VI. Le modèle Marocain de gestion du service
d'eau
potable:
Si dans le cas de Safi la gestion du service de l'eau potable
se fait par régie autonome, d'autres villes du Maroc (surtout les
métropoles) ont opté pour un autre mode de gestion. En effet,
dans un contexte d'urbanisation explosive, la délivrance des services
publics urbains devient problématique : les infrastructures pour la
distribution d'eau potable et l'assainissement sont insuffisantes, et les
collectivités locales doivent souvent faire appel aux opérateurs
privés pour assumer des investissements lourds.
Des logiques d'acteurs se mettent alors en place autour des
services de l'eau potable. Dans ce contexte, comment comprendre un
modèle émergent d'organisation du service de l'eau dans un pays
comme le Maroc? Quels sont les acteurs clés et quelles sont leurs
logiques? Quels types d'engagements sont passés? Quels sont les outils
de gestion et de régulation utilisés?
Dans cette section nous proposons de porter quelques
lumières sur ces questions afin de mieux cerner l'environnement national
autour du secteur de l'eau potable, environnement qui sans doute a ses
articulations aux niveaux locaux. La gestion du service de l'eau potable,
quoiqu'elle soit une compétence des collectivités locales, elle
reste cependant fortement marquée par une tutelle des instances
administratives centrales et donc très sensible aux évolutions
des politiques et orientations nationales dans ce domaine.
A. Le service de l'eau potable, enjeux et
compétences :
1. Le service de l'eau potable, monopole naturel et
local :
La gestion des services d'eau et d'assainissement dans le
monde a connu durant les vingt dernières années de profondes
évolutions. Les objectifs d'augmentation quantitative de la desserte ont
cédé la place à la logique d'amélioration
qualitative. Avec la hausse du prix, le besoin de transparence s'est accru.
Dans ce contexte, les collectivités locales sont responsables de
l'organisation des services d'eau. Elles doivent faire en sorte que les
objectifs de service public soient pris en compte, en particulier dans leurs
composantes économiques et sociales, elles doivent également
informer l'usager.
La maîtrise des services d'eau par les élus est
cependant rendue difficile : le déséquilibre d'information avec
l'exploitant, l'existence d'un oligopole (cas des gestionnaires privés),
ou encore la situation de monopole naturel, sont autant
d'éléments qui viennent affaiblir la position de la
collectivité. En effet l'alimentation en eau et l'assainissement sont
des services de première nécessité. Rattachés
à un territoire, à des infrastructures de réseau, à
une population donnée, ces services sont en situation de monopole
local. Ces raisons expliquent que l'organisation en soit confiée
aux responsables publics locaux : les communes ou leurs regroupements. Ceux-ci
doivent veiller à la bonne mise en oeuvre de ces activités, dans
le respect des principes de service public (égalité,
continuité, adaptabilité...) et en évitant la constitution
de rente de situation.
2. Décentralisation et service de l'eau
potable au Maroc:
Au Maroc, les Ministères directement impliqués
dans les questions liées à l'eau et à l'assainissement
disposent chacun d'une structure administrative qui les représente
localement. On retiendra en plus des agences de bassin, les structures
administratives antérieures à la Loi 10-95 à savoir :
- les directions régionales de l'hydraulique ;
- les directions provinciales de l'agriculture et les offices
régionaux de mise en valeur agricole ;
- les communes (structure décentralisée).
Le rôle des communes dans la gestion de l'eau et de
l'assainissement est important dans la mesure où c'est au niveau local,
et principalement communal, qu'elle s'effectue. Elles-mêmes
utilisatrices, elles assurent des opérations d'adduction, de production
et de distribution d'eau en vue de l'alimentation en eau potable des
populations. Mais leur situation de profonde diversité et de grande
hétérogénéité, notamment en milieu rural, a
un impact sur la réalité de leur intervention sur le terrain.
L'expérience de la décentralisation a
débuté avec la Loi de 1960 portant création des
collectivités locales urbaines et rurales et le dahir du 12 septembre
1963 instituant les Conseils provinciaux et préfectoraux. Le cadre
institutionnel et organisationnel des communes et de leur groupement est
défini par la loi n°1-76-583 du 30 septembre 1976 qui a
élargi les attributions des Conseils communaux et accordé de
nouvelles compétences à leurs présidents élus. Ce
texte a encore été modifié par la loi n° 78-00
portant Charte communale et promulguée par le dahir n° 1-02-297 du
3 octobre 2002. Avec la réforme introduite par cette Loi, la
compétence de la commune en la matière est expressément
reconnue. Le Conseil communal décide, aux termes de l'article 39
intitulé "services publics locaux et équipements collectifs" de
«la création et de la gestion de services publics communaux»
dans plusieurs secteurs, dont « l'approvisionnement et la distribution
d'eau potable » et «l'assainissement liquide». «Il
décide des modes de gestion des services publics communaux par voie de
régie directe, de régie autonome, de concessions ou de toute
autre forme de gestion déléguée de services publics
conformément à la législation et la réglementation
en vigueur ».
L'article 40 relatif à l'hygiène, la
salubrité et l'environnement charge le Conseil Communal de veiller de
manière explicite à «la protection de la qualité de
l'eau, notamment de l'eau potable ... », à «
l'évacuation et au traitement des eaux usées et pluviales »,
à « la lutte contre les vecteurs de maladies transmissibles »
et à « la lutte contre toutes les formes de pollution et de
dégradation de l'environnement et de l'équilibre naturel
».
La commune se présente donc comme :
· l'initiateur ;
· l'entité chargée d'accorder les
autorisations d'occupation du domaine public indispensables à tout
réseau de distribution d'eau ou d'égouts ;
· le propriétaire des infrastructures ;
· l'organe qui décide, au vu d'une
délibération de son Conseil Communal, de l'outil de gestion
intégré ;
· un membre de tout comité de suivi.
Théoriquement, les compétences dévolues
aux collectivités territoriales sont rappelées par la loi n°
78-00 mais la répartition des compétences entre les
différentes autorités locales, décentralisées ou
déconcentrées n'est pas encore totalement claire.
D'un autre côté, même si la Commune
reçoit de la loi les pouvoirs pour concevoir le système,
planifier sa réalisation, mettre en oeuvre les procédés
communautaires et organiser la gestion, elle ne dispose pas toujours de moyens
humains et logistiques adaptés pour gérer efficacement cette
mission d'intérêt général.
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