Chapitre 3 : Approche méthodologique
La recherche sociologique nécessite une certaine
rigueur dans la manière de l'envisager. C'est pourquoi une certaine
démarche méthodologique s'impose pour arriver à mieux
saisir la complexité de la réalité sociale.
« Le propre de la méthode est d'aider à comprendre
au sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique,
mais le processus de la recherche lui-même. » (Kaplan
cité par Grawitz, 2001). La méthodologie permet donc de clarifier
comment sera mener l'étude. Dans le cadre d'espèce, elle
présentera le cadre théorique, conceptuel et les techniques de
collectes et d'analyses des données.
I- Cadre théorique
Le cadre théorique suppose le choix d'une
théorie sociologique en rapport avec l'objet d'étude.
L'étude des faits sociaux demeure la spécificité de la
sociologie. Si cette dernière s'intéresse à l'étude
des MGF, c'est bien parce qu'elles apparaissent comme une pratique sociale
érigée en norme et reliée aux autres instances de
l'environnement sociétal qui l'influe considérablement.
L'individualisme méthodologique de Raymond Boudon
permettra de mieux comprendre la persistance des MGF dans la commune de
Bantè.
Cette théorie dont R. Boudon est l'initiateur se fonde
sur la compréhension des actions individuelles. « Le
principe de l'individualisme méthodologique énonce que pour
expliquer un phénomène social quelconque - que celui-ci
relève de la science politique, de la sociologie et de toute autre
science sociale particulière - il est indispensable de reconstruire les
motivations des individus concernés par le phénomène en
question et d'appréhender ce phénomène comme le
résultat de l'agrégation des comportements individuels
dictés par ces motivations » (Renouard, Montoussé,
1997).
Dans l'explication de la persistance des MGF à
Bantè, il faut donc prendre en compte non seulement les motivations et
ou raisons de chaque famille mais aussi le contexte social dans lequel s'est
produit le phénomène. Boudon parlera lui en terme de
`'rationalité des individus'' et de leurs familles, laquelle va peser
sur les choix opérés.
Le cadre théorique étant ainsi placé,
nous allons donner des contours précis à nos concepts pour
éviter la polysémie de sens qui pourrait être
attribuée à chaque mot.
II- Approche conceptuelle
Pour faciliter la compréhension du présent
document, cinq concepts sont précisés. Il s'agit des facteurs
culturels, des caractéristiques identitaires, des mutilations
génitales féminines et des droits de l'homme.
Nous avons avancé l'hypothèse que la
récurrence des MJF serait en partie imputable à l'existence d'une
panoplie de facteurs culturels.
Afin de mieux appréhender le concept de
culture, nous nous sommes référé à
l'approche de Taylor. Bien que datant de 1871, elle demeure d'actualité
même si on lui a reproché d'être un peu trop descriptive.
Depuis Taylor, bien d'autres définitions de la culture se sont
ajoutées ; Kroeber et Kluckhohn les ont colligées,
classées et commentées.
Nous inspirant de la définition de Taylor et de
plusieurs autres, nous pourrions définir la culture comme
« ce tout complexe comprenant le savoir, les croyances, l'art, la
morale, le droit, les us et coutumes et l'ensemble des aptitudes et habitudes
que l'homme a acquis en tant que membre d'une
société », (Primitive culture, 1871 :1)
L'explication de cette définition va nous permettre de
mettre en lumière les caractéristiques principales
qu'anthropologues et sociologues s'entendent pour reconnaître à la
culture.
On notera d'abord que nous avons repris la formule de Durkheim
et que nous parlons de « manières de penser, de sentir et
d'agir ».
En second lieu, ces manières de penser, de sentir et
d'agir peuvent être « plus ou moins
formalisées »
Quoique complexe et multidimensionnelle, les facteurs
culturels peuvent être envisagés selon deux perspectives :
- d'une part comme un héritage, un patrimoine qui se
transmet de génération en génération ;
- d'autre part comme toute construction sociale
dépendante de la hiérarchie sociale, qui se renouvelle au contact
des autres cultures, et qui permet de garder les frontières d'une
collectivité particulière mieux son identité.
L'identité d'un individu ou d'un
groupe est constituée par l'ensemble des caractéristiques et des
représentations qui font que cet individu ou ce groupe se perçoit
en tant qu'entité spécifique et qu'il est perçu comme tel
par les autres. L'identité est donc à la fois une
identité « pour soi » et une identité
« pour autrui ».
Selon Claude Dubar, deux formes identitaires sont à
distinguer :
- la forme communautaire dans laquelle l'individu est
défini par son appartenance à une communauté (caste,
tribu, religion, ethnie, nation, culture) et par une place au sein de cette
communauté. L'identité est alors perçue dans une
perspective essentialiste.
- et la forme sociétaire où l'accent est mis
sur l'identité personnelle des individus qui de façon
simultanée appartiennent à différents groupes qui leur
fournissent des ressources d'identification ( on peut être à la
fois étudiant, garçons, fils de médecin).
François de Singly parle dans la même perspective
d'une « fluidité des identités » ; les
mutilations génitales féminines dont l'excision, la forme la plus
pratiquée au Bénin en fait partie.
Il est important de signaler que bien que le terme "excision"
soit utilisé de façon courante pour désigner de nos jours
toutes les formes de mutilations génitales
féminines, il en existe plusieurs formes. Selon Nahid Toubia
(1995), la mutilation génitale féminine ou circoncision
féminine, est le nom collectif que l'on donne aux différentes
pratiques traditionnelles qui ont pour conséquence l'ablation des
organes génitaux féminins. Elle a poursuivi en précisant
les trois formes de mutilation que sont la clitoridectomie, l'excision et
l'infibulation.
L'excision quant elle est l'ablation du clitoris et des
petites lèvres. Elle est pratiquée par quelques populations dans
la Donga et dans l'Alibori.
L'infibulation consiste en l'ablation tant du clitoris, des
petites lèvres mais aussi la partie intérieure des grandes
lèvres est raclée et il s'en suit une suture des deux grandes
lèvres. Un bâton est placé au niveau de l'orifice vaginal
en vue d'empêcher que cela ne ferme après cicatrisation et
permettre à la fille d'évacuer les urines. Cette forme d'excision
est surtout pratiquée en Afrique orientale notamment en Somali, en
Ethiopie, au Soudan, en Djibouti, etc.
La clitoridectomie se définit comme l'ablation" simple"
du clitoris qui est un organe très sensible au point de vue
physiologique au niveau de l'appareil génital féminin. Il a
été montre que cette forme serait la plus pratiquée
à Bantè. Pour la simplicité du discours, nous utiliserons
dans le cadre de la présente étude le concept d'excision
toutefois où il s'agira du type de MGF pratiqué dans la commune
de Bantè.
Comme cela a été souligné
précédemment l'excision est de nos jours le nom donné
à toutes ces formes de pratiques mais elle est à distinguer de
l'étirement du clitoris qui est une élongation du clitoris qui
est aussi une forme de violence sexuelle sur la femme. Mais, il est admis
à travers la littérature que le terme mutilation est surtout
réservé aux formes de violence exercées sur les femmes qui
entraînent des saignements. Elle a typiquement pour but de contenir
l'activité sexuelle de la femme. Cela est une atteinte aux droits de
l'homme.
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