PREMIER CHAPITRE
CADRE CONCEPTUEL ET APPROCHE METHODOLOGIQUE
1.1. LE CADRE CONCEPTUEL
1.1.1. La problématique
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'au
début du 3e millénaire, la dynamique urbaine de
l'Afrique subsaharienne est le fait le plus marquant pour ce continent.
Lié dans une large mesure à la colonisation pour les besoins de
l'expansion européenne, le processus d'urbanisation moderne a
véritablement démarré durant cette période avec un
rythme très lent (Coquery-Vidrovitch, 1987 cité par Nyassogbo,
2004). Il a commencé à s'accélérer au début
des années d'indépendance surtout dans les grandes villes pour
atteindre sa vitesse de croisière durant les années 1970 avant de
connaître une nouvelle phase de décélération au
début de la "décennie perdue ",(Nyassogbo, op. cit.), au profit
des villes secondaires. En effet, au lendemain des indépendances, les
responsables africains ont élaboré des plans de
développement ambitieux fondés sur les grandes villes notamment
les capitales "vitrines du développement", (Nyassogbo, op. cit.). Mais
au début des années 1980, la tendance s'inverse ; on remarque
désormais un intérêt particulier pour les petites et
moyennes villes au service du développement régional et local.
L'intérêt que suscitent à présent les petites villes
trouve son origine dans une série de facteurs. D'abord, il s'agit des
échecs répétés de développement
fondés sur les capitales. Ensuite à cause de la crise urbaine qui
caractérise l'ensemble de l'Afrique tropicale. Il trouve enfin son
origine dans une croissance exagérément rapide des villes qui
aboutit au phénomène du gigantisme urbain. On pouvait donc
constater aisément que : « les grandes viles sont
incapables de promouvoir le développement harmonieux des pays africains
dans les conditions actuelles de l'urbanisation avec tous les problèmes
qu'elles posent » (Nyassogbo, op. cit.).
Un autre aspect de ce gigantisme urbain se traduit par la
consommation d'espace. En effet, La forte croissance démographique que
connaissent les
grandes villes d'Afrique subsaharienne depuis plusieurs
décennies se traduit par un étalement urbain
incontrôlé, un équipement déficient en services de
base (écoles, centres de santé, électricité, eau
potable...) et une mauvaise accessibilité des quartiers
périphériques, qui abritent généralement des
populations à bas revenus. A titre d'exemple, Lomé, entre 1970 et
1981 avait une population qui s'est dédoublé passant de 145000
à 375000 hbts, alors qu'à la même période la
superficie urbanisée s'est multipliée par trois, passant de 1900
à 6000 hectares (Nyassogbo, op. cit.). Dziwonou Y. en l'an 2000 note un
triplement de cette superficie qui revient à 18000 ha et plus entre 1980
et 1998 alors que la population peine à se dédoublée ; or
malheureusement les infrastructures et équipements de bases peinent
à suivre le rythme imposé par la croissance démographique
et spatiale de la ville. Bref, Les villes sont entrées dans une phase
d'extension spatiale démesurée entraînant derrière
elles tout un cortège de problèmes de logements,
d'infrastructures de bases, de déplacements... surtout dans les
nouvelles zones d'expansion. Certes, Comparativement, l'étalement urbain
dans les pays du sud est intervenu beaucoup plus tôt que dans les pays
occidentaux, mais la conférence sur l'étalement urbain
organisée en Septembre 2007 à l'Université
d'Orléans par les spécialistes des questions urbaines vient
confirmer l'ampleur du phénomène sur le plan mondial. Partout, on
parvient au même constat : « l'explosion spatiale de la
ville ne s'est pas accompagnée d'un développement
d'infrastructures urbaines à sa mesure » (Paul Claval dans son
allocution d'ouverture lors de la conférence d'Orléans).
Plus généralement donc, les zones
périphériques restent à la fois marquées par la
rareté des équipements de quartier et par une mauvaise
qualité de la voirie. Le colloque d'Orléans d'après
Zaninetti Jean-Marc, responsable de l'organisation proposait ainsi
à « la communauté scientifique mobilisée
par l'étude des villes de débattre de l'étalement urbain
comme mode de régulation des rapports sociaux et comme enjeux de
gouvernance territoriale à partir d'études de cas concrets,
prises dans différents contextes urbains situés partout à
travers le
monde ». En ce qui concerne les
pays en développement, les chercheurs prônent la
décentralisation qui est présentée non seulement comme une
solution pour désengorger les grandes villes, mais aussi, comme une
condition sine qua non de la croissance des villes secondaires et du
développement de leurs arrière-pays.
Au Togo, après l'indépendance, le fait urbain
est, à l'image des pays de l'Afrique subsaharienne, marqué par la
présence d'une seule grande ville, Lomé, qui étend son
influence sur toute l'étendue du territoire. Elle écrase de tout
son poids les centres secondaires qui s'échelonnent, pour la plupart, le
long des principales voies de communications. Pour ces centres secondaires,
leur développement est tributaire de leurs rôles administratifs et
de leur situation par rapport à la route nationale N°1 ou par
rapport à un axe routier.
Atakpamé, chef-lieu de la Région des Plateaux,
qui est notre zone d'étude est une ville qui doit son dynamisme à
sa situation géographique et à son rôle administratif et
économique.
Par sa position, Atakpamé est un carrefour important,
situé à mi-chemin entre Lomé et Sokodé sur la voie
centrale, à 100 km de Kpalimé, du Litimé et
également à une centaine de km de Savalou en République du
Bénin. << Cette position stratégique
d'Atakpamé n'a jamais été démentie au cours de
l'histoire. Elle a été au contraire confirmée et
renforcée par son choix, d'abord par l'administration coloniale
(allemande puis française), comme chef-lieu du cercle du centre, puis
après l'indépendance, comme chef-lieu de la Région des
Plateaux » (Nyassogbo, 1985).
Cette évolution politique et administrative est
vigoureusement soutenue par l'évolution économique et
démographique.
Sur le plan économique, Atakpamé est le seul
débouché des produits agricoles vivriers d'un vaste
arrière-pays largement excédentaire et centre de transit des
produits d'exportation (café, cacao et coton).
Sur le plan démographique, elle occupe la 5e
place dans l'armature urbaine du Togo avec 77 300 habitants (DRSCN-PL, 2007)
derrière respectivement Lomé, Sokodé, Kara et
Kpalimé. " Blotti au fond d'une cuvette "
(Nyassogbo, op.cit.), le premier noyau urbain
formé de Woudou, Blakpa, Gnagna et Djama, est entouré d'une
série de collines qui lui ont permis de résister aux grands
assauts des Dahoméens au 15e et 16e siècle.
Durant la période coloniale, la ville s'est étendue sur les
versants est des monts Akposso. Cette ceinture naturelle formée par ces
hauteurs confère à la ville un paysage géographique
très attrayant. Mais le relief et la configuration du
périmètre urbain sont une entrave à l'extension de cette
ville. En réalité, c'est l'ouverture sur la
pénéplaine d'Agbonou, il y a une vingtaine d'années
après une longue hésitation de la population, qui a donné
un nouveau coup d'accélérateur à l'extension spatiale de
la ville. Ceci renforça sa fonction de carrefour puisqu'elle occupe
désormais le site d'Agbonou qui est situé sur la route nationale
N°1.
Noeud de l'axe routier Nord/Sud et du chemin de fer du centre,
Agbonou est un des plus grands carrefours commerciaux du Togo situé sur
la route nationale N°1 après celui de Sokodé. Les nombreuses
escales répétées et effectuées ça et
là par les automobilistes empruntant la Nationale N°1 en
témoignent largement. Ces escales sont surtout sources d'une dynamique
économique, démographique et spatiale impressionnante. Ce
quartier a une dynamique économique singulière par rapport aux
autres quartiers de la ville et à d'autres espaces urbains situés
sur la Nationale N°1 au Togo tout comme Komah un quartier au sud de
Sokodé qui connaît aussi une dynamique pareille. L'ambiance qui
prévaut dans ce carrefour, le nombre de commerçants qu'on trouve
là, sur une distance d'à peine un km sont de nature à
témoigner de la dynamique économique que lui imprime la route
nationale N°1. Quant au progrès démographique, il a
été rapide depuis la moitié du 20e
siècle. En 1940, l'administration y dénombra 1297 âmes
(DRSCN-PL). Au premier recensement de 1960, le village comptait 4154
habitants. En 1997 et en 2004, les chiffres des estimations
selon la Direction Régionale de la Statistique et de la
Comptabilité Nationalité - Plateaux - (DRSCN-PL), étaient
respectivement de 13008 et 17401 habitants ; ce qui donne un taux
d'accroissement de 3,28%. Actuellement, cette population peut être
estimée à une vingtaine de milliers.
Sa dynamique spatiale a été plus spectaculaire.
Au dernier recensement de 1981, Agbonou n'était qu'un petit village,
mais aujourd'hui, il fait pratiquement la moitié de la superficie
urbaine d'Atakpamé, soit 152 ha sur 377 que compte la ville (DRSCN-PL).
Comment expliquer le dynamisme de ce quartier d'Atakpamé ?
Quelles sont les spécificités géographiques,
historiques et socio-culturelles de ce quartier ?
Quelle est la part des migrations résidentielles dans le
périmètre urbain ? De quels types d'équipements
socio-collectifs dispose-t-il ?
Quel rôle joue la route nationale N°1 dans l'extension
spatiale du quartier ? Quel rôle joue-t-elle dans le développement
local et régional ?
Telles seront schématiquement nos pistes de
réflexion dans ce travail. 1.1.2. Objectif
général
> Le travail vise à étudier la dynamique des
quartiers périphériques des
villes secondaires.
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