CHAPITRE 4. DISCUSSION
L'étude menée a prouvé que le traitement
physique, dans le post-partum immédiat, est efficace chez
éclamptiques césarisées étant donné que
l'éclampsie est une complication gravissime.
La présente étude démontre que la prise
en charge maternelle de l'éclampsie doit être pluridisciplinaire
tout en associant un spécialiste de médecine physique et
réadaptation.
Pour Neji K. et al., la prise en charge materno-foetale de
cette pathologie ne se conçoit que dans un centre
spécialisé et doit se baser sur une parfaite collaboration entre
l'obstétricien, l'anesthésiste réanimateur et le
néonatologue (2).
4.1. CARACTERISTIQUES DES ECLAMPTIQUES
Notre étude a montré que l'âge moyen de
patientes était de 27,5 ans et 66,6% Des patientes étaient
primipares. 60% ont été transférées en
réanimation et 10% de patientes présentaient une grossesse
gémellaire. L'éclampsie a compliqué 3,33% d'HTAC et 6,66%
d'HTAG.
D'après Neji K. et al., l'âge moyen de patientes
était de 25 ans et 65% des patientes étaient primipares. 31,66%
ont été transférées en réanimation et 6,66%
de patientes présentaient une grossesse gémellaire.
L'éclampsie avait compliqué 1,74% d'HTAG (2).
Sur les 30 patientes soit 100%, 33.3% n'ont pas
présenté les oedèmes.
Dans le groupe de rééduquées, 11 patientes
soit 73,3% (N=15) ont présenté les oedèmes et 9 soit 60%
(N=15) dans le groupe de comparaison.
32 4.2. IMPACT DU TRAITEMENT PHYSIQUE
4.2.1 Le traitement physique et I'HTA
Notre étude démontre que la
rééducation permet d'accélérer la vitesse de la
lyse des chiffres tensionnels chez les éclamptiques
césarisées ainsi que sa stabilisation.
100% des éclamptiques rééduquées
ont vu leurs chiffres tensionnels être inférieurs à 140/90
mm Hg au 7ème jour d'hospitalisation tandis que les non
rééduquées l'ont vu au 12ème jour.
La pression artérielle normale est de 120 - 129 mm Hg
pour la PAS et de 80 - 84 mm Hg. La pression artérielle optimale,
<120/80 mm Hg, est la pression qui ne donne aucune lésion organique
tandis que la pression artérielle normale haute, 130 - 139 mm Hg pour la
PAS et 85 - 89 pour la PAD, est traitée chez les américains ; la
classification américaine parle de « pré-hypertension
»(11).
Au départ, la médecine avait
exagéré le repos prolongé après un infarctus de
myocarde, après un AVC, le repos absolu dans l'insuffisance cardiaque et
sur la prudence dans la reprise d'une activité après ces
incidents cardiovasculaires. Sans doute, par ce que l'imagination est
frappée par les dyspnées d'effort dans l'insuffisance cardiaque
et dans les coronaropathies, et aussi par la survenue des morts subites
à l'effort (11).
Par contre, les études ont montré que la
majorité des symptômes d'IDM ont débuté dans des
moments de vie sédentaire ou d'inactivité physique, cas de
l'étude de Morris vers 1950 (11).
Pour les cardiologues, la réadaptation vise 5 objectifs
dont :
- améliorer la capacité d'effort physique ;
- réduire les retentissements de la maladie ;
- favoriser le retour au travail plus précoce d'un plus
grand nombre des personnes ; - retarder les rechutes et en réduire le
nombre ;
- augmenter l'espérance de vie (11).
La pratique de l'activité physique est
extrêmement intéressante pour l'organisme car elle entraîne
une diminution du taux de cholestérol dans le sang, améliore la
sensibilité à l'insuline, et donc diminue le taux du sucre dans
le sang et l'inflammation. Elle a un effet sur la structure des vaisseaux
artériels en limitant le phénomène
d'athérosclérose (8).
Sur l'HTA, l'effet de l'activité physique est
indiscutablement positif, entraînant une baisse significative des
chiffres de pression artérielle, de l'ordre de 10 mm Hg pour la PAS et
de 5 mm Hg pour la PAD. Cet effet est plus important chez les sujets qui ont de
l'HTA par rapport à ceux qui n'en ont pas et il est lié à
l'intensité de l'effort physique ; plus celle-ci est importante, plus la
baisse des chiffres de pression artérielle est importante (8).
L'OMS dans son rapport sur les maladies cardiovasculaires en
Afrique dit qu'on peut également prévenir l'HTA grâce
à une alimentation appropriée et à la pratique de
l'exercice physique. Elle demande la promotion de la pratique de l'exercice
physique en augmentant quotidiennement la pratique d'une activité
physique modérée et en diminuant la proportion des situations
d'inactivité (12).
De nombreuses études montrent par ailleurs que la
durée de l'effort a plus d'importance que l'intensité et doit
donc être favorisée. Les efforts aérobies prolongés,
faisant intervenir la respiration de manière importante, sont donc
vivement conseillés (8).
Le rôle préventif et curatif de l'activité
physique dans la survenue et dans le traitement des maladies cardiovasculaires
est pourtant fondamental (13).
Selon KINKONTWE, voici les effets théoriques de
l'activité physique qui lui valent le mérite d'être un des
meilleurs moyens de prévention des maladies cardiovasculaires (14) :
- modification de façon bénéfique du
rythme et de la pression cardiaque : l'entraînement cardio-vasculaire
diminue le débit cardiaque au repos et réduit la pression
artérielle systolique et diastolique au repos ;
- amélioration du développement d'une circulation
collatérale dans le
myocarde ;
- établissement d'un meilleur équilibre
neuro-hormonal qui préserve l'oxygène du myocarde ;
- augmentation de la capacité de travail et de l'endurance
;
- diminution du tonus vasoconstricteur des vaisseaux et donc leur
ouverture ; - contribution dans la prévention de l'hypertension
artérielle en diminuant les
facteurs de risque de cette affection et dans la diminution le
taux de
glucose sanguin ;
- diminution du stress par son effet psychologique positif ;
- activation de la mobilisation des lipides.
D'après le professeur NKIAMA, l'entrainement
aérobie diminue la pression artérielle de sujets
modérément hypertendus mais il semble avoir peu d'effet en cas
d'HTA sévère (15).
Les mécanismes exacts responsables de la diminution de
la pression artérielle de repos après entraînement ne sont
pas encore clairement identifiés ; il est probable que la diminution du
débit cardiaque de repos y contribue, les besoins en oxygène
étant satisfaits grâce à l'augmentation de la
différence artério - veineuse en oxygène. En admettant que
le débit cardiaque de repos ne change pas, il faut alors envisager une
diminution des résistances vasculaires périphériques dont
l'origine pourrait être une baisse générale du niveau
d'activités du système nerveux sympathique (14).
Les femmes enceintes actives bénéficient d'une
réduction des risques de maladies cardiovasculaires et de plusieurs
autres maladies dès qu'une augmentation de la forme physique, si minime
soit-elle, est constatée (16).
Les bienfaits de l'activité physique durant la grossesse
pour la mère
sont (16):
- Moins d'accouchements prématurés ;
- Moins de complications à l'accouchement ;
- Moins de césariennes ;
- Et une récupération plus rapide en
post-partum.
4.2.2. Traitement physique et
l'oeclème
Dans notre travail, le traitement physique a contribué
à l'accélération de la fonte d'oedème en
post-partum immédiat.
En se basant sur le signe de Godet, nous avons remarqué
que les 11 patientes rééduquées soit 100% ont fondu leur
oedème au J4 d'hospitalisation contre 6 patientes soit 66,6% (N=9) de
non rééduquées tandis que toutes les 9 soit 100% l'ont
fondu au J6 d'hospitalisation.
En se référant aux moyennes de
différences des circonférences malléolaires, du J0
jusqu'à la fonte d'oedème, nous avons vu que les
rééduquées ont fondu le maximum de leur oedème au
J4, soit 2,4 cm tandis que les non rééduquées l'ont fondu
au J6, soit 2,1 cm.
Le sujet présentant un oedème se trouvent
confronté non seulement à une impotence fonctionnelle mais aussi
à une situation de dégradation physique, d'inconfort, voire de
douleur. Lutter contre l'oedème, le prévenir, semble dès
lors bien légitime (9).
D'après l'Unité de Traitement physique de
l'oedème (UTO), si l'on connaît depuis longtemps les effets
bénéfiques de certaines techniques physiques, il faut souligner
que ces dernières années ont vu se préciser leurs
modalités d'application. Elle continue également à essayer
de démontrer par l'expérimentation de ce que l'on constate
cliniquement, à savoir une régression de l'état
oedémateux et non une simple accommodation à cet état de
« mois bien-être » (9).
Des exercices spécifiques ou mobilisations, faisant
intervenir les muscles les plus proches de l'oedème, seront
réalisés afin de favoriser le drainage (9).
Le retour veineux, chez le sujet normal, en activité est
favorisé entre autre par :
- l'effet de pompe assuré par la respiration (effet
contraire lors du Valsalva) ;
- l'effet de pompe assuré par l'activité cardiaque
;
- les actions de compression sur les veines (pulsatilité
de l'artère voisine, compression musculaire, compression de la plante du
pied très richement vascularisée, analogue à un
réservoir spongieux) (17).
L'automassage veino-lymphatique et la gymnastique vasculaire
active, pratiqués par le patient lui-même chaque jour à son
domicile permettent d'agir sur la synergie muscleveine-lymphatique et de
conserver la mobilité articulaire (18).
Les exercices les plus importants sont ceux qui demandent la
mobilisation des articulations des orteils et des chevilles (18).
4.2.3. Traitement physique et les complications de
décubitus
Dans la présente étude, le traitement physique
nous a permis de prévenir la survenue des complications précoces
durant la période d'alitement et d'immobilisation des
éclamptiques césarisées.
Nous avons noté qu'une patiente soit 6,6% (N=15) des
patientes rééduquées a présenté un
encombrement bronchique contre 33,3% des patientes non
rééduquées tandis qu'aucune patiente
rééduquée n'a présenté les escarres de
décubitus contre 2 patientes non rééduquées soit
13,3% (N=15).
Nous signalons qu'aucune éclamptique
césarisée (N=30) n'a présenté les complications
locomotrices et thromboemboliques dans le post-partum immédiat.
Nous n'avons pas pu mesurer les volumes respiratoires
étant donné que certaines patientes n'étaient pas
collaborantes et d'autres inconscientes au J0, J1 ou parfois au J2
d'hospitalisation, ainsi que la fonte musculaire à cause de la
présence d'oedème chez certaines patientes.
compressions musculaires. Donc la vitesse du flux veineux est
abaissée lorsqu'un membre est au repos, en position horizontale (17).
La kinésithérapie joue un rôle
préventif dans la plupart des complications liées à un
alitement prolongé en proposant au patient (17) :
- de la gymnastique respiratoire :
· elle assure la prévention des problèmes
pulmonaires en réduisant les risques d'atélectasies ;
· la respiration thoracique sera favorable au retour
veineux (membres inférieurs) ;
· la respiration abdominale sera favorable au transit
intestinal.
- de la mobilisation des membres inférieurs et
supérieurs favorable:
· à la lutte contre l'ostéoporose ;
· au maintien de la tolérance orthostatique ;
· à la lutte contre la fonte musculaire ;
· à la lutte contre les raideurs articulaires ;
· au retour veineux ;
· au psychisme du patient.
- le lever et la mise au fauteuil favorable:
· à une bonne fonction pulmonaire ;
· à la lutte contre l'ostéoporose ;
· au maintien d'une adaptation correcte à
l'orthostatisme ;
· au psychisme du patient.
Le changement fréquent de position, toutes les 2
heures, permet d'éviter ou de retarder les perturbations des rapports
ventilation/perfusion et des échanges gazeux pulmonaires, et de diminuer
l'incidence de pneumonies et d'atélectasies, ainsi que de la
morbidité post-opératoire (19).
ROUKEMA et al. ont montré que la
kinésithérapie respiratoire pouvait diminuer l'incidence
d'atélectasies après une chirurgie abdominale haute (16% contre
60% de complications) (19).
D'après S. de SEZE, le kinésithérapeute
aura aussi un rôle à jouer dans la prévention des
dépressions respiratoires dues aux calmants majeurs de type morphinique.
La présence du rééducateur respiratoire dans les services
où l'on pratique la chirurgie s'impose tout au long des suites
opératoires. Il faudra insister sur l'amélioration des suites
opératoires qui résultent d'une kinésithérapie
précoce et soigneuse (20).
Une mobilisation régulière et appropriée
aide à maintenir une souplesse des tissus mous, ainsi qu'une bonne
amplitude articulaire. La prise en charge précoce permet au patient
d'aborder sa phase de réhabilitation dans les meilleures conditions
positives. Dès lors, en assurant une mobilisation précoce, le
praticien évite non seulement les complications
ostéo-articulaires et neuromusculaires mais aussi les complications
pulmonaires, cardiovasculaires et autres (19).
La position joue un rôle dans la modification des
échanges gazeux et dans l'optimisation du rapport ventilation/perfusion
(19).
Différentes études ont en effet montré
que le placement du patient en position semi-assise diminuait l'incidence des
pneumonies par rapport au décubitus dorsal. Delaney et al. ont
effectué une méta-analyse concernant cette technique qui a
montré une diminution de l'incidence des pneumonies nosocomiales
(19).
Au niveau de tissus mous, une position judicieuse peut
prévenir une série de complications comme les attitudes
vicieuses, les compressions nerveuses ou les escarres (19).
La fonte musculaire est précoce et rapide, à
titre d'exemple, une immobilisation d'une semaine réduirait le poids
d'un muscle d'environ 20%. Des contractions musculaires fréquentes
répétées dans la journée trouvent ici une partie de
leur justification (17).
4.2.4. Traitement physique et les autres
complications
Outre les complications prévenues, d'autres
complications sont survenues chez les éclamptiques
césarisées en post-partum immédiat et voire même
pendant la crise éclamptique.
Sur les 30 patientes soit 100%, 13 patientes soit 43,3% ont
été affectées dont 8 soit 26,6% ont présenté
une fièvre, 1 soit 3,3% ont présenté
l'hémiplégie, 3 soit 10% ont présenté l'infection
de la plaie opératoire et 1 patiente soit 3,3% ont
présenté une psychose puerpérale.
En combinant la fièvre avec l'encombrement bronchique
(suspicion d'une pneumonie), nous avons vu que sur les 8 patientes ayant
présenté une fièvre soit 100% (N=8), l'encombrement
bronchique s'est associé à la fièvre chez 2 patientes soit
25% (N=8). Nous avons constaté que toutes ces 2 patientes soit 100%
(N=2) appartenaient au groupe de non rééduquées tandis que
les rééduquées n'ont pas associé leur fièvre
à l'encombrement bronchique.
Selon LONGO MBENZA et al., l'athérosclérose
préclinique, reflet de la rigidité artérielle, est
définie par une pression pulsée =60mmHg. Elle est présente
chez la moitié des sujets étudiés. La pression
pulsée associant une PAS élevée et une PAD normale ou
basse est un indice prédictif de mortalité cardiovasculaire et de
risque d'accident vasculaire cérébral (21).
Bien que ses complications sont survenues, la médecine
physique et réadaptation intervient aussi dans le traitement curatif des
certaines complications, telles que les encombrements bronchiques,
l'hémiplégie, les escarres et la psychose puerpérale.
4.2.5. Traitement physique et autonomie
Nous avons remarqué dans notre étude que les
éclamptiques césarisées rééduquées
ont récupéré rapidement leurs fonctions motrices
grâce aux activités physiques. Ces exercices ont permis de
stimuler les patientes dans l'accomplissement précoce des fonctions
motrices entamées par l'éclampsie et ses retentissements afin
d'éviter ou de traiter certaines complications. Signalons qu'une
patiente soit 6,66% a présenté l'hémiplégie,
d'où elle n'a pas pu récupérer dans le délai de
notre étude.
En ce qui concerne l'autonomie, notre étude a
montré que le traitement physique favorise une acquisition
précoce de l'autonomie, permettant ainsi à la patiente de se
réintégrer socialement et de réaliser seul ses besoins
quotidiens dans un bref délai. Et cela a réduit le temps
d'alitement des éclamptiques césarisées.
Nous avons remarqué que les éclamptiques
rééduquées ont atteint 100% de leur autonomie au J6 tandis
que les non rééduquées l'ont atteint au delà du
7ème jour d'hospitalisation avec une vitesse
inférieure à celle des rééduquées.
|