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Reflexion sur la justice transitionnelle

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par N'taho Désitée Florine Victoire Roxann ODOUKPE
Ucao/UUA - DEA 2009
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

Dans son rapport relatif au «rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit1(*) », le Secrétaire Général des Nations Unies affirme : «il ressort clairement de notre expérience de ces dernières années qu'il n'est possible de consolider la paix dans la période qui suit immédiatement la fin du conflit et de la préserver durablement, que si la population est assurée d'obtenir réparation à travers un système légitime de règlement des différends et l'administration équitable de la justice ». Le Secrétaire Général des Nations Unies présente ainsi à juste titre la justice transitionnelle comme un moyen de consolidation de la paix.

Il ressort de cette déclaration du Secrétaire Général des Nations Unies, que pour sortir durablement de la violence, il conviendrait de recourir à des mesures de réparation réellement adaptées: celles de justice transitionnelle.

Depuis 1990, des mécanismes susceptibles de combattre les violations massives des droits humains ont été initié afin de garantir les droits et libertés des hommes en tout temps et en tout lieu. Plus qu'une réponse à une culture d'impunité, la justice transitionnelle semble communément représenter une étape vers l'Etat de droit.

La justice ordinaire, c'est-à-dire celle de la « normativité verticale2(*)», ne suffisant plus pour sortir des guerres civiles et des conflits, l'on a ressenti la nécessité d'autres mécanismes pour garantir un avenir viable à des sociétés déchirées. Ces mécanismes doivent garantir l'établissement de la vérité, la réparation des souffrances endurées, l'éloignement des criminels et l'obtention du pardon de la part des victimes.

De plus, la nature des conflits, qui s'est profondément modifiée, a eu une influence significative sur le choix de la justice transitionnelle : ce ne sont plus les pays qui sont en guerre entre eux, mais le conflit se déroule au sein d'un seul et même Etat, entre des composantes placées sous la même entité, d'où les accords de paix appelés à déboucher sur un cessez-le-feu, « sur l'Etat de droit et la promotion d'une paix durable, sur un renversement de situation, le passage d'une gestion violente des conflits à la gestion non-violente des conflits, le passage de situation d'exclusion à un processus d'inclusion, à la construction d'un bien commun, le passage de la méfiance à la confiance civique »3(*).

De l'Afrique du Sud au Maroc, de la Bolivie au Rwanda, de la Sierra Leone au Liberia ou au Tchad, ces mécanismes de justice transitionnelle incluant des commissions dites « justice et vérité » et des institutions similaires où victimes et bourreaux s'affrontent de façon pacifique, ont été créés.

Mais que signifie la notion de justice transitionnelle? La réponse à cette question nécessite que soit donnée la notion de la justice transitionnelle. Mais il convient au préalable d'en faire l'historique.

Quand un conflit se termine ou lorsqu'un régime totalitaire tombe, s'enclenche un processus de normalisation politique et sécuritaire. La sortie de crise s'accompagne d'un processus de refondation de la nation. En d'autres termes, il faut réconcilier les fils du pays, amener les acteurs et les victimes des violences qui doivent réapprendre à vivre ensemble dans leurs communautés. L'entreprise peut paraître bien difficile quand des voisins, des membres d'une même tribu se sont attaqués ou ont combattu dans des camps opposés. Ces exemples de violations massives des droits de l'homme ont été malheureusement nombreux au cours de ces dernières décennies. Les faits montrent que, dans une tentative nécessaire de réconciliation avec le passé, les sociétés ont dû imaginer diverses formules pour surmonter les terribles ressentiments occasionnés par de tels exactions. C'est ainsi qu'a émergé l'idée d'une justice transitionnelle après la Seconde Guerre mondiale, quand les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo4(*) furent établis pour juger les responsables des atrocités commises durant la guerre.

Mais l'intérêt de la communauté internationale pour la justice transitionnelle n'apparait véritablement que dans les années 1980, à la faveur de la décolonisation et surtout de la démocratisation en Afrique et en Amérique latine. Cette forme de justice qui s'est « mondialisée » a connu l'une de ses plus belles illustrations en Afrique du Sud.

Par ailleurs le développement de la justice transitionnelle a été reconnu par les Nations Unies dans un rapport du Secrétaire Général en 2004 sur « le rétablissement de l'Etat de droit et l'administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit5(*) ».

Un grand nombre de facteurs contribuent à expliquer cette expansion spectaculaire de la justice transitionnelle: le développement de systèmes de protection des droits de l'homme par les Nations Unies, l'esprit inventif du mouvement international des ONG pour la défense des droits de l'homme, les vagues successives de transitions démocratiques et post-conflit6(*) et la fin de la guerre froide qui a offert des possibilités d'une coopération internationale jusqu'ici impensable. C'est pourquoi les sociétés qui sortent aujourd'hui de périodes d'exactions massives n'ont plus besoin de composer leurs stratégies de lutte contre l'impunité hors de tout contexte, mais peuvent au contraire s'inspirer des approches mises en place et des leçons apprises ailleurs.

Bien que ces mécanismes représentent des avancées encourageantes, les obstacles éthiques, légaux et politiques auxquels les pays sortant de crise font face sont tels que dans bon nombre de cas, les gouvernements de transition se voient contraints de prendre des décisions sans qu'un choix soit nécessairement meilleur qu'un autre.

En outre, il est à noter que les conflits internes naissent de l'incapacité de l'Etat et des gouvernants à trouver des réponses appropriées aux revendications politiques, économiques et sociales des populations. La violence dans laquelle s'engagent les parties aux conflits débouche sur des violations massives des droits humains que les tribunaux nationaux sont incapables de juger de façon indépendante et équitable ou conformément au droit international.

De même, l'ampleur des exactions commises et la faiblesse des ressources humaines et financières rendent invariablement la justice nationale impossible. Les systèmes judiciaires étant conçus pour traiter des crimes en tant qu'actes répréhensibles se produisant exceptionnellement, il leur serait difficile, voire quasiment impossible de disposer de ressources psychologiques et matérielles nécessaires pour pouvoir faire face à un contexte plutôt inhabituel pour eux dans lequel le crime serait la règle.

Par conséquent, le discrédit qui affecte ainsi l'ensemble des institutions de l'Etat et particulièrement sa justice est donc à l'origine du recours à des mécanismes originaux de règlements des conflits qui ont reçu la qualification de justice transitionnelle.

La justice transitionnelle est apparue ces dernières années comme l'une des disciplines en plein essor en matière de des droits de l'homme et de résolution de conflits.

Mais la notion de justice transitionnelle est discutée tant dans ses fondements que dans sa pertinence, de sorte qu'il n'est pas aisé de s'accorder sur une définition unanimement acceptée. Ne s'agirait-il pas d'« un outil sémantique sans véritable contenu, d'un ``gadget'' politique utilisé notamment par les organisations internationales à des fins de légitimation du déploiement de leurs actions en faveur de la restauration de la démocratie7(*)»?

De prime abord, la notion de justice transitionnelle semble contenir dans sa formulation un paradoxe. D'un côté, la justice. Le terme justice vient du latin justitia « justice », dérivé de justus, « conforme au juste », lui-même de jus / juris, « (le) droit ». L'idée de justice est commune à toutes les cultures et englobe généralement les concepts d'équité et d'égalité des résultats. Le terme renvoie également à l'idée de stabilité, de modération. Autrement dit, la justice symbolise cette recherche de la paix sociale à travers la continuité et la sérénité de sa mission. La réflexion sur la fonction symbolique de la justice s'est d'ailleurs enrichie ces dernières années et l'ont bien montré8(*) : la figure du juge est celle de l'apaisement et de la pacification dans le temps ; la permanence et la transcendance étant deux caractéristiques traditionnellement associées à la justice. D'un autre côté, la transition est un moment clef qui permet de passer « de la contestation des pouvoirs dictatoriaux fortement personnalisés, à laquelle est bien souvent associée la remise en cause des politiques économiques, à un régime politique stable de liberté et d'Etat de droit, garantissant le renouvellement de la classe dirigeante et la moralisation de la vie publique 9(*)».

En tant qu'étape dans un processus de sortie de conflits armés ou de crises politiques, la transition comporte deux dimensions : une dimension structurelle et matérielle qui tient au cadre choisi pour mener le dialogue et aux règles adoptées pour gérer les tensions ; et une dimension temporelle qui fixe la durée de la transition10(*). On le constate, la temporalité est une condition essentielle de la transition. Par essence, la transition ne peut être permanente, elle est nécessairement temporaire, passagère. Elle est un processus qui permet de réaliser l'aspiration de revendications et de changement et à ce titre, ne peut souffrir d'une institutionnalisation dans le temps. Auquel cas elle cède la place à une période d'enlisement due, notamment à l'impossibilité de trouver un accord sur la nature des enjeux en discussion. Par ailleurs, l'aspect transition de cette justice ne coïncide pas avec la notion de politique, du moins en ce qui concerne la délimitation dans le temps. Cela implique que les mécanismes de justice transitionnelle peuvent être appliqués au-delà de la période de la transition politique.

Dans ces conditions, le paradoxe est levé puisque la justice transitionnelle repose sur un principe de proportionnalité rationae temporis ainsi que sur un certain nombre de garde-fou, notamment juridictionnels.

La définition de la justice transitionnelle diverge du milieu francophone11(*) au milieu anglophone12(*). Selon Violaine DE VILLEMEUR13(*), « la notion de justice, en anglais, intègre une dimension sociétale alors qu'en français, elle est plus restrictive, assimilée à la fonction institutionnelle, c'est-à-dire le système judiciaire »14(*). Ainsi, la notion de justice transitionnelle recouvre l'ensemble des mesures mises en oeuvre pour permettre aux sociétés en transition, post-autoritaire ou post-conflit, de faire face aux besoins de la justice.

Dans une optique similaire, Mark Freeman estime que : « généralement, la justice transitionnelle est essentiellement axée sur la manière dont les sociétés qui sont en transition de la guerre à la paix ou d'un régime autoritaire à la démocratie [...] ont abordé le legs des exactions massives15(*) ».

On note aussi que l'incapacité de l'Etat autoritaire répressif à proposer « une justice crédible pour prendre en charge les dégâts occasionnés par les politiques de violations massives des droits humains rend nécessaire des solutions alternatives qui ne sont pas comparables à la justice étatique »16(*).

Dans le même sens, Alex Boraine17(*) considère que « la justice transitionnelle n'apparaît pas comme une contradiction de la justice pénale mais plutôt comme une vision plus riche, plus profonde et plus large de la notion de justice, cherchant à faire rendre des comptes aux criminels, à répondre aux besoins des victimes et à lancer un processus de réconciliation et de transformation qui donne naissance à une société plus juste et plus humaine18(*) ». Dans ces conditions, la justice transitionnelle se révèle comme une série d'approches adoptées par les sociétés pour résorber les conséquences des atteintes graves et systématiques aux droits de l'homme, lesquelles permettent de passer d'une période de conflit ou d'oppression à la paix, à la démocratie, à l'Etat de droit et au respect des droits individuels et collectifs19(*).

Le qualificatif transitionnel est justifié par le fait que l'Etat est en transition ou en cours de transformation pour passer d'un système politique autoritaire à un système plus ouvert et de plus en plus démocratique.

Au total, la justice transitionnelle est perçue comme une idée et une manière particulière de dire le droit, d'établir la vérité et la justice en cas de violations graves et massives des droits humains.

Une fois la justice transitionnelle définie, il convient à présent de souligner que celle-ci joue un rôle important dans la pacification de la société internationale. Toutefois, elle se heurte à des résistances, à des obstacles et se trouve souvent en proie des ambiguïtés. En effet, si la justice ordinaire qualifiée de justice « traditionnelle-institutionnelle », régulatrice et sanctionnatrice du « quotidien » est facilement identifiable, la justice transitionnelle, régulatrice et sanctionnatrice de « l'exceptionnel » est plus difficilement saisissable.

Dès lors, pour appréhender clairement l'importance de la justice transitionnelle, il importe de se poser un certain nombre de questions: En quoi consiste la justice transitionnelle? A quel moment, la justice transitionnelle peut-elle être importante dans une réconciliation durable? La justice transitionnelle permet-elle d'assurer efficacement la protection des droits de l'homme? Peut-on accepter une justice sans sanction ou avec une sanction réduite ? Cette justice s'adresse-t-elle aux auteurs des violations graves ou aux victimes de ces violations ?

En somme, quel est l'impact de la justice transitionnelle dans des contextes sociopolitiques particuliers et comment répond-elle aux besoins des pays qui utilisent ses mécanismes comme une base pour une démocratie durable?

L'intérêt de ce sujet se situe à un double niveau : un intérêt théorique et un intérêt pratique.

Au niveau théorique, cette étude présente la justice transitionnelle comme un concept largement répandu et un outil censé permettre le passage (la transition) d'un système autoritaire où l'Etat de droit est nié à un régime démocratique respectueux des droits de l'homme. En effet, le processus de justice transitionnelle est construit sur une vision large de la justice, il constitue un point de rencontre entre actions judiciaires et extrajudiciaires. Malgré son concept extrêmement ambigu tant dans sa philosophie que dans ses méthodes, la justice transitionnelle commence à prendre une place de plus en plus importante dans les analyses sur les mécanismes de résolutions de conflits et d'instauration d'une paix durable. Elle est donc un nouveau mécanisme de consolidation de la paix.

Mais puisque le processus de justice transitionnelle se décline en quatre instruments légaux à savoir le procès, l'enquête, la réparation et la réforme des institutions. Il parait nécessaire, pour rendre compte de ces questions, de vérifier si ce processus est un mécanisme idoine qui produit les résultats escomptés.

Il apparait, en tout état de cause, que les pays qui doivent affronter le legs d'exactions massives se caractérisent par un fort besoin de justice, alors même que leurs capacités de rendre justice sont au plus bas, avec notamment la faiblesse des moyens financiers, de l'administration, l'ampleur du nombre de victimes et de responsables des exactions. C'est la raison pour laquelle, le processus de justice transitionnelle, construit sur une vision large de la justice, semble aujourd'hui capable de répondre à ces préoccupations car on ne peut pas prétendre à une paix durable sans justice.

Ce qui explique peut-être que, même si cette justice est généralement suggérée plutôt par la communauté internationale, les Etats en crise eux-mêmes n'hésitent plus à s'en saisir comme l'un des moyens de sortie de crise et de rétablissement de l'équilibre social et sociologique de l'Etat.

De la sorte, en puisant ces ressorts à une double source, à l'mage du dieu Janus (Première partie), la justice transitionnelle se réalise par le biais d'une mixité de mécanismes (Deuxième partie).

PREMIERE PARTIE :

LA JUSTICE TRANSITIONNELLE : UNE ORIGINE JANUS

La justice transitionnelle pose plusieurs défis variables selon le contexte. La recherche dans le domaine de la justice transitionnelle démontre que ses mécanismes ne peuvent pas atteindre les résultats escomptés si les présupposés qui en forme la base ne sont pas fonctionnels20(*) ou si les par contre trop de conditions négatives sont réunies c'est-à-dire des institutions défaillantes, leadership pauvre, la pauvreté en général et le fossé entre l'Etat et le citoyen21(*).

Pour parvenir à relever les défis de la justice transitionnelle, la communauté internationale, sensible aux violations des droits de l'homme, apporte en général son soutien sous forme de coopération ou d'assistance (Chapitre I), appui que tentent de récupérer les autorités étatiques pour parvenir à la restauration d'un Etat de droit et d'une paix durable (Chapitre II)

Chapitre I : UNE INITIATIVE SUGGEREE  PAR L'INTERNATIONAL

Les mécanismes de la justice transitionnelle sont difficiles à mettre en oeuvre dans une période de transition politique, du fait des faiblesses qui marquent cette période. Le gouvernement n'est pas encore reconnu par la population, les commanditaires des crimes sont au pouvoir et n'ont par conséquent, pas la volonté politique nécessaire pour que la justice soit rendue. Finalement le climat est peu propice pour entamer des réformes indispensables à la justice transitionnelle, d'où l'intervention des institutions de protection des droits humains (Section 1) et l'assistance des bailleurs de fonds étrangers (Section 2).

Section 1: L'assistance technique des institutions de protection

des droits de l'homme.

De façon générale, la justice transitionnelle commence à fonctionner avec une certaine crédibilité lorsqu'une transition politique voit le jour à la suite d'une période de violence ou de répression.

La période de transition ne permet pas de constater l'échec des mécanismes mis en place et il s'avère donc trop tôt pour que la communauté internationale se désiste d'un investissement dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle le système des Nations Unies (Paragr.1) et certaines ONG (Paragr.2) s'y sont impliqués.

Paragr.1 : L'intervention des Nations Unies

Le rythme et l'ampleur d'une transition reflètent souvent la cause de son déclenchement. Dans certains cas, les transitions furent amorcées par une intervention extérieure22(*). Dans d'autres, elles sont le produit de négociations avec la participation formelle des organisations internationales comme les Nations Unies23(*) Dans le cadre de leur mandat respectif et grâce à leurs activités opérationnelles et à leur présence sur le terrain, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (A) et le Conseil de Sécurité (B), contribuent au respect des droits humains, notamment en promouvant les droits de l'homme, en apportant une assistance humanitaire et en intervenant en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité des Etats. Toutes ces actions favorisant l'émergence de la justice transitionnelle.

A/ Le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme

Le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH) est le principal responsable de l'application du programme de l'Organisation des Nations Unies aux Droits de l'Homme. Le HCDH qui apparait comme le principal dispositif de l'action des Nations Unies en faveur des droits de l'homme a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l'homme dans le monde entier.

Créé en1993 par la résolution 48/141 de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le HCDH vise particulièrement à promouvoir et protéger tous les droits de l'homme, à s'engager dans les dialogues avec les gouvernements en vue de garantir le respect des droits humains et à apporter une assistance technique pour les droits humains24(*),

Autrement, le HCDH a pour mandat de promouvoir et protéger la jouissance et l'application par toutes les personnes de tous les droits proclamés par la Charte des Nations Unies, dans les traités internationaux sur les droits de l'homme. Mais, il a aussi pour tâche de coordonner les activités menées dans ce domaine à l'échelle du système25(*) des Nations Unies.

La pauvreté étant souvent et à la fois une cause et une conséquence de la violation des droits humains, elle érode les droits civils et politiques tels que l'accès à la justice, le droit à un procès équitable et la sécurité des personnes.

C'est la raison pour laquelle la méthode générale de travail du HCDH en matière de justice transitionnelle se concentre sur 3 dimensions : l'établissement des normes de droits de l'homme, la mise en oeuvre et le suivi sur le terrain.

A cet égard, le HCDH a créé des bureaux locaux auxquels des missions de surveillance ont été confiées dans nombre de pays, notamment en Colombie et en République démocratique du Congo (RDC). Sa présence sur le territoire congolais visait essentiellement à surveiller la situation des droits de l'homme dans tout le pays, conseiller les organisations gouvernementales et non gouvernementales en matière de normes internationales des droits de l'homme et fournir des informations concernant les cas individuels de violation desdits droits, susceptibles d'exiger une action urgente du rapporteur spécial26(*) pour le pays et/ou la mise en oeuvre des mécanismes thématiques.

Dès lors, dans les démocraties en transition et les pays au sortir de conflits, le HCDH collabore avec les gouvernements nationaux et d'autres acteurs pour faire face au passé afin de reconstruire la confiance du public et de  restaurer la paix et l'état de droit. En se concentrant sur la lutte contre l'impunité, le HCDH a soutenu des programmes de justice transitionnelle dans plus de 20 pays au cours de la dernière décennie. Dans le cadre de ces activités, le HCDH s'assure que des droits de l'homme et à la justice transitionnelle sont reflétés dans les accords de paix; s'implique dans la conception et la mise en oeuvre de consultations nationales participatives sur les mécanismes de justice transitionnelle; soutient la mise en place de processus de recherche de la vérité, de mécanisme de responsabilité judiciaire et de programme de réparations et développe la réforme institutionnelle27(*).

Les demandes de programmes de coopération technique visant à mettre sur pied ou à renforcer les mécanismes nationaux de protection de droit de l'homme ainsi que les infrastructures nationales responsables des droits de l'homme, donnent de plus en plus un élan particulier au travail du HCDH sur le terrain.

Par ailleurs, compte tenu de la détérioration de la situation sécuritaire, le Haut Commissariat met l'accent sur l'impunité dans la justice transitionnelle et la protection des civils. Il dirige également les efforts de plaidoyer pour une plus grande adhésion des Etats aux normes et standards internationaux en matière de droits de l'homme.

Selon une étude du HCDH, une bonne justice transitionnelle doit être réalisée au moyen de « réformes des institutions responsables des abus du passé28(*)», dont les buts, les pistes d'interventions et les illustrations, peuvent être listées. C'est pourquoi le Conseil de Sécurité ne demeure pas en reste puisqu'il est le garant de la paix et de la sécurité internationale.

B/ L'action centrale du Conseil de Sécurité

Les buts assignés à l'ONU se résument au tryptique de la paix, de la liberté et du développement. Mais la paix est le premier et, en quelque sorte, le "but des buts" posés par la Charte, dans son préambule et son article 129(*).

En effet, le Conseil de sécurité (CS) est l'organe de l'ONU auquel revient la responsabilité principale du maintien de la paix et la sécurité internationales. Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont un instrument crucial à la disposition de la communauté internationale pour faire progresser la paix et la sécurité internationale. Ces opérations et leur déploiement sont autorisés par le Conseil avec le consentement du pays hôte.

En vertu de la Charte, les Etats membres ont l'obligation d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil. Les recommandations d'autres organes des Nations Unies n'ont pas la force exécutoire des décisions du Conseil mais, du fait qu'elles reflètent l'opinion de la communauté internationale, elles peuvent influencer certaines situations.

Dans le cadre de la justice transitionnelle, lorsque survient un différend, celui-ci est porté à l'attention du Conseil qui engage généralement les parties à parvenir à un accord par des moyens pacifiques. Le CS peut aussi nommer des représentants spéciaux, demander au Secrétaire Général d'user de ses bons offices, d'ouvrir des enquêtes, ou d'offrir sa médiation.

Quand un différent dégénère en conflit armé, le Conseil cherche à y mettre un terme aussi rapidement que possible. Le Conseil émet souvent des directives de cessez-le-feu qui contribue de manière décisive à circonscrire le conflit.

Pour appuyer un processus de paix, le Conseil peut déployer des observateurs militaires ou une force de maintien de la paix dans la zone de conflit.

En vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU, le Conseil est investi du pouvoir de prendre des mesures pour rendre ses décisions exécutoires. Ainsi, il peut prendre des sanctions diplomatiques, économiques, et/ou militaires.

En vertu du même chapitre, le Conseil a institué des tribunaux internationaux pour poursuivre les auteurs présumés de violations graves au droit international humanitaire et aux droits de l'homme30(*). Le CS se comporte ainsi comme un véritable «directoire mondial31(*)».

En s'appuyant sur le chapitre VII mais aussi sur les chapitres VI et VIII de la Charte des Nations Unies pour régler des conflits internes dont les frontières avec les conflits internationaux restent parfois floues, le CS étend son rôle au-delà de ce qu'avaient prévu les auteurs de la Charte.

Par ailleurs, parmi les nombreux problèmes auxquels doit faire face un pays qui sort d'un conflit, celui de la justice transitionnelle est parfois particulièrement épineux32(*). C'est en ce sens que le Conseil souligne qu'il faut absolument « mettre un terme au climat d'impunité » pour que les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit puissent surmonter et ns du passé et empêcher de futures exactions. Il attire l'attention sur toute la gamme des mécanismes de justice à envisager pour les périodes de transition, dont les tribunaux pénaux nationaux, internationaux et "mixtes" et les commissions vérité et réconciliation, et souligne que ces mécanismes devraient être axés non seulement sur la responsabilité individuelle pour les crimes graves, mais aussi sur la nécessité de rechercher la paix, la vérité et la réconciliation nationale. Il se félicite de l'appréciation équilibrée des enseignements à tirer de l'expérience des tribunaux pénaux internationaux ad hoc et des tribunaux mixtes33(*).

Mais la multiplicité des tâches affectées aux opérations de maintien de la paix ont vu l'accroissement du rôle des ONG.

Paragr.2 : L'expertise des ONG de défense des droits de l'homme

Même si c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité première et le devoir de promouvoir et de protéger les droits de l'homme, les acteurs non- étatiques que sont les Organisations non gouvernementales, tout en reconnaissant cette responsabilité, pressent l'Etat de l'exercer et d'orienter son action34(*). Toutefois, à travers ces quelques exemples (B) les ONG sont considérées comme des « law making» (A).

A- Les ONG : actrices du law making

L'importance prise par les secteurs de l'humanitaire et du développement a largement contribué à « la vogue croissante des ONG considérées comme indistinct, ainsi qu'à la place qu'elles se sont acquise dans le champ international35(*)».

Les acteurs concernés en ont tiré une forte aura, tant auprès des opinions que des médias, d'organisations internationales que d'Etats souvent forcés de constater qu'il est contre-productif voire risqué de les négliger.

D'abord, les ONG se sont professionnalisées, notamment du fait de la présence croissante en leur sein d'experts détenteurs d'un savoir spécifique, d'un savoir juridique en matière de droit international, droit pénal international, droits de l'homme.

Les ONG développent ainsi, dans le cadre de la justice transitionnelle, des rapports/argumentaires juridiques, formulent des propositions alternatives à celles des Etats sur un certain nombre de textes négociés internationalement. Les experts au sein des ONG constituent également des listes de diffusion Internet qui véhiculent un savoir spécifique. Leur rôle consiste par conséquent à recenser et à faire connaître les droits de l'homme par la collecte, l'analyse et la transmission des informations aux gouvernements. Cette démarche est suivie de suggestions et d'« exigences » de réactions.36(*) La pression est d'autant plus forte qu'elle est relayée par les médias et les réseaux de militants. Ce relais leur confère une crédibilité certaine auprès de l'opinion publique qui accorde plus d'attention à leurs positions qu'à celles des gouvernements.

Ensuite, au-delà du caractère populaire de leurs actions, les ONG ont une expertise dans le domaine des droits de l'homme. Cette technicité n'est que le pendant d'une conception partagée de la politique au sein d'une société civile où elles parlent « d'une seule voix ». C'est à ce titre qu'elles sont qualifiées « d'entrepreneurs des normes37(*)». En effet, pour contraindre certains Etats à adhérer aux normes protectrices des droits humais et à la justice transitionnelle, les ONG participent aux différentes étapes de l'élaboration normative: gestation et émergence de nouvelles normes, écriture proprement dite et mise en oeuvre ou monitoring.

Il ne s'agit pas d'une participation directe (elles ne «tiennent pas la plume » des Etats). Mais, elles créent un effet de masse38(*) et sont sollicitées de manière croissante tant par les Etats que par les organisations internationales pour l'expertise juridique qu'elles détiennent. Elles ont recours à un répertoire d'action très vaste qui va du lobbying39(*) personnel ou notamment par courriers, courriers électroniques auprès des décideurs politiques aux niveaux national (parlement, ministères, etc.), régional (Commission européenne, Parlement européen) ou international (Conseil de Sécurité des Nations Unies, etc.) à la rédaction d'argumentaires juridiques sur la nécessité de recourir à la justice transitionnelle tel que l'analyse faite par la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) de l'appareil juridique américain contre la CPI. Elles disposent donc des moyens pour faire pression sur ceux qui élaborent les normes.

Enfin, les ONG doivent respecter leur engagement et ne pas prêter le flan aux lobbies qui cherchent à les instrumentaliser pour assouvir leur vengeance sur un régime car il convient de garder à l'esprit le fait que la codification du droit constitue avant tout une entreprise politique qui n'est envisageable que dans la mesure où les gouvernements sont disposés à la soutenir et y trouvent leur intérêt40(*). Ces critères limitent donc d'emblée la probabilité de transformation de certaines normes en jus cogens, malgré des efforts des ONG dans ce sens.

B- Renforcement des droits de l'homme : quelques exemples

Lorsqu'elles ont la possibilité et la capacité de prendre pleinement part au processus d'élaboration normatif à chaque étape, les ONG participent à une dynamique plus vaste de création d'un « nouvel ethos »41(*) international, c'est-à-dire d'un nouvel ensemble de règles éthiques et à l'émergence d'une «conscience juridique universelle»42(*) à travers la promotion de normes internationales et de la justice internationale ; ce qui va permettre d'« échapper à la vengeance en chaîne et de fonder une paix durable43(*)». La principale ONG engagée dans les processus de justice transitionnelle dans le monde est le Centre international pour la justice transitionnelle, basée à New York, et qui a, depuis, ouvert des bureaux dans nombre de pays44(*). Depuis sa création en 2001, elle a travaillé dans une trentaine de pays, en soutenant les institutions judiciaires engagées dans la lutte contre l'impunité des auteurs de violations des droits humains dans des pays en transition, en réponse aux demandes que lui adressent les ONG locales, les gouvernements ou des organisations internationales. Cette ONG, de par ses actions est devenue un acteur influent et efficace dans les processus de transition démocratique et de construction de l'Etat de droit à travers le monde. C'est une des raisons pour lesquelles de nombreux pays, majoritairement anglo-saxons, ont décidé d'accompagner son travail en lui apportant un soutien financier.

En harmonie avec ce mode opératoire, les ONG ont joué un rôle primordial dans la compréhension et l'établissement des faits dans les pays concernés. Mieux, elles participent à la recherche de solutions en commun accord avec les autres partenaires engagés dans le processus de paix. Le mérite de cet engagement devrait être évoqué en signe de reconnaissance à ces structures qui informent sur la gravité des dangers de la guerre. De ce travail devrait être née « une prise de conscience populaire » pour sortir le drame de l'anonymat et du secret dans lequel les politiques essaient de l'envelopper.

De plus, d'autres ONG jouent clairement leur rôle dans la recherche de la paix par le droit, pas seulement avec la CPI, mais aussi par le travail quotidien des organisations de défense des droits de l'Homme, comme Human Right Watch ou la FIDH: « la protection des droits de l'Homme est dite être accessible universellement à travers des processus de justice internationale ; et c'est devenu l'un des buts essentiels poursuivis par le mouvement des droits de l'homme45(*)». Par exemple, la FIDH a créé un Groupe d'Action Judiciaire (GAJ)46(*). Ce GAJ est un réseau d'experts, d'universitaires spécialisés dans le droit pénal international ou les droits de l'Homme, d'avocats membres d'ONG de défense des droits de l'homme affiliées à la FIDH ou correspondantes de cette dernière ou élus politiques de la FIDH.

Son mandat consiste à porter assistance aux victimes afin de déposer des plaintes devant des juridictions nationales, des tribunaux pénaux internationaux ou la CPI, et de promouvoir des mécanismes de justice internationale. L'ONG fournit à la victime de violations des droits de l'homme une aide financière, des avocats, une aide pour rédiger et déposer sa plainte ainsi qu'une aide au suivi.

Le GAJ s'attache aussi à « consolider la complémentarité entre les juridictions nationales et les juridictions internationales » et à « vulgariser les mécanismes de droit pénal international afin de permettre aux organisations membres de la FIDH ainsi qu'à leurs partenaires locaux d'utiliser au niveau national, régional et international les procédures judiciaires à leur disposition47(*) ». Pour ce faire, des conférences régionales de formation et d'échange sur la justice internationale ont été organisées par la FIDH ainsi qu'une réflexion sur les mécanismes de justice transitionnelle (en mai 2003) notamment en Algérie, au Liban et au Maroc autour des commissions vérité. Outre ces initiatives de la part des ONG, le Statut de la CPI reconnaît explicitement l'importance des associations en son article 15. La pression et la dénonciation que les ONG, exercent augmentent le coût du non respect du droit par et pour les Etats - pourvu qu'il ne s'agisse pas d'Etats trop puissants.

Il découle de tout ce qui précède que le rôle des ONG déjoue toutes les stratégies politiques qui tendent à minimiser le drame dans lequel vivent les populations. Elles sont les derniers recours. Les principaux bénéficiaires de leurs actions doivent s'associer à elles pour crédibiliser leurs actions.

En somme, les ONG, dans le processus de justice transitionnelle, sont les seules interlocutrices des victimes sans voix ; mieux que quiconque, elles défendent au mieux leurs intérêts afin de les protéger de l'arbitraire des responsables officiels afin de parvenir à la cessation de l'impunité et au respect des droits humains.

Quid de l'assistance des bailleurs de fonds internationaux dans la recherche de cette consolidation de la paix ?

Section 2 : L'assistance des bailleurs de fonds étrangers

La mission des institutions ou donateurs est d'accompagner les efforts de la transition vers une société démocratique. Elles sont appelées à travailler avec efficacité à la réalisation de leurs missions. Dans le cadre de la justice transitionnelle, ces bailleurs doivent arriver à apaiser les esprits, à établir un environnement vivable qui permette notamment l'organisation d'élections correctes inaugurant l'entrée dans un Etat politique normal, celui de la démocratie, de l'Etat de droit et de la paix durable. Dans cette optique, la Banque Mondiale joue un rôle prépondérant (paragr.2) même si dans l'ensemble, les bailleurs soutiennent les Etats pour mettre fin à l'impunité. (paragr.1)

Paragr1 : Le soutien des bailleurs de fonds en général

Dans de nombreux pays, sortir du piège des conflits demeure un objectif hors d'atteinte. On estime que 40% d'entre eux retomberont dans un conflit dans les 10 années suivantes48(*). Les États sortant de conflits sont confrontés à des difficultés particulièrement importantes en matière de développement: capacité institutionnelle insuffisante, gouvernance défaillante, instabilité politique et, séquelles de conflits passés. Ces nombreux obstacles alimentent les risques d'insécurité, de criminalité, d'impunité, voire d'instabilité totale. Dès lors, un soutien financier s'avère nécessaire en vue de reformes notamment de la justice et du développement durable.

Par conséquent, les bailleurs, dans leurs missions, veillent à ce que les gouvernements tentent simultanément de maintenir la paix et la justice en s'engageant à faire en sorte que les responsables des crimes soient identifiés et qu'une approche intégrée aux mécanismes de justice transitionnelle soit adoptée dans le cadre des processus de paix. Pour ce faire, ils font pression sur les gouvernements et les belligérants pour les obliger à respecter le processus de paix ; à surveiller la situation et à assurer si nécessaire le respect des cessez-le-feu.

Tout de suite après la fin du conflit, le pays en proie au conflit bénéficie de l'attention internationale et les bailleurs de fonds qui ont hâte de manifester leur générosité. Ils puisent souvent dans des fonds spécialement réservés à cet usage.

Les bailleurs soutiennent les réformes de la justice en s'assurant que les dispositifs pour reconnaître la responsabilité des auteurs de crimes graves rentrent dans le nouveau cadre juridique afin d'établir l'état de droit. Ils supervisent alors la réforme gouvernementale du secteur de la sécurité afin de s'assurer de répondre aux préoccupations du public en matière de justice transitionnelle, incluant l'examen de l'intégrité des individus ou « vetting » et un système disciplinaire efficace servant à traiter les violations des droits humains commises par l'armée et la police49(*).

Ainsi, Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) est une fondation privée qui renforce les capacités de la société civile et des institutions gouvernementales en Afrique de l'Ouest. A travers des initiatives novatrices, elle joue un rôle de catalyseur et un plaidoyer en faveur des idéaux d'une société.

La Fondation, créée en 2000, s'attelle au soutien et au renforcement des campagnes de plaidoyer en Afrique de l'Ouest, basées sur les problèmes de justice et de réforme juridique, les problèmes de justice transitionnelle, les questions d'assistance juridique et de résolution alternative des conflits. Elle apporte aussi son soutien à l'assistance juridique et à la résolution alternative des conflits à travers les réformes de la police, la promotion de la résolution alternative des conflits et questions relatives à la justice transitionnelle50(*).

De même, selon le Président de la Fondation Intahe, la justice transitionnelle est une étape nécessaire pour passer d'un passé divisé à un avenir partagé. Elle permet  aux pays convalescents de conflits armés de faire face aux souffrances endurées et d'affronter les pages les plus sombres d'un passé douloureux pour réinventer l'avenir. Et comme il n'y a pas de modèle type de mécanismes valables en tout temps et en tous lieux, «chaque peuple doit faire appel à son génie créateur pour rentabiliser les atouts en présence et atteindre l'objectif recherché: gérer l'histoire douloureuse et parvenir à la réconciliation51(*)».Dans cette optique, la Fondation aide matériellement et financièrement le Burundi, nanti de coutumes et traditions, à garantir la réussite des mécanismes de la justice transitionnelle, notamment ceux de la CRV.

L'Union européenne (UE), qui est le principal bailleur de fonds du Burundi, est en capacité d'influer sur les autorités burundaises pour résoudre la crise politique et institutionnelle tout en soulignant l'importance du renforcement de la justice et de la lutte contre l'impunité pour éviter toute nouvelle violence politique52(*).

Enfin, l'aide dans le cadre de la justice transitionnelle contribue à garantir un respect rigoureux des accords de paix. Ainsi, l'aide des bailleurs de fonds est souvent conditionnée à l'adoption, par les gouvernements bénéficiaires, de politique pouvant assurer la paix.

La Banque Mondiale a, quant à elle, adopté une approche spécifique.

Paragr2 : Les stratégies d'assistance de la Banque Mondiale

La Banque Mondiale a été créée à l'issue de la Seconde Guerre mondiale pour soutenir les efforts de reconstruction. Le groupe de la Banque Mondiale est constitué de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), l'Association Internationale pour le Développement (AID), la Société Financière Internationale (SFI), l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) et le Centre International pour le Règlement des Différents relatifs aux Investissements (CIRDI).

Parmi ces institutions, la BIRD et l'AID ont pour mission de réduire la pauvreté dans le monde grâce à une aide financière et technique visant à la promotion du développement social et économique des pays en voie de développement. C'est à ces deux institutions que fait référence l'appellation de Banque Mondiale.

La Banque Mondiale est une institution financière dont la principale mission est d'encourager le développement durable. Aussi faut-il garder à l'esprit que sa présence dans les pays sortant d'un conflit intervient dans le cadre général de cette mission de développement.

Aujourd'hui, la prévention des conflits et la reconstruction sont toujours des piliers de la mission de la Banque Mondiale, qui consiste à réduire la pauvreté à l'échelle mondiale. Cependant, il est souvent difficile, en particulier pour les organisations humanitaires, de comprendre le rôle de la Banque Mondiale dans les situations post-conflit. Nombreux sont ceux qui lui reprochent de n'intervenir qu'à la fin des hostilités, au moment où les populations civiles commencent à moins souffrir. Toutes ces critiques sont le signe d'une méconnaissance du mandat de la Banque Mondiale et d'une nouvelle confrontation des logiques de l'urgence et du développement.

La Banque Mondiale est, avant tout autre chose, une banque c'est-à-dire une institution financière. A ce titre, elle fournit un appui financier et technique aux pays en développement grâce à l'octroi de prêts à faible taux d'intérêt ou de crédits sans intérêt.

«Dans des situations de sortie de crise, son but est de favoriser l'effort de reconstruction et non de venir en aide aux populations civiles souffrant du conflit53(*)». De ce fait, elle n'intervient pas sur ces terrains selon la logique des humanitaires, mais selon sa propre logique. En d'autres termes, la Banque Mondiale mène des activités pour lesquelles elle estime avoir l'expertise et les compétences requises. Il s'agit donc principalement d'activités financières ou de coordination de l'aide internationale.

Cette approche peut être qualifiée de partielle ou d'intéressée. En effet, on peut être en droit de penser qu'il est scandaleux de ne pas se préoccuper des besoins immédiats des populations civiles lorsque l'on travaille dans des pays sortant d'un conflit. Pourtant, en poussant cette logique à l'extrême, on pourrait imaginer que d'autres personnes adoptent un point de vue contraire et se mettent à accuser les ONG de ne pas participer à la reconstruction du pays et de ne mener que des projets de court terme. Ces personnes ne seraient pas plus intelligentes que les premières. En effet, la complexité des situations post-conflit, plus que toutes autres, rend nécessaire l'engagement d'acteurs différents, capables de couvrir, ensemble, les besoins à court, moyen et long termes. Ainsi, si la Banque Mondiale est bien incapable de répondre à l'ensemble des besoins d'un pays sortant d'un conflit, elle n'en est pas moins l'un des acteurs de la construction de la paix.

En 2007, la Banque a mis en place sa nouvelle stratégie d'intervention rapide, qui a permis de favoriser une réponse collective et d'apporter une plus grande attention à la gestion des crises dans les pays sortant de conflits. Un bilan effectué après deux ans de mise en oeuvre montre que la nouvelle stratégie a permis de débloquer plus rapidement des prêts d'urgence. Elle a ouvert la voie à d'importantes collaborations avec des partenaires habitués à travailler dans des situations de crise et d'urgence. Cette stratégie a incité la Banque à renforcer son soutien institutionnel aux équipes locales travaillant sur le terrain.

De plus, dans les pays fragiles et touchés par un conflit, l'aide requiert une bonne coordination. Ainsi, la Banque encourage la mise en place de partenariats solides avec les organismes des Nations Unies, la Commission de Consolidation de la Paix des Nations Unies (CCP), l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et son Comité d'Aide au Développement (CAD). En 2008 par exemple, la Banque et les Nations Unies ont signé des accords visant à accélérer les réponses communes aux crises et aux situations d'urgence. La Banque, la Commission Européenne et les Nations Unies ont également signé une déclaration commune sur les évaluations post-crise et les programmes de reconstruction, qui a été mise en oeuvre au cours de cette même année.

Par ailleurs, depuis les années 1980, la Banque Mondiale a adopté le concept de gouvernance en constatant qu'aucune réforme économique ne pouvait faire l'impasse d'une réforme institutionnelle en profondeur. Elle a ainsi défini dans son rapport54(*), le sens qu'elle donne à cette notion: « Governance is the manner in which power is exercised in the management of a country's economic and social resources for development55(*)». La Banque conditionne ainsi, son aide à la création d'un cadre juridique et institutionnel qui favorise la responsabilité, la transparence et l'Etat de droit56(*).

Comme on le constate, les élections font clairement partie de la « bonne gouvernance politique ». Ainsi, selon la Banque Mondiale,  les élections sont « en général la forme la plus instituée de la participation57(*) ». Mais la Banque précise aussi qu'un processus électoral démocratique ne garantit pas forcément la défense de l'intérêt général et qu'en revanche un régime non démocratique peut chercher à le poursuivre58(*).

Malgré leurs ressemblances, les approches des bailleurs de fonds, des ONG et des acteurs onusiens en matière d'aide et d'assistance aux pays sortant d'un conflit ne s'avèrent pas homogènes. Toutefois, leurs stratégies et initiatives sont récupérées par les acteurs locaux aux fins d'une sortie de crise mieux aménagée.

Chapitre II : UNE INITIATIVE RECUPEREE PAR LE NATIONAL

Les sociétés en transition de la guerre à la paix ou d'un régime autoritaire à un régime plus démocratique se trouvent inévitablement confrontées à une obligation de réparation des dommages causés par les violations du passé.

Celles-ci résultent souvent d'atrocités commises et d'abus de droits attentatoires à la dignité des victimes, actes auxquels la transition politique est censée mettre fin. Mais, tandis que la pression des ONG et autres acteurs internationaux se manifestent activement, ces Etats déchirés et appauvris par les méfaits de la guerre ne peuvent rien, du moins ne sont pas en mesure, pour des raisons essentiellement techniques et non par absence de volonté politique, de respecter strictement les standards internationaux des droits de l'homme applicables.

De plus, la majorité de ces pays ont été marqués par des conflits internes prolongés, dans lesquels les parties ne correspondent plus forcément aux divisions classiques gauche/droite, externe/interne, mais à un enchevêtrement d'alliances ou d'oppositions à dénomination multiple. Dans le cas de processus de sortie de conflits, l'on se trouve confronté à plusieurs difficultés : cet empêtrement favorise des blocages institutionnels (Section1) si bien qu'il pérenne la persistance des crises (Section 2).

Section 1 : Les blocages institutionnels

Contrairement aux conflits qui opposent habituellement différents Etats, les conflits actuels sont internes. Ainsi, les massacres, les pillages, les assassinats et la destruction d'institutions étatiques se soldent aussi bien par de nombreux morts que par la régression des droits humains. En général, les auteurs de ces crimes ne sont guère inquiété puisque l'absence, du moins la carence du personnel de justice (Paragr.1) engendre une impunité flagrante (Paragr.2).

Paragr1 : Absence ou carence de personnel judiciaire

L'absence ou carence de personnel judiciaire est due à plusieurs facteurs qui sont notamment l'absence quasi-totale d'indépendance des juges, l'ingérence du pouvoir politique, le manque d'esprit d'indépendance des magistrats, l'insuffisance de transparence dans le recrutement et dans la désignation des magistrats aux différents grades, la non application des instruments juridiques internationaux par les Cours et tribunaux et enfin, la corruption liée, entre autres, à la modicité du traitement des magistrats.

On rappellera par exemple que du temps de la dictature indonésienne, les Timorais étaient interdits d'accès aux fonctions de magistrats. Après l'indépendance59(*), les tribunaux- ou plutôt ce qu'il en restait- se sont retrouvés sans juges ni procureurs, donc incapables d'assurer un minimum de justice en début de transition. On a encore le cas de l'Ethiopie dont la plupart des juges, après la chute du régime dictatorial de Mengistu en 199160(*), étaient soit en fuite soit en prison en raison des violations massives des droits humains dont ils s'étaient rendus complices.

De même, en RDC, le système judiciaire s'est effondré pendant la guerre et jusqu'à présent, il ne semble pas en mesure de répondre aux exigences d'une justice moderne, indépendante, et de proximité61(*).

Le personnel judiciaire à l'intérieur du Congo est en nombre réduit, notamment à l'Est. Ainsi, les juridictions ne peuvent plus siéger, ni les parquets instruire, et les prisons qui tiennent encore debout sont en train de fermer.

Pour palier à ces difficultés qui entravent les processus de justice transitionnelle, des solutions ont été trouvées. Il s'agit entre autre de la formation accélérée d'étudiants en droit, avec, le cas échéant, le recours temporaire à des juristes étrangers siégeant provisoirement (à titre consultatif ou non selon les cas) dans les juridictions internes pour ne pas interrompre le cours de la justice. Cette sorte d'échevinage ne doit jamais être détournée de sa finalité qui est de transmettre le relais dès que possible aux juges locaux.

Toutefois, en dépit de cette solution, la carence du personnel judiciaire ne peut ouvertement qu'entraîner l'impunité.

Paragr2 : Impunité liée à des raisons quantitatives

« L'impunité est une situation de fait résultant de l'absence de sanction pénale imposée par une autorité nationale ou internationale à des individus accusés d'avoir commis des crimes. Ce fait peut être le résultat de difficultés de fait ou d'obstacles de droit, d'un manque de volonté politique de faire justice, voire d'un simple manque de moyen »62(*).

Ainsi, il s'agir de l'hypothèse dans laquelle le nombre de personnes à juger est tel qu'il n'est pas matériellement possible d'observer le strict respect du droit à un procès équitable, notamment l'exigence d'un délai raisonnable. On pense par exemple au Rwanda où on a provisoirement fait appel à des formes spécifiques d'administration de la justice en recourant à des juridictions peu conformesaux standards internationaux.

Toutefois, la région rwandaise dans son ensemble continue d'être marquée par l'impunité qui est en passe d'être institutionnalisée surtout lorsque les crimes sont commis par des personnes au pouvoir ou proches de celui-ci63(*).

Mais la situation est plus grave au Burundi et en RDC où, sous prétexte des processus de paix en cours, les accords signés perpétuent l'impunité en accordant l'immunité « provisoire» aux auteurs présumés de crimes graves, imprescriptibles et non amnistiables64(*). A cet égard, l'appui de la communauté internationale s'est avéré nécessaire voire primordiale pour mettre en place des mécanismes permettant d'enquêter sur les crimes commis et instaurer des mécanismes de justice transitionnelle, surtout que les juridictions nationales connaissent de nombreux dysfonctionnements portant atteinte à leur crédibilité.

Au total, les raisons de ces lacunes reposent non seulement sur le désaccord des Etats sur des instruments internationaux, mais aussi sur le manque de preuves écrites des allégations de torture, de l'absence d'autopsie ou d'enquête officielle lorsqu'une personne décède des suites d'actes de torture.

Ces difficultés constituent de véritables freins à la lutte contre l'impunité, la recherche de la vérité et la promotion des droits humains. Toutes ces entraves concourent à la persistance des crises.

Section 2 : La persistance des crises

La persistance de nombreux conflits notamment en Afrique, est due aux ingérences des pays voisins, à l'absence de victoire militaire, aux différends frontaliers mais surtout aux modalités d'intervention des acteurs dans le dialogue. Face à ces phénomènes complexes, la réponse de la communauté internationale continue d'osciller entre imposition timide de la paix non désirée par les belligérants et parrainage de fragiles gouvernements de réconciliation. Ainsi, la persistance des conflits exige une nouvelle approche centrée sur des résolutions politiques prenant autant en compte les facteurs politiques que les facteurs socio-économiques(Paragr.1). Cependant, ces tentatives demeurent des solutions partielles à la résolution des conflits(Paragr.2).

Paragr.1 : Des tentatives de résolutions politiques : de la négociation à la

médiation

La sortie de crise est un moment particulièrement sensible dans le cycle de vie d'un conflit. Mettre fin à l'escalade de la violence, trouver un consensus entre les parties adverses, envisager une reconstruction matérielle, politique et sociale efficace sont des étapes menant à la paix qui devront être soigneusement préparées pour ne pas se solder par un échec, c'est-à-dire une reprise des combats. Dans cette optique, Rod-Larsen, un vétéran de la diplomatie norvégienne déclarait: «les conflits ne peuvent être résolus par les opérations de maintien de la paix. Ils doivent être résolus politiquement65(*)». Cette solution peut être recherchée par la négociation (A) et/ou à la médiation (B).

A/ La négociation: Une oeuvre difficile

La négociation est un mode de règlement des différends internationaux. Elle est un processus volontaire et informel qui consiste en une communication directe ou indirecte entre deux ou plusieurs parties en vue d'endiguer, voir de résoudre un litige les opposant66(*). La négociation se déroule dans la plupart des cas dans le secret et fait intervenir des diplomates ou des hommes politiques. Dans le cas où le processus aboutit, l'accord trouvé prendra une forme écrite67(*) et acquerra force obligatoire dès qu'il aura été signé. De cette définition, on peut tirer trois caractéristiques de la négociation.

Elle est d'abord un processus volontaire en ce sens qu'aucune partie n'est forcée de participer à une négociation. Le recours aux négociations est une option voulue et représente en cela la manifestation de la souveraineté des Etats. Les parties sont libres d'accepter ou de rejeter le résultat des négociations et peuvent se retirer à tout moment du processus68(*).

Ensuite, elle est informelle puisqu'il n'existe aucune règle obligatoire en matière de négociation. Les parties sont libres d'en adopter celles qui répondent le mieux à la nature du conflit qui les oppose69(*). Enfin, la négociation est confidentielle pour éviter les pressions politiques, psychologiques et médiatiques, afin de faciliter une transaction sur les positions primitives.

Cependant, si la négociation est prisée et encouragée dans les processus de gestion de conflits, elle est parfois méprisée du fait de ses inconvénients et des dérives auxquelles elle peut conduire70(*). Elle peut même être souvent impossible en raison d'un manque de volonté de dialogue de la part des belligérants.

Ce refus est fondé sur des raisons subjectives. Ainsi, pour les crises internes, un principe non écrit de ne jamais négocier avec une rébellion a pendant longtemps empêché le recours aux négociations. Selon ce principe, il fallait mâter toute rébellion. Telle fut l'option de Mobutu dans les deux crises du Shaba71(*).

Certaines situations de précarité contraignent les Etats à s'abstenir de faire la guerre en raison d'une sagesse commandée par la fragilité de leurs économies. Toutefois, cette sapience n'est pas toujours au rendez-vous et des guerres peuvent survenir, augmentant de façon considérable les dépenses militaires des Etats. Ainsi, au Rwanda par exemple, de 5200 soldats en 1990, l'armée est passée à 50 000 en 1992 avec 12 millions de dollar d'achat d'armes72(*). Cet effort déployé sur l'armement est symptomatique d'un refus du dialogue comme le note Byamuka Nathan: « la tragédie rwandaise a mis en lumière non seulement les limites de la dictature en Afrique mais aussi l'échec de la négociation comme mode de règlement des conflits en Afrique73(*) ».

De même, le refus de négociation peut être fondé sur la crainte de légitimation des insurgés. Lorsqu'il s'agit d'un régime démocratique, le pouvoir peut dénier à ceux-ci toute légitimité pour négocier. Quand la démocratie fonctionne, seuls les partis politiques, la société civile et la presse peuvent exprimer les préoccupations des populations. Mais, s'agissant d'un régime dictatorial, le refus du gouvernement de négocier procède de sa volonté de préserver la cohésion sociale comme un mouvement subjectif, dirigée contre la personne du chef de l'Etat et apporte en conséquence une réponse inappropriée. Ainsi, les Tutsi ont été considérés comme des « inyenzi » c'est-à-dire des cancrelats par le régime Hutu74(*), la rébellion de Laurent Kabila a été qualifiée de « traitrise »par le Président Mobutu. Aussi subjectives que méprisantes, ces réponses ne sont pas faites pour faciliter les négociations.

De surcroit, aucune partie ne peut être contrainte de poursuivre les négociations. Toute partie qui souhaite mettre fin aux négociations peut le faire à tout moment du processus nonobstant le temps et l'effort qui auraient été investis par l'autre partie.

En plus, certains différends ne se prêtent tout simplement pas à la négociation. Il n'y aura pratiquement aucune chance de conclure une entente lorsque les parties sont séparées par des idéologies ou des croyances contraires qui leur permettent de faire peu de concessions réciproques.

Par ailleurs, certaines guérillas de plus en plus violentes, n'acceptent plus le dialogue encore moins la négociation comme solution à leur combat. Elles recherchent plutôt la victoire militaire. Observant ces situations, le professeur Luc SINDJOUN75(*) utilise la notion de « résolution hobbesienne des conflits » qui renvoie à la victoire d'une partie au conflit. Selon Thomas Hobbes « l'homme est un loup pour l'homme». De même, «l'état des hommes hors de la société civile ne peut être qu'un état de guerre » puisque « la volonté de nuire en l'état de nature est en tous les hommes76(*)». Ces formules conviennent bien à ces situations dans lesquelles la façon la plus radicale de passer de la guerre à la paix est d'obtenir la victoire par les armes. Telle a été la clé du succès notamment de Sassou Nguesso président de la RDC, de Kabila du Zaïre, de kagamé du Rwanda, de Museveni de l'Ouganda, de Charles Taylor du Libéria et Zenawi de l'Ethiopie.

Dans ces conflits, les efforts de résolutions pacifiques ont été vains. Mais en réalité, selon le professeur Sindjoun, « la kalachnikov semble plus présente que le baobab ou l'arbre à palabre77(*)».

Toutefois, si les rébellions ont eu assez souvent recours à la méthode « hobbesienne », c'est aussi par manque d'interlocuteur. Elles n'avaient pas d'alternative car le plus souvent « parrainées » par un chef d'Etat voisin. Charles Taylor, au Libéria, aurait bénéficié du soutien de Blaise Compaoré (Président du Burkina-Faso). Paul Kagamé (Président du Rwanda) aurait eu les mêmes avantages de l'Ouganda et en aurait fait profiter Laurent Désiré Kabila. Ces exemples montrent bien les difficultés à réunir les seigneurs de guerre autour d'une table de négociation.

Ensuite, il peut être difficile pour les parties à un conflit d'entamer et de conduire à son terme un processus de négociation directe en l'absence d'une tierce partie impartiale. L'une des parties pourrait être tentée d'abuser de l'autre.

Enfin, les efforts pour mettre fin à l'impunité peuvent également déstabiliser les processus de paix. Ainsi, les enquêtes, les poursuites et l'application des peines peuvent bloquer les négociations ou relancer le conflit78(*).

Au total, la possibilité de refuser la négociation constitue une limite à la solution politico-diplomatique des différends. Toutefois, les belligérants ne sont pas les seuls à rechercher une solution à leur litige, les médiateurs interviennent aussi.

B/ La dispersion des efforts des médiateurs

Le concept de médiation est défini de diverses manières. Cependant, le lexique des termes juridiques considère la médiation comme un modèle de règlement politique des conflits internationaux consistant dans l'interposition d'une tierce puissance qui ne se borne pas à persuader les parties de s'entendre mais leur propose une solution79(*). Charles Rousseau donne une définition synthétique du phénomène lorsqu'il note que la médiation est le fait qui caractérise l'action d'une puissance tierce en vue d'obtenir un arrangement entre deux Etats en litige80(*).

La médiation aide à rétablir les rapports entre des personnes en conflit pour qu'elles puissent trouver ensemble une solution à leur problème. Au XXIème siècle, ce concept a été élargi aux conflits internes.

Pour chaque crise survenue notamment en Afrique, on a noté une multiplicité des intervenants: des grandes puissances, des chefs d'Etat agissant à titre personnel ou au nom d'organisations sous régionales ou internationales.

Chaque médiateur a sa propre sensibilité, sa propre compréhension du conflit et sa solution. Cette diversité d'approche peut être une source d'enrichissement si les efforts des médiateurs sont coordonnés. Chacun peut ainsi connaître la solution de l'autre et améliorer la sienne.

Toutefois, dans la pratique, chacun des intervenants agit isolément et propose in cognito son projet de résolution du conflit aux parties belligérantes. Ces diverses propositions de solution ne favorisent guère une résolution rapide du conflit car chacune des parties au conflit a alors tendance à attendre qu'une proposition alléchante lui soit faite.

Il y a lieu cependant de regretter que ne soit mise sur pied, à l'occasion de chaque conflit, une sorte de structure souple chargée de recueillir les propositions, de les confronter pour les améliorer avant de les proposer aux parties.

Il pourrait s'agir d'un chef d'Etat ou d'une personnalité internationalement connue et ayant les compétences requises en matière de règlement des conflits. Il pourrait jouer par exemple le rôle de facilitateur. Certes, dans certaines crises notamment au Rwanda, au Burundi et en RDC, des facilitateurs ont été désignés. Il s'agit du Président tanzanien Julius Nyéréré81(*), pour le Rwanda et le Burundi, et de Massiré du Botswana pour la RDC. Leur rôle s'est malheureusement limité à une médiation de type classique, si bien que la solution formulée pour le Rwanda qui consistait pour le FPR82(*) à déposer les armes, à intégrer l'Armée Nationale et à obtenir quelques postes ministériels, ne résolvait pas la coexistence des deux ethnies du pays et leur modalité de participation à la vie politique du pays. C'est pourquoi la guerre a repris en 1994. En RDC, la paix n'est pas encore au rendez-vous.

Quant au Burundi, bien que Mandela ait proposé une solution révolutionnaire83(*), la paix n'est pas totalement revenue, certains groupes extrémistes prônant toujours la violence.

En définitive, la diversité des médiations à l'occasion de chaque crise n'a jamais pu constituer une chance de règlement de la crise. Les médiations tout comme les négociations ont leurs limites car elles semblent apaiser les conflits mais ne les résolvent pas au fond. Elles sont une sorte de résolution partielle des conflits.

Paragr2 : Des solutions partielles

Les solutions de sorties de crises demandent des efforts et sacrifices tant de l'Etat que des rebelles. Ces sacrifices doivent en principe permettre de trouver un terrain d'entente à l'issu du conflit. Cependant, les motivations politiques des médiateurs (A) et la non prise en compte de la question des droits humains (B) constituent deux principales entraves et ne semblent pas être en faveur d'une sortie de crise durable.

A/ La médiation : une réponse à des motivations politiques

Pour qu'il y ait médiation, il faut qu'il y ait conflit à résoudre. Le rôle du médiateur consiste donc à aider à trouver un terrain d'entente, faciliter la mise en place du processus de démilitarisation et présenter des propositions capables de mettre un terme au différend. Dans la majorité des pays africains, de plus en plus de médiations sont exercées à titre personnel. La médiation à titre personnel n'est pas forcément une médiation individuelle. En effet, quand un chef d'Etat prend une initiative dans un conflit, sa médiation est individuelle; elle est personnelle dans la mesure où il n'est mandaté par aucune organisation84(*). Selon Marc Massamba les médiations des chefs d'Etat dans les conflits servent «à expliquer les difficultés internes, à contenir par leur évocation la poussée des revendications des populations85(*),». Cela ne peut valablement se comprendre que dans le contexte des pouvoirs politiques africains qui ne « sont en général pas assis sur une légitimité réelle et donc sont très instables86(*)».

De plus, la démocratisation des Etats africains à connu de multiples revers.

On observe d'une part, une recrudescence des coups d'Etat militaires87(*), D'autre part, des rebellions sont sorties victorieuses contre des régimes en place. Ainsi, au Congo, Pascal Lissouba fut évincé en 1997, Habyarimana au Rwanda en 1994 et Mobutu au Zaïre en 1997. Tous les nouveaux régimes ont eu pour point commun de mettre un terme, tout au moins de ralentir considérablement la démocratisation de leur Etat. Très peu parmi les nouveaux chefs d'Etat ont eu à exercer des médiations en raison de l'instabilité politique et sociale chronique ayant suivi leur accession au pouvoir.

Le personnel politique s'est renouvelé, mais les racines de la personnalisation du pouvoir n'ont pas été extirpées et la médiation personnelle a de beaux jours devant elle dans la mesure où le chef d'Etat qui l'entreprend peut en tirer un avantage. Marc Massamba utilise la notion « d'assurance vie88(*)» pour caractériser la situation d'un chef d'Etat qui, bénéficiant des retombées des médiations qu'il a eu à entreprendre et surtout à réussir auprès de certains Etats, peut bénéficier de l'asile politique dans ces Etats lorsqu'il sera déchu. La médiation personnelle sert donc accessoirement à raffermir les relations interpersonnelles qui serviront plus tard.

Par ailleurs, le règlement des conflits par médiation des chefs d'Etat constitue un mécanisme précaire. Trois éléments pourraient justifier cette précarité.

D'abord, la médiation est conduite par les chefs d'Etat sans règles de procédure préalablement établies et admises. C'est la raison pour laquelle il arrive qu'un protagoniste refuse les règles et boycotte les négociations.

Ensuite, la médiation n'étant assortie d'aucune sanction, le non respect des engagements par les parties est sans conséquence car la médiation est avant tout une procédure politique liée à la bonne volonté des belligérants.

Enfin, l'autre source de précarité du mécanisme réside dans le fait que souvent le conflit peut rebondir malgré la médiation.

Les effets des conflits ruinent tout espoir de développement économique. Il est donc nécessaire que des chefs d'Etat s'occupent de leur règlement car, comme le recommande la sagesse africaine, « lorsque la case du voisin brûle, il est plus prudent de l'aider que de s'abstenir89(*)». Mais faut-il l'aider aux mépris des droits humains ?

B/ Des obstacles à la promotion des droits humains

Lorsque des belligérants négocient en vue du règlement d'une crise, aucun aspect de celle-ci ne doit être occulté au risque de fragiliser les solutions obtenues. Pourtant, il arrive que certaines questions soient exclues volontairement par les belligérants, l'une des parties étant persuadée sans doute que l'autre partie ne s'en rendra pas compte. Ainsi, les négociations menées entre belligérants ou avec l'appui de médiateurs peut exclure des thèmes. Parmi ceux-ci, le problème de la question des violations massives des droits de l'homme.

Les conflits internes en Afrique sont de plus en plus caractérisés par des violations massives des droits humains. Aussi bien pour les armées africaines que pour les groupes armés, la terreur est devenue un moyen de combat. Des innocents sont torturés, mutilés, violés ou exécutés pour une supposée collaboration, parfois non vérifiée, avec l'ennemi ou pour décourager toute collusion avec lui. Des enfants sont enlevés, drogués puis enrôlés par des groupes armés pour commettre des exactions.

Quant à l'aide humanitaire, elle est systématiquement pillée et les employés des organisations internationales sont pris comme otages pour servir soit de bouclier contre d'éventuelles attaques, soit de gage pour l'obtention de rançons. Les conflits en Sierra Léone, au Libéria ou en Somalie ont été ceux qui ont réuni toutes les violations de droits de l'homme rencontrées dans les guerres.

Mais à la table de négociation, il est souvent difficile de concilier le besoin de réconciliation nationale avec le désir de justice des victimes. Autrement, une justice non rendue ou mal rendue constitue un frein à la réconciliation nationale.

Par ailleurs, dans le cadre d'une médiation, le règlement des conflits par un chef d'Etat peut aussi constituer un obstacle au développement des droits de l'homme et des peuples. En effet, de très nombreux conflits internes ont pour cause une violation des droits des citoyens par les dirigeants. Certes la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) est muette sur la question des droits humains, mais à l'occasion de la 18e conférence au sommet de l'OUA réunie à Nairobi au Kenya, le 28 juin 198190(*), les dirigeants africains ont adopté une charte africaine des droits de l'homme. Cependant, en dépit de la pertinence des dispositions de celle-ci, les chefs d'Etat ne dénonceront jamais un des leurs, un frère, puisque la médiation repose sur une idée de conciliation, de réconciliation et non de dénonciation.

D'ailleurs, c'est sans doute une des raisons pour lesquelles on observe une violation de plus en plus grave et flagrante des droits de l'homme dans les conflits, notamment, en Afrique91(*).

En dépit des avancées réalisées en matière de démocratisation des Etats, l'ensemble des pays d'Afrique et particulièrement ceux d'Afrique centrale et des Grands Lacs, souffrent de vulnérabilité. Cette vulnérabilité frappe en particulier les quatre pays qui ont sombré dans la barbarie, dans une violence politique extrème. Il s'agit du Burundi avec l'assassinat en 1993 du président élu, Melchior Ndadaye et la rébellion subséquente, du Rwanda avec son génocide de 1994, de l'ex-Zaïre avec ses rébellions de 1996 et de 1998, et enfin du Congo-Brazzaville avec la guerre civile en 1997 et 1999.

Dirigés par des régimes d'exception, fondés sur la force des armes et non sur le libre consentement des citoyens, ces pays n'ont ni constitution, ni gouvernement et Parlement élus, ni contre-pouvoirs chargés de la protection des droits de l'homme et du citoyen. Désormais ces pays sont soumis au règne de l'arbitraire à cause de l'inexistence de la sécurité judiciaire qui exige la remise au juge de l'intégralité de la fonction répressive et la garantie de la règle applicable. L'arbitrage repose également sur la primauté des tribunaux militaires sur les juridictions civiles. On comprend pourquoi ces Etats sont tombés dans « l'état de nature » où « l'homme est un loup pour l'homme », selon l'expression de Hobbes.

Enfin, il est important de signaler qu'à côté de la question des violations massives des droits humains, existe le problème de la question nationale. Celle-ci concerne des groupes armés qui, au sein d'un Etat, se battent non pas pour prendre le pouvoir d'Etat, mais pour obtenir l'autonomie ou l'indépendance d'un groupe social homogène pour constituer une nation. De tels conflits sont survenus notamment au Biafra (Nigéria), en Casamance (Sénégal), au Mali et au Niger (Touareg). En effet, toute frustration ressentie par un groupe social peut être l'occasion d'une lutte pour se démarquer de l'Etat. Mais lorsque le conflit survient et que la négociation arrive à être instaurée, elle butte très souvent sur cette question nationale92(*). Pour les Etats, la négociation peut porter sur tout sauf l'intégrité territoriale. La partition ne saurait être évoquée selon eux. «Tout est négociable sauf l'intégrité territoriale et l'unité de la nation » disait le Président Abdou Diouf à propos de la Casamance93(*).

De l'autre côté, les groupes armés peuvent faire des concessions telles que la signature d'un cessez-le-feu mais sans déposer les armes et encore moins renoncer à leur idéal indépendantiste.

Dans les conflits internes, ce rejet des prétentions territoriales n'est pas évoqué à la table des négociations par les représentants de l'Etat plus désireux d'une paix immédiate que porteurs d'une vision prospective.

Au total, la négociation tout comme la médiation paraissent bien difficiles à mener, surtout en Afrique, à cause de la partialité des acteurs et de l'exclusion des thèmes. C'est pour y remédier qu'il est possible d'envisager d'autres voies et moyens qui pourraient combiner à la fois la lutte contre l'impunité, la recherche de la vérité et la protection des droits humains. En d'autres termes,il s'agit de mettre en place un mécanisme mixte dans le cadre de la justice transitionnelle.

DEUXIEME PARTIE :

LA JUSTICE TRANSITIONNELLE : UN MECANISME MIXTE

Lorsqu'une transition politique se met en place à la suite d'une période de violence ou de répression, la société est souvent confrontée à l'héritage difficile des violations des droits de l'homme. Afin d'encourager la justice, la paix et la réconciliation, les gouvernements et les défenseurs des droits de l'homme peuvent envisager des réponses à la fois judiciaires et non judiciaires aux violations des droits humains. Cela s'explique par le fait que les principes gouvernant la justice transitionnelle sont à l'image de sa nature hybride. En effet, son caractère répressif se fonde sur la fonction principale du droit pénal. Cette fonction met en exergue la « nécessité de punir et de sanctionner dans les limites légales tout auteur de crime, dans l'intérêt général, les comportements dangereux à l'ordre public et contraires aux exigences de la vie en société»94(*).

L'autre face de cette justice, quelque peu contradictoire avec la précédente, elle est dite restauratrice. Elle fait appel à des mesures parajudiciaires qui permettent néanmoins de faire la lumière sur les violations du passé et de prendre en compte les victimes à travers les réparations à elles octroyées. Dès lors, elle agit directement sur les deux protagonistes de la violation sans passer par un règlement judiciaire, avec une forte propension à pallier l'improbabilité de poursuites pénales massives.

Ainsi, les commissions vérité, les tribunaux pénaux internationaux, les réparations et les excuses publiques sont devenus entre autre les nouveaux mantras de l'après-guerre froide.

Ces mécanismes sont de plus en plus utilisés simultanément afin de parvenir à un sens de la justice plus global et d'une plus grande portée. Ils visent à «réconcilier des sociétés victimes de violations massives de droits de l'homme et à promouvoir des dynamiques de réformes et de démocratisation, avec pour objectif ultime : la stabilisation des foyers de tension95(*)».

Ces instruments sont-ils efficaces? On peut appréhender leur impact en examinant le fonctionnement des mécanismes généraux ou classiques d'une part (Chapitre I) et celui des mécanismes extra-judiciaires ou spécifique d'autre part (Chapitre II).

Chapitre I: LES MECANISMES GENERAUX DE LA JUSTICE

Les mécanismes généraux de la justice constituent l'ensemble des politiques de châtiment dont l'acte fondateur fut la création des tribunaux militaires interalliés de Nuremberg : tribunaux pénaux internationaux, tribunaux semi internationaux, Cour pénale internationale, tribunaux nationaux. Leur objet est la répression des crimes internationaux (crimes de guerre, crime contre l'humanité et crimes de génocide), et, également selon leur mandat, des violations graves des droits de l'homme.

Le châtiment peut potentiellement administrer une justice satisfaisante et réconciliante ou mettre en danger les processus de réconciliation et de démocratisation. La justice classique tend à se concentrer sur les agresseurs et à ignorer ou mettre à l'écart les sentiments et besoins des victimes. De plus, les procès peuvent parfois attiser les antagonismes et gêner le processus de réconciliation. Dès lors, il s'avère impérieux de connaître les fondements des poursuites pénales dans la théorie classique (Section 1) avant d'examiner les différentes juridictions pénales (Section 2).

Section 1 : Les tenants de la justice classique

Loin de posséder l'univocité et de remplir le rôle évident et nécessaire qu'on pourrait être tenté de lui prêter en droit, la sanction ou la peine a, au contraire, été considérée par certains auteurs comme « l'inconnue du droit 96(*) », voire comme un terme « ambigu, inutile et nocif », qui « pourrait disparaître sans difficulté du vocabulaire juridique 97(*)». Il apparaît cependant que le caractère incontestablement polysémique du terme98(*) ne fait pas obstacle à l'identification d'un noyau essentiel de significations commun à ses différentes acceptions, à savoir le processus par lequel le système juridique assure le respect de la règle de droit. Ainsi, au sens large, la sanction est toute mesure, même réparatrice justifiée par la violation d'une obligation. Au sens étroit, elle était, naguère, la peine prononcée par le juge pénal pour imposer une souffrance99(*). Dans ce sens, on peut considérer que la sanction s'identifie à la peine100(*). Toutefois, cette notion s'avère affectée d'une incertitude quant à son fondement et ses objectifs (Paragr.1). Mais de nos jours, l'extinction de la sanction semble de plus en plus fréquente, notamment aux moyens de l'amnistie (Paragr.2), pour répondre aux questions d'impunité.

Paragr1 : Les fondements, fonctions et objectifs de la sanction

La peine ou la sanction sont une rétribution, un châtiment appliqué au criminel. Les objectifs de la sanction ont une portée essentiellement normative et se réfèrent au rôle idéal que la peine doit poursuivre, à la finalité qui lui est assignée (B). Quant à son fondement (A), il réside dans sa justification ou dans sa raison d'être

A/ Les fondements de la sanction

Contrairement aux apparences, il existe certaines difficultés de nos jours, pour délimiter la sanction pénale alors que l'on reste cantonné dans la sphère répressive. Les sanctions sont les conséquences d'une infraction qui peuvent prendre la forme de peine ou autre mesure. Prononcées par une autorité judiciaire, elles reposent sur le principe de légalité.

Dans la doctrine, on oppose deux théories pénales expliquant la raison de l'existence des sanctions : la théorie absolue et la théorie utilitaire.

La théorie absolue, dont le représentant le plus fervent fut le philosophe allemand Kant, proclamait que la peine est une rétribution et qu'elle n'a d'autres buts que le châtiment. Pour lui, la répression doit suivre l'infraction. C'est l'impératif catégorique et logique de l'ordre social101(*).

Quant à la théorie utilitaire de la peine ou de la sanction, elle soutient que l'objectif général consiste dans la lutte contre la criminalité. Pour atteindre ce but général, le système pénal se propose d'atteindre des objectifs spéciaux. Ces buts spéciaux sont exprimés généralement par des notions de prévention générale et de prévention spéciale. La sanction doit protéger la société et son application doit contribuer à éviter de nouvelles infractions par d'autres personnes (le principe d'exemplarité). C'est le sens essentiel de la prévention générale.

La prévention spéciale consiste en ce que la sanction infligée puisse empêcher la commission de nouvelles infractions par le condamné.

De plus, le fondement de la peine réside dans sa justification ou dans sa raison d'être. C'est ainsi que les fondements principaux qu'on a pu lui assigner résident dans le dommage causé, dans l'infraction commise, dans la responsabilité morale ou dans la dangerosité de l'agent.

Par ailleurs, au début de l'histoire humaine, les sanctions étaient, dans un premier temps, éliminatrices c'est-à-dire que la peine de mort était en vigueur partout dans le monde. Aujourd'hui, il reste environ soixante neuf Etats qui la pratiquent encore. L'histoire a également connu des supplices corporels, des bannissements, ainsi que toutes formes d'exposition des condamnés pour montrer l'exemple au reste du peuple.

Quid des objectifs et des fonctions la sanction?

B/ Les objectifs et les fonctions de la sanction

Pour atteindre des objectifs, il faut employer les moyens adéquats. Chaque sanction pénale remplit ses fonctions envers la société et le délinquant. Dès lors, il s'avère important de distinguer les fonctions et les objectifs de la sanction. Celles-là dépendent de la nature des sanctions appliquées, tandis que ceux-ci sont tracés par la politique pénale102(*).

L'objectif de toute sanction pénale est la lutte contre la criminalité et l'impunité. Cette lutte est menée par différents moyens. Il existe plusieurs buts pouvant être atteints par les sanctions pénales. En d'autres termes, il s'agit de: dissuader le délinquant de recommencer, lui apprendre la discipline et préparer son retour dans la société, lui faire réparer le dommage qu'il a causé à la victime, mais surtout dissuader la population de violer la loi et inspirer la crainte du pouvoir tout en rappelant à tous que les règles de la société doivent être respectées afin de maintenir un type social.

En somme, la peine a pour but, à l'origine, de réparer le trouble à l'ordre public résultant de l'infraction. Elle se distingue ainsi de la mesure de sûreté qui a plutôt un but de prévention. La sanction pénale satisfait donc l'idée de justice et évite la vengeance privée.

Quant aux fonctions des sanctions, on insistera sur le fait qu'elles sont nombreuses, mais les principales sont: la fonction de prévention, la fonction de réparation, la fonction de rétribution et la fonction socio-pédagogique.

- La fonction de prévention : Il ressort des conceptions largement majoritaire durant les deux derniers siècles que les peines, quelle que soit leur nature, remplissent avant tout une fonction de prévention, c'est-à-dire la fonction de freiner, voire d'empêcher l'accomplissement de comportements jugés indésirables. Autrement, la peine a une fonction préventive par sa vertu d'intimidation.

- La fonction de réparation : En un certain sens, l'idée de réparation est sans doute liée, dès ses origines, à la peine. Cette idée apparaît d'ailleurs encore dans l'affirmation courante selon laquelle le délinquant doit «payer pour son crime».

De plus, cette fonction veut dire que la peine a, ou devrait avoir, une fonction de resocialisation. Autrement, on espère que la peine fera prendre conscience aux accusés de la gravité de leurs actes et sera le premier pas dans un processus de réinsertion sociale.

- La fonction de rétribution : L'idée que la peine puisse être associée à la notion de rétribution est sans doute l'une des plus anciennes, mais si sa réapparition est relativement récente103(*) , c'est parce que les théories utilitaristes de la prévention ainsi que les doctrines de la défense sociale avaient tenté progressivement de l'éclipser104(*). La rétribution est un châtiment, c'est une souffrance imposée par l'autorité, à titre de sanction de la violation des règles fondamentales de la société et de la vie en groupe.

L'idée de rétribution correspond également à une certaine conception de la justice qui veut que l'on prenne en considération le mal inhérent à l'infraction commise et qu'on lui fasse correspondre un mal équivalent (la peine), de la même façon que le bien inhérent à une action appelle un bien correspondant (la récompense). Si la prévention se tourne essentiellement vers l'avenir (considération d'un mal futur) et la réparation vers le présent (considération d'un mal actuel), la rétribution se tourne essentiellement vers le passé, comme le suggère la signification littérale du terme : attribuer en retour.

La rétribution doit être par conséquent, fonction de la gravité des faits, de l'importance des valeurs fondamentales qui ont été niées, violées, écartées, rejetées.

-La fonction socio-pédagogique : Par fonction socio-pédagogique105(*) ou fonction expressive106(*) de la peine, on peut entendre le fait qu'elle exprime symboliquement envers la société l'attachement témoigné à l'égard de certaines normes, à l'égard des comportements qui s'y conforment et à l'égard des valeurs qu'elles consacrent. En ce sens, comme l'a suggéré Durkheim, la sanction n'est pas tant dirigée à l'encontre des délinquants qu'à l'égard des honnêtes gens, c'est-à-dire ceux qui adhèrent aux normes en question et se voient confortés dans leurs convictions.

On remarquera que cette fonction recoupe partiellement la fonction de réparation symbolique de la peine, dans la mesure où, en raffermissant la norme juridique au moment où elle a été transgressée, la peine contribue, en ce sens spécifique, à réparer le dommage social qui en résulte. Enfin, cette fonction n'est pas étrangère à l'idée de prévention, comme le suggèrent ceux qui la qualifient expressément de «prévention générale positive » ou de « prévention-intégration107(*)».

En définitive, on constate que, dans une société de plus en plus complexe où l'on tente de faire régner la paix grâce à la morale et aux lois, les sanctions sont là pour prévenir ou punir le réfractaire. Les hors la loi encourent des peines pénales plus ou moins sévères en fonction de leurs infractions. Dans le domaine juridique, aussi diversifiées qu'elles soient, ces sanctions dissuasives sont établies dans le but de faire respecter la loi afin de permettre la vie en société. Toutefois, il existe des alternatives à la coercition, à l'emprisonnement qu'on peut qualifier d'extinction de la peine. La plus controversée est l'amnistie.

Paragr.2 : L'amnistie : une alternative discutable

Il est très rare d'exclure complètement toute forme de justice punitive d'un système judiciaire post-conflictuel. Toutefois, si la justice « punitive » semble une solution trop dangereuse ou difficile, différentes alternatives sont valables. L'une d'entre elles, qualifiée de « thème le plus émotionnel de la justice transitionnelle »par le professeur Safjan108(*), est l'amnistie

La première amnistie, celle de Thrasybule, remonte à l'an 403 avant Jésus-Christ. Cet homme, rentré d'exil pour chasser les trente tyrans d'Athènes et rétablir la démocratie dans sa cité, proposa à l'assemblée des citoyens de voter une loi pour consacrer l'oubli des divisions antérieures. La loi de Thrasybule donne à la notion d'amnistie son caractère d'oubli volontaire puisqu'institué. Ainsi appréhendée, cette loi est, a priori, conforme à l'étymologie même du terme amnistie109(*)

Pour Stéphane Gacon, « l'amnistie est un processus juridique surprenant par l'effet radical qu'il impose : on oublie tout, rien ne s'est passé110(*)». Par l'effet de l'amnistie, l'événement, réputé comme n'ayant jamais eu lieu, emporte effacement de l'infraction, arrêt des poursuites et extinction de la peine quelle que soit la gravité des faits reprochés à leurs auteurs. Elle est aussi définie comme «un octroi d'immunité ou de pardon en vertu de la loi applicable qui est accordé par un Etat à une catégorie désignée de personnes pour une catégorie d'infractions111(*)».

Autrement, elle consiste pour un État à accorder l'immunité contre les poursuites et les condamnations à un ensemble donné de personnes ou pour une catégorie donnée de crimes. Elle est à la fois pré-jugement pour protéger les bénéficiaires du processus des conséquences d'un jugement légal et post jugement pour mettre fin aux conséquences d'un jugement légal112(*).

Généralement, les amnisties sont présentées comme des mesures exceptionnelles destinées à répondre à un événement ou à une période extraordinaire et tendent à être justifiées par le rôle qui leur est attribué dans la réconciliation.

Les amnisties constituent une question clé de la justice transitionnelle. Quand les amnisties sont décrétées de bonne foi et ne sont pas des « amnisties générales » accordant l'immunité à tous les criminels pour tous les crimes, elles peuvent jouer un rôle important pour la construction et la stabilisation de la paix (A). Mais quand elles sont appliquées pour des motifs politiques et ne sont pas strictement mises au service de la paix, de la stabilité, de l'État de droit, elles peuvent être considérées comme inacceptables en droit international et avoir des conséquences indésirables (B).

A/ Amnistie comme pardon

L'amnistie en tant que mécanisme juridique ad hoc a pour fonction première de mettre un terme à la perspective et/ou aux conséquences d'une procédure judiciaire à l'encontre d'une catégorie désignée de personnes pour une catégorie désignée d'infractions. Elle adopte diverses formes. La forme particulière qu'elle revêt dépend à la fois de la manière dont elle est décidée et de l'éventail de criminels et de crimes qu'elle indemnise. Ainsi, avons-nous l'amnistie réelle qui correspond le plus souvent à celle qui est accordée en considération de la nature de l'infraction commise et l'amnistie personnelle qui elle est accordée en considération de la personne de l'auteur de l'infraction. Par exemple, des amnisties ont pu être accordées à certains coupables de violation des droits de l'homme.

Si depuis la Seconde Guerre mondiale, les horribles violations des droits de l'homme ont fait de la lutte contre l'impunité une préoccupation universelle, les autorités choisissent pourtant d'accorder l'amnistie à des individus responsables d'effroyables violations. Elles estiment souvent qu'un tel procédé est l'unique moyen d'empêcher une résurgence du conflit et d'aider leur société à opérer une transition stable du conflit à la paix. L'octroi d'amnisties à certaines personnes coupables de violations graves des droits de l'homme, est donc parfois perçu comme la seule et unique alternative à la reprise d'un conflit.

A l'origine, elle a été conçue comme une mesure de clémence113(*). L'objectif était d'encourager un geste de réconciliation qui contribue à rétablir le cours normal de la vie dans un peuple qui a été divisé par un conflit. En effet, l'amnistie est une démarche qu'envisagent souvent les pays ayant souffert de longues périodes de troubles et se trouvant confrontés à la problématique de la gestion du passé. Dans leur quête de paix et de réconciliation nationale, ces pays en transition doivent se soumettre à des compromis douloureux, dont une forme de justice de transition prévoyant l'amnistie. Ce compromis est d'autant plus nécessaire que l'issue du conflit ne dégage ni vainqueur ni vaincu et passe par des négociations.

Dans ce type de situation, un arrangement est obtenu entre les deux parties sous forme d'un deal troquant les «poursuites judiciaires» pour le «partage du pouvoir» et la «justice» pour la «paix»114(*). Tel a été le cas au Mozambique où le Parlement mozambicain a adopté une amnistie générale pour les «crimes contre l'État» 10 jours après la signature de l'accord de paix de 1992 qui a mis fin à 16 années de conflit armé. La «réconciliation» a été placée au centre de la transition vers un nouvel ordre politique et peu de place a été donnée à la recherche des responsabilités criminelles115(*).

Les personnes bénéficiant d'une loi d'amnistie ne pourront ni être poursuivies, ni condamnées pour les faits qui leur sont reprochés116(*) car les amnisties peuvent aider la société à tourner la page, elles rapprochent les individus et constituent la seule voie possible lorsque l'appareil judiciaire est dans l'incapacité de juger des exactions trop nombreuses117(*).

L'amnistie était donc une mesure de conciliation sociale. On aboutit par là même à cette définition singulière et grandiose de l'amnistie, proposée par Desmond Tutu : « Freedom was granted in exchange of truth (la liberté en échange de la vérité) 118(*)»

Les amnisties, pour certains, restent autorisées et, dans certains cas, souhaitables. Cependant, les seules catégories de crimes pouvant être visés par les amnisties sont celles qui sont constitutives de crimes nationaux, tels que ceux qui sont directement liés au fait de « rébellion », comme la trahison, la sédition, ou le fait d'être membre d'une organisation illégale119(*).

L'amnistie est par ailleurs une mesure d'apaisement adoptée au terme de conflits armés, souvent dans les cas où il n'y a pas de victoire nette et où un accord de paix est négocié entre les belligérants. Certaines expériences internationales montrent même que l'amnistie a été utilisée sous des formes variées. Elle a notamment été décrétée par un régime parfois légitime comme en Afrique du Sud, et parfois illégitime comme au Chili. Dans certains cas, elle a précédé la constitution d'une commission vérité (Chili), dans d'autres elle l'a accompagnée (Afrique du Sud), dans d'autres encore l'amnistie n'a été envisagée que bien après la constitution d'une telle commission (Salvador).

Enfin, l'amnistie a été dans la plupart des cas généraux, à quelques rares exceptions comme en Afrique du Sud120(*) où l'amnistie accordée a été conditionnelle et limitée. On a pu alors assimiler l'amnistie à un pardon général engageant l'ensemble de la société et cela peut, dans certains cas, faire avancer la cause de la réconciliation finale.

Cependant, ces dernières années, le débat sur les droits de l'homme a eu tendance à écarter la possibilité d'amnisties en tant que moyens de règlement politique et à mettre plus l'accent sur la recherche des responsabilités pour les exactions commises. Les lois d'amnisties sont de plus en plus remises en cause, ce qui conduit progressivement à leur suspension, voire à leur abolition, c'est-à-dire l'annulation des effets de leur application antérieure.

B/ Amnistie comme impunité

Une réconciliation peut être gravement mise en cause si le cercle vicieux de l'impunité n'est pas brisé. L'immunité, on le sait, est une variante de l'impunité. Elle est basée sur la pratique internationale assurant une protection, notamment aux chefs d'Etat, contre les poursuites. Dans certains cas, l'instauration de la paix est en fait facilitée lorsque les chefs de mouvements rebelles obtiennent, par le biais de la législation nationale, une immunité provisionnelle et limitée. Les sources les plus courantes d'impunité sont les lois d'amnistie. Ces lois peuvent concerner des personnes particulières ou toute personne ayant commis des crimes dans une période bien déterminée, notamment dans le cas d'une guerre ou d'une dictature.

Mais ce n'est pas tellement l'amnistie en tant que telle qui est mise en cause, mais plutôt la manière et les raisons pour lesquelles elle est utilisée.

En effet, le choix entre amnistie et poursuites pose très souvent un dilemme pour les pays qui veulent sortir d'un conflit par la voie des négociations : d'une part, seule une amnistie peut parfois convaincre les combattants à déposer les armes et donc à établir la paix ; d'autre part, laisser les crimes les plus graves impunis peut donner lieu à des actes de vengeance et donc à une recrudescence du conflit, même par-delà des générations.

En plus, l'amnistie ne tient compte que des combattants et de leurs voeux, tandis que les intérêts des victimes (connaître la vérité, retrouver leur dignité, recevoir une réparation, obtenir une reconnaissance de leur souffrance et une prise de responsabilité de la part des auteurs des crimes) sont mis de côté.

Ainsi, en ôtant par exemple aux crimes internationaux leur caractère délictueux par l'effet de l'amnistie, l'action pénale qui devait servir à traduire en justice les tortionnaires et les assassins s'en trouve éteinte. Cette mesure, en considérant les faits incriminés comme des faits licites, ruine totalement la probabilité de leur sanction en les soustrayant du domaine d'exercice de l'action pénale, laquelle aurait pu aboutir à une condamnation des coupables. Or, c'est l'illicéité des comportements criminels qui justifie qu'ils puissent être poursuivis et réprimés. Aussi, l'amnistie ne devrait-elle pas légaliser le crime commis pour ne pas saper l'ordre légal [pré]établi. En cela, son application ne devrait pas s'effectuer au détriment des autres lois.

D'ailleurs, certaines conventions internationales, dont les quatre Conventions de Genève de 1949, obligent les Etats à poursuivre et punir les auteurs des crimes concernés par ces conventions, notamment les crimes de guerre. Accorder une amnistie pour ce genre de crimes serait donc en contradiction avec les obligations de l'Etat et le droit coutumier international qui est en train de s'installer sur cette question121(*).

Kofi Annan, ancien Secrétaire Général de l'ONU, dans son rapport sur la justice dans les pays post-conflit122(*), confirme cette évolution de l'impunité et de l'amnistie vers le respect pour l'Etat de droit et la justice, et recommande que lors des négociations de paix aucune amnistie ne soit accordée pour les crimes mentionnés et qu'une amnistie ne puisse pas empêcher des poursuites devant une Cour créée ou assistée par les Nations Unies. La loi d'amnistie n'exclut donc pas que les auteurs des crimes internationaux puissent être poursuivis devant la justice internationale.

De même, le CIJT estime que les amnisties sont considérées comme indésirables, car elles portent atteinte au droit des victimes à réparation, déstabilisent l'Etat de droit en permettant aux auteurs d'atteintes aux droits de l'homme d'échapper à leurs responsabilités, et amoindrissent la dissuasion en donnant l'impression que des crimes graves peuvent être commis en toute impunité.

A contrario, par la condamnation, l'auteur et ses actes ont parfois été stigmatisés de façon suffisante à satisfaire les attentes tant du corps social que des victimes elles-mêmes. Ce qui importe le plus alors, c'est que le droit soit dit et que l'ordre des valeurs soit restauré en clarifiant que le bourreau est un criminel, alors que celui ou celle qui a subi les sévices est une victime. Les mesures d'amnistie favorisent donc l'impunité, promeuvent un esprit de représailles et mettent en cause la primauté du droit.

Enfin, l'amnistie peut tout aussi facilement devenir un obstacle à des éléments essentiels de la réconciliation, tels que la recherche de la vérité et l'évaluation des dommages123(*). Particulièrement contestables, lorsque de graves sévices ont été infligés à certains groupes de la société, sont les amnisties totales/générales et inconditionnelles «qui compromettent toute possibilité de faire apparaître la vérité et de rendre justice, sans parler de l'octroi du pardon124(*)». Les amnisties générales ruinent donc l'espoir d'une véritable réconciliation sociale.

Au total, la lutte contre l'impunité est l'une des grandes ambitions politiques et humanitaires du millénaire en cours. Si cette lutte revêt par excellence une dimension politique, elle comporte également des dimensions morale et juridique. A cet égard, William Bourdon pense que « l'essence même des crimes de nature internationale qui sont dans bien des cas des crimes imprescriptibles, c'est précisément de générer une souffrance imprescriptible et par conséquent un besoin de justice qui ne tarit jamais et qui, à un moment ou un autre, resurgit nécessairement (...)125(*)».

Il importe cependant de faire remarquer que la montée globale d'un refus de l'impunité n'a pas été inventée par le XXIème siècle. Mais il en a porté la réalisation et la connaissance populaire à des niveaux sans précédent. Il reste probable que c'est dans ce siècle que la justice pénale internationale va connaître son âge d'or et son épanouissement. Les critiques dont elle fait l'objet, loin de la faire disparaître, risquent de renforcer ses assises au point de la rendre irréversible dans les esprits qui ne cessent de la percevoir comme une exception, une hérésie. Dès lors, la fermeté de la justice pénale a fait naître diverses formes de juridictions qui tentent de trouver des solutions à la répression des infractions.

Section 2 : La diversité des juridictions pénales

La répression des infractions est assurée d'une part par les juridictions de droit interne et d'autre part par les juridictions de droit international. En effet, il existe une articulation entre les deux ordres de juridiction : il s'agit du principe des compétences concurrentes. A cet effet, Juan Méndez126(*) affirme : «Bien que les poursuites pénales ne doivent pas être la seule réponse à l'impunité, elles jouent sans aucun doute un rôle central et indispensable dans toute politique de recherche des responsabilités.

Dans le même temps, nous insistons sur le fait que les poursuites nationales sont constitutives pour un Etat de son obligation fondamentale de donner aux victimes un accès à la justice. D'une part, la communauté internationale doit être plus attentive à la nécessité d'aider les États à satisfaire cette obligation en construisant des systèmes judiciaires indépendants et impartiaux capables de poursuivre les crimes de masse dans le plein respect de la loi et des garanties d'un procès équitable. D'autre part, notre soutien à la CPI et aux autres expériences de justice pénale internationale doit reposer sur la nécessité de suppléer à l'absence de volonté ou de capacité de poursuivre localement, mais aussi de faire émerger cette capacité dans un futur proche127(*)»

C'est dire que le développement du droit pénal international et l'attachement de la communauté des Etats à l'effectivité d'une justice internationale pour connaître des crimes de même nature (Paragr.1), n'ont pas fait perdre de vue le rôle que peut jouer les juridictions nationales dans la répression des crimes internationaux (Paragr.2).

Paragr.1 : Les juridictions pénales internationales

Pour parvenir à la répression, deux principes vont guider la démarche : il s'agit de « la lutte contre l'impunité » et « l'imprescriptibilité des crimes graves ». En effet, le refus quasi idéologique de toute forme d'impunité, encadré par le régime juridique révolutionnaire de l'imprescriptibilité, dans la perspective de la poursuite pénale, justifie très souvent la rigueur des principes. De ce fait, la justice pénale internationale a été déterminante dans la répression des infractions128(*), non en termes de nombre de personnes poursuivies, mais dans la symbolique de la lutte contre l'impunité avec le développement de la responsabilité pénale individuelle pour crime de nature internationale. La création des tribunaux et cours internationaux est donc l'expression de cette volonté de remise en cause devant laquelle la forteresse de la souveraineté ne va plus résister à l'activisme du CS qui a toujours fondé ses actions sur l'esprit retrouvé de Nuremberg avec pour base légale le chapitre VII de la charte des Nations Unies129(*).

L'effort qui a permis d'aboutir à la création des tribunaux spécifiques (A) va influer sur la réalisation d'un progrès décisif dans l'aventure pour la lutte contre l'impunité. Le Professeur Philippe Weckel va présenter ce progrès comme « un vieil espoir qui appartenait au domaine de l'utopie (et qui) se concrétise, porté paradoxalement par le réalisme »130(*) Il s'agit de la CPI dont il importe d'évoquer le rôle dans le cadre général de la justice transitionnelle (B).

A/ Les tribunaux pénaux pour le Rwanda (TPIR) et la Sierra

Léone(TSSL).

Face au génocide perpétré au Rwanda et à la guerre civile qui a ravagé la Sierra Léone, il a été créé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et le Tribunal Spécial pour la Sierra-Léone (TSSL). Ces deux tribunaux ont été institués pour juger les « personnes présumées responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes sur le territoire d'Etat voisin entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 »131(*) et « les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde de violations graves du droit international humanitaire et du droit sierra léonais commis sur le territoire de la Sierra Léone depuis le 30 novembre 1996...»132(*)

D'autant plus qu'ils ne répondent pas aux mêmes réalités, ces deux tribunaux présentent des caractéristiques distinctes liées non seulement à leur création, mais aussi au fondement légal, à la composition, et au mode de financement.

Les partisans des tribunaux estiment que la sanction pénale est indispensable pour punir les auteurs de crimes de masse. Sans châtiment pénal, il est impossible, affirment-ils, de construire un véritable Etat de droit, de développer une culture des droits de l'homme et, surtout, d'oeuvrer en faveur de la réconciliation. Briser la soif de revanche et le cycle de la violence implique un châtiment, même si celui-ci ne peut être à la hauteur des crimes perpétrés. C'est dans cette perspective qu'en vertu du chapitre VII de la charte le CS de l'ONU, lorsqu'il adopte à l'automne 1994 la résolution 955 du 8 novembre 1994 qui fonde le TPIR, fixe explicitement comme objectif à cette nouvelle institution, « la réconciliation133(*)».

La résolution ordonne au tribunal de sanctionner les principaux auteurs du génocide ainsi que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis en représailles par l'armée populaire rwandaise.

Composé de juges de nationalités différentes nommés par l'ONU, le TPIR «a la primauté sur les juridictions nationales de tous les Etats»134(*).

Le TSSL, quant à lui, est né d'un accord signé le 16 janvier 2002 entre les Nations Unies et le gouvernement, à la requête du président Ahmed Tejan KABBAH, entérinée le 14 août 2000 par la résolution 1315 donnant mandat au Secrétaire Général de négocier avec la Sierra Léone.

Ce tribunal peut juger de crimes contre l'humanité135(*) (tels que les meurtres, emprisonnements, tortures, viols et autres faits), de crimes de guerre136(*) et d'autres atteintes graves au droit international humanitaire - mais pas de génocide. Il peut aussi poursuivre des responsables pour certains crimes relevant des lois sierra léonaises, comme les sévices sur les jeunes filles, l'enrôlement d'enfants soldats, et la destruction délibérée de propriété. Le TSSL «a la primauté sur les juridictions sierra léonaises137(*)». Il est composé en partie de juges sierra léonais et de juges de différentes nationalités nommés par le gouvernement de la Sierra Léone et le Secrétaire Général de l'ONU138(*).

Le caractère internationalisé du TSSL justifie son mode de financement fixé sur une base volontaire, contrairement au TPIR qui bénéficie d'un budget alloué par les NU. Ainsi, jusqu'en fin 2007, le TPIR aurait coûté plus d'un milliard de dollars, selon l'Agence Hirondelle139(*).

En outre, l'un des avantages de ce tribunal mixte est qu'il coûte moins chers que les tribunaux purement internationaux. Le budget du TSSL représente ainsi seulement 25 % du budget annuel du TPIY.

Un autre avantage des tribunaux mixtes est qu'ils sont généralement situés dans le pays concerné, ce qui signifie qu'ils emploient plus de personnel local et qu'ils peuvent contribuer à renforcer les capacités des systèmes judiciaires locaux.

En définitive, ces tribunaux ont représenté un moyen non négligeable pour la communauté internationale de montrer son attachement à poursuivre les responsables d'atteintes aux droits de l'homme et son soutien au développement de la justice pénale internationale.

Mais contrairement aux deux tribunaux créés sous l'instigation des Nations Unies, la CPI est une émanation de la volonté des Etats. Elle est sollicitée par la justice transitionnelle en raison des possibilités offertes par certaines dispositions de son statut.

B/ La CPI

Le premier tribunal permanent et indépendant chargé de juger des crimes de guerre a été institué par un traité multilatéral, le Statut de Rome, adopté en 1998 par 139 pays et est entré en vigueur le 1er juillet 2002.

Le Statut de Rome est ratifié au 17 octobre 2007 par 150 Etats parties dont 29 pays africains parmi lesquels la Sierra Léone, le Burundi et la RDC.140(*) Indépendante des Nations Unies à la différence des tribunaux ad hoc, la CPI est une juridiction permanente à vocation universelle compétente à l'égard des crimes comme le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression commis par les individus ressortissants d'un Etat partie ou sur le territoire d'un Etat partie.

Quand un Etat devient « partie » au Statut de Rome, il s'engage à criminaliser et poursuivre les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide. Sa législation doit également intégrer des dispositions facilitant la coopération de son gouvernement avec la CPI.

Les questions de justice transitionnelle peuvent se rattacher à plusieurs dispositions du statut de Rome. La première est l'article 17, relatif à la recevabilité et à la complémentarité. En effet, cet article a sans doute été la clef de l'adoption du Statut par la majorité des Etats en acceptant, à l'inverse des tribunaux pénaux ad hoc, la complémentarité de la compétence de la Cour par rapport à celle des juridictions nationales : ce n'est que dans le cas de leur défaillance à engager des poursuites crédibles que la Cour peut justifier sa saisine141(*). Autrement dit, elle prévoit qu'une affaire est admissible devant la CPI si un Etat est dans l'incapacité ou ne manifeste pas la volonté d'enquêter ou de poursuivre et fournit légalement les facteurs qui déterminent à la fois le manque de volonté et de capacité de l'Etat.

Ce principe est à l'opposé de celui qui gouverne le fonctionnement du TPIR et du TSSL. Ces tribunaux ont en effet la primauté sur les juridictions nationales. La Cour n'a donc pas vocation à se substituer aux juridictions nationales. Néanmoins, elle s'arroge le droit de critiquer le fonctionnement de l'appareil judiciaire d'un Etat ou de juger de la bonne foi de l'Etat à travers ses responsables, quant à leur réelle volonté à poursuivre pour les crimes visés à l'article 5 du statut.

C'est le sens de l'article 20 qui défend le principe « non bis in idem » et qui fournit par la même occasion une exception dans les conditions précises. Il est en effet autorisé à la Cour de connaitre des affaires déjà jugées au niveau national lorsque les procès étaient des impostures, c'est-à-dire avaient « pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour » ou n'ont pas été « au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d'un procès équitable prévues par le droit international, mais d'une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice » 142(*).

La dernière disposition est l'article 53. Elle donne au procureur la discrétion d'initier des poursuites, lorsqu'une affaire est recevable au regard de l'article 17 et servirait les intérêts de la justice. En effet, déterminer si une enquête sert ou non les intérêts de la justice, compte tenu des intérêts des victimes et/ou de la gravité des crimes, de l'âge ou de l'infirmité éventuelle du ou des responsable(s) présumés, et de l'importance du rôle joué par le ou les suspect(s) dans le crime présumé, conduit le procureur à faire un choix entre la nécessité d'ouvrir une enquête et celle de ne pas compromettre les chances d'un accord de paix.

Ainsi, le procureur se trouve en position d'arbitre entre l'impératif de paix et la nécessité de poursuite. Des situations peuvent être déférées au procureur par un Etat partie ou par le CS. Aussi, le Conseil a-t-il le pouvoir de demander le report d'une enquête ou de poursuites pour une période allant jusqu'à 12 mois et cette période peut être renouvelée dans les mêmes conditions.

De plus, il est à noter qu'à la différence des tribunaux internationaux ad hoc, la CPI n'est pas limitée géographiquement, mais elle ne peut juger que des crimes commis après son entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, par des individus âgés de 18 ans ou plus à l'époque des faits. Les procès devant la CPI sont sensiblement différents de ceux des autres tribunaux du fait que les victimes auront le droit d'y participer directement, et peuvent aussi réclamer des réparations.

Même si la CPI n'a pas compétence pour connaître des violations en Sierra Léone et au Rwanda143(*), elle a joué un rôle en RDC144(*) et au Burundi du fait de la guerre civile, en suppléant les juridictions pénales nationales.145(*)

Paragr.2 : Les juridictions pénales nationales

Avant l'émergence des tribunaux internationaux ad hoc (TPIR, TPIY) dans les

années 1990, de nombreux procès pour atteintes aux droits de l'homme se sont tenus devant des juridictions nationales. Après le retour à la démocratie en Grèce dans les années 1970 et en Argentine dans les années 1980, d'importantes personnalités y ont été jugées, notamment pour crimes contre l'humanité.

Ainsi, en vertu du droit international, tous les Etats ont l'obligation d'enquêter sur les violations graves des droits de l'homme, de prendre des sanctions contre leurs auteurs.

En matière de justice transitionnelle, les procès nationaux ont l'avantage de renforcer les capacités techniques des juridictions locales. Ces procès s'inscrivent soit dans le cadre de juridictions classiques (A), soit dans le cadre de juridictions traditionnelles (B).

A/ Les juridictions classiques

Il est universellement reconnu qu'un Etat puisse exercer sa juridiction sur son propre territoire en réprimant par exemple les crimes qui y sont commis. En droit pénal, une compétence extraterritoriale est reconnue à l'Etat en vertu du principe de la compétence personnelle active liée à la nationalité de l'auteur, de la compétence personnelle passive, lié à la nationalité de la victime et de la compétence universelle fondée sur la gravité du crime commis.

Ces différentes compétences peuvent être exercées soit par les juridictions de l'Etat concerné par la justice transitionnelle, soit par les juridictions d'un Etat tiers.

Les poursuites à l'étranger, en application du principe de la compétence universelle, ont marqué l'histoire de la justice transitionnelle. La compétence universelle est un principe de droit international qui se définit comme la compétence exercée par un Etat qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes146(*). Autrement, c'est un principe en vertu duquel un Etat peut exercer sa juridiction sur des crimes internationaux, même s'ils ont été commis hors de son territoire et par des non-nationaux.

Des associations de défense des droits de l'homme ont milité avec acharnement pour ce principe destiné à mettre fin à l'impunité des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

Un jalon important a été posé avec l'affaire de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, soupçonné d'avoir commis des meurtres, tortures et fait disparaître de nombreuses personnes entre 1973 et 1990. En octobre 1998, il a été arrêté à Londres, sur la base d'une demande d'extradition espagnole l'accusant de meurtres et de tortures de citoyens espagnols. Pinochet a été placé en résidence surveillée en Grande-Bretagne pendant 17 mois. En mars 1999, la plus haute cour britannique- a Chambre des Lords- a décidé qu'en tant qu'ancien chef de l'Etat il ne bénéficiait pas de l'immunité pour les accusations de torture et qu'il pouvait être extradé en vertu de la Convention sur la torture du 26 juin 1987.

Même si Pinochet a été finalement libéré pour raison de santé et n'a jamais été jugé147(*), cette affaire est considérée comme un jalon important dans l'histoire des poursuites d'anciens chefs d'Etats.

Par ailleurs,, la Belgique, en vertu de sa loi dite de compétence universelle, a joué un rôle moteur dans les procès extraterritoriaux. Cette loi belge très attendue de 1993 sur la compétence universelle a permis à des victimes de porter plainte en Belgique pour des atrocités commises à l'étranger même si l'auteur présumé n'était ni Belge ni présent en Belgique.

Le principe de la compétence universelle a également marqué l'histoire de la justice transitionnelle en Afrique notamment au sujet du génocide rwandais de 1994 avec en occurrence les jugements des « quatre de Butare » en 2001148(*), de Etienne Nzabonimana et Samuel Ndashyikirwa et en 2007 celui du Major des ex-forces armées rwandaises accusé entre autres du meurtre de dix casques bleus et du premier ministre Madame Agathe Uwilingiyimana.

L'application du principe de complémentarité permet aussi de saisir les juridictions nationales. L'exercice de cette compétence suppose de façon globale l'existence de structures judiciaires efficaces ayant survécu aux destructions consécutives au conflit. Par ailleurs, le principe du dessaisissement, qui caractérise les rapports entre les juridictions ad hoc et les juridictions nationales se traduit aujourd'hui par un « dessaisissement vers le bas ». En effet, la nouvelle stratégie est de se focaliser sur « la poursuite des principaux responsables politiques et militaires » et de laisser aux juridictions internes « le soin de juger les exécutants subalternes » naturellement plus nombreux.149(*)

En comparaison des poursuites internationales, les poursuites nationales sont moins coûteuses et plus opérationnelles. Elles permettent d'accéder plus ou moins facilement aux victimes, aux témoins, aux preuves et sont généralement plus assimilables et plus crédibles sur le plan local que ne le seraient les tribunaux étrangers ou internationaux. Elles sont aussi plus susceptibles d'être en phase avec les évolutions sociales et politiques de la transition politique d'un pays donné, ainsi que de renforcer localement les capacités judiciaires.

Toutefois, à un moment donné, elles peuvent ne pas être possibles, car elles requièrent à la fois une volonté politique, des juristes expérimentés, un cadre légal (lois et des procédures pénales) approprié, ainsi que le respect de l'Etat de droit. C'est pourquoi la recherche de l'efficacité ne s'analyse pas uniquement entre les poursuites nationales et les poursuites internationales ou à l'étranger. Elle se joue également au plan national entre les juridictions classiques et les juridictions traditionnelles ou coutumières.

B/ Les juridictions traditionnelles

Au lendemain d'un conflit armé meurtrier, le sentiment largement partagé est que « la justice ne convainc pas150(*) ». Cette situation d'impuissance de la justice étatique a été prise en compte dans certains pays, notamment africains, qui recourent à des solutions alternatives. En effet, le système judiciaire classique n'a pas toujours été à la hauteur du contentieux né des violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Il est à la fois décimé du fait de la guerre et n'offre plus de garantie aussi bien pour les détenus que pour les victimes qui doivent attendre un délai irraisonnable avant d'être fixés sur leur sort.

L'après génocide au Rwanda par exemple a révélé que les institutions chargées de respecter la loi, de rendre et d'appliquer les décisions de justice avaient cessé de fonctionner, que les bâtiments des tribunaux étaient saccagés, et que le pays ne comptait plus qu'une vingtaine de magistrats pour juger plus de cent vingt mille personnes arrêtées et détenues, dans des conditions inacceptables, pour crime de génocide, alors que la capacité des prisons avant les événements n'était que d'environ dix huit mille places. A raison de mille verdicts par an, il faudra alors plus d'un siècle à la justice classique pour vider les prisons et les cachots.151(*)

Pour faire face à ce défi, le Rwanda va adopter en parallèle un système de justice participative qui s'inspire d'un processus traditionnel de résolution des conflits : les juridictions « gacaca152(*)». En son chapitre V consacré au pouvoir judiciaire, la constitution rwandaise de 2003 établit la distinction entre juridictions ordinaires et juridictions spécialisées. Les juridictions « gacaca » et militaires représentent les deux types de juridiction qui relèvent de cette dernière qualification153(*). L'insertion des gacaca dans le système judiciaire permet de percevoir la différence entre la forme traditionnelle des « gacaca », à savoir une assemblée communautaire investie d'une mission d'arbitrage et au fonctionnement librement fixé au niveau local, et le système actuel, véritable juridiction pénale à vocation rétributive dont le fonctionnement et le régime des sanctions sont fixés par une loi organique154(*). Il est important de rappeler qu'à l'origine, les gacaca permettaient de régler des différents de voisinage ou familiaux sur les collines. Elles étaient très éloignées des pratiques judiciaires modernes155(*). Il s'agissait d'une assemblée villageoise présidée par des anciens où chacun pouvait demander la parole.

De nos jours, l'idée fondatrice du système de justice gacaca a été commandée par la surpopulation carcérale observée au Rwanda, au lendemain des massacres et des génocides de 1994. Un tel contexte a clairement mis en évidence l'impuissance des tribunaux ordinaires face à l'immense besoin de justice, dans un Rwanda traumatisé par les évènements d'octobre 1990 à juillet 1994.

En dehors du Rwanda, les chefferies traditionnelles ont joué un rôle important en Sierra Léone. Elles ont été perçues par les populations comme un lien de stabilité identitaire qui a subsisté malgré les difficultés. Elles étaient investies dans la gouvernance, la justice, l'administration et se présentent par ordre hiérarchique. On distingue successivement le paramount chief, le chiefdom speaker, la section chief, le town chief dans les villes ou villages, le quater head dans les villes de taille moyenne, le tribal chief et le familly head. Les chefs traditionnels disposent d'un accès privilégié à l'espace symbolique auquel il est fait référence dans les cérémonies traditionnelles de réconciliation. Le paramount chief est une institution en charge de nombreuses responsabilités qui rendent incontournables sa participation au processus de justice et de réconciliation.156(*) En raison de leur caractère essentiellement traditionnel, la majorité des lois communautaires appliquées ne sont pas écrite et les possibilités de recours en appel sont limitées.

Au Burundi, le « bushingantahe » a été investi pour jouer le même rôle que les « gacaca » au Rwanda et les chefferies traditionnelles en Sierra Léone. C'est un mécanisme juridique d'assise locale qui a longtemps protégé l'harmonie dans la prévention et la gestion des conflits.157(*) Contrairement au Rwanda et à la Sierra Léone où les juridictions traditionnelles ont servi la cause de la justice, la réactualisation du bushingantahe est en butte à des obstacles liés à la désignation de ses animateurs.

Au Cameroun, les chefs bamiléké, quant à eux, pour entretenir des relations de bons voisinages et prévenir les conflits, ont coutume de procéder à des échanges de présents qui revêtent toujours une dimension fastueuse. L'envoi d'ivoire et de peaux de panthère étaient pour les chefs tributaires, signe d'allégeance158(*). Celui qui recevait était tenu, selon la coutume, d'en faire autant. Il se créa ainsi une logique de dons et de contre-dons qui généra une atmosphère de confiance, voire d'amitié apte à favoriser une déflation des tensions intercommunautaires.

Bien qu'ils s'inscrivent dans le cadre de la justice rétributive, les mécanismes coutumiers se placent dans une certaine mesure dans la perspective de la réconciliation. Le caractère participatif, l'impunité qu'ils empêchent et la vérité qu'ils permettent de rétablir concourent à cet objectif.

En définitive, la justice traditionnelle est généralement définie comme étant l'ensemble des mesures d'une part, judiciaires et/ou d'autre part, extrajudiciaires ou spécifiques imaginées par une société ou un pays, en vue de résoudre les questions de graves violations de droits humains commises à un moment déterminé de l'histoire, dans le but d'aboutir à une véritable réconciliation nationale.

Chapitre II : LES MECANISMES SPECIFIQUES

Rechercher la vérité sur les faits de violations participe de l'oeuvre de justice sans laquelle nul ne peut espérer une paix durable au sein de la société. La justice est à la fois l'alliée et l'auxiliaire de la paix qui dépend-elle-même des déterminants historiques de la société. Ainsi, à défaut de faire l'objet d'un regard univoque, ces déterminants ne doivent être édulcorés, au risque de réveiller les tensions qui ne peuvent s'apaiser que sous l'effet d'une vérité qui libère comme une lumière qui éclaire vers l'avenir. Si la justice restauratrice fait partie du processus de justice transitionnelle, c'est parce qu'elle ne dénie pas aux victimes leur droit à la justice. Mieux, elle propose une alternative qui garantit la reconnaissance du crime par le criminel et par l'Etat à travers la recherche de la vérité sur les violations et les réparations versées aux victimes

De ce fait, le cadre de réalisation des mécanismes de justice restauratrice est articulé d'une part autour des commissions vérité et des réformes institutionnelles (Section1) et d'autre part, autour des mécanismes de réparation (Section2).

Section 1 : Les commissions vérités et les réformes institutionnelles

Ces 30 dernières années, des progrès spectaculaires ont été réalisés dans de nombreuses parties du monde pour d'une part, tenter de mettre un terme aux dictatures, aux structures violentes et aux guerres internes, et d'autre part pour mettre en oeuvre les principes de la démocratie, du respect des droits de l'homme et de la prééminence du droit159(*). Même si toute transformation a des caractéristiques propres, les plus grandes difficultés communes aux nouvelles sociétés consistent à composer avec un passé douloureux, à examiner celui-ci et à prendre des sanctions à l'égard des personnages publiques de l'ancien régime, ou encore, à reconstruire l'unité de la nation au lendemain d'une guerre civile.

Il est de plus en plus courant, dans le cas de pays qui sortent d'une guerre civile ou d'un régime autoritaire, de créer une commission de vérité et réconciliation (CVR) appelée à siéger pendant la période post-transitionnelle immédiate. Ces CVR sont devenues presque une panacée dans les situations pour lesquelles la reconnaissance des crimes est primordiale avant le processus de réconciliation. D'un autre côté, les réformes institutionnelles, destinées à prévenir la reproduction des violences, constituent un élément important de la justice transitionnelle. En plus de créer des institutions plus éthiques et plus efficaces, la justice transitionnelle cherche à accroître la confiance dans les institutions publiques, à renforcer l'Etat de droit, à faire disparaître les structures ou les conditions qui ont prévalu à la répression, et à établir les responsabilités de ceux qui n'ont pas été poursuivis en justice. Dans cette optiques sont mises en place des commissions vérité (Paragr.1) et des réformes institutionnelles (Paragr.2) aboutissent à la réconciliation nationale ?

Paragr.1 Les commissions vérité

La notion de commission de vérité est très souvent associée à tort à celle de réconciliation et d'amnistie, suivant le modèle le plus connu de la Commission Vérité et Réconciliation d'Afrique du Sud. Cette commission est pourtant une seule des trente et quelques commissions de vérité qui ont existé à travers le monde depuis 1983 et est la seule commission au monde à avoir adopté une procédure de vérité pour amnistie.

En outre, plus de la moitié des commissions de vérité qui ont vu le jour n'ont pas eu le terme de réconciliation dans leur titre ou leur mandat. Il y a eu par exemple des commissions sur les disparus en Argentine, en Ouganda et au Sri Lanka, des commissions de vérité et de justice en Haïti et en Equateur ou encore une commission d'enquête pour l'évaluation de l'histoire et les conséquences de la dictature en Allemagne160(*)

Bien qu'elles diffèrent d'un pays à un autre(B), les commissions ont en commun des caractères généraux(A).

A/ Les Caractères généraux des commissions vérité

« Les commissions vérité sont un organe officiel et temporaire mis en place pour enquêter sur une période passée d'atteintes aux droits de l'homme et au droit humanitaire. Après avoir recueilli les déclarations de victimes, de témoins et d'autres personnes, une commission vérité publie un rapport final qui est généralement rendu public et qui devient la reconnaissance officielle de ce qui avait souvent été auparavant nié ou mal compris161(*) ».

Ce sont donc des organes temporaires, extrajudiciaires et qui bénéficient d'une indépendance de jure. Elles sont moins destinées à rendre la justice qu'à contribuer à l'établissement de la vérité en décryptant le  "pourquoi" et le "comment" en est-on arrivé là. Elles peuvent faciliter ultérieurement l'oeuvre de justice, mais tel n'est pas leur but principal. Il s'agit plus de faire un rapport pour la mémoire que pour la justice.

Autrement, pour qu'un organe soit appelé commission de vérité, il doit répondre à des caractéristiques très spécifiques qui sont entre autres : être un organe d'enquête approuvé de manière officielle par l'Etat, être autorisé pour une période déterminée, généralement entre un an et demi et deux ans et demi, jouir d'une certaine autonomie par rapport à l'Etat, se concentrer sur les évènements du passé et enquêter sur les atteintes les plus graves aux droits de l'homme ainsi que les plus graves violations du droit international humanitaire, le cas échéant. Cet organe doit en sus enquêter sur des modèles d'abus ou sur des exactions particulières qui ont été commis au cours d'une certaine période et pas uniquement sur un événement particulier, donner la priorité aux besoins des victimes et aux torts qu'elles ont souffert, être établi pour opérer surtout sur le territoire de l'Etat qui l'a approuvé et enfin, finir généralement son travail par la remise d'un rapport final qui contient des conclusions et des recommandations162(*).

Ainsi, les commissions vérité se concentrent sur le passé, sur les violations des droits de l'homme. Dans une condition optimale, elles établissent la vérité sur la nature et l'ampleur des atteintes aux droits de l'homme commises dans le passé. Elles encouragent l'établissement des responsabilités pour les auteurs de crimes en recueillant et en conservant les preuves, en identifiant publiquement les responsables. Les commissions vérité fournissent aussi une tribune publique aux victimes afin qu'elles puissent raconter leurs histoires personnelles directement devant la nation afin de garantir un futur meilleur. Ces actions visent à cultiver la réconciliation et la tolérance au niveau individuel, national et servir de protection contre les récits des événements passés163(*).

Les commissions vérité sont orientées vers les victimes. Elles sont un processus extrajudiciaire qui, selon les contextes, complète ou se substitue à des poursuites pénales.

En ce qui concerne la réconciliation, la Commission ne la réalise pas et ne la décrète pas non plus. Elle se charge simplement de la promouvoir. Les termes « vérité » et « réconciliation » n'ont donc pas la même portée.

La commission de vérité est le mécanisme de justice transitionnelle le plus reconnu et le plus étroitement associé à la justice transitionnelle en théorie comme en pratique. En effet, sur le plan historique, la commission vérité a été inventée pour pallier à l'impossibilité des poursuites pénales massives. Dès lors, elle est perçue comme une alternative définitive aux juridictions pénales compétentes. Ainsi, la justice classique abandonne quelques espaces. Elle prend les couleurs politiques de la transition. Elle bouscule considérablement les fondements de la justice pénale ordinaire. Vu leur succès, ces commissions ont fait l'objet d'une pratique générale au plan international. Elles sont devenues l'une des options classiques dans la palette des alternatives judiciaires de transition. Elles sont comme un moyen terme entre les approches extrêmes en matière de responsabilité pour les atrocités passées et les autres violations des droits de l'homme.

Bien que l'étendue de ce document ne permette pas l'étude de cas, certains exemples de commissions de vérité méritent d'être mentionnés.

B/ Des exemples de commissions vérité en Afrique

- En Sierra Léone, la commission sierra léonaise faisait partie de l'accord de Lomé de 1999, signé entre le gouvernement et les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF), qui a mis fin a près d'une décennie de guerre civile164(*).

Le mandat de la commission était de produire un rapport historique et impartial sur les atteintes aux droits de l'homme et au droit humanitaire en relation avec la guerre civile, depuis le début du conflit en 1991 jusqu'aux accords de Lomé ; de traiter la question de l'impunité; de répondre aux besoins des victimes ; de promouvoir le rétablissement des personnes traumatisées et la réconciliation; de prévenir la reproduction des violences et des exactions165(*).

- En RDC, la commission a été instituée par l'Accord global et inclusif, comme l'une des institutions d'appui à la démocratie. Selon les termes de la loi n° 04/018/ du 30 juillet 2004 qui régit son fonctionnement et son organisation, elle a pour mission de rétablir la vérité et de promouvoir la paix, la justice, la réparation, le pardon et la réconciliation, en vue de consolider l'unité nationale de la période du 30 juin 1960 jusqu'à la fin de la transition.166(*). Toutefois, cette commission fut très critiquée tant nationalement que par la communauté internationale, du fait, entre autres, d'un manque de diversité dans la composition des membres et/ou parce que leur mise en place s'est faite sans consultation de la société civile167(*).

Au Ghana, la commission nationale de réconciliation du Ghana (Ghana National Reconciliation Commission, NRC) est créée en 2002, avec pour mandat de dresser un compte-rendu complet et juste de violation des droits de l'homme survenue au Ghana depuis l'indépendance du pays. Le mandat de la commission consistait à recueillir les témoignages des victimes et des auteurs de crimes, organiser des audiences publiques et enquêter sur les conditions qui ont permis, ou conduit, à des violations de droits de l'homme pendant la période couverte par le mandat de la NRC. A l'issue de ses travaux, la commission devait présenter des propositions suggérant d'accorder des réparations appropriées aux victimes, en plus de recommander une réforme institutionnelle devant prémunir le pays contre l'éventuelle répétition de violation de ce type168(*).

- La Commission vérité et réconciliation du Libéria (CVR) est née de l'Accord global de paix signé à Accra, au Ghana, en août 2003 après plus d'une décennie d'une guerre civile. Cet accord et le départ en exil de l'ancien président, Charles Taylor, a finalement mis fin à 14 ans de conflit. Après deux années d'un gouvernement de transition, les élections présidentielles de novembre 2005 ont consacré la victoire d'une économiste, ancienne fonctionnaire de la Banque mondiale, Ellen Johnson-Sirleaf, qui a inauguré la CVR lors d'une cérémonie publique organisée à Monrovia en février 2006. La commission a achevé fin 2006 sa phase de collecte des déclarations et a débuté ses audiences publiques en janvier 2008.

La CVR pour le Libéria existe légalement depuis juin 2005. Elle est chargée d'enquêter sur les atteintes graves aux droits de l'homme et au droit international humanitaire, ainsi que sur d'autres abus incluant les crimes économiques, sur une période allant de janvier 1979 au 14 octobre 2003169(*).

La CVR a en outre le pouvoir de « recommander l'amnistie selon les termes et les conditions établies par elle sur requête d'individus qui auraient fait toute la lumière sur leurs méfaits et exprimé des remords sur leurs actes et/ou omissions [...] sachant que l'amnistie ou la disculpation ne s'appliquera pas aux atteintes au droit international humanitaire ni aux crimes contre l'humanité, en conformité avec les standards juridiques internationaux170(*)».

La Commission vérité et réconciliation d'Afrique du Sud (CVR) a été le fruit des négociations entre le parti au pouvoir majoritairement blanc, le Parti national, et le Congrès National Africain171(*) (ANC) qui ont mis fin à quatre décennies d'apartheid en 1994, avec l'élection de Nelson Mandela à la présidence de l'Afrique du Sud.

La CVR a été établie en 1995 par la loi sur la Promotion de l'unité nationale et de la réconciliation. Elle était chargée d'établir une description aussi complète que possible des atteintes graves aux droits de l'homme commises de tous les côtés entre 1960 et 1994. Elle avait le pouvoir d'amnistier les auteurs désireux de confesser et de décrire en détail leurs crimes, à condition que ces individus démontrent qu'ils avaient commis ces crimes pour des motifs politiques et non personnels. La loi demandait aussi à la CVR de compiler le résultat de ces recherches dans un rapport et de faire des recommandations pour prévenir de futures atteintes aux droits de l'homme.

L'offre d'amnistie contre la vérité fut l'aspect le plus controversé du mandat de la CVR et l'impunité reste une inquiétude en Afrique du Sud, à cause du faible nombre de poursuites de personnes impliquées dans ces crimes durant la dernière décennie.

La commission était présidée par l'archevêque Desmond Tutu et co-présidée par le fondateur du CIJT Alex Boraine. Les audiences se sont ouvertes en 1996 et en octobre 1998, la commission a publié et présenté un rapport en cinq volumes, qui comprenait des recommandations sur les mesures de réparations à offrir aux victimes172(*).

Son rapport final a été publié en 2003 et à la fin de cette année-là, le gouvernement a dispensé une compensation financière modeste aux victimes identifiées par la CVR.

- Le Nigéria possède aussi ses propres antécédents en matière de justice transitionnelle. Il y eut une commission sur les droits de l'homme, instaurée sous le régime du chef militaire Sani Abacha. Puis, en 1999, sous le président Obassanjo, on a eu la Human Rights Violation Investigations Commission, communément appelée le Panel Oputa. Cette commission a suscité un immense intérêt auprès des citoyens qui s'explique par la diffusion quotidienne et en directe des audiences publiques à la télévision nigériane. Cependant, à son grand désarroi, la commission n'a pas été en mesure d'interroger trois des anciens chefs d'Etat, dont deux avaient obtenu une injonction judiciaire leur évitant d'avoir à respecter la citation à comparaître.

En outre, le rapport de la commission, soumis au président en 2002, n'a jamais été officiellement publié. Or en 2005, après avoir insisté pendant 2 ans et demi pour que le rapport soit enfin rendu public, plusieurs organisations de la société civile ont décidé de façon indépendante de rendre son contenu accessible.

- Au Burundi, la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation (CNVR) a été instituée par l'Accord d'Arusha pour qualifier les crimes, établir les responsabilités et identifier les coupables et les victimes. La loi n°1/018 du 27 décembre 2004 portant mission, composition, organisation et fonctionnement a été promulguée à cet effet. L'action de la CNVR devra couvrir la période du 1er juillet 1962 au 28 août 2000.

Par ailleurs, il existe un nombre d'enquêtes officielles ou semi officielles portant sur les violations des droits de l'homme commises dans le passé et qui possèdent les mêmes caractéristiques que les commissions mais se distinguent par le fait qu'elles sont plus limitées dans leur portée et leur autorité. Ces enquêtes peuvent être commanditées par les organisations internationales, à l'échelle régionale ou intercontinentale. On peut citer à juste titre le Rapport Degni Ségui sur le génocide rwandais173(*).

Paragr.2 : les réformes institutionnelles

Les conflits ont des conséquences souvent désastreuses sur les institutions étatiques qui s'écroulent. Les régimes dictatoriaux utilisent généralement, quant à eux, les institutions du pays et particulièrement celles du système de sécurité, pour commettre des abus. Il en ressort qu'à la sortie d'une guerre ou d'une période de tyrannie, un pays doit généralement envisager de réformer ses institutions afin de garantir la non répétition des abus. L'éventail des réformes institutionnelles envisageables est très large et s'adapte au contexte spécifique du pays. Parmi les réformes les plus courantes, on trouve la révocation des services publics de personnes ayant commis des abus, la création de nouvelles institutions pour protéger les droits de l'homme, la mise en place de formations en droits de l'homme, ou l'introduction d'amendements juridiques et constitutionnels pour améliorer la manière de gouverner et mieux protéger les droits de l'homme. Dans cette partie, on se concentrera sur deux procédures propres à la réforme du système de sécurité174(*): le recensement et l'identification (A), et le vetting (B).

A/ Le recensement et l'identification

La confusion règne le plus souvent dans un pays après une période de violations généralisées de droits de l'homme. Confusion quant à la composition des organes de sécurité du pays, confusion quant aux mandats respectifs des différentes agences de sécurité du pays, confusion quant au souhait des citoyens de voir la sécurité et la justice prévaloir dans le pays mais sans possibilité de faire confiance aux agences étatiques en charge de ce devoir. Dans un tel contexte d'incertitude, il est urgent d'établir des frontières institutionnelles pour aider l'Etat à asseoir son autorité sur le personnel du système de sécurité et identifier les membres du système de sécurité.

La procédure du recensement et de l'identification va ainsi permettre d'identifier les membres de chaque institution, étape fondamentale pour le rétablissement de l'état de droit et d'une bonne gouvernance dans le pays en transition. Toute nouvelle recrue ou tout limogeage devront en effet dorénavant respecter une procédure d'embauche et de licenciement. Le recensement et l'identification vont également permettre de mettre en place un registre de salaire, élément de lutte contre la corruption. Une telle procédure doit de préférence avoir lieu au cours de la transition, pour faciliter les réformes ultérieures.

L'expérience a montré que la planification du recensement et de l'identification peut prendre quelques mois et sa mise en oeuvre jusqu'à un an selon la taille de l'institution visée. La procédure donne lieu à la délivrance d'une carte de membre de l'institution.

Le processus de recensement et de l'identification favorise la quantité plutôt que la qualité. Il ne permet pas en effet d'évaluer les compétences ou l'intégrité nécessaire d'une personne pour faire partie de l'institution étatique concernée. Il sera par conséquent utile de compléter subséquemment le recensement et l'identification par une procédure de vetting.

B/ Le vetting

Dans le langage courant, le terme « vetting » fait référence à l'examen minutieux, sur la base de différentes sources d'informations, du passé d'un individu pour savoir si la personne est apte à occuper une fonction publique. Le terme n'a pas trouvé de traduction satisfaisante dans la langue française175(*). Le vetting cible les individus membres d'une institution, mais c'est en fait l'institution même qui est visée.

Le vetting diffère de la lustration en ce que cette dernière fait référence aux lois et aux politiques, principalement d'Europe de l'est et d'Europe centrale, qui impliquaient le rejet et la disqualification à grande échelle, non pas sur la base de l'examen de dossiers individuels, mais sur l'appartenance à un parti, les opinions politiques ou l'association avec des services secrets jusqu'ici tyranniques. La lustration met en exergue la responsabilité collective et non la culpabilité individuelle et viole ainsi des règles fondamentales de justice en matière de procédure telle que la présomption d'innocence.

Un programme de vetting classique consiste en trois étapes principales : l'enregistrement, l'évaluation et la certification.

L'enregistrement au programme, qui peut être obligatoire, a pour but d'identifier les individus qui travaillent dans l'institution et qui doivent par conséquent être sujets à la réforme du personnel.

L'évaluation des employés, sur la base d'informations fournies dans les formulaires d'enregistrement et obtenues par le biais de sources crédibles et indépendantes, va permettre de déterminer s'ils satisfont aux critères nécessaires à leur fonction.

La certification ou non des employés considérés aptes ou non, selon les cas, à travailler dans l'institution publique en question représente la décision finale du processus, requérant parfois une période d'essai dans la fonction.

L'expérience a mis en exergue quelques leçons pour mener à bien un processus de vetting:

- Comme tout autre mécanisme de justice transitionnelle, le succès du vetting dépendra en grande partie de la volonté réelle et de l'autorité effective de l'organe qui le met en place, ainsi que des ressources qui y seront allouées.

- Le mécanisme de vetting doit se conformer aux principes fondamentaux d'une procédure équitable pour assurer sa légitimité. Les personnes que le processus de vetting vise à renvoyer devraient notamment être informées des charges qui pèsent contre elles, avoir le droit de les contester devant l'organe de vetting, avoir le droit de faire appel d'une décision défavorable auprès d'une instance impartiale et être informées de leurs droits dans un délai raisonnable.

-A l'image des commissaires d'une commission de vérité, les personnes qui gèrent l'organe de vetting représentent le visage public du processus et leur intégrité et leur autorité politique jouent par conséquent un rôle crucial. Leur sélection doit se faire en toute transparence, en incluant au moins une part de consultation publique ou de consultation entre institutions.

- De même, le succès du vetting sera d'autant plus probable qu'il sera intégré dans le droit interne du pays. Par exemple, l'organe en charge du vetting des juges et procureurs en Bosnie-Herzégovine est devenu à l'issue de la période de vetting l'équivalent du conseil supérieur de la magistrature.

- Il est nécessaire de prêter une attention particulière au risque que les individus révoqués d'un emploi du secteur public, et en particulier de l'armée, la police et les services secrets de renseignements, peuvent représenter lorsqu'ils se tournent vers des activités criminelles après leur révocation. Le défi sera de préparer ces personnes à leur nouvelle vie, par le biais par exemple de programmes d'apprentissage, sans paraître les récompenser pour les abus commis dans le passé.

Le vetting a pour but de retirer des institutions publiques les personnes qui ne sont pas aptes à exercer leurs fonctions. Autrement, c'est un programme d'assainissement des institutions qui vise à assurer l'intégrité des serviteurs de l'institution. Le vetting ne remplace pas et n'exclut pas des poursuites pénales à l'encontre des individus qui ont fait l'objet de limogeage.

Au total, les réformes institutionnelles sont un des mécanismes de la justice transitionnelle, une restructuration profonde des institutions publiques, indispensable pour protéger les citoyens et établir l'Etat de droit. Elles contribuent à la réalisation de l'objectif essentiel d'une politique véritable et légitime en matière de justice de transition : la prévention des violations futures des droits de l'homme. Parmi les principaux aspects des réformes institutionnelles menées dans les pays en transition figurent les processus d'assainissement visant à exclure des institutions publiques les personnes dont l'intégrité est sujette à caution. Les multiples lacunes des institutions publiques dans les pays sortant d'un conflit ou ayant connu auparavant un régime autoritaire exigent toutefois une conception globale des réformes institutionnelles.

Ainsi, la pratique des Commissions vérité et les réformes ont permis de conclure que l'une des principales recommandations des travaux est la mise en oeuvre des programmes de réparations.

Section 2 : Les mesures de réparations

Les violations des droits fondamentaux tels que le droit à la vie et à l'intégrité ne sont pas réparables. La perte de ces droits et leurs conséquences ne peuvent s'effacer. L'état antérieur dans ces cas-là ne peut être rétabli et les marques de ces violations imprègnent de façon indélébile tant les individus que la société, dont le fonctionnement même est remis en cause.

Toutefois, et paradoxalement, partir du postulat selon lequel la réparation est impossible permet de définir des mesures de réparation adaptées parce qu'elles visent à restituer des droits confisqués et parce qu'elles tiennent compte des

victimes dans leur intégralité et des violations dans leur complexité. C'est aussi ce postulat qui fait que la réparation ne peut se limiter au simple dédommagement financier.

Ainsi, de par son sens étymologique ainsi que selon une jurisprudence très ancienne, la réparation consiste à rétablir l'état existant avant la violation, à effacer autant que possible toutes les conséquences de l'acte illicite et à rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si le dit acte n'avait pas été commis. Les réparations constituent une dimension cruciale de la justice transitionnelle, et la seule à spécifiquement prendre en compte la reconnaissance des droits des victimes et des souffrances endurées. Les Etats peuvent tenter de réparer certaines souffrances subies par les victimes en dispensant des réparations aux personnes affectées, qui peuvent être les victimes elles-mêmes, leurs familles ou leur communauté.

Dès lors, l'institution des mécanismes de réparation est une marque de solidarité envers les victimes de violations. Les mécanismes dans leur ensemble présentent des caractères généraux (Paragr.1), même si ils diffèrent d'un pays à l'autre (Paragr.2).

Paragr.1 : Caractères généraux des mécanismes

Les mécanismes de réparations et les autres mécanismes de justice transitionnelle, comme les poursuites judiciaires, les commissions vérité et les réformes institutionnelles, peuvent se renforcer mutuellement. Il existe un consensus en droit international pour affirmer que tous les Etats ont le devoir de dispenser des réparations ou toutes autres formes de compensations aux victimes d'atteintes graves aux droits de l'homme.

Dans son acception internationale, le concept de réparation se réfère à toutes les mesures qui peuvent être prises pour réparer les souffrances endurées par les victimes et leurs familles.

Elles peuvent donc prendre différentes formes (B) et se répartir en deux catégories (A).

A/ Les mesures symboliques et matérielles

La réparation fait partie intégrante des conditions préalables à tout processus de réconciliation. Elle est redoutée aussi bien par les autorités que par les bailleurs de fonds, compte tenu du nombre de victimes, de l'ampleur et de la durée de leur souffrance. Cette crainte repose en fait sur une mauvaise compréhension de la notion de réparation, souvent maladroitement identifiée à l'indemnisation. Pourtant, la restitution des victimes dans leurs droits (le droit à la propriété notamment) et les mesures symboliques sont également des mesures de réparation176(*).

Il existe un large éventail de mesures symboliques de réparation qui pourraient également être examinées, à la fois pour les victimes en tant qu'individus (lettres personnelles d'excuses de la part des gouvernements successeurs, enterrement convenable des victimes tuées) et pour les victimes dans leur ensemble (reconnaissance officielle de l'oppression passée, espaces publics et noms de rues dédiés aux victimes ainsi que la construction de mémoriaux).

Les réparations symboliques peuvent prendre aussi la forme d'excuses officielles (telle que des excuses offertes par les ex-belligérants), de l'ouverture d'un espace public (comme un musée, un parc ou un mémorial) ou de la création d'une journée de commémoration nationale.

S'agissant de la commémoration, les victimes ont, entre autres, tendance à demander qu'un travail de mémoire soit fait.

A un premier niveau, cela consiste à honorer les morts et les victimes. Toutefois, les mémoriaux peuvent aussi contribuer à la réalisation d'autres objectifs de justice transitionnelle comme la recherche de la vérité, la prévention des violences futures, l'ouverture d'un dialogue et d'une discussion autour du passé, la constitution d'archives bien documentées, donner la parole et des réparations aux victimes.

Les mémoriaux dédiés aux atrocités et aux atteintes aux droits de l'homme sont d'abord des lieux de deuil, et dans certains cas, de consolation pour les victimes et les rescapés. Mais ceux qui les conçoivent veulent aussi s'adresser à un public plus large, et sensibiliser les populations en proclamant que «plus jamais ça» n'arrivera. Les commémorations ne se font toutefois pas sans controverses. Les victimes et les défenseurs des droits de l'homme sont souvent outrés par les efforts des gouvernements - y compris les plus démocratiques - à créer une «histoire officielle», en produisant un récit étatique des événements du passé.

Quant aux réparations matérielles, elles peuvent se présenter sous forme de versements d'argent ou de facilités financières, mais aussi d'accès préférentiel à des services de santé, d'éducation et de logement. Cependant, cette catégorie de réparation présente tout de même des difficultés morales, légales et politiques plus ou moins grandes, en particulier lorsqu'il s'agit de programmes d'indemnisation gouvernementaux recouvrant un large éventail de mesures.

En effet, il existe un nombre important de considérations et de difficultés relatives à la conception de tels programmes. Premièrement, le groupe de victimes ou de bénéficiaires sont définis. Si le groupe est trop large, le montant de l'indemnisation financière par personne peut devenir trop petit ; par contre, si le groupe est trop restreint, beaucoup de victimes dans le besoin risquent d'être exclues. Une seconde difficulté est de décider si les réparations matérielles doivent se présenter sous la forme d'accès à un ensemble de services (avantages médicaux, éducation, logement), de versements de sommes d'argent en espèces ou d'une combinaison des deux.

Favoriser l'accès à certains services publics peut être plus avantageux financièrement pour l'Etat mais limite le caractère réparateur de l'indemnisation. En outre, la qualité des services dépend de la manière dont l'Etat s'investit et administre les services pour la population de manière générale. Au contraire, verser des sommes en espèces peut satisfaire des besoins réels mais si les montants tombent en dessous d'un certain seuil, ils n'auront pas une grande incidence sur la vie des victimes177(*). Par conséquent, de manière générale, il serait idéal d'organiser l'indemnisation sous forme d'une combinaison d'accès à des services publics et de versement de sommes en espèces.

Quid des réparations individuelles et collectives ?

B/ Les réparations individuelle et collective

En règle générale, des réparations sont accordées à une partie lésée pour compenser le préjudice causé par un acte illégitime. L'objectif est de rétablir, autant que possible, la situation qui aurait existé si l'acte illégitime n'avait pas été commis. Pour les victimes, le droit à réparation constitue une partie importante du processus de guérison. Obtenir réparation peut donner le sentiment d'être plus puissant et permettre aux victimes de transformer leurs sentiments de douleur, d'isolement ou de stigmatisation en un sentiment de satisfaction. La réparation est ainsi décrite comme ayant « pour objectif de soulager les souffrances et de rendre justice aux victimes en supprimant ou en réparant dans la mesure du possible les conséquences de l'acte illégitime 178(*)». En d'autres termes, la réparation consiste à remédier à des faits passés et à arrêter des règles pour l'avenir. Son but est de promouvoir la justice en remédiant aux violations179(*). Elle apparait alors comme un impératif de justice.

Le droit international envisage ainsi la problématique de la réparation dans le cadre plus global d'une politique de justice liée à la reconstruction individuelle et collective. Les mesures individuelles concernent les cas spécifiques des victimes mais très souvent elles doivent être complétées par des mesures collectives de réparation.

L'élaboration des principes Van Boven/Bassiouni, même s'ils ne sont pas encore formellement adoptés, influencent déjà largement la jurisprudence et la pratique internationales. Par conséquent, il est désormais reconnu que cette catégorie de réparation s'entend de la restitution, l'indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-renouvellement.

En effet, la restitution doit, dans la mesure du possible, rétablir la victime dans la situation originale qui prévalait avant que les violations flagrantes du droit international des droits de l'homme ou les violations graves du droit international humanitaire ne se soient produites. Autrement, la restitution implique non seulement la restitution des biens volés mais aussi des droits qui ont été confisqués. Elle comprend donc, notamment, la restauration de la liberté, la restauration des droits confisqués, du statut social, de la vie de famille, de la citoyenneté, le droit au retour dans son lieu de résidence ainsi que la restitution de l'emploi.

La Cour interaméricaine, particulièrement en pointe sur cette question, va même jusqu'à demander à l'Etat la restitution dans la profession, le versement de salaires équivalents à ceux qui auraient été normalement perçus, l'annulation des antécédents pénaux ainsi que la réinscription rétroactive aux cotisations à une caisse de retraite.

De même, le Comité des droits de l'Homme requiert l'adoption de réparations et d'une protection qui permettent le retour dans le pays.

L'indemnisation des dommages estimables financièrement couvre notamment les préjudices subis suite aux violations commises. A ce titre, il doit être remboursé aux victimes les frais médicaux et les frais liés à leur suivi psychologique. L'indemnisation doit aussi tenir compte de l'appauvrissement de la victime engendré directement ou indirectement par les violations (ressources consacrées à la recherche de la vérité, impossibilité de suivre une formation, impossibilité d'exercer un métier).

La réadaptation concerne la prise en charge médicale et psychologique ainsi que l'accès à des services juridiques et sociaux. Il s'agit là d'octroyer aux victimes une assistance médicale, psychologique, juridique et sociale. Concrètement, cette assistance se manifestera, par exemple, par la gratuité des frais scolaires pour les enfants des victimes, par la création d'un dispensaire de soins gratuits destinés aux victimes ou encore par la création de centres de réhabilitation des victimes.

Cette autre forme de réparation qu'est la satisfaction, couvre notamment la divulgation de la vérité, la poursuite et sanction des responsables ce qui implique l'abrogation des lois d'amnistie, ainsi que l'adoption de mesures symboliques. Parmi ces dernières, nous pouvons citer la présentation d'excuses officielles, l'organisation de manifestations commémoratives, la création d'un centre au nom des victimes, la transformation de centres de détention en lieu d'hommage. Des mesures de rétablissement de l'honneur peuvent également être entreprises par l'Etat. Au niveau des réformes allant dans ce sens, Il peut être décidé d'intégrer dans le programme scolaire un chapitre dédié aux violations commises dans le passé.

- Les garanties de non-renouvellement ou non répétition sont des mesures et des réformes que les autorités doivent entreprendre afin de garantir à la société que les violations commises dans le passé ne se reproduiront plus. L'Etat doit également veiller au respect de l'indépendance des différentes juridictions ainsi qu'au non empiètement des juridictions militaires sur le champ d'action normalement réservé à des cours civiles. Ce dernier point nous renvoie d'ailleurs à l'importance de s'assurer de l'indépendance des institutions judiciaires, que ce soit par rapport au pouvoir exécutif ou militaire.

L'organisation de formations adéquates à l'attention des acteurs agissant aux différents niveaux des institutions de l'Etat, mais aussi de la société de manière générale, est également un élément essentiel à l'enracinement de la démocratie et de la culture des droits de l'Homme dans la société.

En somme, on constate que la réparation doit viser la restauration d'une règle de droit transgressée par l'arbitraire des violations, restaurant ainsi la confiance des victimes.

Paragr.2  Des mécanismes institués

Le but des mécanismes de réparation est de promouvoir la justice en remédiant aux violations flagrantes du droit international des droits de l'homme ou aux violations graves du droit international humanitaire. Le droit international a stipulé assez clairement qu'il existe un devoir de réparation. Mais si la question des réparations pose fondamentalement la problématique de la situation des victimes dans le cadre de la justice transitionnelle, c'est en raison de la consécration juridique du droit à réparation (A) qui précise les prérogatives des victimes (B).

A/ L'affirmation du droit à réparation

La réparation sert de lien entre le passé et l'avenir180(*). Elle a été décrite comme ayant « pour objectif de soulager les souffrances et de rendre justice aux victimes en supprimant ou en réparant dans la mesure du possible les conséquences de l'acte illégitime 181(*)». Il est important de veiller à ce que les tortionnaires et tous les autres auteurs de violations des droits de l'homme paient pour leurs crimes, mais il ne faut pas oublier leurs victimes. Souvent, les épreuves qu'elles ont endurées les ont traumatisées, ont bouleversé leur vie et les privent de toute perspective d'avenir. Pour que justice soit faite, les victimes doivent obtenir réparation. En effet, le droit à un recours et à réparation est un droit fondamental. Il est protégé par de nombreux instruments internationaux, dont la Convention européenne des Droits de l'Homme182(*). Les dispositions de nombreux autres instruments internationaux ont prévu le droit à un recours pour les victimes de violations du droit international des droits de l'homme183(*).

Le droit à réparation impose d'établir en effet « des principes applicables aux formes de réparation, telles que la restitution, l'indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit»184(*), enjoint l'Assemblée des Etats parties de créer un fonds au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour, et au profit de leur famille, et charge la Cour de «protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes185(*)» et d'autoriser la participation des victimes à tous les «stades de la procédure qu'elle estime appropriés186(*)».

Spécifiquement, il existe d'autres références. En effet, le statut du TPIR en son article 23, paragraphe 3 stipule dans le cadre des peines que le tribunal peut imposer : «  outre l'emprisonnement du condamné, la Chambre de première instance peut ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous les biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte ». Cette disposition est reprise en détail dans l'article 105 du Règlement de procédure et de preuve du TPIR.

Par ailleurs, certaines dispositions des conventions régionales prévoient le droit à un recours pour les victimes de violations du droit international des droits de l'homme. On peut citer en particulier les dispositions des articles7 et 21 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui prescrivent comme obligations de l'Etat de veiller non seulement à prévenir les violations des droits de l'homme mais à réprimer les coupables et surtout à réparer les victimes de ces violations, que ce soit du fait de ses agents ou des tiers. L'article 25 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme et l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reprennent ce principe en prévoyant l'obligation de l'Etat de garantir une réparation juste, proportionnelle et équitable aux victimes des violations des droits de l'Homme187(*).

Mais c'est en 2000 que va émerger l'idée d'une codification globale des questions de réparations. L'ex- Commission des droits de l'homme de l'Onu a mis la question à l'étude. Elle a abouti à la présentation d'un Rapport final, sur "les principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l'homme et au droit international humanitaire".188(*)

L'étude sera reprise dans un autre Rapport intitulé  « Ensemble revisité de principes fondamentaux et de directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire 189(*) ». Ce rapport sera adopté par la Commission des droits de l'homme dans sa résolution 2005/35 du 19 avril 2005 et par le Conseil économique et social dans sa résolution 2005/30 du 25 juillet 2005, résolution dans laquelle il a recommandé à l'Assemblée Générale d'adopter les « Principes fondamentaux et directives ». C'est ce qui est fait le 16 décembre 2005 par la Résolution 60/147. Cette Résolution a l'avantage de fusionner tous les éléments éparpillés dans les textes internationaux qui l'ont précédée. Elle participe à l'édification d'un ordre juridique international pour la sauvegarde des intérêts des victimes réaffirmant les principes juridiques internationaux de responsabilité, de justice et de primauté du droit.

B/ Les prérogatives des victimes

La Résolution précitée définit les victimes comme les personnes qui ont subi un préjudice, notamment une atteinte à l'intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, du fait de violations graves des droits de l'homme ou des violations graves du droit international humanitaire. Par extension et conformément au droit interne, on entend aussi par victimes les membres de la famille proche ou les personnes à charge de la victime directe. On a également les personnes qui ont subi un préjudice lorsqu'elles sont venues en aide à des victimes qui se trouvaient dans une situation critique.

Par ailleurs, une personne est considérée comme victime indépendamment du fait que l'auteur de la violation soit ou non identifié, arrêté, poursuivi, ou condamné et quels que soient les liens de parenté entre l'auteur et la victime.

La réalisation du droit des victimes est de la responsabilité des Etats. Ils doivent tenir compte des « Principes fondamentaux et directives », en promouvoir le respect les porter à l'attention des responsables de l'application des lois et les membres des forces militaires et de sécurité, des organes législatifs, des organes judiciaires, des victimes et de leurs représentants, des défenseurs des droits de l'homme et des avocats, des médias et du grand public. Ce devoir de vulgarisation devra précéder la longue chaîne des obligations étatiques à l'égard des victimes.

Au nombre de ces obligations, il y a d'abord le traitement qui doit être réservé aux victimes. Celles-ci doivent être traitées avec humanité. Des mesures appropriées doivent être prises pour assurer leur sécurité, leur bien-être physique et psychologique et la protection de leur vie privée, de même que ceux de leur famille. Pour ce faire, chaque Etat devrait veiller à ce que sa législation interne, dans la mesure du possible, permette aux victimes de violences ou de traumatismes de bénéficier d'une sollicitude et de soins particuliers, afin de leur éviter de nouveaux traumatismes au cours des procédures judiciaires et administratives destinées à assurer justice et réparation. Néanmoins, les victimes doivent être habilitées à rechercher et à obtenir des informations sur les causes qui ont conduit à leur victimisation, et avoir le droit d'apprendre la vérité sur les violations.

Ensuite, les victimes doivent avoir accès à la justice dans des conditions d'égalité(accès à un recours judiciaire utile, conformément au droit international, accès aux organes administratifs ainsi qu'aux mécanismes, modalités et procédures régis par la législation interne qui doit prendre en compte les obligations découlant du droit international qui visent à garantir le droit d'accès à la justice et à un procès équitable et impartial).

Enfin, il doit leur être fournie une assistance en mettant à leur disposition tous les moyens juridiques, diplomatiques et consulaires appropriés pour exercer leurs droits de recours, présenter des demandes de réparation et recevoir une réparation adéquate, effective, et rapide du préjudice subi.

CONCLUSION GENERALE

Après des violations massives des droits de l'Homme, qu'il s'agisse de génocide, de crimes de guerres ou de crimes contre l'humanité, la demande de justice se fait dans un contexte extrêmement difficile: le nombre d'atrocités et de victimes, l'ancienneté des faits, qui rend plus difficile la collecte des données et des preuves, constituent un travail presque insurmontable pour tout système judiciaire, en général, fragilisés par la crise.

Devant les limites de la justice ordinaire, la créativité des pays anglo-saxons a fait naître et se développer dans les années 90 la justice transitionnelle.

Ce concept est riche en ce qu'il permet de repenser de manière fondamentale la notion de justice dans nos sociétés, de questionner ses contours et de pulvériser nos certitudes.

Mais les défis assignés à la justice transitionnelle sont colossaux. Parvenir à éviter l'écueil d'une spirale de la vengeance en rendant possible la cohabitation entre ex-victimes et ex-bourreaux, passe par la recherche de la vérité et de la justice afin de réintégrer la victime dans sa dignité, de lui proposer des réparations, tout en trouvant des modes de punition alternatifs ou judiciaires pour les responsables afin de bannir l'impunité.

Ce simple énoncé ouvre le champ des difficultés que la justice transitionnelle se propose de résoudre. La justice transitionnelle ne doit en aucun cas être considérée comme un prêt à penser transposable d'une situation à l'autre. Elle revêt de multiples formes et les différentes expériences nous enseignent qu'il n'y a pas d'idéal type en la matière.

Comme nous l'avons fait remarquer dans notre étude, le processus de justice transitionnelle dans une société post conflictuelle est gouverné essentiellement par le principe de justice. Justice pénale pour les victimes et contre les criminels, justice réparatrice pour l'ensemble de la société, dont la cohérence et les interactions doivent être rétablies.

En effet, la justice transitionnelle permet de mettre en place un certain nombre de mécanismes répressifs et préventifs dans le domaine du droit et de la sécurité de l'Etat et des personnes. La répression, les réparations et la réconciliation sont les maîtres mots de cette entreprise. La consolidation de ces acquis et leur pérennité appellent un certain nombre de réformes dans les appareils de l'Etat.

La bonne gouvernance politique et économique fonde le développement des pays en transition, apportant ainsi une alternative à la violence comme moyen d'expression, de conquête politique et d'accumulation de richesses. L'implication des acteurs locaux dans l'adoption et la mise en place des politiques de développement, l'assainissement des comptes publics et la lutte contre la corruption concourent à cet équilibre étatique.

De même, s'il est vrai que la justice internationale joue souvent un rôle irremplaçable et complémentaire, la lutte contre l'impunité, la prévention des crimes internationaux les plus graves et la garantie durable du respect de l'Etat de droit et des droits de l'Homme ne relève pas de sa compétence exclusive.

Les Etats en transition se sont inspirés de plusieurs modèles de justice transitionnelle pour mettre en place des tribunaux ad hoc, mixtes et des CVR qui font souvent preuve d'originalité, tant dans leurs conceptions que dans leurs mandats. Les CVR prennent généralement en compte les différentes modalités de gestion des conflits des peuples. Ce fut le cas notamment en Sierra Léone avec les rituels traditionnels de réhabilitation, de purification et d'hommage aux morts et les procédés plus classiques d'audition et d'enquête qui ont débouché sur un rapport fixant les principaux enjeux de la consolidation de la paix. Il en est de même, en Afrique du Sud de la CVR créée en 1995 et dont l'objectif vise avant tout à guérir la société comme le note son président, Monseigneur Desmond Tutu :« le crime a porté atteinte à la relation et c'est cette blessure qui doit être guérie190(*)».

La mise en place de CVR permet ainsi d'assurer un droit à la vérité par le recours à des tribunaux traditionnels ou à des rites purificateurs permettant de confondre les responsables et de réhabiliter les victimes dans leur humanité. Comme on peut le constater, les mécanismes à la disposition de la justice transitionnelle ne passent donc pas seulement par des poursuites judiciaires devant les tribunaux.

De plus, ces processus revêtent la plus haute importance pour la reconstruction, pour l'unification et la paix.

Etant donné que les femmes figurent parmi les premières victimes des conflits armés, la justice transitionnelle est particulièrement indispensable pour elles. Mais il ne s'agit pas uniquement de satisfaire leur besoin de justice car beaucoup de femmes, soucieuses de l'avenir de leurs enfants, contribuent grandement au processus de cicatrisation et de réconciliation. Leur présence et leur action au sein des ONG de défense de droits humains, ces ONG ont contribué à la qualification explicite du viol en crime de guerre.

Les institutions de justice transitionnelle ont permis de poser les jalons des sociétés futures puisque des avancés considérables ont été obtenues dans la confiance des populations vis-à-vis de leurs institutions publiques, dans la reconstruction du tissu social et le rétablissement de la démocratie. Malgré tout, les Etats, en particulier les Etats africains, restent encore fragiles à cause des contraintes politiques, économiques, culturels et sécuritaires. Dans la sous région d'Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire et le Libéria sont, chacun à sa manière, entrain de renouer avec la stabilité pendant que la Guinée montre des signes de faiblesse. Plus loin dans la région des Grands lacs, le Burundi, le Sud Soudan, la RDC et l'Uganda semblent sortir progressivement du cycle de la violence.

Tout au long de cette étude, nous avons essayé de présenter des mécanismes de justice transitionnelle, c'est-à-dire les principaux procédés à mettre en oeuvre pour assurer une sortie de crise fiable et durable. Cependant, environ 45% des pays qui sortent d'une crise plus ou moins grave retombent dans les travers de la violence moins de cinq ans après la fin du conflit191(*). Les causes de cette rechute sont plus à rechercher dans la période d'avant le conflit que celle d'après.

Les clés de la compréhension et de la gestion des problèmes posés par une situation post-conflictuelle résident donc dans une analyse de la situation de stabilité qui a précédé le déclenchement de la guerre. Comprendre que les Etats en guerre aujourd'hui ont été fragiles avant le conflit et le seront après, détecter dans les sociétés en reconstruction post-conflictuelle des signes de fragilité permettront d'anticiper et de réduire les risques de transformation d'une crise éventuelle en une guerre effective.

Dès lors, convaincue que sans la vérité, la justice n'existe pas et que sans justice, l'impunité appelle la vengeance, le concept de justice transitionnelle, même imparfait, est la clé pour assurer une paix durable en empêchant le passé de ressurgir violemment.

Toutefois, cette étude a vocation à être poursuivie pour les questions relatives à la justice transitionnelle qu'elle n'a pu aborder ou approfondir, notamment en ce qui concerne la réinsertion des enfants soldats. Ensuite, du fait qu'elle a consacré certaines analyses des situations en cours, notre étude est soumise à l'évolution de la situation dans ces différents pays. Que ce soit au niveau de la situation politico institutionnelle ou de la création de nouvelles institutions nationales de gestion.

Enfin, ce travail est susceptible d'être complété par une analyse plus exhaustive des indicateurs de la fragilité de l'Etat et de la recherche des solutions à mettre en oeuvre pour endiguer l'évolution vers la violence.

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TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT......................................................................................................................I

DEDICACES...............................................................................................................................II

REMERCIEMENTS..................................................................................................................III

SIGLES ET ABREVIATIONS....................................................................................................IV

SOMMAIRE..................................................................................................................VI

INTRODUCTION.GENERALE..........................................................................................1

PREMIERE PARTIE :

LA JUSTICE TRANSITIONNELLE : UNE ORIGINE JANUS............................11

CHAPITRE I : UNE INITIATIVE SUGGEREE PAR L'INTERNATIONAL.........................12

Section1: L'assistance technique des institutions

de protection des droits de l'homme........................................................12

§1) L'intervention des Nations Unies................................................................12

A/ Le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de

l'Homme.............................................................................................13

B/ L'action centrale du Conseil de Sécurité............................................16

§2) L'expertise des ONG de défense des droits de l'homme..............................18

A/ Les ONG : actrices du law making......................................................19

B/ Renforcement des droits de l'homme: quelques exemples..............21

Section2: L'assistance des bailleurs de fonds étrangers ..........................................24

§1) Le soutien des bailleurs de fonds en général.................................................24

§2) Les stratégies d'assistance de la Banque Mondiale....................................27

CHAPITRE II: UNE INITIATIVE RECUPEREE PAR LE NATIONAL...............................32

Section1 : Les blocages institutionnels..........................................................................32

§1) Absence ou carence de personnel judiciaire...............................................33

§2) Impunité liée à raisons quantitatives..........................................................34

Section2 : La persistance des crises...............................................................................35

§1) Des tentatives de résolutions politiques :

de la négociation à la médiation....................................................................36

A/ Les négociations : une oeuvre difficile...............................................36

B/ La dispersion des efforts des médiateurs..........................................41

§2) Des solutions partielles...................................................................................43

A/ La médiation : une réponse à des motivations politiques.................43

B/ Des obstacles à la promotion des droits humains.............................45

DEUXIEME PARTIE :

La justice TRANSITIONNELLE : UN MECANISME MIXTE ................................50

CHAPITRE I:LES MECANISMES GENERAUX DE LA JUSTICE...................................52

Section1 : Les tenants de la justice classique...............................................................52

§1) Les fondements, fonctions et objectifs de la sanction..................................53

A/ Les fondements de la sanction..........................................................53

B/ Les objectifs et les fonctions de la sanction.......................................55

§2) L'amnistie : une alternative discutable..........................................................58

A/ L'amnistie comme pardon.................................................................60

B/ L'amnistie comme impunité..............................................................63

Section2 : La diversité des juridictions pénales............................................................67

§1) Les juridictions pénales internationales.........................................................68

A/ Les tribunaux pénaux pour le Rwanda et la Sierra Léone..................69

B/ La CPI..................................................................................................72

§2) Les juridictions pénales nationales.................................................................75

A/ Les juridictions classiques..................................................................75

B/ Les juridictions traditionnelles...........................................................78

CHAPITRE II : LES MECANISMES SPECIFIQUES.........................................................82

Section1 : Les commissions vérités et les réformes institutionnelles.......................82

§1) Les commissions vérité...............................................................................83

A/ Les caractères généraux des commissions vérité..............................84

B/ Des exemples de commissions vérité en Afrique..............................86

§2) Les réformes institutionnelles.........................................................................91

A/ Le recrutement et l'identification......................................................92

B/ Le vetting...........................................................................................93

Section2 : Les mesures de réparations..........................................................................96

§1) Caractères généraux des mécanismes...........................................................97

A/ Des mesures symboliques et matérielles..........................................97

B/ Des réparations individuelles et collectives.......................................99

§2) Des mécanismes institués.............................................................................103

A/ L'affirmation du droit à réparation..................................................103

B/ Les prérogatives des victimes..........................................................106

CONCLUSION GENERALE...............................................................................................108

BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................113

TABLE DES MATIERES...............................................................................................124

* 1 Rapport du Secrétaire Général des Nations-Unies devant le Conseil de sécurité, « Rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit », Doc. S/2004/616, 23 août 2004, p.7, paragr. 8 Conseil de sécurité des Nations Unies, S 2004/616,23 août 2004.

* 2 Pierre Hanzan, Juger la guerre, juger l'histoire, PUF, 2007, p.213.

* 3« Rapport sur la justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux », Division politique IV du département fédéral des affaires de la Confédération Suisse in http://www.ictj.org/images/content/6/6/660.pdf (consulté le 12 mars 2007).

* 4 Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des tribunaux internationaux ad hoc furent chargés de juger les grands criminels de guerre. Pour la première fois, une sanction judiciaire internationale des crimes contre la paix, des crimes de guerre et de la nouvelle catégorie des crimes contre l'humanité est expressément prévue et organisée par les vainqueurs. L'Accord de Londres du 8 août 1945 et la décision du commandement en chef des troupes d'occupation au Japon du 19 janvier 1946 arrêtent respectivement les statuts des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo (du 20 Novembre 1945 au 1er Octobre 1946)

* 5Conseil de sécurité des Nations Unies, S 2004/616,23 août 2004, op.cit p.1.

* 6 Notamment en Bolivie (1967), en République Démocratique du Congo (ex Zaïre de 1996), au Rwanda (depuis le génocide de 1994), en Côte d'Ivoire (2002), au Soudan (2004), etc.

* 7 Fabrice Hourquebie, professeur de droit public à l'Université des sciences sociales de Toulouse, « La notion de justice transitionnelle a-t-elle un sens ?» p.3 in www.droitconstitutionnel.org/congresParis. [Consulté le 7novembre 2008].

* 8DRAI (P), « Le rôle et la place du juge en France aujourd'hui », RRJ, n° 3, 1991, pp. 595-603 ; OST (F), « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles de juges » ; in P. BOURETZ (dir.), La force du droit : panorama des débats contemporains, Esprit, Paris, 1991, pp.241-272 ; CAYLA (O.), « Les deux figures du juge », Le Débat, n° 75, 1993, pp. 164-173 ; SALAS, Le juge aujourd'hui, Droits, n° 34, 2001, pp. 61-71.

* 9 Fabrice Hourquebie, op.cit.

* 10 Rapport de l'Observatoire à l'attention du Secrétaire Général de la Francophonie, Etat des pratiques, de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone, Organisation Internationale de la Francophonie, 2006, pp. 614-634.

* 11 La littérature francophone aurait tendance à restreindre la justice transitionnelle à un type de mesure : les commissions vérités, telles que mise en place en Afrique du Sud.

* 12 Dans le monde anglo-saxon, la justice transitionnelle est plus large, recouvrant à la fois les poursuites pénales (tribunaux nationaux ou hybrides), les réparations aux victimes, les efforts de vérité ou encore la réforme des institutions, en tant que mesures ad hoc et complémentaire au système judiciaire classique, dont la capacité à rendre justice est bien souvent au plus bas alors que le besoin de justice est au plus haut.

* 13 Sous-directrice de la gouvernance démocratique au Ministère des Affaires Etrangères et Européenne.

* 14 DE VILLEMEUR, La gouvernance démocratique, Paris, Karthala, 2007, p. 503-504.

* 15 FREEMAN (Marc), Qu'est ce que la justice transitionnelle, Bruxelles : Centre International de Justice Transitionnelle, Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, 2003, p.1.

* 16 Paul Tavernier, Regards sur les droits de l'homme en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2008, p.229.

* 17 Le docteur Alex Boraine a fondé le Centre International pour la Justice Transitionnelle. Il est actuellement professeur de droit à la NYU School of Law de l'Hauser Global Law School program.

* 18 Boraine Alex, « La justice transitionnelle », in : Les Ressources de la transition, Le Cap, Institut pour la Justice et la Réconciliation, 2005, p 19.

* 19 Source : Centre International pour la Justice Transitionnelle, www.ictj.org/en/tj/, (Consulté le 20 février 2008).

* 20 Ce sont entre autre un Etat cohérent et légitime, une société civile indépendante et des citoyens avec un pouvoir d'action politique.

* 21 BOSIRE L. Overpromised underdelivered: Transitional justice in Sub-Saharan Africa, International Centre for Transitional Justice, Occasional paper series, juillet 2006, p.2.

* 22 Dorronsoro G. et Harling P., « La guerre américaine en Irak et en Afghanistan : entre vision messianique et ajustements tactiques », Politique étrangère 2005/4, Hiver, p. 857-866.

* 23 La naissance des Nations Unies est étroitement liée au désir de la communauté internationale d'empêcher que les horreurs perpétrées pendant la Seconde Guerre mondiale ne se reproduisent.

* 24 Le HCDH a aussi pour buts de:

- faire des recommandations aux organes compétents du système des Nations Unies pour améliorer la protection et la promotion de tous les droits humains,

- jouer un rôle actif dans l'élimination des obstacles à la réalisation des droits de l'homme,

-renforcer la coopération internationale en vue de protéger les droits de l'homme

* 25United States, Office of the High Commissioner of Human Right, «High Commissioner's Strategic Management Plan 2008-2009 «, p.8.

* 26 Le rapporteur spécial est un titre donné à des personnes agissant au nom d' organisations, d'instances régionales et internationales qui portent des mandats spécifiques pour étudier, surveiller et recommander des solutions aux problèmes spécifiques des droits de l'homme in: http://en.wikipedia.org/wiki/Special_Rapporteur (Consulté le 16 juin 2008)

* 27 ONU, «La démocratie et les droits de l'homme» in www.un.org/fr/events/democracyday/rights.shtml, (Consulté le 15 février 2008).

* 28 Jean MPISI, Le Kivu pour la paix, l'Harmattan, 2008, p. 338.

* 29 Les buts des Nations Unies sont les suivants :

1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion;

4. Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

* 30 Exemples : génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

* 31 René-Jean Dupuy, « Le Conseil de Sécurité, directoire mondial ? », Enjeux du monde, bilans et perspectives 1992, Forum du futur, Paris, 1992, pp. 32-35.

* 32 Nations Unies, Conseil de Sécurité, « Rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit», S/2004/616, 23 août 2004.

* 33 Déclaration du Conseil de Sécurité à la 5052e séance du Conseil de Sécurité, tenue le 6 octobre 2004, dans le cadre de l'examen des questions intitulées "Justice et Etat de droit : le rôle des Nations Unies" et "Réconciliation nationale après un conflit : rôle de l'Organisation des Nations Unies, www.aidh.org/txtref/2004/onu-ka04-10-06.htm. (Consulté le 14 mars 2008)

* 34 Brigitte Collet, « Les Ong de défense des droits de l'homme aux Nations Unies », CERAS - revue Projet n°269, Juin 2002. URL : http://www.ceras-projet.com/index.php?id=1831. (Consulté le 16 avril 2008)

* 35 Philippe RYFMAN, Les ONG, La Découverte, collection Repère, 2004, p 36.

* 36Béatrice POULIGNY, « Le rôle des ONG en politique internationale », CERAS - revue Projet n°269, Juin 2002. URL: http://www.ceras-projet.com/index.php?id=1831.( Consulté le 20 mars 2009)

* 37 UNDP, Rapport mondial sur le développement humain, De Boeck Université, 2002, p.111.

* 38 2000 ONG membres de la Coalition internationale pour la Cour pénale internationale -CPI. Ce sont notamment Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme, Amnesty International, Médecins sans frontière, L'Alliance Internationale Save the Children, , Défense des Enfants International, la Fédération Internationale Terre des Hommes, Human Rights Watch, Quaker United Nations Office - Genève et Le Service Jésuite des Réfugiés.

* 39 Le lobbying est l'ensemble de pressions exercées par des groupes, notamment les ONG, visant à influencer les décisions des pouvoirs étatiques. Ces groupes en raison de leur dimension multinationale et de leurs moyens matériels considérables, sont capables d'exercer une influence dans les Etats et même sur certains Etats pour atteindre leurs objectifs.

* 40VISSCHER (C. de), Théories et réalités en droit international public, Paris, Pedone, 4ème édition, 1970, p.175.

* 41 CASSESE (A.), Human Rights in a Changing World, Cambridge, Polity Press, 1994, p. 157.

* 42 Pour Prosper Weil, nous sommes en présence d'une «conscience juridique » devenue universelle ; WEIL (P.), Le droit international en quête de son identité, Cour général de droit international public, Académie de droit international, La Haye, Nijhoff, 1996, p.265.

* 43 DELMAS-MARTY (M.), « Les crimes internationaux peuvent-ils contribuer au débat entre universalisme et relativisme des valeurs ? », in CASSESE (A.), DELMAS-MARTY (M.) (dirs.), Crimes internationaux et juridictions internationales, Paris, PUF, 2002, p. 59.

* 44 Notamment en Afrique du Sud, en Colombie, à Genève et à Bruxelles.

* 45 TEITEL (R.), « Humanity's law», colloque sur les civilités transnationales, Paris, CERI, 3-4 octobre 2002.

* 46 « Concurremment à l'émergence d'une pratique relative à l'application des mécanismes de compétence universelle, une cellule de réflexion composée de professionnels du droit s'est réunie au sein de la FIDH. Considérant qu'il était dorénavant possible de lutter contre l'impunité en initiant des actions judiciaires concrètes, la FIDH a décidé de créer un `Groupe d'Action Judiciaire' (GAJ)», Activités du Groupe d'Action Judiciaire (GAJ) de la FIDH, novembre 1999-juillet 2002.

* 47 Ibid, p. 4.

* 48 Banque Mondiale, Actualités-médias: les pays touchés par un conflit armé; sur worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/NEWSFRENCH/0 (consulté le 18 mai 2008)

* 49Patrick Vinck, Phuong Pham et Payson, « Living with Fear, A Population- Based Survey on Attitudes about Peace, Justice, and Social Reconstruction », Center for International Development, août 2008, p.5.

* 50 OSIWA, « Because Accountability Counts! » in www.osiwa.org, (Consulté le 16mai 2008)

* 51 Rapport de la conférence du 21 septembre 2007 sous le thème : «la justice transitionnelle pour la paix sociale au Burundi» in http://www.constitutionnet.org/files/RAPPORT_CONFERENCE%203.doc, (Consulté le 22 mai 2008)

* 52 Joël Hart, « renforcer la justice et lutter contre l'impunité pour éviter toute escalade de la violence », Action chrétienne pour l'abolition de la torture, août 2008, p.2.

* 53 CROIDIEU Florence, « Quel est le rôle de la Banque mondiale dans la reconstruction de la paix ? Une vision d'ensemble », Centre de Recherche sur la Paix (CRP) de l'Institut Catholique de Paris, 2003.

* 54 Dans le rapport « Governance Matters V : Governance Indicators for 1996-2005 », la Banque Mondiale a identifié 6 dimensions de la gouvernance :

La gouvernance politique est un processus de sélection et de remplacement des autorités. Une bonne gouvernance politique implique de :

· Être à l'écoute des citoyens et leur rendre compte -

· Leur assurer une stabilité politique et l'absence de violence ou de terrorisme. 

La gouvernance économique consiste en la capacité du gouvernement à formuler et mettre en place une politique économique. Une bonne gouvernance économique repose sur :

· L'efficacité de la bureaucratie et la qualité du service public effectivement offert ;

· La qualité des réglementations, notamment pour fluidifier le marché.

La gouvernance institutionnelle quant à elle ; consiste  dans le respect des citoyens et l'existence d'institutions assurant les interactions avec ces derniers. Une bonne gouvernance institutionnelle se base sur :

· La suprématie de la loi et donc l'indépendance de la justice, la qualité du fonctionnement de la police et les tribunaux, y compris la maîtrise de la criminalité.

· La maîtrise de la corruption.

* 55 Banque Mondiale., Managing Development. The Governance Dimension. Washington, D.C. 1994, p.21.

* 56 Banque Mondiale. Governance and Development. Washington D.C. 1992. p. 3.

* 57 Banque Mondiale, Table Ronde Maghreb, Tunis le 24 et 25 mai 2005, p 96.

* 58 : Ibid, p. 126.

* 59 Indépendance de l'Indonésie proclamée par Soekarno et Hatta le.17 août 1945.

* 60 Jean Marc LIOTIER, «L'Ethiopie de 1980 à 1997», L'état du monde 1981-1998, in afriquepluriel.ruwenzori.net/etio-b.htm, (Consulté le 27 juillet 2009).

* 61 Le système judiciaire congolais actuel est donc comme un service du pouvoir exécutif où le magistrat est considéré comme un simple agent de l'exécutif, un fonctionnaire.

* 62- Pierre d'ARGENT, « Réconciliation, impunité, amnistie, quels droits pour quels mots », Revue nouvelle n°11, novembre 2003, p.30

* 63 «Lueur de paix et persistance chronique de l'impunité », rapport annuel sur la situation des droits de l'homme dans la sous-région des Grands Lacs : Burundi, RD Congo, Rwanda, 2004, p2.

* 64 Ibid, p.2.

* 65 Uri Savir, Peace first: a new model to end war, California, Berrett-Koehler, 2009, p.56.

* 66 Cette définition est un essai de synthèse de plusieurs définitions données par différents auteurs ; elle présente cependant l'avantage d'intégrer les différents aspects de la négociation.

* 67 Telle qu'une déclaration commune, un échange de notes, un traité.

* 68 Même si les négociations sont arrivées à une étape très poussée, un Etat reste juridiquement libre de continuer ou de mettre un terme aux pourparlers entamés.

* 69 Les parties devront généralement s'entendre sur des sujets tels que l'objet ou l'ordre du jour des négociations ainsi que le nombre de séances qui leur sont consacrées, de même que sur les questions portant sur le nombre de représentants pour chaque partie.

* 70 Ces inconvénients et dérives peuvent notamment être la méfiance, le risque rupture, le non contrôle du processus, la non expertise du négociateur dans le domaine, le non respect du délai.

* 71 Perspective Monde, «Déclenchement du conflit du Shaba en RDC», Université de Sherbrooke, 2005, pp.21-22.

Le Shaba était un conflit entre les Etats voisins du Zaïre et l'Angola en 1977. Il fut sans doute une conséquence de l'appui du Zaïre pour le Front National pour la Libération de l'Angola ( FNLA) et des factions de l'Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA) dans la guerre civile angolaise. Le conflit a débuté le 8 Mars 1977 lorsqu'une force rebelle de 1500 hommes, membres du Front pour la libération nationale du Congo (FLNC) envahirent Shaba, une province dans le sud-ouest de l'ex-Zaïre, avec l'appui du gouvernement angolais.

Le président Mobutu Sese Seko de l'ex-Zaïre a demandé un appui extérieur le 2 avril de la même année La guerre a pris fin lorsque les troupes marocaines, acheminées au Zaïre le 10 avril par le gouvernement français, repoussèrent les FNLC. L'attaque a entraîné des représailles du gouvernement congolais, qui a conduit à l'exode massif de réfugiés et à l'instabilité. Le FLNC a procédé à une seconde invasion (Shaba II), l'année suivante, soit en 1978 à Gemene (nord Kivu). Le FLNC a battu les «gardiens de la paix de l'ONU» ; 50.000 civils et soldats ont été tués dans le conflit.

* 72 Gabriel Périès, Une guerre noire : enquête sur le génocide rwandais (1959-1994), Paris, La Découverte, 2007, p.248.

* 73 Byamuku Nathan, «Security and conflict resolution in East Africa» in Africa politics and economies, n°7, avril 1995, p.1.

* 74 Jean-Claude WILLAME, « Rwanda / Afrique centrale : guerre, nation et pardon », Toudi, mensuel n°28-29, mai-juin 2000 in www.larevuetoudi.org/fr/story/rwanda-afrique-centrale-guerre-nation-et-pardon (consulté le 2 novembre 2009).

* 75 Luc Sindjoun et Daniel Bach, «Ordre et désordre en Afrique», Revue Polis, vol.4, n°2, novembre 1997, pp.5-15.

* 76 Thomas Hobbes, Le citoyen ou les fondements de la politique, Paris, Flammarion, 1982, pp.89-95.

* 77 Luc Sindjoun et Daniel Bach, op.cit., p.12.

* 78 Conseil International pour l'Etude des Droits Humains, Négocier la justice ? Droits Humains et accords de paix, Genève, ICHRP, 2006, p.6.

* 79 Guillien Raymond et Vincent Jean, Lexique des termes juridiques 2010, Paris, Dalloz, 17e édition, 2009, p. 461.

* 80 Charles Rousseau, Droit international public, Paris, Précis Dalloz, 2e édition, 1984, p. 232.

* 81 A sa mort, il a été remplacé par l'ancien Président sud africain Nelson Mandela.

* 82 Le Front Patriotique Rwandais (FPR) crée en Ouganda en 1987, est une organisation politique offensive vouée au retour des réfugiés tutsi dans leur pays.

* 83 Accord de paix du 28 août 2000 signé à Arusha (Tanzanie), prévoyant une transition de 30 mois qui commencerait dans un délai de 3 à 6 mois et qui prévoirait un partage du pouvoir, un cessez-le-feu, l'intégration des rebelles dans l'armée nationale et une réforme judiciaire.

* 84 Il peut arriver qu'un groupe de chefs d'Etat prenne la décision de s'engager pour la résolution d'un conflit, leur médiation n'en sera pas moins personnelle si elle n'est pas faite pour le compte ou au nom d'une organisation intergouvernementale.

* 85 Massamba Marc, Le rôle des chefs d'Etats dans la résolution des conflits interafricains au sud du Sahara, thèse de doctorat d'Etat de droit, Paris II, 1988, p.385.

* 86 Idem.

* 87 Tels furent les cas en Gambie (1994), au Niger (1996), au Burundi (1996), et en Côte d'Ivoire (1999).

* 88 Marc Massamba, op. cit, p. 386.

* 89 CABAKULU Mwamba, Proverbes africains, Marabout, Paris, 2003, p. 275.

* 90 Ngom Saliou Benoit, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Silex, 1984, p.110.

* 91 Sady Sidy, Résolution des conflits en Afrique, thèse pour le doctorat d'Etat en Sciences Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), janvier 2003, p. 143.

Il convient d'indiquer à cet égard que les exécutions sommaires et extra judiciaires, les tortures, mutilations et viols massifs sont de plus en plus utilisés car presque toujours, la médiation qui suppose réconciliation assure une impunité aux auteurs de ces crimes.

* 92 SADY Sidy, La résolution des conflits en Afrique, thèse pour le doctorat d'Etat en Sciences Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), janvier 2003, p.159.

* 93 Habib Thiam, Par devoir et par amitié, Monaco, Ed. du Rocher, 2001, p.171.

* 94 -Frédéric DESPORTES/ Francis Le GUNEHEC,  « Le nouveau droit pénal », tome1, Droit pénal général, Paris, Economia, 7è édition, 2000, p.23

* 95 Pierre Hazan, «Measuring the impact of punishment and forgiveness: a framework for evaluating transitional justice», International Review of the Red Cross, vol 88, num 861, mars 2006, pp. 343-346.

* 96 Philippe Jestaz, «La sanction ou l'inconnue du droit», Droit et pouvoir, tome I, Bruxelles, Story-Scientia, 1987, p. 253.

* 97 Ch.-A. Morand, « La sanction », Archives de philosophie du droit, tome. 35, 1990, p. 312.

* 98F.Ost etM. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau ?, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p. 222-230.

* 99 A la fin du XIXe siècle, le juge pénal put faire appel à une seconde catégorie de sanction : les mesures de sûreté, qui ne cherchaient pas tant à corriger qu'à prévenir.

* 100 Delmas-Marty, « Sanctionner autrement ? », Archives de politique criminelle, n° 7, 1994, p. 50.

* 101 Alexis Philonenko, La théorie Kantienne de l'histoire, Vrin, 1989, p.198.

* 102 Stanislaw Plawski, Droit pénitentiaire, Publication de l'Université de Lille 3 (PUL), 1997, p.33.

* 103 On citera notamment le développement, aux États-Unis, au milieu des années 1970, du justice model ou de la théorie du just desert en matière pénale de D. Fogel, We are the Living Proof... The Justice Model for Corrections, 1975, p.43 et A. Von Hirsch, Doing Justice, New-York, Hill and Wang, 1976, p.58.

* 104Il ne fait pas de doute que les sanctions pénales sont, par leur nature même, particulièrement aptes à remplir cette fonction retributive, même si l'on peut être légitimement réticent, comme l'ont été les utilitaristes notamment, à l'ériger en véritable finalité de la peine.

P. Poncela, «Éclipses et réapparition de la rétribution en droit pénal», Rétribution et justice pénale, PUF, 1983, p 11 et suivant.

* 105 G. Kellens, La mesure de la peine, Liège, Collection scientifique de la faculté de droit de Liège, 1982, p 194.

* 106 J. Feinberg, Doing and Deserving, Princeton, Princeton University Press, 1970, p 102 et suivant.

* 107 A. Baratta, « Les fonctions instrumentales et les fonctions symboliques du droit pénal », Déviance et société, 1991, vol. 15, n° 1, p. 18.

* 108 Marek Safjan is professor of private law at Warsaw University. He was the president of Polish Constitutional Tribunal between 1997-2006. At present he is Fernand Braudel Fellow at European University Institute.

* 109 Amnistie vient du grec amnêsia qui a donné amnésie, qui signifie elle-même perte totale de la mémoire. Le terme renvoie indifféremment à l'idée d'un oubli volontaire ou involontaire.

* 110 Stéphane GACON et Suzanne CITRON, « Amnistie - Les contraintes de la mémoire officielle », in Oublier nos crimes : L'amnésie nationale, une spécificité française ?, Autrement- Collection Mémoire, p. 100.

* 111 Gallo Blandine KOUDOU, «Amnistie et impunité des crimes internationaux», Droits fondamentaux, n° 4, janvier-décembre 2004, p.3.

* 112-Mark FREEMAN, « Qu'est-ce que la justice transitionnelle?», Centre international de justice transitionnelle, mars 2003, www.ictj.org/images/content/6/6/666.pdf transitionnelle, mars 2003, www.ictj.org/images/content/6/6/666.pdf. (Consulté le 28 juin 2009).

* 113 Della Morte, Gabriele, « L'amnistie en Droit International », Paper, pp. 3-7

http://www.esil-sedi.eu/english/Paris_Agora_Papers/Dellamorte.PDF et d'Argent, op. cit., p.33.

* 114 Abbas Aroua, Quelques expériences d'amnistie à méditer, Hoggar, 2005, p. 11.

* 115 Carolyn Bull, «Amnesty», Commission for Reception, Truth and Reconciliation in East Timor, novembre 2001 in http://www.easttimor-reconciliation.org/Amnesty-E.htm (consulté le 23 août 2008).

* 116 Pierre d'Argent, « Réconciliation, impunité, amnistie : quel droit pour quel mot ? », La revue nouvelle, novembre 2003, p. 31.

* 117 Séminaire régional organisé conjointement par le parlement burundais, l'union interparlementaire et International Institute for Democracy and Electoral assistance (IDEA), « Le rôle que jouent les parlements dans les processus de réconciliation nationale en Afrique », Union interparlementaire, 2007, p.15.

* 118 Bernard Van Meenen, La vérité, faculté universitaire Saint Louis, Bruxelles, 2005, p. 65.

* 119 Conseil international pour l'étude des droits humain, Négocier la justice? Droits humains et accords de paix, Versoix, Suisse, 2007, p. 108.

* 120 La commission vérité et réconciliation de l'Afrique du Sud, établie en 1995, avait le pouvoir d'accorder l'amnistie, sur la base de requêtes individuelles, aux « personnes qui confesseraient tous les détails de faits relevant d'actes associés à un objectif politique ». Cette disposition issue du chapitre 2 et 3(1, b) de « Promotion of National Unity and Reconciliation Act », était en phase avec une clause de la Constitution intérimaire qui autorisait de telles amnisties conditionnelles, afin de faire progresser la «réconciliation et la reconstruction».

Dans une déclaration conjointe faite en février 2003, Amnesty international et Human Rights Watch écrivaient :

«Bien que les deux organisations soient opposées par principe à l'octroi d'amnisties aux auteurs de violations flagrantes des droits fondamentaux, elles reconnaissent que les conditions à remplir pour en bénéficier et la spécificité du processus d'amnistie mis en place par la Commission ont permis à celle-ci de mettre au jour des faits. En outre, les audiences étant publiques, les survivants ou leurs proches ont pu y assister et s'opposer à certaines demandes d'amnisties.»

* 121 Du moins on peut déjà parler d'une opinio juris, selon Cassese. CASSESE, A., International Criminal Law, 2003, p 315 et HENCKAERTS, J.-M., « Etude sur le droit international humanitaire coutumier», Revue Internationale de la Croix Rouge, volume 87, 2005, p. 298.

* 122 NATIONS UNIES, The rule of law and transitional justice in conflict and post-conflict societies. Report of the Secretary General, 23 August 2004, S/2004/616, 40 et 64.

* 123 William Bole, Le pardon en politique internationale, op.cit, p.96.

* 124 Shriver, in Woodstock Colloquium, Forgiveness in Conflict Resolution: Reality and Unity- The Experiences of the Truth Commission, p.102.

* 125 William BOURDON, « La Cour pénale internationale », Paris, Seuil, 2000, p.308.

* 126 Ancien conseiller spécial pour la prévention du génocide au secrétariat général des Nations unies.

* 127 Juan E. Méndez, «International Judicial Responses to Violence» in Final Transitional Justice Handbook, University of Pennsylvania, March 22, 2007, p.25.

* 128 Les juridictions internationales sont en effet partie prenante du processus de justice transitionnelle. Elles font partie de ces mécanismes judiciaires, au plan international, qui font écho aux juridictions nationales spécialement mandatées, ou à la création de juridictions spéciales ou mixtes.

* 129- Intitulé « Action en cas de menace contre la rupture de la paix et d'acte d'agression », il est le fondement de la répression menée sous le contrôle du CS, à l'opposé du chapitre VI qui porte sur le règlement pacifique des différends.

* 130- Philippe WECKEL, « La Cour pénale internationale », RGDIP, 1998-4, p.983

* 131- Article 1er, Statut TPIR (Compétence du TPIR)

* 132- Article 1(1), Statut TSSL (Création du Tribunal spécial) Article 8(2), Statut TPIR (Compétences concurrentes)

* 133 Résolution S/RES/955 (1994) du CS des Nations Unies, 8 novembre 1994 : "[...] Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix [...]"

* 134- Article 8(2), Statut TPIR (Compétences concurrentes)

* 135 Selon l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, les crimes contre l'humanité sont définis comme «une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque». http://www.icrc.org/DIH.nsf/FULL/357?OpenDocument. (Consulté le 12 novembre 2008)

* 136 Les crimes de guerre comprennent les infractions graves aux conventions de Genève de 1949 et aux droits et coutumes de la guerre. L'article 8 du Statut de la CPI énumère une longue liste de crimes considérés comme des crimes de guerre, 34 d'entre eux relevant des conflits armés internationaux et 16 des conflits armés non internationaux.

* 137- Article 8(1), Statut TSSL (Compétence concurrente)

* 138 -Article 12, statut TSSL, sur un total de 8 juges, (Composition des chambres) ; le gouvernement en nomme 3 contre 5 pour le SG/NU

* 139 Site internet de l'agence de presse Hirondelle basée à Arusha.

http://fr.hirondellenews.com/content/view/22/319/ (consulté le 24 novembre 2008)

* 140- La Sierra Léone a ratifié le statut de Rome le 15 septembre 2000, la RDC le 11avril 2002 et le Burundi le 22 janvier 2004.

* 141 Philippe Ferlet et Patrice Sartre, « La Cour pénale internationale à la lumière des positions américaine et française » in Etudes, février 2007, p.5.

* 142- Article 20 (3-A)

* 143 Alors que la compétence des tribunaux pénaux internationaux prime celle des tribunaux internes, à la C.P.I., c'est l'inverse: sa compétence est complémentaire à celle des Etats ; la C.P.I. ne peut donc connaître d'un crime que dans la mesure où aucun Etat ne poursuit son auteur in Justice en ligne, www.justice-en-ligne.be, (Consulté le 11 juin 2009).

* 144 En avril 2004, la CPI a annoncé que Moreno-Ocampo avait reçu une lettre des autorités congolaises lui renvoyant «la situation qui se déroule dans l'ensemble de la RDC depuis l'entrée en vigueur du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 1er juillet 2002, dans laquelle il apparaîtrait que des crimes [...] ont été commis.» Le gouvernement s'est également engagé à coopérer aux enquêtes. Le procureur a décidé dans un premier temps de porter son attention sur la région de l'Ituri, où les violences les plus graves ont été perpétrées depuis juillet 2002.

Thomas Lubanga Dyilo, ancien chef d'une milice de l'Ituri, est le premier détenu de la CPI. Il a été transféré à La Haye en mars 2006, après avoir été arrêté par les autorités congolaises. En tant que président de l'Union des patriotes congolais et commandant de sa branche militaire, Lubanga est accusé d'avoir enrôlé des enfants soldats et de les avoir utilisés dans le conflit qui a ensanglanté l'Ituri.

* 145- Actuellement, trois ressortissants congolais sont inculpés par la CPI à savoir Germain Katanga, Matthieu Godjolo, Thomas Lubanga

* 146 -Le Canada comme la Belgique dispose d'une loi de compétence universelle. La loi canadienne date depuis octobre 2000. La première mise en application de cette loi a été l'arrestation et l'accusation de Désiré Munyaneza, accusé d'avoir participé au génocide rwandais en 1994. Mais c'est la loi belge de compétence universelle qui a le plus fait parler d'elle. Le 5 août, la nouvelle loi était promulguée, abrogeant du coup la loi de 1993/1999. Pour mieux appréhender les contours du débat relatif à la loi belge, se référer à l'exposé du Professeur Eric DAVID sur « Que reste-t-il de la compétence universelle dans la loi du 5 août 2003 ? » sur, http://www.law.kuleuven.ac.be/jura/40n1/david.html

* 147 Il est décédé en décembre 2006 à l'âge de 91 ans.

* 148 En 2001, un tribunal belge a condamné à des peines de prison quatre Rwandais, dont deux religieuses, pour leur rôle dans le génocide.

* 149- Elisabeth LAMBERT- ABDELGAWAD, « Le dessaisissement des tribunaux nationaux au profit des tribunaux pénaux internationaux », RGDIP, 2004-2, p.431

* 150 Avocats Sans Frontières, Justice pour tous au Rwanda, rapport semestriel, Bruxelles, 1999, p38.

* 151-«Rapport de synthèse de monitoring et de recherche sur la gacaca, phase pilote janvier 2002-décembre 2004 », décembre 2004, (www.penalreform.org)

* 152 Prononcer Gatchatcha

* 153- Article 143 de la Constitution de la République du Rwanda du 4 juin 2003, adoptée par référendum du 26 mai 2003, telle amendée par la Révision n°1 du 02/12/2003 de la Constitution de la République du 4 juin 2004, Journal Officiel, n° spécial du 02/12/2003, in Avocats sans frontières, « Vade mecum : les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité devant les juridictions ordinaires au Rwanda », Kigali et Bruxelles, 2004, p.8

* 154-Loi organique n°16/2004 du 19 /06 /2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions consécutives du crime de génocide et d'autres crimes contre l'humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, in Avocats sans frontières, op cit p.259

* 155 www.wikipédia.org (consulté le 27juin 2009).

* 156-Jean Emile Vincent NKIRANUYE, « La justice transitionnelle en Sierra Léone : entre stratégies judiciaires et nécessités politiques » in Quelle contribution de l'Afrique de l'Ouest à la tradition universelle des droits de l'homme ?  Denis MAGENEST et Théodore HOLO (Direction), Abidjan, Edition du CERAP, 2006, p.312

* 157-Christine DESLAURIER, « Le bushingantahe peut-il réconcilier le Burundi », in « Justice et réconciliation : ambiguïté et impensés » Politique africaine, Paris, Khartala, n° 92- décembre 2003, p. 76

* 158 Thierno Bah, « Les mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits en Afrique noire » in Les fondement endogènes d'une culture de la paix en Afrique, Fréderico Mayor, Edouard Matoko, UNESCO, 1999, p8.

* 159 D'une manière générale, on peut qualifier cette tendance de passage de la violence et de la répression à la démocratie.

* 160 Mark Freeman, op.cit, p. 9.

* 161 Priscilla B. Hayner, «Truth Commissions», the Encyclopaedia of Genocide and Crimes against Humanity, Macmillan Reference USA, 2004, vol. 3, pp. 1045-1047.

* 162 HCDH, Les instruments de l'Etat de droit dans les sociétés sortant d'un conflit : les commissions de vérité, New York et Genève, 2006, pp. 17-26.

* 163- Marc FREEMAN, op cit

* 164 L'article 16 de cet accord stipule: «pour établir un compte rendu impartial et historique des atteintes et des violations des droits de l'homme et du Droit international humanitaire en relation avec le conflit armé en Sierra Léone, depuis le début de la guerre civile en 1991 jusqu'à la signature de l'Accord de paix de Lomé, pour répondre à l'impunité et aux besoins des victimes, pour guérir les blessures de guerre, promouvoir la réconciliation et prévenir la répétition des violations et activités»

* 165 The Truth and Reconciliation Act 2000, Part III, 1.

* 166- « Rapport sur la justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux », Division politique IV du département fédéral des affaires de la Confédération Suisse.

* 167 Franck Petit, « Informer sur la justice transitionnelle : Un manuel pour journalistes », BBC World Service Trust, mars 2008, p.40.

* 168 Paul James-Allen, Conférence sur la justice transitionnelle en Côte d'Ivoire, du 27 au 29 août 2008, Programme de ICTJ pour le Libéria.

* 169 La commission peut toutefois enquêter également sur des violences antérieures à 1979, à condition qu'elle soit saisie d'une requête spéciale d'individus ou d'organisations.

* 170 An Act to Establish the Truth and Reconciliation Commission (TRC) of Liberia, Article VII, g.

* 171 Le Congrès National Africain (ou ANC pour African National Congress en anglais) est un parti politique d' Afrique du Sud membre de l' Internationale socialiste. Créé en 1912, à Bloemfontein pour défendre les intérêts de la majorité noire contre la domination blanche, il fut déclaré hors-la-loi par le Parti National pendant l' apartheid en 1960. Il est relégalisé en 1990 alors que l'apartheid est aboli en juin 1991.

* 172 « Rapport sur la justice transitionnelle dans le monde francophone... » ; op. cit, p.34.

* 173«Interrogations, observations et conclusions tirées des rapports de René Dégni-Ségui », Génération Espoir, Genève 2, mars 1995, p.11.

* 174 Le système de sécurité est entendu ici de manière large, englobant la police, l'armée, les services de renseignement, les services de contrôle des frontières, les mécanismes de supervision des organes de sécurité et les organes judiciaires

* 175 Le mot «vetting» n'a pas encore de traduction généralement acceptée en français. On trouve notamment, entres autres traductions, dans les divers documents officiels de l'ONU, le terme d'«assainissement », qui est toutefois connoté et lié à la morale. Il s'applique plutôt à l'environnement et ne désigne pas le processus auquel est soumis chaque individu. La notion d' «épuration » est elle aussi inadaptée, car elle s'apparente aux processus de lustration, terme anglophone tiré du latin lustratio, qui désigne les processus qui se sont déroulés après la chute du bloc soviétique et qui écartaient les individus de l'institution sur une base plus ou moins arbitraire d'appartenance à une organisation, et non pas sur la base de leurs propres agissements. L'expression d' « examen d'intégrité » reflète, quant à elle, assez bien la notion de vetting. Enfin le terme « criblage » semble le plus adéquat et a déjà été utilisé en ce sens à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement, il demeure peu connu et son usage impose à ce titre une explication quasi systémique.

* 176 Basic Principles and Guidelines on the right to remedy and reparation for victims of gross violations of international human rights law and serious violations of international humanitarian law, adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 2005, Résolution A/RES/60/147.

* 177 Mark Freeman, op.cit. p. 12.

* 178 Questions fréquemment posées, Conseil International de Réhabilitation pour les Victimes de Torture (IRCT), mai 2007, p.2.

* 179 C. Bassiouni, Nations unies, E/CN.4/2000/62. Ils sont rapporteurs auprès des Nations unies sur la question de la réparation.

* 180 Yvan Conoir et Gérard Verna, Faire la paix: concepts et pratiques de la consolidation de la paix, Les presses de l'Université de Laval (PUL), 2005, p.76.

* 181 Conseil International de Réhabilitation pour les Victimes de Torture (IRCT), La réparation, www.irct.org.

* 182 Article 13 - Droit à un recours effectif : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles »

* 183 Il s'agit en particulier des dispositions de l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'article 2 (3, a et c ) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 6 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de l'article 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de l'article 39 de la Convention relative aux droits de l'enfant ; ainsi que de violations du droit international humanitaire, en particulier les dispositions de l'article 3 de la Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18 octobre 1907 (Convention IV), de l'article 91 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977, et des articles 68 et 75 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

* 184 Article 75(1) du Statut de Rome de la CPI portant sur la réparation en faveur des victimes.

* 185 Ibid., Article 68(1) relatif à la protection et à la participation au procès des victimes et des témoins.

* 186 Ibid. article 68(3) relatif également à la protection et la participation au procès des victimes et des témoins.

* 187 C'est ce qui ressort du paragraphe 16 des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et réparation des victimes de violations flagrantes du droit international relatif aux droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire qui stipule en substance : « les Etats devraient s'efforcer de créer des programmes nationaux de réparation et autre assistance aux victimes lorsque la partie responsable du préjudice subi n'est pas en mesure ou n'accepte pas de s'acquitter de ses obligations ».

* 188- Voir Rapport final du Rapporteur spécial Chérif BASSIOUNI, (E/CN.4/2000/62 du 18 janvier 2000)

* 189- Voir Rapport de Théo VAN BOVEN et de Chérif BASSIOUNI, adopté le 13 /04 /2005 par le Conseil économique et social

* 190 Desmond Tutu, « Pour une justice réparatrice », Project Syndicate, 2006, in www.project-syndicate.org, (consulté te 5 novembre 2009)

* 191 Chiffre d'une enquête de Paul COLLIER cité par Jean-Marc CHATAIGNER et Hervé MAGRO dans Les Etats et Sociétés Fragiles, Karthala, Paris, 2007, p.






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