III. Le cadre institutionnel et juridique du secteur
de l'EP:
A. Introduction :
Au Maroc, le statut juridique des eaux a été
institué progressivement. L'intervention du législateur pour
former le nouvel arsenal juridique de l'eau date du Protectorat français
au Maroc29.
Depuis l'indépendance, l'intervention des pouvoirs
publics est marquée par plusieurs restructurations institutionnelles et
l'adoption de mesures législatives. Une étape importante est
franchie par l'adoption de la Loi n° 10-95 sur l'eau.
Toutefois le droit moderne en construction ne doit pas nous
faire perdre de vue qu'au Maroc il existe également des sources
anciennes du droit avec lesquelles il coexiste et se chevauche à ce
jour, dont les principes de l'Islam et les coutumes. La pérennité
de certains projets dépend de leur prise en compte.
29 Le Dahir du 1er juillet 1914 qui a fait des
eaux superficielles et souterraines des biens du domaine public sous
réserve des droits acquis sur elles avant cette date. La notion de
domanialité est alors très large et dépasse la conception
du droit musulman selon laquelle, seules les grandes masses d'eau sont hors du
commerce et de ce fait sont propriété de l'Etat.
La dimension mystique de l'eau au Maroc est ainsi
perçue par B.A El Mansouri30 : « Avant le protectorat
(30 mars 1912) la desserte en eau potable s'intégrait dans la logique de
la ville intra-muros. Elle en constituait l'élément pivot car
elle était le garant du respect d'un des fondements de la religion
musulmane : l'accomplissement de la prière en état de
pureté. Dés lors, les fontaines et les bains-maures sont les
éléments constitutifs de l'armature de la ville musulmane. Les
autorités coloniales intervinrent donc dans un pays où la
perception et le vécu de l'eau ne se limitaient pas à sa
dimension technique, mais était intimement liée à la
pratique religieuse. Si l'eau est profane en elle-même, elle permet
d'accéder au sacré et constitue une passerelle entre le temporel
et le spirituel ».
La gestion de l'eau a ainsi donné lieu à des
constructions sociales et à une diversité de techniques qui se
sont affirmées en fonction du cadre qu'elles ont eu à
régir une fois qu'elles ont acquis le consensus des communautés
dont elles sont issues spontanément. Elles portent sur l'usage et le
partage de l'eau à travers une organisation sociale appropriée
qui diffère selon que l'on se trouve en situation d'abondance ou de
pénurie, en milieu rural ou en milieu urbain.
B. Le patrimoine d'une gestion communautaire de l'eau :
Au Maroc comme partout ailleurs, parler des
communautés d'irrigants c'est toucher à l'archétype
historique des groupes sociaux ; «les archétypes ne sont ni
figés ni en voie de disparition, au contraire, ils sont vivaces et
marquent la morphologie sociale de ces communautés d'irrigants, et ceci
en étroite symbiose avec l'espace et le territoire dans le quel ils
vivent en relation avec les autres groupes intra et extra territoire. Toutes
ces structures socioculturelles sont déterminantes dans
l'établissement du système de distribution, de production et par
conséquent dans les bases même de l'organisation des
communautés gestionnaires de l'eau au Maroc »31. Cette
écologie culturelle permet de comprendre les liens et les interactions
entre le système social et le milieu naturel et les techniques de
gestion et d'exploitation du milieu et de la ressource.
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