5- Points de vue sur la pratique
de l'excision
Une enquêtée avoue que les principaux
responsables de la décision d'exciser une fille au sein d'une famille
sont les parents de sexe féminin, les mères, les tantes et les
grand-mères. 66% de personnes interrogées sur le sujet dans la
région (toutes personnes confondues) l'ont affirmé contre 25%
qui croient que la décision est prise par les pères et c'est
seulement dans 8% des cas qu'il y a entente entre les parents. Quant aux femmes
excisées interrogées, 8 sur 13 soit 62% affirment que la
décision de leur excision a été prise par leur
grand-mère et leur tante (30% pour la grand-mè_re et 32% pour la
tante). Trois femmes sur treize soit 23%, ont pris elles-mêmes la
décision de se faire exciser ; 15% des décisions sont prises
par les mères.
En milieu nago nous avons remarqué que souvent la tante
paternelle prend la décision. "La tante est toute puissante pour
décider, " remarquent des interrogés en milieu nago. "Notre
propre enfant ne nous appartient pas." " Chez nous, un père et une
mère n'ont pas d'enfant," remarque un autre. L'enfant dont ils peuvent
se glorifier est celui de leur soeur.
Ce sont les chefs des familles "de circoncis " assistés
du " détenteur des couteaux" qui se réunissent en "conseil de
sages" pour décider de l'opportunité de l'opération. Elle
n'est pas obligatoire, sauf au cas où la femme est
prédisposée à être gardienne de fétiche.
Néanmoins, on remarque certains cas où les parents imposent
l'opération à leurs filles sous peine de malédiction et de
reniement. Pour les parents, c'est un honneur et une joie que leur fille soit
excisée, et d'autant plus si leur fille assume pleinement
l'opération. Dans cette région ce sont les chefs traditionnels,
les féticheurs, les vieilles, les oncles et tantes qui s'attachent au
maintien de la pratique.
L'excision est voulue par les personnes âgées de
la société. 50% des personnes âgées
rencontrées au hasard sont pour la continuité de la pratique de
l'excision. L'excision est une bonne pratique dont la régression nous
mécontente. Nos parents ont posé les premiers actes, il nous
appartient de perpétuer le phénomène et c'est ce que nous
fait jusque là avant nos files ne changent de comportement.
Les femmes, alors qu'elles sont les victimes, sont dans leur
grande majorité opposées à toutes formes de lutte contre
l'excision. D'où leur circonspection dans les réponses. Elles
n'évaluent pas le danger sur la santé de cette pratique.
Quant à l'influence de l'homme, nous remarquons qu'ils
sont parfois ignorants et indifférents quant au fait de l'excision. Dans
la culture peul, par exemple, il y a les prérogatives qui
relèvent de l'homme ou de la femme. Il revient à la femme de
s'occuper de l'éducation de sa fille et de la préparer au
mariage. L'excision étant une étape conduisant à une union
conjugale réussie, la mère met un accent particulier à la
réaliser.
Toutefois, les hommes sont aussi responsables de la
persévérance de cette pratique du fait de certains de leurs
concepts sociaux. Par exemple, dans certaines régions les hommes
refusent de se marier à une femme non-excisée. Par ailleurs, nous
avons pu noter, au travers des exemples précédents, que dans de
nombreux cas l'excision était pour l'homme une manière d'assurer
la fidélité de son épouse et marquer ainsi sa
supériorité. D'autres hommes estiment encore qu'une femme capable
de jouir est "gâtée" ou qu'une femme non excisée est
beaucoup plus vindicative. Enfin, les mentalités,
généralement rencontrées dans le nord du pays, accordent
une importance non négligeable au fait qu'une femme excisée est
beaucoup plus courageuse pendant l'accouchement, ceci étant dû au
fait malheureusement évident que l'excision constitue un apprentissage
de la souffrance physique.
La volonté, clairement exprimée, de
perpétuer la pratique de l'excision est générale et ce
fait met davantage en évidence l'importance sociale accordée
à l'excision en tant que facteur déterminant dans la
hiérarchie sociale de la femme.
Ce constat, aussi alarmant soit-il, ne doit pas nous priver
d'espérer une éradication de la pratique de l'excision. En effet
dans les milieux interrogés quelques témoignages
révèlent certains comportements hostiles à la pratique de
l'excision. Ceux-ci nous viennent tout particulièrement des jeunes, car
à l'éducation scolaire, aux voyages (liés à l'exode
rural), ces jeunes ont la chance d'entrer en contact avec d'autres coutumes et
de pouvoir comparer plusieurs environnements socio-culturels.
Pour les jeunes, l'excision est une pratique négative,
"ruineuse, et qui provoque une perte de sensibilité sexuelle." Nous
avons pu constater que 97% des vieux de la région étaient
favorables à l'excision alors 80% des jeunes étaient contre.
Sur le plan sexuel, certains jeunes avouent volontiers
préférer les femmes non excisées. De part leur formation
ils envisagent de manière très critique les conséquences
psychologiques et médicales liées à l'excision. "Les
raisons invoquées pour justifier l'excision ne sont guères
scientifiques et elles sont même parfois à la limite du ridicule
aux yeux du progrès et des dangers réels de l'excision, " a
déclaré un jeune.
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