Annexes 3 des photos :
Photo n°1 : La case ronde 88
Photo n°2 : La maison en tôle
89
Photo n°3 : Maison d'un migrant
à Diéoura 89
Photo n°4 : Les locaux de la mairie
de Diéoura 90
Photo n°5 : Maison d'un migrant
à Bamako 90
Photo n°6: Puits à grand
diamètre Founto 91
Photo n ° 7 : Paysage de savane
à Noumokolo 92
Photo n°8 : Paysage
désertique à Tassara
Remerciements
Si je suis l'auteur de ce mémoire, je suis aussi
contraint par ma conscience morale de remercier ceux et celles qui se sont
montrés disponibles pour la réussite de mes recherches.
Ces remerciements vont à l'endroit de :
- Ma directrice de mémoire, Claire Ollivier, qui
malgré son emploi de temps trop chargé, a suivi les travaux de ce
mémoire avec grand intérêt et une rigueur scientifique dont
je m'inspirerai.
- L'administration et les professeurs de l'Université
Denis Diderot, Paris7 et, particulièrement, les professeurs du
département de géographie qui n'ont ménagé aucun
effort pour me permettre d'acquérir de nouvelles connaissances et
compétences.
- Mes camarades de classe pour les échanges fructueux dans
une atmosphère cordiale.
- Monsieur Camara Sadio, représentant du chef du village
de Diéoura en France.
- Monsieur Magassouba Harouna Président de l'Association
pour le Développement de la Commune de Diéoura.
- Les familles KEITA, GASSAMA, CAMARA, GARY, WAGUE
résidant en France pour leur soutient
financier et moral constant.
- Tous les émigrés de la commune de Diéoura
en France.
- Tous les chefs de village de la commune de Diéoura.
- Mon oncle Mamadou Kanté et mon ami Daouda Coulibaly pour
leur apport intellectuel.
Bref, que tous ceux qui de loin ou de prés, ont
contribué à la réalisation de ce mémoire trouvent
ici l'expression de ma profonde gratitude.
Je ne peux clore ces remerciements sans rappeler l'estime que je
porte au plus profond de mon coeur aux Maliennes et Maliens qui font une
pression financière sur eux- mêmes pour améliorer le
quotidien des familles et villages au bercail.
A tous, j'exprime ma profonde gratitude et ma reconnaissance.
Boulaye Keita.
Introduction
L'Afrique est un vaste continent qui offre au géographe
plusieurs possibilités d'analyse pour mieux appréhender
l'organisation de l'espace. Une des questions fondamentales est celle de la
gestion des territoires. Parmi les éléments qui façonnent
ces territoires, nous avons les migrations. L'étude des migrations dans
ce mémoire est à mettre en rapport avec le processus de
décentralisation en au Mali.
Depuis 1992, le Mali s'est engagé dans une politique de
décentralisation conduite par la troisième République. Au
niveau territorial, la principale composante de cette réforme est la
réorganisation du découpage territorial sur l'ensemble de
l'espace national dont l'unité de base est la commune1.
Dans la commune de Diéoura, les dynamiques de
développement se sont en grande partie appuyées sur
l'extérieur car fondées sur la migration.
De nombreuses associations de développement ont
été créées au sein d'un réseau social
reliant les villages aux lieux d'émigration. L'action des migrants
s'inscrit aujourd'hui dans un conteste national, les effets à
l'échelle locale sont d'une grande importance pour comprendre
l'organisation socio-spatiale. Les migrants sont en effet les principaux
acteurs du développement dans la commune de Diéoura.
L'objectif à atteindre dans ce travail est
d'étudier les effets des migrations sur l'espace communal à
travers les relations que tissent les migrants avec leur lieu d'origine. Il
s'agit surtout de voir le rôle des migrants dans ce nouveau contexte de
la décentralisation au Mali.
Nous formulons l'hypothèse que la migration est facteur de
développement et un facteur de recomposition territoriale à
l'échelle locale,
Qu'il y a une corrélation entre migration et
pauvreté ?
Pourquoi la France reste t-elle une destination
privilégiée des ressortissants de la région Kayes ?
Comment se sont structurés les réseaux migratoires
dans le temps et dans l'espace dans la commune de Diéoura ?
La décentralisation peut-elle contribuer à un
véritable décollage économique de la commune
1 - Stéphanie Lima, 1999
de Diéoura grâce à la volonté
affichée des migrants à développer leurs lieux
d'origine?
Voilà les réflexions autour desquelles nous allons
tenter de faire une analyse des effets des migrations dans la commune de
Diéoura.
Pourquoi faire encore une étude des migrants maliens en
France dans la mesure où de nombreux travaux ont été
réalisés sur la question ?
Soninké, originaire de la région
émettrice de la majorité des migrants maliens en France (Kayes),
et étudiant en géographie, j'estime important de faire une
analyse des actions de développement de mes compatriotes à
l'échelle de ma commune d'origine.
Je suis également très impliqué dans les
mouvements associatifs au sein des migrants de la commune en France. Je suis
l'un des artisans de la création de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura (A. D. C. D),
première association de migrants créée à
l'échelle de la commune. J'ai joué un rôle de
médiateur entre les anciens et les jeunes avant la création de
l'association. C'est la raison principale pour laquelle mon premier poste a
été « Secrétaire chargé des conflits » au
sein de l'équipe qui dirige les actions de l'association puis «
Secrétaire administratif » et actuellement « Secrétaire
chargé des relations extérieures » afin d'établir les
contacts avec les partenaires du développement (O.N.G.,
départements, collectivités locales ). Actuellement je
travaille aussi sur un projet de développement pour la commune de
Diéoura.
L'une des raisons principales de ma motivation tient au fait
que les études réalisées jusque là sur les
migrations maliennes en France portent sur l'ensemble de la région de
Kayes ou d'autres cercles que de Diéma auquel appartient ma commune.
Cependant on trouve des disparités importantes à
l'intérieur de cette région. De plus, les effets de ces
migrations sont plus visibles à échelle des villages que dans les
grandes villes en sens qu'il est beaucoup plus facile de distinguer dans les
villages les réalisations des migrants dans la structuration de l'espace
contrairement aux villes où on une
hétérogénéité d'acteurs qui transforment
l'espace urbain.
Avec ce mémoire, je trouve un moyen d'apporter ma
modeste contribution au débat lié à l'immigration qui fait
couler beaucoup d'encre ici en France. La finalité de cette étude
est peutêtre un moyen de montrer aux partenaires du développement
qu'il existe dans la région de Kayes une commune qui a de nombreux
atouts et de les inciter à intervenir là-bas.
Nous précisons déjà que notre choix s'est
porté sur les habitants de la commune de Diéoura
émigrés en France car que la mobilisation des migrants en
matière de développement local y est
grand, en ce sens que les migrants de France ont plus de
moyens pour s'engager dans le développement de leur lieu d'origine que
d'autres comme ceux du Gabon ou de Côte d'Ivoire par exemple.
Il faut dire que la région de Kayes connaît une
forte émigration de ses habitants depuis des siècles.
L'ancienneté des pratiques migratoires dans la région de Kayes
est une vérité évidente. C'est l'une des régions
les plus enclavées du Mali.
Il y aurait aujourd'hui environ 120. 000 Maliens en France
dont 95 % sont Soninkés et originaires de la région de
Kayes2. Les 2/3 d'entre eux vivent dans la clandestinité.
Plus de 180 millions d'euros transitent annuellement de France
vers le pays d'origine des migrants. 75% des transferts sont consacrés
à la consommation familiale.
Selon les résultats de l'enquête menée par
l'Association pour le Développement de la Commune (A.D.C.D.), il y a 630
émigrés de la commune de Diéoura en France. Ce chiffre ne
prend pas en compte les enfants nés en France et les migrants de la
commune installés dans les grandes ville au Mali ou ailleurs.
Au Mali, depuis la décentralisation, les populations
sont chargées de gérer leurs propres affaires. On assiste ainsi
à un retrait de l'État dans la gestion locale à l'occasion
de la création des communes. Avec ce nouveau processus, beaucoup de
cadres pourront être utiles à leurs lieux d'origine.
Nous, intellectuels maliens et émigrés
aujourd'hui en France, sommes tous conscients que si les sommes
rapatriées par les Maliens de l'extérieur en
général et ceux de France en particulier, sont
gérées de façon concertée, elles peuvent constituer
les moyens d'un développement durable et épanouissant. Membre de
cette population et témoin de la réalité des situations,
au pays et en France, j'ai tenté de me rapprocher de ces immigrés
en France pour recueillir auprès d'eux toutes les informations utiles
dont l'analyse minutieuse pourra améliorer le futur.
Après avoir présenté la
méthodologie utilisée et les choix des méthodes pour la
réalisation de ce mémoire, je traite dans une première
partie, la dynamique des réseaux migratoires dans le temps et dans
l'espace construits par les Soninkés. Ici il s'agit de comprendre les
raisons de la forte migration des habitants de la zone appelée « le
bassin du fleuve Sénégal », de la région des trois
frontières entre la Mauritanie, le Mali et le Sénégal.
Dans une seconde partie, je m'intéresse à
l'étude des apports et des effets des migrations des
2 - Le monde 11 février 2003
ressortissants de la commune de Diéoura et leurs effets
à l'échelle de la commune. Il s'agit du rôle joué
par les migrants dans les villages d'origine collectivement et au niveau des
familles individuellement. C'est dans cette partie que je vais tenter de mettre
en lumière les réalisations des migrants de la commune de
Diéoura après avoir étudié la genèse des
associations Soninkés en France.
Enfin une troisième partie sera consacrée
à l'étude de l'action des migrants et le processus de
décentralisation, les limites et les perspectives pour un
véritable développement de la commune de Diéoura.
Précision sur quelques termes utilisés
:
Pour faciliter la compréhension de ce travail à
tous les lecteurs, il s'avère nécessaire de cerner certaines
expressions utilisées.
- Immigré:
Selon la définition de l'INSEE, la population
immigrée est composée des personnes nées
étrangères dans un pays étranger. Cette définition
de la population immigrée se référant à deux
caractéristiques invariables liées à la naissance des
personnes, un individu né à étranger continue d'appartenir
à la population immigrées même si sa nationalité
change.
Il ne doit pas être confondu alors avec le mot
étranger. Les deux notions ne se recouvrent que partiellement puisqu'on
peut être étranger sans avoir immigré. C'est le cas des
enfants nés en France de parent immigrés. Inversement, n peut
être immigré et français par voie de naturalisation. Ainsi,
le statut des Maliens venus faire fortune en France diffère-t-il de
celui de leurs enfants nés sur le territoire
français3.
- Les mots immigré et émigré sont
deux faciès de la même personne:
Les personnages de l'émigré et de
l'immigré occupent tour à tour une place centrale, selon que l'on
se place du point de vue des sociétés de départ ou celles
d'arrivée. Dans ce jeu de préfixes instituant le sens du
mouvement (la sortie ou l'entrée) l'émigré et
l'immigré sont moins définis en référence à
leur propre trajectoire que par rapport au conteste spatial et social qui a
servi de cadre à leur mouvement.4
Plus que par leur statut dans le pays où ils se
trouvent, forcément instables, ils s'individualisent par le rapport
qu'ils construisent et entretiennent avec les deux pays simultanément.
Ni immigrés, ni émigrés, ils sont des migrants.
Pour éviter la confusion entre immigré et
émigré, j'ai surtout utilisé dans ce travail le mot
migrant. L'utilisation des mots immigré ou émigré
dépendra de l'espace auquel on se réfère.
3 - P. Bouquier et al, 1999
4 - L. Faret, 2003
Conditions de travail et méthodologie de
recherche
Pour être efficace dans la réalisation de ce
mémoire, une recherche a été nécessaire, au cour de
laquelle j'ai effectué des enquêtes pour saisir certaines
réalités du processus migratoire dans le temps et dans
l'espace.
1 - conditions de travail
La collecte d'informations s'est déroulée dans
deux espaces indispensables pour cette étude: dans les foyers
d'immigrés en France et principalement en Ile de France et dans la
commune de Diéoura au Mali, le lieu d'origine des migrants auxquels nous
nous intéressons. En plus de ces deux lieux, j'ai mené une
recherche documentaire dans les bibliothèques universitaires, à
la Bibliothèque Nationale de France (BNF), au centre Georges Pompidou et
surtout au centre de documentation du C.N.R.S. (REMISIS) de Paris7, au site de
Montréal-Tolbiac.
a - Le terrain de la recherche en France :
- Recherche documentaire :
Cette recherche a surtout consisté en une lecture
approfondie des travaux déjà réalisés sur les
migrations internationales et plus particulièrement les ouvrages sur les
migrations Soninkés et maliennes en France et dans le monde. Il existe
déjà de nombreux travaux sur le même thème mais
cette lecture me permettait de replacer mon étude de cas dans un cadre
général et de faire apparaître ses particularités.
Il s'agissait aussi de voir la diversité des dynamiques migratoires dans
le temps et dans l'espace.
- Les foyers d'immigrés en Ile de France
:
La recherche d'informations dans les foyers s'est
effectuée auprès des personnes fortement impliquées dans
les mouvements associatifs pour le développement des lieux d'origine. Le
foyer est le lieu abritant les doyens des différents groupes sociaux,
les responsables d'associations ou de caisses de solidarité. Ils
constituent aussi les lieux des réunions au cours desquelles se
décident les projets de développement pour les villages, les
cérémonies de mariage, de décès ou de
baptême. Les foyers restent encore les lieux où habitent les
immigrés Soninkés dans leur grande majorité. En plus de
leur rôle de logements sociaux, les foyers sont aussi des maisons
d'associations parce que les sièges des associations s'y trouvent, ainsi
que à l'adresse de leurs
Présidents. Tenant compte de tous ces
éléments, j'ai donc accordé une attention
particulière aux foyers d'immigrés pour la réalisation de
mes enquêtes.
La difficulté principale dans les foyers tient au fait
que les gens ne sont pas toujours disponibles pour me recevoir et pour des
entretiens approfondis. Souvent j'ai été obligé de
reporter à d'autres dates mes entretiens du fait du programme trop
chargé de certains migrants. Néanmoins j'ai pu recueillir les
informations nécessaires à la réalisation de ce
mémoire.
J'ai aussi réalisé des enquêtes
auprès des immigrés de la commune de Diéoura qui vivent
avec leur famille (épouses et enfants) en France. Il faut dire là
que le contact a été plus difficile que dans les foyers. Par
exemple, dans les foyers je partais réaliser mes enquêtes pendant
les week-ends, souvent sans rendez. Par contre, les migrants qui vivent avec
leur famille, sont logés dans des appartements et n'étaient
toujours sur place pour des entretiens approfondis.
Les enquêtes ont été en
général réalisées pendant les week-ends, les jours
de repos des travailleurs migrants. En plus c'est pendant les week-ends qu'on a
la chance de rencontrer un nombre important de migrants dans les foyers.
b - La collecte d'informations dans la commune de
Diéoura au Mali :
La seconde phase, décisive, de ma recherche s'est
déroulée dans la commune de Diéoura, le lieu d'origine des
migrants. La recherche de terrain au Mali a débuté le 15 avril
2004 et s'est terminée le 30 juin 2004 qui correspond aussi à la
date de mon retour en France.
Ce séjour dans la commune de Diéoura a
coïncidé avec la saison sèche au Mali. Cela m'a permis de
trouver la plupart de mes interlocuteurs sur place. Majoritairement paysans,
les habitants de la commune de Dièoura se reposent pendant saison
sèche, surtout les mois qui suivent la fin des récoltes (mars,
avril mai). Cette période correspondait cette année avec
l'organisation des élections communales au Mali, ce qui m'a privé
des entretiens approfondis prévus avec l'ancien maire de la commune de
Diéoura.
La difficulté pour moi, est venue du fait que les
migrants jouaient un rôle dans ces élections. Donc souvent les
gens m'ont considéré comme un migrant et non comme un
étudiant chercheur. Cela a beaucoup influencé les réponses
des enquêtés. A cause de la campagne électorale, je n'ai
pas eu suffisamment de temps avec le Maire sortant pour connaître ses
relations avec les migrants de la commune en France. Heureusement, en octobre
2003, j'avais eu un entretien avec lui à Paris qui reflétait ses
véritables ambitions pour la commune et ses
relations avec les migrants.
En effet, mon entretien avec l'ancien Maire l de la commune de
Diéoura, a été un véritable échec au moment
de mes enquêtes au Mali, dans la mesure où il ne voyait pas mon
rôle d'étudiant mais de migrant. Excepté l'ancien Maire,
j'ai eu des entretiens intéressants avec les autres personnes que j'ai
ciblées dans cette recherche dans la commune de Diéoura.
J'ai tenu compte du rôle social ou politique que jouent
les personnes interrogées dans les lieux d'origine. Il s'agit des chefs
de village et de leurs conseillers, du maire, des chefs de famille, de femmes,
de jeunes non migrants et d'anciens migrants.
Il faut aussi préciser que pendant cette recherche,
dans la commune de Diéoura je suis passé au moins deux fois dans
chaque village de la commune. La première visite était une prise
de contact avec mes enquêtés. C'était une manière
pour moi de me familiariser avec eux et de les informer de l'objet de mon
étude. La deuxième visite a consisté à
réaliser les enquêtes et à visiter le village avec un
responsable local pour voir les réalisations des migrants et les projets
en cours. Je suis passé à plusieurs reprises dans le village de
Diéoura, chef-lieu de la commune à dix huit kilomètres de
mon village (Founto), car c'est là que se décident les projets de
la commune. C'est donc dans le village de Diéoura que j'ai tenté
d'étudier les transformations du paysage villageois sous l'action des
migrants.
Hormis les réalisations collectives, j'ai
étudié les pratiques individuelles des migrants et notamment en
matière de construction immobilière dans le village de
Diéoura.
J'ai également consacré en complément une
dizaine de jours à Bamako (20 -30 juin 2004). Ce séjour de Bamako
était important dans la mesure où la plupart des migrants
investissent dans cette ville, privant de plus en plus les villages d'origine
des transferts de fonds des migrants. Pendant ce séjour à Bamako,
j'ai discuté avec quelques candidats au départ pour la France
afin de savoir leurs réelles motivations. J'ai aussi cherché
à rencontrer des hommes d'affaires impliqués dans l'organisation
des réseaux clandestins. J'ai cherché à comprendre les
multiples difficultés liées à l'obtention de visas pour
atterrir sur le sol français et l'évolution spectaculaire des
tarifs du voyage.
La collecte de données au Mali a été un
atout indispensable pour la réalisation de mémoire. Le travail de
recherche au Mali m'a permis de dépasser le cadre théorique de
l'étude des effets des migrations et de comprendre la
réalité des choses.
2 -Les méthodes utilisées :
Il est également important de préciser que j'ai
tenu un langage de vérité à toutes les personnes que j'ai
rencontrées. J'ai expliqué aux gens mon statut de simple
étudiant pour ne pas influencer leurs réponses.
Pendant les travaux de terrain, j'ai utilisé plusieurs
méthodes d'enquêtes, car pour mieux cerner les dynamiques
migratoires, une seule technique ne pouvait me fournir toutes les informations
fiables.
.a - Les entretiens ouverts :
Pour avoir beaucoup d'informations, des entretiens ouverts ont
été réalisés avec quelques personnes fortement
impliquées dans les affaires de la commune ici en France comme au
Mali.
J'ai eu plusieurs entretiens avec Mr Camara Sadio, le
représentant du chef de village de Diéoura en France. Mais j'ai
remarqué que les entretiens ouverts poussaient certaines personnes
à aller souvent loin du sujet. Par exemple dans la recherche de
l'information liée à la mise en place des premiers réseaux
migratoires, certains vieux nous amenaient sur le champs des conflits de
générations, entre les vieux et les jeunes. L'entretien ouvert a
permis aussi de cerner les thèmes sensibles susceptibles de créer
des tensions dans la commune. L'entretien ouvert permet de déclencher le
dialogue et de laisser s'exprimer librement les personnes interrogées.
L'entretien ouvert a été beaucoup utilisé dans cette
étude pour comprendre à fond la réalité de
certaines choses.
b - Les interviews enregistrés:
Au départ, je n'avais pas envisagé de faire des
interviews enregistrées pour éviter que le magnétophone ne
dérange les personnes interrogées et ne les déconcentrer.
Mais je l'ai utilisé avec l'ancien Maire de la commune de Diéoura
et Mr Magassouba Harouna, le Président de l'Association pour le
Développement de la Commune de Diéoura (ADCD). L'interview me
permettait de connaître les différents points de vue et opinions
par rapport aux tensions dans la commune. Souvent dans les interviews, je n'ai
pas hésité à poser des questions liées à des
problèmes très sensibles de la commune car j'ai compris que la
prise en compte des tensions sociales me permettait de bien comprendre les
agissements des migrants, par exemple en ce qui concerne la création de
la caisse de solidarité et de l'Association pour le Développement
de la
Commune de Diéoura, de même que les conflits
liés au processus de décentralisation au Mali.
La caisse de solidarité est une caisse des migrants en
France et gérée par les anciens, généralement
notables du village. Les gestionnaires de cette caisse rendent très
rarement compte de leurs actions aux migrants. Le paiement des cotisations est
obligatoire
Par contre en ce qui concerne l'association pour le
développement communal, on a une équipe composée de jeunes
de toutes les catégories de personnes (nobles, et castes). Les projets
de l'association sont débattus en public de façon
démocratique, en présence de la majorité des migrants, sur
proposition des membres de l'association. J'ai aussi cherché à
comprendre, grâce l'interview, les axes prioritaires de
développement selon les migrants et les non migrants.
c - Enquête par questionnaire :
J'ai utilisé le questionnaire auprès de toutes
les catégories des migrants en France et un certain nombre de chefs de
famille à Diéoura (Mali). L'objectif du questionnaire fait
surtout de connaître les caractéristiques
sociodémographiques des migrants (âge, sexe, ethnie, profession,
...). Avec le questionnaire j'ai aussi cherché à comprendre la
vie des migrants en France, les conditions d'entrée en France, le projet
des migrants, les relations avec le lieu d'origine.
J'ai interrogé 50 personnes en France dont 15 femmes,
et 30 personnes au Mali dont 9 femmes. C'est encore une migration
essentiellement masculine. Le nombre de femmes émigrées de la
commune n'atteint pas 50. Toutes ces femmes vivent avec leur mari. Même
si les immigrés se déclarent mariés, ils vivent en France
en célibataires dans leur grande majorité.
Le questionnaire permet de dégager des tendances qui, par
manque d'exhaustivité et qui ne reflètent pas une
réalité absolue.
d - Enquêtes par observation participante
:
Compte tenu de mon implication dans les mouvements associatifs
des migrants de la commune de Diéoura en France, l'observation
participative a été au coeur de cette recherche. Rien ne me
différencie des migrants car nous vivons les mêmes
réalités en France. Dans ce travail de recherche, la
difficulté pour moi était de ne pas pouvoir faire souvent la
différence entre mon rôle d'étudiant et de migrant
engagé
Cette méthode a été surtout utilisée
pour comprendre les comportements locaux des migrants
dans les foyers mais aussi au retour dans le lieu d'origine.
L'observation m'a permis de connaître certains aspects de la vie
quotidienne des migrants. À partir de l'observation, j'ai cherché
à connaître la différenciation entre les familles, les
villages, et les ethnies fortement au moins impliquées par les
migrations. Par exemple la différenciation dans l'habitat des lieux
d'origine et la présence de certains équipements dans la maison
(moto).
J'ai voulu, pendant cette phase de terrain, rencontrer un
responsable des ONG, KARED (Agence du Kaarta pour l'action
Développement) ou PGRN (Programme de Gestion des Ressources Naturelles),
qui travaillent dans la commune afin de connaître les relations entre ces
différents partenaires et les ressortissants de la commune de
Diéoura en France. Mais cela n'a été possible ni en France
ni au Mali.
En France comme au Mali, la difficulté majeure a
été le contact avec les femmes, pour des raisons sociales. Pour
avoir le contact avec les femmes, j'ai été obligé de
demander l'autorisation aux chefs de famille et les interroger en leur
présence, ce que j'ai regretté car ce biais pesait
énormément sur les réponses des enquêtées.
Globalement, la recherche d'information a été
plus difficile que prévu. J'ai réalisé des enquêtes
dans la mesure où je ne disposais pas de l'ensemble des informations sur
ma commune dans les ouvrages que j'ai consultés sur ce thème.
Aucune étude n'a été jusqu'à là
réalisée sur la commune de Diéoura d'où la
nécessité de mener une recherche efficace de terrain.
PREMIERE PARTIE :
LES DYNAMIQUES MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES
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