CONCLUSION
Selon Royston et Armstrong « Personne ne sait
exactement combien de femmes meurent tous les ans à la suite d'une
grossesse. La plupart d'entre elles sont pauvres et vivent dans les
régions reculées, leur mort passe quasiment
inaperçue » [57]. Ce constat amère confirme
que la mortalité maternelle demeure toujours un problème
majeur de santé publique dans les pays en développement et sa
réduction reste un défi crucial à réaliser pour
l'amélioration de la santé des femmes pivot économique et
socle social. Le décès maternel, à quel moment qu'il
survienne, est une tragédie pour sa famille et pour la
société. La lutte pour sa réduction est un
impératif pour toute personne soucieuse de la situation et de la
santé des femmes qui sont engagées dans ce que les Soninké
appelle à juste titre « l'armée des
femmes ». C'est dans ce sens que nous avions
réalisé ce travail, dans le but de contribuer à
l'amélioration des connaissances sur les causes et surtout les facteurs
favorisants des décès maternels dans le département de
Bakel, pour une meilleure orientation des programmes et stratégies
actuelles de réduction de la mortalité maternelle en vue des
objectifs du millénaires.
Plus spécifiquement, nous cherchions à
décrire les caractéristiques des femmes
décédées pour causes maternelles, identifier les causes et
les facteurs contributifs médicaux et non médicaux qui ont pu
influencer les décès et dégager des recommandations
pour promouvoir un environnement socioculturel et économique favorable
à la santé maternelle.
Pour cela la méthode utilisée a
été celle de l'autopsie verbale, une technique qui permet de
déterminer les causes médicales du décès et de
rechercher les facteurs personnels, familiaux ou dépendants de la
communauté qui ont pu contribuer aux décès maternels.
Elle consiste à interroger les personnes qui
possèdent des renseignements relatifs aux événements qui
ont conduit au décès (par exemple, les membres de la famille, les
voisins, les accoucheuses traditionnelles, les sages-femmes etc....). Cette
méthode a l'avantage de fournir plus d'informations, de
déterminer les entraves personnelles, familiales ou communautaires ayant
empêché les femmes d'accéder aux services sanitaires et de
donner un tableau plus complet des déterminants de la mortalité
maternelle dans ce département.
C'est une étude qualitative rétrospective qui a
porté sur 20 cas de décès maternels qui se sont produits
dans le département de Bakel de 2003 à 2006. L'enquête
s'est déroulée du 25 septembre au 25 octobre 2006. Au cours de
laquelle 52 répondant(e)s des 20 femmes décédées
ont été interviewé(e)s pour l'autopsie verbale, 36
prestataires de santé et 25 personnes issues de la communauté ont
répondu aux guides d'entretien ce qui fait un total de 113 personnes. A
l'issue de cette étude, nous pouvons retenir les points suivants :
-Les femmes décédées de causes
liées à la grossesse et à l'accouchement sont d'un
âge compris entre 14 et 45 ans. L'âge moyen au décès
dans notre étude est de 26 ans et les âges extrêmes sont de
14 et 45 ans. Ces femmes sont analphabètes à 85%,
ménagères à 65%, mariées pour 95% d'entre elles,
rurales à 60%, majoritairement paucipares et multipares-35% -qui
accouchent à domicile dans 68% et n'ont jamais fait de CPN dans 70 %
des cas. Elles sont mortes le plus souvent dans les établissements de
soins et après accouchement dans 70 % des cas et 20 pendant
l'accouchement.
-Pour ce qui est des causes de décès maternels,
35 % les femmes de ce département mouraient de l'hémorragie,
d'infections du post-partum dans 15% des cas, d'éclampsie (15%), de
dystocie (10%) et d'avortement. Le paludisme (10%) et l'anémie sont les
causes indirectes les plus souvent retrouvées associées aux
causes directes. La cause directe de deux cas de décès est
restée indéterminée.
-Les facteurs contribuant à la mortalité
maternelle se situent au niveau communautaire (l'ignorance,
analphabétisme, la pauvreté, statut faible des femmes,
l'automédication et le traitement traditionnel, les croyances et les
tabous, les travaux pénibles, accouchement à domicile, forte
fécondité...) au niveau environnemental (enclavement,
impraticabilité des routes, manque de moyen logistique, manque de moyen
de communication), et au niveau sanitaire (manque de personnel
compétent, retard d`intervention, attitude des prestataires, la
qualité des soins...) , le tout sous-tendu par une insuffisance
d'Information, Education et Communication (IEC).
La mortalité maternelle dépend donc d'une
variété de facteurs aussi bien économiques, politiques et
sanitaires que sociaux, culturels et biologiques qui mettent tous en danger la
vie des femmes de nos pays. De ce point de vue, toute politique doit
dépasser le seul cadre d'un programme vertical et s'inscrire dans un
cadre plus global de politique multisectoriel et multidimensionnel
intégrant tous les acteurs de la société sans
discrimination et tenant compte de tous ces facteurs contributifs aux
décès maternels.
A la fin de ce travail, nous ne prétendrons pas avoir
relevé toutes les causes et les facteurs contribuant aux taux
élevés de la mortalité maternelle dans ce
département, mais nous avons essayé de contribuer à la
connaissance du phénomène et d'apporter des
éléments utiles à l'élaboration d'une
stratégie d'action au niveau départemental ou local et
régional en vue d'aboutir à l'amélioration de la
santé maternelle.
«Le monde doit sauver les femmes, pour que
les femmes sauvent le monde...»
Thoraya Obaid, Directrice
Exécutive de l'UNFPA.
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