Christologie contemporaine: le défi du pluralisme religieux( Télécharger le fichier original )par Clément TCHUISSEU NGONGANG Grand séminaire Notre Dame de l'Espérance de Bertoua - Baccalauréat canonique en théologie 2011 |
4- Vatican II et la réhabilitation des religions non-chrétiennesLe concile Vatican II constitue un tournant important dans la réflexion dogmatique sur les religions non-chrétiennes. Notra Aeatate, quant aux religions non-chrétiennes, présente un regard de l'Eglise sur ces religions tout à fait inédit et assorti de tolérance. Dans ce document magistériel, l'Eglise prend acte du pluralisme et l'intègre de façon positive. Elle reconnaît comme réel chemin vers le divin l'expérience que plusieurs hors de l'Eglise font par le biais de la vie ascétique, la méditation profonde, les valeurs morales, spirituelles et socio-culturelles. Le judaïsme et l'Islam y sont perçus avec beaucoup d'estime. Le passage qui ressort avec clarté ce nouveau regard est celui-ci : « L'Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de vérité qui illumine tous les hommes. »39(*) Si par ailleurs, Notra aetate a reconnu les diverses religions comme des « rayons de la vérité », il faut signaler qu'elle a recommandé la mission d'annoncer Jésus le Christ comme « la voie, la vérité et la vie ». Le Décret Ad Gentes lui aussi reste tributaire de cette vision de la révélation divine à degré faible dans les religions. Cependant, il précise un nouveau type de rapport qui lie d'une part les religions non-chrétiennes et d'autre part la religion chrétienne : celui de l'accomplissement, de la plénitude : « Aussi, tout ce qu'on découvre de bon semé dans le coeur et l'âme des hommes ou dans les rites particuliers et les civilisations particulières des peuples, non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à sa perfection pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l'homme. »40(*) Cette influence de la « théorie de l'accomplissement » traversera Lumen Gentium qui reprend de façon presqu'identique Ad Gentes au numéro 9 : « tout ce qu'il y a de germes de bien dans le coeur et la pensée des hommes ou dans les rites propres et leur culture, non seulement ne pas le laisser perdre, mais le guérir, l'élever, l'achever pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur des hommes. »41(*) Il est intéressant de remarquer qu'au numéro 16, la constitution dogmatique sur l'Eglise brise la gangue, libère et élargit l'idée de salut autrefois confinée et rétrécie par l'exclusivisme ecclésiologique. Désormais « le dessein du salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le créateur...Et même les autres qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu'ils ignorent (...) ceux qui (...) ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d'un coeur sincère. » Reprenant l'expression d'Eusèbe de Césarée, elle qualifie de « préparation évangélique » ce bon et ce vrai présents chez les non-chrétiens. Le concept de salut se dilate et son centre est réaffirmé : le « Christ est le principe du salut pour le monde entier. » La conséquence théologique est évidente : comme principe de salut, le Christ l'est pour tout homme, quelle que soit sa religion. On pourra encore lire dans ce sens : « Le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné...Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le coeur desquels, invisiblement, agit la grâce. »42(*) A la fin de la présentation quasi circonstanciée de la pensée de Vatican II à propos de la valeur salvifique des autres religions, une chose mérite d'être soulignée : La théorie de l'accomplissement telle que mise au point par ses auteurs, n'intègre pas à l'origine l'idée de valeur salvifique des religions non-chrétiennes comme nous l'avons vu. Sans remettre en cause le tournant éminemment important que ce moment représente dans l'effort d'une approche plus équilibrée et crédible du problème du salut et des religions non-chrétiennes, on pourrait aussi reconnaître que le Concile Vatican II reste considérablement marqué par la « théorie de l'accomplissement » du fait qu'il ne concède pas aux autres religions une valeur propre ; le regard positif qu'il pose sur ces religions tient du fait que ces dernières sont ordonnées au christianisme. Cette situation suscitera cette critique de Jacques Dupuis : « La perspective ecclésiocentrique du concile Vatican II -peut-on également faire remarquer- est telle que les religions ne sont jamais considérées en tant que telles dans leur spécificité et leur autoconsistance, dans leur autocompréhension et leur valeur autonome, indépendamment de leur rapport à l'Eglise, tel que l'entend l'Eglise elle -même. »43(*) Aujourd'hui, grâce à la recherche théologique, l'Eglise a fait des progrès sur ce point. Nous y reviendrons au quatrième chapitre en parlant de la médiation et des médiations. On ne peut ne pas apprécier le fait que, en déclarant pour tous les hommes le salut apporté par le Christ, Vatican II ouvre ainsi des horizons intéressants de recherches théologiques. * 39 Nostra Aetate, n° 2. * 40 Ad Gentes, n° 9. * 41 Lumen Gentium, n° 17. * 42 Ibidem, n° 22. * 43 DUPUIS Jacques, La rencontre du christianisme et des religions, Op.Cit., p. 108. |
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