Philosophie et religion chez Hegel( Télécharger le fichier original )par Cyrille Tenejou Grand Seinaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de philosphie 2009 |
III.2. Le Négro-africain est-il homo religiosus ?Dans cette partie, nous allons examiner le problème de la religion en Afrique noire. Peut-on, oui ou non, conférer à l'homme africain l'attribut d'être religieux? Nous allons répondre à la question posée en partant de la conception de HEGEL sur les religions africaines traditionnelles. Nous ne manquerons pas aussi de jeter un regard sur l'état actuel de la religion sur le continent noir. III.2.1. Le déni hégélien de toute religion au Négro-africainEn examinant toutes les grandes religions du monde, HEGEL n'a pas manqué de se pencher plus particulièrement sur ce qu'il appelle la religion de l'Africain. D'après la définition qu'il donne au concept religion, le fait proprement religieux c'est que l'homme reconnaisse un Etre Suprême, un pouvoir supérieur par rapport auquel il est quelque chose de plus faible et de plus bas. En appliquant cette définition au système de croyance du Négro-africain, HEGEL n'a pas hésité à dénier à ce dernier l'attribut d'être religieux. C'est ce qu'il affirme lui-même en ces termes : « La religion commence avec la conscience de l'existence de quelque chose qui soit supérieur à l'homme. Cette forme d'expérience n'existe pas chez les nègres »116(*). Selon CHINDJI-KOULEU, cette affirmation de HEGEL signifie qu'il n'existe, à proprement parler, ni religion, ni Dieu chez les Négro-africains. Ici, il convient d'entendre par religion, un ensemble de croyances ayant Dieu pour objet. Si le Nègre n'a pas l'idée de Dieu, c'est parce que cette idée est trop élevée pour que la pensée des primitifs puisse l'atteindre ; par conséquent, le Nègre est un athée invétéré117(*). En effet, pour HEGEL, le principe religieux du Négro-africain se résume ainsi : « En Afrique, tous les hommes sont des magiciens »118(*). La magie dont parle notre auteur est le pouvoir que l'homme s'arroge sur la nature ; ce dernier ne connaît que la nature comme opposé à lui-même. Toute sa pensée, croit-on, est cosmocentrique. Dans la magie, Dieu est absent, puisque c'est l'homme qui représente la puissance suprême. Normalement et même logiquement, un vrai croyant ne devrait plus croire en la magie, car ce serait nier la toute-puissance de Dieu. La magie apparaît comme un pouvoir capable de contrecarrer toute puissance de Dieu. Si donc le Nègre croyait en Dieu, il n'aurait pas si souvent recours à la magie pour résoudre des petits problèmes quotidiens119(*). C'est à juste titre si Marc AUGE déniait aux croyances africaines la légitimité aussi bien religieuse que philosophique. Il affirmait à ce propos qu'« il n'y a jamais eu en toute rigueur, dans cette perspective, de "religion" africaine : ou bien, trop soumise aux affaires des hommes, engagée dans la définition de leurs rapports et la maîtrise de leur histoire, elle se dégrade en magie ; ou bien, la réflexion sur l'univers de l'humanité en général, elle acquiert la dignité abstraite de philosophie »120(*). L'autre aspect de la religion du Négro-africain consiste, selon HEGEL, en un culte de fétiche, c'est-à-dire que ce dernier fait de son pouvoir un objet de représentation, extérieur à la conscience et lui donne une figure. « Ils [les Africains] élèvent à la dignité du génie toute chose qu'ils imaginent avoir de la puissance sur eux, animaux, pierre, figurines de bois. Les individus se procurent de semblables objets en se les faisant donner par les prêtres. C'est en cela que consiste le fétiche »121(*). Il ne peut donc y avoir aucun rapport de dépendance dans cette religion puisque le fétiche semble manifester une autonomie face au libre vouloir de l'individu. Sommairement dit, selon HEGEL, il n'existe, à proprement parler, ni religion, ni Dieu dans la conscience négro-africaine. Il taxe la « religion africaine » de magie et de fétichisme. N'était-ce pas là moins une tentative réelle de compréhension du phénomène religieux du Négro-africain qu'une satisfaction intellectuelle du rationalisme hégélien ? * 116 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253. * 117 Cf. CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 96. * 118 HERODOTE, cité par G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 253. * 119 Cf. CHINDJI-KOULEU, op. cit., p. 96. * 120 M. AUGE, op. cit., p. 32. * 121 G. W. F. HEGEL, La raison dans l'histoire, op. cit., p. 255. C'est nous qui soulignons. |
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