La Coopération Multilatérale et la Question de l'Eau au Bassin du Nil( Télécharger le fichier original )par Christine A. ISKANDAR BOCTOR Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP) - DEA (Master) en Relations internationales 2002 |
b) Les droits acquis et le partage des eaux du NilL'accord égypto-soudanais, signé le 8 novembre 1959, annonce que la quantité des eaux du Nil utilisée par la RAU jusqu'à ce que cet accord soit signé, sera son droit acquis avant l'obtention des avantages qui découlent des travaux pour le contrôle du Nil et des travaux qui accroîtront son rendement. Le montant total de ce droit acquis est de 48 milliards de mètres cubes par an, mesurés à Assouan. La quantité d'eau utilisée par la République du Soudan sera son droit acquis avant l'obtention des avantages qui découlent des travaux pour le contrôle du Nil. Le montant total de ces droits acquis est de 4 milliards de mètres cubes par an, mesurés à Assouan39(*). Pour régulariser les eaux du Nil et de contrôler son écoulement dans la Méditerranée, les deux Républiques conviennent que la RAU construira le Haut Barrage à Assouan, le premier d'une série de travaux sur le Nil pour le stockage des eaux sur une année. Et afin de permettre au Soudan d'utiliser sa part d'eau, les deux Républiques conviennent que la République du Soudan construira le Barrage de Roseires sur le Nil bleu ainsi que tout autre ouvrage que le Soudan jugera nécessaire pour l'utilisation de sa part, comme dans les marais de Bahr El Jebel, Bahr El Zaraf, Bahr El Ghazal et ses tributaires, au Sobat et ses tributaires et au bassin du Nil blanc. Les avantages nets découlant du réservoir du Haut Barrage seront calculés sur la base du débit naturel du fleuve à Assouan, pris sur les années du vingtième siècle, qui est estimé être 84 milliards de mètres cubes par an. Ce qui signifie que si le rendement moyen restait le même que la moyenne des années précédentes du siècle, et qui est estimé à 84 milliards de mètres cubes, et si les pertes dues au stockage sur l'année restent les mêmes que les estimations présentes de 10 milliards, l'avantage net du réservoir sera du 22 milliards de mètres cubes, l'avantage net du réservoir sera partagé entre les deux Républiques à raison de 14½ pour le Soudan et de 7½ pour la RAU. L'Egypte a essayé de partager, en réalisant la justice pour le partenaire soudanais, selon la proportion 1 : 3, et pas 1 : 12 comme selon l'accord de 1929. En ajoutant ces parts aux droits acquis, la part totale du rendement net du Nil sera de 18 milliards ½ pour la République du Soudan et de 55 milliards ½ pour la RAU40(*). Mais si le rendement moyen augmente, l'avantage net qui résultera de cette augmentation sera divisée entre les deux Républiques à parts égales. Bref, l'accord de 1959 n'a pas créé une nouvelle position juridique de l'Egypte relativement aux eaux du Nil, il a toutefois institué un cadre juridique plus global de la régulation des relations entre les deux pays, outre la confirmation des droits historiques acquis de l'Egypte dans les eaux du Nil41(*). Un cas parallèle se voit dans le Tigre et l'Euphrate42(*), Il n'existe aucun accord tripartite (entre la Turquie, la Syrie et l'Iraq) sur l'exploitation et la répartition des eaux entre les Etats riverains des deux fleuves. Le traité de Lausanne de 1923 contenait une clause stipulant que la Turquie devait consulter l'Irak avant d'entreprendre des travaux hydrauliques. En 1962, la Syrie et l'Irak créèrent une Commission Mixte mais son rôle est limité du fait de l'absence de travaux hydrauliques importants. Vers 1972-73, les deux même pays faisaient des tentatives inefficaces pour négocier un accord sur l'Euphrate. Le seul arrangement consenti pour la Turquie, en 1987, est un accord bilatéral avec la Syrie portant sur les quotas, la Syrie reçoit 15 milliards ¾ de mètres cubes, alors que le débit naturel de l'Euphrate à l'entrée en Turquie est de 28 milliards de mètres cubes. Un autre accord bilatéral syro-irakien, en avril 1990, prévoit une répartition proportionnelle des eaux de l'Euphrate entre les deux pays (42% pour la Syrie, 58% pour l'Irak) quel que soit le débit du fleuve soit en année « normale » 6.6 milliards de mètres cubes pour la Syrie et 9 pour l'Irak43(*). Dans ces deux bassins, la situation est un peu renversée en comparaison avec le Nil. La Turquie, pays en amont, fait partie d'un accord bilatéral pas comme l'Ethiopie qui refusait de participer. Le premier, pays en amont, présente un cas rigide envers la révision de l'accord de 1987 ce qui a été adopté par l'Egypte, pays en aval, envers l'accord de 1959. Et ce sont, l'Irak et la Syrie, pays en aval, qui insistent à le réviser comme l'Ethiopie, pays en amont, au bassin du Nil. Mais reste toujours un point commun, il n'existait jamais un accord commun entre tous les pays riverains des trois bassins. Et la situation est assez compliquée au bassin du Jourdain44(*), source indéfinie de tensions entre la Syrie, Israël et la Jordanie45(*), le partage des eaux du Jourdain n'a pu encore faire l'objet d'un compromis, en dépit des plans successifs, pas moins de 17, qui, depuis 1939, ont tenté de combler le vide juridique. A la suite de la médiation de l'Américain E. JOHNSTON46(*), en 1955, un accord s'était dessiné : tous les riverains en avaient admis le principe, mais, pour des raisons politiques, aucun des pays arabes concernés ne l'a signé. Ce « Plan Johnston47(*) » allouait notamment 565 hm3/an en provenance du Jourdain en Israël, et 720 hm3/an en Jordanie. La question de l'eau se trouve aussi au coeur de l'échec du plan de partage en 1947 dressé par les autorités britanniques sur l'initiative de l'ONU. Ce plan de partage devait diviser la Palestine britannique en deux entités, l'une sous le contrôle de l'autorité juive, l'autre sous le contrôle arabe. Or, en regardant la carte, il est bien évident qu'il était pratiquement impossible pour les organisations sionistes de l'accepter puisque tout le bassin du Jourdain devait passer aux mains de la Palestine arabe, Israël ne disposant en matière d'eau que de la région du lac de Tibériade. En l'an 2000, soit plus de 50 ans après sa création, le problème de l'eau demeurait au coeur de l'ensemble des questions géopolitiques d'Israël. Celles-ci se déclinent autour de trois axes : la relation avec le Sud Liban, l'éventuelle restitution du plateau du Golan en Syrie et la formation d'un Etat palestinien48(*). * 39 L'accord égypto-soudanais de 1959, article 1 § 1 et 2 * 40 L'accord égypto-soudanais de 1959, article 2 § 4 * 41 Ayman El Sayed ABD EL WAHAB, Les eaux du Nil dans les relations égypto-soudanaises, Perspectives africaines, printemps 2001, n° 5, p. 7 * 42 Cf. annexe III : Bassin du Tigre et de l'Euphrate * 43 Greg SHEPLAND, Rivers of Discord: International Water Disputes in the Middle East. New York: St. Martin's Press, 1997, p. 103-143 * 44 Cf. annexe IV : Bassin hydrographique du Jourdain * 45 A Washington, le 26 octobre 1994, Israël et la Jordanie ont signé un accord de paix garantissant la souveraineté des deux Etats, la paix mutuelle et le respect des frontières étatiques. Ils se sont mis d'accord sur les questions de l'eau, de l'énergie et de l'environnement. Les deux parties se sont accordées sur la légitime répartition des eaux du fleuve Jourdain et de la rivière Yarmouk. Ce traité détermine les quantités d'eau allouées aux deux états et l'article 1er de l'annexe II stipule que durant l'été, Israël a le droit d'utiliser 12 millions de m3 des eaux du Yarmouk et 13 millions durant l'hiver. En contrepartie, Israël s'engage à fournir 50 millions de m3/an à la Jordanie d'eau potable supplémentaire, dont 20 millions seront fournis par un stock réservé dans le lac de Tibériade. Dans Raphaël GODEFROY, Audrey KICHELEWISKI. L'eau dans les relations israélo-arabes, Proche-Orient Info., mai 2002, http://www.proche-orient.info/xdossier_article.php3?id_article=239 (19 août 2002) * 46 E. Johnston : C'est le nom de l'émissaire de président américain E. Eisenhower * 47 Hillel L. SHUWAL, Le problème du partage de l'eau entre Israël et les Palestiniens : a la recherche d'une solution équitable, Monde arabe / Maghreb - Machrek, octobre - décembre 1992, n° 138, p. 39-41 * 48 André DULAIT, François THUAL. Le Moyen-Orient et l'eau, Paris : CRESPI, juin 2000, p. 59-69 |
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