1.2- Production semencière
Les difficultés de production des semences de plantes
fourragères tropicales sont une entrave à l'extension de leur
culture (Boudet, 1984). Alors des techniques culturales particulières
doivent être appliquées pour obtenir une récolte suffisante
de semences. Il faut aussi des critères de sélection des plantes
pour la production des semences fourragère.
1.2.1- Critères de sélection des plantes
fourragères pour la production des semences
Les plantes sont sélectionnées dans leur milieu
naturel (savane, jachère, bordure de forêt) en fonction des
principaux critères suivants:
+ la résistance aux maladies et aux prédateurs;
+ le rendement en matière sèche (qui a
été longtemps le critère dominant)
+ la qualité: c'est un critère plus difficile
à mesurer que les précédents. Il faut apprécier la
valeur alimentaire de la plante qui diminue lorsque la durée de repousse
s'allonge. Pour cela, il faut effectuer des analyses chimiques et mesurer la
digestibilité de différents constituants et
l'ingestibilité globale. Ces deux derniers exigent la présence
des animaux, donc des surfaces déjà importantes en fourrages;
+ l'aptitude à la multiplication par graine à la
faveur des éleveurs, si ces dernières ne sont pas trop
chères;
+ la facilité d'installation pour limiter les
désherbages.
1.2.2- Influence de la biologie des plantes
fourragères sur la production semencière
Observer la biologie de la plante permet de comprendre les
effets de la croissance et du développement sur le rendement potentiel
en semence, avant la floraison. Ce rendement potentiel est estimé par
ses composantes, c'est-à-dire le nombre de talles, le nombre de talles
fertiles, le nombre de panicules et le nombre d'épillets par panicule.
Quatre phases importantes de développement ont un impact sur la
production semencière. Ce sont la phase végétative, la
période comprise entre l'induction florale et l'épiaison, la
phase d'épiaison des panicules et celle qui correspond à
l'évolution de l'anthèse sur la panicule, avec ses
conséquences sur l'égrenage.
1.2.2.1- Phase végétative
La croissance initiale, exponentielle, du nombre de talles a
été observée chez les graminées
tempérées comme la fléole et la fétuque (Langer
et al, 1963). L'augmentation de la compétition entre talles au
cours de la croissance diminue leur vigueur individuelle. La mortalité
et l'inhibition des bourgeons augmentent, c'est le début de la phase
linéaire. Pour maximiser les potentialités semencières, il
convient de faire coïncider la fin de la phase exponentielle avec la date
d'induction, c'est-àdire la date où la phase reproductive est
induite. En effet, les talles doivent posséder une certaine vigueur ou
une certaine maturité pour être induites. Cette vigueur minimale
sépare la phase juvénile de la phase reproductive. Lorsque ces
conditions sont requises, l'effet de la vigueur devient quantitatif et affecte
le nombre d'épillets et la taille de la future inflorescence (Ryle, 1964
; Bean, 1970).
1.2.2.2- Phase de l'induction à
l'épiaison
La floraison des graminées regroupe différentes
phases. Ainsi les principales phases qui conduisent à la transformation
de l'apex végétatif en inflorescence sont l'initiation,
l'apparition de ramifications des inflorescences, puis d'épillets.
L'initiation
est détectée par l'apparition de doubles rides
sur l'apex. Elle résulte d'une induction survenue 8 à 10 jours
plus tôt. Les ramifications de l'inflorescence apparaissent peu
après et, en quelques jours, le nombre des épillets est
déterminé. Ce nombre est d'autant plus important que la talle
induite est vigoureuse (Bean, 1970).
1.2.2.3- Phase d'épiaison
La talle fertile est capable d'émettre plusieurs
panicules selon un processus de ramification appelé «culum
branching« par les anglosaxons. Ce phénomène est
fréquent chez les graminées et plus particulièrement chez
les graminées fourragères (Boonman, 1971). Chez l'espèce
Panicum maximum, après avoir émis une première
panicule en position terminale (panicule principale), la talle fertile peut
produire à intervalles réguliers une série de panicules
primaires, secondaires et tertiaires au niveau du deuxième et du
troisième noeud situés sous l'inflorescence principale (Noirot,
1990). La ramification est théoriquement infinie. En pratique, des
talles à sept panicules n'ont jamais été observés
et des talles à six panicules n'apparaissent qu'à faible
fréquence (0,2%), même chez la variété C1 où
l'aptitude à ramifier est la plus intense (Mandret et Noirot, 1999).
Cette aptitude est une caractéristique clonale, mais elle dépend
aussi de la vigueur de la talle. Les différences de vigueur
amènent les talles à arrêter leur ramification à
différents stades (2, 3, 4, 5 ou 6 panicules), parfois dès la
panicule principale (Noirot, 1990). Le délai qui sépare
l'émergence de deux panicules est d'environ 12 jours chez les talles
vigoureuses, mais peut atteindre 21 jours chez les talles les plus faibles.
L'ensemble des panicules principales constitue la première vague
d'épiaison, dont la durée d'un mois correspond à
l'étalement de l'initiation. Les vagues d'épiaison d'une
durée d'environ un mois succèdent tous les 12 jours, conduisant
à la présence de plusieurs pics d'épiaison. Ainsi le
nombre moyen de panicules émises au cours du temps tend à
diminuer et les vagues conservent sensiblement le même étalement,
mais sont de plus en plus aplaties. Pour le producteur de semences, c'est sur
la première vague d'épiaison que doit s'effectuer la
récolte.
1.2.2.4- Evolution de l'anthèse :
conséquences sur l'égrenage
L'anthèse n'affecte pas simultanément tous les
épillets de la panicule et s'étale sur plus de 6 jours chez
Panicum maximum (Javier, 1970). L'apparition des stigmates commence
par le sommet et se propage dans le sens basipète. Les épillets
situés dans un même secteur de la gaine fleurissent ensemble
(Noirot, 1992). Leur date de floraison dépend alors de la vitesse de
propagation, basipète, de la floraison le long de la panicule. Ainsi
connaître la répartition des épillets dans la gaine
à l'épiaison et la vitesse de propagation de la floraison permet
de prévoir le nombre journalier d'épillets en fleur sur la
panicule.
La répartition des épillets sur la panicule
engrainée présente un maximum situé en position
médiane. La quantité d'épillets par inflorescence et leur
répartition sont déterminées par la vigueur de la talle au
moment de l'induction (Gillet, 1980 ; Noirot, 1992). Entre clones, les
différences de répartition sont aussi liées à des
différences de taille d'inflorescence. Cette répartition a une
forme triangulaire et dissymétrique chez trois clones (Mandret et
Noirot, 1999). La vitesse de propagation de l'anthèse n'est apparemment
modifiée ni par la date d'épiaison ni par l'ordre de ramification
de la panicule. En revanche, chez P. maximum, la vitesse de
propagation dépend du clone et est liée aux dimensions des
panicules: 1,95 cm par jour pour la variété C1 ; 4,08 cm par jour
pour la variété 0267 ; 5,92 centimètre par jour pour la
variété T58 (Noirot, 1992)
En fait, la panicule accomplit sa floraison en un même
nombre de jours (7 ou 8 jours), quelle que soit sa taille. Le
déroulement de l'anthèse peut être perturbé dans
certaines conditions écologiques. Certains épillets ne
fleurissent pas et d'autres fleurissent en retard. Les effets indirects sur la
fertilité et le rendement sont importants et la production peut
dès lors chuter jusqu'à 10% des potentialités (Noirot et
Ollitrault, 1996). Chez la variété C1, la chute
des graines commence lorsque la floraison est quasiment réalisée,
soit environ 8 jours après l'apparition du premier stigmate. Epillets
vides et graines pleines tombent simultanément. L'égrenage est
maximal 13 jours après le début de l'anthèse, mais
surtout, il est très rapide : 50% des épillets perdent leur
graines en 3,5 jours (Noirot et Ollitrault, 1996).
Des différences de délai entre floraison et
égrenage existent entre les clones et les espèces.
Chez P. maximum, les variétés C1 et 2A4
ont un délai d'égrenage compris entre 9 et 11 jours, il est de 6
jours chez la variété Common Guinea et de 12 à 14 jours
chez la souche 64 (Mandret et Noirot, 1999). Enfin, la présence, ou
l'absence, de perturbations dans l'anthèse n'intervient pas sur les
délais d'égrenage. D'un point de vue pratique, la récolte
doit avoir lieu, selon la variété, entre 6 et 12 jours
après le maximum de floraison. Déterminer la date optimale de
récolte de la variété par rapport à la date du
maximum d'épiaison est une priorité pour chaque producteur de
semences (Noirot, 1990).
|