INTRODUCTION
En ce début du 21ième siècle,
le paludisme demeure le principal problème de santé publique dans
le monde intertropical et plus particulièrement en Afrique
subsaharienne. Dans cette région, en dépit des avancés
dans le domaine de la recherche appliquée, il touche environ 300
millions de personnes et cause 1 à 2 millions de décès
chaque année (OMS, 2005) en Afrique subsaharienne. Il est causé
par des parasites du genre Plasmodium qui sont transmis à
l'homme par des moustiques femelles du genre Anopheles.
On pourrait alors se demander pourquoi après plusieurs
décennies de lutte acharnée contre cette maladie, sa transmission
et sa prévalence en Afrique restent si élevées ? De
nombreux obstacles jalonnent l'effort de la communauté scientifique
à contrôler cette maladie. Cette situation serait due à la
complexité du système vectoriel responsable de la circulation du
parasite. La campagne d'éradication des années 50-60 a connu un
échec dû entre autres à la résistance des vecteurs
aux insecticides notamment au DDT et à la mauvaise connaissance des
vecteurs.
En Afrique subsaharienne, 5 vecteurs sont connus comme
vecteurs majeurs du paludisme : Anopheles gambiae, Anopheles
arabiensis, Anopheles funestus, Anopheles moucheti et
Anopheles nili. Anopheles gambiae et Anopheles arabiensis ont
une distribution plus large sur le continent tandis que Anopheles
moucheti et Anopheles nili sont confinés en zone
équatoriale où ils entretiennent une transmission
élevée et étalée tout le long de l'année
(Antonio-Nkondjio, 2006). Ces vecteurs ont des taux d'infection compris entre
1et 3% et sont responsables d'une transmission estimée entre 100 et 300
Pi/h/an (Antonio-Nkondjio et al., 2005), (Carneval et al., 1992). C'est
également dans cette zone que la prévalence parasitaire et la
mortalité sont les plus élevées chez les enfants de moins
de 5 ans. Cependant, malgré cet important rôle dans la
transmission du paludisme, ces vecteurs restent jusqu'ici peu
étudiés du fait de leur localisation en milieu forestier, plus
d'attention et de recherche étant orientées sur Anopheles
gambiae et Anopheles funestus qui ont une distribution plus
large.
Or la lutte antivectorielle, pour être efficace doit
être orientée vers tous les vecteurs majeurs, d'où
l'importance de prendre en considération d'autres vecteurs majeurs
d'importance locale tels que Anopheles nili et Anopheles
moucheti. De plus,
l'application des méthodes de lutte sélective
telles que les moustiques génétiquement modifiés ou
classique (utilisation d'insecticides) ne connaîtra un succès que
si nous disposons au préalable de connaissances avancées sur la
distribution spatiale et l'adaptation écologique des populations de ces
vecteurs cibles.
Ainsi l'objectif principal de ce travail est de
déterminer les facteurs écologiques et environnementaux en
relation avec la distribution de Anopheles nili et Anopheles
moucheti au Cameroun. Autrement dit, il s'agira dans ce document de
répondre aux questions suivantes :
> Comment Anopheles nili et Anopheles moucheti sont-ils
distribués dans l'espace ? > Quelle est la combinaison des
facteurs environnementaux qui détermine la
présence des membres des groupes Anopheles nili et
Anopheles moucheti au
Cameroun ?
Dans nos analyses, nous utiliserons un certain nombre de
paramètres écogéographiques (types de plantes aquatiques,
nature du sol, pH du cours d'eau, sa température, sa
conductivité, son potentiel oxydo redox) relatifs aux milieux dans
lesquels les larves ont été collectées. Pour atteindre nos
objectifs, nous procèderons d'abord à une analyse descriptive de
la distribution géographique des anophèles au Cameroun. Les tests
de Mann-Whitney et du Khi-deux nous permettrons de mettre en évidence
des éventuelles relations entre le type d'anophèle et certains
paramètres du milieu. Enfin nous utiliserons la régression
logistique et l'analyse des correspondances multiples pour déterminer
les facteurs ainsi que des combinaisons des facteurs qui sont en relation avec
la présence des anophèles.
Pour cela nous avons structuré notre document en deux
grandes parties. La première partie est consacrée à la
revue de littérature. Dans le premier chapitre nous présenterons
les généralités sur le paludisme et dans le second
chapitre nous décrirons la structure d'accueil et le cadre
général de l'étude. La deuxième partie est
consacrée à la présentation des résultats et
à la discussion. Il sera question d'étudier la distribution
géographique et écologique des Anopheles nili et
Anopheles moucheti (chapitre III) et de déterminer les facteurs
ainsi que des combinaisons de facteurs écologiques en relation avec la
distribution de ces espèces au Cameroun (chapitre IV).
REVUE
PREMIERE PARTIE :
DE
LA LITTERATURE
Cette premiere partie est consacrée a la revue de la
littérature. Elle comprend deux chapitres. Dans le chapitre I, nous
présentons les généralités sur le paludisme et le
chapitre II est consacré a la présentation de la structure
d'accueil et du cadre général de l'étude.
LE PALUDISME
I.1 Généralités
Le paludisme est une maladie parasitaire, transmise à
l'homme par l'anophèle femelle et causée par un
hématozoaire du genre Plasmodium. Il est encore appelé
malaria (de l'italien mal-aria, air vicié) et dérive du latin
paludis qui signifie marais.
Les premières descriptions cliniques des fièvres
palustres, avec les symptômes habituels ont été
réalisées par Hippocrate (Ve siècle avant Jésus
Christ). Dès le XVIIe siècle, c'est par l'administration de
l'écorce du quinquina que l'on combattait ces fièvres. Le
mystère qui les entourait ne fut élucidé qu'en 1880 avec
la découverte de l'agent pathogène, le Plasmodium par
Alphonse Laver. Son cycle a été décrit plus tard en Italie
par Grassi et al. (1899). En 1900, Ce sont les recherches de Manson (cf. Manson
(1900)) qui viendront confirmer le rôle du moustique dans la transmission
de cette maladie.
Dès lors, la lutte antivectorielle accompagnée
de l'administration de la quinine aux populations devinrent les principales
stratégies de lutte antipaludique. Avec la découverte des
insecticides à effet rémanent tel que le DDT
(Dichlorodiphenyltrichloéthane), et la mise au point de nouveaux
médicaments très efficaces (chloroquine, amodiaquine), cette
lutte a connu un succès et un essor sans pareil au cours de la
deuxième guerre mondiale. Les campagnes de pulvérisation intra
domiciliaire de DDT qui ont suivi permirent d'éradiquer le paludisme
dans de nombreuses régions du monde notamment en Amérique du Nord
et en Europe.
Les premières résistances des moustiques au
Dichlorodiphenyltrichloéthane (DDT) apparurent en Grèce à
partir de 1951. Ceci incita à une accélération des
opérations de lutte afin d'atteindre l'objectif visé
(éradication du paludisme) avant que cette résistance ne soit
généralisée. Peu après, la résistance des
Plasmodium aux médicaments notamment à la chloroquine
vint compromettre les efforts d'éradication de la maladie. En 1969, la
22e assemblée mondiale de la santé confirma
l'échec du programme mondial d'éradication du paludisme,
adopté lors de la 8e assemblée de Mexico en 1955.
Ainsi, la stratégie d'éradication fut remplacée par celle
du contrôle avec pour but de :
- réduire la transmission ;
- réduire la morbidité ;
- réduire la mortalité.
Distribution de Anopheles nili et Anopheles moucheti
au sud du Cameroun : influence des facteurs du milieu
Une stratégie mondiale de lutte contre le paludisme,
basée sur quatre principes a été définie en 1992
par la conférence ministérielle d'Amsterdam. Ces quatre principes
sont : le diagnostic et le traitement rapide des cas ; la prévention et
la lutte antivectorielle; la prévention et l'endiguement des
épidémies et le renforcement des capacités nationales
(développement et modernisation des structures sanitaires). En Afrique,
l'initiative Roll Back Malaria (faire reculer le paludisme) préconise de
réduire de moitié les cas de paludisme d'ici 2010, puis de
moitié encore avant 2015 (RBM, 2005).
De nos jours, le paludisme reste la principale affection
parasitaire dans le monde notamment dans les pays d'Afrique tropicale au Sud du
Sahara où il représente la première cause de
morbidité et de mortalité. L'OMS estime entre 300 et 550 millions
le nombre de cas par an, dont plus de 80% en Afrique subsaharienne. Plus de 1
million de personnes meurent du paludisme chaque année (OMS, 2005).
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