Alors que les services mobiles sont devenus plus accessibles
et abordables, l'accès à Internet, en général, n'a
pas suivi la même évolution. D'après les estimations, il y
aurait environ 50 millions d'internautes en Afrique en 2007, soit près
d'un habitant sur vingt, dont plus de la moitié se trouveraient dans les
pays d'Afrique du Nord et en République Sud-Africaine. En Afrique
subsaharienne, 3% seulement de la population sont connectés à
Internet. L'insuffisance de la largeur de bande Internet internationale et
l'absence de points d'échange Internet entraînent une hausse des
prix. C'est en effet en Afrique, le continent le plus pauvre du monde, que les
prix de l'accès à Internet sont les plus élevés:
l'abonnement mensuel à Internet s'élève en moyenne
à 50 USD, soit près de 70% du revenu moyen par habitant.
Figure 12 : Nombre d'abonnés au mobile et
pénétration de la téléphonie mobile en Afrique
[18]
[18] Source :
http://www.itu.int/newsroom/press_releases/2008/10-fr.html
La généralisation et la modernisation des
réseaux mobiles hauts débit s'appuieront certainement sur des
technologies hertziennes telles que les services de la troisième
génération (3G) et les techniques WiMAX. Vodacom
(République Sud-Africaine) a indiqué que plus de 10% de ses
abonnés à des services 3G utilisaient des cartes de
données pour se connecter à leur ordinateur portable, ce qui
témoigne de l'engouement que suscitent les services 3G comme
méthode d'accès large bande. Dans plusieurs pays africains, des
technologies WiMAX commencent à être mises sur le marché
après une première phase de déploiement
expérimental. La généralisation des technologies
hertziennes haut débit va sans nul doute intensifier la concurrence sur
le marché du large bande en Afrique et il semblerait que les tarifs du
large bande en Afrique soient moins élevés que dans les pays
ayant déployé à la fois des techniques large bande fixes
et sans fil.
- Les investissements étrangers en forte
croissance
La coopération internationale favorise la technologie
et l'innovation en Afrique. Les investissements dans les
télécommunications sont de plus en plus le fait de pays comme le
Koweït, l'Afrique du Sud et l'Égypte. La Chine fournit du
matériel à bas coût et des prêts aux
opérateurs publics sous-capitalisés. De son côté,
l'Inde contribue à la construction d'un réseau
électronique panafricain couvrant les 53 pays du continent dans le cadre
d'une initiative de l'Union Africaine. Les formules prépayées,
à l'américaine, et les messages de texte (SMS) chers aux
Européens sont extrêmement populaires. La coopération sur
le commerce électronique avec l'Union européenne et les
États-Unis prend une importance croissante pour répondre aux
réglementations commerciales.
Des entreprises britanniques et françaises ont, elles
aussi, lourdement investi dans les télécommunications en Afrique.
Mais l'innovation Sud-Nord pourrait bien aussi fonctionner : les ordinateurs
ClassMate ("camarade de classe") d'Intel, à bas coût, qui ont
d'abord été vendus au Nigeria, sont désormais disponibles
en Europe et aux États-Unis. Néanmoins, c'est dans le
marché de la téléphonie mobile que les investissements
étrangers sont en plus forte croissance, ce qui conduit à une
consolidation de la présence des opérateurs panafricains sur le
continent africain.
- La montée en puissance des opérateurs
panafricains
La montée en puissance des investissements dans la
téléphonie mobile s'explique par un large potentiel de croissance
de ces marchés africains. Ceci trouve ces racines dans une demande sans
précédent par les consommateurs africains, qui constatent enfin
l'arrivée d'une technologie capable de leur donner accès aux
services de fort intérêt pour le développement, tels que
l'éducation, la santé, les paiements ou encore le commerce. Cette
montée des investissements en téléphonie mobile
évolue très rapidement vers la consolidation d'un faible nombre
d'opérateurs panafricains, d'autant plus que la crise économique
a touché plus sévèrement les petites entreprises. Avec
cette consolidation, depuis 2006, ces opérateurs panafricains
développent une très forte concurrence en termes de prix, qui
bénéficie très largement aux consommateurs. Cette
concurrence prend la forme de modèles d'affaires qui mènent
l'Afrique à la frontière de l'innovation dans ce domaine.
La montée en puissance des réseaux panafricains
de téléphonie mobile s'explique par la forte présence des
opérateurs européens Orange, Vodacom et Tigo, du sud-africain MTN
et des moyenorientaux Zain et Moov. Ces six opérateurs ont
représenté 52 % des abonnements à la
téléphonie mobile en Afrique en 2008 (Cf. Figure 13). Les
chiffres sur la population couverte par ces opérateurs sont
impressionnants :
- Zain et MTN avaient, respectivement, 62 et 55 millions de
consommateurs africains en 2008.
Vodafone est proche derrière avec 44
millions d'usagers. Les autres opérateurs, Orange, Moov et
Tigo
couvrent ensemble 25 millions des consommateurs. Dans l'ensemble, 370 millions
d'africains
avaient une ligne de téléphonie mobile en 2008,
c'est-à-dire 4 africains sur 10. Pour 2012, les experts prévoient
que ce ratio s'élèvera à 6 sur 10.
Le taux de croissance moyen de ces opérateurs
panafricains est impressionnant. Il s'est établi à 41 % en 2008.
Mais deux nouveaux venus (Orange, à 68 % et Tigo, à 82 %) ont
fait bien mieux que certains opérateurs déjà
présents (Zain, à 52 % et MTN, à 60 %).
L'essentiel de la croissance de Zain est assuré par le
Nigeria, qui représente 43 % de ses abonnements en Afrique. Le Nigeria,
mais aussi l'Afrique du Sud, sont les deux marchés les plus importants
pour MTN en termes d'abonnements. Vodafone affiche les taux de croissance les
plus faibles, puisqu'il opère sur des marchés plus matures.
Figure 13 : Taux de pénétration des
opérateurs panafricains de téléphonie mobile en
Afrique
Source : OCDE Centre de Développement, "Innovation et
Nouvelles Technologies en Afrique",
Les Perspectives Economiques Africaines
2009 (
http://www.africaneconomicoutlook.org)
L'entreprise est surtout concentrée en Afrique du Sud,
qui représentait environ 50 % de sa base de clientèle en 2008.
Même si ces chiffres sont impressionnants, les taux de
pénétration, encore faibles, traduisent l'énorme potentiel
de croissance de la région. Les opérateurs des pays
émergents, ainsi que ceux de pays européens, ont bien
intégré ce potentiel dans leurs politiques d'investissement.
En 2008, l'opérateur koweïtien Zain a investi
dans le développement des capacités de réseau et la mise
à niveau des infrastructures de transmission, en particulier au Ghana,
au Malawi, au Nigeria, au Soudan et en Zambie. Après Bahreïn et le
Koweït, Zain pourrait tirer parti de son expertise en réseaux 3G.
L'opérateur sud-africain MTN se classe en tête pour le nombre
d'abonnés sur
l'ensemble du continent et cherche à conforter sa
position avec une offre groupée téléphonie fixe -
téléphonie mobile - services Internet, conformément au
régime de licence convergente. En 2008, l'entreprise a racheté
Arobase Telecom, le deuxième opérateur de ligne fixe de
Côte d'Ivoire, ainsi qu'un fournisseur de services Internet, Afnet.
Les opérateurs européens se tournent aussi vers
l'Afrique face à la maturité des marchés
européens.
L'opérateur français Orange a récemment
changé de stratégie depuis l'échec de sa tentative de
rachat - pour un montant de 40 milliards de dollars - de l'opérateur
nordique TeliaSonera. En 2008, l'entreprise a investi au Kenya et au Nigeria,
où elle propose une offre groupée fixe-mobile-Internet, à
l'instar de MTN. Orange espère également couvrir 30 villes du
Niger. L'entreprise cible des marchés potentiellement rentables avec une
large base de clientèle. En 2008, les abonnements à la
téléphonie mobile et les recettes d'Orange ont progressé
de respectivement 42,5 et 17 %, contre 28 et 8,3 % pour la totalité du
groupe dans le monde. L'opérateur britannique Vodafone
s'intéresse également à l'Afrique.
En 2008, le groupe a racheté 70 % de Ghana Telecom,
pour 90 millions dollars. Parallèlement à cette forte croissance
des investissements, les opérateurs de téléphonie mobile
sont aussi en train de consolider leur présence avec de fortes parts de
marché par pays. Ainsi, les opérateurs disposant de la base
d'abonnés la plus large en Afrique - comme Vodafone, Zain et MTN - sont
aussi ceux qui ont la part de marché la plus élevée dans
les pays où ils opèrent (Cf. Figure 13 e 14). Ces trois
opérateurs détiennent chacun plus de 11 % du total des
abonnements en Afrique. Vodafone et MTN affichent chacun une part de
marché moyenne supérieure à 50 % des abonnements dans les
pays où ils opèrent.
Zain les talonne, avec 46 % de parts de marché par
pays. À l'autre extrémité du spectre, Moov et Tigo ont
tous les deux moins d'abonnés (moins de 3 %) et disposent
également d'une part de marché moyenne par pays plus faible,
autour de 20 %. Orange, lanterne rouge du continent en termes d'abonnements,
s'en sort beaucoup mieux en termes de parts de marché par pays.
La consolidation des opérateurs panafricains s'observe
également en regardant l'étendue de ces marchés. On note
ainsi une relation étroite entre la part de marché moyenne d'un
opérateur et le nombre de pays ciblés (Cf. Figure 14). Les
opérateurs présents dans un grand nombre de pays ont tendance
à avoir une part d'abonnés supérieure sur chaque
marché et à bénéficier d'économies
d'échelle également supérieures. Seul Vodafone, qui
opère dans un nombre de pays relativement restreint, fait exception.
Ainsi, Orange, MTN et Zain sont au moins présents sur 12
pays africains chacun, alors que Vodafone, Moov et Tigo sont loin
derrière, avec des licences dans environ 6 pays chacun.
Récemment, la plupart des opérateurs
panafricains ont cherché à développer leur
clientèle en baissant les prix. Vodafone pratique une politique
tarifaire agressive pour toucher les ménages modestes, étant
donné que 90 % de ses clients utilisent des services
prépayés. Zain et MTN se livrant à une concurrence intense
au Nigeria, en Ouganda, en République du Congo, au Soudan et en Zambie,
les prix sur ces marchés devraient baisser. Zain propose
déjà un système de tarification original (voir la section
suivante sur la guerre de l'itinérance) pour essayer d'élargir sa
part de marché, alors même qu'il a annoncé des pertes pour
deux trimestres de l'année 2008.
Figure 14 : Présence sur le marché des
opérateurs panafricains
Source : OCDE Centre de Développement, "Innovation et
Nouvelles Technologies en Afrique",
Les Perspectives Économiques
Africaines 2009 (
http://www.africaneconomicoutlook.org)
- Le secteur africain des
télécommunications séduit les investisseurs malgré
la crise financière
La crise financière devrait accélérer
d'avantage la consolidation des marchés de
télécommunications en
Afrique. Alors que les petits opérateurs se battent
pour financer le développement de leurs réseaux, les gros
opérateurs qui n'ont pas de problèmes de trésorerie -
comme le sud-africain MTN, l'égyptien Orascom Telecom, le
koweïti Zain, le français Orange et le
britannique Vodafone - vont pouvoir pénétrer les
marchés africains. Zain a augmenté son capital de 4,49
milliards de dollars et prévoit de dépenser jusqu'à 4
milliards de dollars en Afrique d'ici 2010.
Pendant la crise les affaires continuent. Plusieurs
opérateurs ont changé de mains, comme Ghana Telecom
(août 2008), Onatel (Burkina Faso, décembre 2008) et
Sotelma (Mali, janvier 2009). Au Rwanda, Millicom s'est vu
attribuer une nouvelle licence en novembre 2008. Orange en a
décroché deux autres, en Ouganda en octobre 2008 et au Togo en
novembre 2008. Enfin, Orascom Telecom a racheté le namibien
Cell One Namibia en janvier 2009.
L'avenir reste malgré tout assez incertain. Le cours
des actions des opérateurs mobiles en Afrique s'est effondré :
MTN a perdu 20 % en 2008 et Millicom 66 %. Pour sa part,
l'opérateur Tigo devrait afficher un taux de croissance
sensiblement plus faible en 2009, du fait de la crise économique : ses
recettes ont déjà perdu du terrain en 2008 au Ghana, au
Sénégal et au Tchad. Avec le ralentissement de la croissance
depuis trois ans, la concurrence tarifaire va se renforcer, réduisant
des profits qui avaient jusqu'ici permis d'assumer les dépenses
d'investissement. Le développement
des réseaux 3G va donc probablement être
retardé. Les flux d'IDE dans le secteur africain des
télécommunications ont à peine souffert de
l'éclatement de la bulle Internet en 2000-2001 - même si une
poignée d'entreprises seulement assurent l'essentiel de ces
investissements. Entre 1996 et 2006, le français Vivendi a
injecté 6,1 milliards de dollars, contre 4,9 milliards pour France
Telecom et 3,4 milliards pour le britannique Vodafone. Les investissements
Sud-Sud ont été le fait du koweïti Mobile
Telecommunications - à hauteur de 4,9 milliards de dollars - suivi
du sudafricain MTN (4,5 milliards) et de l'égyptien Orascom
(3,7 milliards). Plus récemment, la Chine a proposé des
prêts à des conditions préférentielles aux
opérateurs publics. Les équipementiers chinois comme Huawei
et ZTE vont probablement accroître leur présence en
Afrique.
La crise actuelle devrait avoir moins d'impact sur les IDE
destinés aux télécommunications africaines qu' d'autres
secteurs, du fait du potentiel du marché et de l'effet assez faible de
la crise sur la consommation des communications par les usagers. Ainsi,
l'Afrique continuera-t-elle à bénéficier d'un secteur des
télécommunications en forte expansion permettant alors à
beaucoup d'Africains d'avoir accès pour la première fois à
ces services.
Figure 15 : Taux de croissance des connections de
téléphonie mobile en Afrique
Source : Wireless Intelligence (htpp://
www.wirelessintelligence.com),
Q=quarter (trimestre)