I.4. ASPECTS FONCIERS TRADITIONNELS A KABARE
L'organisation traditionnelle est de type féodal. Les
pouvoirs s'établissent de façon hiérarchisée.
Dans la plupart des cas, le pouvoir politique se confond du
pouvoir foncier. Ce pouvoir s'aménuise depuis qu'il existe le livre en
vente des terres par le système « Bugule », ce qui a
conféré des droits politiques à certains Bashis urbains
que cette acquisition des terres a libéré du joug de la
féodalité des Bashis.
Autrefois, le système politique reposait sur la
détention des droits fonciers permanents ; sur le fief, sur
l'échange de bétail et sur la courtisanerie.
Les deux derniers éléments n'interviennent
plus ; le rapport entre Sujets et suzerains reposant désormais sur
le foncier et autres rapports sociaux de production capitaliste. Cependant, le
schémas de la hiérarchie féodale subsiste et se
présente comme suit :
MWAMI
MULAGIZI
MURHAMBO
MURWALI
MUSHAMUKA 1
MUSHAMUKA 2
MUGANDA
MUSHIZI
Source : Commissariat rural du territoire de Kabare.
COMMENTAIRES
1) Le Mwami : il est le détenteur, au nom de la
collectivité, des droits fonciers et politiques. Il provient de la
famille royale.
2) Le Murhambo ou notable : il y en a de deux
catégories :
· Le Murwali : est un vassal consanguin du mwami
détenant des droits fonciers et politiques sur un fief territorial
donné.
· Le Mulagizi : est un vassal plus politique que
foncier. Il peut agir dans son propre fief où il tire son
autorité politique du mwami. On l'appelle
« NNAHANO » dans son propre fief foncier et administratif
pour lequel il a versé le « Kalinzi » au mwami. Le
domaine plus large où il exerce son pouvoir est appelé Mulagiro.
Tous sont grands notables.
3) Le Mushamuka I : est un chef politique foncier agissant
au petit fief pour lequel il a versé le Kalinzi au Murhambo. Il peut
être doublé sur son fief ou sur une partie de son fief par un
consseiller politique tenant son pouvoir directement du mwami qui est
appelé « Mugula » ou encore être doublé
par un « Mushanganga » ; petit notable détenant
un fief foncier obtenu directement du mwami ou du Murhambo.
4) Le Mushamuka II : au sens littéral (sans
connotation politique foncière), est un homme adulte, marié et
père de famille de situation aisée, propriétaire de
bétail et jouissant de notabilité dans la classe de bas peuple.
Il détient une parcelle de « Kalinzi » qu'il
exploite virtuellement à son compte. (12)
5) Le Muganda ou Mushizi ou encore Mushi tout court : est un
homme ne disposant d'aucune parcelle de Kalinzi. Il dépend
entièrement d'un Mushamuka (I et II) ou d'un Mulagizi. Il pourra
évoluer éventuellement vers le niveau supérieur lorsqu'il
versera un « Kalinzi ».
Notons que la femme se situe au bas de cette hiérarchie.
Ceci montre à quel niveau le mushi a depuis longtemps
négligé la notion du Gender dans son organisation, même la
plus ancienne.
Avec l'Administration publique, le pouvoir du mwami s'
aménuise progressivement. Certains paysans bashis de Kabare affranchis
savent déjà que l'Etat congolais est le seul propriétaire
tel que la loi BAKAJIKA le préconise. C'est ce qui explique le fait que
le mode prépondérant d'accès à la
propriété foncière est actuellement le
« Bugule ».
En conséquence, le collectivisme outré des paysans
de Kabare tend vers un individualisme de fait dans le système foncier et
l'organisation sociale et politique continue à entretenir des rapports
étroits.
I.5. SITUATION SOCIALE
La famille est l'unité sociale la plus reconnue à
Kabare. Le lignage tend de plus en plus vers la famille-ménage, devenue
l'unité sociale de base.
La famille-ménage est attachée à une maison
que l'homme (chef de famille) s'est construite ou a héritée. La
maison est souvent construite dans un espace soit alloué à son
lignage patrilinéaire soit acquis par un autre mode. Mais actuellement,
cet espace généralement d'un seul tenant, résulte du
partage d'un espace plus grand en mini-parcelles à une
progéniture nombreuse et de plusieurs générations.
La grande hutte « Munene » où les
hommes se réunissent pour des motifs divers a disparu. Il en est de
même pour les petites huttes où l'on offrait des sacrifices aux
ancêtres. La construction des cases de fois en pissés en
tôles a supplanté celle des huttes.
(12) T. NYABYENDA, Dynamique structurelle et condition
paysanne au Bushi (Zaïre,
Sud-Kivu), Licence en Sociologie, FSSAP/Campus de
Lubumbashi, octobre 1979, P.32
La vie familiale s'articule autour d'un foyer où le
père, les enfants se rencontrent pour les repas et pour les
réunions.
Une hiérarchie entre les âges reste
communément observée entre paysans de Kabare. On trouve dans des
associations paysannes, des compagnons d'âge. Les hommes restent toujours
investis de rôle précis dont la société
contrôle la bonne exécution.
Le rassemblement des hommes obéit à un classement
vertical qui donne aux plus âgés la place d'honneur et le droit
à la parole. Mais le droit d'aînesse ne suit pas l'âge.
Même s'il n'est pas très âgé, quelqu'un peut
être grand-père « Aîné » d'une
famille nombreuse. Il garde aussi sa place de répondant direct au Mwami,
garant de bon fonctionnement des institutions coutumière.
Parlant de l'unité villageoise à Kabare, disons que
les villageois étaient autrefois des communautés de clans.
Toutefois, les inimitiés personnelles ont joué et
contribué à scinder les clans, voire les lignages. Certains
villages ne rassemblent plus que quelques éléments lignages. Les
liens de parenté sont devenus très lâches et les consensus
communs parfois sont difficiles. Certains conflits de ce genre sont souvent
hérités. Toutefois, à certains moments on a l'impression
que le paysan de Kabare a le souci de préserver l'unité
villageoise. Certaines circonstances rapprochent les villageois (Mariage,
Naissances, deuil et à des moments d'insécurité, les
attaques chez les voisins, le développement qu'ils appellent
« Majambere »).
Notons que sans briser l'unité de la communauté de
Kabare, le regroupement administratif en Kabare Nord et Sud crèe deux
ensembles sociologiques en partie autonomes.
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