383 Lire utilement
Lumanu (M.B.S.), op.cit, p. 391, Ndaywel (I.) ; op.cit, p.
666.
* 384 Cette expression se
retrouve dans la relation des faits ayant marqué l'histoire politique du
Congo de 60 à 65. Elle désigne le noyau autour de Mobutu
composé notamment de Nendaka, Bomboko, Kamitatu, etc. cfr. Ndaywel,
op.cit, p. 646, Lumanu M.B.S., op.cit, p.p. 212 et s.
* 385 Ndaywel (I.),
op.cit, p. 666.
* 386 Ordonnance n°
66/612 du 26 octobre 1966 (ACP 26 octobre 1966, Congo 66, p. 22.)
* 387 Le
4è point stipulait que les institutions démocratiques
de la République telles qu'elles sont prévues par la constitution
du 1er août 1964 continueront à fonctionner et à
siéger en exerçant leurs prérogatives ; tel est
notamment le cas de la chambre des députés du sénat et des
institutions provinciales ».
* 388 L'article 59,
alinéa 1.
* 389 Adressé au
Parlement le 25 novembre 1965.
* 390 Alinéa 2 et 3
de l'ordonnance loi n° 65-07 du 30 novembre 1965. Lire utilement Lumanu
M.B.S., op.cit, p. 367 ; Djelo (E.O.), l'impact de la coutume en
Afrique noire, le cas du Zaïre, Bruxelles, Bel Elan, Editeur, 1990, p.
59.
* 391 Lumanu B.S,
op.cit, p. 367.
* 392 Moniteur congolais,
1966, n° 7, p. 159.
* 393 Moniteur congolais,
1967, n° 1.
* 394 Lire Djelo (E.O.),
l'impact de la coutume sur l'exercice du pouvoir en Afrique noire, le cas du
Zaïre, Bruxelles, Edition Bel Elan, 1999, p. 61.
* 395 Djelo (E.O.),
op.cit, p. 63.
* 396 Idem.
* 397 Djelo (E.O.),
op.cit, p. 79.
* 398 Ndaywel (I.),
op.cit, p.p. 667 et s.
* 399 Après la
consécration du MPR comme seule institution par la loi constitutionnelle
n° 078-010 du 15 février 1978, le Président fondateur,
Président de la République devint encore de plus en plus
puissant.
* 400 Article 32 de la loi
constitutionnelle 078-010 du 15 février 1978.
* 401 Djelo (E.O.),
op.cit, p. 85.
* 402 Prendre connaissance
du serment des troupes Kamanyola, élargi à l'ensemble de
l'Armée « Makila na biso, mpo na Mobutisme, mpo na guide, vive
le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre »
(Notre sang sera versé pour la patrie, pour le Mobutisme, pour le guide,
vive le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre).
* 403 Force Terrestre,
Force Nationale, Force Aérienne et Gendarmerie Nationale.
* 404 Ndaywel,
op.cit, p. 686.
* 405 Shaba I.
Shaba II.
* 406 Le professeur Lumanu
dit que ces thèmes habilement choisis ont été d'une
popularité inégalée. Voy. Lumanu (MBS), op.cit, p.
398.
* 407 Ndaywel,
op.cit, p. 666, le Mouvement de coup d'Etat s'étendit notamment
en République Démocratique Centrafricaine (Décembre 1965),
au Nigeria (janvier et juillet 1966), à la Haute Volta (1966), au Ghana
(février 1966), au Burundi (1969), au Togo, au Mali, en Sierra
Léone (1967), en Somalie et au Soudan (1969) à l'Ouganda (1971)
et au Rwanda (1973)....
* 408 Lumanu M.B.S.,
op.cit, p. 521.
* 409 Clessis, (C.), et
alii., Exercices pratiques de droit constitutionnel, Paris, Ed. Montchrestien,
1981, p. 26, cité par Djelo (E.O.), op.cit, p. 78.
* 410 Verhaegen B.,
« Impérialisme technologique et bourgeoisie nationale au
Zaïre » in coquery vidrovitch, Connaissance du tiers
Monde, Paris, Coll. 1018, Cahier jussieu n° 1, Laboratoire du tiers
Monde, UER Géographie et Sciences de la société, 1978,
p.p. 347-379, cité par Lumanu M.B.S., op.cit, p. 522.
* 411 Il s'agit
respectivement des lois constitutionnelles n° 70-001 du 23 décembre
1970 ; n° 74-020 du 15 août 1974 et n° 78-010 du 15
février 1978.
* 412 Lire Prelot M.,
op.cit, p.
Mpongo Bokalo (E.), op.cit, p.
* 413
« Tomotombeli » 100ans (Nous lui accordons 100 ans) ;
« Oyo akanisaki MPR ekokufa waya » (celui qui a
pensé que MPR mourra, Faux).
* 414 De 1968 à
1971.
* 415 Voir notamment
Kamitatu - Massamba, Chomé, Bwana Kabwe, cité par Ndaywel (I.),
op.cit, p. 754.
* 416 Furent
modifiés ou abrogés, les articles
8-9-19-20-26-28-34-38-39-40-42-43-44-45-46-47-48-49-50-51-52-98-99-100-101-103-107-108-109
et 111.
* 417 Pour la chronologie
des événements, lire, AFANA (D.), la balance
démocratique du Zaïre sept ans de transition tumultueuse
(1990-1997), Kinshasa, Hippoc, 1998, p.p. 8 et 143 ; Ndaywel,
op.cit, p.p. 770 et s.
* 418 Nouvelle appellation
du Parlement de transition après la tenue de la CNS.
* 419 Exposé de
motif de l'Acte constitutionnel de la transition du 04 avril 1994, J.O. n°
spécial, p. 4.
* 420 Tenue à
Kinshasa du 29 avril 1991 au 6 décembre 1992.
* 421 Journal officiel de
la République Démocratique du Zaïre, numéro
spécial, avril 1994.
* 422 Textes
coordonnés et mis à jour au 1er juillet 2000 in
« journal officiel de la République Démocratique du
Congo, n° spécial mai 2001, p.p. 91-101.
* 423 Journal officiel,
n° spécial du 05 avril 2003.
* 424 Publication de la
Commission électorale Indépendante, Kinshasa, mars 2006, p.p.
1-27.
* 425 Acte constitutionnel
de la transition, article 50 alinéa 1.
* 426 Acte constitutionnel
de la transition, articles 77 et 48.
* 427 Article 78.
* 428 Acte constitutionnel
de la transition. J.O. n° spécial, avril 1994, p. 48.
* 429 idem.
* 430 Article 81,
alinéa 2 du même texte.
* 431 Article 39 et 75 du
même texte.
* 432 Article 75
alinéa 3 du même texte.
* 433 Acte constitutionnel
de la transition, article 89.
* 434 Article 90, du
même texte.
* 435 Idem.
* 436 Article 91 du
même texte.
* 437 Acte constitutionnel
de la transition, article 78.
* 438 3 décembre
1990.
* 439 Afana (D.),
op.cit, p. 43.
* 440 Idem.
* 441 Lire Shirishungu,
(D.), Organisation Politique Administrative et Développement,
Contribution de la décentralisation politico - administrative,
économico - financière et territoriale à
l'émergence d'une société de développement dans les
jeunes Etat, cas de la République du Zaïre, Bukavu, Ed.
Bushiri, 1993, p. 111, et aussi Mpinga Kasenda, op.cit, p.
Ndaywel (I.), op.cit, p.p. 565 et s.
* 442 Idem.
* 443 Union de
Fédéralistes Républicains Indépendants (UFERI)
parti de Nguza et Kiungu était comme fondamentalement du Katanga et des
ethnies de cette province essentiellement les Balubakat tandis que l'UDPS
d'Etienne Tshisekedi, bien qu'implanté sur tout le territoire national,
était présenté comme le parti de
« Baluba » du Kasaï - oriental.
* 444 Ces
événements débutèrent le 14 janvier 1992. Lire
AFANA (D.), op.cit, p. 26.
* 445 « Kila
mutu kwabo » (chaque personne chez lui) slogan véhiculé
à Lubumbashi à la fin du monopartisme.
* 446 Le 17 mai 1997.
* 447 Terme
attribué au mort manipulé part les chefs religieux
« vaudou » pour accomplir certains actes d'après une
certaine croyance.
* 448 Sennen Andriamirado,
Zaïre, l'Etat néant, dans « Jeune Afrique » (le
temps du monde) n° du 18 au 24 septembre 1996 cité par Afana, D.,
p.p. 63 et 147.
* 449 Afana, D.,
op.cit, p. 64.
* 450 Le Décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et
à l'exercice du pouvoir en RDC a été modifiée et
complétée par :
- Le Décret-loi constitutionnel n° 122 du 21
septembre 1998 ;
- Le Décret-loi constitutionnel n° 074 du 27 mai
1998 ;
- Le Décret-loi constitutionnel n° 180 du 10
janvier 1999 ;
- Le Décret-loi constitutionnel n° 096/2000 du
1er juillet 2000. Voir J.O. de la RDC, n° spécial Mai
2001 p. 91.
* 451 Articles 4 et 5 du
Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997.
* 452 Il peut
déléguer un membre du Gouvernement à cette fin
conformément à l'article 35 du Décret-loi n°003 du 27
mai 1997.
* 453 Article 23 du
décret-loi n° 003 du 27 mai 1997.
* 454 Article 24 du
même texte.
* 455 Article 29,
idem.
* 456 Article 1 du
Décret-loi du 22 mai 1997.
* 457 Lire dans ce sens,
Esambo Kangashe (J.L.) : « L'avènement de l'AFDL ou la
remise de la CNI », in cahiers africains de Droits de l'homme et de
la Démocratie, vol. I. n° 01, octobre - Décembre Kinshasa,
1997, p. 17.
* 458 Lire dans ce sens,
Bluntshli, cité par Carré de Malberg, op.cit, p. 41.
* 459 Sur l'unité
étatique, lire Gierke, cité par Carré de Malberg,
op.cit, p. 41.
* 460 Lire dans ce sens,
Mpongo Bokako Bautolinga, (E.), op.cit, p. 49.
* 461 Lire dans ce sens
Carré de Malberg, op.cit, p. 41.
* 462 Lire dans ce sens
Mpongo B.B. (E.), op.cit, p. 51, Ntumba Luaba, op.cit, p. 49,
Carré de Malberg, op.cit, p. 41.
* 463 Date de
l'installation du nouveau gouvernement issu de l'Accord global et inclusif.
* 464 Lire dans ce sens
Ntumba Luaba, op.cit, p. 49.
* 465 Idem.
* 466 Le Président
Kabile père s'est autoproclamé Président de la
République.
Son fils s'est autoproclamé Président de la
République à sa mort, par ailleurs les Présidents de
l'opposition armée Jean Pierre Bemba pour le MLC et Wamba dia Wamba,
Emile Ilunga sont devenus Présidents du RCD du fait de leurs propres
statuts.
* 467 Verhoeven J., Droit
international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 59.
* 468 Il s'agit de la
constitution de transition du 04 avril 2003.
* 469 Sur les
étapes et les instruments de négociations, lire Matusila (P.A.),
Dialogue Inter-congolais de Sun City I à Sun City II, Pretoria :
étape décisive ; Kinshasa, Ed. Isidore Bakandja, avril 2003,
p.p. 2 à 272, Recueil de textes pour le Dialogue Inter congolais, J.O.
RDC, n° special Mai 2001.
* 470 Constitution de la
transition du 04 avril 2003, article 64.
* 471 Annexe 1 de l'accord
global et inclusif.
* 472 Article 80 de la
constitution de la transition.
* 473 Point V, 1. C.
* 474 Accord global et
inclusif, point I. C.i. in Journal officiel de la RDC, numéro
spécial, 5 avril 2003, p. 56, constitution de la transition article
87.
* 475 Titre IV, chapitre 1,
section III.
* 476 Constitution de la
transition du 04 avril 2003, préambule, 4ème
alinéa.
* 477 Constitution de la
transition du 04 avril 2003, articles 81 et 82.
* 478 Les provinces du Nord
et du Sud Kivu ainsi que la province orientale furent complètement
soustraite de l'autorité de Kinshasa.
* 479 L'occupation militaire
du territoire congolais par les armées rwandaises, burundaises et
ougandaises est passée de la spéculation à
l'évidence dès lors qu'elle est confirmée pour le Rwanda
par son plan de désengagement en date du 28 août 2000
conformément au plan de Désengagement et Redéploiement
(D.R) signé à Kampala le 8 avril 2000 et, pour l'Ouganda
dès lors que la Cour internationale de justice saisie de l'affaire des
activités armées sur le territoire du Congo RDC c/Ouganda sous
n° R 112, le 23 juin 1999 a donné gain de cause à la partie
congolaise.
* 480 Résolution 1234
(1999) du 09 avril 1999.
* 481 L'exploitation
illégale des ressources naturelles du Congo est reconnu par le Conseil
de sécurité. Voir Résolution 1341 (2001) du 22
février 2001.
* 482 -
Résolution 1341, idem ;
- Résolution 1323 (2000) du 13 octobre 2000 ;
- Résolution 1316 (2000) du 23 août 2000 ;
- Résolution 1304 du 16 juin 2000 ;
- Résolution 1291 (2000) du 24 février
2000 ;
- Résolution 1279 (2000) du 30 novembre 1999.
* 483 Exposé de motif
de la constitution de la République Démocratique du Congo,
alinéa 3.
* 484 Constitution de la
République Démocratique du Congo, article 71.
* 485 Article 80 de la
constitution de la République Démocratique du Congo.
* 486 Article 80 du
même texte.
* 487 Article 84 du
même texte.
* 488 Article 79 du
même texte.
* 489 Constitution de la
République Démocratique du Congo, article 100.
* 490 Article 134 de la
constitution de la République Démocratique du Congo.
* 491 Article 144 du
même texte.
* 492 Article 104,
alinéa 3 de la constitution de la transition du 04 avril 2003.
* 493 Article 98,
alinéa 1er du même texte.
* 494 Article 19
alinéa 5 de la constitution de la République Démocratique
du Congo.
* 495 Articles 164 et 165 du
même texte.
* 496 Chiffres
annoncés par la commission électorale indépendante au mois
d'avril 2006.
* 497 Voir annexe IV de
l'Accord global et inclusif in journal officiel n° spécial du 5
avril 2003, p. 66.
* 498 YOKA Mampunga (J.J),
Analyse critique des aspects politiques de la constitution de transition de
la R.D.C., in « la nouvelle constitution de la R.D.C :
aspects juridiques, politiques, économiques et
socioculturels », publications de la fondation Konrad Adenauer,
Décembre 2003, p. 53.
* 499 Plusieurs fois le juge
constitutionnel fut saisi en interprétation ou pour donner son avis.Voir
notamment l'Avis consultatif qrl 09 de la CSJ. du 20 janvier 2004.
* 500 Bourgi (A.),
constitutionnalisme africain, chinois et au Québec, la
réalité du nouveau constitutionnalisme africain, http :
//www.univ_reins, fr/Labos/CERI/La réalité du nouveau
constitutionnalisme africain. htm. p. 1. 7-8 octobre 1998.
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