CONCLUSION
Nous sommes parvenu ici au terme de ce travail qui,
rappelons-le, a pour thème l'analyse des fondements ontologiques de la
liberté chez Jean-Paul Sartre, dans son ouvrage majeur l'Etre et le
Néant. Dans cette analyse, nous avons procédé
successivement, d'abord, à l'analyse du rapport entre les deux concepts
phares de cet ouvrage à savoir "l'etre et le néant' ;
ensuite, jà l'analyse du rapport de l'rtre en tant que conscience avec
les autres consciences c'est-à-dire dans sa rencontre avec autrui ; et,
enfin, jà l'analyse de la question de la morale contenue dans la notion
de la liberté chez Sartre.
Nous sommes mis à l'évidence que, parler de la
liberté n'est pas une entreprise facile, ceci à cause de la
non-univocité de la définition même du concept. Car, selon
que l'on se situe dans un contexte déterministe et contractuel, on dira
qu'rtre libre c'est obéir à un certain nombre de normes et lois
établies par le destin, la providence, la nature ou la
société. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la
définition de la liberté donnée par Jean-Jacques Rousseau
dans sa célèbre formule : « l'obéissance à
la loi qu'on s'est prescrite est dite liberté »103.
Ici, la liberté semble ambigüe, car l'homme est
considéré non seulement comme auteur de la loi, mais aussi comme
celui qui doit s'y soumettre. Du coup, la liberté lui est imposée
par les contraintes extérieures, par la collectivité
contractuelle au prix de l'observance stricte de la loi. Plus il y
obéit, plus il est "libre".
Par contre, selon que l'on se situe dans un contexte
existentialiste, on dira qu'rtre libre c'est assumer la solitude et la
souveraineté de ses choix. Il y a un déracinement des valeurs,
aucune norme ne s'impose d'elle-même. Les valeurs ne s'enracinent que
dans des choix individuels, à chaque instant, révisables.
L'existentialisme nie tout déterminisme. C'est en ce sens qui faut
comprendre l'approche sartrienne de la liberté humaine qui est à
l'envers des conceptions de la liberté fondées sur les
déterminismes. Pour Sartre, c'est la liberté mrme qui
détermine et conditionne l'agir de l'homme. C'est ce qu'il mentionne
lorsqu'il dit que « la liberté est la condition première
de l'action »104. La liberté est la
conséquence de la facticité de la réalité humaine.
D'après Sartre, il n'y a pas de place pour la morale
déterministe, il n'y a pas de valeur suprême ou un Dieu qui puisse
indiquer à l'homme ce qu'il a à faire. L'homme se trouve
livré à lui-même, sans aide ni secours ; il est alors
appelé à prendre son destin en main. Ainsi, selon notre auteur,
ttre libre c'est ~tre responsable de ses actes, c'est en assumer les
conséquences sans attendre qu'un ~tre extérieur nous l'impose. La
liberté sartrienne, elle, est
103 J.J. ROUSSEAU, Du Contrat Social, Livre I, chap.
VII.
104
J.P. SARTRE, L'etre et le néant, essai
d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p.
487.
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donc immanente et n'émane pas de l'extérieur. Il
ne s'agit nullement ici d'une incitation à la
désobéissance aux lois et aux normes sociales car, rappelons-le,
nous ne sommes pas dans un contexte contractuel de la liberté.
La morale que nous pouvons tirer de cette conception
sartrienne de la liberté est l'interpellation à l'action, donc
à l'engagement de chaque homme en tant que liberté individuelle
face au destin. On ne doit rien attendre de l'extérieur ; on doit sortir
de l'oisiveté et de la dépendance. Ceci est valable sur tous les
plans et dans tous les domaines : social, politique, économique, etc Et
si les politiques africains, au lendemain des indépendances avaient
compris cette morale, qu'ils n'avaient pas à attendre l'aide ou l'ordre
de l'extérieur, qu'ils devaient prendre en main eux-mêmes le
destin de leur continent, le continent africain, riche en matières
premières ne devait pas rester au niveau oil il est aujourd'hui qui
contraste avec l'expérience et la réalité actuelles des
pays asiatiques. Certains pays asiatiques par exemple, qui dans les
années 1960-1970 étaient au même niveau de
développement que les Etats africains se trouvent aujourd'hui
classés parmi les grandes puissances mondiales. Mais certains pays
africains, jusqu'aujourd'hui croient encore, pour ne pas dire toujours, en
l'aide internationale, et ne font pas d'effort pour sortir de leur situation
actuelle.
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