2ème PARTIE :
CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE
2.1 CADRE CONCPTUEL
2.1.1 Définition des
concepts
Il est intéressant de commencer par définir
certains concepts utilisés dans l'étude du thème.
2.1.1.1 Santé de la
reproduction (SR) est, selon l'OMS, un état de bien être,
tant physique que mental et social, pour tout ce qui touche l'appareil
génital (ses fonctions et son fonctionnement), chez les hommes et les
femmes de tout âge. La santé de la reproduction suppose que
l'individu puisse :
-Mener une vie sexuelle satisfaisante (saine et
agréable) en toute sécurité ;
-S'informer et accéder à des services de
qualité ;
-Prévenir des grossesses non désirées et
des infections sexuellement transmises ;
-Etre capable d'utiliser la méthode de
régulations des naissances de son choix ;
-Décider librement du moment et de la fréquence
d'avoir des enfants ;
-Mener les grossesses à terme dans des conditions qui
ne présentent aucun danger ;
-Avoir un enfant vivant, sans souffrance foetale et
morphologiquement normal ;
-Recevoir un soutien et des soins adéquats avant,
pendant et après accouchement.
2.1.1.2 Soins
Obstétricaux d'Urgence (SOU) sont des soins donnés
aux femmes enceintes avant, pendant et après accouchement en cas de
complications qui mettent leur vie en péril. On distingue les Soins
Obstétricaux d'Urgences de Base (SOUB) et les Soins Obstétricaux
d'Urgences Complets (SOUC).
Les soins obstétricaux d'urgences de base sont
caractérisés par six fonctions :
- L'administration d'antibiotiques par voie injectable pour
lutter contre l'infection ;
- L'administration de sédatifs anti-convulsivants par
voie injectable pour lutter contre les complications de l'hypertension
artérielle;
- L'administration d'ocytociques pour lutter contre les
dystocies ;
- L'évacuation de débris intra-utérins
pour lutter contre les complications de l'avortement ;
- La révision utérine pour lutter contre les
hémorragies de la délivrance et de l'avortement ;
- L'accouchement par voie basse assisté par ventouse ou
par forceps [46].
Ces soins doivent être disponibles au niveau des
structures de 1er niveau (Postes de santé, centres de
santé). Les SOUC regroupent en plus de ces SOUB, la transfusion sanguine
et la réalisation de la césarienne. Ces SOUC doivent être
disponibles au niveau des structures de 2e et 3e niveau
(centres de santé à vocation chirurgicale et hôpitaux).
2.1.1.3 Mortalité
maternelle
v Définition
La mortalité maternelle est
définie, selon la 10e révision de la Convention
Internationale des Maladies (CIM) de l'OMS, comme « le
décès d'une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un
délai de 42 jours après sa terminaison, qu'elles qu'en soient la
durée ou la localisation, pour une cause quelconque
déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins
qu'elle a motivés, mais ni accidentelle ni
fortuite » [27].
v Causes du décès maternel
Pour mettre au point, appliquer et évaluer les
politiques et les programmes, il est important de savoir pourquoi les femmes
meurent des suites de grossesse et de l'accouchement. Les causes se subdivisent
en causes obstétricales directes et indirectes [15]:
ü Causes obstétricales directes
Elles résultent de complications obstétricales
pendant la grossesse, le travail et les suites de couche, d'interventions,
d'omissions, d'un traitement incorrect, d'une négligence ou d'un
enchaînement d'événements résultant de pathologies
(Dystocies, hémorragies, avortements, maladies hypertensives de la
grossesse et ses complications, infections ...).
Dans le monde, environ 80% des décès maternels
résultent de ces complications directes de la grossesse, de
l'accouchement ou des suites de couches.
La cause la plus fréquente de décès - un
quart de tous les décès maternels - est l'hémorragie
grave, en particulier celle du post-partum.
L'hémorragie, c'est un
écoulement excessif de sang par voie vaginale. On peut distinguer deux
catégories : l'hémorragie antépartum, dans laquelle
un saignement vaginale se produit avant la naissance de l'enfant ; et
l'hémorragie post-partum, dans laquelle un saignement excessif se
déclanche peu après la naissance.
L'hémorragie, en particulier celle du post-partum,
imprévisible, soudaine est la plus dangereuse surtout chez une femme
anémiée. Dans le monde, elle est responsable de près de
25% de tous les décès maternels. Elle peut conduire très
rapidement à la mort en l'absence de soins immédiats et
adaptés, à savoir l'administration de médicaments pour
arrêter l'hémorragie, le massage utérin pour stimuler les
contractions utérines et, au besoin, la transfusion sanguine voire la
chirurgie et la réanimation [15] [57].
Les infections, qui sont souvent la
conséquence d'une mauvaise hygiène au cours de l'accouchement ou
d'infections sexuellement transmissibles (IST) non traitées, sont
à l'origine de quelques 15% des décès maternels. Elles
peuvent être efficacement prévenues par le respect scrupuleux des
règles d'hygiène au cours de l'accouchement, le dépistage
et le traitement des IST pendant la grossesse. Les soins dispensés
systématiquement pendant le post-partum permettent de dépister
rapidement ces infections et de les traiter par l'administration
d'antibiotiques appropriés.
Les troubles hypertensifs de la grossesse, en
particulier la pré-éclampsie et
l'éclampsie (convulsions), sont à l'origine de
quelques 12 % des décès maternels. La pré-éclampsie
se caractérise par l'élévation de la pression
artérielle, l'apparition d'une protéinurie et le gonflement des
tissus (oedème) au cours de la 2e moitié de la
grossesse. La patiente peut souffrir de maux de tête, de vomissements,
de troubles visuels et de douleurs de l'abdomen, et il arrive que ses reins
cessent totalement de fonctionner. Dans le dernier stade de la maladie, qui est
aussi le plus grave, des convulsions font leur apparition : c'est ce qu'on
appelle l'éclampsie. Si l'éclampsie n'est pas traitée, la
femme sombre dans l'inconscience et meurt d'insuffisance cardiaque,
rénale ou hépatique ou d'hémorragie
cérébrale.
Ces décès peuvent être prévenus par
une surveillance rigoureuse au cours de la grossesse et un traitement des cas
d'éclampsie à l'aide d'anticonvulsivants relativement simples
tels que le sulfate de magnésium [15] [57].
La dystocie ou travail prolongé est
à l'origine d'environ 8% des décès maternels. Il est
souvent causé par une disproportion céphalo-pelvienne (la
tête du foetus ne peut franchir le bassin de la mère) ou par une
présentation anormale (le foetus se présente mal dans la
filière pelvigénitale). Elle nécessite le plus souvent une
césarienne.
Les complications de l'avortement
à risque sont responsables d'une proportion importante (13%) de
décès maternels. Dans certaines parties du monde, un tiers ou
plus des décès maternels sont associés à des
avortements à risque. Ces décès peuvent être
évités quand les femmes ont accès à des
informations et à des services de planification familiale, à des
soins en cas de complications d'un avortement et, dans le cas où
l'avortement serait légal, à des interventions pratiquées
dans de bonnes conditions. Au Sénégal selon l'évaluation
nationale de la disponibilité de l'utilisation et de la qualité
des SOU réalisée en 2000, les causes obstétricales
directes représentent 66 % des décès maternels (29 % dus
à l'hémorragie, 16 % à l'éclampsie, 7 % aux
infections, 6 % à la dystocie, 5 % à la rupture utérine,
et 3 % à l'avortement) [39]. A côté de ces causes dites
directes il y a les causes indirectes.
ü Causes obstétricales
indirectes
Environ 20% des décès maternels leur sont
imputables [47]. Elles résultent d'une maladie préexistante ou
d'une affection apparue au cours de la grossesse, non liée à des
causes obstétricales, mais aggravée par les effets physiologiques
de la grossesse ou par sa prise en charge. Les décès par accident
ou par suicide sont exclus. Parmi ces causes indirectes de mortalité
maternelle, une des plus importantes est l'anémie qui, tout en
provoquant des morts par arrêt cardio-vasculaire, semble aussi être
à l'origine d'un pourcentage non négligeable de
décès par causes obstétricales directes (notamment ceux
dus à des hémorragies et à des infections). Le paludisme,
l'hépatite, les cardiopathies et de plus en plus dans certains
contextes, le VIH/SIDA, sont d'autres causes indirectes importantes de
mortalité maternelle. Beaucoup de ces pathologies sont des
contre-indications relatives ou absolues de la grossesse. Les femmes doivent
être informées de ces problèmes et avoir la
possibilité d'éviter d'autres grossesses pendant le traitement de
ces affections grâce à la planification familiale.
Après ces causes directes et indirectes la
mortalité maternelle est déterminée aussi par plusieurs
facteurs qui peuvent être individuels, communautaires ou sanitaires.
v Facteurs de la mortalité maternelle
[15] [47]
ü Fécondité élevée
La forte fécondité est un facteur aggravant de
la mortalité maternelle. Dans de nombreuses sociétés la
fécondité d'une femme est le fondement de son acceptation par la
communauté. Elles subissent d'énormes pressions et doivent
très vite prouver leur fécondité après le mariage
en donnant naissance à beaucoup d'enfants.
C'est ainsi qu'on assiste à
un « marathon obstétrical » avec des grossesses
trop précoces, trop nombreuses, trop rapprochées et trop tardives
(au-delà de 35 ans).
Ce comportement majore les risques de décès
maternel par épuisement maternel ainsi que la mortalité
infantile.
ü Maternité précoce
C'est un problème qui touche fortement la
société Sénégalaise. Les grossesses précoces
constituent la principale cause de décès des adolescentes. Ceci
est dû au fait que leur organisme est insuffisamment
développé pour mener à terme une grossesse dans des bonnes
conditions de sécurité.
Elles sont principalement exposées au risque de
pré-éclampsie et de dystocie liée à une
disproportion céphalo-pelvienne.
ü Ignorance et Analphabétisme
Elles touchent 85% des femmes africaines et 73% des
sénégalaises. Elles représentent un obstacle à la
planification familiale, au suivi prénatal et à l'accouchement
assisté. Elles entretiennent les pratiques anciennes dangereuses et
inutiles. La scolarisation, et le maintien à l'école des filles
devraient être encouragés pour combattre ces tares.
ü Habitudes socioculturelles
L'environnement social et cultuel dans lequel vit une
femme, la religion ou ses interprétations et
les croyances personnelles peuvent constituer
des facteurs favorisants la mortalité maternelle en empêchant la
prise de bonnes décisions. Les femmes peuvent être amenées
à choisir d'accoucher dans des conditions dangereuses pour des raisons
culturelles ou religieuses. Pour de nombreuses femmes, une grossesse
accidentelle peut entraîner un ostracisme social voire le rejet par la
famille. Pour éviter cela certaines diffèrent souvent leur
recours aux soins parfois jusqu'à mourir.
Les pesanteurs sociales, les interdits et les tabous
affectent surtout les adolescentes et les femmes de nos régions,
caractérisées par leur faible pouvoir de décision, leur
dépendance économique et leur analphabétisme qui limitent
leur accès à l'information utile.
Les travaux pénibles aux champs et à la maison,
la non implication des hommes, les barrières linguistiques, les tabous
alimentaires pendant la grossesse, le culte de l'endurance face à la
douleur, les explications surnaturelles, mystiques sont autant d'attitudes qui
sont incriminées.
ü Facteurs liés au système de
santé
Le système de santé est
caractérisé par un déficit en structures, en
équipements, en personnel sanitaire qui est mal réparti, non
recyclé et ou peu motivé.
Il faut noter aussi la mauvaise organisation des services, des
infrastructures et du personnel et surtout leur inaccessibilité
géographique, physique et financière qui débouchent le
plus souvent par des retards dans la prise décision de recours, dans
l'atteinte des structures et la dispensation des soins.
ü Facteurs
politico-économiques
L'instabilité politique permanente qui prévaut
dans nos pays en développement, les guerres civiles, l'ajustement
structurel, la dévaluation des monnaies, l'inflation entraînent la
baisse du pouvoir d'achat des populations, augmentent le chômage, la
pauvreté, la précarité et une diminution de la
fréquentation des services sanitaires.
ü Facteurs environnementaux
Ils font partis des facteurs importants du problème et
comprennent l'inaccessibilité physique tel que les reliefs
accidentés, les longues distances, l'insuffisance et le mauvais
état des routes, le manque de moyen de transport...
v Indicateurs
directs de la mortalité maternels
Les indicateurs de santé sont des variables statistiques
mesurables qui décrivent de manière synthétique
l'état de santé des individus d'une communauté.
ü Ratio ou Rapport de mortalité maternelle
Il représente le risque associé à chaque
grossesse, ou risque obstétrical. Il s'agit du nombre de
décès maternels survenant pendant une année donnée
pour 100 000 naissances vivantes pendant la même période. Bien
qu'on ait toujours parlé de taux à ce sujet, il s'agit en fait
d'un rapport qui est maintenant désigné comme tel par les
chercheurs.
Nombre de décès maternels en une
année x 100 000
Nombres de Naissances vivantes
On entend par naissance d'enfant vivant l'expulsion ou
l'extraction complète du corps de la mère, indépendamment
de la durée de la gestation, d'un produit de conception qui,
après cette séparation, respire ou manifeste tout autre signe de
vie, que le cordon ombilical ait été coupé ou non, et que
le placenta soit ou non demeuré attaché.
ü Taux de mortalité maternelle
Le taux de mortalité maternelle qui
mesure à la fois le risque obstétrical et la fréquence
d'exposition à ce risque, correspond au nombre de décès
maternels survenant pendant une période donnée pour 100 000
femmes en âge de procréer (généralement
âgées de 15 à 49 ans).
TMM= Nombre de décès maternels X
100 000
Nombre de Femmes en Age de
Procréer.
Les termes "rapport" et "taux" étant souvent
utilisés indifféremment, il est essentiel, pour plus de
clarté, de préciser le dénominateur utilisé quand
il est question de l'une de ces mesures de la mortalité maternelle.
ü Risque de décès par grossesse durant
toute la vie
C'est la probabilité de décès maternel tout
au long de la vie reproductive d'une femme. Il prend en compte à la fois
le risque de mourir d'une cause liée à la maternité (RMM),
de la probabilité de grossesse (ISF) et le risque accumulé dans
le temps avec chaque grossesse [57].
Le risque de décès maternel sur la
durée de la vie tient compte à la fois de la probabilité
d'une grossesse et de la probabilité de décéder à
la suite de cette grossesse pendant toute la période féconde
d'une femme.
v Indicateurs indirects de la mortalité
maternelle
Ils se résument essentiellement aux indicateurs
d'accessibilité aux soins qui sont :
-Couverture obstétricale : C'est le
rapport du nombre d'accouchements ayant lieu dans un centre hospitalier durant
une période donnée et dans une région donnée, au
nombre de naissances correspondantes.
-Consultation prénatale : C'est la
proportion de femmes enceintes ayant fait surveiller médicalement leur
grossesse.
v Stratégies de lutte contre la
mortalité maternelle
La première a été préventive et
consistait à faire des études épidémiologiques sur
les indicateurs d'impacts (le taux de mortalité maternelle, le rapport
de mortalité maternelle, ...) et les causes de décès puis
de dégager des pistes pour prévenir les décès.
Dix après, on s'est rendu compte que rares sont les
pays en développement qui ont fait des progrès dans la
réduction des décès maternels.
D'où un changement de stratégie qui permet la
prise en charge des complications gravido-puerpérales par la mise en
place des Soins Obstétricaux d'Urgence (SOU). Dans l'ouvrage
« Maternité sans risque » de Population
Référence Bureau, il est dit que la stratégie la plus
efficace pour sauver les femmes et réduire leur souffrance est de
disposer de système de santé pouvant traiter sur-le-champ les
complications sérieuses qui mettent en péril la vie des femmes
durant la grossesse et l'accouchement. Les femmes cesseront de mourir en couche
lorsqu'elles seront capables de planifier leur grossesse, d'accoucher sous la
supervision d'un agent qualifié et d'avoir accès à un
traitement de haute qualité en cas de complications [21].
L'UNFPA a adopté pour réduire la mortalité
maternelle une approche fondée sur trois piliers
étayée par une campagne de mobilisation au niveau politique
et des interventions pour faire changer des attitudes. Ces trois piliers sont
les suivants:
. Planification familiale qui peut
permettre dans les pays en développement de réduire le nombre des
grossesses de 20 % et de diminuer au moins d'autant la mortalité et les
séquelles liées à la grossesse et à l'accouchement.
C'est un moyen peu onéreux de diminuer le taux de
mortalité maternelle en permettant: 1) de diminuer le nombre absolu de
complications en réduisant les grossesses; 2) de réduire le
nombre d'avortements en évitant les grossesses non
désirées ou imprévues; 3) d'éviter les grossesses
précoces, tardives, trop fréquentes ou trop rapprochées
[61].
. Personnel de santé qualifié pour tous les
accouchements car la plupart des complications obstétricales se
produisent pendant l'accouchement et immédiatement après. Seul un
personnel de santé qualifié peut reconnaître les
complications mettant la vie de la parturiente en danger et intervenir à
temps pour la sauver.
. Soins obstétricaux d'urgence qui
regroupent un ensemble de soins qui sont théoriquement
dispensés dans les centres de santé et
permettent de sauver la vie des femmes souffrant de complications au cours de
leur grossesse, de leur accouchement ou de la période
post-partum.
Cependant ces soins ne peuvent être efficaces que si
l'on prend en compte les facteurs socioculturels et économiques. Dr
Diallo F B l'a confirmé dans sa thèse « la
mortalité maternelle et les facteurs liés au mode de
vie » que les progrès dans la lutte contre la
mortalité maternelle seront limités si on ne prend pas en compte
les mesures éducatives sur les facteurs de risques en rapport avec les
coutumes, les traditions, le mode de vie, la qualification des agents de
santé car ce sont eux qui empêchent dans une large mesure la
diminution des taux de mortalité maternelle [14].La présente
étude s'aligne dans la même stratégie.
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