3.2.1. Les arguments en faveur du modèle
d'assurance du revenu salarial
« Les économistes ont
généralement porté peu d'attention aux assurances
obligatoires, en les considérants comme une forme déguisée
d'impôt et un mode comme un autre de dépense publique »
(Summers, 1989 p.177). C'est, au contraire, par la mise en évidence des
caractéristiques et des avantages propres aux systèmes
d'assurance du revenu salarial en matière de distribution des
ressources, par rapport aux transferts publics financés par
l'impôt, qu'ont été justifiées les réformes
conformes à ce premier modèle.
3.2.1.1. Assurances sociales et principe
d'équivalence
La stratégie de renforcement de la logique
assurantielle, telle qu'elle peut être comprise dans le cadre de ce
premier modèle, s'appuie sur conception d'assurance, qui n'est pas
nécessairement unifiée, mais que l'on peut comprendre a minima
comme étant caractérisée par trois critères. Une
assurance verse des prestations :
- dont le financement est apporté pour l'essentiel par
le versement préalable de prime (de cotisations) ;
- pour lequel le principe d'équivalence (relative)
prévaut ;
- qui sont versées inconditionnellement
lorsqu'intervient l'évènement ouvrant droit au
bénéfice de l'indemnisation, et donc indépendamment de la
situation des bénéficiaires.
Le principe d'équivalence constitue ainsi l'un
des pivots de cette stratégie. C'est pourquoi la démonstration de
sa pertinence dans le cadre des systèmes publics obligatoires est
importante.
Une approche théorique traditionnelle revient
à qualifier la logique de l'assurance comme celle qui relie
indemnité et cotisation par le biais de calcul actuariel. Dans cette
optique, la spécificité des assurances sociales est d'occasionner
une vaste redistribution ex ante puisque la cotisation n'est pas a priori
liée à la probabilité d'occurrence du risque. On peut
toutefois, au contraire, considérer comme parfaitement justifié
le fait que les prélèvements opérés par les
assurances sociales sont liés au revenu, puisque les risques
professionnels lui sont liés à des degrés divers. En tout
état de cause, puisque c'est la perte du revenu salarial qui constitue
le risque à couvrir, l'originalité des assurances sociales comme
assurance, tient à ce que les charges et les avantages (les cotisations
et les prestations) y sont définis à proportion de celui-ci. En
application du principe d'équivalence relative, les assurances sociales,
à l'image des assurances privées, conduisent à
différencier les prestations individuelles sur la base de la
durée de cotisation et, via le salaire, de leur montant.
De ce point de vue, ce n'est donc ni la taille de la
communauté de risque, ni l'uniformité des taux de cotisation, qui
donnent à l'assurance publique son caractère social, mais bien le
critère d'attribution des prestations. L'assurance publique va
au-delà de la simple compensation des risques lorsque, pour un taux de
cotisation uniforme au sein d'un groupe d'assurés, certaines prestations
sont accordées indépendamment du montant du revenu salarial sur
lequel est assise la cotisation ou de l'appartenance à la
communauté des risques. Les prestations accordées sans
cotisations préalables à certains d'ayant-droit en sont un
exemple.
Cette distinction relatif claire sur le plan
théorique s'avère, en revanche, délicate à
appliquer lorsqu'il s'agit de distinguer empiriquement la redistribution
interpersonnelle et intergénérationnelle des risques de celle
afférent aux revenus, notamment afin d'énoncer des
recommandations en matière de financement. Ce qui, au premier abord,
semble devoir être conçu comme de la redistribution
interpersonnelle, peut être en réalité compris comme une
redistribution des risques parfaitement efficiente du point de vue
économique. Ainsi en va-t-il, par exemple, des avantages versés
aux femmes qui ont élevé des enfants dans le cadre des
systèmes de pension. En conséquence, la séparation entre
la redistribution des risques et la redistribution interpersonnelle et
intergénérationnelle des revenus requiert un certain nombre de
conventions, qui ne sont pas pour autant arbitraires.
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