CHAPITRE II- PRATIQUE DE FINANCEMENT DU COMMERCE INTERNATIONAL
DANS L'UEMOA
2.1 Paradoxe de financement dans l'UEMOA (surliquidité
bancaire et sous financement des activités)
Le système bancaire de l'UEMOA connaît un
excès de liquidité qui contraste avec la situation du sous
développement dans lequel se trouve l'ensemble de ses pays membres. Ces
pays dont la plupart font partie des plus pauvres du monde ont un secteur
productif et des PME qui manquent fréquemment de financement
nécessaire à leur développement.
De ce fait, ils réalisent souvent des performances
économiques médiocres en termes de croissance par rapport aux
autres pays du tiers monde. L'endettement reste la seule possibilité
pour ces pays de financer leurs projets de développement. En plus dans
la zone UEMOA le financement des projets de développement ne peut
provenir que d'une épargne préalable.
Une telle analyse associant le sous développement
à la faiblesse de l'épargne néglige les difficultés
d'accès au crédit des entreprises à la
particularité du marché bancaire dans les pays de l'UEMOA. Dans
ces pays, ce ne sont pas les ressources qui font défaut mais le
mécanisme d'intermédiation qui consiste à la
transformation des ressources en prêts aux agents à besoin de
financement.
Les banques ont des comportements qui freinent le circuit
économique. Avec une rentabilité élevée, elles
préfèrent conserver plutôt que prêter une partie de
l'épargne collectée auprès de la clientèle. Il en
résulte une surliquidité qui se traduit par l'augmentation de
leur dépôt auprès de la banque centrale.
La mise en place de la bourse régionale des valeurs
mobilières et le recours des gouvernements à l'endettement
interne n'ont pas permit d'absorber intégralement l'excès de
liquidité des banques. Cet excès se conjugue en outre avec la
difficulté d'accès au crédit des PME et du secteur
productif.
Les contraintes de financement ont été
considérées par certaines études comme le principal
obstacle au développement de ces pays. Dans la zone UEMOA les
difficultés d'accès au crédit ne se limite pas aux seules
PME .Une grande partie du secteur privé est touché par ce
problème. L'importance et les enjeux liés à la question
d'accès au crédit ont conduit la Banque Centrale des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à réaliser
des « concertations sur le financement bancaire de
l'économie dans les Etats de l'UEMOA » (rapport annuel de la
BCEAO ; 2004 p 69-76).Leurs conclusions n'ont pas été
suivies de mesures permettant un véritable changement dans le
comportement des banques. La question de sous financement des entreprises reste
donc une question centrale en Afrique particulièrement dans les pays de
l'UEMOA où elle rime avec la surliquidité du système
bancaire. Il faut souligner que le mode de recyclage de l'épargne qui
s'opère actuellement dans l'UEMOA ne constitue pas une manière
efficiente de financer l'économie.
En effet, les banques préfèrent constituer des
encaisses oisives et profiter d'une situation de rente plutôt que de
prendre les risques de financer les activités productives et, quant
elles les financent, le niveau des taux d'intérêts est tel que
seul le secteur tertiaire y trouve son compte. En l'absence de toute reforme
cette situation n'est ni profitable aux intermédiaires bancaires, ni aux
entreprises qui sont les agents à besoin de financement. Au final c'est
la croissance et le développement économique de ces pays qui se
trouvent entravés.
L'excès de liquidité des banques de l'UEMOA peut
s'expliquer par trois principaux facteurs à savoir : Les
contraintes liées à la défense de la parité du
franc CFA, l'entrée des capitaux et le niveau élevé des
taux d'intérêts.
- Les contraintes liées à la
défense de la parité du franc CFA
L'excès de liquidité bancaire a commencé
après la dévaluation du franc CFA en 1994 à la suite de
mesures prises trois règles de fonctionnement sont observables dans
l'UEMOA. La stabilité interne et externe de la valeur de la monnaie y
est devenue la préoccupation majeure, ce qui fait de la constitution des
réserves de change l'objectif principal de la politique
monétaire. L'obtention de cet objectif nécessite l'imposition des
fortes contraintes afin d'encourager les activités dirigées vers
l'extérieur qui sont rapporteuses de devises. Ce phénomène
a été accompagne par les banques qui préfèrent
financer à court terme et moyen terme le tertiaire, notamment le
commerce, tandis que la part des crédits accordés aux PME et aux
secteurs productifs tournées vers l'intérieur est plus
limitée.
- Les entrées des capitaux
L'afflux des capitaux découle de mesures
élaborées dans le domaine monétaire. Le secteur bancaire
étant favorable au financement des entreprises tournées vers
l'extérieur (agricoles, commerciales et minières), celles-ci
se sont développées et ont plus ou moins contribué
à l'augmentation de la liquidité d'ensemble de la zone UEMOA
à travers le commerce extérieur et en fonction de l'environnement
international (cours des matières premières et cours des monnaies
de cotation de ces matières).
Ensuite il faut ajouter les transferts des
émigrés de la zone. Ces transferts, aussi importants soient-ils,
sont difficiles à chiffrer en raison du nombre important des
réseaux informels de transfert d'argent. A ces facteurs, il faut
souligner le rôle joué par l'aide publique au développement
et par l'annulation de la dette de certains pays consécutive à
l'initiative pays pauvres très endettés.
Dans la zone UEMOA le solde global de la balance des paiements
est presque toujours excédentaire. Cela signifie que les entrées
des capitaux sont supérieures aux sorties, ce qui se traduit par une
augmentation systématique de la liquidité d'ensemble des pays de
l'UEMOA. Ensuite, on peut noter que la balance commerciale et les soldes des
opérations financières et des transferts courants sont souvent
excédentaires.
- Les taux d'intérêts exorbitants
entravent le financement de l'activité
Le niveau élevé des taux d'intérêts
n'explique pas en lui-même l'excès de liquidité du
système bancaire de l'UEMOA, mais il constitue un véritable frein
au recyclage de cette surliquidité à des fins productives. Cette
hausse exclut une partie des emprunteurs du circuit de financement informel et
pourrait engendrer un problème de sélection. En plus c'est un
obstacle au développement des activités tant des entreprises que
des banques elles-mêmes. En effet, le haut niveau des taux
d'intérêts peut engendrer une hausse de la proportion des
créances en souffrance. L'augmentation des risques de défaut qui
en résulte pourrait entraîner une hausse de la probabilité
de l'occurrence des crises financières. Quatre raisons principales sont
souvent évoquées pour expliquer le niveau élevé des
taux d'intérêts et du sous- financement de l'économie qui
en résulte : Le risque important de défaut des emprunteurs,
le manque de projet bancable, l'absence de normes comptables et la faiblesse du
système judiciaire.
Le problème de surliquidité de l'UEMOA est bien
un paradoxe, d'abord parce qu'elle touche une zone composée
quasi-exclusivement des pays pauvres et, qui ont fort besoin de financement,
mais ensuite parce que le mode de résorption de cette
surliquidité laisse non résolue la question du financement du
secteur privé et les PME. La suppression du financement de la banque
centrale aux Etats a eu pour but d'éviter la stérilisation de la
création monétaire et d'inscrire d'avantage l'action
monétaire dans la tradition orthodoxe. En revanche la question qui reste
posée est celle du financement des PME/TPE et de certains secteurs
d'activité qui peinent à accéder au crédit bancaire
qui est le nerf de toute activité économique.
|