B. Les choix et politiques dans le secteur de l'eau:
Prise en charge totale de la mobilisation par l'Etat :
Les orientations politiques de l'eau au Maroc ont
accordé une importance prioritaire au secteur de l'eau. Le Maroc s'est
engagé à partir des années 60 dans une politique de
construction de barrages de retenue. Le stock actuel est de 113 barrages, pour
une capacité de 16 milliards m3. Ces barrages ont contribué de
manière indéniable à lutter contre les effets de la
sécheresse.
La politique de l'eau a eu, cependant, un coût fort que
l'État a dû supporter. Les investissements budgétaires
alloués aux équipements hydrauliques représentaient plus
de 50 % du budget global d'investissements entre 1968 et 1972 et plus de 35 %
entre 1968 et 1990. En 2000 ils étaient de l'ordre de 20 %. La
dépense sectorielle a, elle, augmenté à un taux
interannuel de 7% entre 2000 et 2005, pour atteindre 18 Milliards de dirhams
par an21.
Cet effort de construction est mis au service de l'agriculture
irriguée et de l'alimentation en eau potable et industrielle des centres
urbains, axes prioritaires de la politique de l'eau. Les allocations de la
dépense publique ont profité essentiellement à
l'irrigation (42%) et à la mobilisation de la ressource
(37%)22.
L'accès à l'eau potable des quartiers informels
cependant, n'a pas bénéficié du même niveau de
priorité sous prétexte que leurs habitants ne détiennent
pas de titre légalisant leur rapport au foncier.
De plus, la vocation agricole du pays n'a pas
empêché que le monde rural reste longtemps le parent pauvre en
accès à l'eau jusqu'en 1995, date à laquelle le taux
d'accès des populations rurales est de 14 %. Le Programme
d'Approvisionnement Groupé en Eau en milieu rural (PAGER), mis en place
à partir de 1995, a eu pour objectif de remédier à cette
situation.
1. Le désengagement progressif :
Les années à venir, étant donné
les besoins prévus et la nécessité de recourir à
des ressources en eau plus difficiles à mobiliser et plus
coûteuses, le besoin en investissements risque de croître
fortement. L'État ne pourrant alors plus supporter cet effort (Les
besoins en financements durant la période 2006-2009 sont estimés
à près de 87 milliards de dirhams), la participation des usagers
et du secteur privé à cette gestion de l'eau sera de plus en plus
sollicitée.
Une réorientation de la politique de l'eau a d'ailleurs
été amorcée par les pouvoirs publics, elle vise
essentiellement la rationalisation des investissements publics dans le domaine
de l'eau en donnant la priorité à la gestion de la demande en eau
(GDE) et le rattrapage des retards accumulés au niveau de certains
secteurs notamment l'assainissement et l'épuration des eaux
usées.
En termes plus claires, et en prenant en considération les
contraintes liées à la limitation du budget de l'Etat et les
besoins énormes en investissement dans ce secteur très
capitalistique,
21 Malgré cette hausse de la dépense
sectorielle, la dépense publique, ou subvention par le Budget de l'Etat
est restée relativement constante autour de 4 Milliards de
DH/an.
22 "Débat national sur l'eau".
l'Etat semble s'orienter vers une politique de financement et de
recouvrement des coûts23 dont les principaux axes sont :
- L'encouragement du secteur privé à investir dans
le secteur de l'eau ;
- L'action sur la demande et la pratique de mesures d'incitation
à un meilleur usage de l'eau, mesures dont l'outil tarifaire ;
- La gestion intégrée et
décentralisée des ressources en eau, avec l'objectif concret
d'attribuer aux régions et aux communes un rôle en matière
de prise en charge des infrastructures hydrauliques ;
- Une meilleure valorisation des volumes d'eau mobilisés,
par la pratique de la vérité des prix et la
récupération, même progressive, des coûts de
l'eau.
A travers cette nouvelle orientation dans la gestion de la
ressource (orientation exprimée lors du débat national sur l'eau
en 2006), nous nous attendant à un désengagement progressif de
l'Etat de la prise en charge totale du coût de la mobilisation, sous
prétexte d'un recouvrement des coûts insuffisant qui conduit,
selon un haut cadre de la Direction des régies et services
concédés du Ministère de l'Intérieur, au «
sous entretien des ouvrages, au point de menacer la pérennité
des actifs ».
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