L'intervention humanitaire de la MONUC en RDC( Télécharger le fichier original )par Kasagwe BUHENDWA Université catholique d'Afrique Centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2008 |
B. La difficile conciliation de l'éthique humanitaire avec les objectifs d'une force politico-militaire« Tutti fratelli » (tous sont frères). Ce slogan scandé par les femmes de Castiglione, en portant secours aux blessés lors de la bataille de Solferino9(*), fait référence au principe de non discrimination qui doit caractériser les humanitaires. L'utilité et la pertinence de l'action humanitaire tiennent au fait qu'elle permet, par sa neutralité, son impartialité, son indépendance et son humanité, d'apporter une aide à toutes les victimes sans discrimination partisane. Malheureusement, ces principes ne sont pas souvent respectés dans le cadre d'une intervention humanitaire militarisée. En effet, à l'instar de l'instrumentalisation de l'aide humanitaire et des humanitaires par les forces américaines sous mandat de l'OTAN au Kossovo et en Afghanistan10(*), l'intervention humanitaire de la MONUC suscite des interrogations quant à sa capacité à respecter l'éthique humanitaire. Tout d'abord, les principes d'indépendance et de neutralité supposent d'une part qu'il ne doit pas y avoir de collusion entre une entité politico militaire quelconque et les agences humanitaires et que d'autre part, l'aide doit être fournie à toutes les victimes sans discrimination. Ensuite, le principe de neutralité quant à lui renvoie au fait que les humanitaires ne doivent apporter aucun soutien à une partie au conflit. Enfin, le principe d'humanité suppose que l'aide devrait avoir pour but de soulager les souffrances des victimes et de préserver leur dignité humaine. Ceci implique donc que l'aide humanitaire disponible devrait être prompte, c'est-à-dire être distribuée ou apportée au moment où les victimes en ont le plus besoin. Il faut cependant constater que cela ne va pas toujours de soi dans le cadre d'une intervention militarisée. Les forces de la MONUC, essentiellement composées des militaires, sont entrainées pour recourir à la `violence' conformément à certaines règles afin d'atteindre certains objectifs politiques fixés par les Nations unies qui financent ses opérations. Ensuite, les interventions de la MONUC l'ont toujours officiellement été au soutien du gouvernement dit régulier, ce qui suppose, à notre avis, une discrimination entre les' bonnes victimes'11(*) et les `mauvaises victimes'12(*). Cet aspect fausse complètement les objectifs d'une aide humanitaire. Par ailleurs, la réaction de la MONUC a souvent été considérée comme tardive chaque fois qu'il y a une crise qui nécessite le soutien humanitaire de sa part. En effet, la souplesse et le déploiement rapide qui caractérisent les autres agences humanitaires civils, dont l'objectif unique est de sauver des vies, n'est pas monnaie courante dans l'administration de la MONUC souvent handicapée par l'excès de bureaucratie. Ceci a conduit certains à comparer cette mission onusienne à ce médecin qui surgit après la mort du patient pour ne finalement pratiquer que l'autopsie. Le non respect du principe de neutralité et d'impartialité par la MONUC peut entraîner des conséquences néfastes sur la sécurité des humanitaires, car toute perception par les parties au conflit du non respect de ces principes par un engagement partisan de la part d'une force prétendument neutre peut mettre en péril tous les programmes humanitaires et ceux des autres organisations partenaires sur le territoire. La MONUC a le privilège d'être une force multilatérale sous mandat de l'ONU. Contrairement aux forces anglo-américaines au Kossovo et en Afghanistan sous mandat de l'OTAN, elle n'est pas considérée ab initio comme une force étrangère d'occupation par les populations congolaises. Au contraire, elle est vue comme une force de libération du joug des `agresseurs étrangers'. Elle devrait donc profiter de son statut pour jouer pleinement son rôle en distinguant chaque fois les actes s'inscrivant dans son agenda humanitaire de ceux faisant partie des objectifs purement militaires de maintien de la paix et sécurité internationales. Ceci lui permettrait donc de respecter les principes cardinaux de l'éthique humanitaire pour une sécurité durable des autres humanitaires. Mais au-delà de toutes ces considérations qui peuvent fausser le jeu humanitaire, faut il conclure, comme certains l'ont estimé, qu'une force militaire ne fait pas dans l'humanitaire ? Il est certes vrai que dans certaines interventions militarisées la cause humanitaire a été souvent dévoyée ou instrumentalisée à des fins politiques. Cependant, il faut noter que le contexte de l'intervention de la MONUC est très différent de certains autres cas que l'on a connus. Des écrits et témoignages sur la situation humanitaire en RDC font bel et bien état de l'implication matérielle de la MONUC dans le domaine humanitaire. Au-delà des spéculations sur son indépendance ou sa neutralité, ceci pose donc la question des réalisations ou des actions palpables de cette force dans le domaine humanitaire en RD Congo, et qu'il convient d'analyser à présent. * 9 Guillaume d'ANDLAU, L'action humanitaire, que sais-je, PUF,1998, p5 * 10 En 2003, l'armée américaine avait distribué des tracts demandant la diffusion des informations relatives au positionnement des talibans et Al Qaida par les Afghans s'ils voulaient continuer à bénéficier de l'aide humanitaire * 11 Blessés de l'armée régulière * 12 Blessés des armées dissidentes |
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