La protection sociale au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Alex OKOLOUMA Université de Yaoundé II-Soa - DEA en sciences économiques 2008 |
CHAPITRE 4 : LA REFORME DU SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE CAMEROUNAISDepuis le début des années 1990, le gouvernement camerounais et les organismes internationaux (BIT et autres) ont perçu la nécessité de réformer le système actuel de protection sociale camerounais dans le but de résoudre ses dysfonctionnements. Ces réformes procèdent en général de la volonté de mettre sur pied un système de protection sociale : - cohérent, parce qu'articulé entre les différentes composantes (régimes de base, régimes complémentaires et régime de solidarité sociale) - solide, parce que reposant sur les financements appropriés - et durable parce que généralisé à la majorité de la population, reposant sur un consensus large, et gage de la préservation de la cohésion du tissu social. Ce dernier élément étant une condition essentielle de la croissance et/ou du développement. Des études de réforme ont été menées, mais n'ont pas conduit à des actions concrètes. Parce que toute la population française est couverte par son régime de protection sociale, il est possible de s'en inspirer pour le Cameroun pour à la fois, proposer un modèle de protection sociale à venir d'une part, et pour esquisser les implications et les adaptations multiformes qui peuvent en être tirées, d'autre part. 4.1. Le modèle de protection sociale à venirL'organisation du système de protection sociale représente un défi majeur pour les pouvoirs publics camerounais, car sa réforme nécessite la réhabilitation de la sécurité sociale et l'institutionnalisation d'un système de solidarité sociale. 4.1.1. La réhabilitation de la sécurité socialeLa rénovation de la sécurité sociale passe par l'amélioration de l'organisation des branches existantes, mais également par la mise en place des branches non existantes14(*). Les branches existantes (assurance vieillesse, risques professionnels, allocations familiales) doivent s'articuler entre les différents régimes15(*) : régimes de base et régimes complémentaires. Ceci permet de prendre en compte l'inégalité des travailleurs face aux assurances sociales et les réticences de certains d'entre eux à abandonner un régime pour un autre.
Pour les régimes de base, l'on peut envisager un grand système regroupant les agents publics (État-Établissements publics ou les collectivités décentralisées) et tous les employés du secteur privé, coopératif et mutualiste ainsi que les exploitants du monde rural, les artisans, les artistes, les commerçants ou industriels et les professions libérales. L'on peut aussi penser à une Grande Caisse par branche pour la couverture sociale des agents publics (Fonction publique nationale et territoriale) et ceux du secteur privé et associatif. Il s'agit en fait de mettre sur pied : - une caisse nationale d'assurance maladie qui gère les branches maladie et Accidents Travail Maladie professionnelles, - une caisse nationale des allocations familiales qui gère la branche famille, - une caisse nationale de l'assurance vieillesse qui gère la branche vieillesse, Dans ce cas, il y a nécessité, d'une part, de tenir compte d'une nécessaire décentralisation pour des besoins d'une gestion participative et de proximité (Caisses locales primaires par branche) et d'une Caisse nationale des organismes de la sécurité sociale (chargée des services communs comme la gestion de trésorerie et les placements). D'autre part, il convient de prendre en compte, pour le secteur privé, rural et associatif, le souci de recenser le maximum des personnes réellement actives pour les intégrer dans le système des assurances sociales. C'est le domaine difficile et complexe de la migration des activités du secteur informel, à l'économie officielle et du marché. Le financement des régimes de base peut être à base paritaire (employeurs et salariés). Ce qui permet auxdits régimes de garantir un minimum de revenu en se référant au salaire moyen en vigueur (50 à 70%). Une réflexion attentive doit également prendre en compte le contexte socioéconomique de notre pays. Au regard de l'assurance sociale et de la conjoncture, il y a lieu de souligner une réalité d'évidence, c'est l'étroitesse de l'assiette du salariat formel. L'on doit aussi considérer que la population jeune et active est prépondérante et se renouvelle encore et pour longtemps à un rythme rapide (taux de croissance démographique de 2,8%). Il y a donc peut-être lieu d'explorer la possibilité des systèmes de minima sociaux généralisé sur le financement budgétaire et par conséquent fiscal. Les taux de prestations pourraient se référer à l'actuel SMIG (28 216 F CFA).
Les régimes complémentaires quant à eux, doivent être mise en place pour ceux des assurés sociaux qui estiment que la couverture sociale dans les régimes de base n'est pas satisfaisante. Ces régimes pourront fournir une couverture supplémentaire aux risques pris en charge par la sécurité sociale (régimes de base). Les régimes complémentaires doivent se structurer en : - un régime obligatoire pour les travailleurs salariés et indépendants, sous forme de fonds de pensions d'entreprises, de secteurs socioprofessionnels ou encore de corps de métiers. Les cotisations seraient également paritaires ; - et des fonds de pension à adhésion facultative, mais avec des incitations fiscales appropriées : déduction des cotisations payées sur le revenu imposable. Ces deux formules, outre leur vocation de couvrir les risques sociaux, sont, un puissant outil de collecte de l'épargne longue et donc de financement de l'économie au travers du marché financier. Elles combinent un effort de solidarité nationale en faveur des plus défavorisés et une capacité de mobilisation de l'épargne pour le développement. Un système global, ainsi structuré en régimes de base au financement assuré et élargi, et en régimes complémentaires et optionnels bénéficiant d'incitations fiscales, permet de dépasser le piège d'une discussion idéologique sur les mérites respectifs de la répartition et de la capitalisation en matière de retraite. Les deux objectifs combinés de l'amélioration de l'organisation des branches existantes en élaboration peuvent prévoir la prise en charge de la plus grande partie de la population et la collecte d'une épargne longue orientée vers le financement endogène du développement économique. Mais devra également s'accompagner de la mise en place des branches non couverts. En ce qui concerne les branches inexistantes telles que la branche maladie et la branche chômage, il faut envisager leur mise en place dans le système de sécurité sociale. La branche maladie peut être articulée entre les régimes de base et les régimes complémentaires comme les autres branches. Celle-ci peut également être supervisée par le ministère de la santé et gérée de façon paritaire. La branche assurance chômage quant à elle, peut être gérée indépendamment des régimes de base par un régime d'assurance-chômage supervisé par le ministère de l'emploi comme c'est d'ailleurs le cas en Grande Bretagne et aux États-Unis. Le financement doit reposer sur les cotisations (pour les allocations chômages et de formation reconversion) et sur les impôts (pour les services et conseils pour l'emploi, ainsi que les enseignements). Le régime d'assurance chômage peut être articulé autour de deux régimes : le régime général d'assurance chômage financé par les contributions des employeurs et des salariés et un régime dit de solidarité financé par l'État. Le système de sécurité sociale ainsi innové doit être décentralisé et géré par les intéressés eux-mêmes pour éviter toute ingérence de l'État. Face à la recrudescence de l'informalisation des mutuellismes communautaires, ainsi que de l'exclusion sociale des plus démunis et la pauvreté, une institutionnalisation de la solidarité sociale est également nécessaire. * 14 La sécurité sociale doit contribuer à « réaliser un ordre social nouveau » fondé sur « le rapprochement des classes » et « un souci élémentaire de justice sociale ». Pierre Laroque * 15 Le principe d'unification doit être remplacé par un objectif de généralisation. |
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