2.2.2. Les contraintes institutionnelles
Il s'agit à ce niveau d'analyser la crise du
système de protection sociale camerounais à travers les
contraintes liées à l'État et celles liées à
la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale.
2.2.2.1. Les contraintes liées à
l'État
L'État a eu une part de responsabilité dans les
dysfonctionnements du système de protection sociale à travers son
ingérence et ses décisions d'investissement dans ledit
système.
· L'ingérence de l'État
Selon Marius (2005), l'une des priorités essentielles
à laquelle il faut remédier dans le cadre des efforts visant
à pallier le manque de crédibilité des caisses de
prévoyance sociale a trait au modèle hérité et aux
problèmes de gouvernance qui en découlent. Pour les
régimes de sécurité sociale, une bonne gouvernance est
essentielle à la viabilité et à la pérennité
dudit régime. Elle est également essentielle pour capter la
confiance des institutions qui ont souvent été l'objet de
suspicion et de mépris.
Au Cameroun, de nombreux facteurs témoignent
clairement de l'intervention ou de l'ingérence excessive de
l'État. Les pouvoirs publics ont souvent un droit de regard sur la
composition et la nomination des comités directeurs, ainsi que des
administrations de la sécurité sociale, sur la gestion des
caisses de prévoyance sociale et les décisions d'investissement.
Le ministre compétant est presque toujours autorisé par la loi
à donner au comité directeur des instructions à
caractère général ou spécifique. Cette situation
accroît la possibilité d'ingérence politique et peut
compromettre l'indépendance du comité. En outre, la composition
des comités est souvent de nature tripartite (Musenge, 2003).
Dans le même ordre d'idées, une
expérience dans le domaine de l'assurance sociale, vu sous l'aspect
financier ou administratif peut être exigée de leurs membres, le
choix d'un représentant des actionnaires pouvant être
limité à une entité particulière faisant partie des
actionnaires et pouvant donner lieu à une situation dans laquelle les
personnes pour lesquelles le régime en cause a été
créé sont faiblement représentées (Barbone &
Sanchez, 2000). C'est ce qui se passe au conseil d'administration de la CNPS.
Outre cela, cet organisme est sous la tutelle du
Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale et dont
les ressources sont collectées en partenariat avec la direction des
impôts qui est une structure du Ministère des finances.
· Les décisions
d'investissement
Comme l'ont relevé Barbone & Sanchez (2000), dans
presque tous les pays, l'État a emprunté ou s'est
approprié des ressources provenant des caisses de sécurité
sociale. Souvent, les pouvoirs publics ont utilisé ces ressources pour
investir dans des projets ou des sociétés spécifiques. De
même, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de faire des
investissements offshores (Diop, 2003). Cette interdiction s'avère
problématique, étant donné que les possibilités
d'investissement dans ces pays sont limitées. Les gestionnaires des
caisses ont souvent tendance à investir dans des actifs qui ne
fournissent peut-être pas le meilleur rendement, tel que l'immobilier
(Barbone & Sanchez, 2000). En fait, à la lumière de diverses
études réalisées par la Banque Mondiale et d'autres
institutions multilatérales, le rendement des investissements
réalisés par les institutions de sécurité sociale
en Afrique au cours des trois dernières décennies a
été négatif. Ces pertes ont été
répercutées aux affiliés, qui ont reçu des
prestations médiocres (Musenge, 2003).
A cet égard, le Cameroun offre un exemple de
l'intervention excessif de l'État. Au cours des années 1980, la
CNPS a éprouvé des difficultés à trouver une valeur
refuge pour investir ses moyens financiers grandissants (Banque Mondiale,
2001). Compte tenu de la disponibilité limitée de titres
émis par des sociétés privées, la CNPS a
été contrainte d'acheter des obligations à moyen et
à long terme faiblement rémunérées. La majeure
partie de son portefeuille comportait des obligations d'État.
Naturellement, on pensait que les moyens financiers de la CNPS investis dans
des obligations d'État ne couraient aucun risque. Pourtant, ce ne fut
pas le cas, car l'État a emprunté des montants
considérables et il a été ordonné d'octroyer des
prêts supplémentaires à des entreprises publiques. Ces
prêts ont été accordés suivant les instructions des
dirigeants politiques. Certaines entreprises publiques ont été
incapables de rembourser les prêts, tandis que d'autres ont simplement
choisi de ne pas les rembourser.
Ce sont ces différents comportements de
l'État qui ont expliqué à un moment donné la crise
de légitimité du système camerounais de protection sociale
géré par la CNPS.
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