L'agriculture contractuelle, notent Charles Eaton et Andrew W
(2002), est depuis des nombreuses années, un moyen d'organiser la
production commerciale de la petite et de la grande agriculture. En effet, la
production agricole sous contrat existe depuis la nuit de temps. Dans la
Grèce antique, c'était une pratique très courante : des
pourcentages établis sur certaines culture étaient un moyen pour
payer la dîme, le loyer et les dettes. Au cours du premier siècle,
la Chine a également connu diverses formes de production sous contrat.
Aux USA, à une époque récente, à la fin du
19ème siècle, les accords de métayage
prévoyaient de prélever entre 1/3 et la moitié de la
récolte pour payer le loyer au propriétaire. Ces pratiques
étaient bien entendu une sorte de sevrage et conduisaient
généralement les métayers à être
endettés en permanence.
Durant les premières décennies du
20ème, les accords formels entre les agriculteurs et les
compagnies furent établis dans les colonies dirigées par les
puissances européennes.
Martin Prowse (2007) définit l'agriculture
contractuelle comme étant « un système dans lequel une
entreprise du secteur privé fournit aux agriculteurs des intrants -
crédits, engrais et semences, etc. - en échange de droits d'achat
exclusifs sur les produits agricoles récoltés ».
Selon le Rapport sur le développement dans le monde
2008, cité par Martin Prowse (2007, op. cit), l'agriculture
contractuelle permet aux petits exploitants agricoles de participer aux
nouveaux marchés de produits de haute valeur, et améliore les
normes de qualité, augmentant et stabilisant ainsi les revenus des
agriculteurs. La plupart des exploitations agricoles dans les pays en
développement faisant moins de deux hectares, l'intégration des
petits exploitants agricoles dans les chaînes de valeur mondiales est un
pas important vers la réduction de la pauvreté.
Cette approche, notent Charles Eaton et Andrew W (2002,
op.cit), présente des avantages, des inconvénients aussi bien
pour l'acheteur que pour l'agriculteur. C'est pourquoi l'observance des
conditions préalables et une gestion soutenue doivent être de mise
:
3.1.1. Les avantages de l'approche (( agriculture
contractuelle »
L'agriculture contractuelle présente des avantages
certains tant pour les agriculteurs que pour les promoteurs (investisseurs).
a). Avantages pour les agriculteurs
· Le promoteur fournit fréquemment les intrants et
les services de production
· Cette fourniture se fait en général
à crédit par le biais d'avances du promoteur
· L'agriculture contractuelle introduit souvent une
nouvelle technologie et permet aussi aux agriculteurs d'apprendre de nouvelles
méthodes
· Les agriculteurs courent souvent moins de risques
relatifs aux prix, beaucoup de contrats les établissant d'avance
· L'agriculture contractuelle peut ouvrir de nouveaux
débouchés aux petits agriculteurs qui autrement leur auraient
été inaccessibles
b). Avantages pour les promoteurs
· L'agriculture contractuelle en partenariat avec de
petits agriculteurs est politiquement plus acceptable que, par exemple, la
production dans les plantations
· Travailler avec de petits agriculteurs permet de
surmonter les difficultés liées à la
propriété foncière
· La production est plus fiable que des achats
effectués sur le marché libre et la
société
prend moins de risques en n'étant pas responsable de la production
· On peut obtenir une qualité plus suivie que si
l'on achetait sur le marché libre
3.1.2. Conditions préalables de réussite
en agriculture contractuelle
On ne doit rien entreprendre en agriculture contractuelle tant
que certaines conditions préalables essentielles ne sont pas remplies.
Il s'agit de :
a). Un marché rentable pour le promoteur et pour
l'agriculteur
Le promoteur doit avoir identifié un marché
pour la production envisagée et doit s'assurer que l'approvisionnement
de ce marché peut être bénéficiaire sur le long
terme.
L'agriculteur quant à lui, doit être sûr
que les revenus potentiels sont plus attractifs que ceux procurés par
les autres activités et que le degré de risque est acceptable
d'une part, et de l'autre, avoir la preuve que ces revenus potentiels sont
basés sur des estimations de rendement réalistes.
b) Les milieux physique et social
L'observance des principaux facteurs ci-dessous est de rigueur
pour la réussite de l'agriculture contractuelle :
· Le milieu physique doit convenir en
général, et en particulier au produit envisagé.
· Les services d'utilité publique et les
communications doivent être adaptés à l'agriculture (par
ex. les routes d'accès), et à l'agroalimentaire (par ex. l'eau et
l'électricité).
· La disponibilité des terres et leur
régime d'occupation. Il faut que les agriculteurs contractuels aient
accès sans restriction aux terres qu'ils cultivent.
· La disponibilité des intrants. Il faut que les
sources d'intrants soient assurées.
· Les considérations sociales. Les attitudes et
pratiques d'ordre culturel ne doivent pas être en contradiction avec les
obligations des agriculteurs prévues par le contrat et la direction doit
être à même de comprendre parfaitement les pratiques
locales.
c) Soutien des pouvoirs publics
Le rôle d'habilitation et de réglementation
s'avère très important. Pour ce faire :
· Un droit des contrats et des lois générales
sont nécessaires ainsi qu'un système juridique efficace.
· Il faut que les pouvoirs publics soient conscients des
conséquences possibles et non intentionnelles des réglementations
et n'aient pas tendance à trop réglementer.
· Les pouvoirs publics devraient fournir des services tels
que les services de recherche et, dans certains cas, de vulgarisation.
Il y a lieu aussi d'ajouter au précédent
rôle, celui en faveur du développement notamment le fait que les
pouvoirs publics peuvent prendre des mesures visant à mettre en contact
le secteur de l'agro-alimentaire et les agriculteurs adéquats.
Les difficultés et problèmes éventuels
liés à l'agriculture contractuelle peuvent se poser aussi bien
à l'agriculteur qu'au promoteur.
a) Problèmes éventuels rencontrés
par les agriculteurs
· Les agriculteurs, en particulier lorsqu'il s'agit de
nouvelles cultures, courent le
risque d'une défaillance du
marché et d'avoir des problèmes de production.
· Une gestion inefficace ou des problèmes de
commercialisation peuvent entraîner une manipulation des quotas pour
éviter d'acheter la totalité de la production sous contrat.
· Les sociétés promotrices peuvent ne pas
être fiables ou exploiter une situation de monopole.
· Le personnel des organisations promotrices peut
être corrompu, en particulier pour ce qui a trait à l'allocation
des quotas.
· Les agriculteurs peuvent être amenés
à s'endetter à cause de problèmes de production et
d'avances excessives.
b) Problèmes éventuels rencontrés
par les promoteurs
· Les agriculteurs sous contrat peuvent se heurter
à des difficultés liées à la
propriété foncière, en l'absence d'une
sécurité de tenure, compromettant ainsi des opérations
durables à long terme.
· Des obligations sociales ou culturelles peuvent influer
sur la capacité des agriculteurs de produire selon les indications de la
direction.
· Une mauvaise gestion et l'absence de dialogue avec les
agriculteurs peuvent provoquer un mécontentement chez ces derniers.
· Les agriculteurs peuvent vendre hors contrat
(commercialisation hors contrat) réduisant ainsi le flux de production
de l'industrie de transformation.