INTRODUCTION
L'actualité du débat de
l'infécondité constitue une réalité qui suscite des
interrogations. L'infertilité et la stérilité ont
déchiré le voile de la procréation naturelle.
Un couple juge que le moment est venu pour lui de mettre au
monde un enfant. Mais ce projet est mis en échec par son
infécondité.
Les progrès scientifiques et techniques, qui
améliorent sans cesse le cadre de vie du genre humain, ne resteront pas
insensibles à ce drame cornélien. La médecine et la
biologie vont, ainsi, largement contribuer à faire reculer l'apparente
irréversibilité de cette situation incommode, grâce
à la vague des innovations sans précédent qui se sont
développées au cours de ces deux dernières
décennies. La Procréation Médicalement Assistée
(PMA) constitue l'une des voies offertes aux couples confrontés à
la difficile conception d'un enfant.
La puissance de l'écho médiatique de cet
évènement nourrit à la fois un mélange de
fascinations et de peurs par les fantasmes dont il est porteur.
La PMA peut être entendue comme le projet parental
tendant à recourir à l'ensemble des techniques médicales
nouvelles existantes en vue de remédier à
l'infécondité d'un couple hétérogène en
âge de procréer.
Plusieurs acceptions terminologiques ont été
confrontées.
Les juristes mettent l'accent sur la formule de
« procréation médicalement assistée »
constituant l'ensemble des techniques thérapeutiques qui permettent aux
couples inféconds de satisfaire leur espoir de donner la vie à un
enfant, abstraction faite des motivations personnelles et des curiosités
expérimentales médico-scientifiques. Un autre concept a
été utilisé. En effet, le terme
« procréatique » a été avancé
vers 1985, à la suite de la diffusion de nouvelles techniques de
reproduction assistée (NTR) avec le don de gamètes, la
parenté de substitution. Le terme englobe l'idée selon laquelle
les méthodes en question sont susceptibles de transgresser le cadre
médical pour répondre à d'autres motivations qui seraient
déstabilisatrices de la vie sociale et de l'équilibre psychique
des individus.
Il est également fait mention de l'idée
d' « obtention » assistée d'enfant. N'est
guère innocente non plus l'expression « procréation
artificielle » qui met en exergue le caractère marginal par
rapport à la norme sociale de la conjonction sexuelle naturelle entre un
homme et une femme.
Le législateur français a donné sa
préférence à l'appellation d' « assistance
médicale à la procréation » en son article L
152-1 du code de la santé publique.
La PMA est donc l'ensemble des pratiques visant à
provoquer une grossesse en dehors de tout contact sexuel.
Malgré sa médiatisation exagérée,
la PMA n'en est pas moins, en soi, une nouveauté. Élaborée
de manière artisanale, elle s'est développée très
discrètement dans le milieu de la pratique médicale. A l'origine,
la morale sexuelle et religieuse concevait mal qu'un tiers, le médecin,
puisse intervenir dans l'intimité d'un couple. Pour échapper
à la critique, le secret a servi de rempart à l'encontre du
contrôle social de la réprobation que suscitent
l'insémination artificielle et la fécondation in vitro.
L'insémination artificielle, encore appelée
fécondation in vivo, semble avoir été
évoquée pour la première fois dans les textes du Talmud du
IIe et IIIe siècles avant notre ère. Les
premières traces écrites concernant l'application de la technique
aux mammifères remontaient au XIVe siècle avec un
document arabe de l'an 1322 relatant son utilisation comme arme de guerre par
certaines tribus qui inséminaient les juments de l'ennemi avec le
liquide séminal des plus mauvais étalons. Quant à la
première expérience de congélation-insémination de
sperme animal, elle remonte à la seconde moitié du
XVIIIe siècle avec les travaux du prêtre italien
Lazzarano Spallanzani (1729 - 1799) qui, en 1770 à
l'aide d'une seringue tiédie contenant du sperme de chien,
féconda une chienne qui mit bas trois chiots bien constitués. Il
venait ainsi de pratiquer la première insémination
expérimentale sur le chien.
Le premier témoignage fiable de réussite d'une
insémination artificielle sur un humain est attribué au
médecin anglais John Hunter qui, en 1790,
procéda à cet acte sur la femme d'un riche marchand de draps
londonien qu'une malformation de la verge1(*) empêchait d'avoir une vie sexuelle
satisfaisante.
A la fin du XIXe siècle, en 1886,
l'idée de recourir au sperme d'un donneur pour suppléer la
défaillance du conjoint n'a fait qu'accroître l'opprobre.
Dès lors, l'insémination fut condamnée par une sentence du
Saint-office de Rome le 24 mars 1897, et fut confinée à la
clandestinité. Ce ne sera pas avant 1945 que l'on rapporte en
Grande-Bretagne des cas d'insémination avec donneur. Ce qui motive la
réitération d'une seconde condamnation le 29 septembre 1949 lors
du 4ème congrès international des médecins
catholiques tenu à Rome à la même date.
C'est dans les années 1950, avec les travaux de
l'Anglais Parkes et de l'américain
Sherman, que s'opère la maîtrise dans l'azote
liquide la congélation du sperme humain. Et en France, la
première banque de sperme fut créée à Paris en 1972
par le Professeur Netter.
Quant à la fécondation in vitro elle, aussi, a
d'abord été mise au point sur l'animal. Après 15 ans
d'efforts soutenus, l'équipe formée par le biologiste
Edwards et le gynécologue P.C. Steptoe
fut récompensée par la naissance de Louise
Brown, le 25 juin 1978, à l'Oldham General
Hospital en Angleterre qui consacrait la réussite de leur
méthode.
Aux États-Unis, le premier enfant conçu in
vitro , Elisabeth Carr, voit le jour le 28
décembre 1981.
En France, le premier enfant conçu par FIVETE,
(Fécondation in vitro avec transfert d'embryons),
Amandine, vit le jour le 24 février 1982
à l'hôpital Antoine Béclère de Clamart, grâce
à l'équipe des Professeurs Jacques Testart,
biologiste, et René Frydman, obstétricien.
Pour ce qui est de la gestation pour autrui, elle est vieille
comme le monde et a longtemps existé sous forme d'entraide
féminine (sororat) ou masculine (lévirat) avec la naissance du
premier enfant qui sera considéré comme celui du ou de la
défunt(e) dans l'espoir de lui permettre d'avoir un héritier et
de perpétuer son nom.
Dans la plupart des sociétés, elle fait partie
des moeurs. Déjà dans la Rome antique, l'expression
« ventrem locare » était utilisée
pour désigner le procédé par lequel on sollicitait les
services d'une femme féconde pour donner la vie à un enfant pour
le compte d'une autre femme qui, elle, était stérile ou qui
mettait au monde des enfants mort-nés. Les exemples cités dans la
Bible de Sarah avec sa servante Agar2(*), de Rachel avec Bilha3(*) et de Léa avec Zilpa4(*) sont illustratifs de la pratique
qui était en cours.
Les familles bourgeoises et fortunées du
XIXe siècle ont toujours eu recours à des mères
porteuses. Cette pratique a traversé les âges pour
réapparaître sous une forme
« désexualisée ».
Mais entretemps les valeurs de la société
internationale ont changé de sorte que, malgré que cette pratique
soit la plus ancienne du monde de toutes les méthodes de
procréation assistée, elle suscite de vives
réprobations.
Ce rappel historique souligne la difficile gestation de la PMA
et les réticences ou les acquiescements développés par
l'opinion publique.
Mais progressivement avec l'évolution des moeurs et
l'avancée de la science biomédicale et biotechnologique, la
pratique a fini par se faire une place reconnue et institutionnalisée.
Pour ce faire, les médecins ont dû prendre en
considération dans l'exercice de leur art, les objections morales en
excluant les demandes de projets parentaux qui heurtent les
représentations courantes du moral, du naturel et du licite en
matière de procréation.
Actuellement, la PMA est bien introduite dans la presque
totalité des pays du monde même si des nuances sont notées
quant à sa large publicité ou non.
Les pays occidentaux ont donc fini d'agréger le
phénomène comme partie intégrante de leurs habitudes et
s'attèlent plutôt à en améliorer la qualité
pour réduire les taux d'échec.
Toutefois, l'exception culturelle aidant, l'approche des
préoccupations est modulée, plus ou moins, fortement.
Ainsi, les pays comme les États-Unis, la Grande
Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne, entre autres, affichent une liberté
plus tolérante grâce à une législation très
souple. A l'opposé, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche, la France, entre
autres sont très circonspectes et limitent de façon rigoureuse la
pratique.
Cette nuance des positions est à l'aune du débat
juridique quant à la nécessité ou non de la refonte des
législations pour une adéquation avec les engagements
internationaux, l'évolution des moeurs, le respect des droits
fondamentaux en matière de procréation artificielle post mortem,
le désir de procréer des femmes célibataires,
ménopausées, le recours à une « mère
porteuse » par un homme célibataire ou homosexuel ou un couple
homosexuel ou lesbien. Mais également les incidences éthiques,
sociales et religieuses qui peuvent en résulter.
Les législations occidentales sont donc tirés
entre tenants de la liberté totale et partisans de la défense
morale du droit de l'enfant face à l'égoïsme d'un droit
à l'enfant.
Quoiqu'il en soit, l'enjeu dans tous ces pays occidentaux est
le souci d'avoir un enfant « sain », d'où le recours
fréquent au diagnostic pré-implantatoire en vue d'éviter
la transmission de maladies héréditaires ou d'éventuels
handicaps.
Dans les pays en développement, notamment africains,
asiatiques, sud- américains et arabes, la pratique est vécue avec
plus de pudeur, de réserve et de circonspection. Si ce n'est alors une
insuffisance, voire même une absence de législation. En octobre
1986, l'Académie de Droit musulman de Fiqh, en Arabie Saoudite, a
affirmé que seules la fécondation in vitro de l'ovule d'une femme
par le spermatozoïde de son mari ou l'inoculation du sperme du mari dans
l'utérus de l'épouse sont autorisées. Toute autre
méthode serait illégale.
Le Sénégal, pays à forte obédience
musulmane, a semble-t-il épousé la même démarche.
Ainsi, en l'absence d'une législation nationale, les médecins
sénégalais se font leurs propres censeurs : la gestation
pour autrui et la participation du tiers donneur ne semblent pas admises. De ce
fait, l'insémination artificielle et la fécondation in vitro sont
pratiquées depuis 1989 à Dakar au sein des couples
hétérogènes maritalement unis5(*).
Le but de la présente étude est de
démontrer la réalité bien sénégalaise de la
PMA qui consacre l'exigence de profondes mutations des mentalités
lesquelles, au demeurant, devenant par ricochet incompatibles avec
l'état actuel du droit positif dans tous ses compartiments.
L'étude permettra également de relever l'insuffisance et
l'inadéquation du système sénégalais et les
problèmes soulevés par la pratique et l'environnement de la
PMA.
Nous avons imposé une double limite au champ
d'application de notre étude. Rien qu'en Occident le sujet n'arrive pas
à être épuisé et il serait prétentieux de
vouloir encore écrire par rapport à l'Occident où
d'éminents devanciers et précurseurs, qui maîtrisent mieux
leur environnement, ont déjà posé de solides
fondements.
Tout comme nous n'étendrons pas notre étude
à d'autres contrées ou régions du monde comme
l'Amérique, l'Asie et le Moyen-Orient. Ce serait, assurément, le
meilleur moyen de se perdre dans les dédales d'un labyrinthe et d'en
ressortir terne sans avoir rien produit de consistant et de pertinent.
Nous éviterons, de cette façon, de rendre notre
tâche beaucoup plus ardue et moins laborieuse à la bonne
compréhension et lisibilité de tout lecteur
intéressé. La PMA, indéniablement, suscite des
interrogations captieuses dont la plus essentielle consiste à savoir
comment le droit appréhende la pratique depuis le début de son
processus en passant par les questions de sa licéité, du respect
de l'ordre public et des bonnes moeurs, du respect des règles de
l'indisponibilité du corps humain, de l'état des personnes,
l'exercice déontologique de l'activité et de la recherche
médicale, la préservation des valeurs culturelles, le statut et
la filiation de l'enfant.
En plus, les questionnements qui se posent consistent
également à savoir s'il est légitime de provoquer la
conception d'enfants au moyen des procréations artificielles faisant
recours à des donneurs de gamètes étrangers au
couple ? de priver l'enfant de son identité biologique ? De
provoquer délibérément ce dédoublement de la
parenté ? L'intérêt de l'enfant a-t-il
été pris en compte par le droit et la pratique ? Est-il
socialement acceptable de faire des enfants qu'on ne verra et ne
connaîtra jamais? Quand on fait un enfant est-ce pour soi-même ou
pour lui ? L'enfant est-il une personne ou l'objet d'un droit
subjectif ? Est-ce qu'un couple ou une personne célibataire,
homosexuelle ou âgée peut exiger de la société ou du
médecin l' « obtention » d'un enfant comme s'il
s'agit pour lui de réclamer un droit fondamental
constitutionnalisé dit « droit à
l'enfant » ? Que veut-on signifier quand on affirme que la
personne possède une dignité ? En raison de quel titre les
hommes ne peuvent-ils pas être employés comme de simples
matériaux d'expérimentations ? Le droit doit-il
adhérer à toutes les manipulations (eugénisme, clonage,
diagnostic pré-implantatoire) ? Tout ce qui est scientifique est-il
possible et souhaitable ? Science ou scientisme ? Est-il permis de
modifier les notions juridiques de « père »,
« mère » et « enfant »
fondées sur le sang sans, en même temps, affaiblir la
« famille de sang » dite naturelle ?
Au Sénégal, la PMA semble ne pas concevoir
l'intervention d'un tiers.
Telle est la somme des pensées affichées et
servies à l'opinion publique. Toutefois, en l'absence de
législation, le doute légitime peut effleurer le bon sens lorsque
la stérilité résulte du mari. Dès lors, la
médecine sénégalaise va-t-elle continuer à se
réfugier derrière le tabou religieux pour ne pas donner suite
à la sollicitation d'un couple marié ? A-t-elle le droit de
privilégier certains couples au détriment d'autres selon que la
cause résulte d'une infertilité de la femme et /ou d'une
stérilité du mari ? Ne serait-ce pas bafouer le principe
d'égalité des citoyens ?
La foultitude des questionnements atteste du passionnant
débat qu'attise notre sujet et donne déjà une
avant-première de notre étude.
L'inégalité est dans le nature même et le
droit n'a certainement pas pour mission d'assurer une égalité
« concrète » entre individus. Tout au plus se
doit-il d'exercer son autorité sécuritaire.
L'intérêt est toujours à la mesure de la
vive controverse soulevée et toujours sous les feux de la rampe de
l'actualité quant à l'opportunité de
légiférer. Certains estiment qu'il serait risqué de
légiférer dans un domaine où la science évolue sans
cesse. D'autres, qui constituent la majorité, pensent qu'il faut poser
un cadre juridique. Il est incontestable que c'est dans les pays
développés que le phénomène a plus d'ampleur avec
les débats intéressants et la riche production intellectuelle.
Au Sénégal, ce même débat
cristallise les tenants et les opposants de la pratique de la PMA. D'aucuns,
à l'image de la majorité citoyenne, manifestent une certaine
négativité par rapport à toutes ces nouvelles techniques
qui remettraient en cause des certitudes que l'on croyait indéfectibles
et qui accentueraient l'effritement de la charpente des valeurs
socioculturelles déjà suffisamment entamée par d'autres
facteurs. Ils refusent cette pratique comme n'épousant pas nos moeurs.
Ils estiment également que ce sont des dérives hors nature. En
plus, ils invoquent volontiers les risques de réification marchande du
corps humain à grande échelle, voire même favoriser
l'implosion d'un vaste réseau de trafic de produits du corps humain dans
un continent où la pauvreté est la chose la mieux
partagée.
Ils avancent, enfin, que la valeur du corps humain serait
réduite à sa plus simple expression du fait d'une
industrialisation rentière de structures à vocation
expérimentale en Afrique où la législation est plus
poreuse ou inexistante.
Sous une autre appréciation, les partisans de la PMA
défendent la réputation des couples infertiles ou stériles
face aux quolibets et médisances en tous genres lorsque aucun enfant ne
vient consolider le foyer. De plus pour les parties intéressées
à la PMA, c'est la meilleure garantie au secret de leur situation et un
semblant médiatique de faire croire à tous la capacité
procréatrice des deux partenaires.
Pour le conjoint qui a du mal à contribuer à la
conception ou qui ne le peut pas, c'est son honneur et sa dignité qui
seront préservés et qui ne seront pas jetés au
discrédit et à la curiosité publique de l'entourage
élargi. Par ailleurs, ils auront la certitude que l'enfant est bien issu
de leur sang.
Le sujet intéresse également le juge qui, en
l'absence même de règle de loi, est tenu quand même de se
prononcer pour ne pas tomber sous le coup du déni de justice.
L'intérêt double pour le législateur
sénégalais est soit de défendre les
spécificités individuelles, de laisser libre cours l'exercice
médical, soit de subir les protestations des conservateurs qui
l'indexeront de libertinage, au cas où il apporte sa caution à ce
nouveau phénomène de société. L'interdiction de la
pratique ou celle de sa prise en charge publique constituent également
autant de dilemmes pour l'État sénégalais. Quoiqu'il
advienne les intérêts sont multiples selon les positions
affichées.
Ce qui nous conduit à étudier, dans un premier
temps, la résurgence des enjeux de la PMA (1ère
partie) et, dans un deuxième temps, l'organisation juridique de la PMA
(2ème partie).
Notre méthode de travail consistera à une telle
option qui se justifie, dans le premier syllogisme par l'existence de
justifications avancées par les praticiens de la science et de la
médecine et les premières prémisses des implications
prédictives que la pratique soulèvent au sein de la
société.
De cette première approche de la récurrente
réalité de la PMA, il sera, dès lors, aisé,
à la lumière de la réflexion puisée des
différentes argumentations, de déterminer l'impact
prévisible de bouleversements juridiques lesquels se situent, en premier
lieu, au niveau de la doctrine où l'on a perçu les clivages de la
critique avant que leurs débats ne suscitent, en deuxième lieu,
des incidences sur l'ordonnancement juridique.
De cette démarche progressive permettant ainsi
d'identifier toutes les situations et les applications de la PMA, notre
deuxième syllogisme s'explique, à la suite de ce qui
précède, de l'obligation dévolue au législateur
d'organiser toute activité dans la cité en vue de
préserver la cohésion sociale. C'est donc tout le sens du passage
en revue de l'encadrement normatif de la PMA. Mais puisque toute oeuvre humaine
n'est jamais parfaite, il y a lieu de tirer les enseignements découlant
de la régulation normative. De cette mise à nu de
l'incohérence et de l'insuffisance de la portée du système
normatif en vigueur, il apparaît nécessaire de procéder
à la formulation de nouveaux référentiels à la
réglementation laquelle est une nécessité salutaire aux
fins de son amélioration et de sa crédibilité.
PREMIERE PARTIE - LA RESURGENCE DES ENJEUX
DE LA PMA
La PMA, par son introduction de plus en plus prégnante
dans la vie intime des couples, est parvenue à s'imposer comme un
phénomène de société plus que nécessaire
confortant ainsi l'idée de la récurrente réalité du
débat de son existence (TITRE I). Celle-ci, au demeurant, ne se fera pas
sans impact prévisible sur les bouleversements juridiques (TITRE II).
TITRE I - LA RECURRENTE REALITE DE LA PMA
Elle puise son paradoxe dans les racines des justifications
biomédicales avancées par les praticiens de la science et de la
médecine (Chapitre I) et des premières prémisses des
implications prédictives que la pratique n'a pas manqué de
soulever au sein de la société (Chapitre II).
CHAPITRE I - LES JUSTIFICATIONS BIOMEDICALES
AVANCEES
Dans le souci de justifier leur activité en la
matière, les praticiens ont noté l'existence de postulats servant
de fondement à l'implantation de la PMA (Section I) et à la suite
desquels ils en ont tiré une série d'espoirs permis par le
recours à cette pratique médicalement assistée (Section
II).
SECTION I - LES POSTULATS A L'IMPLANTATION DE LA PMA
A l'appui de leurs développements, les praticiens
précisent souvent que l'implantation de la PMA reste motivée par
le bilan du diagnostic médical effectué sur les patients
(Paragraphe 1) et par l'existence de moyens médicaux de
procréation artificielle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Le bilan du diagnostic médical
Il peut résulter dans la plupart des cas que la lecture
du bilan médical révèle des obstacles à la
procréation naturelle (A) d'où la nécessaire intervention
des praticiens (B).
A / - Les obstacles à la procréation
naturelle
La première difficulté de la procréation
naturelle demeure le choix terminologique entre les notions
d'infertilité ou de stérilité pathologiques (1) et la
seconde difficulté a pour pendant l'inefficience mitigée des
traitements classiques (2).
1°/ - Les notions d'infertilité et de
stérilité pathologiques
Il serait préférable d'éviter l'amalgame,
la confusion, voire même la vaine redite en optant pour la formulation de
constat d'une infécondation féminine (a) ou d'un
dysfonctionnement masculin (b). Ceci permettrait une meilleure
compréhension du phénomène des difficultés de la
procréation naturelle.
a / Le constat d'une infécondation
féminine
Les causes de stérilité et d'infertilité
chez la femme sont multiples et d'origines très diverses. La femme fait
l'objet d'une investigation par une série d'examens et de
prélèvements destinés à vérifier si les
sécrétions vaginales ne contiennent pas des bactéries
susceptibles de nuire à la conception. On vérifie
également la possible perméabilité des gamètes,
c'est-à-dire si la circulation des ovules et des spermatozoïdes
dans les trompes est faisable car la perméabilité des trompes de
Fallope est essentielle au processus de fécondation. Dans le même
ordre d'idées, une exploration est réalisée pour certifier
ou non de la période de fécondité grâce à la
courbe de température qui est capitale pour connaître les temps
d'ovulation de la femme. La température se prend par la bouche (voie
buccale) ou par le vagin (voie vaginale), voire même par le rectum (voie
rectale) tous les matins au réveil, avant le lever afin de juger de
l'existence, de la date et de la qualité de l'ovulation. Ainsi à
la phase d'avant ovulation, la température se situe en
général au-dessous de 36.7° C. Au fur et à mesure que
l'on approche de l'ovulation, on note une diminution progressive de cette
température et au moment de l'ovulation, elle est au-dessus de
36.7° C.
Toutefois, les principales causes d'infécondité
féminine peuvent résulter de raisons vulvaires, ovaires,
vaginales, utérines et cervicales. A titre de quelques exemples
illustratifs, à défaut de pouvoir tous les citer, nous pouvons
relever que ces causes soit sont anatomiques (persistance anormale de l'hymen
qui obstrue l'orifice vaginal chez la femme vierge ; petites tumeurs
bénignes dans l'utérus ou dans le col faisant des saillies qui ne
sont enlevées que par une intervention chirurgicale ;
rétrécissement anormal du canal du col, stérilité
des trompes ou des ovaires décelée par une radiographie ou une
échographie, etc.), soit elles sont fonctionnelles (le vaginisme
caractérisé par une contraction involontaire des muscles qui
entourent la vulve et le vagin rendant toute pénétration
impossible ; l'étroitesse ou le poids de la femme rendant
forcément le rapport sexuel incomplet, etc.). Par ailleurs des
antécédents obstétricaux, gynécologiques ou sexuels
(infections sexuelles) peuvent être la résultante de
l'infécondation telles que aussi les fausses couches spontanées,
les avortements clandestins, l'excessive médicamentalisation, etc.
Tout comme la femme, l'homme peut également être
victime d'un dysfonctionnement de son appareil reproducteur.
b / La présence d'un dysfonctionnement
masculin
Jusqu'à nos jours, les hommes ont du mal à
admettre qu'ils peuvent être la cause de l'infécondité de
leur couple, surtout lorsque leur comportement sexuel est plus que
satisfaisant. C'est donc en toute bonne foi qu'ils indexent leur partenaire
féminin et ne mettent pas en doute leur propre fertilité. Les
choses ont changé et des progrès ont été faits dans
l'exploration des dysfonctionnements sexuels des organes reproducteurs de
l'homme. Ainsi devant un couple infécond, l'homme est dirigé vers
un andrologue, c'est-à-dire un médecin endocrinologue
spécialisé en infertilité masculine qui va procéder
à l'investigation par l'analyse du sperme. A première vue, il
suffit que cette analyse soit faite de façon très scientifique
selon des normes rigoureuses. Cette analyse encore appelée spermogramme
comporte trois volets relatifs tout d'abord à la concentration (ou
numération), c'est-à-dire qu'un sperme doit contenir au moins 40
millions de spermatozoïdes au millimètre cube. Toutefois entre 20
à 40 millions de gamètes masculins, la procréation reste
possible. Cependant à moins de 20 millions, il est assez rare qu'un
homme puisse procréer. Ensuite, le volet de la motilité,
c'est-à-dire au moins 60 % des spermatozoïdes doivent être
mobiles. Enfin, le volet de la morphologie, c'est-à-dire l'apparence de
70 % des spermatozoïdes doit être de forme normale, ovale et de
bonne grosseur.
Le sperme est recueilli dans un tube appelé
éjaculat soit au moyen d'une masturbation, soit (pour des motifs moraux,
religieux ou autres opposés à la masturbation) à la suite
d'une interruption coïtale volontaire du rapport sexuel. Pour ce faire,
quatre jours d'abstinence ou de continence sont exigés du sujet afin de
permettre une bonne spermatogenèse, c'est-à-dire la formation du
spermatozoïde qui prend environ 72 jours chez l'homme. De ce fait, un seul
spermogramme ne suffit pas pour confirmer qu'il y a anomalie et problème
de fertilité masculine. Dans certains cas, la stérilité
masculine ne fait aucun doute du fait de la non-émission de sperme
(aspermie) ou de l'absence totale de spermatozoïdes dans le sperme
(azoospermie). Dans d'autre cas, il y a soit des déficiences
spermatiques caractérisées par une diminution du nombre
(oligospermie) ou de la mobilité (asthénospermie) des
spermatozoïdes suivies ou non par un trop fort taux de formes atypiques
(tératospermie) lesquelles déficiences représentent
les causes les plus fréquentes d'hypofertilités masculines, soit
des hypofertilités masculines d'origine immunologique,
c'est-à-dire que l'on ne retrouve aucune anomalie du nombre, de la
mobilité (encore appelé motilité) ou de la morphologie des
spermatozoïdes. D'autres causes peuvent être à la source de
ce dysfonctionnement masculin. C'est notamment « la tension psychique
(stérilités psychologiques et/ou inexpliquées), l'abus
d'alcool et de tabac, les excès alimentaires,
l'irrégularité du mode de vie, la vie moderne, les facteurs
environnementaux tels les pesticides, les produits nettoyants, le port de
sous-vêtements serrés, la présence de substances hormonales
dans la chaîne alimentaire (...) »6(*) qui peuvent influer sur la
fertilité masculine. A côté de ces raisons probables, on
avance la qualité du sperme avec l'âge (on estime qu'après
45 ans la qualité du sperme décroît
régulièrement même si, çà et là, on
note le pouvoir fécondant de certains hommes atteignant même 70
ans révolus), la prise de médicaments, la fréquence des
rapports sexuels, les antécédents familiaux et personnels (les
maladies infectieuses, le varicocèle, l'obstruction des canaux, les
infections spermatiques, c'est-à-dire une présence de microbes
décelés par l'examen de la spermoculture, les anomalies
testiculaires, l'impuissance sexuelle, les traitements
chimio-thérapeutiques, les variations saisonnières, etc.).
En définitive, l'âge maximal de fertilité,
pour l'homme et la femme, se situe aux environs de 25 ans. Après 30 ans,
on constate une diminution rapide de la fertilité, tant chez l'homme que
chez la femme. Par suite, l'infertilité est définie comme
étant une inhabilité à concevoir après des
relations sexuelles normales, sans emploi de méthode contraceptive. Elle
« est la conséquence d'un défaut de nidation et de
développement d'oeuf fécondé »7(*). La stérilité, par
contre, est l'incapacité de procréer ou de reproduire. Elle
« résulte d'un obstacle à la fécondation (...),
ne s'accompagne d'aucun symptôme ou indice et elle n'est
révélée que par l'échec des tentatives de
procréation »8(*). Une confusion a toujours régné, en
effet, entre les notions de stérilité (incapacité totale
de procréer) et d'infertilité (difficultés ou
délais à concevoir). Ces délais sont, plus ou moins, longs
et dépendent notamment de l'usage prolongé des moyens
contraceptifs utilisés avant que l'on ne se décide d'avoir un
enfant.
Par exemple, une grossesse se déclare en moyenne au
bout de 48 mois après l'arrêt de la pilule contraceptive, 24 mois
après le retrait du stérilet et 12 mois après le retrait
du diaphragme et la non-utilisation du préservatif ou d'un spermicide.
Ainsi l'infertilité est généralement diagnostiquée
comme stérilité avant même que soient écoulés
les douze mois requis en moyenne pour concevoir sans utilisation
préalable de contraception. Par ailleurs ni la stérilité
ni l'infertilité ne sont définies comme des maladies. La
stérilité résulterait de facteurs purement physiologiques,
telle que la recrudescence des MST résultant de la libération des
moeurs depuis les années 1960, et de troubles psychologiques
qualifiés de « manque de volonté » ou de
« défaillances coupables de la volonté »,
expressions qui tentent maladroitement d'expliquer les cas
« mystérieux » (inexpliqués) de
l'infécondité. L'infertilité serait une sorte de
« stérilité voulue » par les femmes et les
hommes ayant trop travaillé intellectuellement qui
préféraient reporter à plus tard leur potentialité
procréatrice, un « onanisme » de désordres
libertins ou encore un égoïsme primaire de l'individualisme ou de
la crise économique d'une situation sociale instable. L'une des causes
de retarder le destin de parentalité se retrouve également dans
l'infléchissement des « activités
contre-nature », dans la liberté reproductive (IVG, usage de
contraceptifs, partenaires sexuels multiples). Toutes choses qui conduisent la
nature a, inexorablement, posé ses limites. Ce qui oblige,
quasi-inéluctablement, de telles personnes à changer d'avis et
décider finalement, trop tard, d'avoir des enfants.
Toutefois, il serait réducteur de croire que seules
l'infertilité et la stérilité pathologiques seraient les
uniques obstacles à la procréation naturelle. Une autre
explication peut être retenue relativement à l'inefficience
mitigée des traitements classiques.
2°/ - L'inefficience mitigée des traitements
classiques
Devant les difficultés liées à la
procréation naturelle, les couples, en désespoir, vont recourir
à la pharmacie qui va se déclarer parfois impuissante (a) et
à la tradithérapie qui, elle aussi souvent, semble être
inopérante (b).
a / L'impuissance de la solution
médicamenteuse
Nous avions déjà avancé dans nos propos
que la consommation en médicaments peut être envisagée
comme l'une des causes de la stérilité et de
l'infertilité.
En effet en ce qui concerne les traitements
médicamenteux, les traitements chimio- et radiothérapiques, on
recherchera toujours que lors de la prise d'un traitement au long cours,
certains médicaments ont été incriminés dans la
survenance des altérations spermatiques. Les cellules germinales sont
extrêmement sensibles à ces traitements entraînant une
azoospermie irréversible. Tout comme les traitements des
dysfonctionnements ovariens, la prise exagérée de pilules sont
autant de facteurs qui atténuent l'efficacité de la solution
médicamenteuse pour venir à bout de certaines
stérilités réputées inexpliquées.
Quoiqu'il advienne face à une infécondité
persistante, la prise de « pilules du lendemain » tel le
Viagra n'est pas synonyme de fertilité et leur abus conduit souvent
à des complications définitives si ce n'est tout bonnement vers
une mort certaine. De plus, il peut arriver qu'un traitement à base de
médicaments puisse porter temporellement des résultats. Mais
à la longue, si pour chaque enfant souhaité, il faut encore
solliciter leur apport, l'organisme risque de ne plus répondre à
ces produits artificiels.
L'impuissance des médicaments est à la mesure
également de l'inopérabilité de la tradithérapie.
b / L'inopérabilité de la
tradithérapie
La médecine traditionnelle dite tradithérapie,
encore appelée pharmacopée, suscite un complexe de
méfiance même si certains considèrent que, bien avant
l'invasion arabe et la pénétration coloniale occidentale, elle
faisait les beaux jours de tous les pays en développement aujourd'hui.
On avance même qu'aucun peuple ne peut exister sur terre sans avoir
développé les moyens qui lui permettent de perpétuer sa
race, son identité, notamment des soins sanitaires qui lui sont
spécifiques d'où la critique adressée à ceux qui ne
lui reconnaissent aucune crédibilité. Cela nous amène donc
à considérer la capacité opérationnelle de la
médecine traditionnelle dans un contexte hostile fait de
nouveautés, de technologies et de finesse dans la modernité de
l'art médical. Ainsi, le premier problème de
l'inopérabilité de la pharmacopée se situe dans son
acceptabilité au niveau des praticiens qui ne lui reconnaissent pas une
préséance dans l'art médical. Son acceptabilité
reste aussi débattue dans certaines couches des populations qui
rechignent à lui donner crédit. C'est justement à ce
propos que tout récemment, face à des pages publicitaires
diffusées dans les médias par le canal des radios et journaux
privés de plusieurs guérisseurs venus du Nigeria qui estiment
pouvoir soigner toutes les maladies, y compris la plus tristement
célèbre parmi elles (le SIDA), les autorités sanitaires et
politiques du Sénégal ont dû monter au créneau pour
réactualiser leur mission de police administrative, de
sécurité et d'alerte pour le respect de l'ordre public et des
bonnes moeurs. Ce qui a, indubitativement, poussé l'organisation
tradipraticienne sénégalaise à exiger que le projet de loi
portant réglementation de leur art soit définitivement
voté et adopté. En effet, le vote d'une telle loi rendrait plus
opérationnelle la tradithérapie et permettrait de vérifier
la réalité des prétentions de soins face à
l'infertilité et la stérilité dans les ménages.
Les obstacles à la procréation naturelle ont
conduit les praticiens à intervenir dans la vie des couples qui se sont,
tout naturellement, tournés vers eux.
B / - La nécessaire intervention des praticiens
La médecine a pour devoir primordial d'assister les
patients qui la requièrent en concours (1°) et le
spécialiste a souscrit une clause de conscience (2°) qui lui permet
de conseiller, d'informer son client (3°).
1°/ - Le devoir d'assistance du professionnel
Les codes internationaux portant sur la pratique
médicale, comme le serment d'Hippocrate, recèlent des
dispositions donnant injonction aux corps médical et paramédical
de veiller à apporter leur concours, leur connaissance et leur savoir
aux services des patients.
Restant fidèle à ces principes, l'État du
Sénégal a institué le code de Déontologie
médicale (loi n° 67-147 du 10 février 1967). Ainsi, l'art. 5
dudit code dispose que tout médecin, quelle que soit sa fonction ou sa
spécialité, doit porter secours à une personne en
détresse. L'art. 25 précise, à son tour, que le
médecin assure personnellement ou avec l'aide de tiers qualifiés
tous les soins médicaux en son pouvoir. Toutefois, c'est l'art. 26 qui
ouvre une possible permissivité à la pratique de la PMA. Cet
article autorise le médecin à faire appel à toutes les
méthodes scientifiques les plus appropriées pour élaborer
un diagnostic, formuler une thérapeutique (laissée à sa
libre appréciation) et s'efforcer d'obtenir l'exécution du
traitement.
De ce fait, le médecin est tenu de ne point
« négliger son devoir d'assistance morale ». Il en
est de même pour la clause de conscience.
2°/ - La clause de conscience du spécialiste
Suivant l'art. 3 du même code, le praticien doit soigner
avec la même conscience tous les malades quelles que soient les opinions,
leur condition, leur nationalité, leur religion, leur réputation
et les sentiments qu'ils lui inspirent.
Autrement dit, le médecin ne peut se réfugier
derrière une objection de conscience pour se soustraire à son
devoir de porter assistance et secours lorsqu'il est sollicité. Le
médecin reste tenu par une obligation de réserve vis-à-vis
des opinions et attitudes qu'il aurait réprouvées en d'autres
circonstances. Sa conscience doit être « aveugle »,
« stérile », « sans état
d'âme » face aux aspirations du patient, à la condition
que celles-ci ne soient pas en conflit avec l'éthique et la
déontologie de la profession médicale. Quid de l'étape
obligatoire du counselling.
3°/ - L'étape obligatoire du counselling
Le médecin est tenu d'informer, d'éduquer et de
communiquer avec le couple qui le sollicite en mettant à sa disposition
tous les renseignements éclairés, les possibilités de
surmonter les obstacles de l'infécondité, les étapes et
les formalités à respecter pour prétendre à un
suivi médical aboutissant au recours aux techniques de la PMA. Le
médecin se donne comme objectif de polariser toute son énergie
à atténuer l'anxiété et la confusion des sentiments
de culpabilité du couple. La crise que vit l'individu et le couple
peuvent entraîner des difficultés sexuelles comme la perte du
désir, c'est-à-dire d'entretenir l'illusion de rapports sexuels
pour rien, des épisodes d'impuissance ou d'anorgasmie. La crise
psychologique, la détresse, la dépression, le sentiment de
révolte et de colère justifient certaines réactions. Des
manifestations de dévalorisation peuvent conduire à prendre pour
cible tout environnement ou personne accusés à tort d'être
responsables de la non fécondation. Ces passages à vide sont
souvent renforcés par la séparation, la répudiation, la
crainte d'être abandonné par le partenaire et le persiflage de
quelques entourages. Au Sénégal, le législateur a fait de
l'infécondité une cause de divorce à la charge du conjoint
non tenu pour responsable. (art. 166 CF).
D'un autre côté, le choix de recourir à la
PMA fait également l'objet d'une longue et lourde procédure faite
de consultations minutieuses, détaillées, précises sur les
réelles motivations, la vie, les conditions physiologiques et
psychologiques du couple demandeur. C'est à l'aboutissement du bilan du
diagnostic médical que les praticiens évoquent, volontiers,
l'existence de moyens médicaux de procréation artificielle au
bénéfice des couples en difficulté.
Paragraphe 2 - L'existence de moyens médicaux de
procréation
artificielle
L'existence de moyens médicaux se conjugue par une
prééminence des méthodes principales (A) et par un renfort
de procédés complémentaires (B).
A / - La prééminence des méthodes
principales
Les méthodes les plus exposées en vue se
confondent avec l'insémination artificielle (1) et la fécondation
in vitro (2).
1°/ - L'insémination artificielle
Encore appelée fécondation in vivo, elle peut
être faite avec le sperme du conjoint (a) ou avec le sperme d'un tiers
donneur (b).
a / L'insémination artificielle avec sperme du
conjoint
Connue sous l'acronyme IAC, elle consiste à utiliser le
sperme du mari ou du concubin, supposé normal, pour l'amener au niveau
du col utérin d'une femme féconde ou dans l'utérus en
dehors de tout rapport sexuel. Les indications de ce type d'insémination
sont dues à des anomalies du sperme ou à des troubles de la
fonction coïtale féminine ou masculine tels le vaginisme, les
difficultés de l'érection, l'anéjaculation
(difficulté ou impossibilité de l'éjaculation), le nombre
insuffisant et la mobilité diminuée des spermatozoïdes
(oligo-asthénospermie). Ainsi, l'insémination avec le sperme du
conjoint a pour but que les gamètes masculins puissent réaliser
la fécondation grâce à un moyen instrumental. Enfin, l'IAC
est encore appelée insémination homologue. La deuxième
variante vise la même finalité.
b / L'insémination artificielle avec sperme du
donneur
La technique est encore appelée insémination
hétérologue et porte l'acronyme d'IAD. Selon Marième
Guèye, « elle est indiquée lorsque la
stérilité est d'origine masculine par absence (azoospermie) ou
déficience grave (oligo-térato-asthénospermie) des
spermatozoïdes, nécessitant ainsi le recours à un don de
sperme » et « l'homme doit accepter sa
stérilité et renoncer de ce fait à toute parenté
biologique »9(*).
Elle s'adresse donc aux couples présentant une stérilité
masculine définitive. Dans certains cas, des couples non stériles
ont recours à elle pour éviter de transmettre des maladies
génétiques (hémophilie, diabète,
drépanocytose, par exemple au Sénégal) ou une
séropositivité VIH (Sida) de l'homme qui risque de contaminer sa
conjointe avec une forte probabilité de donner la vie à un enfant
contaminé.
La fécondation in vitro vient compléter le
recours à l'insémination comme moyen de PMA.
2°/ - La fécondation in vitro
C'est la formation hors de l'organisme maternel d'un embryon
à partir d'un ovocyte et d'un spermatozoïde (a). Le principe
consiste à stimuler l'ovulation afin d'obtenir un grand nombre d'ovules,
à les prélever et à les mettre au contact des
spermatozoïdes préparés en laboratoire au bout de 48 H
à 72 H et à replacer les embryons ainsi obtenus dans la
cavité utérine de la femme (b).
a / La fécondation in vitro stricto sensu
La FIV, suivant son acronyme, consiste à la rencontre
suivie de fusion entre un ovocyte et un spermatozoïde et nécessite
l'absence d'obstacles à tous les étages de l'appareil
génital. Elle est utilisée dans le cas où la
stérilité serait d'origine féminine. Selon l'auteur
Marième Guèye, l'utilisation de cette technique s'explique par
« l'absence ou l'obstruction des trompes empêchant la rencontre
des gamètes dans les voies naturelles »10(*). Elle vise à une
hyperstimulation tendant à obtenir non plus un ou deux ovocytes mais, en
moyenne, six à dix follicules matures et même davantage. Certains
oeufs fécondés sont, au bout, de deux jours, implantés
dans l'utérus.
Voyons, à présent, ce qui fait la
spécificité de la seconde variante.
b / La fécondation in vitro avec transfert
d'embryons
Plus connue sous l'acronyme FIVETE, le processus est identique
à la première variante ci-dessus. Les ovocytes, isolés
à partir des liquides folliculaires recueillis, seront placés
dans des milieux de culture en paillettes et inséminés avec les
spermatozoïdes préparés. Le couple est averti de l'existence
ou non d'embryons après deux jours de culture en vue d'effectuer le
transfert embryonnaire. La patiente est installée en position
gynécologique, les embryons placés dans un appareil sont
introduits progressivement sans anesthésie. Suivant toujours,
Marième Guèye « les embryons surnuméraires sont
congelés en vue de tentatives ultérieures. Ce qui évite,
en cas d'échec de la première implantation, de stimuler à
nouveau la mère pour obtenir de nouveaux ovocytes »11(*). Ainsi, il est possible par
cette pratique de conserver ces embryons pour un éventuel replacement
ultérieur, en les congelant. Cette technique de congélation et
décongélation, semble-t-il, n'a pas de conséquence
délétère sur la qualité génétique de
l'oeuf (embryon).
Ces deux méthodes principales sont renforcées
par des procédés complémentaires que nous allons voir de
façon brève.
B / - Le renfort des procédés
complémentaires
De nombreuses autres méthodes dérivant de la FIV
et de l'insémination artificielle ont été
proposées ; Elles ne sont que très peu utilisées
actuellement, souvent du fait de leur lourdeur. Nous ne ferons, ici, que les
énumérer :
1° - Le TET (Tubal Embryo
Transfer). C'est le transfert d'un embryon dans une trompe et non pas dans
l'utérus ;
2° - Le TEST12(*). Selon Marième
Guèye, cette technique est la même que dans le TET mais cette
fois, l'embryon fécondé in vitro est implanté dans la
trompe à l'aide d'un instrument dit cathéter passant par la voie
vaginale ;
3° - Le GIFT (Gamètes
Intra-Fallopian Transfert). Il consiste à transférer les
gamètes directement dans la trompe. Cette méthode optimalise les
chances en déposant un grand nombre de gamètes à l'endroit
où a lieu la fécondation et évite à ceux-ci et aux
éventuels embryons formés de séjourner dans un milieu qui
ne leur semble pas toujours très favorable. Il semble qu'elle n'est
utilisable que si la femme a des trompes intactes ;
4° - Le CIV-CIVETE. Suivant
Marième Guèye, c'est une variante de la FIV et selon laquelle le
vagin est transformé en incubateur. On y glisse un tube contenant dans
un milieu de culture, ovocytes et spermatozoïdes. Au bout de deux jours,
après recueil du contenu en laboratoire, on insère les embryons
obtenus dans l'utérus ;
5° - Le POST (Preovulatory Ovocyte
and Sperm Transfert). Il consiste à déposer dans le fond de
la cavité abdominale des ovocytes et des spermatozoïdes. Les
mauvais esprits imaginent déjà un scénario, techniquement
possible, de l'utiliser pour susciter une grossesse masculine. Cette technique
nécessite une perméabilité des trompes. Ce qui implique
que seul un embryon de sexe masculin peut être implanté car le
foetus féminin risquerait fort de ne pas pouvoir s'y adapter ;
6° - Le TOAST. D'après
Marième Guèye, la technique est similaire au GIFT-TV mais
l'ovocyte et le sperme sont placés dans l'utérus en passant par
le col ;
7° - Le TV-GIFT. Celle-ci, à son
tour, est semblable au GIFT mais cette fois les gamètes sont conduits
dans la trompe par voie vaginale ;
8° - L'OPT. Il consiste au
prélèvement d'un ovule et à son transfert dans
l'utérus, puis la fécondation est faite soit naturellement, soit
artificiellement ;
9° - FREDI. C'est une implantation d'un
ovule dans une trompe, par voie vaginale, en vue d'une insémination
retardée.
D'autres procédés sont également
utilisés. C'est le cas notamment du ZIFT (Zygote Intra-Fallopian
Transfert) qui se propose de réaliser le transfert de
gamètes, de zygotes ou d'embryons par voie basse, c'est-à-dire
par le col, la cavité utérine puis les trompes sous
contrôle échographique. C'est le cas de l'ICSI appelée
micro-injection intra-cytoplasmique qui permet de s'attaquer à certains
types de stérilités masculines jusque-là rebelles à
tout traitement et ainsi d'éviter de recourir au sperme d'un donneur.
Ainsi, le recours à des techniques de micro-injection
intramoléculaire est une voie thérapeutique consistant à
« soigner » l'infertilité de l'homme. Mais cette
technique « peut permettre de choisir le sexe de l'enfant en triant
les spermatozoïdes X ou Y »13(*). Or, peut-on admettre une telle sélection en
vue de choisir le sexe de son enfant ? Quoiqu'il en soit, la technique
consiste à faire entrer par injection un spermatozoïde dans un
ovocyte, in vitro, pour le féconder. L'embryon obtenu est ensuite
transféré selon la méthode de la FIV.
En apothéose à leur argumentaire de la
réalité des postulats à l'implantation, les praticiens
certifient que ceux-ci vont permettre à la PMA de susciter de profonds
espoirs.
SECTION II - LES ESPOIRS PERMIS PAR LA PMA
Selon les partisans de la PMA, celle-ci assure la
concrétisation du projet parental (Paragraphe 1) et consolide le
triomphe de la science (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La concrétisation du projet
parental
Elle va se faire par un soutien effectif à la
manifestation de volonté de procréer (A) et par une prise en
compte de la dignité du couple (B).
A / - Le soutien effectif à la manifestation de
volonté de procréer
Nous avons déjà développé les
finalités de la médecine en rappelant le principe d'assistance
imposé aux praticiens, d'une part, par les différents codes
internationaux relatifs à la pratique médicale et, d'autre part,
par le serment d'Hippocrate et le code sénégalais de
déontologie médicale.
Ainsi, le rôle de la médecine, en
conformité aux lois du pays et au respect de l'ordre public et des
bonnes moeurs, est de prêter une oreille attentive à la
sollicitation des couples qui veulent recourir à la PMA en s'appuyant
sur toutes les techniques nouvelles médicales suscitées par le
progrès scientifique et technologique. Le médecin ne
procède alors qu'à l'application du devoir de porter secours avec
conscience, d'utiliser avec la plus grande attention tous les moyens et
techniques nécessaires à la formulation d'une bonne et judicieuse
thérapeutique. Par suite, cette manifestation de volonté de
procréer entre en droite ligne avec la garantie et la protection de la
famille consacrées par la charte fondamentale de toute nation, en
particulier par l'État du Sénégal. Le médecin est
ainsi considéré comme un bienfaiteur qui apporte la joie dans un
couple et pérennise les liens conjugaux.
Par là, il assure une réelle prise en compte de
la dignité du couple.
B / - La prise en compte de la dignité du couple
Il reste malaisé de maintenir l'équilibre
optimal d'un couple si l'un des partenaires doit subir soit les regards
gênés, soit les regards lourds de reproches de l'autre partenaire,
des proches et de curiosités non fondées de tierces personnes.
Dans la société sénégalaise, la
maternité et la paternité demeurent des modèles de
« normalité » et de réalisation personnelle,
et le choix de ne jamais avoir d'enfant reste une exception. Le besoin de
confirmer un potentiel de fertilité semble présent chez tous et
la privation de cette possibilité provoque une blessure très
profonde. D'où le légitime instinct de conservation de garder le
secret d'un état d'infécondité. La question du secret est
donc ce sceau de la confidentialité qui permet de préserver sa
dignité dans une société voyeuriste et de stigmatisation
de la vie privée d'autrui. Certains conjoints déclarent
même se sentir très à l'aise avec l'idée de garder
le secret de la PMA à l'intérieur de leur couple et y voient une
occasion supplémentaire d'engagement mutuel profond. D'autres sont
plutôt préoccupés par le contexte social actuel, par la
crainte de heurter leur milieu familial ou social. Les croyances religieuses
des familles et la réprobation possible de l'opinion publique sont
autant d'arguments invoqués en faveur de la préservation de la
dignité du partenaire défaillant, une prise en compte de l'aspect
psychologique de l'infécondité et la sauvegarde de
l'intimité des conjoints.
Cette assurance prononcée quant à la pertinence
de l'existence de la PMA a conduit les praticiens à y voir un triomphe
de la science.
Paragraphe 2 - Le triomphe de la science
Les progrès biomédicaux favorisent la
consolidation des crédits alloués à la science (A) et
constituent un appui moral à la recherche biomédicale (B) pour
les praticiens, défenseurs de la PMA.
A / - La consolidation des crédits alloués
à la science
Il ne fait plus de doute que la recherche a besoin de fonds
pour poursuivre ses activités en vue de faire reculer plus loin les
limites des barrières naturelles. Ainsi la médecine, voire
même plus pertinemment la biomédecine ont davantage besoin de
soutien et de moyens financiers afin de poursuivre des opérations jusque
là privées de résultats concluants. C'est à ce
titre qu'il faut convenir que tout n'est pas positif dans les essais et les
techniques de la PMA dont on note souvent de fréquents échecs.
Toutefois, compte tenu des avancées remarquables
prodiguées par la recherche biomédicale, les praticiens trouvent
impérieux de renforcer la maîtrise de leurs techniques et cela
doit, implicitement, s'accommoder par l'amélioration des
procédés de la PMA laquelle passe, au demeurant, par des
facilités d'emprunt, des décaissements et subventions
privées et / ou publiques en vue d'atteindre de tels objectifs.
De ce fait, les progrès réalisés par la
pratique de la PMA ont motivé l'esprit de mécénat, de
philanthropie et de partenariat. C'est pourquoi l'élan de la recherche
scientifique est très vivace dans les pays occidentaux qui
n'hésitent pas à mettre le prix, aussi exorbitant fût-il,
pour encourager toutes les activités y afférentes. Et dans cet
ordre d'idées, la coopération inter-États a
été dynamisée allant même jusqu'à associer
les pays en développement comme le Sénégal qui a vu
plusieurs de ses fils être formés en matière de PMA par les
plus prestigieux établissements ou instituts occidentaux
spécialisés en santé de la reproduction artificielle.
Même si le coût pour l'Afrique est l'aménagement par ces
firmes et laboratoires européens et américains de marges
autorisées pour l'exercice libre d'essais, souvent à risques,
qu'ils ne peuvent effectuer sur leur sol.
Cette consolidation des crédits s'accompagne,
inéluctablement, par un appui moral à la recherche
biomédicale.
B / - L'appui moral à la recherche
biomédicale
Il est souvent reproché aux bailleurs et aux
États d'apporter ou non un cautionnement appuyé actif aux
chercheurs.
Il est, en effet, reproché aux Etats leur rôle
passif, voire même leur silence complice, face aux exigeantes puissances
financières de quelques firmes spécialisées dans la
recherche.
En réalité, les praticiens avancent que l'appui
ou la bénédiction des États s'explique par le souci de
réduire leurs dépenses sociales de prise en charge sanitaire. Le
souci de réduire la couverture sociale passerait par une maîtrise
préventive des maladies dans l'intérêt de la santé
publique. Ainsi, les découvertes font naître un immense espoir car
elles permettent d'envisager des thérapeutiques, de plus en plus,
performantes pour venir à terme de l'infécondité.
Par ailleurs, est née l'idée de la
génothérapie qui porte sur les cellules de reproduction,
mâles ou femelles, ou sur un embryon de quelques cellules afin que toute
altération, tare ou dégénérescence ne soit plus
transmise de génération en génération dans le
patrimoine génétique humain.
Ainsi est né le concept de médecine
prédictive. Il vaut mieux prévenir que guérir. Et pour
prévenir, il faut prédire.
Tel serait le credo de la science selon les praticiens et pour
l'État, de faire pencher autant que possible la balance dans le sens des
avantages positifs de la couverture sociale. On peut donc dire, de tout ce qui
précède, que les justifications biomédicales ont de la
pertinence mais elles ont du répondant et celui-ci apprécie
autrement les promesses mirobolantes en invoquant les implications
prédictives au sein de la société.
CHAPITRE II - LES IMPLICATIONS PREDICTIVES
AU SEIN DE LA SOCIETE
La PMA ne semble apparemment pas faire la totale
unanimité telle que semble le vouloir les praticiens. A ce propos, des
contrastes ont été relevés par la bioéthique
(Section I) et des problématiques perçues dans le cadre de vie
(Section II).
SECTION I - LES CONTRASTES RELEVES PAR LA
BIOETHIQUE
La première critique servie à la PMA est sa
défiance procréatique à l'impossibilité naturelle
(Paragraphe 1) et la seconde a trait à la nébuleuse autour de la
qualification du genre humain (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La défiance procréatique
à l'impossibilité naturelle
La science a donné, selon certains, la forme à
une dérive appelée scientisme lequel conduit, inexorablement,
à des contournements aux limites naturelles infranchissables (A) et
à des tendances inavouées à l'eugénisme (B).
A / - Les contournements des limites posées par la
nature
Terme forgé en 1985, la procréatique vise toutes
les représentations scientistes dont l'objectif essentiel est de
susciter des expérimentations et curiosités contre nature.
C'est à ce titre qu'on a pu assister dans le cadre de
la biomédecine et / ou de la procréation artificielle à la
création inquiétante de chimères et d'hybrides.
En génétique, les chimères sont des
individus porteurs de deux génotypes différents. C'est donc un
« cocktail », un mélange bizarroïde de
l'absurde et de la curiosité vers l'inconnu. C'est l'obtention par
injection d'un noyau de cellule humaine dans un ovule d'animal. Toutefois,
jusqu'aujourd'hui, cette manipulation avec des produits du corps humain ne
parvient pas à résoudre le problème de la non
maîtrise effective de l'expérimentation. On peut imaginer
légitimement l'effroi que de tels actes ont soulevé dans la
mythologie avec ce monstre fabuleux (à la Frankenstein) à
tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon qui crachait des
flammes.
Quant aux hybrides, ce sont des croisements artificiels ou
naturels appartenant à des genres, à des espèces ou
à des variétés différentes. On peut citer le
bardot qui est un croisement de cheval et d'ânesse. Ce sont donc des
croisements entre des animaux ou des végétaux ; on peut
imaginer des croisements très proches entre l'humain et son
« cousin » lointain le singe, il y a qu'un pas que les
esprits agités auront la libre démangeaison de franchir sans
état d'âme.
Tout comme les modifications du vivant, du fait du pouvoir
technocratique, sont celles de l'appropriation, par les structures
scientifiques et médicales, de la santé et du corps des
individus, lesquelles réduiraient ceux-ci à l'état
d'objets utilisables dans un but de notoriété scientifique et
médiatique. Le potentiel de l'ingénierie génétique,
associé aux possibilités offertes par les technologies
recombinantes de l'ADN, a conduit à la manipulation du génome
humain à des fins inavouables et à une distinction
catégorielle suspecte entre pré-embryon (susceptible de toutes
formes et voies expérimentales) et embryon (non susceptible
d'expérimentations). De telles dérives peuvent également
engendrer cette propension des homosexuels, des célibataires, des
ménopausées, etc., à exiger l'application de la PMA en vue
d'un prétendu droit à l'homoparentalité, donc à
l'homofamille. Enfin, le délai séparant le moment de la
découverte scientifique et le moment de l'application à des fins
de tests et d'essais est tellement mince et raccourci que l'on craint une
précipitation mercantile à des fins exclusives de
brevetabilité, donc de propriété industrielle et
intellectuelle. Ce qui n'assure pas la garantie des sujets s'adonnant ou ayant
recours à la PMA.
Les reproches adressés aux praticiens ne se limitent
pas à ces quelques aspects relevés, la critique a
également noté des tendances à l'eugénisme.
B / - Les tendances à l'eugénisme
A cet égard, plusieurs tendances ont pu être
aussi soulignées relativement à :
1°/ La reconduction des pratiques nazies
dénoncées dans le code de Nuremberg. Aujourd'hui, on assiste de
plus en plus à l'élimination dans la sélection
chromosomique des spermatozoïdes grâce à la
micro-injection.
2°/ Cela conduit, indubitablement,
à la question de la véritable finalité du diagnostic
prénatal qui peut dévier vers un but non prévu et, en
principe, non permis de diagnostic pré-implantatoire lequel pousse les
couples à refuser une grossesse lorsque des risques handicapants ou des
maladies héréditaires ou tares sont décelés
à la suite d'une échographie. C'est ce qui a obligé
Noëlle Lenoir, première femme à entrer au
conseil constitutionnel français et qui a eu à présider le
comité international de bioéthique de l'UNESCO, en 1993, à
faire une virulente sortie contre l'eugénisme considéré
comme « l'une des expressions du racisme fondé sur un
pseudo-rationalisme scientifique. Or, il ne saurait appartenir à la
science d'améliorer l'espèce humaine, au sens où des
hommes auraient une valeur supérieure aux autres. A la folie de la
pureté de la race, ne doit pas succéder celle de la pureté
des gènes »14(*).
L'annonce chimérique d'un projet visant à
conserver le sperme de lauréats du prix Nobel pour fertiliser des femmes
d'intelligence supérieure repose, une fois de plus, le débat de
la question l'insémination artificielle eugénique. Ces programmes
d'eugénique positive soulèvent, aux plans
génétique, social et éthique, des problèmes qui
méritent beaucoup plus d'attention et de prudence15(*). Ainsi selon les
détracteurs de la pratique, la PMA suscite la tentation de choisir le
spermatozoïde à implanter en fonction de qualités
génétiques et la pratique conduirait directement à
l'eugénisme actif.
3°/ Le clonage humain, faussement
thérapeutique du fait de maladies héréditaires toujours
prévisibles ou possibles, serait en réalité reproductif et
viserait à constituer en théorie pour chaque individu une
réserve de plusieurs embryons avec le même patrimoine
génétique que le donneur. Même si à ce jour, aucun
vrai clone humain n'a officiellement été annoncé ou
publié par des équipes de chercheurs, si ce n'est les
déclarations intempestives de la secte des Raël, à des fins
médiatiques pour réactualiser le débat, mais qui n'ont pas
encore la teneur probante.
A ce titre, l'Unesco a adopté en novembre 1997, la
« Déclaration Universelle sur le génome humaine et les
droits de l'homme », qui stipule que le clonage humain
représente « une offense à la dignité
humaine ».
4°/ Tout comme l'acharnement
procréatif à vouloir, au prix fort, concevoir un enfant de
façon artificielle suscite des interrogations, des critiques qui
comprennent mal cette obstination figée à vouloir donner la vie
artificielle alors que la population démographique des enfants
abandonnés ou miséreux ne cesse de croître et ceux-ci
n'attendent qu'une âme bienveillante pour leur adoption.
La réflexion pointue de la bioéthique a
également considéré qu'il existe une nébuleuse
autour de la qualification du genre humain.
Paragraphe 2 - La nébuleuse autour de la
qualification du genre humain
Cette nébuleuse sur la qualification du genre humain a
trait à ce qu'il est fréquemment appelé la marchandisation
du corps humain (A). Toutefois, si les contrastes relevés
s'avèrent pour la plupart d'actualité on s'interroge quant
à la valeur qu'il faut donner aux décisions bioéthiciennes
(B).
A / - La marchandisation du corps humain
Elle se fait par une réification des gamètes
(1), par une disqualification de l'embryon (2), par l'interrogation sur le
statut de l'enfant conçu artificiellement (3) et par les
déterminants de l'économie de marché dans la PMA (4).
1°/ La réification des gamètes
C'est l'éternel problème du conflit latent entre
le droit de la personnalité et le droit de la propriété
(a) et celui de l'acceptabilité de la gestation pour autrui (b).
a / Le conflit latent entre le droit
de la propriété et le droit de la
personnalité
Il a toujours été affirmé le principe de
l'indisponibilité du corps humain lequel n'est pas susceptible de
commerce juridique dans le sens d'une marchandisation. Dès lors, il est
interdit à toute personne, fut-elle l'intéressée, de
passer des contrats sur son corps, ses produits et tissus. Tel est le sens
inné du droit de la personnalité qui fait de l'homme non plus le
titulaire, le propriétaire de sa personne mais un simple gardien
comptable de sa maîtrise et de sa direction. Il ne peut donc aucunement
l'aliéner, même pour des motifs nobles. Tout le contraire de
l'inverse qui oppose à l'injonction légale de la
personnalité juridique, la propriété qu'a l'individu sur
ses biens et sa personne. Le corps serait un « bien »
particulier sur lequel le propriétaire peut souscrire des actes d'usage,
de profit et de disposition. C'est ainsi qu'avec l'essor du génie
génétique, il est désormais possible de déposer
dans des « banques » des gamètes et des
cellules-souches en vue d'une éventuelle utilisation ultérieure.
Le problème du stockage de produits humains, comme celui de leur
conservation, heurte les sensibilités. D'autant que certaines firmes et
certains laboratoires ou instituts considèrent que ces banques d'un
genre spécial sont les meilleurs moyens d'assurer la
propriété intellectuelle aux chercheurs dont les inventions ont
des applications industrielles ou commerciales. Par suite, pour eux, ce droit
de propriété, il faut l'envisager comme inné à
chaque individu.
Il s'est posé également la question de
l'acceptabilité de la gestation pour autrui.
b / La gestation pour autrui
De sérieuses réserves ont été
formulées à l'encontre de la gestation pour autrui. On s'est
interrogé sur la nécessité de susciter des naissances, en
acceptant par avance délibérément la rupture de l'enfant
avec sa mère biologique. « Cette manière de
répondre au désir d'enfant n'est pas, dans son principe
même, susceptible de garantir les intérêts de l'enfant futur
(...) », a avancé Nathalie Massager16(*). Nombreux sont ceux qui
utilisent la formule sentencieuse du principe de l'indisponibilité du
corps humain pour contester le recours à une telle pratique. Le contrat
de mère - porteuse dite maternité de substitution est
perçue comme une dégradation du corps humain car il laisse des
séquelles physiques et psychiques. De plus, la femme appartiendrait
(comme esclave) à l'usufruitier ou au nu-propriétaire. Par la
pratique, la femme serait un outil de production, une simple matrice
fécondante et les risques d'une nouvelle forme d'exploitation et de
traite de la femme restent possibles lorsque celle-ci est
rémunérée. Les femmes riches, même celles qui ne
sont pas stériles mais qui ne désirent pas subir les
désagréments liés à la grossesse, vont recourir,
moyennant des concessions financières, aux services de femmes
indigentes attirées par l'appât du gain qui accepteront de devenir
des « couveuses » en faveur d'autres. Cela peut consister
soit à ce que la femme « louée » vende un
ovule qui sera fécondé par le liquide séminal du conjoint
de la solliciteuse, soit par le fait que l'ovule de la femme du couple soit
portée par une autre femme.
Dès lors, on assiste à une disqualification de
l'embryon.
2°/ La disqualification de l'embryon : simple
matière ou foetus
Le débat oppose ceux qui estiment que l'embryon est une
simple matière (a) à ceux qui le considèrent comme un
foetus (b). De là, il sera plus aisé de convenir du sort à
réserver aux embryons surnuméraires (c).
a / L'embryon est une simple
matière
C'est à ce stade que la notion
préfabriquée de pré-embryon a été
proposée. En effet, l'embryon de moins de 14 jours est
considéré comme un « préhumain »,
âge à partir duquel on semble croire qu'il est incapable de
souffrance et que toutes les recherches et expérimentations
embryonnaires sont autorisées à ce stade. Le but à terme
est d'obtenir des embryons qui serviraient d'outils à la science et, en
cas de besoin, ces cellules souches embryonnaires humaines seraient mises en
culture où elles se multiplieraient indéfiniment.
Les détracteurs refusent cette alchimie arbitraire qui
ne repose sur rien de consistant scientifique.
b / L'embryon est un foetus
Le foetus est un être humain qui est à son
processus de développement et mérite la considération de
son humanité. Il n'est pas permis, dès lors, de s'adonner
à des expériences sur un être humain, sans défense
dont le consentement n'est pas requis ou impossible à obtenir du fait de
son incapacité légale.
A présent, on peut apprécier le sort des
embryons surnuméraires.
c / Le sort des embryons
surnuméraires
Suivant ce qui précède, on est en mesure
d'apprécier le degré d'humanité ou non que l'on rattache
à ces embryons en surnombre du fait de leur multiplication en milieux de
culture artificielle dans les laboratoires et instituts de recherche.
Ainsi, la bioéthique s'élève contre le
peu de respect que l'on manifeste à ces « êtres humains
en devenir » que l'on reproduit en congelant et en décongelant
à volonté, faisant fi de l'éthique médicale. Par
suite le maintien artificiel de la vie de l'embryon ou du foetus en vue de la
recherche ou son utilisation commerciale ou industrielle est une forme de
dépersonnalisation discourtoise tout comme est source de tensions le
statut de l'enfant conçu artificiellement.
3°/ Le statut de l'enfant conçu
artificiellement
La naissance d'un enfant est toujours source de joies et de
bonheurs. Mais il peut arriver que cette venue au monde soit mitigée. On
peut douter du réel bien-être de l'enfant, de son
épanouissement dans un tel contexte. Autrement dit, le problème
de son insertion sociale risque de se poser dans nos pays africains qui
conçoivent très mal une autre forme de procréation. Ce qui
poserait une mal perception familiale et sociale touchant même le
régime des successions et la part de responsabilité qui pourrait
lui être accordée à un âge de maturité
(imanat, prêtrise, etc.), toujours en Afrique.
La critique a continué sa réflexion et s'est
penchée sur le coût marchand de la PMA.
4°/ Les déterminants de l'économie de
marché dans la PMA
Ils s'analysent par l'existence d'un marché des
embryons et des gamètes (a), par le coût de la PMA (b) et par les
dérivations en cercle que ce marché peut entraîner (c).
a / Le marché des embryons et des
gamètes
Nous avons, à plusieurs reprises dans nos
développements, fait état d'un véritable monde des
affaires autour duquel gravitent des structures marchandes. Quelle que soit
leur appellation (firmes, laboratoires, instituts, cliniques ou hôpitaux
spécialisés, centres appropriés, etc.), on assiste
à la prolifération en Europe et en Amérique de centres de
cryoconservation, de banques de gamètes (sperme, ovocytes), de cliniques
ou de services accrédités, contrôlés ou non.
Au Sénégal, la clinique des
Mamelles (clinique du Cap) et le centre pilote de
soins intégrés en santé de la reproduction
inauguré le 22 avril 1999 semblent être le fer de lance de
l'ancrage de la PMA dans le pays. Ce qui montre au passage la limite à
l'accessibilité. Mais, en raison de la mentalité du tabou, rien
ne préjuge de l'exercice de la pratique dans des coins reculés du
pays, notamment au Nord, à l'Est et au Sud du pays loin de la
curiosité et pour une meilleure discrétion.
Quant à un probable système de
rémunération du tiers donneur, il semble qu'il ne soit pas
agréé dans la plupart des pays qui rappellent leur attachement
profond au rejet d'incidences financières. Mais il résulte que si
le tiers participant a entendu faire un don de gamètes, à titre
de bénévolat, il n'entend nullement que celui-ci devienne un
produit commercial et fasse l'objet d'une utilisation industrielle. Donc les
profits qu'en tirent les praticiens et les structures sont en contradiction
avec l'esprit d'assistance médicale faite de
désintéressement. Mais la gratuité ne concerne que le
donneur. L'argent n'est nullement éliminé du système.
C'est le contribuable qui, en fait de compte, paye le coût de la PMA.
De plus avec les modifications du vivant et du génome
humain, les produits humains traités font l'objet d'une
opération marchande sans précédent.
Et le coût va ainsi s'en faire ressentir sur le
public.
b / Le coût de la PMA
La PMA a un prix exorbitant et pose divers problèmes
d'accessibilités. Au vu des progrès techniques et de la
technologie de pointe utilisée, en plus de la distribution marchande des
gamètes qui demeurent des produits naturels même s'ils peuvent
parfois être modifiés, les techniques de la PMA sont excessivement
chères et même en temps, en rentabilité des prestations,
des frais d'entretien et de fonctionnement des structures, du personnel que les
couples doivent subir.
Au Sénégal, il faut « pas moins d'un
million de F CFA »17(*).
Ce qui n'est pas à la portée de la
majorité de la population qui n'a pas une enveloppe financière si
accessible. De plus, il y a également des facteurs
d'accessibilité géographique et de communication pour de larges
secteurs de la population qui auront du mal à se déplacer
jusqu'à Dakar, à plus forte raison qu'ils soient bien
informés des programmes de PMA. Ainsi, l'offre n'est pas publique, elle
est secrète, elle est coûteuse et discriminatoire (portefeuille
des groupes d'intérêts aisés). De plus, la PMA ne fait pas
encore l'objet des préoccupations de planification sanitaire. Cette
absence de faisabilité politique, légale et organisationnelle
fait qu'elle repose exclusivement sur des considérations de
coût-bénéfice, coût-efficacité et
coût-utilité exprimées en unités monétaires
et en effets qualitatifs (qualité). Les facteurs quantité et
social sont ignorés.
Quant à la demande, sa faiblesse résulte du
manque d'information, du coût et des appréhensions
socio-religieuses.
Le problème des tarifications demeure donc une
préoccupation car les prix ne s'équilibrent pas d'eux-mêmes
selon les mécanismes de l'offre et de la demande et « les
spécialistes expliquent que le coût pratiqué, ici et
là, est fonction du poids des investissements médicaux et des
consommables et autres réactifs utilisés dans ce
processus »1(*)8. Le coût des intrants et la dépendance
à l'extérieur obligeraient à la discrimination
sélective. Mais on estime que la principale raison est que
l'économie du marché n'obéit pas aux mêmes
règles de COQ (coût d'obtention da la qualité) et de CNQ
(coût de non qualité) que les règles de l'économie
générale. Car la santé n'est pas un
« bien » qui peut être consommé et
échangé et c'est un domaine riche en situations de monopoles
où l'arbitraire du profit tous azimuts est une tentation si forte en
violation manifeste du serment d'Hippocrate.
De telles apparentes contraintes peuvent donner la forme
à des dérivations en cercle de toutes sortes.
c / Les dérivations en cercle
Face à une économie de marché aussi
exclusive par le coût de la PMA entre 800.000 F CFA et 1 million F CFA,
certains marchands d'illusion seront tentés de mettre sur pied de vastes
réseaux de trafic à but lucratif dans le but de rendre
« accessible » la PMA aux couches africaines les plus
défavorisées en exploitant, tant bien que mal, la
paupérisation, en promettant des prix bas aux couples
désespérés et en offrant une tarification aux tiers
participants, si ce n'est parfois en parfaite violation de leur consentement.
Tout ceci à l'image du trafic d'organes très actif et à
celle de la multiplicité dans les pays occidentaux de systèmes
d'assurance dont les propositions de couverture sociale en matière de
PMA semblent, plus ou moins, imprécises. En France depuis le
1er juillet 2003, la FIV est prise en charge par
l'assurance-maladie, c'est-à-dire que le coût des analyses de
laboratoire est pris en charge. Ainsi, la mise en culture de l'ovule, sa
fécondation, la conservation et éventuellement la
congélation des embryons (...) ne seront donc pas facturés aux
patients. Par contre, les frais de prélèvement et d'implantation
ne sont pas couverts par ce financement. On peut s'interroger de ce que
l'assurance-maladie puisse être étendue à la PMA qui, en
principe, résulte des phénomènes de
stérilité et d'infertilité lesquels ne constituent pas des
cas de maladie.
La riche production des questionnements
développés par la bioéthique a conduit à
l'appréciation de la valeur de ses décisions.
B / - La valeur des décisions
bioéthiciennes
Malgré une participation active à la
réflexion sur les enjeux de la PMA et les contributions du code
international d'éthique médicale, du comité international
de bioéthique ainsi que les déclarations suscitées au plan
mondial telles la Déclaration universelle sur le génome humain et
des droits de l'homme du 11 novembre 1997, la Déclaration internationale
sur les données génétiques humaines du 16 octobre 2003 et
la Convention d'Oviedo de 1997 pour la protection des Droits de l'Homme et de
la dignité de l'être humain à l'égard des
applications de la biologie et de la médecine dite Convention sur les
Droits de l'Homme et la biomédecine, suivie des protocoles additionnels
portant interdiction du clonage d'êtres humains (Paris, 1998) et portant
sur la transplantation, les décisions bioéthiciennes n'ont de
valeur que consultative et ne lient ni les Etats, ni les personnes ou
organismes impliqués dans la pratique de la PMA. C'est donc dire que ce
sont de simples recommandations ou avis dépourvus de toute force
probante et exécutoire. Elles constituent en de simples protestations et
récriminations en tous genres, fruits d'autorités et de
sommités, plus ou moins, opposées à la PMA. Par suite du
constat de leur inefficience, il n'est admis aucune possibilité de
sanctions ou mesures coercitives pour rendre effectives les décisions
adoptées.
A la suite des remarques apportées par la
bioéthique, d'autres problématiques relativement au cadre de vie
sociétal ont pu être relevées.
SECTION II - LES PROBLEMATIQUES DANS LE CADRE DE VIE
Elles s'articulent autour des appréhensions sociales
qui ont été soulevées par les populations
elles-mêmes (paragraphe 1) et des répercussions environnementales
que la PMA peut entraîner (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Les appréhensions sociales
soulevées
Cette crainte de la PMA est l'essence même des
réflexes conservateurs du grand public (A) et du scepticisme religieux
(B).
A / - Les réflexes conservateurs du grand public
Le grand public s'oppose à tout dénivellement
des normes sociales (1) et manifeste une suspicion légitime dans
l'inconnu du savant démiurge (2).
1 °/ L'opposition au dénivellement des normes
sociales
La population craint des risques de déperdition du
socle socioculturel (a) et une rupture de l'équilibre familial (b).
a / Les risques de déperdition du socle
socioculturel
Cette déperdition passerait par une
déstructuration des valeurs ancestrales africaines, voire
sénégalaises, préétablies qui servent de
repères au groupe social et qui ont été posées
à la suite d'un accord de vie commune que nous ont légué
les précurseurs de nos peuples actuels. C'est dire donc que la PMA est,
à maints égards, une violation du contrat social.
Dans le même ordre d'idées, la PMA serait lourde
de menaces sur les interdits sociaux qui assuraient l'ordre et la
stabilité sociale. Elle remettrait, à coups sûrs, les
tabous et les coutumes au rang de pièces d'antiquaire.
Ce qui aurait pour incidence majeure, la rupture de
l'équilibre familial.
b / La rupture de l'équilibre
familial
La plupart des individus intéressés ressentent
comme un malaise moral la pratique de la PMA. Autrement dit, celle-ci est
perçue comme une amoralité caractérisée comme une
atteinte grave à la nature même de la conception humaine. Elle
constitue un acte contre l'origine naturelle de l'être humain, une
violation du déroulement naturel de la création d'une vie
humaine. La PMA apparaît comme une immixtion intolérable dans le
foyer conjugal des époux et est considérée comme un fait
injurieux avec la crainte d'une remise en cause des bases mêmes de la
société et de sa cellule fondamentale, la famille. Pas plus que
les contributions fertilisantes d'un donneur ne sont pas conseillées car
des problèmes psychologiques et émotifs peuvent survenir chez
certains couples. On refuse ainsi toute dislocation de la cellule familiale
naturelle dite biologique. Il vaut mieux encourager le couple à accepter
le fait qu'il n'ait pas d'enfants et à en profiter plutôt
qu'à persévérer dans une voie qui n'est pas la sienne. Les
tenants d'une telle opinion se sont même complus à des
questionnements empiriques et métaphysiques, notamment la question des
bornes entre ce qui relève de l'humanité et ce qui est de
l'animalité. En effet, avec la PMA, on assiste à
l'éclatement des notions classiques de
« père »et de « mère ».
Qu'est-ce qu'un « père » alors ? Une
« mère » ? « Un
enfant » ? Que devient le rôle du lien du sang dans tout
cela ? Qu'est-ce une
« généalogie » ? Une
« descendance » ?
Toute une somme de doutes qui déclenchent une suspicion
légitime dans l'inconnu du savant démiurge.
2°/ La suspicion légitime dans l'inconnu du
savant démiurge
Le savant démiurge a toujours été
perçu comme celui qui a perdu ses facultés mentales par le seul
fait de ses penchants scientistes, disons procréatiques, car il s'est
lancé une foultitude de défis hasardeux à relever quel
qu'en soit le prix à payer.
Toutefois, les savants d'aujourd'hui jouissent, bel et bien,
de toute leur lucidité. Malheureusement, c'est à dessein, que les
milieux du médical, de la presse, du politique ne fournissent pas une
information claire, suivie et assidue qui permette d'édifier la lanterne
des populations livrées à elles-mêmes. Cette situation
d'absence ou de déficit d'information est beaucoup plus persistante en
Afrique, notamment au Sénégal où la loi de l'Omerta
(rétention de l'information, silence coupable et complice) des cercles
ésotériques d'initiés et de privilégiés a
été érigée tacitement en règle, semblable
à l'effet négatif d'un groupe lobbyste de pression. Ce qui n'a
pas l'heur de plaire aux groupes religieux qui restent sceptiques pour la
plupart d'entre eux.
B / - Le scepticisme religieux
Il se manifeste par la diversité des opinions dans la
tradition judéo-chrétienne (1) et par la vision du monde musulman
de la PMA (2).
1°/ La diversité des opinions dans la
tradition judéo-chrétienne
La diversité recoupe la perception controversée
de la pensée juive (a) et le débat dispersé dans l'univers
chrétien (b).
a / La perception controversée de la
pensée juive
La position de la tradition rabbinique est fort complexe. Il y
a, en effet, plusieurs interprétations. Mais toutes insistent sur la
primauté de la filiation par la mère qui, seule, transmet la
judéité. La pensée juive refuse toute forme ou variante de
l'IAD. Ce rejet vise à assurer une double protection : celle de
l'enfant issu d'une telle procréation et celle de la
société. Mais dans la pratique, il y a un recours manifeste
à l'IAD au sein des couples mariés lorsque le mari est
frappé de stérilité. Et ce, en dépit de la
condamnation du judaïsme qui risque de s'appliquer, a fortiori lorsque
l'identité du donneur est connue. Ainsi, la fécondation
assistée n'est envisageable dans la conception rabbinique que si elle ne
fait intervenir que deux conjoints régulièrement mariés.
La PMA, in vivo et in vitro, est donc homologue. Par ailleurs, l'obtention du
sperme pose de sérieux problèmes car la pratique de la
masturbation et toute éjaculation à perte sont formellement
prohibées. Toutefois, elles sont tolérées puisque la
finalité du recueil du sperme est le recours à la PMA.
L'interdit est quelque peu atténué.
Sous un autre angle, les dons d'ovules, le
phénomène des mères porteuses, les transferts d'embryons,
la confusion entre spermes de donneurs différents consécutive
à des substitutions ou manipulations sont bannies car pouvant conduire
à des risques d'inceste et d'anonymat préjudiciables à
l'enfant et à la société. Le monde médical se doit
de limiter, autant que faire ce peut, les procédés d'assistance
faisant appel à des applications de fécondation avec donneur et
se doit de privilégier la procréation assistée homologue.
Enfin, « la congélation des embryons est envisageable dans
l'optique d'une prochaine procréation au sein du même couple
concerné (mais non pour un autre couple, d'où l'interdiction du
don d'embryons). La destruction des embryons surnuméraires peut
être envisagée car, d'après le Talmud, l'embryon est
considéré comme de l'eau jusqu'à 40 jours de
grossesse»1(*)9.
L'univers chrétien connaît, également,
une dispersion dans le débat de la PMA.
b / Le débat dispersé dans l'univers
chrétien
Il nous paraît intéressant de rappeler l'attitude
invariable de l'Église traditionnelle et la flexibilité du milieu
réformé des protestants.
- Pour ce qui est de l'attitude invariable de
l'Église traditionnelle, nous
préciserons les sensibilités actuelles de l'Église
catholique qui demeure toujours figée et imperturbable et de
l'Église orthodoxe qui dénote une certaine nuance.
* L'Église Catholique est
celle dont la position demeure la plus rigide et la plus stricte. Le 10 mars
1987, le Vatican a publié un document intitulé
« Instruction sur le respect de la vie humaine et de la
dignité de la procréation ». Ce texte prône et
tente de justifier l'interdiction, non seulement d'une quelconque intervention
sur l'embryon humain, mais aussi du recours à n'importe quelle autre
méthode de PMA.
L'argument principal qui y est invoqué est celui d'un
lien intransgressible entre la procréation et l'acte sexuel. Quant aux
couples stériles, il leur est recommandé d'offrir leur souffrance
à Dieu, de penser à l'adoption ou de se dévouer à
l'enfance déshéritée. La position du Vatican souligne
également le respect qu'il faut donner à l'embryon dès sa
conception car il est un être humain et, à ce titre, mérite
d'être protégé. Il faut préciser que certains
laïcs recommandent la pratique de l'adoption, en particulier d'enfants
abandonnés ou orphelins, au lieu du recours à la PMA.
On a pu opposer au Vatican que le désir de
procréation relève d'un des droits humains les plus essentiels et
ne peut être satisfait qu'avec l'aide d'une médecine moderne.
Dès lors, pourquoi ce désir doit-il vraiment être
frappé de tabou et d'interdit ? On se demande même si, dans
l'esprit de certains catholiques, la stérilité pourrait
représenter, en quelque sorte, le stigmate de quelque
péché originel dont les couples qui sont concernés doivent
en assurer l'expiation ?
Par suite, le Vatican rejette tous les procédés
de la PMA, le recueil du sperme par masturbation et les dons de gamètes.
Le diagnostic prénatal est accepté pourvu qu'il ne soit
substitué aux effets du diagnostic pré-implantatoire. Toutefois,
de nombreuses institutions de soins d'obédience catholique ne
souscrivent pas à ce texte, font fi des interdits et continuent
d'appliquer la PMA à leurs patients.
* L'Église Orthodoxe
épouse les mêmes contours que sa devancière mais
émet certaines réserves prudentes qui doivent rester
circonscrites que dans le cadre du couple, à l'exclusion de la
participation d'un donneur. On peut ainsi considérer que la position est
proche de la tradition israélite, excepté pour les cas d'IAD
autorisés par le judaïsme. C'est la raison pour laquelle nous
estimons que la singularité de l'Église Orthodoxe est plus
nuancée que le radicalisme sans concession de l'Église
catholique. Cette dernière constitue la plus sérieuse et la plus
crédible opposition à l'avènement et au
développement de la PMA.
A côté de l'Église traditionnelle, les
milieux réformés du protestantisme affichent une
flexibilité plus favorable aux patients.
- Flexibilité du milieu
réformé des protestants.
Il faut préciser au passage que l'Église
Anglicane adhère à la PMA au sein d'un couple marié. Quant
à la participation d'un tiers, des divergences ne permettent pas de
retenir une ligne directrice. Ceci étant précisé, le
protestantisme a une démarche beaucoup plus ouverte. La PMA semble
être autorisée et l'insistance sur la nécessité
absolue de respecter l'anonymat laisse croire que la participation du tiers
donneur est communément acceptée. La congélation
d'embryons et l'utilisation d'embryons surnuméraires seraient admises
par certains milieux qui déclarent « que le don de sperme,
d'ovules ou d'embryons doit être autorisé dès lors qu'il
est fondé sur l'altruisme pur et simple, à l'exclusion de toute
motivation d'ordre pécuniaire»2(*)0 et peut être regardé comme de
« simple parenthèses techniques »21. Dans
l'ensemble, les droits de l'enfant doivent peser plus que le droit à
l'enfant des couples.
Toutefois, les propos avancés ci-dessus par la
Fédération protestante de France ne font pas l'unanimité
au sein de la diversité des églises protestantes. Il y a des
divergences selon les différentes composantes, « des positions
très diverses sont prises par les nombreuses sectes ou
communautés qui sont issues du protestantisme et fleurissent notamment
aux États-Unis » 2(*)2 et des « réserves prudentes sont
faites sur l'intervention de donneurs (...) »2(*)3. Même en France,
certains s'interrogent sur la légèreté des propos tenus en
soulignant : « En somme peut-on préparer une
histoire ·entre
parenthèses· ? »2(*)4 . De plus, « l'enfant est
un don et non un dû »25. Dès lors, les propos
tenus par un Pasteur de l'Église protestante du Sénégal
quant à la participation d'un tiers donneur dans la fécondation
in vitro et au prétendu but généreux de la PMA2(*)6, n'engagent que son auteur et
ne lient pas toute la diversité des communautés protestantes du
Sénégal.
Le monde musulman a également de son côté
une vision du phénomène de la PMA.
2°/ La vision du monde musulman
Tout comme pour les précédentes religions, il y
a lieu de noter une réserve indécise dans les avis (a) et
l'approche confrérique au Sénégal (b).
a / La réserve indécise dans les
avis
A l'image des écoles doctrinales et
d'interprétations des textes musulmans, les avis restent partagés
surtout lorsqu'ils embrassent et suivent la politique de l'Etat basée
sur l'islam. Or, manifestement la compréhension religieuse du Coran ne
sera pas la même, à l'identique, dans les pays musulmans du Proche
et Moyen Orient ou asiatiques (comme l'Indonésie), de l'Arabie Saoudite,
du Koweït que dans certains pays maghrébins plus ou moins
«libéraux » comme le Maroc, l'Égypte et la
Tunisie. A plus forte raison ne seront pas non plus unanimes les
interprétations entre pays d'Afrique noire tels le Soudan, le
Nigéria et la Mauritanie par rapport à d'autres plus souples
comme le Sénégal, le Mali et la Guinée entre autres qui
seront différentes.
Ainsi, il existe des pays musulmans farouchement
opposés à la PMA et son invocation même constitue une
hérésie, voire même un acte d'abjuration propre aux
renégats et aux déviationnistes. Par contre, d'autres pays
musulmans parviennent à trouver des canaux par lesquels la PMA
reçoit une onction de sainteté. C'est la même situation que
l'on perçoit dans l'approche confrérique au
Sénégal.
b / L'approche confrérique au
Sénégal
Il est impensable d'aller soutenir en milieu omarien, Khadre
et dans certaines zones de l'Est et du Sud du Sénégal de telles
idées sur la PMA. Ces cadres géographiques sont hostiles et
très conservateurs à tout ce qui ne reflète pas la
pureté stricto sensu à la foi islamique. On peut
même étendre le refus de la PMA dans certains milieux musulmans au
Nord, à Saint-Louis, notamment dans les familles hal pulareen de Matam
entre autres. Quid des grandes familles maraboutiques, en particulier
toucouleurs, premiers réceptacles de l'entrée de l'Islam au
Sénégal. En réalité, on peut présumer
simplement que c'est plutôt dans les zones occidentale,
côtière et arachidière que l'acceptation de la PMA est,
plus ou moins, aisée avec une tolérance auprès des
communautés mouride, niassène et surtout tidiane. Une mention de
réserve en ce qui concerne la communauté layène est
à noter tant une ligne définitive n'a pas été
adoptée, même si on remarque de profonds accents de
méfiance irréversible à l'encontre de la pratique.
De manière générale, on s'accorde
à affirmer au Sénégal l'omnipotence de Dieu mais on
reconnaît au médecin le droit et l'obligation de prendre en charge
la situation d'infécondité des couples mariés. L'Islam
sénégalais ne reçoit pas la gestation pour autrui, la
participation du tiers donneur et les dons de gamètes. Par suite,
« les lois islamiques tolèrent le recours à la
procréation médicalement assistée, à condition
qu'elle soit pratiquée au sein du couple. En effet, le sperme et les
ovocytes doivent provenir des deux conjoints. Il est hors de question de faire
intervenir une tierce personne pour pallier les insuffisances biologiques de
l'un ou de l'autre conjoint »2(*)7. La participation du tiers donneur est
assimilée à l'adultère, même en l'absence de
conjonction sexuelle. A la place, on peine à accepter l'adoption. Alors
que paradoxalement, la filiation naturelle de l'enfant est un problème
de société sénégalais du fait du statut
social défavorable qui lui est réservé. Que dire de la
pratique de la gestation pour autrui ou de la conception post mortem aux
travers des institutions coutumières du sororat et du lévirat en
vue de perpétuer une descendance au parent du de
cujus ?
Les populations se sont également attelées
à poser des questions sur les risques de répercussions
environnementales de la PMA.
Paragraphe 2 - Les répercussions environnementales
de la PMA
La PMA pourrait entraîner des périls sanitaires
(A) et des nuisances sur la nature (B) rendant la critique encore plus
prononcée à son encontre.
A / - Les périls sanitaires
La PMA qui a engendré de fol espoirs ouvrirait la voie
à toute une série de modifications de la structure cellulaire de
l'organisme humain (1) lesquelles peuvent être constitutives de dangers
sur le système de défense immunitaire (2).
1°/ Les modifications de la structure cellulaire
Elles se font à plusieurs niveaux notamment :
a / L'association des
gènes et des gamètes. Avec les
modifications du vivant sur le génome humain, la structure
génétique peut faire l'objet de mutations par des interventions
sur l'appareil reproducteur afin d'inoculer aux gamètes certaines
caractéristiques génétiques dont on n'est pas parvenu,
à l'état actuel de la science, à prouver qu'elles seront
sans incidences sur la fonction reproductrice, encore moins sur l'état
sanitaire de l'organisme. Il est évident que les derniers
développements de l'ingénierie génétique peuvent
susciter le pire à telle enseigne que le génie
génétique appartient à la catégorie des techniques
à effets négatifs à long terme. La potentialité de
modification de l'espèce humaine par une intervention sur les cellules
germinales en est l'exemple le plus inquiétant. Elle aura une incidence
sur le processus de régénération des cellules
modifiées.
b / Le processus de
régénération continu des cellules modifiées.
Le renouvellement de ce processus de
régénération doit être continu, soutenu et
fréquent du seul fait que la violation des lois de la nature
entraîne la vie relativement courte des cellules modifiées qui
n'ont plus cette prégnance naturelle à cause de leur profonde
« aseptisation ».
c / Cela joue ainsi sur
la composition de la protéine de fertilisation naturelle des
cellules fabriquée par l'organisme. Et pour suppléer
à ce qu'ils ont modifié, les praticiens démiurges peuvent
être tentés de s'adonner à d'autres substitutions.
d / Ces substitutions peuvent être des
combinaisons de produits humains avec des essences et compositions animales
et / ou florales, d'où le risque d'hybrides et de chimères
génétiques.
On ne peut pas occulter que le non-respect des prescriptions
sanitaires est similaire à celui relatif aux tests de dépistage
des maladies transmissibles et infectieuses dans le cadre de la PMA. D'un autre
côté, tout acte médical n'est pas exempt
d'inconvénients et présente souvent des dangers sur le
système de défense immunitaire.
2°/ Les dangers sur le système de
défense immunitaire
Ils se situent sur plusieurs sphères :
a / L'usage abusif de productions
hormonales peut entraîner ce qu'il est convenu d'appeler le syndrome
d'hyperstimulation ovarienne au cours d'une FIVETE. La stimulation des ovaires,
nécessaire à l'obtention de plusieurs ovocytes, peut parfois
dépasser son but et pousser à un tel syndrome lequel est une
affection qui, mal surveillée, peut aboutir à des complications
graves (kystes ovariens, thromboses, paralysies). La PMA pose le
problème du placement intra-utérin de plusieurs embryons
susceptibles de déclencher des grossesses doubles ou multiples à
risques.
b / L'excès de la
fréquentabilité des essais induit aussi au
non-renouvellement des ovules. En effet, le recueillement des ovules
nécessite des interventions chirurgicales qui ne sont pas exemptes de
risques lors de leur extraction. Et leur capital n'est pas aussi
régénérateur que celui des spermatozoïdes. La
fréquence des fécondations in vitro peut provoquer des
césariennes, des fausses couches, des risques pour les embryons et les
foetus, ainsi que des naissances d'enfants prématurés avec des
malformations.
c / Ceci s'explique, en partie, par
l'épuisement à terme des capacités psychomotrices et
de défense de l'organisme par le fait de l'acharnement
procréatif et qui peut entraîner, à la longue, la mort de
la patiente.
d / Il y a, par ailleurs, un risque
imprévisible non décelable de contamination des cellules avant
réimplantation avec du sperme infecté de virus dont le
donneur est porteur, de transmission de maladies héréditaires,
tares et pathologies génétiques dont certaines peuvent
difficilement être constatées.
La PMA poserait encore quelques nuisances à la
nature.
B / - Les nuisances à la nature
Elles semblent se faire par une proximité des
infrastructures avec les populations riveraines (a) et une probable incidence
des produits OGM sur la fécondité (b).
a / La proximité des infrastructures de la
PMA
On a reproché aux infrastructures de PMA de faire
naître de vives tensions de cohabitation spatiale entre les
détracteurs qui ne veulent pas de cet environnement rapproché qui
heurte leur conscience et les médecins, les laboratoires et les
personnels qui s'y sont installés pour mieux se rapprocher de leurs
patients. De même, on invoque le coût d'absorption en ressources
énergétiques (énergie nucléaire dans certains pays
avec les risques prévisibles) que les contribuables doivent payer
même si beaucoup d'entre eux ne sont pas au courant de l'existence de
cette pratique ( le cas des pays en développement), surtout pour la
cryoconservation des gamètes et des embryons (effets à long terme
de l'état de conditionnement avec la conciliation psychologique de
l'opposition à cette proximité).
b / La probable incidence des
produits OGM sur la fécondité
On peut s'interroger, à juste raison, sur les effets
à long terme de la consommation d'OGM (Organismes
Génétiquement Modifiés) sur la baisse de la
fécondité et la recrudescence exponentielle de
l'infécondité. Ce qui serait une des raisons d'apparition de la
PMA. Des études sérieuses devraient être menées.
Mais dans l'attente de cette perspective, le principe de précaution si
cher aux environnementalistes devrait trouver une extension bien fondée
dans le domaine de la santé et précisément dans le champ
vaste de la PMA afin de susciter une indemnité d'assurance non seulement
quant aux risques avérés ou non mais encore quant aux nuisances
que peut développer la PMA.
L'analyse de la récurrente réalité de la
PMA avec tout ce qu'elle peut susciter comme espoirs et implications, nous
amène à considérer à présent l'impact
prévisible qu'elle a pu faire dans le droit positif ainsi
bouleversé.
TITRE II - L'IMPACT PREVISIBLE DES BOULEVERSEMENTS
JURIDIQUES
La PMA a, largement, créé des clivages
querellés au sein de la doctrine (chapitre I) et l'on a pu,
également, souligner les incidences qui n'ont pas manqué de
secouer l'ordonnancement juridique (Chapitre II).
CHAPITRE I - LES CLIVAGES QUERELLES DE LA CRITIQUE
Les auteurs ont eu à parler de crise ou de renouveau du
concept de personne humaine (section I) et de consolidation ou de
précarisation de la protection de la personne humaine (section II).
SECTION I - LA CRISE OU LE RENOUVEAU DU CONCEPT
DE PERSONNE HUMAINE
Le débat doctrinal pose, ici, la variabilité des
approches conceptuelles de la personne humaine (paragraphe 1) et projette la
situation d'impasse dans laquelle se trouvent les principes juridiques
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La variabilité des approches
conceptuelles
de la personne humaine
Elle s'articule autour de la dichotomie entre les notions de
potentialité et de conception biologique (A) et du choix à
opérer entre la conscience avérée et l'état
végétatif de l'être foetal (B).
A / - La dichotomie entre la potentialité et la
conception biologique de la
vie humaine
Les attitudes et les prises de positions antagonistes que l'on
observe aujourd'hui à propos des découvertes et techniques en
biomédecine, et plus particulièrement en santé de la
reproduction, en matière de procréation médicalement
assistée, reposent chacune sur une conception particulière et
fondamentale de la vie, spécialement de la vie humaine.
- Une première conception de la PMA qui est religieuse,
factuelle et absolue ne considère que le phénomène vital,
c'est-à-dire la potentialité de l'embryon comme devenir de
l'être humain. Elle affirme la sacralité de la vie qui existerait
grâce à la supériorité d'une nature créatrice
maîtresse de ses créatures et de leurs droits. On retrouve, dans
la plupart du temps, les tenants de cette ligne de réflexion parmi les
opposants à l'avortement, les adversaires aux méthodes de PMA et
qui sont, tous, des partisans acharnés de la peine de mort. Ces
théoriciens ont toujours considéré la personne humaine
comme le substrat du sujet de droit et le corps humain comme le support de la
personne. Cette conception est à la base de l'adage classique
« infans conceptus... » qui démontre que
l'enfant à naître est un être humain, une personne, un sujet
de droit. Par suite, l'adage est susceptible de s'appliquer à l'embryon,
voire même aux gamètes (des sources de vie) auxquels la
reconnaissance juridique est et doit être octroyée.
- La seconde conception de la PMA affirme le droit des vivants
sur les non vivants. Autrement dit, elle ne considère que la conception
biologique qui est la rencontre de deux gamètes différents. Et
précisément, la PMA vise la concrétisation d'un tel
objectif. Les manipulations restent possibles puisque la personne humaine
résulte de son caractère de vivant. Il faut donc attendre la
naissance de l'enfant pour que soit reconnue l'existence juridique de l'enfant
conçu. Avant la naissance, ce dernier serait donc un non-sujet de droit,
une non-personne, au pire des cas une matière, un objet, une
curiosité scientifique. Par suite, la règle de
l' « infans conceptus... » ainsi
formulée revêt un caractère fictif qui ne repose sur rien
de consistant, sinon un simple arbitraire de création juridique.
C'est autour de cette dichotomie que se pose également
la controverse du choix entre la conscience avérée ou
l'état végétatif de l'être foetal.
B / - Le choix entre la conscience avérée ou
l'état végétatif de l'être foetal
C'est la querelle doctrinale consistant à
déterminer si le foetus dans le milieu où il évolue a
conscience ou non de son humanité et ce sera en fonction de cette
considération que l'on saura s'il y a lieu ou non de lui attribuer le
concept de personne humaine.
Certains estiment autant l'embryon que les gamètes ne
peuvent être considérés comme pourvus d'une conscience.
Celle-ci serait innée à la seule personne physique et vivante. Et
que dès lors, vouloir attribuer les caractéristiques
physiologiques et juridiques à ces produits du corps humain, ce serait
faire courir le risque d'une extension inutile de la personnalité
juridique. L'état végétatif du foetus inconscient serait
donc une réalité.
Mais l'opposition rétorque à cette argumentation
que l'individu, qu'il soit conscient ou inconscient, raisonnable ou
insensé, demeure une personne, un sujet de droit. Ces auteurs soulignent
que même en bas âge ou sous l'empire d'un trouble mental,
l'humanité d'un individu n'en est pas pour autant contestée.
Toujours dans un souci de fragiliser l'opinion précédente, ils
font remarquer que lors d'une opération d'avortement tendant à
supprimer un embryon ou lors d'une simulation de destruction de gamètes,
il se passe un acte de conservation, un instinct de survie de ces derniers. Ce
qui est une preuve, selon ces auteurs, de leur humanité. Ainsi, la
thèse selon laquelle le foetus à l'état
végétatif ne serait absolument pas apte à ressentir quoi
que ce soit ne peut pas prospérer.
Une autre piste de réflexion a été
explorée quant à la situation d'impasse dans laquelle sont
plongés les principes juridiques en matière de droit
familial.
Paragraphe 2 - La situation d'impasse des principes
juridiques
Elle se présente par une flexibilité ou une
évanescence des principes de droit (A) et par leur confrontation avec
les nouveaux droits subjectifs (B).
A / - La flexibilité ou l'évanescence des
principes juridiques
L'avènement des méthodes de la PMA, les
manipulations et les expérimentations sur le corps et les produits du
corps humain ont mis en difficulté les classiques principes
d'indisponibilité, d'inviolabilité et d'intangibilité du
corps humain. La fragilisation des principes et des droits de la personne est
de plus en plus évidente.
Ces principes étaient déjà, dans le
passé, posés comme des dogmes indiscutables et
inexpliqués. Autrefois, la dignité de la personne impliquait
l'inviolabilité et sous-entendait l'indisponibilité,
l'intégrité, l'absence de caractère patrimonial du corps
humain et l'intégrité de l'espèce humaine. Selon une
partie de la doctrine, ces principes ont, pour essence, de renforcer et
d'asseoir une réelle protection de la personne humaine. D'autres sont
moins optimistes et estiment que cette formulation élimine les embryons
et les foetus n'ayant pas de vie autonome par rapport à la femme qui les
porte ou par rapport aux procédés artificiels qui leur assurent
une maturation ante-fécondation.
Mais, désormais, les principes sus-cités
postulent à une remise en cause de leurs fondements. On assiste ainsi,
fréquemment, à des prélèvements de cellules ou de
produits du corps humain à l'occasion de certaines interventions
médicales au cours desquelles le consentement de la personne est inutile
ou n'est pas, sciemment, requis ou sollicité. C'est le cas des
déchets opératoires qui sont très souvent
appropriés par la collectivité ( par exemple la structure
médicale entre autres). Le corps humain a, dorénavant, un
caractère patrimonial ( une valeur marchande), pénètre le
champ du commerce et fait l'objet même d'actes extra-contractuels
(dons).
Les brèches continuent ainsi d'élargir la
fragilisation. Et la présence de nouveaux droits subjectifs a fini
d'entamer l'érosion de ces principes séculiers.
B / - La confrontation avec les nouveaux droits
subjectifs
Des auteurs se sont interrogés sur ce qu'ils qualifient
de dévoiement du droit au respect de la vie privée. En effet,
devant l'amplification du phénomène de la PMA, les droits de la
personnalité subissent des agressions de plus en plus pernicieuses.
Cette vulnérabilité poserait, selon eux, la précision de
la valeur légale du droit au respect de la vie privée puisque la
nature de ce droit a changé de sens. Il n'est plus un droit à
l'intimité et à la tranquillité, il est devenu la
liberté pour chacun de choisir son mode de vie affectif, sexuel et
familial. La création apparente de ces nouveaux droits a permis
d'installer, durablement, les concepts de droit de disposer du corps et des
produits du corps humain, le droit à un embryon, le droit à des
organes, etc.
A côté de ces paradigmes de droits relatifs
à la PMA, le droit à l'enfant constitue le droit qui suscite le
plus de débats. Certains auteurs considèrent que c'est un droit
fondamental garanti par la charte fondamentale. De plus, il constituerait une
liberté publique d'accéder à une vie familiale. Le droit
à l'enfant constitue, sur ce registre, une prérogative
illimitée d'accès aux pratiques de la PMA. Face à cette
revendication, la société serait obligée de garantir
l'accès aux techniques de procréation artificielle à tous
ceux qui le désirent, sans avoir à considérer les
mérites ou démérites des individus pour avoir des enfants
par ce moyen. D'autres, au contraire, rejettent la notion de « droit
à l'enfant » comme étant incompatible avec un
système juridique civilisé car elle suppose réduire
l'enfant à la condition de « chose due », tel un
droit de propriété, en niant par là sa dignité de
« personne ». Ce droit à l'enfant n'est que
l'égoïsme d'un intérêt exclusif du parent et on doit
lui substituer ou adjoindre un droit de l'enfant. Suivant donc de tels auteurs,
l'homme peut disposer de ce qu'il a dans les limites légales et morales,
mais il ne peut pas exiger ce qui n'est pas déjà, ce qui n'existe
pas.
Devant la persistance des passions déclenchées
par la PMA, l'idée de la consolidation ou de la précarisation de
la protection de la personne humaine a également fait l'objet d'une
question difficile que nous nous proposons d'aborder.
SECTION II - LA CONSOLIDATION OU LA PRECARISATION DE
LA PROTECTION DE LA PERSONNE HUMAINE
Les incertitudes et les contradictions fort nombreuses qui
emportent la doctrine multiplient l'ambiguïté du renforcement ou du
dévoiement de la protection (Paragraphe 1) et donnent un sentiment de
double mirage à l'activité biomédicale (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Le renforcement ou le dévoiement de
la protection
Un tel questionnement accentue la discutabilité de la
qualification de l'embryon (A) et rend plus opaque l'idéologie nouvelle
du droit de la famille (B).
A / - La discutabilité de la qualification de
l'embryon
En fait, la notion d'embryon est un faux ami. Il faut
plutôt entendre tous les produits du corps humain utilisés dans la
pratique de la PMA. C'est donc en plus de l'embryon, les embryons
surnuméraires et les gamètes.
Spécifiquement quant à la qualification
juridique de l'embryon, des auteurs ont souligné cette remarque :
peut-il y avoir un enfant conçu sans qu'il y ait une femme ? Cette
tournure sous forme de postulat ainsi adoptée leur permet de se
prononcer, avec une suffisante aisance, sur le statut de l'embryon et du
foetus. Pour eux, l'embryon hors de son milieu de culture naturel ou artificiel
ne peut jamais fabriquer la vie et se développer. Il n'est donc qu'une
matière difforme qui a besoin d'assistance. Dès lors, la nature
humaine ne saurait lui être accordée. Et dans un souci de
s'aménager les bonnes faveurs de quelques susceptibilités, ces
auteurs ont songé à la formulation de la notion de
pré-embryon pour désigner le stade de cette
« matière » ou « chose » qui
pourra faire l'objet de toutes les explorations, expérimentations et
manipulations génétiques et biomédicales. Ils
considèrent alors l'embryon au sens strict du terme comme exempt
d'utilisations scientifiques et accepteraient sa potentielle humanité.
De tels développements qui scindent ce produit humain en embryon et
pré-embryon sont fermement contestés par d'autres auteurs qui
soutiennent la cause humaine de l'embryon comme un tout et qui voient dans les
gamètes mâles et femelles toute l'expression de la nature humaine
qui mérite alors protection. Le problème de la garantie s'est, de
même, posé avec les considérations relatives à
l'idéologie nouvelle du droit de la famille.
B / - L'idéologie nouvelle du droit de la
famille
A l'instar de l'évolution des moeurs, certains
soutiennent certaines formes parentales et consentent, volontiers, à
l'idée d'extension de la notion de famille à des couples
homosexuels. Ils s'appuient sur le principe d'égalité des
citoyens à fonder un foyer. La protection des droits et des
libertés doit assurer à certaines minorités sexuelles
(transsexuels, homosexuels) une vie privée et familiale
conformément aux textes portants sur les Droits de l'Homme. Il importe
peu alors, pour la réalisation de ce projet, que l'on fasse recours
à des gamètes de tiers anonymes ou proches. De tels auteurs
consentent à un subreptice remplacement de la structure familiale
traditionnelle par une autre. C'est ainsi qu'ils partagent l'avis d'une femme
ménopausée qui a recours à la PMA ou d'un homme homosexuel
qui sollicite la gestation pour autrui en vue de concrétiser leur
volonté d'avoir un enfant. A défaut de trouver une
législation permettant à de telles personnes de profiter de la
parenté de substitution, les tenants d'une telle conception
préconisent le recours à la fécondation extra-corporelle
par l'entremise de paillettes de gamètes et de couveuses artificielles
d'embryons. Ce qui signifie que seul le recueil de gamètes suffit, la
suite se fera en laboratoire. Il est évident que des opposants se sont
insurgés contre ce qu'ils qualifient d'excessifs dérapages
inadmissibles. Ils se préoccupent du sort de l'enfant à
naître, de son avenir dont personne, apparemment, n'est responsable et
qui se retrouvera obligé d'accepter une filiation homoparentale ou
uniparentale, c'est-à-dire avec un seul descendant connu et
déclaré officiellement.
Dès lors, le double mirage ou la face de Janus de
l'activité biomédicale mérite d'être
clarifié.
Paragraphe 2 - Le double mirage de l'activité
biomédicale
On a pu s'interroger à juste titre, de
l'ambiguïté de l'acte médical (A) et des manipulations du
corps humain (B).
A / - L'ambiguïté de l'acte médical
A ses origines, l'acte médical constituait plus un
souci premier de donner satisfaction aux patients et aux malades. C'est pour
perpétuer cet esprit désintéressé que le serment
d'Hippocrate a été institué. Mais il est vrai que, depuis
quelques décennies à la suite notamment des innovations
médicales, on assiste à un glissement vers une
onérosité consécutive aux amortissements des coûts
d'acquisition de la technique et du matériel et de
rémunération de la formation des personnels de monopole
médical. Certains avancent que la santé a un prix et c'est ce
prix qui améliore les performances des praticiens et fait progresser la
recherche biomédicale. Ceci permettrait d'assurer de meilleures
prestations de service aux patients. Ainsi, on a pu constater que la pratique
de la PMA constitue un véritable secteur d'activités
économiques avec la présence remarquée des laboratoires,
des banques de gamètes, des instituts, voire même des
participations des établissements bancaires et financiers à de
vastes programmes y afférents. Le monde des affaires s'est trouvé
une bonne place qu'il espère toujours rentabiliser. Cette
mercantilité affichée a instauré une discrimination quant
à la réelle possibilité d'accès de toutes les
populations à la PMA . Ce qui a fait dire que l'exigence de
gratuité ou plutôt l'atténuation du coût de la PMA,
doivent permettre d'éviter que l'acte ne soit fait que pour des raisons
économiques. Pour eux, l'appât du gain suppose une
auto-dégradation plus accélérée de la personne
compte tenu de ce que nous avons déjà affirmé avec le
déclin des principes d'indisponibilité, d'inviolabilité et
d'intangibilité du corps humain du fait de la pratique aveugle de la
PMA. Par suite, un minimum d'esprit d'altruisme doit motiver les acteurs
gravitant autour de la PMA d'autant que le tiers, lui, a entendu faire des dons
de gamètes et s'attend à pouvoir en bénéficier,
à titre gratuit, s'il en éprouve ultérieurement la
nécessité.
De la même façon, les manipulations du corps
humain suscitent des réactions diverses.
B / - Les manipulations du corps humain
Des auteurs ont justifié et légitimé les
manipulations et expériences effectuées sur le corps humain et
sur les embryons surnuméraires. Ils évoquent des finalités
thérapeutiques et des progrès scientifiques significatifs
grâce à la maîtrise en cours du code et du patrimoine
génétiques de l'homme. Ils énumèrent les nouvelles
connaissances que les recherches sur l'embryon pourraient apporter tels le
diagnostic des anomalies du génome, à travers l'étude des
chromosomes de l'embryon, les études biomédicales qui ont besoin
de la production d'embryons humains comme partie intégrante de leurs
analyses.
D'autres auteurs doutent de la véritable utilité
pratique de ces recherches. Au-delà de la question d'utilité de
ces recherches, on peut toujours se demander si elles sont compatibles avec le
respect dû à l'embryon humain. Le droit doit-il adhérer
à toutes ces manipulations dont certaines suscitent l'effroi avec la
pratique des chimères constituées par la formation d'un embryon
humain possédant plusieurs informations génétiques, la
création d'hybrides entre l'homme et l'animal, le choix abusif du sexe
de l'enfant pour de simples commodités de confort, ainsi que le clonage,
c'est-à-dire la duplication délibérée d'un
être humain ? De telles tendances à
« l'élevage » sur l'homme constituent une
réification de la personne humaine et des produits du corps humain. Pas
plus que ne sont admises les formes d'eugénisme individuel avec les
diagnostics prénataux et pré-implantatoires qui sont des risques
de dérives eugéniques non maîtrisables.
Les recherches biomédicales, ainsi que les pratiques de
la procréation artificielle n'ont pas seulement concerné les
clivages querellés de la critique, elles ont eu aussi des incidences sur
l'ordonnancement juridique.
CHAPITRE II - LES INCIDENCES SUR
L'ORDONNANCEMENT
JURIDIQUE
Elles sont perceptibles dans le droit de la famille en raison
des diverses controverses suscitées (section I) et recoupent
également les remises en cause observées dans le droit de la
personnalité (section II).
SECTION I - LES CONTROVERSES DANS LE DROIT
DE LA FAMILLE
Elles peuvent être appréciées par
l'analyse de la licéité de l'acte de procréation
artificielle (paragraphe 1) et de l'objectivité de l'extension de la
structure familiale (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La licéité de l'acte de
procréation artificielle
La procréation artificielle pose le problème de
la validité des techniques utilisées (A) et de
l'indéfinition légale du statut juridique de l'embryon (B).
A / - La validité des techniques
utilisées
L'idée de trop qui rend inadéquate la
comparaison est l'ambition, ici et là, caressée de promouvoir le
parallélisme des formes entre la conception artificielle et la
conception naturelle de la procréation. Le but est de comparer la
diversité des techniques utilisées dans la PMA avec l'essentiel
de la législation. A la source, il est suffisant de mettre en
évidence la non conformité de la pratique avec l'esprit des
textes de loi. Ce qui, du reste, a conduit la plupart, sinon toutes, les
législations occidentales à adopter des textes particuliers pour
donner un semblant de légalité aux méthodes de la PMA. Ce
faisant, ces nouveaux textes sont en porte à faux avec les textes en
vigueur qu'ils prétendent remplacer et qui, paradoxalement
(consciencieusement ou non), n'ont pas fait l'objet d'une abrogation. Le
législateur viserait-il par là une
« abrogation » par désuétude ? En fait,
le législateur cherche par là à éviter de trancher
entre deux tendances d'opinions qui s'affrontent à propos de la PMA. Il
n'en demeure, pour autant, qu'il y a là, sans doute, un risque de donne
possiblement incestueuse des techniques de la PMA. Il s'agirait alors d'un
inceste du deuxième type, c'est-à-dire un inceste entre individus
de même sexe qui ne sont pas homosexuels, mais partagent le même
partenaire sexuel. Cette forme d'inceste transgresse l'interdit,
l'impossibilité de faire se rencontrer des substances
considérées comme de nature identique. C'est l'effet de deux
femmes qui ont des « relations sexuelles » avec le
même homme ou de deux hommes avec une même femme. Ce fantasme de
partager, sous le déguisement de l'acte hétérosexuel dans
la PMA, est en réalité fictif du fait qu'il n'y a pas de
relations sexuelles vécues directement entre la mère et le
donneur de sperme. Il y a seulement rencontre de substances dans le même
« lieu » : le vagin de la femme dans lequel le sperme
du mari « rencontre » le sperme du donneur (qui peut
être un parent très proche). L'hypothèse de ces fantasmes
incestueux de dons de gamètes n'est pas à exclure a priori.
Ainsi, la vie sexuelle est perturbée et pose l'adéquation des
moyens médicaux avec l'ordre public et les bonnes moeurs.
Le problème de l'indéfinition du statut
juridique de l'embryon rend plus complexe la licéité de l'acte de
procréation artificielle.
B / - L'indéfinition du statut juridique de
l'embryon
Nous partirons de l'embryon pour voir succinctement comment
aujourd'hui il est perçu par le droit en vigueur. La question de la
formulation du cadre juridique de l'embryon consiste en ce que le droit n'ait
d'autre choix que de faire oeuvre imaginative pour répondre à la
situation de certains embryons. Y aurait-il deux sortes d'embryons ? Ne
parle t-on pas en effet couramment des embryons surnuméraires, de la
chosification du pré-embryon qui échappe pour les quinze premiers
jours de son existence au règne humain de par la volonté de la
science génétique ? Que penser de la question des
expérimentations embarrassantes sur l'embryon dont le chercheur, le
biologiste ou le médecin au sein d'une équipe de pointe
pourraient difficilement renoncer à l'exploration du fait qu'il
constitue une source intarissable de connaissances souvent profitables à
l'homme et à la collectivité ? De ces embryons trop nombreux
qui ne pourront pas tous être replacés, faut-il les conserver, les
donner à un autre couple stérile, les détruire, les
utiliser pour la recherche ?
Ainsi la question juridique du statut de l'embryon qui se
résume en droit civil sénégalais (art. 1er al.
2 et 3 CF), d'une part, à l'embryon conçu in vitro dont la
réalisation du projet de replacement dans l'utérus de la
mère se trouve dans une situation de vide juridique total, ne satisfait
pas aux conditions civilistes de la personnalité juridique et, d'autre
part, à l'embryon (ou le foetus) in utero, quoique n'ayant pas la
personnalité juridique, existe aux yeux de la loi civile qui lui
reconnaît des droits à la jouissance et à l'exercice dont
il n'entrera en possession qu'à sa naissance, s'il naît vivant et
viable. Ainsi donc le foetus, même de maturité très
avancée, ne bénéficie pas traditionnellement de la
protection juridique. A propos des textes internationaux (conventions,
déclarations, résolutions...), il est exprimé le droit
à la vie, par référence au concept de personne, sans
toutefois préciser à partir de quel moment commence ce droit
à la vie, tandis que d'autres proclament le respect de la vie avant la
naissance, sans se référer au concept de personne. Au motif qu'il
est illusoire de s'entendre sur le statut de l'embryon humain, les instances
nationales et internationales productrices de normes éludent
généralement la question et répondent, par moments, par
des interprétations et considérations divinatoires. Quant au
droit pénal sénégalais le droit à la vie, depuis la
conception jusqu'à la naissance, était successivement
protégé par deux infractions spécifiques, l'avortement qui
constitue un délit ( art. 305 CP) et l'infanticide qui est
considéré comme un crime ( art. 285 CP). Ces textes sont
inadaptés à la PMA. De ce fait, c'est avec une aisance que
d'aucuns dénient tout droit subjectif à l'embryon lequel
présuppose, en droit civil, l'existence de la personnalité
juridique et même tout droit de l'homme, puisque l'embryon précoce
n'est pas encore un être humain. Il serait suicidaire pour la
société de faire l'impasse sur l'embryon humain précoce ou
de croire que son humanité ne dépend que de notre bon vouloir
alors qu'il est porteur de cette vie que nous partageons tous. En effet, la
naissance du premier enfant artificiel éclipse très vite pour le
profane toutes les étapes qui ont dû être franchies pour
qu'au départ d'une éprouvette jaillisse la vie et pour que cette
vie évolue jusqu'à la mise au monde d'un nouveau-né. Il
peut donc s'avérer exact aujourd'hui de parler d'une
insécurité juridique de l'embryon et du foetus et même d'un
réel vide juridique légal. La licéité de l'acte de
procréation artificielle ne saurait occulter l'objectivité
réelle et conséquente de cette propension à étendre
la structure familiale.
Paragraphe 2 - L'objectivité de l'extension de la
structure familiale
Elle traduit la question de la légalité de la
notion de nouvelle parentalité artificielle (A) et rend possible une
relecture de l'institution de l'adoption (B).
A / - La légalité de la notion de
nouvelle parentalité artificielle
Dans cette nouvelle approche de la famille ce qui est en jeu,
et constitue bien un enjeu, c'est l'articulation de l'individu à la
société et le rôle que peut jouer la famille. Les diverses
manifestations d'une évolution des moeurs ont, progressivement,
suscité des transformations de la famille qui remettent en cause
dangereusement l'accomplissement des fonctions traditionnelles d'une
extrême importance, particulièrement celles concernant les
enfants. Autant de signes significatifs de la remise en question du bon
fonctionnement d'une société et de sa perpétuation. La
famille est redevenue un enjeu et les transformations qu'elle subit
résultent d'une brusque rupture dans les mentalités et
participent non plus d'une modernité positive mais d'une dérive
culturelle laquelle est favorisée par les renoncements du droit. A
travers ces transformations, c'est l'existence même de la famille et la
viabilité de la société qui sont en jeu. Les lois
nouvelles ont entériné cette évolution des
représentations de la parentalité dans la société
contemporaine et ont pris acte du fait que maternité et
paternité, seraient des réalités qui ne se calquent plus
automatiquement sur la physiologie ou la sociologie. Ces nouvelles formes de
paternité et de maternité se sont progressivement
dégagées au contact des techniques de la PMA. Ce gauchissement a
donné une modification radicale dans l'art de donner la vie au sens
où une maternité peut inclure la participation d'un ou de deux
co-géniteurs que l'on appelle, par convention, donneurs ou donneuses. On
assiste à un bouleversement de l'adage « mater semper
certa est » (la mère est toujours certaine) avec son
corrélat « pater semper incertus » (le
père toujours incertain) avec la résolution de la PMA qui a
ébranlé l'adage devenu parfois caduc et qui donne essence
à un nouvel adage qui définirait la paternité comme
certaine en lieu et place de la maternité qui deviendrait, elle, de plus
en plus incertaine. En effet, la femme d'un couple peut avoir un utérus
parfait mais des ovocytes non fonctionnels (traitement anti-cancéreux,
malformation etc.) Elle peut vouloir recourir à un don d'ovocyte d'une
seconde femme appelée donneuse qui sera fécondé en
éprouvette par le sperme de son conjoint. L'embryon ainsi
créé sera ensuite implanté à la conjointe (la femme
du couple). Elle sera considérée comme la mère
utérine et sociale de l'enfant à naître mais pas sa
mère génétique. Qui est donc la vraie mère ?
Un autre exemple peut être illustré également avec le fait
d'une mère porteuse du sperme et de l'ovocyte du couple solliciteur. Il
s'agit au fond d'une allégorie moderne du jugement de Salomon :
à qui appartient l'enfant quand les deux mères se le
disputeraient ? Est-ce la contribution génétique ou bien
celle gestationnelle de la maternité qui devrait être prise
en compte? Sous ce même rapport, il existe une distribution
renouvelée du rôle de la paternité entre plusieurs
individus. Ce cumul de paternités, dans lequel plusieurs
co-géniteurs ou co-pères participent à la conception d'un
enfant, a pour base l'atteinte à la virilité d'un homme qui
accepte, en désespoir de cause, de recourir à la PMA. Il se pose
alors, comme pour les femmes, une crise de la désignation du
véritable père. Certaines législations musulmanes
théocratiques n'hésitent pas à considérer et
assimiler l'intervention du tiers participant dans l'intimité du couple
à la notion d'adultère. Pour éviter une telle
assimilation, les législations occidentales ont procédé
à une relecture de l'institution de l'adoption.
B / - La relecture de l' institution de l'adoption
La paternité et la maternité artificielles sont
devenues intentionnelles et adoptives, mais dans un sens particulier. Il s'agit
de ce qu'on peut appeler une adoption pré-conceptionnelle
différente de l'institution classique de l'adoption dont elle
n'épouse que les effets. Cette forme particulière d'adoption peut
résulter d'une adoption par le père social ou la mère
sociale de gènes qui ont été donnés par un autre
homme ou par une autre femme et qui donneront la vie à un futur enfant
ou peut résulter de l'adoption d'un embryon donné par un autre
couple ou encore de l'adoption pré-conceptionnelle de l'enfant du
conjoint, c'est-à-dire dans le cas de l'adoption par un mari
stérile de l'enfant de sa compagne conçu avec le sperme d'un
donneur.
Par ailleurs, nous savons dans la définition
légale de la maternité adoptive que la mère est, en effet,
celle que la société désigne comme telle et elle n'est pas
la mère gestatrice. C'était, jusqu'à l'avènement de
la PMA, le seul cas ancien de l'adoption posé et institué par la
loi. Mais la mention « adoption » est en passe de
subir des manoeuvres substitutives par les dérives cachées sous
une apparence de l'accouchement anonyme. En effet, l'accouchement dans
l'anonymat, appelée « accouchement sous X » est celui de
la femme à qui la loi permet de ne pas révéler son
identité, ni à l'institution qui l'accueille ni aux personnes qui
l'assistent et la soignent. Dans ce cas, l'acte de naissance de l'enfant dont
cette femme a accouché est dressé sans indiquer le nom de cette
femme. Toutefois, rien n'empêche l'établissement ultérieur
de la filiation de l'enfant envers sa mère biologique, à
l'initiative de celle-ci avant toute adoption et, si possible, qui doit prouver
qu'une convention avait été signée avec le couple
stérile. De même, l'enfant avisé des conditions de sa
naissance pourrait voir plus tard son action se heurter à l'anonymat
légal de la femme qui persisterait à ne pas le reconnaître,
malgré les « aveux » et
« révélations » lesquels, au demeurant, sont
constitutifs de violations de l'accord souscrit avec la gestatrice. De ce fait,
cet enfant est condamné à subir les rigueurs de la loi
« l'enfant a pour mère la personne désignée
comme telle dans l'acte de naissance », même si celle-ci ne l'a
pas mis au monde. Ainsi, la pratique de l'accouchement sous anonymat est
pervertie. A l'origine, elle s'expliquait par le souci d'éviter les
infanticides dans une société qui rejetait tout enfant né
hors mariage et avait été consacré, pour la
première fois, par un décret révolutionnaire
français de 1793 qui garantissait à la mère, lorsqu'elle
le souhaitait, le secret de la maternité. En 1941, un décret du
régime de Vichy organisait à son tour la pratique.
Pour le surplus, les problèmes posés par la PMA
concernent également la mesure de l'établissement de la
contestation de la filiation maternelle et du bouleversement de la filiation
maternelle. Autrement dit, la possibilité d'accoucher dans l'anonymat
peut-elle favoriser le recours à certaines fraudes dans le cadre des
méthodes de la PMA, particulièrement en cas de gestation pour
autrui ? L'accouchement sous anonymat peut, bel et bien, avoir une
incidence sur le sort de l'enfant qui en est issu. Les législations qui
l'autorisent se trouvent devant un choix de société.
Sous un autre angle, la pratique est un véritable
déni de justice organisé qui donne à la mère un
pouvoir exorbitant, celui d'accoucher d'un enfant qu'elle peut totalement
priver de père (même si elle est mariée, le système
de l'abandon lui permet d'effacer complètement la filiation paternelle
ainsi que la sienne). De tels bouleversements constituent, pour une part, des
remises en cause du droit de la personnalité.
SECTION II - LES REMISES EN CAUSE DU DROIT
DE LA PERSONNALITE
Elles se font par l'invocation des libertés publiques
comme moyen de pression (paragraphe 1). Ce qui pose la question du dilemme de
la protection de l'indisponibilité du corps humain (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La pression des libertés
publiques
Cette pression des libertés publiques est la
reconnaissance par l'Etat de son devoir impératif de garantir tous les
droits concédés aux citoyens (A). Toutefois, ce voeu pieux et
abstrait subit une difficile application par rapport aux principes
d'égalité et de non discrimination (B).
A / - La garantie étatique des droits et des
libertés
L'État est le garant des libertés et des droits
octroyés par tous les textes en vigueur. Ainsi, l'État se trouve
confronté à son devoir de veiller à l'exercice par les
citoyens de tous leurs droits inaliénables de la personnalité. Et
précisément celui de l'exigence de concilier l'accomplissement
des droits familiaux et la protection de l'enfant à naître. La
réflexion n'a d'autres ambitions que de s'interroger sur le sort des
enfants qui pourraient être mis au monde. La question est de savoir s'il
est opportun d'introduire dans le droit positif l'anonymat des tiers
participants ou tout simplement se poser la question de la
légalité de l'acte même de la procréation
artificielle. Il convient de se demander quelles seraient les incidences de ce
choix de société pour toutes les personnes
concernées : l'enfant en priorité, mais aussi le couple qui
le « met au monde » et ceux qui auraient contribué
grâce à leurs dons de gamètes. Il est donc certain que le
développement de la PMA donne au problème une dimension
nouvelle : la femme qui mettrait au monde, à la suite d'un don de
gamètes, un enfant ne serait pas sa mère génétique
et le statut de l'enfant pose, en efficience, des problèmes
d'identité. La problématique juridique mise en évidence
constitue le conflit entre deux ordres de valeurs : les droits du couple
en détresse de ne pas assumer son infécondité et ceux de
l'enfant de ne pas être abandonné. La recherche d'un
équilibre entre les droits contradictoires est sans doute
malaisée. Le législateur, d'un autre côté, accentue
cette omnipotence de la femme qui, libre de décider de donner ou non la
vie, de consentir ou non de mettre au monde un enfant pour elle seule par
procréation médicalement assistée en privant, par
là, l'enfant d'un père. Il n'y a plus donc de
« pater is est », plus de présomption de
paternité. La filiation avec participation d'un tiers donneur est en
effet contestable à partir du moment où quelqu'un peut soutenir
que l'enfant n'est pas issu de la PMA. L'existence de la filiation avec
participation de donneurs est un véritable déni juridique par le
seul fait même d'avoir eu recours à un don de gamètes. A
l'image du malheureux oedipe, du côté de l'enfant, pourquoi
l'enfant né grâce à la participation d'un donneur de
gamètes n'aurait-il pas le droit de connaître la
particularité de son histoire, c'est-à-dire que celui qui
l'élève et dont il porte le nom, son parent affectif et effectif,
n'est pas son géniteur ? Le montage de la participation du tiers ne
devrait-il pas, en toute équité, accorder aux enfants ainsi
conçus une filiation juste fondée sur le cumul des
paternités et non la substitution de l'une à l'autre ? Outre
l'intérêt de l'enfant, la prise en compte d'une
pluripaternité, semble-t-il, respecterait la relation contributive entre
les deux hommes ou les deux femmes. Ainsi, les images du
« père visiteur » ou de la « garde
conjointe » font partie de ce nouveau monde, de cette nouvelle
« forme familiale » et seraient tout
« bénéfiques » à l'enfant grâce
au système de droit de visite dans la PMA ( un
« ménage » à trois pour un enfant). Par
ailleurs, le législateur est dans une mauvaise posture dans la difficile
application des principes d'égalité est de non-discrimination.
B / - La difficile application des principes
d'égalité
et de non-discrimination
L'individualisme, état par lequel l'homme se
définit en fonction de lui-même, par lequel il est sa propre
référence et s'octroie le pouvoir de se donner à
lui-même sa loi, est parfois le talon d'Achille des législations
occidentales sur lesquelles pèse l'obligation de mettre sur le
même pied d'égalité tous les acteurs et les citoyens
qu'elles régissent. C'est à ce propos que les homosexuels,
lesbiennes, femmes célibataires, ménopausées, hommes
célibataires voulant recourir aux services d'une mère porteuse,
évoquent volontiers, pour eux, les mêmes droits
conférés à d'autres, notamment la possibilité de
recourir aux méthodes de la PMA. Ainsi, considérés comme
minoritaires du fait de leurs penchants, ils s'appuient sur tous les artifices
juridiques entrevus dans les textes pour revendiquer le même traitement
juridique. La loi sur cette question, semble-t-il, est prise dans sa propre
spirale de reconnaissance existentielle de la procréation
artificielle.
La même loi est en difficulté lorsqu'il survient
des cas de situations extrêmes avec le décès d'un des
conjoints du couple stérile. Au nom du désir d'enfant, est-ce
qu'il y a lieu de poursuivre la réalisation d'un projet parental
artificiel surtout lorsque la personne décédée avait
déjà donné son consentement ou avait fait l'objet de
prélèvements de ses gamètes ? Par un
hypothétique refus, la loi violerait la liberté de conscience et
de consentement des conjoints qui avaient entendu souscrire à la
pratique. Et une autorisation légale serait également
heurtée la philosophie du droit en vigueur et des sensibilités
sociales qui n'acceptent pas que l'on provoque une grossesse après le
décès d'un des auteurs. On a pu aussi s'interroger sur le
degré de conformité de l'exercice libre de la pratique
biomédicale de la PMA avec l'ordre public et l'intérêt
général, ainsi que cette propension mercantiliste de la PMA au
nom du principe sacro-saint de l'exercice du commerce et de l'industrie.
L'emprise du monde des affaires dans l'accaparement des produits du corps
humain fragilise, par ricochet, la protection juridique que devait assurer la
loi quant à l'indisponibilité du corps humain.
Paragraphe 2 - La protection de l'indisponibilité
du corps humain
Il a été fait cas du peu d'empressement et
parfois même de l'indécision de la législation à se
prononcer sur le cas de la circulation des produits du corps humain (A) et
celui à décliner sa réaction significative quant à
la licéité des conventions sur le corps humain (B).
A / - La circulation des produits du corps humain
La circulation des enfants est remplacée par la
circulation des substances.
A l'heure actuelle, la circulation des substances est rendue
possible par l'extériorisation partielle de la capacité
reproductrice des corps. La fusion des gamètes, pouvant avoir lieu en
éprouvette, avait remplacé la circulation des enfants
(c'est-à-dire les transports d'un enfant d'un foyer à un autre).
Ce ne sont plus désormais que les substances procréatives qui
circulent par le canal de la logique biomédicale. La perspective du
développement de la procréation médicalement
assistée défie les lois de la biologie et met en cause les
principes de l'indisponibilité du corps humain, ceux de l'état
des personnes et les principes de la déontologie médicale et de
la recherche expérimentale.
Par une alchimie juridique les textes de loi, qui ont toujours
réaffirmé que le corps humain ne saurait en aucune façon
faire l'objet d'une quelconque disposition, sont soudainement frappés
d'impuissance face aux fréquentes atteintes résultant des
concessions onéreuses et dons effectués sur des parties ou des
produits du corps humain. Or, il a toujours été avancé que
les produits d'origine humaine n'ont pas de prix et ne peuvent donc être
ni achetés ni vendus. Autrement la démarche juridique aurait
dû décider, face à de telles
« agressions », que les gamètes qui sont des
produits du corps humain, ne peuvent en cela faire l'objet d'une disposition de
la part de la personne même dont ils sont issus. Mais récemment la
France a pris 26 décrets d'application le 06 août 2004, relatifs
à la bioéthique dont le premier d'entre eux a mis en place un
dispositif transitoire autorisant l'importation de cellules souches
embryonnaires humaines, en attendant la création en 2005 d'une Agence de
biomédecine. On le voit bien que la circulation des produits du corps
humain qui, en principe, est interdite semble devenir une norme juridique qui
entre en contrariété avec les règles existantes. Ce
même esprit semble guider la licéité des conventions sur le
corps humain.
B / - La licéité des conventions sur le
corps humain
La diversité des conventions possibles en
matière de PMA n'a pas dérogé à la règle du
caractère licite de leur établissement. Que ce soit le
consentement, l'objet et la cause qui constituent des conditions de fond de
validité de tout accord, on a eu du mal à comprendre les
justifications juridiques qui les ont insérés dans un dispositif
légal, fut-il un dispositif spécial et isolé par rapport
à l'ensemble des normes en vigueur dans un pays. Tout au plus, la loi a
atténué le domaine contractuel en excluant la pratique de la
gestation pour autrui, la rémunération du donneur de
gamètes et toutes clauses de donneurs
quant à l'utilisation finale des dons. Tout au plus, le
donneur peut simplement solliciter que son don soit au bénéfice
d'un couple stérile. De même, les cellules cédées
ainsi que leurs dérivés ne sauraient davantage, servir de
prétexte aux héritiers du donneur pour exiger des droits.
Malheureusement, la loi n'a considéré que partiellement l'aspect
contractuel par rapport à toutes les autres variantes contractuelles,
notamment, la convention de cryoconservation des gamètes qui a
donné l'existence aux banques de cellules reproductives, ou la
convention d'établissement de recherche biomédicale sur les
embryons surnuméraires. Ce paradoxe a été même au
centre du débat de la campagne électorale des
présidentielles fédérales américaines du 2 novembre
2004. En effet lors d'une déclaration tenue à Hampton (Etat de
New Hampshire) à la mi-octobre 2004, le candidat démocrate,
John Kerry, a plaidé pour la relance de la recherche
publique sur les cellules souches embryonnaires, jugée prometteuse pour
lutter contre certaines maladies (Alzheimer, Parkinson ou diabète).
Alors que le candidat président républicain sortant,
George Bush, avait interdit, en août 2001, le financement public
au nom de la vie et de l'humanité de l'embryon. Il est évident
que si le challenger John Kerry entend financer la recherche embryonnaire, non
seulement il reconnaît le caractère déshumanisant de la
cellule souche embryonnaire humaine, mais en plus les subventions publiques ne
seront pas désintéressées, c'est-à-dire que par des
conventions conclues avec les laboratoires et instituts de recherche, l'Etat
fédéral sera le premier bénéficiaire de son
« investissement ». Dès lors, on ne saurait comment
les Etats peuvent très sérieusement interdire ou contrecarrer
d'autres conventions très voisines de la PMA qui heurteraient les
consciences.
Au sortir de l'analyse de la résurgence des enjeux de
la PMA, le contrepoint de la volonté de procréer artificiellement
va consister pour le législateur à mettre en oeuvre un cadre
approprié, à imposer son rôle qui est de pallier aux
conséquences et constats qu'occasionne la PMA en l'organisant et non de
permettre qu'elle se réalise dans le silence et la pénombre.
DEUXIEME PARTIE - L'ORGANISATION JURIDIQUE
DE LA
PMA
L'activité médicale est d'une sensibilité
extrême, pointue et sourcilleuse à telle enseigne que la plupart
des législateurs des grandes démocraties occidentales n'ont pas
entendu la laisser à la seule volonté des praticiens. A leur
initiative, il a été établi un encadrement normatif de la
PMA (TITRE I). La lecture de cette régulation normative de la PMA
recèle pour autant de riches et importants enseignements qui
méritent une attention toute particulière (TITRE II).
TITRE I - L'ENCADREMENT NORMATIF DE LA PMA
Cet encadrement s'opère, de prime abord, par la mise en
place d'une législation de base en matière de PMA qui en
définit les contours (Chapitre I) et, ensuite, par l'aménagement
d'un régime de responsabilité en matière de PMA (Chapitre
II).
CHAPITRE I - LA LEGISLATION DE BASE EN MATIERE
DE PMA
Il revient de considérer le contenu du projet de
parentalité artificielle (section I) et les objectifs que vise cette
réglementation de parentalité artificielle (section II).
SECTION I - LE CONTENU DU PROJET DE PARENTALITE
ARTIFICIELLE
Il repose, essentiellement, sur le descriptif des
règles de formation (paragraphe 1) et la sanction prévue en cas
de violation de ces règles de formation (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Le descriptif des règles de
formation
Il demeure constant que la PMA fait l'objet d'une
sélection rigoureusement organisée par le droit positif (A). Sur
ce, nous relèverons toute la pertinence qui s'attache à une telle
sélection adoptée (B).
A / - La sélection opérée par le
droit positif
La sélection a défini, d'une part, les
conditionnalités (1) et, d'autre part, les droits et obligations des
acteurs (2) pour une meilleure acceptation de la PMA.
1°/ Les conditionnalités
Elles peuvent être comprises en conditions
générales (a) et en conditions particulières tenant
à l'acte d'autorisation de la PMA (b).
a / Les conditions
générales
Le cadre contractuel a toujours été régi
par des conditions cumulées de forme et de fond.
- La principale et unique condition de forme reste
l'écrit. En principe, le formalisme contractuel est un droit consensuel,
c'est-à-dire qu'aucune forme n'est exigée quant à la
validité de l'acte juridique de PMA souscrit par le couple demandeur et
le praticien. Selon l'article 41 cocc, « (...) Le contrat se
forme librement dès le seul échange de consentements ».
Mais compte tenu de la particularité de l'art médical,
exceptionnellement ce principe du consensualisme est substitué soit
à un formalisme dit d'efficacité qui pourrait servir,
ultérieurement, comme formule ad probationem (formalités
de preuve) et / ou soit à un formalisme dit de validité ( ad
validitatem ) qui privilège l'écrit ( un acte sous-seing
privé ou un imprimé pré-rédigé). Et c'est
précisément à ce propos qu'il faut plus voir le contrat
médical (même s'il a une large part synallagmatique, commutative
et onéreuse) comme un contrat solennel, voire même un contrat
d'adhésion du fait de tout le monopole de la technicité et des
connaissances scientifiques que détient le seul
initié(praticien). Aujourd'hui avec l'envol des NTIC, on peut
s'interroger sur la pertinence des contrats médicaux par
télédistance, d'autant plus que cet outil informatisé peut
servir à des opérations chirurgicales, a fortiori pour ce qui est
de la PMA. Les praticiens sénégalais sont moins prolixes à
délivrer des informations de partenariat en ce sens, au nom d'un
argument spécieux et prétexte d'obligation de réserve. Si
la PMA est faite dans le secteur public hospitalier, il n'y a pas de contrat
entre les parties. L'intéressé est usager du service public en
tant que patient mais non en tant que malade car la PMA ne relève pas de
la maladie.
- Quant aux conditions de fond, notamment le consentement,
l'objet, la cause, la capacité, etc., les législations sont
partagées et privilégient l'appui logistique des valeurs et
traditions culturelles spécifiques à chaque peuple, à
chaque race, à chaque continent, etc. Relativement au consentement et
à la capacité, ce sont les règles du droit civil, voire
même de la pratique anglo-saxonne qui sont reçues. Celles-ci
considèrent que le consentement, devant émaner des deux parties
(couple et praticien) suivant l'art. 58 cocc, ne doit pas être
frappé d'aucune incapacité de protection (les incapables majeurs
et les mineurs ou adolescents) ou d'aucune incapacité de défiance
(une interdiction frappant le médecin qui résulte soit du code de
déontologie de sa profession, soit du fait de la loi) selon l'art. 57
cocc. En outre, il doit être extériorisé et intègre
(exempt de vices d'erreur, de dol et de violence, fut-elle une contrainte
morale).
Avec l'évolution des concepts sur l'ordre public et les
bonnes moeurs, ainsi que celle sur l'indisponibilité,
l'inviolabilité et l'intangibilité du corps, des
éléments et des produits du corps humain, l'objet portant sur la
PMA, c'est-à-dire l'assistance médicale à la conception
d'un enfant par des méthodes scientifiques et la cause qui est le
souhait de voir venir au monde un enfant né artificiellement ont
reçu une validation de licéité et de moralité.
C'est donc dire que les traits de bonnes moeurs et d'ordre public sont
contingents et évoluent selon le temps et les circonstances. Cette
flexibilité de ces notions a permis le développement des contrats
d'expérimentation sur les cellules embryonnaires, les contrats de dons
et de ventes de gamètes, de participation d'un tiers à
l'intimité du couple stérile, etc.
A la limite de ces quelques conditions
générales, il y a lieu de relever également des conditions
particulières tenant à l'acte même de PMA.
b / Les conditions particulières tenant
à l'acte de PMA
On retrouve ici les conditions générales,
notamment pour ce qui est des critères juridiques que nous avons fait
précéder par des critères dits naturels.
- Les critères naturels portent principalement
sur l'âge des conjoints et, par là, concordent avec la condition
générale relative au consentement et à la capacité
du conjoint. Le critère sur l'âge est également une
exigence juridique. Au Sénégal, l'âge minimum pour le
mariage est fixé à 18 ans conformément à la
majorité civile (loi n° 99-82 du 3 septembre 1999 portant
réforme de l'art. 276 alinéa 1er CF et relative au
rabaissement de la majorité civile de 21 ans à 18 ans). Mais il
est prévu des dispositions d'autorisation ramenant cet âge pour la
femme à 16 ans et même moins (art. 111 CF). En France,
« cet âge minimum est fixé à 18 ans et 15 ans
(...). On peut penser, pour le plaisir de raisonner qu'un jeune couple, pourvu
qu'il soit en âge de procréer, entrera dans la prévision
légale (...) »2(*)8 de la PMA. Toujours en France, il n'y a pas, en
principe, d'âge maximum. Tout compte fait, le but est d'imiter
biologiquement la nature. D'autant plus que l'Allemagne situe également
cet âge à 16 ans2(*)9 et l'Angleterre entre 16 et 18 ans, par
référence à l'institution du mariage3(*)0. Les législateurs
occidentaux semblent, par ailleurs, indécis dans le cas des femmes
ménopausées et il semble donc qu'une limite a été
posée par l'institution d'un âge maximum excluant l'accès
à la PMA. Cet âge maximum semble fortement recouper avec la
ménopause. Mais là également, celle-ci varie d'une femme
à une autre rendant complexe la définition d'un âge maximum
standard. Tout compte fait, cette crainte légitime consiste à
éviter que la PMA ne devienne le mode de procréation du
deuxième (ménopause), voire du troisième âge.
Le second et dernier critère naturel pose la condition
de stérilité ou d'infertilité pathologiques dont nous
avons déjà fait une large part dans nos développements.
Cette condition vise à évincer de l'accès à la PMA
toute personne physique ne relevant pas de cette prévision. Il n'est pas
nécessaire de situer le degré de la condition,
c'est-à-dire son caractère irrémédiable, partiel,
l'origine de la cause transmissible etc. Il suffit seulement que la personne
soit en âge de procréer mais en est privée naturellement.
Par suite, le constat médical avéré en fait foi en bonne
et due forme.
- Les critères juridiques, en plus des
critères généraux et naturels ci-dessus, réunissent
plusieurs exigences qui répondent à un souci d'un mieux
contrôle d'opportunité d'accès à la PMA.
C'est ainsi que l'information demeure au coeur de tout le
processus pré- et post-opératoire de la PMA. Elle se doit
d'être plurielle alliant la sensibilisation par la méthode de
l'IEC (information, éducation, communication), le secret durant tout le
parcours, la précision des renseignements relatifs à la
diversité des méthodes de la PMA, leurs avantages et leurs
inconvénients, si possible l'état de la législation en la
matière, les sanctions prévues, les engagements à honorer
à la naissance de l'enfant, etc. C'est dire que l'information doit
toucher tout ce qui tourne autour de la PMA, y compris la participation du
tiers et les opérations « marchandes » ou
scientifiques (expérimentations). Cette même information est
également requise auprès du tiers participant. Il convient de
préciser, tout d'abord, que le Sénégal médical
n'adhère pas à la participation d'un tiers dans l'intimité
du couple, tout comme la plupart des pays de la Ummah islamique. Ceci
précisé, l'expression « donneur » renvoie,
à côté du tiers donneur de sperme traditionnel, à
trois autres types de donneurs : la donneuse d'ovocytes, les donneurs
d'embryons et la mère de substitution, plus improprement connue sous
l'appellation de « mère porteuse ». La situation du
tiers participant est une anticipation de la question des droits et des
devoirs que nous verrons plus loin. Mais nous préférons examiner
celle du tiers présentement. Nous pouvons retenir que les
législateurs occidentaux s'accordent à privilégier d'abord
la gratuité des dons, donc un caractère bénévole
qui exclut toute rétribution ou toute forme de compensation
onéreuse. Ensuite, l'anonymat est la règle dans la plupart des
pays, à quelques variantes près. En troisième lieu, les
praticiens et les structures doivent respecter le donneur et la finalité
de son don. A ce propos, un consentement écrit spécial est
souvent requis. Par contre et enfin, la responsabilité du donneur,
à la suite d'une sélection morphologique (race, groupe sanguin,
etc.) et d'élimination de certaines maladies (transmissibles,
infectieuses, héréditaires), peut être engagée en
cas de dissimulation à dessein de son état sanitaire.
D'un autre côté, la loi exige qu'il y ait
présence d'une situation matrimoniale au sein d'un couple
hétérosexuel. C'est ce que les praticiens
sénégalais appliquent conformément à la
législation en vigueur relative au mariage (art. 111 CF). Plusieurs
législateurs occidentaux reçoivent la demande de simples
concubins hétérosexuels et on assiste même
fréquemment dans ces pays à une agrégation des demandes de
femmes vivant seules.
Dans le suivi des conditionnalités requises, la
sélection assujettit également les acteurs à des droits et
obligations.
2°/ Les droits et les obligations des
acteurs
Nous verrons ceux qui s'appliquent aux praticiens et aux
établissements assimilés (a) et ceux des couples demandeurs ou
patients (b).
a / Les droits et les obligations des praticiens
et des établissements
assimilés
On peut les assimiler à des conditions techniques
tenant à une bonne pratique de la PMA. Ils visent non seulement tous les
praticiens, les personnes qui sont à toutes les
périphéries du médical, du paramédical et du
scientifique, ainsi que les hôpitaux, les laboratoires, les structures
privées, les instituts de cryoconservation, de vente ou
d'expérimentation sur les gamètes et les embryons, les
directeurs, les collectivités, l'État, etc. Nous avons
déjà largement posé la réflexion sur l'obligation
essentielle de l'information plurielle, les questions de l'anonymat, du secret,
la diversité des analyses et leur conformité à la pratique
médicale. Les acteurs précités doivent se conformer aux
prescriptions légales, notamment se soumettre à un droit de
contrôle sur l'utilisation de la PMA à des fins prévues.
C'est ainsi que le médecin est tantôt considéré
comme tenu par une obligation de moyens, tantôt tenu par une obligation
de résultat dans la satisfaction de la volonté du couple. Il
reste toutefois seul maître quant à la manière de parvenir
à cette fin. Tout État pour sa part doit veiller à ce que
sa loi relative à la PMA soit respectée et doit veiller
également à rendre accessible la pratique de la PMA aux personnes
autorisées. Il doit également préserver l'ordre public en
le conciliant à la nécessité de faire progresser la
science pour le bien-être physique et social. Les organismes et les
directeurs de structures, s'ils ont le droit de rentabiliser, de faire
prospérer la vente des gamètes, des embryons et de faire avancer
la recherche, ne doivent pour autant s'adonner à une pratique
dévalorisante de réification du corps humain. Les couples
demandeurs ou patients obéissent aux mêmes paramètres
d'exigences.
b / Les droits et les devoirs des
patients
Le débat conflictuel entre un droit à l'enfant
et un droit de l'enfant n'a pas fini de confiner la volonté de
procréer dans des contours fixes. Le patient est, toutefois, en droit
d'exiger une suffisante, éclairée et véritable information
afin de pouvoir apprécier à sa juste mesure ce qui lui est permis
et / ou interdit.
Si en Occident, les droits individuels peuvent prendre le pas
sur les droits du couple du fait de la prépondérance des
personnes seules à se voir garantir un droit encore indéfini
à la PMA, au Sénégal il n'en est pas ainsi car seul le
couple hétérosexuel marié bénéficie de ce
droit par la seule volonté des médecins.
Par suite, les patients s'engagent à recourir à
des pratiques qui peuvent, souvent, être lourdes en incidences
fâcheuses sur leur santé, voire par un échec. Ils
s'engagent à assurer le développement et l'éducation de
l'enfant ainsi procréé au sein d'une famille harmonieuse. Si les
patients peuvent exprimer leur désapprobation quant à la
violation par le praticien du pacte qui les lie, cette même
possibilité est offerte à ce dernier lorsque le patient n'honore
pas le contrat souscrit. C'est le cas par exemple lorsque après un long
processus entamé mettant le temps et les moyens du praticien, le patient
ne donne plus signe de vie ou s'en réfère à une autre
structure. S'il lui est permis de changer d'avis, il reste tenu par ce qui a
été déjà dépensé en temps et en
moyens par ledit établissement spécialisé. On s'est
interrogé, somme toute, sur la pertinence de la sélection
positive adoptée.
B / - La pertinence de la sélection positive
adoptée
La décision de procéder à une
sélection a permis à différents législateurs
intéressés par la pratique d'exclure certaines PMA de
complaisance (1) et de rejeter d'autres comportements négatifs en
matière de PMA (2).
1°/ L'exclusion des PMA de complaisance
Elle concerne respectivement la gestation pour autrui (a), le
clonage humain reproductif (b) et l'eugénisme (c).
a / La gestation pour autrui
La sagesse et la prudence élémentaires semblent
parfois faire défaut chez bon nombre de praticiens. Ainsi, les
progrès techniques de la PMA peuvent aboutir à des pratiques de
plus en plus discutables. Un auteur précise que « c'est dans
les années 1980, aux USA, qu'un gynécologue et un avocat eurent
l'idée de · prêt · ou de
· location · d'utérus »3(*)1 dont la finalité
consiste pour « la mère dite
· porteuse · ou de ·substitution ·
(...) à accoucher anonymement et à abandonner l'enfant dès
sa naissance. Le père reconnaît alors le bébé et il
ne reste à son épouse stérile qu'à faire une
adoption plénière de l'enfant de son mari. En échange, la
mère porteuse est dédommagée
financièrement. »3(*)2. Ce qui a eu l'heur de déplaire un autre
auteur qui n'a pas manqué de qualifier une telle pratique
d'« aliénation de la maternité »3(*)3.
Et c'est ce même auteur qui fait la
différenciation entre la mère porteuse qui est une sorte de
« couveuse » d'un ovule fécondé d'un couple
et la mère de substitution qui accepte d'être
inséminée avec le sperme du mari de la femme stérile. Il
s'empresse, toutefois, de préciser que « pour le droit
français, il n'y a pas de différence (...) »3(*)4, entre ces deux formes de
maternité et qu'il y a lieu de procéder au « (...)
rejet définitif de la pratique de la gestation pour
autrui »3(*)5
qui « (...) relève du domaine de la psychologie
prénatale (...) »3(*)6 et qui constitue une situation de l'enfant né
d'une pratique de gestation pour autrui....créée de toutes
pièces par ceux qui ont suivi « le législateur
britannique (qui) est le seul à autoriser, officiellement, la
gestation pour autrui (...) »3(*)7.
La sélection a déclaré également
l'illicéité du clonage humain reproductif.
b / L'illicéité du clonage humain
reproductif
Le clonage humain consiste à une duplication
délibérée d'un être humain. Si le
phénomène des jumeaux (un embryon qui, en se divisant, donne lieu
à un double de soi) existe dans la nature, cela ne justifie pas pour
autant que l'on provoque volontairement et artificiellement la formation d'un
embryon humain porteur de la même information génétique
qu'un autre humain, un foetus, un être humain vivant ou
décédé. « Le clonage reproductif pose des
questions qui relèvent (...) des droits et libertés fondamentaux
de la personne humaine »3(*)8 et fait l'unanimité contre lui,
tant le péril qu'il représente est inestimable pour
l'espèce humaine. La Déclaration Universelle sur le génome
humain du 11 novembre 1997 en ses articles 10 et 11 interdit les recherches et
les applications du clonage à des fins de reproduction d'êtres
humains. La presque unanimité a récemment été
ébranlée, encore n'est pas coutume, par l'attitude
unilatérale de la Grande-Bretagne. En effet, « A
l'été 2000, le gouvernement Britannique de Tony Blair et le
directeur de la santé publique britannique se sont prononcés en
faveur du clonage des embryons humains à des fins thérapeutiques
(...). La décision britannique en faveur du clonage des embryons
humains à des fins thérapeutiques fait suite à une
avancée très rapide des recherches ces dernières
années, en particulier aux États-Unis où la
législation n'interdit pas la manipulation avec
l'embryon »3(*)9.
La pratique de l'eugénisme n'est également pas
acceptée.
c / La non admission de
l'eugénisme
Nous avons largement contribué dans la première
partie de notre travail à démontrer les problèmes que
soulève la PMA.
Et précisément, la PMA peut conduire à
des choix de modes de vie, à façonner un nouvel type de
société et un nouveau équilibre planétaire qui
s'instaureraient grâce à l'élimination de tout
gamète ou de tout embryon défectueux. C'est ce qui a
suscité la révolte de Noëlle Lenoir qui
considère l'eugénisme comme « (...) l'une des
expressions du racisme fondé sur un pseudo-rationalisme scientifique.
Or, il ne saurait appartenir à la science
d'·améliorer· l'espèce humaine, au sens
où des hommes auraient une valeur supérieur aux
autres »4(*)0.
Elle rappelle, au passage que la folie de la pureté de la race
d'Adolf Hitler ne doit pas être substituée
faisant de sorte que certains individus soient exempts de vices physiques ou de
maladies et présentant une « perfection divine »
infaillible.
La plupart des législations occidentales prononcent des
intentions louables mais la pratique de l'ICSI et la sélection des
donneurs en dit long sur la pérennité oblitérée de
l'eugénisme4(*)1.
L'exclusion des PMA de complaisance motive également le
rejet des autres comportements de PMA.
2°/ Le rejet des autres comportements de PMA
Il s'articule autour de la procréation post mortem (a),
de la brevetabilité et la commercialité du corps humain (b), de
possibles dérives (c) et des recherches expérimentales pour une
simple curiosité scientifique (d).
a / La procréation post mortem
Un point de débat tout particulier soumis aux
législateurs occidentaux est celui qui concerne l'utilisation du sperme
du conjoint à la suite de son décès et, dans le même
sens, le recueil d'ovocytes de la femme décédée
(épouse ou concubine). Les législations ont dû
répondre à la question s'il est licite de concevoir un enfant
sans père ou sans mère ? La réponse découle
d'elle-même et oblige la loi à rejeter une telle pratique,
notamment en France depuis l'avènement des lois sur la bioéthique
du 29 juillet 1994. Selon ces lois, la pratique incriminée a une cause
illicite et immorale du fait de sa non conformité à l'ordre
public et aux bonnes moeurs car nul n'a le droit de concevoir un enfant sans
l'existence de l'autre parent. C'est pourquoi un tel accord va à
l'encontre des dispositions légales (art. L 152-2 alinéa 3) qui
exigent que « l'homme et la femme formant le couple doivent
être vivants (...) ». La loi a posé également les
conditions d'accès aux produits reproducteurs du corps humain. Ce qui a
eu pour incidence l'amélioration scientifique de ces produits mais
également d'entraîner la brevetabilité et la
commercialité du corps humain que la loi va avoir à
connaître.
b / La brevetabilité et la commercialité du
corps humain
Les principes de l'indisponibilité et de
l'intangibilité du corps humain ont fait, pendant des siècles, la
charpente du droit positif. Aujourd'hui, avec les mutations sur l'ordre public
et les bonnes moeurs, ils ont fini par perdre de leur pertinence, notamment
avec les techniques de PMA dont le coût s'explique par la présence
des activités marchandes tout autour de la pratique médicale.
C'est ainsi que l'art. L 672-8 de la loi française n° 94-654 du 29
juillet 1994 n'autorise pas les praticiens à se faire
rémunérer au titre des prélèvements
effectués et l'art. L 673-5 et s. prévoit une
réglementation rigoureuse sur les activités des
établissements spécialisés lesquels sont limitativement en
position de monopole contrôlé (art. L 184-1 et s.). Cet essor de
ces « banques » spéciales et ces structures,
grâce à des expérimentations de perfectionnement, conduit
à s'interroger sur « les meilleurs moyens d'assurer la
protection de la propriété intellectuelle aux chercheurs dont les
inventions ont des applications industrielles ou commerciales. Faut-il
l'envisager comme un droit voisin des droits d'auteur ? »
4(*)2. Et le chapitre III
de cette même loi est suffisamment dissuasive, semble-t-il, si ce n'est
qu'il n'est qu'une compilation d'intentions sur les risques encourus par les
personnes contrevenantes à la réglementation.
La PMA peut être aussi source de plusieurs
dérives.
c / Les possibles dérives
Nous avons déjà vu que le vent nouveau de la PMA
a fait une place facile à toutes sortes de sollicitations enrichissant,
au passage, le vocabulaire de vocables nouveaux à l'image de
l'homoparentalité. Celle-ci va consister pour des couples homosexuels
à croire qu'ils sont titulaires d'un droit de recourir à la PMA
en vue de donner naissance à un enfant. Sous ce même rapport, de
simples personnes célibataires, ménopausées, exemptes de
toute pathologie peuvent être tentées de solliciter une vie
familiale de monoparentalité. C'est pour faire face à de tels
comportements qui dénaturent l'esprit noble de la PMA que beaucoup de
législations limitent l'accès des techniques à certaines
gens qui, pour faire respecter leur liberté, ne manquent pas de soulever
les concepts juridiques d'égalité ou de libertés
fondamentales.
Tout comme la loi proscrit certaines recherches qui ne sont
motivées que par une curiosité scientifique.
d / Les recherches expérimentales pour la
curiosité scientifique
C'est le cas déjà étudié de ce
qu'il est convenu d'appeler les hybrides et les chimères, les
productions surnuméraires d'embryons, la modification du patrimoine
génétique des gamètes et le choix abusif du sexe de
l'enfant ; ainsi que toutes autres recherches n'ayant d'autre
finalité que l'autosatisfaction de ce que nous avons déjà
appelé sous le vocable expressif du savant-démiurge plongé
dans un scientisme démesuré.
Ainsi, le projet de parentalité artificielle fait
l'objet de règles précises de formation dont l'inobservation
entraîne une sanction par le législateur et par les
autorités compétentes.
Paragraphe 2 - La sanction de la violation des
règles de formation
Toute violation, pour être sanctionnée, doit
faire l'objet d'une déclaration de nullité (A). Mais dans
certains cas, des limites ont été apportées à la
nullité (B).
A / - La déclaration de nullité
Il revient de préciser les auteurs (1) et
l'étendue de la nullité (2).
1°/ Les auteurs de la nullité
La nature juridique du corps humain suffisait à
déclarer nulle et de nul effet toute convention passée sur lui.
La société des hommes a évolué
mais il n'en demeure pas pour autant qu'elle a mis en oeuvre un système
de régulation pour légaliser les nouvelles formes de PMA et
pour en rejeter les travers.
La convention portant sur la procréation artificielle
et même la distribution onéreuse des gamètes et autres
formes de concession font l'objet d'une réglementation. Compte tenu du
caractère d'ordre public et des bonnes moeurs, le Procureur de la
République est intéressé au premier chef par la pratique
s'il survient des faits susceptibles de heurter la société.
Ensuite, les acteurs, à des degrés d'intérêts
divers (les partenaires pris individuellement ou solidairement, les praticiens,
les établissements spécialisés), peuvent invoquer la
nullité. De même des proches ou des tiers concernés ou
informés de certaines situations incompatibles avec l'ordre public
peuvent la soulever. C'est notamment le cas de proches qui dénoncent une
convention de gestation pour autrui ou le fait d'un tiers donneur qui n'avait
pas donné son consentement soit au prélèvement de son
gamète, soit au recours de la PMA, soit à certaines formes de
dons ou de recherches. Tout comme le cas des praticiens qui se font
rémunérer lors des prélèvements. Il peut
également s'agir d'un tiers dont l'anonymat n'a pas été
préservé auprès du couple demandeur ou vice-versa. En
d'autres termes, il suffit que l'une des conditions générales,
juridiques, naturelles déjà étudiées soit
violée pour que l'acte passe sous le coup de la nullité. En
raison de l'intérêt général, la nullité
demeure absolue. Elle est d'ordre public.
2°/ L'étendue de la
nullité
Comme déjà affirmé, la nullité est
absolue, elle est d'ordre public du fait de la protection juridique du corps
humain, des valeurs morales et sociales de la société. Elle ne
saurait, par conséquent, être relative ce qui serait une
légèreté qui heurterait la société ; et
la prescription est extinctive avec le délai de droit commun qui est de
10 ans au Sénégal (art. 222 cocc).
Tout comme il est possible de soulever l'exception de
nullité (art. 90 cocc). Mais là, il faudrait être prudent
avec l'intérêt de l'enfant et considérer les motivations
réelles du demandeur à l'époque de la demande pour ne pas
entraîner des bouleversements préjudiciables. En pareil cas, la
stabilité sociale s'opposerait à l'invocation d'une telle
exception en nullité au profit de la prescription extinctive, voire de
la confirmation si l'ordre public n'est pas irrémédiablement
troublé. C'est dire qu'il y a lieu parfois de recourir aux obstacles de
l'exercice de l'action en nullité.
La nullité entraîne la résolution si
l'acte n'est pas encore entamé. En d'autres circonstances, notamment
l'inobservation des termes d'une cession de dons de gamètes, la
résiliation pourrait opérer.
La nullité n'opère pas dans certaines situations
que nous avons déjà ébauchées.
B / Les limites apportées à la
nullité
C'est le cas notamment lorsque la personne qui avait droit
d'invoquer la nullité renonce à le faire. Par exemple, le mari
stérile qui n'avait pas consenti à l'acte de PMA fait par sa
femme. Par là, il procède ou peut procéder à une
renonciation tacite ou expresse. C'est un acte abdicatif. Par suite, la PMA est
expurgée de son irrégularité de façon
rétroactive comme s'il n'avait jamais été nul, comme s'il
avait toujours été valable. Cette confirmation demeure possible
que si l'acte (consentement vicié) relève de la nullité
relative parce qu'on ne peut déroger par des conventions aux
règles de l'intérêt général, comme la
rémunération du praticien ou du tiers donneur. On peut
également invoquer comme limite la prescription extinctive pour le non
exercice de l'action en nullité dans le délai imparti ou
l'immixtion d'un tiers non intéressé à l'acte (mouvements
opposés aux PMA, groupes religieux).
C'est autour de l'analyse du contenu du projet de
parentalité artificielle que se dessinent les véritables
objectifs qui ont amené le législateur à définir
une réglementation.
SECTION II - LES OBJECTIFS DE LA REGLEMENTATION
DE PARENTALITE ARTIFICIELLE
Ils visent cumulativement à assurer la
sécurisation du statut de l'enfant né artificiellement
(paragraphe 1) et à garantir le contrôle juridique de l'exercice
de la PMA (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La sécurisation du statut de
l'enfant artificiel
Le législateur vise à promouvoir une
réelle insertion sociale à l'enfant ainsi procréé
(A) et à consolider sa protection légale (B).
A / - L'insertion sociale de l'enfant
procréé
Elle se fait par l'établissement d'une filiation
nouvelle (1) et par une vocation à être successible (2).
1°/ L'établissement d'une filiation
nouvelle
En fait de filiation nouvelle, les législateurs
occidentaux visent à assimiler l'enfant procréé à
un enfant légitime issu d'une procréation naturelle. C'est dire
que l'enfant est assimilé à un enfant issu directement du couple
qui lui a, ainsi, donné vie au sens complet du terme.
L'établissement de la filiation intervient de plein
droit, par mention du nom du mari de la femme dans l'acte de naissance, de sa
nationalité et de son insertion dans sa nouvelle famille. De la
même manière, la preuve de l'éloignement ou de
l'impuissance ne saurait prospérer (art. 191 à 194 CF).
« Ainsi la filiation légitime rattache juridiquement l'enfant
à ses père et mère qui sont dans les liens du
mariage » 4(*)3.
Tel semble être l'attitude du Sénégal qui devrait chercher
à faire coïncider la filiation juridique à la filiation
artificielle, même si aucun texte n'est encore pris en l'espèce.
La filiation artificielle est ainsi assimilée à la filiation
biologique, voire naturelle. Si le Sénégal n'accepte que les PMA
homologues au sein du couple hétérosexuel marié,
l'Occident privilégie en plus la PMA hétérologue et celle
reposant sur le concubinage. Si la première situation peut se voir
appliquer la « position sénégalaise » pour un
couple marié, la seconde n'est pas assujettie à une
présomption de paternité. Il faut, par suite, une
déclaration écrite avant le recours à la PMA. Cette
même déclaration ou consentement est requis du couple
hétérologue qui a recours aux services d'un tiers participant.
La loi, d'un autre côté, assure la vocation de
successible à l'enfant.
2°/ La vocation à être
successible
Avec la PMA, l'enfant légitimé par un nom et une
nationalité détient une vocation héréditaire,
c'est-à-dire il est appelé par la loi à avoir une
existence de successible au moment de sa conception (s'il naît vivant et
viable par la suite) [art. 399 alinéa 1er CF]. Et le principe
dans les successions de droit commun, c'est que tous les enfants
légitimes du couple succèdent à leurs parents de
façon égalitaire (art. 520 à 522 CF). C'est dire que
l'enfant artificiel n'est ni un enfant naturel, ni un enfant adopté.
Mais le débat persiste dans la doctrine surtout avec le recours du tiers
participant. Toutefois, le législateur français semble avoir
déjà «prédit» le cas de l'enfant artificiel et
tranche le débat en assimilant l'enfant naturel ou adopté
à l'enfant légitime en matière successorale (art. 757
c.civ.fr). Au Sénégal, le débat successoral entre enfant
naturel, enfant adopté et enfant légitime n'a jamais
été tranché de façon nette par le
législateur complaisant avec le droit musulman, on peut craindre que
l'avènement de ce troisième « casuistique »
que constitue l'enfant artificiel ne ravive les passions 4(*)4. En outre, il existe un
privilège moyenâgeux de masculinité qui n'a pas son pendant
dans le monde actuel fait d'égalité démocratique et
surtout juridique.
Quand bien même, l'enfant bénéficie
d'autres formes de protection légale.
B / - Le bénéfice d'une protection
légale
1° Les législateurs occidentaux
ont prévenu sur les cas de désistement post-PMA en
déclarant irrecevables toutes les contestations ultérieures de
filiation artificielle projetée. C'est dire que le désaveu de
paternité ou de maternité (dans le cas hétérologue)
ne peut plus prospérer en la matière lorsque la PMA est
déjà réalisée et a permis la venue au monde d'un
enfant. La demande en désaveu n'est pas recevable si le conjoint a
consenti à l'acte de PMA, sauf réserve de l'hypothèse
où l'enfant n'est pas issu de la pratique artificielle (le cas d'une
tromperie sur un enfant issu des oeuvres de l'épouse et d'un amant),
à condition de rapporter la preuve qu'il n'est pas le père. En
l'espèce, ce sont les modes ordinaires de la preuve qui opèrent
(art. 197 et s. CF).
2° Par suite, le ou les conjoint(s)
récalcitrant(s) pour honorer leurs engagements s'exposent à voir
leur responsabilité retenue pour inexécution de
« l'accord » de PMA sollicité.
Nous étudions plus loin le régime de la
responsabilité. Retenons, sur cette même lancée, que la PMA
vise aussi un objectif de contrôle juridique de l'exercice de la PMA.
Paragraphe 2 - Le contrôle juridique de l'exercice
de la PMA
L'existence d'une réglementation de la PMA est autant
de restrictions posées en matière biomédicale (A) et
d'entraves imposées à l'exercice de l'activité des
structures connexes (B).
A / - Les restrictions en matière
biomédicale
La biomédecine est une science toute nouvelle qui
marque toujours sa part prépondérante vers l'inconnu. Il sied aux
législateurs qui l'ont instituée d'en insuffler de larges
limitations puisque l'enjeu de la réglementation consiste à
préserver la dignité et l'intégrité du corps
humain. A ce titre, la plupart des législations ont
développé un ensemble de mesures restreignant le libre exercice
médical de cette profession. Déjà, le corps médical
et paramédical exerce son art dans une ambiance de corpus juridique
lequel est une exigence de conformité à la déontologie
médicale du groupe. En plus, des textes internationaux comme le serment
d'Hippocrate, entre autres.
Par suite, la science biomédicale doit entrer dans les
plans du cadrage normatif mais également tenir compte, autant que faire
ce peut, du contexte socioculturel. C'est ainsi qu'il faut comprendre la non
acception au Sénégal de la PMA avec participation du tiers et,
plus ou moins, des opérations mercantiles sur les gamètes ou les
embryons. Tout comme en Occident où l'on ne reçoit pas toujours
les demandes de certaines minorités qui semblent relever de
désirs extravagants et provocateurs et les restrictions posées
à la biomédecine. C'est dire que certaines activités
biologiques en santé de la reproduction des praticiens sont suivies
d'autres entraves imposées à l'activité des structures
connexes.
B / - Les entraves à l'activité des
structures connexes
La vie en société repose sur un contrôle
strict du commerce juridique, c'est-à-dire des activités,
notamment celles de la PMA qui méritent un certain regard appuyé
de la puissance publique. C'est ainsi qu'en France, les deux lois
bioéthiques du 29 juillet 1994 contiennent des dispositions relatives
aux activités d'assistance médicale à la
procréation (art. L 184-1 à L 184-7 suivis des articles R.
184-1-1 à R.184-3-20 du décret n° 95-560 du 6 mai 1995). Les
activités ne sont entreprises qu'après avis conformes de la
commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du
diagnostic prénatal. Ces activités sont effectuées sous la
responsabilité d'un praticien nommément agréé
à cet effet dans chaque laboratoire ou établissement
autorisé. Les articles L 181-1 et s. du CSP (code de santé
publique) précisent le régime de l'autorisation que doit obtenir
un établissement de santé par la justification des pièces
du dossier spécifique. Tout établissement doit présenter
un rapport annuel au ministre de tutelle en charge de la santé.
L'autorisation accordée peut faire l'objet de retrait en cas de
manquements, notamment en cas de non respect des conditions techniques et
biologiques de fonctionnement, de conservation des gamètes ou des
embryons, de la tenue des registres relatifs aux gamètes et aux
embryons, ainsi que de l'utilisation inappropriée de ces derniers.
C'est dire que les expérimentations et le
« commerce » des produits du corps humain par les firmes,
instituts, etc. font l'objet d'un suivi très rigoureux. L'ensemble de la
législation de base en matière de PMA est complété
par un régime de responsabilité.
CHAPITRE II - LE REGIME DE RESPONSABILITE
EN MATIERE DE PMA
Le régime de la responsabilité repose autour de
la compréhension de son mécanisme (section I ) et de la mise en
oeuvre de la sanction réparatrice (section II).
SECTION I - LE MECANISME DE LA RESPONSABILITE
Nous relèverons, comme préalable à
l'analyse, la transversalité de la notion de responsabilité
(paragraphe 1) avant que nous ne mettons l'accent sur l'établissement de
cette responsabilité (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La transversalité de la notion
de responsabilité
Elle s'exprime par la précision de la nature du
régime de responsabilité (A). Et le constat qui en émerge
est celui d'une dilution progressive des responsabilités (B).
A / - La nature du régime de
responsabilité
La responsabilité est une notion partagée par la
morale, par l'éthique et par le droit. Nous ne l'envisagerons, ici, que
du point de vue juridique. La responsabilité, c'est l'obligation, morale
ou juridique de répondre de ses actes et d'en supporter les
conséquences. Elle peut être définie à la
manière d'Antoine de Saint-Exupéry
« être homme, c'est être
responsable » 4(*)5ou à l'image de la crainte confuse qu'elle
suscite pour Jean Guitton qui estime « Qu'il est
profond, qu'il est réconfortant et toutefois qu'il est redoutable, qu'il
est simple et toutefois qu'il est ambigu, juridique et magique en même
temps, ce mot de six syllabes : responsabilité. »4(*)6 ou également à
la manière de Jean Paul Sartre, comme « la
simple revendication logique des conséquences de notre
liberté »4(*)7. La responsabilité juridique consiste donc
à répondre de ses actes et à les assumer selon les normes
du droit. Elle suppose intrinsèquement la conjonction de trois faits
objectifs : une faute a été commise sur une personne, cette
personne souffre d'un préjudice et la faute a directement causé
le préjudice (lien de causalité). Quand ces trois
éléments sont présents, l'auteur de la faute doit
réparer financièrement la victime ou être puni d'une
sanction qui tient compte de la nature des faits reprochés et du statut
professionnel du mis en cause. C'est ainsi que la responsabilité
médicale peut obliger l'auteur à réparer
pécuniairement le préjudice qu'il a causé à la
victime : c'est la responsabilité civile. Le but est d'obtenir une
indemnisation (dommages-intérêts) pour un préjudice certain
(expertisé) d'ordre physique, matériel ou moral. C'est à
la victime d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité
entre la faute et le préjudice. Cette responsabilité peut
alternativement s'envisager sur deux terrains : la responsabilité
extracontractuelle (délictuelle et quasi-délictuelle) et la
responsabilité contractuelle en vertu des articles 118 cocc «
est responsable celui qui par sa faute cause un dommage à
autrui » et 119 cocc « la faute est un manquement à
une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit ».
En droit sénégalais, cette distinction quant à la nature
contractuelle ou extracontractuelle doit être relativisée parce
que le législateur a consacré le principe de l'unité de
la faute4(*)8. Alors qu'en
France la responsabilité extracontractuelle est régie par les
articles 1382 à 1386 c.civ. et la responsabilité contractuelle
par les articles 1147 et 1142 c.civ.
La responsabilité médicale peut aussi
entraîner la condamnation répressive de l'auteur : c'est la
responsabilité pénale. Elle est fondée sur l'art. 307
CP4(*)9. L'objectif est la
punition du coupable. Les exemples ne manquent pas. Ce peut être une
imprudence, une négligence, une inattention, une inobservation des
règlements, des homicides et /ou des coups et blessures volontaires,
involontaires, des atteintes à l'intégrité corporelle,
etc.
La responsabilité médicale peut également
être jugée suivant les règles particulières à
la puissance publique : c'est la responsabilité administrative. A
l'hôpital public, le médecin exerce une mission de service public.
Il n'existe pas de contrat entre le patient et le praticien public mais entre
le patient et l'établissement public de santé. En cas de litige,
le patient doit donc saisir les juridiques administratives pour obtenir la
réparation de son préjudice causé par les
collectivités publiques ou par l'État. C'est à l'usager
(patient) d'apporter les preuves de la faute. Le seul lien entre l'agent public
(médecin), le malade (usager) et le visiteur (tiers) est le fait du
service public et le fonctionnement de ses installations ou le fait de l'acte
médical ou de gestion de la PMA. Seule la responsabilité
administrative de l'agent public est engagée car la faute est
liée au service public. Dès lors, il est logique de substituer la
responsabilité de l'administration à celle de l'agent public
médical. L'établissement public de santé assume la
responsabilité des fautes commises par ses agents.
Enfin, la responsabilité médicale peut
être mise en cause, non plus devant les juridictions étatiques,
mais devant une juridiction professionnelle. Par exemple, le Conseil de l'Ordre
des Médecins : c'est la responsabilité ordinale encore
appelée responsabilité disciplinaire. L'Ordre des Médecins
veille au respect des règles professionnelles (code de
déontologie médicale du Sénégal :
Décret n° 67-147 du 10 février 1967 et des textes
légaux en vigueur).
Nous le voyons, la transversalité de la notion de
responsabilité est multiforme et on assiste, de plus en plus, à
une dilution progressive des responsabilités.
B / - La dilution progressive des
responsabilités
Le régime de la responsabilité est devenu, par
une tendance évolutive, une quête d'un équilibre
délicat à atteindre entre la protection des structures publiques
et la garantie des victimes. En effet, le but de l'action en
responsabilité est un but patrimonial, c'est-à-dire une
responsabilité à but restitutif et que la sanction, c'est
l'allocation de dommages et intérêts. C'est ce qui a amené
le professeur Pape Demba SY à dire qu'il se fait
« (...)un rapprochement ... »5(*)0 entre les différentes
responsabilités et « Dans certains pays, certains estiment
qu'il n'y a plus lieu de faire une distinction entre responsabilités
publique et privée, extracontractuelle et contractuelle... En d'autres
termes, l'objet de la responsabilité médicale, comme l'indique la
doctrine, c'est la réparation des dommages causés par des actes
médicaux »5(*)1. Le régime de responsabilité entre de
plus en plus dans cette perspective. Cette responsabilité couvre tous
les actes médicaux ou chirurgicaux, les actes d'organisation et de
fonctionnement du service, d'exécution ou d'accomplissement des
soins.
Et pour ce faire, la dilution des responsabilités
connaîtra des bouleversements suivant les développements du
même auteur : « En réalité du juge ou du
législateur dépasse la conciliation de ces intérêts
opposés pour atteindre le contribuable. C'est d'ailleurs pourquoi la
mission de socialisation des risques a été inventée,
c'est-à-dire de faire supporter à la collectivité le
dommage causé à un de ses membres par la recherche de
l'inter-commun. Le régime de la responsabilité (...) entre dans
cette perspective »5(*)2. La responsabilité sort de la dichotomie de
la sphère ·privée-publique· pour épouser les
contours d'une responsabilité de la communauté,
c'est-à-dire une responsabilité sociale qui doit jouer pour
s'intégrer dans la politique nationale de l'assurance.
Le préalable de la transversalité de la notion
de responsabilité ainsi surmonté et posé, il sied
maintenant de mettre l'accent sur l'établissement de cette
responsabilité.
Paragraphe 2 - L'établissement de la
responsabilité
Nous ferons, d'abord, la description des règles
d'engagement (A) et, ensuite, nous apporterons des précisions relatives
à la saisine juridictionnelle (B).
A / - La description des règles
d'engagement
Elle s'articule autour de la concomitance entre un fait
générateur et un dommage (1) et de l'exigence d'un lien de
causalité (2).
1°/ La concomitance entre un fait
générateur et un dommage
Il doit survenir une simultanéité entre un fait
générateur et la réalisation d'un dommage.
Le fait générateur constitue la faute de
l'auteur. La faute, suivant les articles 118 et 119 cocc, est un manquement
à une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit. Ce
manquement peut être une transgression d'une norme contractuelle,
déontologique ou légale. C'est ce qui fait dire que le
Sénégal a opté pour une conception unitaire du manquement.
Sous réserve de cette précision, le manquement peut ne pas
résulter d'un texte. A ce propos, le droit utilise la formule du
modèle-standard du « bon père de famille ».
Elle consiste à vérifier si une personne sensée, prudente,
avisée, placée dans les mêmes conditions que l'auteur
aurait commis pareilles inattentions, négligences, imprudences. Par
suite, la faute peut être une faute technique médicale liée
aux différentes méthodes de PMA connues. C'est le cas des actes
de soins, médicaux ou chirurgicaux, notamment la survenance d'une
complication exceptionnelle alors que le praticien a mis en oeuvre tous les
moyens nécessaires ou encore les risques liés aux explorations
chez la femme stérile, les complications résultant de
médicaments inducteurs d'ovulation, d'hyperstimulation qui peuvent
être la conséquence sur la morbidité maternelle et
périnatale du fait de grossesses multiples, les contaminations
découlant du don d'un tiers (virus, maladies infectieuses,
héréditaires) ou les erreurs sur les gamètes (un
gamète de race noire inséminé à une femme de race
blanche), etc. La faute peut aussi être par omission, notamment l'absence
d'examens complémentaires, le défaut d'utilisation d'une
technique courante, omission de conseil du patient, etc. Ceci
précisé le médecin doit apporter à l'acte qu'il
pose tous les soins du médecin raisonnablement prudent et diligent
placé dans les mêmes circonstances. On lui reproche une faute ou
une « négligence », s'il ne s'est pas
conformé à ce standard. Le praticien est lié par une
obligation généralement analysée comme une obligation de
moyens. Il n'est pas tenu du résultat mais seulement de donner ses soins
et de procéder à l'intervention sans une faute professionnelle.
La PMA, en effet, semble ne pas être un acte médical complexe au
vu de l'avancée technologique et biomédicale. La faute peut
également être le fait du centre ayant fourni le matériel
médical de la PMA, le fait du donneur qui omet de révéler
certains de ses antécédents, le fait aussi du couple ou de l'un
des partenaires. Par suite, le préjudice peut être corporel,
matériel ou moral et doit être actuel, certain. Les victimes sont
tenues de justifier un intérêt légitime, notamment la perte
de chance d'acquérir une situation convoitée après
plusieurs échecs qui ont épuisé l'organisme, leur temps et
leurs moyens . c'est le pretium doloris. Le dommage doit
également être direct mais rien n'empêche qu'il soit par
ricochet par le vécu de la douleur d'un proche. C'est le cas du tiers
(apparenté) intéressé qui est fondé à
invoquer l'exécution défectueuse, le délai tardif, les
fautes techniques (chirurgicales), de surveillance, de conservation des
gamètes par des banques spéciales, les expérimentations
non consenties qui ont des répercussions touchant à la fois la
victime immédiate et la victime médiate (indirecte). Toutefois,
il demeure constant qu'il doit exister un lien de causalité entre la
faute et le préjudice.
2°/ L'exigence d'un lien de
causalité
Pour qu'il y ait responsabilité, il faut que le
préjudice soit la conséquence de la faute. Ainsi, il est constant
que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui d'un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer, selon l'article 1382 c.civ.fr. La doctrine a
élaboré trois catégories de lien de causalité. En
effet, la relation de causalité pose parfois des problèmes
délicats lorsqu'il s'agit de l'établir en présence de
plusieurs faits qui ont concouru à la réalisation du même
dommage. Prenons l'exemple d'un centre de conservation qui livre soit un
gamète d'une race non sollicité (race noire), soit de mauvaise
qualité (contamination) à une structure de PMA qui ne
procède pas aux contrôles et analyses et l'insémine
à la femme (race blanche) du couple demandeur. Devant toutes ces causes,
que faire ? On peut se référer à la théorie de
l'équivalence des conditions et considérer que toutes les causes
se valent. C'est dire que tout fait, même éloigné,
sans lequel le dommage ne se serait pas produit est réputé
causal. Pour le cas de notre exemple, le centre, la structure de PMA, le
praticien et ses auxiliaires seraient responsables. Cette théorie a la
préférence car elle permet de mieux garantir l'indemnisation de
la victime.
On peut aussi ne retenir que la dernière cause,
c'est-à-dire la théorie de la proximité des causes avec
plusieurs nuances doctrinales intégrant les concepts de causalité
efficiente, directe et immédiate. En l'espèce dans notre exemple
fictif, seul le praticien serait responsable.
Enfin, on peut retenir que la causalité
adéquate, c'est-à-dire la cause la plus
prépondérante qui est celle qui comporte la possibilité
objective du dommage réalisé. Les faits n'ont pas le même
rôle dans la genèse du dommage. On procède à une
recherche de probabilité permettant d'établir et de
déterminer la cause la plus prépondérante.
L'existence de cette controverse montre la difficulté
de rapporter la preuve du lien de causalité. Il n'y a pas sur ce point
une solution de portée générale.
Par ailleurs, la faute doit être prouvée par
celui qui s'en prévaut. Il sera donc très difficile à un
patient victime de prouver que son praticien ou le centre a commis une faute.
La matière étant très technique et très
hermétique aux non initiés. Mais il peut arriver que l'on ait
recours à une présomption de responsabilité, à
charge pour le praticien ou le centre de prouver l'absence de faute de leur
part. C'est ainsi que la présomption de faute est retenue en cas de
recherches biomédicales5(*)3. Et même, on tend à passer d'un
régime de présomption de la responsabilité à celui
d'une obligation de résultat. Par exemple une obligation de
sécurité de résultat dont on ne peut se libérer
qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère. Aujourd'hui
avec le recours aux tiers-payeurs (assurances), la responsabilité peut
être atténuée et même résulter d'une
responsabilité sans faute. Il y a même la possibilité de
limiter la responsabilité de l'auteur si la victime a concouru à
la réalisation de son dommage (le patient qui ne respecte pas les
consignes prévues par le praticien de la PMA, prise de
médicaments, alimentation à surveiller, etc.).
L'établissement de la responsabilité passe également par
la maîtrise des précisions relatives à la saisine
juridictionnelle.
B / - Les précisions relatives à la
saisine juridictionnelle
On peut s'interroger et apprécier le rôle du
Ministère Public (1) mais également le problème de la
détermination du juge compétent à saisir (2).
1°/ Le rôle du Ministère
Public
La PMA, nous ne cesserons de le redire, touche à
l'indisponibilité du corps humain, à la dignité de la
personne humaine, à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Aussi, le
Procureur de la République est garant de la protection des
intérêts de la société et de l'intérêt
général. C'est ainsi qu'il est le garant du respect du droit
pénal. On a assisté en France avec les lois bioéthiques du
29 juillet 1994 à une propension à la pénalisation qui se
manifeste dans les réformes aménagées à
l'assistance médicale à la procréation.
Ainsi, le ministère public peut et doit se saisir
d'office lorsqu'il est avisé que les activités relatives à
la PMA sont d'une gravité extrême qu'elles violent les lois et les
règlements en vigueur.
Tout citoyen ou patient qui pense être victime d'une
infraction à la loi pénale par la pratique de la PMA et qui
prétend être victime d'une faute médicale peut adresser une
plainte avec constitution de partie civile motivée au Procureur de la
République, soit par simple lettre, soit par l'intermédiaire du
commissariat de police. Souvent, le plaignant charge un avocat de
déposer la plainte. L'enquête préliminaire peut
procéder à l'audition du plaignant, de la personne mise en cause,
des témoins et à des constatations matérielles. La
décision du Procureur peut prendre la forme d'un classement de la
plainte sans suite, d'une citation directe du prévenu devant le tribunal
ou de l'ouverture d'une information confiée à un juge
d'instruction. Ce dernier peut décider une expertise pénale.
Quant au plaignant, il lui est loisible de saisir le juge d'instruction en se
constituant partie civile s'il n'accepte pas le classement sans suite de sa
plainte par le Procureur de la République.
Le plaignant (ou patient) doit également
résoudre le problème de la juridiction compétente à
saisir.
2°/ La détermination de la
compétence
Nous avons déjà développé qu'en
matière de responsabilité médicale il s'est dessiné
une tendance, un rapprochement, une dilution des responsabilités.
Dès lors, on peut envisager, dans le futur, à la facilitation de
la procédure de l'action en justice.
Mais présentement, le patient suivant l'introduction de
sa requête doit se conformer aux procédures civile,
administrative, pénale, etc. Nous ne reviendrons pas sur les conditions
d'engagement qui, à quelques variantes près, sont similaires.
La procédure administrative ne peut être
entamée que dans le respect des formes édictées mettant
l'accent sur les actes de puissance publique et la mission de service public
dans les délais de recours contentieux en matière administrative
(articles 39, 729 à 733 code de proc.civ. du Sénégal soit
pour le recours pour excès de pouvoir d'un acte décisionnel
lié à la PMA , soit pour le recours de pleine juridiction
lié à la défense d'un droit subjectif lié à
la PMA). La procédure civile, souvent dite accusatoire, est l'affaire
des parties (le demandeur et le défendeur). Le Procureur de la
République n'intervient pratiquement pas dans la procédure (sous
réserve de rares exceptions :la procédure de type
accusatoire dans les juridictions civiles a partiellement acquis un
caractère inquisitoire avec l'institution du juge de la mise en
l'état lui permettant de procéder à l'audition des
témoins et de provoquer des expertises). Le débat est très
contradictoire avec les plaidoiries des avocats et la comparution des parties.
Ainsi, le plaignant a intérêt à solliciter l'assistance
d'un auxiliaire de justice (avocat) qui sera, à même, de mieux
introduire son dossier en justice. L'action en justice consiste à
s'attacher les services d'un avocat car une bonne maîtrise de la
procédure des compétences ratione personae, ratione loci
et ratione materiae est une étape importante
surmontée dans la revendication d'un droit lésé et
froissé. Il revient, à présent, de réfléchir
sur la mise en oeuvre de la sanction réparatrice.
SECTION II - LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION
REPARATRICE
Pour l'obtention de la réparation, le patient doit se
conformer au formalisme de cette dernière (paragraphe 1). Ce qui lui
permettra de réaliser la réparation de son préjudice
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La conformité au formalisme de
la réparation
Elle se fait par une stricte observance de quelques exigences
préalables (A) complétées par des modalités
subséquentes à la procédure de réparation (B).
A / - La stricte observance des exigences
préalables
Le patient doit franchir des étapes pour l'obtention
d'une réparation (1) et son préjudice est sujet à une
évaluation (2).
1°/ Les étapes à l'obtention d'une
réparation
Le régime de la responsabilité en matière
de PMA crée à la charge de l'auteur du dommage une obligation de
réparer le tort causé à la victime. Les sujets de
l'action, c'est, d'abord, les accipiens (créanciers de la
réparation) qui sont les victimes directes ou leurs héritiers
(victimes par ricochet ou indirectes) ou encore ceux qui
bénéficient d'une subrogation (c'est notamment la compagnie
d'assurance). C'est ensuite les solvens (débiteurs de la
réparation) qui sont les auteurs directs, indirects, solidaires ou
co-solidaires déclarés responsables ou leurs ayant-droits,
c'est-à-dire en cas de cession ou d'absorption d'un établissement
de PMA ou encore de changement de direction (nouvel employeur). En principe le
successeur ou ayant-cause à titre particulier n'est pas de plein droit
directement tenu des obligations (dettes) de son auteur conformément
à une jurisprudence ancienne (c.cass.fr. 15 janvier 1918) sauf si une
clause de cession l'inclut (stipulation pour autrui avec obligation
acceptée par le tiers).
Le créancier de la réparation n'est pas au bout
de sa peine et doit compléter sa procédure en réparation
par une évaluation du préjudice.
2°/ L'évaluation du
préjudice
Elle est fonction de l'importance du risque couru et subi, de
la gravité du dommage du patient lié à la PMA. Ainsi le
domaine de l'évaluation du préjudice est si exhaustif qu'il
serait impossible d'en faire une énumération complète.
Tout au plus, on peut affirmer que l'objectif visé est
l'exclusion logique des préjudices douteux ou hypothétiques. Avec
le concours de l'expertise médicale, il peut arriver que le
préjudice ne soit pas encore réalisé. Le dommage futur est
inévitable mais on ne sait pas encore comment il va évoluer.
Certaines atteintes physiques ou physiologiques demeureront inchangées,
alors que d'autres évolueront. C'est pourquoi le dilemme est quel sens
donné au préjudice à venir suivant son aggravation,
son amélioration ou sa disparition. Cet élément assez mal
connu constitue l'évolution ultérieure des séquelles. On
estime toutefois, grâce aux progrès de la médecine, qu'un
expert averti doit être capable de poser un pronostic sérieux
statistiquement valable. Le droit à la réparation exige donc une
précision certaine et éclairée des lésions par un
interrogatoire minutieux, l'étude des documents justificatifs, les
pièces extra-médicales (les constats de police ou les
procès-verbaux), les pièces médicales et les examens
complémentaires.
L'évaluation s'achèvera pour le requérant
par la satisfaction d'autres modalités subséquentes à la
procédure en réparation.
B / - Les modalités subséquentes de la
procédure en réparation
Elles peuvent être comprises autour de l'étendue
et de la forme de la réparation.
L'étendue de la réparation revient à
s'interroger sur la nécessité ou non de procéder soit
à une réparation partielle en ne tenant compte que du seul
préjudice subi, abstraction faite des autres paramètres qui
n'étaient pas entrés en concours au moment de la survenance du
dommage, soit on s'attèle vers une réparation intégrale
qui tienne en considération toute la variété de
préjudices qui viennent en complément. On peut ainsi estimer que
le plaignant invoque un préjudice économique constitué par
les frais médicaux et pharmaceutiques, les pertes de ressources et les
frais divers dus à une incapacité temporaire, les
conséquences financières d'une lésion irréversible
ou encore l'invalidité. Il peut demander également un
préjudice moral constitué par les souffrances physiques ou
psychiques, l'amoindrissement de sa personnalité (la violation du secret
médical, de son consentement ...). Ceux-ci renvoient dans leur ensemble,
au pretium doloris ou quantum doloris lequel prend en compte
le préjudice esthétique (atteinte corporelle de nature à
enlaidir la victime) résultant de cicatrices, de modifications
morphologiques du fait de traitements longs. Le préjudice
·agrément· (la perte du goût de la vie, des
distractions, des loisirs), le préjudice professionnel (les incidences,
les traumatismes sur le maintien de l'activité professionnelle de la
victime), le préjudice obstétrical (la perte de la
fonctionnalité des organes reproducteurs), le préjudice sexuel
(les troubles psychologiques) sont autant d'invocation d'une perte de
chance.
Par suite, la forme de la réparation est une
réparation par équivalent, c'est-à-dire l'allocation de
dommage-intérêts compensatoires (art. 133 alinéa
1er cocc), la réparation en nature du corps ou des produits
humains ne semble pas très plausible, même si elle demeure dans
l'ordre du possible avec les greffes et opérations chirurgicales
d'organes. L'allocation peut se faire en une seule fois ou par le versement de
rentes échelonnées fixées par le juge. Avec le
système de l'assurance de la responsabilité médicale, on
s'achemine vers une baremnisation laquelle pour l'instant n'est pas
définitive et reste imprécise. La conformité au formalisme
ici présentée permet la réalisation de la
réparation du préjudice.
Paragraphe 2 - La réalisation de la
réparation
Elle vise la perception de l'application et des
intérêts que pose la réparation (A) dont les tendances
recoupent avec le recours au système de l'assurance (B).
A / - L'application et les intérêts de
la réparation
Le principe de la réparation ne saurait se faire en
dehors de tout processus juridictionnel. L'action en réparation doit,
impérieusement, être introduite devant la juridiction civile (ou
administrative), à moins que l'acte dommageable ne soit en même
temps une infraction pénale. Dans ce cas, la victime pourra
également saisir la juridiction répressive avec toutes les
conséquences qui s'attachent à la décision pénale
défavorable qui le priverait du recours civil.
Nous avons déjà posé que le
système juridictionnel permet, en outre, d'écarter les demandes
en réparation fantaisistes, douteuses, voire
délibérément exagérées. Toutefois,
l'avantage est la réparation intégrale du préjudice car le
corps humain fait l'objet d'une protection très particulière,
même si l'on reconnaît que la personne humaine n'a pas un prix
aussi conséquent pouvant faire l'objet d'une appréciation
évaluative. Mais le revers de la médaille est que la
décision de justice, revêtue de l'autorité de la chose
jugée, peut parfois ne pas revêtir une juste et équitable
indemnisation. Et cela s'amplifie, de plus en plus, avec le recours au
système de l'assurance (taux de baremnisation du code CIMA tome I).
B / - Le recours au système de
l'assurance
L'assurance a fini de pénétrer le milieu
médical face au développement sans cesse croissant du contentieux
de la responsabilité. Pour ce faire, il est souvent demandé
réparation sous le couvert de la garantie d'une compagnie
d'assurance ; et les auteurs de dommage (les praticiens, le personnel
médical et paramédical, les établissements de
santé, les instituts et les centres spécialisés en PMA,
les laboratoires, etc.) souscrivent nécessairement à une police
d'assurance. A la base, se trouve un contrat d'assurance par lequel l'assureur
s'oblige à garantir l'assuré contre les réclamations
pécuniaires des tiers. L'assureur est donc débiteur de la
réparation, même si l'assuré ne verse passe
régulièrement ses cotisations, en l'absence de toute
dénonciation du contrat d'assurance. L'assureur n'est tenu que du fait
dommageable prévu au contrat d'où la nécessité de
mieux rédiger les clauses d'un tel contrat, somme toute,
d'adhésion. L'assureur est tenu de faire une proposition d'indemnisation
à temps déterminé que la victime et son conseil
examineront pour en apprécier la suffisance et la pertinence. En cas de
désaccord sur ce règlement à l'amiable, le juge sera
saisi. Dès lors, celui-ci désignera une expertise médicale
qui appréciera dans son rapport l'intégralité du
préjudice. Il n'existe pas une fixation du taux, celui-ci est fonction
de la délicatesse des traumatismes. Il peut exister donc plusieurs
barèmes et il semble qu'une baremnisation unique n'est pas encore
reçue.
L'étude de l'encadrement normatif de la PMA nous a
permis de relever et de tirer beaucoup d'enseignements qu'il nous revient,
à présent, de considérer.
TITRE II - LES ENSEIGNEMENTS DECOULANT
DE LA REGULATION NORMATIVE DE LA PMA
Nous nous sommes interrogés, de prime abord, sur la
dimension qu'il faut donner au dispositif juridique ainsi institué
(Chapitre I) et, ensuite, sur la portée réelle du système
normatif en vigueur (Chapitre II).
CHAPITRE I - LA DIMENSION DU DISPOSITIF
JURIDIQUE INSTITUE
Elle vise à maintenir la voie de la
réaffirmation de l'idéologie sécuritaire (section I) et
à favoriser l'agrégation des objections de conscience
(Section II).
SECTION I - LA REAFFIRMATION DE L'IDEOLOGIE
SECURITAIRE
Les États sont soucieux de leurs
prérogatives ; et la réaffirmation de l'idéologie
sécuritaire explique leur volonté d'exercer pleinement leurs
pouvoirs de souveraineté (Paragraphe 1) en vue de la préservation
de la cohésion du groupe social (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - L'exercice des pouvoirs de
souveraineté
Tout État détient le monopole de la production
des normes, notamment celles relatives à la PMA (A) et il détient
également l'exclusivité de la répression (B).
A/ - Le monopole dans la production des
normes
Tout État s'attribue seul la compétence de
créer des règles de droit. Le pouvoir normatif existe avec
l'existence d'une société, notamment pour régir les
activités qui sont exercées sur un territoire. L'État est
au dessus des contingences et des intérêts de groupes qui peuvent
avoir une tendance à édicter des règles qui
privilégient plus certains que d'autres. C'est l'une des raisons qui ont
poussé un État de droit à faire en sorte que toute les
normes, qui pourraient exister et prendre forme dans des secteurs
d'activité, puissent être conformes, au préalable, à
l'assise textuelle étatique. Toutes les règles juridiques doivent
dériver des règles édictées par l'État de
droit. Il revient ainsi à l'État, garant de
l'intérêt général et de l'ordre public, d'orienter
et de limiter, au besoin, le droit des autres acteurs sociaux. Et c'est
précisément dans cette finalité que les acteurs
médicaux s'obligent à préciser, en leur sein d'abord, un
cadre normatif avant que l'État ne vienne, par la suite, formaliser
cette volonté en faisant de sorte que ce cadre ne s'isole pas de la
politique normative de référence que l'État s'est
librement choisi.
L'État s'est arrogé et doit donc s'arroger le
seul privilège d'élaborer et d'adopter une législation en
matière de PMA, même s'il s'est entouré ou doit s'entourer
d'experts venant d'horizons divers qui l'assistent à percevoir toutes
les incidences et les problèmes que la PMA pourrait susciter.
L'État dispose également de la
prérogative exclusive de commander et de se faire obéir. Il
dispose ainsi de l'exclusivité dans la répression.
B / - L'exclusivité dans la
répression
La PMA est au coeur des polémiques qu'elle inspire.
Elle déclenche les passions les plus incontrôlables mais
également les plus inacceptables. En effet, l'acte même de la PMA,
ses techniques et ses dérivés, notamment la participation du
tiers dans l'intimité du couple, les activités de manipulation
sur les gamètes, le foetus, les embryons surnuméraires et les
tentatives d'utilisation à des fins autres telles la procréation
sollicitée par la femme ménopausée, par la femme
célibataire, par les couples homosexuels, etc. font l'objet autant de
débats que de récriminations pouvant pousser certains esprits
à échafauder des opérations punitives. Le risque est connu
que dans certains pays occidentaux, les manifestations publiques ne suffisent
plus à canaliser l'opposition. On a pu, ainsi, assister à des
actes violents à l'encontre des structures qui pratiquent l'avortement
ou la culture des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés).
C'est pour éviter et pour sanctionner les expéditions punitives
d'autoproclamés justiciers que l'État détient seul
l'exclusivité de la contrainte organisée. Un pouvoir de
coercition qui lui permet de faire exécuter ses décisions et de
les faire prévaloir sur les autres décisions privées. Il a
le pouvoir de demander unilatéralement des prestations ou abstentions et
de contraindre, au besoin, les récalcitrants à s'exécuter
par la force exercée par son système organisé et
perfectionné de sanctions. Ce système judiciaire, assorti de
garanties judiciaires et d'un appareil répressif (les forces de
l'ordre), ne saurait tolérer des forces armées ou milices
concurrentes, des contre-pouvoirs qui mettraient en péril sa
crédibilité, son autorité, voire même son
existence.
La finalité de cette exclusivité consiste
à renforcer la préservation de la cohésion du groupe
social.
Paragraphe 2 - La préservation de la
cohésion du groupe social
Elle passe, nécessairement, par la sauvegarde de
l'ordre public (A). Ce qui est d'un apport inestimable quant à la
justification à donner à l'utilité régalienne de
l'édiction de règles (B).
A / - La sauvegarde de l'ordre public
Les législations en matière de PMA ont entendu
dresser un encadrement social de la pratique en faisant de sorte que les
règles s'agrègent dans une parfaite socialisation des moeurs. La
PMA doit, avant tout, fonder son essor sur l'intérêt de l'enfant
à naître. Dans le cas de la PMA lorsque l'enfant n'existe pas
encore, l'intérêt protecteur de cet enfant mériterait que
l'on détermine le cadre familial indispensable à son
équilibre.
L'État se donne un double rôle lequel constitue
le reflet d'un État de droit moderne. En effet, longtemps
apprécié dans un confinement modélisé
d'État-gendarme, l'État par excellence laissait et laisse
toujours libre cours à la liberté de commerce et d'industrie, il
ne s'occupe que de la périphérie de la conservation des valeurs
culturelles et des bonnes moeurs. Et précisément, les
activités, notamment celles relatives à la PMA, s'exercent
librement dans la stricte limite de ne pas entamer le socle traditionnel des
valeurs familiales séculaires et de l'intimité de la fonction
sexuelle reproductive. Il se donne ainsi un pouvoir de veille de l'ordre
public, de direction et de contrôle économique et moral des
activités et des opérations concernant la PMA. Par là, il
vise, cumulativement et simultanément, l'autre versant de son image
d'État protectionniste.
Ce qui donne toute sa particularité à
l'utilité régalienne de l'édiction des règles qu'il
pose.
B / - L'utilité régalienne de
l'édiction de règles
Le législateur a entendu et devra remplir sa mission en
définissant le modèle concevable d'une bonne et acceptable
procréation médicalement assistée. Ce modèle doit
reposer sur la fondation d'une famille. Cela devient, ainsi, en partie un acte
social du fait de la nécessaire intervention légale et
médicale. Dans ce cas, la création de la famille ne fait plus
partie de la seule sphère privée du couple et ne peut être
laissée au « bon vouloir » des individus. La
société, par le canal de son législateur, doit alors
intervenir pour définir les cas où elle acceptera de donner son
aide. L'édiction de règles doit donc reposer sur
l'intérêt de l'enfant. Ce droit à la vie doit-il aussi
permettre d'exprimer le désir de l'enfant de naître ou de ne pas
naître ? Peut-on invoquer les droits de l'homme pour
« obtenir » un enfant ? Le droit au respect de la vie
privée, tant au plan national qu'au plan international, ne peut
justifier un « droit à l'enfant ». Le droit au respect de
la vie privée n'est pas la liberté de tout faire. La
liberté de chacun s'arrête au respect des droits des autres. Le
principe d'individualité doit être combiné avec celui de
sociabilité. Ainsi, l'admission du respect de la vie privée comme
fondement d'un droit à l'enfant irait à l'encontre de la
philosophie du droit, laquelle permet de déterminer le reflet de la
véritable image démocratique ou non et de la politique de
conduite générale d'un État dans le concert des nations.
Aucun État ne peut se permettre de perpétuer à nouveau
l'ère de l'esclavage, de la servitude et de l'exploitation car, à
l'heure actuelle, l'idée reçue de tous est qu'un être
humain ne peut jamais servir de moyen à la satisfaction des droits et
des besoins des autres. Telle est, de façon succincte, l'utilité
régalienne de l'édiction des règles de la PMA qui fait que
le respect de la vie privée ne crée pas un droit absolu de
procréer à tous et pour tous. La dimension du dispositif
juridique s'apprécie également par sa souplesse à
consentir à l'agrégation des objections de conscience qui, du
reste, l'ont amené à intervenir dans toutes les activités
relatives à la pratique de la PMA.
SECTION II - L'AGREGATION DES OBJECTIONS
DE CONSCIENCE
Elle se spécifie, alternativement, par l'empreinte de
la bioéthique dans la réglementation (paragraphe 1) et par la
captation de l'éveil sociologique des préoccupations de la
population (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - L'empreinte de la bioéthique
dans la réglementation
Elle s'est faite par la reconnaissance officielle du
rôle précurseur et dynamique des comités d'éthique
(A). Ce qui aura pour incidence favorable la réception implicite de
leurs avis (B).
A / - La reconnaissance officielle de
l'activité des comités d'éthique
La plupart des États développés et en
développement ont favorisé et permis l'éclosion des
comités d'éthique. Au début, le scepticisme
étatique, quant à leurs travaux, les isolait dans l'informel. Cet
état dubitatif sur leur crédibilité allait vite, au fil
des temps, se transformer par une perception plus attentive de leurs
activités qui sont d'un apport considérable tant par la richesse
de leurs analyses que par la qualité pertinente des problèmes
qu'ils ne cessent de soulever sur les pratiques biomédicales et leurs
répercussions morales, sociales, religieuses, éthiques,
philosophiques et juridiques. C'est ainsi que la Human Fertilization and
Embryology Authority dite HFEA 5(*)4 a été
créée par une loi anglaise de 1990, intitulée «Loi
sur la fécondation artificielle et l'embryologie humaine'', et a pris
ses fonctions le 1er août 1991. Cette loi a entendu
créer une structure autonome, dotée d'une indépendance
budgétaire et a prévu des modalités de fonctionnement qui
garantissent l'autonomie de cet organe qui dispose d'un budget de 1,6 millions
de livres Sterling qu'il gère comme il l'entend. Il recrute
également son propre personnel. Les membres de cette autorité
d'éthique britannique sont désignés par le ministre de la
santé et sont au nombre de 21. Ceux-ci déterminent la politique
à conduire que mettent en fonction 30 employés. Il dispose d'une
large compétence dans la délivrance des agréments aux
centres de soins, leur évaluation et le renouvellement des licences.
C'est sur ce modèle britannique que sera mise en oeuvre la future Agence
française sur l'Embryologie Humaine dite APEGH
qui risquerait de concurrencer le comité consultatif national
d'éthique (CCNE). Il faut également
préciser que la loi anglaise est complétée par le code de
déontologie de la HFEA approuvé par le ministre et le parlement.
Sous ce même rapport, le Groupe européen d'éthique a
été institué (GEE) en
remplacement du groupe européen d'éthique des biotechnologies
(GCEB) créé en 1997.
Au Sénégal, le débat reste tendu quant
à la réalité de l'existence et du fonctionnement d'un
groupe de réflexions éthiques que d'aucuns qualifient d'informel
et de statique. Ce que récusent, bien entendu, d'autres qui, toutefois,
concèdent la réalité de textes imprécis et l'on
s'interroge, d'ailleurs, sur le sens de leurs résultats
d'activité. Toutefois, lors des premières journées
bioéthiques pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre organisées
à Dakar (République du Sénégal) du 11 au 13 juillet
2005, le public sénégalais a pu admettre la réalité
de l'existence d'un comité national d'éthique
présidé par Samba Kor Sarr. Ce qui nous
amène, inéluctablement, à considérer le sens
effectif de la réception implicite des avis bioéthiques.
B / - La réception implicite des avis
bioéthiques
Le législateur n'a souvent fait que conférer aux
travaux des comités d'éthique une force légale laquelle
constitue alors la réglementation officielle qu'il se donne. Tel semble
être le cas des lois bioéthiques françaises n°94-653
et n°94-654 du 29 juillet 1994 portant sur la procréation
médicalement assistée. C'est également le cas de la
plupart des observations éthiques aux États-Unis et en Europe. A
cet effet, le Groupe de Travail interministériel sur l'éthique du
Canada s'est penché sur les politiques gouvernementales en
matière d'éthique et considère que les travaux des
comités d'éthique officiels ont des incidences réelles et
certaines dans les choix de politique et de législation mis en place
dans les pays. C'est ainsi que l'influence non contestable des
décisions, rapports et études de la bioéthique fait la
différence entre les pays et permet d'apprécier le degré
de permissivité ou de rigueur dans les approches de la
législation en matière de PMA. C'est donc dire que très
souvent, on assiste à une reprise des avis autrement formulés ou
à l'identique relativement aux législations et / ou aux
décisions de justice.
C'est ce même souci qui a guidé la captation de
l'éveil sociologique de la population.
Paragraphe 2 - La captation de l'éveil
sociologique
L'éveil sociologique est cette prise de conscience
populaire du phénomène de la PMA qui oblige le législateur
à se poser en arbitre de l'irrationnel populaire (A) et à
polariser en lui les mouvements de pression (B).
A / - L'arbitrage de l'irrationnel
populaire
La vox populix ne déroge jamais à ses
pulsions, ses passions et ses sensations. L'instinct réfractaire est
inné dans les masses guidées souvent par un suivisme dont elles
ne connaissent généralement pas la vraie réalité,
le sens ou le pourquoi. Le législateur, pour autant, est tenu de donner
suite aux interpellations de la place publique. C'est ainsi que l'imaginaire
populaire estime que le corps s'identifie à la personne, que le but de
tout « contrat médical » est une finalité
thérapeutique. Il y aurait donc tromperie dans l'intervention
médicale et l'expérimentation non thérapeutique sur
l'homme car les recherches biomédicales et les déviances
constatées dans la pratique de la PMA attestent qu'il n'y a parfois
aucune finalité palliative (les mères porteuses, les couples
homosexuels, les atteintes à l'intégrité de la
dignité des embryons surnuméraires, etc.). Il s'agirait, pour
elle, d'une réification du corps humain dans l'intérêt
d'autrui, une location de son corps ou des produits du corps. Ce qui serait la
voie vers de nouvelles formes déguisées de la débauche, de
la prostitution et de l'encouragement tacite de l'adultère. En plus de
l'inacceptable travail de discrédit opéré sur les
fondements de la famille traditionnelle qui ne saurait justifier ce droit
à l'enfant par le moyen de la PMA. Tout le débat porte sur
l'existence même de la disponibilité de son propre corps au regard
des valeurs morales, sociales et religieuses de la nation. La PMA constituerait
une auto-dégradation de l'homme dont on ne perçoit pas, à
long terme, les risques sur son humanité du fait de la non prise en
compte de précautions. C'est fort de cette crainte vers l'inconnu
d'où veut le plonger la science que l'imaginaire populaire
développe ses attentes qui ne sont pas tombées dans l'oreille
discrète d'un législateur désintéressé.
Celui-ci tient également compte des préoccupations de toutes les
couches sociales avant d'établir une réglementation relative
à la PMA en recourant aux moyens des sondages d'opinion pour
évaluer les positions et les impacts, par l'organisation de grands
débats et forums en vue de polariser tous les mouvements de pression.
B / - La polarisation des mouvements de pression
Nous avons déjà évoqué l'attitude
de certains groupes privés à l'image des actes violents
perpétués contre la pratique de l'avortement et des OGM, tout
comme nous avons posé le débat de la contribution officieuse ou
officielle des comités d'éthique et de la société,
comme ci-dessus pour l'irrationnel populaire qui, tous, entrent en droite ligne
d'une forme de pression manifestée à l'encontre des pouvoirs
publics pour les inviter à aller dans le sens voulu par eux.
Ici, également, l'accent est mis sur les associations,
les lobbies, les communautés religieuses ou autres qui détiennent
une parcelle prépondérante de mobilisations d'énergie et
de paralysie de la vie sociétale. Mais le revers pour le
législateur est qu'il est pris entre deux groupes
d'intérêts dont il se doit de concilier les desiderata au moment
de l'élaboration et de l'adoption des textes majeurs, notamment ceux
portant sur la PMA qui occupe toute notre attention. De tels groupes de
pression sont si puissants qu'ils peuvent défaire un régime, si
ce n'est de marquer leur empreinte dans la plupart des différents textes
nationaux ou internationaux. On peut citer, pour exemples, les principes
relatifs à l'expérimentation sur l'être humain,
exposés dans le code de Nuremberg de 1947, la Déclaration de
Helsinki de 1964, la Déclaration de Manille de 1981, la Convention
d'Oviedo de 1997 ou la Déclaration de l'Unesco sur les données
génétiques internationales du 16 octobre 2003.
Les législateurs qui ont entendu porter et
reconnaître la PMA, ont ainsi donné un cadre juridique à
cette pratique.
A présent, l'interrogation légitime qui
intéresse, en définitive, la démarche intellectuelle pour
tout juriste est de faire la portée de ce système normatif en
vigueur laquelle, au demeurant, constitue l'ultime étape de notre
étude.
CHAPITRE II - LA PORTEE DU SYSTEME NORMATIF
EN VIGUEUR
Il est étonnant de relever un parallélisme dans
le positionnement des subtilités au niveau des pays qui ont eu à
légiférer sur la PMA (section I), avant que nous ne nous risquons
à faire une esquisse pour de nouveaux référentiels
à la réglementation (Section II).
SECTION I - LE PARALLELISME DANS LE POSITIONNEMENT
DES SUBTILITES
Le constat conséquent que l'on peut observer est
relatif à la disparité dans les encadrements juridiques
(paragraphe 1) et la valse des solutions jurisprudentielles (paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La disparité dans les
encadrements juridiques
Les législateurs ont une perception différente
de la PMA manifestée par des formulations hétéroclites (A)
et la rédaction de leurs textes ne s'est pas faite sans imperfections
(B).
A / - Les formulations hétéroclites des
législateurs
Nous apprécions, successivement, la
particularité en Occident (1) et la cristallisation des pays en
développement (2) sur cette question.
1°/ La particularité en Occident
Elle nous conduira à considérer, tout d'abord,
la situation en Europe (a) et à voir, ensuite, la
spécificité aux États-Unis (b).
a / La situation en Europe
Certains pays européens ont adopté des lois en
matière de PMA. Nous en analyserons, de façon succincte,
certaines d'entre elles qui sont variées, voire opposées sur bien
des points.
L'Allemagne avec la loi du 13 décembre
1990 assure la protection de la vie embryonnaire. Cette loi est de nature
pénale par rapport à la protection civile assurée par
d'autres pays. La loi donne une prééminence au respect de la vie
humaine et l'embryon est réputé digne dès sa
fécondation. Par suite, elle interdit toutes les recherches sur
l'embryon et cherche à trancher à sa racine le problème
des embryons surnuméraires en rendant obligatoire le transfert à
l'utérus maternel les embryons obtenus. C'est donc une manière
d'interdire la création des banques d'embryons humains. Elle interdit
également la maternité de substitution, les manipulations du
patrimoine génétique des gamètes, le clonage,
l'eugénisme (choix du sexe), les chimères et les hybrides, le don
d'embryons, ainsi que le don d'ovocytes. Toutefois, cette loi accuse des
lacunes sur la protection de l'embryon. L'insémination artificielle et
la FIV que la loi n'évoque pas sont considérées comme
licites qu'elles soient ou non réalisées grâce à un
tiers donneur. Ce qui n'est pas interdit reste possible. La réforme du
droit de la famille permet à l'enfant de contester la paternité
du mari ou du compagnon de sa mère, d'autant que depuis 1989 il lui est
loisible de connaître ses origines biologiques et d'avoir accès
aux informations sur les donneurs. Si l'insémination artificielle post
mortem est interdite, on ne comprend pas la prescription discriminatoire de
genre qui autorise le don de sperme mais interdit le don d'ovules.
- L'Autriche a pris une loi relative à
« la médecine de la reproduction », entrée en
vigueur le 1er juillet 1992. Cette loi combine à la fois des
normes civiles et des normes pénales. Elle constitue une solution de
compromis opposant la position restrictive allemande et la position permissive
du monde anglo-saxon. Mais elle semble plus proche de la loi allemande de
protection de la vie embryonnaire et de l'intérêt de l'enfant en
sanctionnant les recherches sur l'embryon, la maternité de substitution,
la participation hétérologue (art. 3 al 1er et art.
1er al. 2,1), le don d'embryons à un autre couple (art. 17 al
2). Des insuffisances sont, cependant, notées. La loi n'emploie pas le
terme d' « embryon » pour indiquer l'ovule
fécondé. Elle fait référence à l'expression
« cellules susceptibles de développement ». Or, il
n'y a que l'embryon qui puisse se développer jusqu'au terme de la
naissance d'un enfant et plus tard de la maturité d'un adulte. Par
ailleurs, seul le don de sperme est accepté. En revanche, le don
d'ovules est interdit (art. 3 al.3) pour éviter, maladroitement, le
dédoublement de la maternité (comme si cela n'est pas possible
pour la paternité). L'identité du donneur est régie par la
règle de la confidentialité. Mais l'enfant, arrivé
à l'âge de 14 ans, a le droit de connaître ses origines
paternelles (art. 20 al.2). La loi s'oppose à la gestation pour autrui
(art.137 b) mais consent à l'insémination
hétérologue (art. 3 al.3).
- Dans les pays scandinaves, la Suède a
pris deux lois relatives à l'insémination artificielle (n°
1140 du 20 décembre 1984) et à la FIV (n° 711 du 14 juin
1988). L'IAD n'est acceptée que pour la femme mariée ou en
concubinage, la FIV hétérologue est interdite. L'enfant peut se
voir communiquer les données de son origine. Quant à la
Norvège, elle a adopté la loi n° 68 du 12 juin
1987, analogue à celle suédoise. Le don d'ovules est interdit.
- La Suisse a adopté un nouvel article
24 novies concernant les biotechnologies dans la constitution
fédérale qui fixe les limites de la PMA. Une loi a
été adoptée, en ce sens, en décembre 1998. Le
recours à la PMA est strictement contrôlé5(*)5. L'enfant, devenu majeur,
peut demander à l'office fédéral de l'état civil
l'identité du donneur5(*)6.
- L'Italie ne dispose pas de
législation spécifique et compte tenu de l'impossibilité
de considérer comme illicites les techniques de la PMA, le code civil
fournit les règles applicables. Par suite, le principe d'anonymat des
donneurs et l'accès aux informations ne sont pas du tout
organisés5(*)7.
- L'Espagne. La loi n° 35 du 21 novembre
1988 s'efforce de préserver l'identité du donneur. Les enfants
ont le droit d'obtenir des informations générales sur les
donneurs mais non leur identité. Ce principe souffre de deux
exceptions : d'une part lorsque la vie de l'enfant est en danger et que la
levée de l'identité pourrait le sauver, et, d'autre part lorsque
la procédure pénale l'exige. Mais en réalité, la
loi espagnole ne garantit pas le respect de la vie humaine mais le
laisser-faire scientifique en posant le concept de
« pré-embryon » susceptible de toutes les recherches
même celles non thérapeutiques et rend licite le don d'embryons
pour la recherche.
- Le Royaume -Uni. Le régime juridique
de la PMA résulte d'une loi n°37 du 1er novembre 1990
entrée en vigueur le 1er août 1991. C'est la seule
législation européenne qui n'interdit pas la procréation
pour autrui à titre bénévole. La loi autorise toute
personne âgée de 18 ans à s'enquérir auprès
de la HFEA de la probabilité de sa conception artificielle. Toutefois,
la loi interdit la révélation de l'identité des donneurs,
à moins que l'enfant ne souffre d'un handicap congénital
résultant du refus du donneur de le signaler. Les recherches sur
l'embryon constituent le fondement de la législation : la
production délibérée d'embryons (annexe 2, art. 3,1) et
l'extraction des embryons de l'utérus par lavage utérin et leur
utilisation sont autorisées (annexe 3, art. 7). De même,
l'insémination post mortem n'est pas interdite et il n'y a pas
d'obstacles pour une femme, seule, de bénéficier de la PMA. Ce
qui est un risque avec la volonté affichée des femmes
ménopausées ou des lesbiennes de recourir à cette
technique de la science médicale au nom de l'égalité des
droits entre les citoyens. C'est la raison pour laquelle le donneur exerce un
véritable droit de contrôle sur la destination finale à
accorder à ses gamètes (annexe 3, art. 5 al.1).
La plupart des autres pays ( le Danemark, la France, la
Finlande, etc.) ont également adopté des législations.
Mais notre choix est guidé par un souci d'apprécier d'autres
horizons. Entamons à présent la spécificité des
États-Unis.
b / La spécificité des
États-Unis
Nous avons déjà parlé du débat
électoral qui a opposé les candidats Georges Bush et John Kerry
sur le financement à apporter ou non à la recherche sur les
cellules souches embryonnaires. Tout ceci pour dire qu'aux États-Unis,
les recherches sur les embryons humains ont connu une avancée
très rapide et « la législation n'interdit pas la
manipulation d'embryons »5(*)8. La législation est très permissive,
à l'image du Royaume-Uni et de la plupart des pays du monde anglo-saxon.
Le texte de base américain semble être l'Uniform Status of
Children of Assisted Conception Act5(*)9. D'un autre
côté, « le recours à la mère porteuse peut
être prohibé dans un État, mais autorisé dans un
autre (...) »6(*)0. Ce qui n'est pas pour garantir la fiabilité
d'une législation uniforme. L'hétérocléité
des textes fait l'objet d'une cristallisation dans les pays en
développement.
2°/ La cristallisation dans les pays en
développement
Elle se particularise par une absence ou une insuffisance d'un
cadre légal (a). Comme c'est le cas du Sénégal (b).
a / L'absence ou l'insuffisance d'un cadre
légal
Les pays en voie de développement d'Asie,
d'Amérique et d'Afrique ne disposent pas, pour leur grande
majorité, d'une législation en matière de PMA et le peu de
pays qui, par extraordinaire, en posséderaient accusent de nombreuses
lacunes, si ce n'est une inadaptabilité des textes avec
l'évolution des moeurs, du droit et des progrès
biomédicaux. C'est pourquoi il est plus préférable de
parler de la rareté des textes car ces pays ont d'autres urgences
à résoudre que de mettre leurs maigres ressources dans des
pratiques que les populations, fortement conservatrices, auront du mal à
accepter. Mais nous ne ferons pas un injuste procès de croire que parmi
tous ces pays, certains ne se sont pas donnés les moyens pour
être, plus ou moins, à un niveau acceptable de celui des nations
occidentales. Quid du cas du Sénégal.
b / Le cas du Sénégal
Au Sénégal, en l'absence de législation
alors que la pratique de la PMA existe bel et bien même si elle est
limitée qu'aux couples hétérosexuels mariés tenus
à une procréation artificielle homologue, est-il possible dans
notre entendement de faire une interprétation par analogie avec
l'Italie6(*)1 qui, elle
également n'a pas posé de texte mais qui se réfère
aux règles civiles ? On peut le penser et l'affirmer. Ne dit-on pas
que même en l'absence de texte, le juge sénégalais est tenu
de se prononcer sous peine d'être coupable du déni de
justice ? A plus forte raison l'arsenal juridique du droit en vigueur
sénégalais peut constituer une solution de rechange en attendant
que le politique soit plus téméraire pour officialiser le
débat de la PMA qui fait, timidement, partie de nos états
d'âmes et de nos nouvelles moeurs de citoyens du monde. Sous un autre
rapport, la rédaction des textes a mis à nu pas mal
d'imperfections.
B / - Les imperfections des textes
Nous verrons respectivement le phénomène de
l'opacité des textes (1) et la relativité des contributions
internationales (2).
1°/ L'opacité des textes
Nous avons relevé lors de l'analyse des formulations
hétéroclites quelques travers dans certains pays occidentaux.
Nous poursuivons cette lancée en mettant l'accent, exclusivement, sur le
cas de la France. C'est ainsi que le droit français accepte de parler
d'une médecine dont la caractéristique est sa mouvance
évolutive. Ce qui doit l'obliger à se réformer sans cesse.
Or, bien des problèmes de la PMA restent non résolus, des lacunes
de nature à encourager des discriminations et des fraudes. En effet, le
législateur français a entendu jouer sur deux registres :
les règles du droit commun et, les règles du droit spécial
issu des articles 311-19 et 311-20 c.civ. L'art. 311-19 c.civ. interdit
l'établissement d'un lien de filiation entre le donneur et l'enfant et
toute action en responsabilité l'encontre du premier. L'esprit de cette
disposition est de garantir l'impunité, du reste inadmissible, de
l'anonymat du donneur, même au détriment des conséquences
génétiques de maladies qui menacent la santé de l'enfant,
c'est-à-dire une possibilité de transmettre une tare grave sans
que l'identité du donneur soit révélée. Une sorte
d'immunité inacceptable6(*)2.
L'art 311-20 c.civ. al. 4 ouvre droit à la mère
et à l'enfant une action en responsabilité contre celui qui,
après avoir consenti à la PMA, ne reconnaît pas l'enfant
ainsi conçu. Le texte laisse transparaître un relent
discriminatoire. En effet, la règle « (...) ne vise pas la
responsabilité de la mère qui, le cas échéant, ne
reconnaîtrait pas l'enfant, ni ne le traiterait comme sien. Le
législateur a pensé, semble-t-il, qu'une telle situation ne se
rencontrerait pas en pratique. Pour autant, l'hypothèse envisagée
n'est pas irréaliste »6(*)3. D'autant, par analogie, l'action en recherche de
maternité naturelle ne sera même pas recevable si la mère,
encore qu'ayant voulu la PMA, a exercé son droit à l'accouchement
sous anonymat avec toutes les conséquences permissives qui s'attachent
à cette pratique. Très souvent les femmes veulent désister
en cas de survenance d'handicap physique ou congénital de l'enfant
à venir. On ne voit guère donc comment pourrait prospérer
une action en réclamation d'état en vue d'établir la
maternité légitime et par contrecoup, par présomption, la
paternité légitime. Il y a, par là aussi, une rupture de
l'égalité de traitement dans l'engagement de la
responsabilité de l'homme (mari ou concubin) et de la femme. D'un autre
côté, l'art. 311-20 en son alinéa 2 autorise la
contestation ou la réclamation d'état si l'on parvient à
démontrer que le consentement donné à la PMA a
été privé d'effet ou que l'enfant n'est pas issu de la
PMA. C'est une porte ouverte aux couples en voie de dislocation de leur vie
commune. Par ailleurs, la loi n'a pas non plus tranché le
récurrent débat sur l'humanité des gamètes ou de
l'embryon. Ce qui va avoir une incidence certaine sur la disponibilité
ou non du corps humain.
Or, le phénomène de la manipulation est bien une
réalité6(*)4. La vie humaine à l'état embryonnaire
souffre des déficits des textes légaux tendant à la
protéger. La pratique même de la maternité pour autrui n'a
pas été interdite. En effet, l'art. 227-12 CP et l'art. 16-7
nouveau c.civ.fr ne condamnent que les intermédiaires tandis que les
médecins intervenants sont mis à l'abri de toute
poursuite6(*)5. Ce qui
leur permet d'être complices impunis de fraude à la PMA par le
biais de la gestation pour autrui6(*)6. La matière pénale oblige même
à s'interroger sur l'expression d'un « droit pénal de
la bioéthique ou des sciences biologiques ou
biomédicales » et sur l'applicabilité d'un tel arsenal
répressif du fait du degré effarant des imperfections techniques
des textes incriminateurs6(*)7 par les abus de renvoi et les excès
d'indéfinitions manifestes.
Ainsi, les textes sur la PMA présentent une absence de
soin et de clarté dans la ligne rédactionnelle, une difficile
lisibilité et compréhension des intentions
ésotériques du législateur français en raison de
leur large part divinatoire ( une foultitude d'interprétations
possibles).
Cette opacité des textes français,
également valable pour la plupart des législations de plusieurs
pays, est renforcée par la relativité des contributions
internationales.
2°/ La relativité des contributions
internationales
La Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant
(CIDE), adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU
le 20 novembre 1989, vise à assurer la protection de l'enfant. Suivant
l'art. 7 CIDE, les États doivent garantir à l'enfant
« (...) dans la mesure du possible, le droit de connaître ses
parents et être élevé par eux ». Peu
d'États font cas de cette disposition lorsqu'il s'agit pour l'enfant de
connaître ses origines génétiques en matière de PMA.
Le principe du secret des origines est enraciné dans la plupart des
législations, même s'il est fortement contesté aujourd'hui.
C'est ainsi que l'Allemagne et la Suisse, sur la question de la PMA, ont
constitutionnalisé le droit à connaître ses origines
biologiques. Toutefois, seules les lois anglaise, espagnole et suisse ont
résolu explicitement un tel problème6(*)8. Pour la majorité, le
secret des origines est toujours maintenu à l'égard des tiers,
voire même de l'enfant. On peut ainsi estimer qu'au Sénégal
aucun parent (ou entourage, encore qu'il fut au courant) ne s'aviserait
d'informer son enfant sur son origine artificielle. C'est dire le peu d'attache
que les États font des textes internationaux qu'ils ratifient, pourtant,
à tour de bras à l'envi pour se donner une bonne
réputation dans le concert des nations. C'est sur cette même note
que l'on peut douter de la force juridique de la Convention d'Oviedo de
19976(*)9 portant sur les
Droits de l'Homme et la Biomédecine (ainsi que son protocole additionnel
de Paris sur le clonage), de la force obligatoire de la recommandation n°
1100 de 1989 du Conseil de l'Europe sur l'utilisation des embryons et foetus
humains dans la recherche7(*)0, des Déclarations de L'UNESCO relatives,
d'une part, au génome humain et les Droits de l'homme du 11 novembre
19977(*)1 et d'autre part,
aux données génétiques humaines du 16 octobre 2003 par
adoptés les États signataires d'autant que l'on a pu assister au
cours de l'été 2000, à la relance de l'actualité
sur le clonage humain en Grande-Bretagne avec l'autorisation du gouvernement de
Tony Blair7(*)2. C'est
dire que la formule du « dans la mesure du possible » de
l'art. 7 CIDE est un aveu d'impuissance de cette disposition devant la conduite
souveraine et indépendante des États de leur destinée. Les
textes internationaux passent, également et
délibérément, sous silence des situations
hésitantes difficiles à trancher telles « les
inséminations post mortem ou lorsque le mari est à l'article de
la mort, le devenir des embryons sans projet parental, le problème des
couples qui ne sont pas stériles ou le désir de la
procréation « ·sans
père· »7(*)3. La disparité dans les encadrements
juridiques aura, inévitablement, pour corollaire la valse des solutions
jurisprudentielles.
Paragraphe 2 - La valse des solutions
jurisprudentielles
Elle tourne autour de la contrariété visible des
interprétations (A) laquelle entraîne un désarroi
perceptible chez les juges qui auront du mal à rendre des
décisions justes et équitables (B).
A / - La contrariété dans les
interprétations
Les cours et tribunaux ont, dans un premier temps,
prononcé des condamnations de principe face à l'utilisation de la
PMA, notamment le caractère illégitime de l'IAC a
été relevé par le tribunal de Bordeaux en 1880 dans
l'affaire Lejâtre citée par un auteur7(*)4. Un arrêt de la cour
d'appel de Lyon du 28 mai 1956 qualifie la pratique au sein d'un couple de
procédé humiliant, artificiel et condamnable7(*)5. Avec l'évolution des
moeurs et de la réforme législative qui a donné existence
aux lois bioéthiques sur la PMA, le juge français, sans
sourciller, par une alchimie de juridisme, s'est complu à
reconnaître la PMA aujourd'hui et ne semble plus la vouer à
l'interdiction et à l'illégalité. Alors que,
paradoxalement, il sait pertinemment que les principes fondamentaux sur
l'intangibilité et l'indisponibilité du corps humain sont
toujours actuels. Le juge accepte donc le « charcutage »
juridique du corps humain en cellules, produits et éléments du
corps humain, écorchant vif au passage la théorie personnaliste
et civiliste de Rau et d'Aubry pour qui le
corps constitue la personne humaine même, sa personnalité. Il
garde également le silence sur le statut de l'embryon et les
manipulations dont il peut faire l'objet en matière de PMA alors qu'il
lui reconnaît une humanité et une capacité
d'acquérir des droits7(*)6. On ne comprend donc pas son silence à propos
des dons de gamètes et des banques concernant ceux-ci. On peut
également relever cette contrariante discrimination (toujours au profil
des femmes !) : Un enseignement homosexuel de 47 ans,
Philippe Fretté, a revendiqué devant la cour
européenne de Strasbourg le droit à l'adoption qui lui est
refusé par la France en raison de « la présomption
irréfragable de la jurisprudence française, selon laquelle
aucune personne lesbienne ou gay ne présente les garanties suffisantes
pour accueillir un enfant (...) »7(*)7. Sur la base de cet existentiel, le Conseil de Paris
oppose un refus au sieur Fretté qui saisit le tribunal administratif de
Paris, en invoquant que l'adoption est ouverte depuis 1966 aux personnes
célibataires de plus de 28 ans sans que le code civil ne précise
si elles doivent vivre seules ou être hétérosexuelles. Le
tribunal annule la décision. Mais l'arrêt du Conseil d'État
du 9 octobre 1996 confirme le refus d'agrément du Conseil de Paris. Le
sieur Fretté estime que cette haute juridiction viole la Convention
Européenne des Droits de l'Homme relative, notamment au respect de sa
vie privée et familiale. La cour européenne, saisie en dernier
ressort, cautionne l'État français dans sa volonté de
sélectionner les catégories de parents au regard de son
modèle parental. Cette décision a divisé la cour
européenne. Les magistrats français, tchèque, lituanien et
albanais ont applaudi alors que les magistrats britannique, belge et autrichien
s'en sont offusqués. Paradoxalement, le 27 juin 2001 la justice
française a donné naissance à la première famille
homosexuelle (Tribunal de Grande Instance de Paris) permettant à une
femme homosexuelle d'adopter les trois enfants mineurs de sa compagne
conçus par IAD (avec l'aide d'un donneur anonyme) et
élevés par ces deux femmes dont l'une est leur mère de
naissance et l'autre leur mère « sociale »7(*)8. Une cacophonie qui en dit
long sur les divergences des juges d'autant plus que la gestation pour autrui a
toujours été rejetée depuis 19847(*)9. Cette absence d'une ligne
jurisprudentielle cohérente déroute les juges et rend audacieux
le comportement de certaines personnes. Ce qui accentue davantage le
désarroi chez les juges.
B / - Le désarroi des juges
Ce désarroi, accentué par le degré de
libéralisation des moeurs et de la culture dans chaque pays, aura une
incidence sur le fonctionnement objectif de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme de Strasbourg. Ainsi, le juge anglo-saxon est plus permissif,
notamment aux États-Unis où une personne vivant seule contesta la
décision(et eut gain de cause) que l'accès à une banque de
sperme soit réservé exclusivement qu'aux seuls couples
mariés8(*)0. La
législation et la jurisprudence y sont plus tolérantes, voire
très libérales avec de fréquentes remises en cause de
situations réputées acquises, d'où la bonne
renommée des avocats anglo-saxons capables du pire comme du meilleur.
L'affaire Blood qui a défrayé la chronique en
Angleterre à propos de l'insémination artificielle post mortem
permettant à une femme de réaliser son voeu8(*)1 montre le fossé qui
sépare certains pays anglo-saxons d'autres pays latino-germaniques comme
la France. En effet, la France refuse à la Dame
Pirès cette même technique au décès
accidentel de son mari alors que la femme était en pleine tentative de
FIV (après sept tentatives infructueuses et deux fausses couches) et
qu'il restait deux embryons congelés à l'hôpital pour
lesquels la justice s'était empressée d'exiger la
destruction8(*)2. Alors
que dans le passé, en 1984, le Tribunal de Grande Instance de
Créteil avait ordonné la restitution de paillettes de sperme
à une veuve en vue de son insémination. La justice est
demeurée même insensible devant le cas extrême d'un couple
dont le mari était atteint du Sida. Elle a donc rejeté la demande
de la veuve (TGI Toulouse, 26 mars 1991. JCP 1992, II, 2107)8(*)3. Alors que le
comité consultatif d'éthique français, dans ses avis
n° 56 du 10 février 1998 et n°69 du 8 novembre 2001, a
largement contribué au débat pour remédier à ces
demandes croissantes et pressantes des couples au sein desquels l'homme est
séropositif et la femme séronégative (le contraire
étant possible). Le CCNE s'est même prononcé en 1993 en
faveur du transfert d'embryons post mortem dans son avis du 17 décembre
1993 sur le transfert d'embryons après le décès du
conjoint. Par ailleurs, le juge français est déconcertant dans sa
manière de désavouer comme nulle la convention de gestation
d'autrui. En effet, le TGI d'Aix-en-Provence en 1984 a prononcé
l'adoption simple d'un enfant né d'une mère de substitution. En
l'espèce, la mère de substitution était la soeur de la
femme stérile ; une démarche similaire à l'affaire
« Baby Melissa » du 3 février 1988
aux États-Unis8(*)4. Le juge français va également,
à son tour, se heurter à des fraudes bien pointues comme
l'insémination artificielle d'une femme homosexuelle
réalisée par sa compagne médecin, à l'aide d'un don
de sperme effectué sur un homme vivant lui-même en concubinage
homosexuel (cass. 1ère, 9 mars 1994, D. 1995, somm. com.
117 ; D. 1995, J. 197)8(*)5. Enfin, on peut citer la possibilité de
désaveu de la part d'un mari ayant consenti à
l'insémination par un arrêt de la cour fédérale
allemande en 1983 (BGH, 7 avril 1983, NJW 1983, 2073).
La conséquence de cette discordance est la
fragilisation de la jurisprudence aggravée par la dynamique
évolutive des moeurs, des opinions au sein de la société
et des progrès biomédicaux.
Devant les imperfections des textes et les difficultés
d'interprétation, nous allons nous risquer à esquisser des
propositions pour de nouveaux référentiels à la
réglementation de la PMA.
SECTION II - UNE ESQUISSE POUR DE NOUVEAUX
REFERENTIELS A LA REGLEMENTATION
Nous mettrons, tout d'abord, en exergue les ambitions de la
réforme juridique de la PMA (Paragraphe 1) avant que, ensuite, nous ne
déclinons les grands chantiers juridiques à entreprendre
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Les ambitions de la réforme
juridique de la PMA
Elles devront être axées sur une
recrédibilisation des législations existantes (A) mais aussi sur
le sens du partage coopératif par l'instauration d'un partenariat
fécond entre le Nord et le Sud (B).
A / - La recrédibilisation des
législations existantes
Elle passe, nécessairement, par la
réappréciation des attentes (1) et par la refonte ou la
réadaptation des textes en fonction des indicateurs sociaux (2).
1°/ La réappréciation des
attentes
Devant les dangers d'une appropriation de la vie humaine par
la science et par des sollicitations de personnes réputées hors
normes, il revient au droit de réaffirmer la dimension de la vie
humaine. Il n'est pas exact - et même très périlleux - de
penser que la protection de la vie humaine est une question subjective relevant
de la seule conscience individuelle. Si cela était le cas, quel serait
alors le rôle du droit dans la société ? Car, si le
principe selon lequel il faut protéger la vie et la dignité des
hommes était purement subjectif, il faudrait alors supprimer toute
règle juridique, du fait que le droit tout entier s'inspire de ce
principe. En agissant, le législateur ne fait que ce qu'il est
habitué à faire : prendre en considération les faits
qui risquent d'être dommageables à l'intégrité
humaine soit par leur prévention, soit par leur sanction. La PMA touche
nos valeurs les plus sensibles, celles de la vie et de l'amour. L'essor de la
biomédecine a, certes, remis en question des notions juridiques qui
paraissaient intouchables, celles de notre identité comme individu et
comme espèce mais il épouse les contours d'une vision
progressiste dont l'espoir doit être de concilier développement,
éthique et régulation juridique. Cet essor doit briser
l'isolement des sciences, permettre à chacun de se réapproprier
les développements scientifiques, les intégrer et en juger
l'intérêt en se référant à sa propre
échelle des valeurs. A cette fin, l'information se doit d'être
essentielle. Les lieux d'étude (les écoles, les
universités) doivent être un cadre fécond à
l'apprentissage du phénomène de la PMA car ils permettront le
contrôle démocratique à la base sociale pour tous les choix
de demain. Il faut donc s'assurer que soit mené à bien
l'information de la population par des relais que constituent les lieux
d'étude et portant sur les questions de société
engendrées par le développement biomédical. Ceci pourra
contribuer largement à rendre efficace les méthodes de la PMA qui
sont à encourager si, toutefois, la pratique et ses techniques demeurent
contrôlées et limitées. Peut-on suggérer que les
chercheurs aient recours à des éléments immatures du corps
humain prélevés sur des personnes
décédées ? De sorte à faire prévaloir
(l'est-il vraiment par ce moyen ?) « l'intérêt
de l'enfant, de contrôler la liberté de conscience des couples
stériles, de veiller au respect de la personne en s'appuyant sur les
droits de l'homme, les textes nationaux et connexes en matière
d'expérimentation humaine. Ce qui appelle à une refonte ou
à une réadaptation permanentes des
législations »8(*)6.
2 °/ La refonte ou la réadaptation des
textes de la PMA
On peut s'interroger sur la refonte totale ou la
réadaptation contextuelle des textes relatifs à la PMA. L'option
importe peu, seul le contenu occupe les esprits. Mais il faut relever que
l'hypothèse d'une flexibilité sans cesse mouvante d'une refonte
n'est pas pour conforter la sécurité juridique des
activités. Le législateur peut et doit protéger l'embryon
humain. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle fiction juridique, mais
d'établir une présomption de personnalité en faveur de
l'embryon. La présomption est un procédé qui permet de
surmonter un obstacle lorsque la réalité est douteuse ou
incertaine. Les vieux principes juridiques « in dubio
reo » ou encore « in dubio pro
debitore » expriment fort bien cette idée selon laquelle
le doute a toujours profité à l'accusé ou au
débiteur, surtout dans le cas où sa vie ou ses biens seraient en
jeu. De la même manière dans le cas de l'embryon, ce même
critère présomptif conduit à rappeler un principe
juridique de base : « in dubio pro vita »,
c'est-à-dire que devant le doute, le droit doit protéger
l'embryon (une vie) comme une personne dès qu'il commence à
exister, dès sa conception (ovule fécondé). L'enfant
conçu n'est accusé que d'exister. Ne doit-on pas, au moins, faute
d'accord sur une commune pensée, adopter une règle protectrice de
l'embryon ? Car avant tout il ne s'agit pas tant de définir avec
certitude si l'embryon est déjà une personne humaine que de
savoir ce que l'on peut faire de lui. Sa protection ne dépend pas de sa
qualification comme individu mais le degré de valeur juridique que l'on
doit accorder à un type de vie qui possède déjà une
potentialité humaine complète. Le législateur commet alors
une grave erreur lorsqu'il s'abstient de protéger l'embryon sous
prétexte que son statut s'avère de définition impossible
ou que cela relève des croyances de chacun. Il se trompe alors
doublement. Par suite, beaucoup de juridictions et de comités
d'éthique ne lui garantissent pas une véritable
personnalité du moment que l'on admet sa possible destruction. L'embryon
ne serait alors qu'une « chose protégée »
disposant d'une personnalité juridique incomplète et
conditionnelle. La maxime « infans conceptus pro nato
habetur ... » ne se limiterait qu'à une fiction de
naissance et ne comporterait aucune fiction de personnalité, aucune
fiction d'humanité. Enfin, il n'appartient pas au législateur
d'un pays qui a ratifié la CIDE (art.7) d'institutionnaliser
l'impossibilité pour un enfant, dans le cadre d'une IAD, de
connaître ses parents biologiques et d'être élevé par
eux. Une telle loi romprait l'égalité entre tous les enfants.
Dans le but d'éviter des impairs relevés dans la
plupart des États, l'instauration d'un partenariat Nord-Sud serait
enrichissante pour l'Afrique en général et le
Sénégal en particulier.
B / - L'instauration d'un partenariat
Nord-Sud
Le triptyque des axes d'échanges devra reposer sur un
souci majeur de rendre accessible les méthodes de la PMA aux populations
des pays en développement. Ainsi, les interventions porteront notamment
sur le renfort de
1°/ la coopération pour la
diffusion et la maîtrise de la technologie de la PMA et la construction
des infrastructures en la matière. La formation du personnel
médical et paramédical permettra, à court terme,
d'amoindrir le coût et les intrants tournant autour de toutes les
activités principales, dérivées et connexes de la PMA.
Dans ce même ordre d'idées, l'expérience juridique
permettra d'asseoir les bases textuelles dans nos pays africains.
2°/ Toutefois, si l'opportunité
pour le Sénégal est d'instituer, au plus pressé, une
législation spéciale, il n'en demeure pour autant que le soutien
législatif occidental doit être limité pour laisser la
place à l'exception culturelle sénégalaise afin
d'éviter les travers que l'on a pu constater ailleurs. Ainsi, même
si un futur texte sénégalais doit tenir compte du
référentiel international, le texte doit agréger une
responsabilité sociale participative de la population
sénégalaise. On vise par là une meilleure socialisation du
modèle parental ou du projet de parentalité tout court en le
rendant le plus accessible possible à la population. Si besoin est,
cette accessibilité pourrait se faire par un appui étatique qui
prendrait en compte la tradition sénégalaise et une association
du principe de solidarisation nationale.
3°/ Néanmoins, il y a une
nécessité impérieuse de prendre la mesure du
contrôle à apporter aux transferts des essais et
expérimentations (très souvent bannis en Occident) dans les pays
en développement. On se rappelle, avec frayeur, les abus de
l'expérimentation médicale engendrés par les pratiques
barbares des médecins nazis, de « l'affaire du Jewish
Chronic Disease Hospital dans laquelle des cellules cancéreuses ont
été injectées à des patients afin de
connaître les réactions immunitaires de rejet du transplant. Dans
l'affaire du Tuskegee syphilis study, des médecins n'ont pas
prescrit de pénicilline à des noirs syphilitiques dans le but de
suivre l'évolution à long terme de la maladie »8(*)7. Il faut donc
veiller à l'éthique de l'expérimentation8(*)8. Les ambitions juridiques de
la réforme de la PMA ainsi déterminées, nous pouvons
maintenant franchir la dernière ligne droite de notre étude en
entamant la réflexion sur les grands chantiers juridiques à
entreprendre.
Paragraphe 2 - Les grands chantiers juridiques
à entreprendre
La procréation médicalement assistée
mériterait fort bien la promotion d'un traité afin de mettre un
terme aux disparités entre États (A). Au Sénégal,
l'adoption d'un code de la recherche et des pratiques médicales
nouvelles est vivement souhaitée non seulement pour la PMA mais pour
toutes autres activités, notamment médicales (B).
A / - La promotion d'un traité
C'est en pensant aux conséquences inévitables de
la pratique que la réclamation d'un traité au niveau mondial
trouve toute son actualité et tout son intérêt. On peut
même l'envisager, d'abord, aux niveaux continental, régional et
sous régional afin de mieux réduire à la base les
problèmes relatifs à l'exception culturelle que l'on retrouve sur
l'international. Ainsi, la promotion d'un traité est vivement
recommandée pour la zone ouest-africaine, voire pour tout le continent
africain, à l'image de la convention-cadre de bioéthique du
Conseil de l'Europe8(*)9.
Mais la promotion d'un tel traité doit être un tremplin pour une
convention stricto sensu marquée par le juridique. Il doit s'agir d'un
document ambitieux qui s'attacherait aux grands principes comme l'accès
équitable aux applications de la biologie et de la recherche,
l'importance du consentement des personnes, l'interdiction de faire du corps
humain et de ses parties des sources de profit, la limitation des
possibilités d'intervention sur le génome humain aux seules fins
de prévention et de thérapeutique. Le respect de la vie
privée doit s'accommoder des valeurs culturelles sociétales du
modèle de parentalité unanimement reconnu dans toutes les
civilisations. C'est avoir la suite de ses ambitions à l'instar du
parlement européen qui a adopté le 16 mars 1989 la
« Résolution sur la fécondation in vitro et in
vivo » relative aux procréations
hétérologues9(*)0, d'où la pertinence pour le
Sénégal (et toute l'Afrique à travers leurs institutions)
de s'activer pour l'adoption d'un code de la recherche et des pratiques
médicales nouvelles.
B / - La pertinence de l'adoption d'un code de la
recherche et des
pratiques médicales nouvelles
L'absence d'un cadre juridique uniforme pour la
médecine est la source possible de toutes les dérives et des abus
incommensurables préjudiciables à la santé des
sénégalais souvent mal informés et victimes d'un
paternalisme médical et paramédical dégradant de leur
dignité. Ainsi, les termes de référence en vue de la
pré-élaboration doivent impliquer la participation de tous les
acteurs sociaux : le citoyen doit être vu comme un
partenaire-patient participant librement et non plus comme une personne
assujettie à des manipulations pour réaliser, tout simplement, un
code sur lequel il ne va avoir aucune emprise. Il doit être pris comme un
individu coopérant de façon efficace à
l'amélioration des thérapeutiques médicales. Ce code doit
favoriser l'introduction du droit humanitaire et du droit effectif à la
santé ( le respect des droits des patients) avec toute sa gamme de
régime de responsabilité et de sanctions, du rôle plus
significatif et prépondérant d'un comité d'éthique
doté d'une capacité de censure, de saisine juridictionnelle
(à l'instar du Procureur de la République, le garant de l'ordre
public et des bonnes moeurs) et d'une exigence qui impose des consultations
préalables et obligatoires dudit comité et qu'on ne le limite
plus à des considérations purement consultatives. Cette
obligation de sécurité doit être renforcée par
l'application du principe de précaution pour prévenir les risques
en matière de santé et, plus est, en matière de PMA.
L'objectif est la maîtrise ou le contrôle de la part d'incertitude,
c'est-à-dire que, en cas de risque potentiel pour la santé
issu d'une incertitude scientifique, la précaution postule d'agir sans
attendre que l'existence de ce risque soit confirmée par la preuve
scientifique.
Ce risque est donc celui que l'on qualifie de
« potentiel », c'est-à-dire un risque virtuel qui
n'est pas concrètement un risque, qui n'est pas certain mais qui peut
généralement se produire9(*)1. Pour ce faire, les acteurs (les chercheurs, les
laboratoires, les banques de gamètes, les sujets à des
expérimentations etc.) devront souscrire à une police d'assurance
obligatoire à la PMA9(*)2. Le Sénégal pourrait, sur cette
même lancée, s'appuyer d'une part sur le rapport adressé au
Président de la République français et d'autre part sur
le code de la recherche de ce même pays9(*)3 dont le livre II, notamment le titre II et
particulièrement le chapitre III, porte sur les activités et la
recherche biomédicales.
Le code doit, enfin, être un moyen de prévention
à l'encontre de certains comportements. Nous pensons que
l'avènement de la PMA suscite des interrogations légitimes mais
un judicieux encadrement juridique permet d'en faire un cadre
d'épanouissement pour les véritables couples infertiles ou
stériles entrant toujours dans le modèle parental des valeurs
culturelles que le Sénégal se refusera, en tous temps,
d'aliéner pour ne pas perdre son âme laquelle constitue, en
définitive, son originalité et sa grande force au sein de la
communauté internationale.
CONCLUSION
Il ressort de notre étude, que nous avons
cherché à approfondir et à réfléchir de la
question de l'incidence des modes de PMA sur le droit et les réponses
que celui-ci pourrait apporter. Comme nous avons eu à le souligner dans
l'introduction, l'essentiel de notre démarche visait à
s'interroger du moment à partir duquel l'être humain doit
être protégé par le droit, ainsi que les actes liés
à la procréation artificielle qui comportent une
réification de la personne devant être découragés et
interdits par la loi. A la lumière, la préférence
accordée à telle solution plutôt qu'à une autre
dépend de la conception personnelle que l'on développe à
partir des notions classiques, telles que la définition de la
maternité, de la parenté socio-affective ou encore de
l'intérêt de l'enfant. Les observations relevées semblent
imposer de remettre en cause l'analyse juridique traditionnelle dans ses
développements en matière de status familiae dans le
sens d'une fonction juridique fondée sur le mécanisme de la
rétroactivité sans cesse des actes ou faits que l'on croyait
acquis. Dès lors, l'évolution du droit positif commande de
considérer que la notion de PMA recouvre l'idée d'anticipation.
Ainsi, la PMA est soumise à l'oeuvre du temps. Le droit est
naturellement parvenu, par le truchement intellectuel de la fiction juridique,
à marquer son empreinte sur le temps qu'il a réduit à une
dimension purement contingente. Le législateur peut, à son aise,
faire tourner la science biomédicale au gré du droit en vue de
s'efforcer de tenir compte du fossé qui sépare l'approche
socio-médicale de la PMA de l'héritage juridique de la
société. La science juridique a bouleversé sa tradition
juridique par les mécanismes de la rétroactivité et de
l'anticipation pour justifier ses options de permettre ou d'interdire tel ou
tel acte lié à la PMA. Ce serait un retour à
l'insécurité juridique de l'époque romaine où il
était communément admis que l'enfant à naître ne
pouvait, en aucun cas, être regardé comme un être juridique
dès lors que demeurait incertaine la question de sa nature humaine
pendant la grossesse. Ce qui a conduit, inéluctablement, à
justifier l'affirmation d'un droit à l'enfant et le recours à des
artifices juridiques pour la réification du corps humain aux travers de
ses divers produits (les gamètes, les embryons surnuméraires, le
diagnostic pré-implantatoire...). Par suite, en fait de vide juridique
sénégalais en la matière, il faut relativiser. En
réalité, il est plutôt fait cas de l'absence d'une
législation spécifique.
Toutefois, le droit positif sénégalais contient
un cadre de règles plus adaptées que d'autres relatif aux
bouleversements provoqués par les techniques de la PMA sur le droit. De
ce fait, dans l'urgence, des modifications isolées et précises
s'imposent, sous peine de placer les juridictions sénégalaises
qui seront saisies des premiers litiges en la matière, devant des
situations inextricables sur le plan du droit. Des réformes doivent donc
être entreprises dans le but d'adapter le droit en vigueur aux situations
particulières engendrées par le recours à la PMA.
Certaines règles méritent d'être modifiées
dès lors qu'elles sont appelées à régir le statut
de l'enfant issu d'une technique de PMA. Par ailleurs, il revient au
législateur sénégalais de prendre position dans les grands
débats soulevés par les techniques de PMA, qui imposent de faire
des choix de société. A cet égard, il sied de
privilégier la sécurité juridique car l'important est de
tracer, avant tout, la ligne de ce qui est tolérable et de ce qui ne
l'est pas. Car les options à prendre relèvent d'une politique
législative.
Il faudra encore décider de la licéité
des modes de PMA post mortem et de la gestation pour autrui car l'inexistence
d'une réglementation est une tentation qui peut pousser à la
curiosité scientifique et investir le domaine médical
sénégalais. Tout comme il s'impose de donner un fondement
légal au prélèvement des gamètes, de gérer
le sort à réserver en droit aux embryons surnuméraires. Ce
problème de fond qui est celui de la protection de la vie embryonnaire,
n'a pas encore été résolu à travers le monde. La
racine du problème c'est d'avoir accepté la culture d'embryons
surnuméraires et l'existence d'embryons congelés. Ce qui
amène le droit positif sénégalais à négliger
actuellement d'octroyer son concours en prenant position contre les
périls qui menacent la protection de la vie embryonnaire assujettie
à des manipulations qui restent toujours suractivées.
Jusqu'à ce jour et ce depuis 1989, le
législateur sénégalais a préféré
occulter les difficultés liées à la pratique de la PMA
alors que ses effets à long terme sur l'imaginaire social, en ce qui
concerne la dignité reconnue à l'être humain, sont encore
inconnus.
Quel sera son impact sur la mentalité des
générations futures ?
Ne seront-elles pas amenées à accorder une
valeur moindre à la vie humaine dès l'instant qu'elle sera
produite et non plus procréée ?
L'attitude du législateur est préjudiciable
à la sécurité juridique, en ce sens qu'il laisse aux juges
la tâche délicate de définir les grandes options à
prendre en la matière. Or, ceux-ci n'ont jamais voulu prendre une
réelle indépendance et sortir du « cercle
paternaliste » du législateur sénégalais.
Le législateur sénégalais aurait-il pris
plaisir à l'argument d'aucuns qui estiment que la PMA constitue une
pratique marginale, répondant à un phénomène de
mode passager, de sorte que les incidences qui en résultent, en droit,
sont d'une importance moindre ? D'un autre côté, interdire la
pratique serait une piètre solution car elle est appelée à
jouer, à l'avenir, un rôle de plus en plus important au
Sénégal, dès lors que des indices concordants
démontrent une baisse progressive du taux de fécondité des
couples en âge de procréer ou ne serait-ce que de leur propre
volonté en raison de la crise économique. Or, la baisse constante
du taux de fécondité a pour effet d'augmenter,
corrélativement, le nombre de couples infertiles qui pourront
solliciter, ultérieurement, de recourir aux méthodes de la PMA
pour concevoir un enfant. La décision de légiférer
s'impose donc d'autant plus que le phénomène est appelé
à prendre une ampleur croissante et cette ampleur ne doit pas conduire
au rabaissement de l'homme à un niveau qui n'est pas le sien, comme cela
se produit dans la plupart des législations occidentales. En effet, les
fictions juridiques, posées dans ces pays qui ont permis
l'institutionnalisation de la PMA, ne doivent pas permettre au droit de
détruire ses propres racines en facilitant des modifications sociales
dont les dérives possibles échappent aujourd'hui à leur
imagination. Dès lors, le principe de précaution, loin
d'être un obstacle au médecin, est son meilleur allié et,
pour le droit, de raffermir la valeur supérieure de la personne
humaine.
Une autre tâche urgente revient à
« réhumaniser » la science.
Celle-ci doit être confirmée dans sa fonction
naturelle de servir l'homme et non pas se servir de l'homme. A ce propos, il
faudra résoudre le problème du transfert des installations
européennes d'essais en Afrique afin qu'elles ne pussent pas
expérimenter dans nos États africains ce qu'elles ne peuvent pas
accomplir dans leur propre pays, moyennant un « prix de
l'indignité » devant le lit de la pauvreté africaine.
La PMA constitue donc un marché au plein sens du terme. Dans cet ordre
d'idées, le pouvoir des groupes d'intérêts en
matière de PMA doit être réduit dans l'espoir de faciliter
l'accès de ce « marché » aux petites bourses
par une intervention publique qui assimilerait le recours à la PMA aux
soins prénataux. Ce souhait relève d'une logique de
préoccupations de santé publique afin que la PMA devienne une
pratique de masse dans laquelle tout le monde y trouve son compte : les
médecins auront plus de clients, les industriels vont accroître
leur chiffre d'affaires et l'accent ne sera pas mis sur l'aspect mercantile de
la procédure, en principe, lourde et coûteuse. L'acceptation
sociale de la PMA serait également une bonne affaire pour la
sécurité sociale en réduisant le coût pour la
société de la prise en charge des enfants lourdement
handicapés du fait d'un défaut de diagnostic prénatal. Le
revers, c'est la reconnaissance indirecte de la pratique du diagnostic
prénatal sous forme pré-implantoire, c'est-à-dire
eugénique, disons-le. L'accès, plus ou moins, à tous de la
PMA est donc le pendant du principe du droit à l'intimité en
matière de procréation, voire (sous réserve) d'un droit
à l'enfant. L'absence d'une politique nationale favorise l'expansion du
marché illicite des éléments et produits du corps humain
ainsi que toutes sortes d'activités économiques
paramédicales parallèles (la cryoconservation des gamètes,
le diagnostic pré-implantatoire et prénatal, etc.). Elle est
donc, aujourd'hui, à l'origine d'une « supermarché de
la procréation » qui privilège les classes
aisées du Sénégal parce que possédant l'argent et
les contacts nécessaires, à cause de la logique marchande. Ainsi,
au lieu de constituer un facteur de progrès, au sens des
Lumières, les avancées de la science en matière de
procréation sont en train d'être détournées au
profit de nouvelles formes d'inégalité sociale. La loi n'est pas
un simple reflet complaisant, c'est également une sanction. Même
si elle assouplit le régime de l'adoption, elle ne peut inciter les
couples inféconds à recourir à sa voie s'ils
préfèrent au contraire entendre « la voix du
sang », fût-elle sous la forme d'une PMA. L'adoption de fait,
à l'africaine, consistant à confier un enfant à sa
naissance à un parent proche ou éloigné ne satisfait pas
toujours la volonté de concevoir un enfant issu du jus
sanguinis, d'autant plus que l'enfant confié peut être
ramené à ses parents biologiques pour diverses raisons, notamment
pour mauvaise conduite. Tout comme cette volonté de concevoir un enfant
ne peut être atténué dans le cadre de la polygamie
où la rivalité entre co-épouses est une arme perfide qui
n'épargne pas les âmes ou les cordes les plus sensibles.
Le concours parallèle d'autres mécanismes
sociaux (les organisations sénégalaises des droits de l'homme) se
révèlera aussi indispensable, à côté d'une
justice soucieuse de la préservation de l'exception culturelle
sénégalaise. Sinon, le législateur et le juge
sénégalais risquent de renier ce qui constitue leur mission et
leur credo : garantir le respect de tout homme comme une fin en soi. Un
déni de justice et / ou un déni de droit que tout juriste
sénégalais serait malaisé d'endosser. Étant
donné la valeur de ce qui est en jeu, la dissuasion du droit
pénal est plus incitative et plus incisive que tout autre et constitue
le modèle de référence de la rigueur de l'ordre public
à préserver.
Toutefois, le législateur se doit d'être
très vigilant devant certaines attitudes qui pourraient prendre racine.
En effet de la réflexion sur la PMA, le féminisme n'est pas
éloigné de la revendication de son existence. L'invention de
l'émancipation féminine dans les années soixante,
précédée dès la fin du XIXe
siècle par le développement du travail industriel et
salarié des femmes avec la génération des suffragettes, a
insufflé une vague féministe en Occident grâce à la
propagande contraceptive. Le développement de l'instruction
supérieure des femmes (enseignement, magistrature, banque,
administration, etc.) modifia le moyen d'accéder à une
« vie sentimentale » grâce à
l'indépendance financière. La nouvelle génération
féministe revendique le droit à une sexualité plus libre
et plus épanouie qui ne nuise pas à son développement
psychique et physiologique. Le rôle de l'homme se limite souvent à
sa capacité d' « étalon fécond »
si ce n'est à son exclusion tout simplement. La nouvelle vague entend
bien explorer et définir désormais elle-même sa
féminité avec le concours d'expatriées revenues
métamorphosées par les valeurs occidentales. Cela les rend toutes
disponibles pour expérimenter les nouvelles possibilités de PMA,
pour prolonger la maternité après la ménopause, pour
utiliser des hormones de synthèse dans le but de limiter les risques de
la ménopause sur la santé. Elles ont recours volontiers à
l'eugénisme pour éviter de mettre au monde un enfant
handicapé, débile ou difforme et, elles voudraient, à ce
propos, l'extension de l'avortement thérapeutique. Le mouvement
féministe est donc la revendication du droit à la
différence et, paradoxalement, une invite à
l'égalité acceptant, si besoin en est, l'acharnement
thérapeutique (même au prix de lésions
détériorant l'organisme) pour combattre la
stérilité ou l'infertilité et avoir un enfant à
tout prix, même « en achetant » une mère
porteuse ; n'est-ce pas là un choix conditionné par une
surévaluation du désir de maternité ? Faut-il
accepter l'évolution vers une maîtrise d'une reproduction
normalisée et unilatéralisée par la femme ? La PMA
peut constituer un outil dangereux pour des femmes qui croient que
l'égalité et la reconnaissance de leurs droits est la
faculté permissive de tout faire. C'est une arme qui ne doit pas tomber
entre n'importe quelle main (mère sexagénaire grâce
à la PMA)9(*)4.
Finalement, la conquête de la liberté
féminine dépossède l'homme de sa propre liberté
d'être père et se réalise parfois aux dépens des
droits de l'enfant à naître, rien que pour satisfaire un ego.
* 1 Jacques-E. Rioux et autres
« l'insémination artificielle
thérapeutique », presses de l'Université
de Laval, 1983, pp 32-33
* 2 Bible: Genèse,
chapitre 16 versets 1 à 2
* 3 Bible: Genèse
30 versets 1 à 3
* 4 Bible: Genèse
30 verset 10
* 5 in Internet de Norbert
Ouendji « Fécondation in vitro au
Sénégal -les bébé éprouvette au
tribunal de la société »
http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm
Marième Guèye -Thèse Doctorat (cf.
Bibliographie, rubrique « Thèse » annexes de la
thèse : Le Soleil)
* 6 Guy CHEVALLIER et autres
« Je veux un enfant », éd. Stock 1995, p. 135-136
* 7 Howayda Srour. Thèse
Faculté Médecine, UCAD, année 1994, n° 28, p. 17
* 8 id.
* 9 Marième Guèye,
Thèse Faculté Médecine, UCAD, 1994, n° 29, p. 82
* 10 Marième
Guèye, id., p. 81
* 11 Marième
Guèye, id., p. 81
* 12 Marième
Guèye, id., p. 83
* 13 Le courrier de l'UNESCO,
septembre 1994, p. 7
* 14 Le Courrier de l'UNESCO,
septembre 1994, p.8
* 15 Jacques Rioux et autres
« L'insémination artificielle
thérapeutique », Les presses de l'université Laval,
Québec 1983, p.167
* 16 Nathalie Massager
«Les droits de l'enfant à naître », éd.
Bruylant, 1997
* 17 Norbert Ouendji
« Fécondation in vitro au Sénégal - Les
bébé éprouvette au tribunal de la
société » in Internet
http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm
* 18 Norbert Ouendji
« Fécondation in vitro au Sénégal - Les
bébé éprouvette au tribunal de la
société » in Internet
http://www.cfd.nl/science/news/wcs0005.htm
* 19 Docteurs Guy Chevallier et
Charles Brami « Je veux un enfant », éd. stock 1993,
p. 265
* 20 et 21 Nathalie Massager
« Les droits de l'enfant à naître »,
éd. Bruylant , 1997, pp. 655, 654
* 22 et 23 Docteur
Guy Chevallier et Charles Brami « Je veux un enfant »,
éd. stock 1993, pp. 265,264
* 24 et 25
http : // www .protestants. org/ docpro/ doc / 0725.htm :
« PMA et statut de l'embryon »
* 26 Marième
Guèye, Thèse Médecine UCAD, 1994, n°29, pp. 87-88
* 27 Marième
Guèye, Thèse Doctorat Médecine, 1994, n°29, p. 86
* 28 Jean Hauser - colloque sur
« les Filiations par greffe - adoption et PMA »,
éd. LGDJ 1997, p. 22
* 29 in Internet http :
// www. senat. fr./ lc / lc 70 / lc 701. html
* 30 Id.
* 31 Guy Chevalier et Charles
Brami « je veux un enfant », éd. stock 1993,
p.259
* 32 Id.
* 33 Roberto Andorno
« La distinction juridique entre les personnes et les choses-A
l'épreuve des procréations
artificielles », éd. LGDJ 1996, pp. 259-260
* 34 Id.
* 35 Id.
* 36 Id.
* 37 Nathalie Massager
« Les droits de l'enfant à
naître », éd. Bruylant 1997, p.831
* 38 Internet
« Actualités sur le clonage humain » http/www.
Inagp.inra.fr/ens-recher/biotech/textes societes/debats/ clonage/decisgb.htm
* 39 Id.
* 40 Le courrier de l'Unesco,
septembre 1994, p.8
* 41 Guy Chevallier et Charles
Brami, précité, p.258
* 42 Le courrier de l'Unesco,
septembre 1994, p.25
* 43 Pierre L. A. Dieng
« La dignité de l'enfant », mémoire
maîtrise, 2003, p.19
* 44 Pierre L. A. Dieng, id.,
pp. 62-64
* 45 D. Malicier et autres
« la responsabilité
médicale », éd. Alexandre Lacassagne, 1992, pp.
29, 31
* 46 D. Malicier et autres
« la responsabilité
médicale », éd. Alexandre Lacassagne, 1992, pp.
29, 31
* 47 Id.
* 48 Isaac Y. Ndiaye, cours
« droit des obligations » , Faculté de Droit , UCAD,
année 2000 / 2001
* 49 Papa Samba Diouf
« état de la jurisprudence sur la responsabilité
médicale au Sénégal », mémoire
maîtrise 2001/2002, p. 39 et s.
* 50 Pape Demba Sy «La
responsabilité publique hospitalière » cours DEA Droit
de la santé, Faculté de Droit, UCAD-EDRA, année
juillet/août 2004
* 51 Id.
* 52 Id.
* 53 Angelo Castelleta
« Responsabilité médicale », éd.
Dalloz référence, 2002, p. 112
* 54 Internet http : //
membres.lycos.fr/ eurosantedroit / hfeadescription. Htm
« La Human Fertilization and Embryology Authority: le
modèle avoué du législateur britannique »
* 55 Roberto Andorno,
précité, pp.208-209, 257
* 56 http: //www. senat.fr
/lc/lc70/ lc 707. html
* 57 Site internet :
id. , précité
* 58
http://www.inapg.inra.fr/ens_rech/bio/biotech/textssociete/debats/clonage/decisgb.htm
Intitulé « Actualités sur le clonage
»
* 59 Roberto Andorno, id.,
précité, p.206
* 60 Revue française
d'études américaines, n°77, juin 1998, p.47
* 61 Site in internet
http://www.senat.fr/lc/lc7/lc70.htm
* 62 Roberto Andorno
« Distinction juridique entre les personnes et les
choses... », éd. LGDJ 1996, p.247
* 63 Colloque « Les
filiations par greffe-adoption et PMA », éd. LGDJ 1997, pp.
99-100
* 64 Roberto Andorno, id.,
précité, pp.124 et s., 160-162, 168-169, 273-274
* 65 Nathalie Massager
« Les droits de l'enfant à naître »,
éd. Bruylant 1997, pp. 845-846
* 66 Nathalie Massager, id.,
précité, pp. 937-938
* 67
Colloque « Les filiations par greffe »,
précité, pp.33 et s.
* 68 Internet
http://www.senat.fr/lc/lc70/lc700.htm
* 69
Conventions.coe.int/treaty/Treaties/Html/164.htm
* 70
assembly.coe.int/Documents/AdoptedText/ta89/frec1100.htm
* 71
Portal.Unesco.org/fr/ev.Php-URL_ID=13177
* 72
http://www.Portal.Unesco.org/ev.php-URL_ID=17720
* 73 P. Barrière et
autres « Pratique de l'assistance médicale à la
procréation », 3é éd. Masson 1998, pp.243-251,
255, 261-262
* 74 Nathalie
Massager, précité
* 75 Id.
* 76 c.cass. civ.24 avril
1929 ? DH1929.298;
www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/ccass.htm
* 77
www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm
« La France se voit reconnaître le droit de refuser l'adoption
aux homosexuels » , « Un homosexuel revendique le droit
d'adoption à Strasbourg »
* 78
www.membres.lycos.fr/mhchbv/france1.htm
« La justice accouche de l'homo famille... »
* 79 Nathalie Massager, id.,
précité, pp.871 et s.
* 80 Revue française
d'études américaines « Le système de
santé en question », n°77, juin 1998, p.54
* 81 Liber Amicorum
M.T. Klein « Droit comparé des personnes et de la
famille »
* 82 Liber Amicorum,
id., précité, pp.149-150 ;
http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-2.htm
* 83 TGI Créteil
1ère ch.Civ.1er août 1984, JCP 1984 ,II,
20321, cf. Roberto Andorno, id., précité, p.196
* 84 Roberto Andorno, id.,
précité, pp.265-266
* 85
http://www.membres.lycos.fr/eurosantedroit/jurisp/France/themes/amp-1.htm
* 86 Jacques Lemaire et Charles
Susanne « Bioéthique : jusqu'où peut-on
aller ? », éd. de l'Université de Bruxelles
1996, pp.27-28
* 87 Jacques Lemaire et Charles
Susanne, id., précité, pp.58, 64
* 88 Id.
* 89 id.,
précité, p.54
* 90 Roberto Andorno, id.,
précité, p.257 in fine, p.258 in limine litis
* 91 Ousseynou Sy,
mémoire maîtrise « La protection de la santé
face au droit de l'OMC », année 2000/2001,
Faculté de droit UCAD, p.18
* 92 Revue française
d'études américaines « Le système de
santé en question », n°77, juin 1998
* 93 Code de la recherche et
rapport, in Internet :
http://www.recherche.gouv.fr/discours/2004/legisrecherche.htm
* 94 http : // www.
Inserm.fr/éthique/Ethique.nsf/0/7ac092c407daf1a80256ac5003ebc93 ?
open D « A propos de ·l'Affaire de
Draguignan · : Ménopause et procréation
médicalement assistée »
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