Jean zay, ministre des beaux arts 1936-1939, étude de cas sur sa politique cinématographique( Télécharger le fichier original )par Lisa Saboulard Université de Toulouse II Le Mirail - Master 1 Histoire Contemporaine 2010 |
2.3) Anticiper : le cinéma éducatif«Nous avons eu, au ministère de l'Education Nationale, autour du Musée pédagogique, fait un effort qui a déjà été très important et qui, notamment pour les sociétés postscolaires, met à leur disposition un certain nombre de films dignes d'intérêt. Cet effort est très inférieur à ce qu'il pourrait être, et, d'accord avec le ministre des Finances, j'envisage les conditions dans lesquelles il pourrait être amplifié »179(*). En effet, hormis quelques réunions d'une grande Commission qui siège au Musée Pédagogique180(*) se réunissant pour étudier tous les problèmes du Cinéma à l'École ou au lycée (choix des formats d'aquarelles, méthode de production des films éducatifs, programmes, subventions, etc...), peu d'actions réelles alliant ce nouvel art en plein expansion et l'éducation sont entreprises. La direction générale des Beaux arts est représentée à cette commission et y intrevient dans la mesure où l'enseignement de l'histoire de l'art a sa place dans les programmes scolaires. C'est dire qu'elle n'y collabore que de manière assez limité. Cependant, Jean Zay va prendre compte la question du cinéma via sa grande réforme de l'enseignement181(*), en tant que contemporain d'une révolution audiovisuelle.
Une note du cabinet Abraham datant du 12 février 1937182(*) précise que la Direction Générale des Beaux arts a hérité du dernier gouvernement une Commission spéciale183(*)pour encourager « par tous les moyens dont elle dispose (ils sont hélas ! peu nombreux) » pour aider à la production de films documentaires de caractère artistique. Malheureusement, celle-ci ne bénéficie d'aucun crédit pour aider à la production ou à l'achat de bandes. Toutefois, elle offre sa collaboration aux producteurs par la libre entrée dans les Musées et Monuments, la dispense de taxes pour prises de vues et surtout les conseils de ses techniciens, conservateurs de Musée, Inspecteurs de Monuments historiques, Architectes etc... On souligne là l'effort effectué pour ouvrir la culture au plus grand nombre d'élèves et accessoirement à une population toujours plus nombreuse, thème cher au Front populaire et à Jean Zay. Si les autres mesures envers l'industrie cinématographique manquent de budget, ce n'est pas le cas pour les actions envers l'Education Nationale. En effet le montant des crédits inscrits au budget de celui-ci pour l'année 1938, au titre des subventions aux Communes et des subventions aux Associations postscolaires, cercles, et patronages postscolaires, pour l'achat de cinématographe s'élève à 399 000 francs184(*), somme assez considérable. Ces subventions portent, non seulement sur les appareils de projections animées (cinématographe), mais encore sur les appareils de projections fixes. En ce qui concerne les appareils de projections animées, les subventions peuvent être accordées en principe pour les appareils sonores ou muets, des formats 35 mm. (format des salles d'exploitation) et 16 mm. (format réduit). Toutefois, dans la pratique, les subventions sont demandées pour acheter du 16 mm., le 35 mm. étant beaucoup plus cher et les disques étant d'un approvisionnement difficile en raison de leur prix et de leur encombrement185(*). Bien évidemment, les subventions ne peuvent être accordées qu'aux appareils de projections fixes ou animées qui sont reconnus par la Commission spéciale comme satisfaisant aux exigences particulières de la projection scolaire ou parascolaire. Avec l'arrivée de Jean Zay, trois sous commissions se mettent en place, armées de toutes ses subventions, afin de faire évoluer la question de l'utilisation du 7ème art dans l'Education. La première concerne les questions techniques, la seconde sur les questions d'ordres pédagogiques et enfin la dernière sur les questions commerciales et douanières. Ainsi, les travaux de ses trois commissions 186(*) aboutissent à la publication de listes d'appareils agréés, mais aussi de films selon les cas « approuvés et recommandés », « approuvés non recommandés » ou non approuvés. Ce nouveau dynamisme du sous-secrétariat des Beaux arts est accompagné par l'Union française des offices du cinéma éducateur laïc (UFOCEL), branche spécialisée de la Ligue de l'enseignement187(*). Le principal enjeu à cette époque est constitué par la place théorique et pratique qui doit être impartie à ce nouveau média, et des difficultés découlant de la conviction, désormais partagées par le ministre et son équipe, de l'importance de langage, « le plus simple et le plus accessible à tous »188(*). Néanmoins, les restrictions financières de 1937 ne peuvent permettre l'aboutissement total de l'ensemble de la modernisation du circuit scolaire et seule une circulaire du 25 juin 1936 lançe réellement une enquête sur l'état exact de l'équipement cinématographique des établissements scolaires, n'aboutissant qu'à la veille de la chute du gouvernement et se retrouvant noyée dans le naufrage général des grands travaux. Outre ses mesures sur l'environnement de l'industrie cinématographique, Jean Zay a comme objectif de réformer entièrement celle-ci, de l'épurer afin qu'elle renaisse, et de lui donner une législation claire. En effet, comme le précise les auteurs du rapport sur la diffusion du film français aux Etats Unis concluent dans le même sens, en précisant que « si l'industrie cinématographique française cesse d'être livrée à la fantaisie et à l'imprévoyance elle sera capable, en augmentant ses ressources, de servir la cause de la propagande française à l'étranger. » Jean Zay va donc tenter de supprimer la fantaisie et l'imprévoyance et du cinéma français, en tentant une réforme profonde de toute la profession. * 179 Où va le cinéma français ? p132. * 180 Sous la présidence de M. Barrier, adjoint au Directeur de l'Enseignement Primaire. * 181 Voir à ce sujet la troisième partie de La belle illusion de Pascal Ory et une grande partie de la thèse de Marcel Ruby., la vie et l'oeuvre de Jean Zay, Librairie gedalge, Paris, 1969. * 182 AN 312 AP 6 * 183 Celle-ci a été créée par un simple arrêté du 2 décembre 1935. * 184 Note « subvention pour cinématographe », AN 312 AP 6 * 185 Quand au muet, il est de moins en moins demandé car même s'il répond bien au besoin de l'enseignement, il est déjà considéré comme obsolète ! * 186 Pour plus de détails, voir Ory P, op. cit. p 639. * 187 Celle-ci encouragea vivement et accélérait la modernisation des équipements scolaires. * 188 Note AN 312 AP 6 |
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