Dédicaces
Je dédie ce
travail :
A ma mère ;
A mon père ;
A mes frères et
soeurs ;
A toute ma famille ;
A mes amis.
Remerciements
Je remercie tout d'abord mes
parents pour tout leur soutien et leur amour de tous les jours. A mon
père pour avoir su me donner une éducation qui jusqu'à
présent me permet d'aller de l'avant. A ma mère, pour tous les
sacrifices qu'une mère fait si fièrement pour ses enfants.
Je ne saurais vous remercier
assez.
Je remercie mon encadreur,
Monsieur Adrien DIOH pour toute sa disponibilité et sa
détermination. Ses conseils et orientations ont été d'un
grand apport dans mes recherches et la rédaction de ce travail. L'esprit
critique dont il a fait preuve avec nous, nous a permis de comprendre que la
recherche exige toujours un effort quotidien.
Je remercie aussi, Monsieur
Boubacar DIALLO pour tout son soutien dans la réalisation de ce travail.
Son apport a été décisif pour la compréhension et
l'orientation du sujet. Merci.
Enfin, je remercie toute ma
famille, mes amis et mes camarades de promotion.
Abréviation
Aff. :
Affaires
Al. :
Alinéa
Art. :
Article
AU : Actes
uniformes
AUSC/GIE : Actes uniformes
sur les sociétés commerciales
AUPC : Acte
uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif
CCJA : Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage
CE :
Communauté Européenne
CEDEAO :
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
CEMAC :
Communauté Economique et Monétaire en Afrique Centrale
CIMA :
Conférence Inter africaine des Marchés d'assurances
CIPRES :
Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale
CJCE : Cour de
Justice de la Communauté Européenne
CJU : Cour de
Justice de l'UEMOA
CM : Conseil
des Ministres
Conv. :
Convention
ERSUMA : Ecole
Régionale Supérieure de la Magistrature
GIE :
Groupement d'intérêt Economique
IIA :
Institut International des Assurances
JO : Journal
Officiel
LGDJ : Librairie
Général de Droit et de Jurisprudence
OCAM : Organisation
Commune Africaine et Mauritanienne
OHADA : Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
Obs. :
Observation
PAL : Programme
d'Action Local
Pr. :
Professeur
Rec. :
Recueil
RBD : Revue
Burkinabé de Droit
RFDC : Revue
Française de Droit Commercial
SYSCOA : Système
Comptable Ouest Africain
TEC : Tarif
Extérieur Commun
TPG : Tarif
Préférentiel Généralisé
UEMOA : Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine
UMAC : Union
Monétaire en Afrique Centrale
UMOA : Union
Monétaire Ouest Africaine
Sommaire
Dédicaces
1
Remerciements
2
Abréviation
3
Introduction
6
Chapitre 1 : L'identification des conflits de
lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
10
Section 1 : La détermination des
conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
12
Section 2 : La portée des conflits de
lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
21
Chapitre 2 : L'impact des conflits de lois
dans l'application des règles communautaires au sein de l'espace
OHADA
31
Section 1: L'impasse juridictionnelle dans le
règlement des différends entre normes communautaires
32
Section 2: Les risques d'insécurité
juridique liés aux conflits de lois dans l'espace OHADA
41
Conclusion
50
Bibliographie
52
Table des matières
55
Introduction
La plupart des pays africains se sont inscrits dans une
dynamique irréversible de constitution d'une communauté
économique et monétaire qui ne laisse pas en reste
l'intégration juridique. En effet, la consécration des ambitions
des pays africains passe nécessairement par la consécration de
règles juridiques qui doivent s'imposer aux Etats. La participation d'un
pays à une organisation communautaire nécessite un abandon d'une
parcelle de souveraineté qui a pour conséquence de faire
échapper un pan du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire au
profit des organes équivalent de la Communauté. Ce qui favorise
la naissance des normes communautaires. Ainsi, depuis les indépendances,
on assiste à une éclosion d'ensembles organisé et
structuré de normes juridiques possédant leurs propres
sources.
Dans la zone CFA ce processus a abouti a la mise en place de
l'Organisation pour Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et
il n'est pas douteux qu'en vertu de la supranationalité des dispositions
du droit uniforme que les Actes uniformes sont devenus, dans les domaines
où ils sont intervenus, le droit positif des Etats partis de l'espace
OHADA. Ainsi, contrairement à ce que laisse penser l'expression
utilisée, l'OHADA poursuit plus une véritable politique
d'uniformisation que d'harmonisation1(*). En effet, cette dernière au sens strict est
l'opération qui consiste à rapprocher des systèmes
juridiques différents pour les mettre en cohérence entre eux en
supprimant leurs différences. Par contre, l'uniformisation est une forme
plus radicale d'intégration, consistant à instaurer dans un
domaine précis une réglementation unique dans laquelle les
divergences sont, en principe, éliminées.
De même de nombreux ensembles et sous-ensembles
régionaux ont été aussi mis en place. Cependant, l'une des
principales conditions de l'efficacité de ces unions économiques
reste la cohérence2(*). Il est évident que ces unions ne peuvent
réellement fonctionner que si les pays qui les composent ont un droit
unique ou du moins harmonisé dans les domaines essentiels des
activités économiques. Or, ce n'est pas la constitution de telles
unions qui a conduit à l'harmonisation du droit des affaires dans
l'espace OHADA. La plupart des pays de l'espace OHADA n'appartiennent pas aux
mêmes unions qui sont elles aussi dotées d'un droit qui leur est
propre dans certains domaines de leurs activités économiques.
Mais cet espace juridique cohérent peut-il exister dans
un contexte où il y a pléthore de sources de droit communautaire
avec les risques inhérents à cette situation ? L'un d'entre
eux c'est bien sur les conflits de normes dont on sait qu'ils affectent les
bases essentielles des ordres juridiques en présence, car tout refus
d'application met en cause la primauté qui est l'essence même du
droit communautaire. Cependant une telle affirmation n'aurait soulevé de
difficultés si dans le même espace considéré n'avait
pas vocation à s'appliquer d'autres dispositions concurrentes visant
aussi à réaliser l'uniformisation du droit. En effet, l'une des
particularités de l'espace juridique OHADA est qu'elle regroupe en son
sein d'autres organisations d'intégration qui poursuivent la même
finalité à savoir la création d'un cadre juridique
harmonisé répondant aux soucis d'une véritable
intégration économique. Cependant, cette espace juridique
uniformisé ne peut être cohérant dans un contexte où
concourent plusieurs règles communautaires de même valeurs
normatives. En effet, au regard du domaine d'intervention de ces organismes
d'intégration, la prolifération des normes communautaires est
susceptible de poser d'éventuels conflits de lois.
Cependant, il faut préciser que l'expression conflit de
lois ainsi entendu ne présente pas d'analogie avec la technique dite des
conflits de lois traditionnellement utilisées en droit international
privé. L'expression conflit de lois en droit international privé
désigne une concurrence entre plusieurs lois, résolues par le
choix d'une des normes en conflits en raison de la dispersion de ses
éléments constitutifs. Ainsi, pour qu'un conflit de lois soit
posé, il faut que les domaines d'intervention des différentes
organisations communautaires soient totalement ou partiellement identiques ou
communs. Si, on admet la primauté des droits communautaires sur les
droits internes des Etats membres, il va sans dire que la situation est
extrêmement complexe lorsque sont en conflit des normes communautaires
car l'exclusion ou l'application d'une d'elles dans un différend dont le
règlement suppose la prise en compte de plusieurs règles
communautaires semble à priori embarrassante.
Cette concurrence normative dans le droit uniformisé de
l'espace juridique OHADA ne manque pas de soulever d'énormes
problèmes juridiques. Ainsi, d'un point de vue strictement juridique, il
serait hasardeux de considérer que l'OHADA s'occupe simplement de droit
des affaires et les autres organisations d'intégration de
l'économie, car une intégration économique ne saurait
être viable sans une véritable intégration juridique.
Dès lors, les organes de chacune des institutions OHADA, UEMOA et CEMAC
aussi bien que certaines organisations sous régionales
spécialisées CIMA, OAPI, CIPRES, etc. élaborent des textes
qui concernent aussi bien le droit des affaires que le droit
économique.
D'autre part, des règles de valeur normative
équivalente, porteuses de solutions antinomiques, ont vocation à
être appliqués à une situation juridique impliquant des
enjeux importants. En effet, la singularité de la situation
réside dans la coexistence dans un même espace de plusieurs
systèmes juridiques dont chacun revendique sa suprématie. A
l'évidence, compte tenu de la revendication de la primauté de ses
normes par chaque système, doté par ailleurs d'une juridiction
suprême, toutes les solutions basées sur la méthode
conflictuelle semble à l'avance inefficaces.
Dès lors qu'est ce qui caractérise les
conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA ?
Loin de constituer de simples hypothèses
d'école, les conflits de lois dans le droit uniformisé de
l'espace OHADA soulèvent de véritables difficultés qu'il
faut prendre en compte. En effet, elles soulèvent des questions
relatives au domaine d'application de ces règles en contradiction,
posant ainsi toute la problématique des conflits de compétence
entre les différentes institutions communautaires dans l'espace
juridique OHADA. Par ailleurs, et plus particulièrement, les conflits de
normes présentent sur un aspect plus pointu toutes les
difficultés engendrées par cette hypertrophie des règles
communautaires à la fois spéciales et générales.
Cependant, il ne sera pas question dans notre étude des
conflits de lois nationales dans le cadre du droit uniformisé des
affaires dans l'espace juridique OHADA. En effet, selon l'article 10 du
traité « les actes uniformes sont directement applicables
et obligatoires dans les Etats partis, nonobstant toute disposition contraire
de droit interne, antérieure ou postérieure ». Ainsi,
tout en restant dans le champ de ses compétences, il existe des
dispositions nationales dans le droit uniformisé que l'OHADA se refusera
de franchir, si bien que dans ce domaine précis, les conflits de lois
que la loi uniforme à vocation à éliminer demeure
toujours.
Ne sera non plus pris en compte dans cette étude les
problèmes posés par les conflits entre normes communautaires et
les règles du droit international issues des traités conclus par
les Etats membres de l'OHADA. Ainsi, sous réserve de leur application
réciproque par les Etats signataires, les traités
régulièrement conclus ont dès leur entrée en
vigueur une autorité supérieure aux lois. A cet effet, on peut en
déduire qu'ils ont une valeur égale aux normes communautaires. De
ce fait, un éventuel conflit peut naître entre ces deux ordres
juridiques à valeur égale.
Cependant, aussi bien l'OHADA que les autres institutions
d'intégrations communautaires n'ont dans leurs traités
constitutifs apporté des éléments de réponse aux
difficultés que peuvent engendrer les relations conflictuelles entre les
règles communautaires. Ainsi, conviendrait-il d'abord de s'interroger
sur le phénomène des conflits de lois dans le droit
uniformisé de l'espace OHADA (Chapitre 1), avant de déterminer
leur impact dans l'application des dispositions du droit communautaire
(Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'identification
des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
Avant les indépendances, les pays africains sous
domination française étaient soumis en grande partie au droit
français. Puis, après les indépendances, certains de ces
pays ont conservés ce droit tel quel sans l'adapter à
l'évolution des situations économiques et des besoins des
entreprises. Mais, dans d'autres pays africains des réformes avaient
été faites dans certains domaines. Ainsi, on constate que
« ces Etats ont légiféré dans les
différents domaines du droit suivant leur propres options politiques,
économiques et sociales avec des résultats différents
selon les pays et les domaines du droit concernés »3(*). Cependant, à l'heure de
la mondialisation de l'économie, il était plus que
nécessaire pou ces Etats africains de se regrouper autour des unions
économique et monétaire à l'instar des principaux pays du
monde.
Dès lors, il était impératif pour les
pays concernés d'adopter un même droit des affaires moderne,
adapté aux besoins économiques et sécurisant les relations
et les opérations économiques. Dans cette perspective est
née l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires. Elle est une organisation internationale avec comme objectif
principal tel qu'identifié dans le Traité4(*), d'harmoniser le droit des
affaires des Etats membres « par l'élaboration et l'adoption
de règles communes simples, modernes et adaptées à la
situation de leurs économies ». Ainsi, la particularité
de l'OHADA est que c'est un droit d'un espace juridique et non celui d'une
union économique et monétaire. En effet,
« l'intégration juridique strictement entendu se
définit comme le transfert des compétences étatiques de
deux ou plusieurs Etats à une organisation internationale dotée
de pouvoir de décision et de compétences supranationales pour
réaliser un ensemble juridique unique et cohérent dans lequel les
législations nationales s'insèrent ou se fondent pour atteindre
les objectifs économiques et sociaux que les Etats membres se sont
assignés ». Généralement, l'adoption par
différents pays d'un droit des affaires commun est à la fois la
condition et la conséquence de l'existence d'une union économique
(et monétaire) entre ces pays. Or, ce n'est pas la constitution d'une
telle union économique (et le cas échéant
monétaire) qui a conduit à l'harmonisation du droit des affaires
dans l'espace OHADA.
D'ailleurs, les pays de l'espace OHADA n'appartiennent pas aux
mêmes unions économique et monétaire. Ces dernières
ont, elles-mêmes, un droit qui leur est propre dans certains domaines de
leurs activités économiques. Ainsi, ces dernières ont un
champ d'application qui doit être analysé conjointement avec celui
de l'OHADA.
Cependant, cette pluralité des organisations
d'intégration, à la fois juridique et économique, dans
l'espace OHADA entraine nécessairement des conflits de lois. C'est
à leur détermination qu'il conviendrait d'abord de s'attarder
(Section 1) avant d'en apprécier leur portée (Section 2).
Section 1 : La
détermination des conflits de lois dans le droit uniformisé de
l'espace OHADA
L'espace juridique OHADA se présente sous la
particularité d'un espace où cohabitent plusieurs ordres
juridiques différents dont les objectifs sont parfois similaires. En
effet, cette similitude des objectifs pose nécessairement des conflits
de lois. Ces conflits de lois sont perceptibles non seulement dans leurs
sources (Parag 1) mais aussi dans leur nature (Parag 2).
Parag 1 : Les sources des
conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
L'intégration économico-juridique dans l'espace
OHADA est marquée par la présence de plusieurs institutions
d'intégration. Cette pluralité institutionnelle au sein de
l'espace OHADA (A), résultat d'une volonté d`intégration
dispersée, conduit nécessairement à des difficultés
sérieuses posées par une hypertrophie des sources normatives (B).
A- La
pluralité institutionnelle au sein de l'espace OHADA
Le droit communautaire au sein de l'espace OHADA se
présente sous une physionomie particulière. En effet, cette
particularité réside dans le fait que cet environnement est
marqué par la présence de plusieurs organisations
d'intégration à vocation régionale et spéciale.
Ainsi, certains ordres juridiques ayant abouti à une politique commune
d'intégration juridique, politique et économique sur un plan
très large au moyen d'une législation harmonisée ou
uniforme dérivée de certains groupements (UEMOA, CEMAC) et
d'autres réunissant également plusieurs Etats, unis par des liens
régionaux mais qui ne mènent une telle politique
d'intégration juridique que dans des domaines juridiques sectoriels bien
précis (CIMA : assurances ; OAPI : Propriété
intellectuelle ; CIPRES : sécurité sociale).
A ces organisations d'intégration, vient s'ajouter
l'OHADA qui est elle aussi une organisation internationale dont l'objectif est
de réaliser une oeuvre d'intégration5(*).
Contrairement à cette dernière, les
premières organisations d'intégration, aussi bien
régionale que spéciale, avaient comme objectif de réaliser
une intégration économique en vue de la création d'un
cadre commun pour le développement de leurs économies.
C'est ainsi que des organisations d'intégration
économique regroupant des Etats par régions géographiques
se sont crées. Par ailleurs, l'intégration économique
s'est réalisée aussi par l'intermédiaire d'organisations
spécialisées. En effet, les Etats membres de l'OHADA sont, non
seulement, parties à des organisations internationales à vocation
économique et monétaire, mais aussi à des organisations
d'intégration juridique dont le champ respectif doit être
appréhendé en même temps que celui de l'OHADA. Ainsi, les
organisations d'intégration économique et monétaire
auxquelles les Etats membres de l'OHADA sont parties sont : la
CEDEAO6(*), l'UEMOA7(*) et la CEMAC8(*). Les organisations
d'intégration juridique
dites « spécialisées » auxquelles les
Etats membres de l'OHADA sont membres sont la CIPRES9(*), la CIMA10(*) et l'OAPI11(*).
Cependant, cette configuration spatiale et juridique fait de
l'espace OHADA un cadre dans lequel se retrouvent plusieurs ensembles
institutionnels dont les compétences sont plus ou moins étanches.
Ainsi, cette pluralité des organisations internationales au sein de
l'espace juridique OHADA n'est pas sans susciter des
difficultés12(*).
En effet, elle pose parfois d'énormes problèmes quant à la
définition des domaines de compétence de chaque organisation.
C'est ainsi que sur plusieurs aspects du droit ces institutions communautaires
secrètent des normes variées, parfois même contraires, dans
des domaines qui sont pourtant identiques. Aussi bien les organisations
d'intégration à caractère régionale que celles
à caractère sectoriel, édictent des normes qui ont toutes
vocation à s'appliquer dans un même territoire
déterminé.
B- L'hypertrophie des normes
au sein de l'espace OHADA
La prolifération des institutions communautaires dans
l'espace juridique OHADA pose le problème de la diversité des
normes. En effet, chaque organisation édicte des normes dans le cadre de
son domaine d'intervention. Ainsi, aussi bien les organisations
d'intégration régionale tels que l'OHADA, l'UEMOA ou la
CEMAC, que les organisations spécialisées tels la CIMA, l'OAPI,
le CIPRES, etc., secrètent des règles qui ont toutes vocation
à s'appliquer dans le même espace13(*).
Ce foisonnement des règles juridiques dans l'espace
OHADA soulève d'énormes difficultés. En effet, en vertu de
la supranationalité14(*) des règles communautaires, chaque organisation
édicte des règles, à valeur égale, qui ont vocation
à s'intégrer dans l'ordre juridique interne. Ainsi, il
résulte de ce principe que les ordres juridiques communautaires
s'imposent aux ordres juridiques internes avec la même force. Cependant,
le droit communautaire ne comporte pas de hiérarchie entre les normes
dérivées de ces différentes institutions juridiques.
Dès sa création, l'OHADA s'est assignée
comme mission la création d'un environnement propice aux affaires en
garantissant la sécurité juridique aux agents économiques
et en offrant un vaste espace économique couvert par un droit des
affaires unifié . Cette volonté est clairement affirmée
dans son traité qui se fixe comme objectif
d' « harmoniser » voire
« unifier » le droit des affaires15(*). Ainsi, sur toutes les
matières relevant du droit des affaires, l'OHADA adopte un ensemble de
règles sous forme d'Actes uniformes16(*). Toutes ces règles s'appliquent sur l'ensemble
du territoire des Etats membres avec une autorité supérieure aux
règles internes17(*).
Cependant, il faut noter, comme nous l'avons vu
précédemment, que l'OHADA n'est pas la seule organisation
d'intégration à être investi d'un tel pouvoir normatif. Il
en est ainsi des autres organisations d'intégration tant
régionale que spéciale. Ainsi, ces ordres juridiques dont
l'espace s'enchevêtre avec celui de l'OHADA aspirent elles aussi à
harmoniser ou à unifier le droit dans des domaines en relation avec leur
objet. C'est ainsi qu'on assiste, dans ce domaine, à une intense
activité normative. En effet, aussi bien l'UEMOA, en ce qui concerne
l'Afrique de l'Ouest que la CEMAC s'agissant de l'Afrique Centrale,
édictent des normes par le procédé de Règlements
qui ont une même valeur normative que les dispositions des Actes
Uniformes de l'OHADA. De même, les organisations d'intégration
spécialisées ont aussi leurs propres réglementations dans
les domaines entrant dans leur champ d'application.
Ce foisonnement normatif, reflet d'une pluralité
institutionnelle d'organisations d'intégration dans l'espace OHADA
conduit nécessairement à une inflation de normes,
caractérisée par des relations conflictuelles dans certains
domaines. Le conflit devient dès lors positif en ce sens que sur
plusieurs aspects ces règles se contredisent posant ainsi la difficile
équation de leur résolution18(*). Ainsi, l'espace juridique OHADA
gangréné par une réglementation juridique à la fois
plurielle et divergente causée par une intégration
économico-juridique divisée entre différentes institutions
constitue un espace au sein duquel s'enchevêtrent des ordres juridiques
différents dont les objectifs sont, pourtant, parfois identiques. Cette
singularité est particulièrement perceptible, au regard des
sources des conflits de lois, au sein de l'espace OHADA, mais c'est dans leur
nature qu'elle se présente une certaine perplexité.
Parag 2 : La nature des
conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
Les conflits de lois dans l'espace OHADA ne se posent pas
seulement, en amont, dans la détermination des compétences
respectives des organisations en présence (A). Mais, ils se
présentent aussi, en aval, dans les modalités de mise en oeuvre
de cette politique d'intégration (B).
A- Conflits de
compétences
Le droit communautaire Ouest-africain se caractérise
par son hétérogénéité à la fois sur
le plan institutionnel et normatif. Cette pluralité des sources pose un
véritable problème de compétences entre les
différentes organisations intervenant dans l'espace juridique OHADA. En
effet, cet espace est caractérisé par une pluralité
d'organisations d'intégration poursuivant les mêmes objectifs, du
moins presque.
Les différentes organisations d'intégration sont
régies par leurs Traités constitutifs qui délimitent leurs
propres domaines de compétences. A cet effet, la similitude des
objectifs poursuivis ou les finalités visées conduit
nécessairement ces derniers à délimiter dans le même
sens les compétences respectives de leurs organisations. Ainsi, le
risque de conflits de compétences entre ces différentes
organisations n'est pas moindre.
S'agissant des organisations à caractère
régionale, le risque est d'autant plus grand car elles ont toutes des
domaines de compétences très larges. En vérité,
l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC visent toutes une intégration
économique19(*).
Même si la finalité de l'OHADA est de réaliser à
terme une intégration juridique, il n'en demeure pas moins aussi qu'elle
vise une véritable intégration économique. En effet,
l'unification du droit des affaires n'est cependant pas un but ou un objectif
en lui même. Elle n'est qu'un moyen de réalisation d'un objectif
au service du développement économique. A cet effet, l'art. 2 de
son Traité indique de manière non exhaustive les domaines dans
lesquels elle peut intervenir. Cependant, l'étendue des
compétences d'attribution de l'OHADA se heurte nécessairement aux
domaines de compétences des autres organisations
d'intégrations20(*). Assurément, la compétence
élargie de l'OHADA de régir tous les pans du droit des affaires
se heurte à la compétence des autres organisations qui ont elles
aussi vocation à unifier le droit dans les régions de leur
compétence. Celles-ci, en effet, ont une compétence
orientée vers un droit purement économique. Cependant, la
frontière entre le droit économique et le droit des affaires
n'est pas aussi hermétique. En réalité, le droit des
affaires est une composante du droit économique. Ainsi, la
dévolution des compétences à ces différentes
organisations ne peut être effectuée suivant une
délimitation basée sur la distinction entre droit
économique et droit des affaires.
Ces conflits de compétences n'apparaissent pas
exclusivement entre l'OHADA et les autres organisations régionales
d'intégration. Ils sont également perceptibles à travers
la cohabitation, dans un même espace, entre l'OHADA et les autres
organisations d'intégration spécialisées. En effet,
même si elles restent dans le domaine de leurs compétences
respectives délimitées par leurs actes constitutifs, les
organisations d'intégration sectorielle peuvent être en conflits
avec l'OHADA dans la mesure où cette dernière à une
vocation plus large qui peut englober leur domaine de compétence.
Celles-ci ayant donc une vocation similaire à celle de l'OHADA, il peut
se poser des interférences et des questions de différences entre
leurs différents textes. Ces différences, loin d'être de
simples hypothèses d'école, peuvent se présenter,
notamment, dans le domaine des assurances ou de la propriété
intellectuelle.
La problématique des conflits de compétences au
sein de l'espace OHADA est caractérisée par le fait que celle-ci
couvre un champ d'application très large dans lequel évolue
d'autres organisations d'intégration. Mais aussi, l'étendue de
son domaine de compétence qui se présente sous la couverture de
la notion imprécise de droit des affaires pose énormément
de difficultés quant à sa délimitation.
Ainsi, au sein de cet espace juridique évoluent des
organisations autonomes dont les compétences se recoupent. Toutefois,
tant qu'on reste au stade d'une simple consécration de
compétences, aucune grande difficulté ne se pose. Le
problème, à ce niveau, peut être résolu par le
procédé du droit international relatif au règlement des
différends entre traités21(*). C'est, cependant, à la mise en oeuvre de ces
compétences, par la production de normes qui tendent directement
à s'appliquer dans cet espace juridique, que peuvent surgir de
véritables conflits.
B- Conflits de normes
Le droit primaire est matérialisé par la
volonté des Etats de mettre en place des Organisations internationales
pour la poursuite d'un objectif bien défini. Sur ce point, le droit
communautaire s'apparente au droit international. Cependant, sa
particularité réside dans le droit issu des Traités pour
la concrétisation des objectifs. Au sein de l'OHADA, l'art.2 du
Traité dispose que : « le présent Traité a
pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par
l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes
et adaptées à la situation de leurs économies...».
Ces règles, définies par l'art. 8 comme étant des
« actes uniformes », sont revêtues d'une valeur
supérieure aux règles nationales des Etats membres.
Cependant, la singularité du droit communautaire des
affaires dans l'espace ouest-africain réside dans le fait qu'au sein de
cet espace existent plusieurs règles investies d'une même force
normative, et ayant des sources différentes. En effet, les actes
uniformes de l'OHADA et le droit dérivé de l'UEMOA et de la
CEMAC, en dépit de la différence marquant leur mode de production
sont semblables par leur nature, en ce qu'ils sont d'applicabilité
immédiate, produisent un effet direct et leur primauté sur les
droits nationaux expressément affirmée (articles 10 du
Traité de l'OHADA, 6 et 43 de celui de l'UEMOA). Cette situation peut se
présenter sous une forme de complémentarité, surtout entre
l'OHADA et les organisations d'intégration spécialisées
telle que la CIMA. Mais, les chances de l'existence d'une relation
conflictuelle entre ces différentes normes ne sont pas minimes. En
effet, en vertu du principe de la supranationalité, les dispositions du
droit communautaires, s'intègrent directement dans l'ordonnancement
juridique interne des Etats membres et occupent, de ce fait, une position
supérieure aux dispositions nationales. Sur le plan de la
hiérarchie entre normes communautaires et dispositions nationales, les
traités de ces différentes organisations ont posé le
principe de la primauté des règles communautaires sur les
dispositions nationales. L'art. 10 du Traité OHADA dispose que :
« les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires
dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit
interne, antérieure ou postérieure ». Il en est aussi
de même pour les autres organisations d'intégration22(*).
Cependant, le droit dérivé des organisations
d'intégration s'applique dans l'espace juridique national avec la
même teneur. Aucune organisation hiérarchique entre ces
différentes règles n'est consacrée. Cette situation est
source d'un conflit entre normes communautaires. En effet, la similitude des
domaines de compétence entre certaines organisations peut conduire
à l'adoption de normes totalement opposées et pouvant être
applicables à une même situation. Dès lors, on se retrouve
dans un même domaine avec des règles antinomiques revêtues
de la même force juridique.
Les conflits de normes dans l'espace juridique OHADA peuvent
alors surgir entre les actes uniformes de cette dernière et le droit
dérivé issu des autres ordres juridiques en présence.
Immédiatement applicables dans les Etats membres, les normes
communautaires produisent en faveur et à la charge des personnes
physiques et morales des droits et obligations, et peuvent en
conséquence être invoquées par les particuliers dans les
mêmes conditions que les normes internes. Toutefois, se pose la question
de l'applicabilité immédiate des directives communautaires. Dans
certains cas, leur applicabilité immédiate est admise. Mais,
encore faudrait-il qu'elles soient claires, précises et
complètes23(*).
Par ailleurs, les organisations spécialisées
sont dotées de textes qui ont pour finalité d'uniformiser la
législation des Etats membres sur les domaines de leurs
compétences. Ainsi, pour les assurances, la CIMA dispose d'un code qui
s'applique sur l'ensemble du territoire des Etats parties24(*).
Ainsi, la portée des relations entre normes
communautaires est marquée par l'identité des objectifs
économiques et des moyens juridiques, complétés par la
communauté des domaines d'action des différentes organisations au
sein de l'espace OHADA.
Section 2 : La portée
des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
L'espace OHADA offre un champ juridique très large
dans lequel évoluent plusieurs règles communautaires. Celles-ci,
comme nous l'avons précédemment montré, sont issues des
différentes organisations d'intégration qui cohabitent dans la
sous-région. Cette situation de coexistence entre ces différentes
règles pose parfois de sérieuses conflits de normes entre les
organisations d'intégration qu'elles soient régionale ou
spécialisée (Parag 2). Cette relation conflictuelle entre ces
différentes normes n'est cependant pas simplement réelle mais,
à l'analyse des domaines de compétences de chacune de ces
organisations, elle peut revêtir un caractère potentiel (Parag 1).
Parag 1: La prise en compte des
conflits virtuels entre normes communautaires
Le champ d'application matériel des règles
communautaires au sein de l'espace juridique OHADA se caractérise par le
chevauchement des différents ordres juridiques en présence. Cette
situation, qui est le résultat d'une pluralité d'organisations
économico-juridiques ayant des compétences presque identiques,
peut entrainer des possibilités d'interférences entre normes
communautaires d'intégration d'une part (A), et de la prise en compte de
l'interférence de certaines normes communautaires dans d'autres
systèmes d'intégration d'autre part (B).
A- La possibilité
d'interférences entre normes communautaires d'intégration
En dehors des situations dans lesquelles les conflits entre
normes communautaires sont perceptibles à travers leur
réalité, les risques de conflits sont potentiels lorsqu'ils sont
susceptibles de surgir entre deux organisations à compétence
large. En effet, il en est ainsi des relations entre les normes des
organisations communautaires d`intégration telles que l'OHADA, l'UEMOA
et la CEMAC.
Ces dernières couvrent des domaines de
compétences qui peuvent se recouper. Comme nous l'avons
précédemment souligné, la frontière entre le champ
d'application normatif de ces différentes institutions n'est pas
hermétique25(*).
Ainsi, l'existence d'interférences entre les normes des
différents ordres juridiques communautaires est possible. Loin de
constituer de simples conflits de compétences, les conflits virtuels
entre normes communautaires d'intégration se caractérisent par la
présence, dans un même domaine, de différentes
règles ayant en commun la volonté de régir
différemment une même situation sans porter véritablement
atteinte à l'application de l'une d'entre elles. En d'autres termes, les
conflits virtuels entre normes communautaires sont de véritables
conflits de normes. Cependant, la contrariété ou les divergences
dont elles suscitent n'est pas apparent. C'est la raison pour laquelle, on les
considère comme des conflits potentiels26(*).
Elles ne peuvent, cependant, se poser qu'entre d'une part les
règlements de l'UEMOA et les normes OHADA ou encore entre ces
dernières et les règlements de la CEMAC. L'UEMOA et la CEMAC,
étant circonscrites chacune dans un espace bien définis, ne
peuvent entretenir de relations ni complémentaires, ni conflictuelles en
vertu du principe de l'autonomie de leur ordre juridique communautaire
respectif. Cependant, du fait de sa compétence rationae loci et
de sa compétence rationae materiae, l'ordre juridique OHADA
exerce sur ces deux territoires son empreinte. Sur le plan territorial, elle
couvre l'étendue du territoire de la l'UEMAO et de la CEMAC. A cet
effet, les Actes uniformes s'appliquent aussi bien dans le territoire de
chacune d'elles. En outre, en tant qu'oeuvre d'intégration juridique
dans le domaine du droit des affaires, l'OHADA jouit, sur le plan normatif,
d'un large champ d'application de ses règles. Fort de ces
considérations, il est inévitable qu'il existe des
interférences entre les Actes uniformes et les différents
règlements issus des systèmes juridiques de l'UEMOA et de la
CEMAC27(*).
La virtualité des conflits entre ces différentes
normes communautaires n'est pas sans poser de difficultés à la
politique d'unification du droit recherchée par ces organisations
d'intégration. En réalité, elle porte atteinte à
l'esprit de communautarisation des règles juridiques régissant
les activités économiques au sein de l'espace OHADA. En effet,
cette situation entraine, sur certains aspects du droit communautaire, une
complexification des solutions à adopter, due à une hypertrophie
de règles concurrentes ou tout simplement à un vide juridique.
Au niveau de l'UEMOA, la similitude des objectifs avec l'OHADA
peut se traduire dans certains cas par des interférences dans le domaine
des activités économiques. Même si le Traité de
l'UEMOA a dès l'entame défini les compétences
d'attribution de cette dernière, il n'en demeure pas moins que la
compétence élargie de l'OHADA peut être source de relations
conflictuelles tant dans le domaine du droit des affaires que du droit
économique.
Le même rapprochement peut être fait s'agissant de
la CEMAC compte tenu de l'objectif que poursuit celle-ci en Afrique
centrale28(*).
En somme, les conflits potentiels qui peuvent naitre entre les
normes communautaires d'intégration sont, au même titre que les
conflits dits réels, le reflet d'une pluralité d'ordres
juridiques au sein d'un même espace. Toutefois, cette pluralité
normative pose aussi dans certains cas la problématique de
l'applicabilité de certaines règles communautaires dans d'autres
systèmes juridiques différents.
B- L'éventualité des
interférences entre normes communautaires d'intégration et normes
communautaires spécialisées
L'existence de plusieurs ordres juridiques communautaires au
sein de l'espace OHADA a soulevé, sur le plan normatif, la question de
leur interférence dans le domaine du droit des affaires. En effet, les
ordres juridiques communautaires, malgré le principe d'autonomie qui les
gouverne, sont dans certaines situations soumis à des relations
complexes qui entrainent parfois le recours aux normes des autres
systèmes concurrents. C'est ainsi que l'OHADA, en vertu de la
spécialisation de certaines organisations d'intégration,
n'intervient pas dans certaines matières qui relèvent pourtant du
domaine du droit des affaires. Il en est ainsi du droit des assurances et du
droit de la propriété intellectuelle qui sont, respectivement, de
la compétence exclusive de la CIMA et de l'OAPI. Malgré
l'autonomie de chacun de ces différents ordres juridiques, ces derniers
entretiennent parfois des relations qui peuvent être analysées
sous le sceau de la complémentarité. En effet, la pléthore
de normes juridiques dans un même espace n'est pas toujours sources de
relations conflictuelles. Elle doit être considérée aussi
dans certains cas comme un facteur de complémentarité. A cet
effet, sur plusieurs points les dispositions communautaires au sein de l'espace
juridique OHADA entretiennent des relations complémentaires.
Cependant, en dehors de toute idée de
complémentarité normative, le principe de spécialisation
qui gouverne certaines organisations d'intégration sectorielle constitue
un facteur d'interférences entre les différents ordres juridiques
en présence. L'art. 2 du Traité de l'OAPI dispose en effet
que : « les textes des annexes sont considérés
comme des droits nationaux indépendants soumis à la
législation de chacun des Etats membres dans lesquels ils ont
effet ». Au même titre que l'OAPI, la CIMA poursuit aussi une
oeuvre d'unification du droit dans le domaine des assurances. Ainsi, à
la lecture de l'ensemble des dispositions du Traité et des annexes, il
ressort qu'elle poursuit deux objectifs à savoir la
réglementation unique des entreprises et des opérations
d'assurances d'une part et, d'autre part, la réglementation des contrats
d'assurances par un code unique29(*). Ainsi, au regard de ces différentes approches
communautaires au sein de l'espace juridique OHADA, le risque de cafouillage
entre les normes des organisations d'intégration régionale et
celles dites spécialisées est inévitable, compte tenu du
recoupement des compétences de ces différentes
organisations30(*).
Dans le secteur du droit des assurances, la CIMA a mis en
place un plan comptable auquel sont soumises les sociétés
d'assurances. Ainsi, se pose forcément la question de la
compatibilité entre ces différentes règles au sein d'un
même espace31(*).
Cependant, ces interférences entre normes d'intégration et normes
spécialisées ne se limitent pas seulement aux relations entre
l'OHADA et les organisations d'intégration sectorielle. Elles peuvent
également surgir entre les normes produites par ces dernières et
les normes de l'UEMOA ou de la CEMAC.
Dans le domaine de la propriété intellectuelle,
il en est de même pour l'OAPI dont les matières traitées
par les annexes font également partie du droit des affaires. Il est
difficile de penser que l'OHADA s'avise de légiférer sur le
terrain de la propriété intellectuelle, même sur des sujets
non encore explorés par l'OAPI, tels que les obtentions
végétales ou les oeuvres informatiques ou multimédia.
Cette abstention peut d'ailleurs conduire à un risque de vide
juridique, entrainant ainsi un conflit négatif.
Cependant, les conflits de normes ne sont pas seulement
perceptibles dans leur virtualité. En effet, la simple lecture des
dispositions communautaires qui régissent à la fois le droit
économique et le droit des affaires dans l'espace juridique OHADA permet
de déceler l'existence de conflits réels entre ces
dernières.
Parag 2 : L'existence
de conflits réels entre normes communautaires
Les conflits de normes dans l'espace OHADA ne sont pas tout
simplement des hypothèses déduites de la diversité des
organisations en présence. En effet, elles naissent de la
pluralité des ordres juridiques communautaires. Elles peuvent exister
entre des normes communautaires d'intégration d'une part (A), et d'autre
part, opposer ces dernières aux normes communautaires spéciales
(B).
A- Conflits entre normes communautaires
d'intégration
Du fait de l'appartenance croisée de plusieurs pays
à des organisations communautaires différentes, l'espace OHADA
est caractérisé par une situation marquée par la
coexistence de plusieurs systèmes juridiques autonomes les uns envers
les autres. L'existence dans un même espace de normes communautaires,
ayant des sources différentes et revêtues de la même valeur
juridique pose toujours de sérieuses problèmes. A défaut
d'une parfaite articulation entre ces dernières, le risque est d'autan
plus grand que surgissent des conflits entre ces différentes normes.
Ainsi, si l'on admet qu'il y a conflit lorsque des normes sont
contraires ou incompatibles entre elles, il est dès lors force de
constater que les normes communautaires d'intégration OHADA, UEMOA et
CEMAC sont, sur plusieurs points, en conflits. En effet, les domaines
d'intervention sont loin d'être étanches entre ces
différentes organisations de sorte qu'il n'est pas impossible que des
normes produites par plusieurs de ces institutions portent sur les mêmes
matières. Il y aurait, dans ces situations, coexistence de règles
substantielles pour réguler une même situation. Cette situation,
comme nous l'avons déjà rappelé, n'est pas toujours
exempte de contrariété, voire de conflits entre des normes
totalement antagoniques.
Ainsi, sur plusieurs points, les normes produites par les
organisations d'intégration régionale sont en conflits
étant donné l'importance du nombre des intersections entre les
compétences de ces différentes entités. Sur le plan
comptable, on a assisté à une situation conflictuelle entre
l'OHADA et l'UEMOA à propos de l'Acte uniforme sur le droit comptable et
le SYSCOA. En effet, les ordres juridiques communautaires OHADA et UEMOA
régissaient le même objet. Cependant, sur plusieurs points, le
système comptable OHADA était différent de celui du
SYSCOA. Ces deux instruments contenaient des règles distinctes
applicables directement et de manière simultanée en vertu du
principe de l'effet direct des dispositions communautaires. Un autre exemple de
relation conflictuelle concerne aussi le secteur bancaire et financier. En
effet, le secteur bancaire et financier dans la zone OHADA n'échappe pas
à cette situation conflictuelle. Il en est ainsi, notamment dans le
domaine des garanties bancaires32(*), des systèmes de paiement33(*)et des règles gouvernant
l'appel public à l'épargne34(*). Dans le cadre de la CEMAC, ces situations sont aussi
perceptibles en ce sens qu'elle ne peut échapper à cette
superposition normative du fait de la similitude des objectifs avec l'UEMOA.
Des observations identiques peuvent aussi être faites, s'agissant de la
Banque des Etats de l'Afrique Centrale, notamment. Les conflits de normes, dans
ce domaine, sont en effet accentués par la particularité de ce
secteur qui transcende à la fois, et le droit des affaires et le droit
économique. A cet effet, l'unification dont il a fait l'objet de part et
d'autre, débouche sur des situations conflictuelles, inconfortables pour
leurs destinataires.
Sur ces aspects, et sur beaucoup d'autres encore, les normes
OHADA et UEMOA ou de la CEMAC sont totalement antinomiques35(*). Cette concurrence normative
se traduit devant le juge national comme une situation inextricable du fait de
l'autonomie de chaque ordre juridique communautaire. La même situation se
présente aussi entre normes communautaires d'intégration et
normes communautaires spéciales.
B- Conflits entre normes communautaires
d'intégration et normes communautaires spéciales
L'espace juridique OHADA n'est pas en réalité
marquée par la présence d'une seule organisation
d'intégration juridique. En dehors de l'OHADA, existent des
organisations d'intégration sectorielle qui poursuivent une oeuvre
d'intégration juridique dans les domaines de leurs compétences.
Ces dernières évoluent dans des secteurs juridiques et
économiques bien définis. Cependant, compte tenue de la
compétence élargie de l'OHADA et de l'unité territoriale
dans laquelle évoluent ces normes, il est évident qu'il existe
des risques de contrariété entre ces différentes
règles.
En effet, les conflits entre normes communautaires
d'intégration et normes communautaires spécialises est apparent.
Les organisations d'intégration telles que la CIMA et l'OAPI
interviennent dans des domaines qui intéressent aussi le droit des
affaires. La délimitation des compétences entre ces
différentes institutions n'est pas bien définie même si
chaque organisation spécialisée à en charge un domaine
déterminé. Cette imbrication des compétences entraine
inévitablement une complexité des relations entre institutions
pouvant se traduire par conflits de normes. Dans le domaine des assurances, ces
difficultés se sont en effet posées entre la CIMA et l'OHADA. Les
conflits de normes entre l'OHADA et la CIMA peuvent se poser aussi bien sur le
plan formel que sur le fond du droit. En effet, sur le plan formel, la CIMA
à travers le Code des assurances organise l'ensemble des
activités des sociétés d'assurances et l'Acte uniforme
OHADA sur les sociétés régit l'organisation et le
fonctionnement des sociétés. A cet effet, des
interférences se sont produites entre ces deux organisations concernant
la constitution et la liquidation des entreprises d'assurances qui sont
constituées en sociétés anonymes. Cependant, l'art. 916 de
l'AUSC/GIE n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont
assujetties les sociétés soumises à un régime
particulier. Toutefois, la portée d'une telle disposition doit
être limitée aux seules règles régissant
l'organisation et le fonctionnement des sociétés
particulières. En revanche, il en est par exemple des dispositions du
code CIMA qui subordonnent les poursuites en déclaration de
cessation de paiements contre les compagnies d'assurances à la saisine
préalable d'une commission. Or l'acte uniforme sur les procédures
collectives d'apurement du passif ne laisse entrevoir aucun traitement
spécial tenant compte de la particularité de certaines
entreprises, en ce qui concerne la procédure d'ouverture des
procédures collectives36(*). S'il est vrai que l'article 916 de l'acte uniforme
sur les sociétés commerciales permet à certaines
catégories spécifiques de sociétés de continuer
à évoluer sous un régime juridique propre, c'est au regard
du seul droit des sociétés qu'il faut limiter la portée de
cet article. Le droit harmonisé des procédures collectives ne
prévoyant pas de traitement spécial, il faut considérer
que les personnes morales visées par l'article 2 de l'acte uniforme s'y
rapportant inclue les sociétés d'assurances.
Dans le domaine de la propriété intellectuelle,
cette situation est identique. Toutefois, l'OHADA ne légifère
pas, pour l'instant, dans ce domaine. L'Acte uniforme sur les suretés
renvoie à propos des nantissements des propriétés
intellectuelles à des textes particuliers. Or, il n'existe, à
l'état actuel du droit, aucune réglementation dans ce sens au
niveau de l'OAPI. Ainsi, le vide juridique entrainé par cette situation
risque de se traduire par un conflit négatif entre ces
différentes institutions communautaires.
Loin d'être exhaustive, les situations de conflits de
normes entre les organisations d'intégration et les organisations
spécialisées sont très diverses. Elles intéressent,
en effet, le champ matériel de ces différentes institutions dans
la mesure où, aussi bien l'UEMOA que la CEMAC, peuvent étendre
dans leurs domaines respectifs leur compétence. L'OHADA, dans le respect
de ces différentes règles d'intégration sectorielle,
semble aller dans ce sens, mais avec une grande délicatesse.
Ainsi, la concurrence des compétences entre les
organisations internationales peut conduire à deux situations
diamétralement opposées (soit un vide juridique, soit un trop
plein de textes) qui laissent présager un avenir de désordre. En
effet, ces situations de conflits entre normes, qu'elles soient positif ou
négatif, réelle ou potentielle peuvent entrainer des
conséquences indésirables dans l'application des dispositions
communautaires au sein de l'espace OHADA
Chapitre 2 : L'impact des
conflits de lois dans l'application des règles communautaires au sein de
l'espace OHADA
La présence au sein de l'espace juridique OHADA, de
plusieurs ordres juridiques communautaires soulève de sérieuses
difficultés. L'appartenance des Etats à plusieurs groupements
d'intégration économique régionale, dont les fonctions et
les activités font souvent double emploi ou se chevauchent quand elles
ne se contredisent pas, porte atteinte à l'évolution du
processus d'intégration en cours. En effet, l'espace juridique OHADA est
caractérisé par l'existence de plusieurs organisations
dotées chacune d'un système juridique propre qui lui permet
d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée.
Sur le plan normatif, cette situation s'est traduite, dans
certains cas, par l'existence de conflits entre normes produites par ces
différentes organisations. Les organisations d'intégration, aussi
bien régionale (OHADA, UEMOA, CEMAC) que sectorielle (CIMA, OAPI),
produisent des règles qui, compte tenu de leur domaine d'application,
peuvent entrer en conflit. Cependant, la question du choix de la norme
appropriée, en cas de conflit, ne se pose pas seulement au niveau des
traités. Il est vrai que le traité international peut
créer des droits ou des obligations au profit ou à la charge des
particuliers (traités d'établissement et de commerce par
exemple), mais il n'en demeure pas moins que ses sujets naturels sont en
principe les Etats et les organisations internationales. Mais les
traités d'intégration économique et les traités
d'harmonisation des législations, dans leur mise en oeuvre pour la
réalisation de leurs objectifs, génèrent un droit dont les
destinataires sont essentiellement les particuliers. Ainsi, comme nous l'avons
vu, ces conflits de normes peuvent entrainer des conséquences
indésirables dans l'application des dispositions communautaires.
A la difficulté du choix entre normes
dérivées liée au fait qu'elles se présentent toutes
à un titre égal, tiré de différents traités
originaires, s'ajoute celle de leur autonomie eu égard à l'ordre
juridique dont elles émanent. Ainsi, chacun des systèmes en
présence revendiquant fort justement la primauté de ses textes,
le juge national pourrait être confronté à d'inextricables
difficultés pouvant aboutir probablement à une impasse
juridictionnelle (Section 1). A cet effet, les risques
d'insécurité juridique au sein de l'espace OHADA interpelle sur
la nécessité d'investir la réflexion sur la
compatibilité et la nécessaire mise en cohérence des
différents schémas d'intégration (Section 2).
Section 1: L'impasse
juridictionnelle dans le règlement des différends entre normes
communautaires
L'effectivité de l'application des dispositions
communautaire dans l'espace OHADA est parfois mise en échec par les
conflits entre les différentes normes juridiques. Sur le plan
juridictionnel, cette situation se traduit par une impasse dans laquelle se
trouve confronté le juge. En effet, ce dernier ne peut opérer un
choix entre ces différentes règles en vertu de l'autonomie des
ordres juridiques communautaires. Ainsi, l'affirmation du principe d'autonomie
des ordres juridiques communautaires (Parag 1) rend inefficace le recours
à la méthode conflictuelle dans le règlement des
différends entre normes communautaires (Parag 2).
Parag 1 : L'affirmation du
principe d'autonomie des ordres juridiques communautaires
Les différents ordres juridiques communautaires
évoluant au sein de l'espace juridique OHADA sont autonomes les uns des
autres. Cette autonomie est en effet perceptible non seulement au niveau de
l'application des normes communautaires(A) mais aussi au niveau de la
compétence des différentes juridictions mises en place (B).
A- L'affirmation du
principe quant à l'application des normes communautaires
En dépit de leur supranationalité, les normes
communautaires des différentes organisations d'intégration
s'intègrent dans l'ordonnancement juridique des Etats membres sans
aucune relation entre elles37(*). Ainsi, chaque norme provient d'un système
juridique autonome issu d'une organisation d'intégration. A cet effet,
l'ordre juridique peut être défini comme étant
« un ensemble organisé et structuré de normes
juridiques possédant ses propres sources et doté d'organes et de
procédures aptes à les émettre »38(*). Au sein de l'espace juridique
OHADA, cette autonomie des organisations d'intégration, et par ricochet
des ordres juridiques communautaires en présence, se manifeste à
travers l'application des dispositions communautaires. En effet, chaque
organisation d'intégration intervient dans un domaine bien défini
par son acte constitutif sans référence à l'existence des
autres systèmes d'intégration. Ainsi, les organisations
d'intégration régionale telles que l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC
interviennent respectivement dans les domaines du droit des affaires et du
droit économique. Par ailleurs, il n'existe aucune relation
hiérarchique entre les différentes normes produites par les
organisations d'intégration sectorielle, tant bien que chacune d'elles
est cantonnée dans un domaine bien précis.
Ainsi, les Actes uniformes de l'OHADA sont totalement
autonomes vis-à-vis des règlements de l'UEMOA ou de la CEMAC, et
réciproquement. En effet, l'ordre juridique supra-étatique
qu'elles mettent en place se caractérise par un mode particulier de
production et de réalisation du droit ressortissant d'un schéma
caractérisé par la superposition de plusieurs ordres juridiques
organisés de façon à ce que les sujets de
« chaque élément composant l'ensemble soit
simultanément soumis au droit de l'élément et à
celui de l'ensemble »39(*). Ainsi, la situation devient dès lors
complexe lorsqu'elle elle met en présence plusieurs ordres juridiques au
niveau supérieur de la superposition comme c'est le cas au sein de
l'espace OHADA. En effet, le problème réside ici non seulement
dans la multitude des repères proposés au juge national, mais
aussi dans la nature des rapports qu'entretiennent les différents ordres
juridiques communautaires.
Sur le premier point, la distorsion entre normes
communautaires permet d`appréhender l'impasse dans laquelle se trouve
le juge devant une situation conflictuelle. Face à ces divergences, il
y a lieu de se demander dans quel sens les juges nationaux trancheront s'ils
avaient à connaître d'une telle affaire ? A cet effet, le juge
étatique, en tant qu'il est en même temps juge de droit commun de
ces différents corps de règles, est placé devant un
problème, a priori, insoluble. Chacun des différents corps de
règles « a vocation à s'appliquer et, en cas de
contrariété entre eux, à imposer sa solution dans le
règlement du litige »40(*). Cependant, le noeud du problème réside
dans l'autonomie structurelle de ces différentes organisations
d'intégration. Or, il est bien connu que les moyens principaux qui
permettent d'assurer à un ordre juridique sa cohérence et son
fonctionnement harmonieux résident dans la définition stricte de
son domaine d'action ainsi que l'établissement d'une hiérarchie
entre les différentes catégories de normes. Toutefois, la
densité des moyens garantissant la cohérence des ordres
juridiques en présence met en échec toute idée de
subordination entre ces derniers. Dès lors, la coexistence
négative entre différentes normes communautaires ne saurait se
résoudre selon le même procédé en cas de conflit
entre normes communautaires et normes internes ou entre règles de droit
international privé.
Ainsi, du fait de la coexistence de normes contradictoires au
sein d'un même espace juridique, le risque est grand de voir s'instaurer
non seulement une insécurité juridique consécutive au
caractère plural du substrat juridique mais surtout à un
morcellement du litige, du fait de la compétence d'attribution qui est
celle du juge communautaire.
B- L'affirmation du principe quant
à la compétence des juridictions communautaires
Le contrôle de l'application des dispositions
communautaires relève de prime abord de la compétence des
juridictions nationales. En fait, lorsqu'un litige portant sur des
matières ayant fait l'objet d'une uniformisation est né, il
appartient au juge national d'en connaitre. Cependant, pour garantir
l'efficacité et l'effectivité de la politique d'uniformisation du
droit dans les domaines qui les intéresse, les organisations
d`intégration ont mis en place chacune une juridiction autonome qui
permet d'assurer l'interprétation et l'application uniforme des normes
communautaires qu'elles produisent.
En effet, le système juridictionnel communautaire peut
être considéré comme un ensemble de mécanismes,
à savoir les juridictions elles mêmes, et les voies de droit, qui
assurent la mise en oeuvre et la garantie de l'effectivité du droit
communautaire, et par voie de conséquence la promotion de
l'intégration. Cependant, il faut souligner que les organisations
d`intégration sectorielle, telles que la CIMA et l'OAPI, n'ont pas
institué de juridictions communautaires pour assurer
l'interprétation et l'application des règles qu'elles
secrètent. Seules les organisations d'intégration
régionale ont senti la nécessité de mettre en place des
juridictions communautaires permettant de garantir l'efficacité et
l'effectivité du droit communautaire41(*).
Au niveau de l'OHADA, il est mis en place une juridiction
chargée de l'interprétation et de l'application des Actes
uniformes. Parallèlement à cette dernière, l'UEMOA et la
CEMAC ont mis en place, elles aussi, des juridictions communautaires
chargées de veiller au respect des dispositions communautaires issues de
leurs différents systèmes juridiques42(*).
Cependant malgré leur diversité, ces
différentes juridictions communautaires sont cantonnées chacune
dans le domaine de l'organisation qui l'institue. A cet effet, l'art. 14 du
Traité OHADA dispose que : « la Cour assure dans les
Etats parties l'interprétation et l'application commune du
présent traité, des règlements pris pour son application
et des actes uniformes »43(*). Au sein de l'UEMOA, la compétence
juridictionnelle est répartie entre une Cour de justice et une Cour des
comptes. L'art. 38 dispose a cet effet qu' : « il est
créé au niveau de l'Union deux organes de contrôle
juridictionnel dénommés Cour de Justice et Cour des
Comptes »44(*).
C'est le même schéma juridictionnel qui prévaut aussi au
sein de la CEMAC. En effet, cette dernière, au même titre que
l'UEMOA a mis en place une Cour de justice et une Cour des comptes,
chargées de veiller à l'interprétation et à
l'application des règles communautaires dans la région.
Cependant, le mode de fonctionnement de ces juridictions
communautaires, ou du moins leur implication dans l'application et
l'interprétation des règles communautaires n'a pas la même
intensité45(*). Les
Cours de justice de l'UEMOA et de la CEMAC ne peuvent être saisies
qu'à titre préjudiciel par une juridiction nationale
chargée de trancher un litige portant sur le droit uniformisé de
l'UEMOA ou de la CEMAC46(*). Contrairement à celles-ci, la CCJA est
érigé par le traité OHADA comme étant une
juridiction de troisième degré. Ainsi, elle connait en dernier
ressort le contentieux relatif à l'application des Actes
uniformes.47(*) Dans ce
cas, la compétence des juridictions nationales de cassation, dans les
litiges relatifs à l'application des Actes uniformes, est dévolue
à la CCJA qui est investi d'un pouvoir d'évocation48(*).
Ainsi, face à une difficulté soulevant
l'application de différentes normes communautaires, quelle juridiction
serait compétente et selon quelle procédure la saisine de l'une
d'elles serait effectuée ? La CJU, dans un avis consultatif du 2
février 2000, a fait remarquer que la CCJA ne peut saisir la CJU en
renvoi préjudiciel parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale et
que l'interprétation par la CJU des Actes uniformes porterait atteinte
à l'exclusivité de la CCJA à l'application et
l'interprétation des Actes uniformes. Toutefois, l'érection de la
CCJA en une juridiction de troisième degré peut entrainer des
situations de télescopage entre ces différentes juridictions
communautaires. En effet, au regard de la connexité des matières,
la CCJA peut être appelé à infirmé une
décision rendue par une juridiction nationale de cassation après
avis de la CJU.
Cependant, l'autonomie de ces juridictions supranationales
réside, non seulement dans la cohérence dans laquelle se meut
chaque système juridique, mais aussi dans la délimitation de leur
champ de compétence respectif. Or, les conflits de normes transcendent
les domaines de compétence et mettent en cause, dans une même
situation, des normes juridiques qui échappent totalement à la
compétence de l'une ou de l'autre des juridictions en présence.
Ainsi, l'autonomie des normes communautaires se reflète ainsi au sein
même des juridictions supranationales.
Dès lors, l'impasse juridictionnelle à laquelle
est confrontée le juge national face à cette situation de
conflits entre normes communautaires se trouve transposer au niveau du juge
communautaire avec les mêmes garanties d'inefficacité du recours
à la méthode conflictuelle.
Parag 2 :
L'inefficacité de la méthode conflictuelle dans le
règlement des différends entre normes communautaires
Les conflits entre normes communautaires se posent devant le
juge avec la même physionomie que les conflits de lois en droit
international privé. Cependant, leur résolution ne saurait
être déduite de l'application de la méthode conflictuelle.
En effet, du fait de l'absence de critères permettant le choix de l'une
des normes en présence (A) le juge est dans l'impossibilité
juridique de déterminer la norme applicable (B).
A- L'absence de
critères pertinents d'élection des normes communautaires
L'existence de conflits entre règles juridiques dans un
même domaine n'est pas une situation nouvelle en droit. La concurrence
entre règles juridiques contradictoires au sein d'un même espace
constitue en réalité une composante de la vie juridique. En
effet, il peut arriver qu'une situation litigieuse soit soumise à
plusieurs règles juridiques dont chacune revendique son application.
En droit international privé, cette situation peut se
présenter lorsque plusieurs lois ont vocation à s'appliquer dans
un même litige. Cette situation qui se présente le plus souvent
dans les relations internationales se résout par l'application de la
méthode conflictuelle. En effet, le juge fait appel à la
règle de conflit qui lui permet ainsi de déterminer la
règle de droit applicable à la situation litigieuse. Ainsi, la
méthode conflictuelle est définie comme étant une
méthode par laquelle, le juge, saisi d'un litige international, s'en
réfère pour déterminer le droit applicable à ce
litige. Elle a pour rôle essentiel la détermination de l'ordre
juridique au regard duquel les situations litigieuses seront
résolues.
Si dans les litiges internes, aucun problème ne se
pose, le juge applique simplement sa loi nationale. En revanche, dans les
litiges internationaux, la question des conflits de lois est certainement
susceptible de poser des difficultés. En effet, une relation
privée internationale a, par définition, des liens avec plusieurs
systèmes juridiques. Or, la question de droit ne peut recevoir qu'une
seule réponse. Une partie invoque une telle norme et l'autre une autre.
Le juge est alors obligé d'appliquer la règle de conflit pour
déterminer quelle position est fondée49(*).
Ainsi, la règle de conflit est une disposition
nationale qui permet au juge saisi d'un litige présentant des
éléments d'extranéité d'apporter une solution en
ayant recours à un certain nombre de critères bien
définis. A cet effet, par la confrontation d'éléments
objectif et subjectif, ce dernier recherche la norme en vertu de laquelle la
situation litigieuse sera résolue.
Cependant, bien que se présentant sous la même
physionomie, les conflits de normes ne peuvent être résolu suivant
le même schéma. Les critères permettant au juge
d'opérer un choix entre les différentes règles juridiques
en présence ne peuvent être transposés dans les conflits de
normes. Ces dernières, comme nous l'avons souligné, sont
investies d'une même force normative qui les présente devant le
juge avec la même teneur et les mêmes caractères.
Le critère de rattachement de la situation litigieuse
à un système juridique en fonction des éléments
déterminant les rapports entre les parties ne peut, en effet, être
mis en avant par le juge, compte tenu du champ d'application matériel
des ces différentes règles. En effet, les normes en conflit
occupent la même place et font partie d'un même ordonnancement
juridique qui est, au demeurant, celui du juge appelé à trancher
le litige. La singularité, ou plus particulièrement la
complexité de la situation réside dans le fait que ces normes
coexistent dans un même espace juridique. Ainsi, quand un texte de
l'UEMOA prohibe la compensation des dettes de l'Etat et qu'à l'
opposé un autre de l'OHADA50(*) autorise cette compensation, le juge national
devient nécessairement impuissant car quelle que soit sa motivation, le
critère de rattachement, auquel il fait recours, aboutit toujours
à une impasse quant à la détermination de la disposition
juridique applicable.
Dès lors, à défaut de critères
objectif et subjectif permettant le rattachement de la situation litigieuse
à un système juridique bien déterminé, le juge se
trouve dans l'impossibilité juridique de déterminer la loi
applicable entre les différentes normes en conflit.
B- L'impossibilité juridique de
détermination de la norme applicable
La situation de conflit entre normes communautaires au sein de
l'espace OHADA n'est pas aisée pour le juge, qu'il soit national ou
supranational. Cependant, il revient au premier juge, en tant que juge de droit
commun de l'application des normes communautaires, d'en connaitre les
difficultés majeures. Le juge communautaire, quant à lui, veille
seulement au respect de l'application et de l'interprétation des
règles issues de l'ordre juridique auquel il appartient. A cet effet,
les conflits entre normes s'imposent au juge national qui est chargé
d'appliquer en premier le droit communautaire.
Cependant, devant un litige mettant en cause plusieurs normes
communautaires, l'attitude du juge face à une telle situation ne saurait
se traduire par le choix d'une des normes en présence. En effet, compte
tenu de la primauté des dispositions communautaires, le choix de l'une
d'elles et le rejet des autres pourrait être considéré
comme une affirmation de l'existence d'un rapport hiérarchique entre ces
différentes règles. Or, les normes communautaires sont autonomes
et n'ont aucune relation qui permet d'en déduire un rapport
hiérarchique entre elles. Chaque ordre juridique évolue dans un
domaine bien délimité par l'organisation d'intégration
dont il a pour mission de traduire les objectifs51(*).
A l'évidence, compte tenu de ce qui
précède c'est à dire la revendication de la
primauté de ses règles par chaque système doté par
ailleurs d'une juridiction suprême, les solutions basées sur la
méthode conflictuelle paraissent totalement inefficaces et
inopératoires. Ainsi, la supranationalité des normes
communautaires, avec tous les effets qui s'y attachent, met totalement en
échec le recours à la méthode conflictuelle qui devrait
permettre au juge de solutionner une situation litigieuse mettant en cause
différentes normes communautaires.
En effet, un tel conflit entre deux normes communautaires
devant le juge national, met en cause deux corps de règles ayant
vocation à s'appliquer sans qu'aucune règle de conflit du juge
national ne puisse s'appliquer pour opérer un choix entre les droits en
concurrence et sans qu'aucun principe hiérarchique ne puisse permettre
de résoudre le conflit52(*). De sorte que, si le juge applique les dispositions
d'un Acte uniforme, il peut voir sa décision combattue à la suite
d'un recours en manquement devant une juridiction communautaire (UEMOA ou
CEMAC). S'il adoptait l'attitude inverse, la même décision pourra
être attaquée devant la CCJA pour non application d'un Acte
uniforme, véritable impasse même si le juge a eu recours à
une règle de rattachement ou règle de conflit. Cette
impossibilité juridique, à laquelle est confrontée le
juge, est due au fait que les critères de rattachement qui lui
permettaient d'apporter des solutions aux conflits entre deux règles
contradictoires sont inopérantes dans les conflits de normes.
Ainsi, ni le juge national, ni le juge communautaire ne peut,
en effet, s'arroger le pouvoir d'opérer un choix entre les normes en
concurrence. A la différence de la règle de conflit qui permet,
dans les limites fixées par le système de droit international
privé du for, de répartir l'application de la lex
fori53(*) et de la
loi étrangère, aucun système, ni interne, ni
communautaire, n'est apte à opérer une telle répartition
s'agissant de règles communautaires.
Face à cette situation inextricable, et à
défaut de rapports entre les différentes juridictions
communautaires, certaines solutions ont été
préconisées pour sortir de l'impasse juridictionnelle dans
laquelle ces conflits tiennent en otage le juge. Cependant, la fragilité
des solutions préconisées montre l'urgence de la mise en oeuvre
d'une méthode de règlement des différends entre normes
communautaires au sein de l'espace juridique OHADA.
Section 2: Les risques
d'insécurité juridique liés aux conflits de lois dans
l'espace OHADA
Les difficultés soulevées par les conflits de
normes au sein de l'espace juridique OHADA portent sérieusement atteinte
à la politique d'intégration dans cet espace. En effet, l'esprit
d`harmonisation, voire d'uniformisation qui présidait la création
de ces différentes organisation d'intégration est remise en cause
par le télescopage de plusieurs règles contradictoires dans des
domaines identiques. Cependant, l'inefficacité des stratégies
adoptées pour la résolution des conflits entre normes
communautaires (Parag 1) conduit à s'interroger sur la
nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode efficace de
règlement des différends entre normes communautaires (Parag 2).
Parag 1 :
L'inefficacité des stratégies adoptées dans la
résolution des conflits de lois
L'impasse dans laquelle se trouve confronté le juge
dans la résolution des conflits entre normes communautaires a conduit
à l'adoption de différentes stratégies pour le
dénouement de cette situation. Cependant, ces différentes
stratégies ont montré leurs limites du fait de la
complexité (A) et de l'incertitude de solutions qu'elles
préconisaient (B).
A- La complexité des solutions
proposées
Une procédure susceptible d'engendrer des conflits de
compétences ou de normes entre les différentes institutions
évoluant au sein de l'espace OHADA, est nécessairement une
procédure source d'insécurité pour les praticiens du
droit, et plus généralement, les justiciables. Cependant,
l'espace juridique OHADA offre le schéma d'un cadre juridique
marqué par une situation de relation conflictuelle entre normes
communautaires sans issue possible au plan juridictionnel.
Ainsi, en l'absence de mécanisme statutaire de
coopération entre elles, qui soit destiné à harmoniser les
normes régionales ou, à tout le moins faciliter la convergence,
des solutions ont été avancées de part et d'autre pour
apporter des issues aux relations conflictuelles entre ces dernières. A
cet effet, il a été proposé le recours à la
méthode de règlement des différends entre normes,
emprunté au droit international. Ainsi, en cas de
contrariété entre normes communautaires, certains auteurs ont
proposés le recours au critère chronologique, traduite par la
règle lex posterior derogat priori (la loi postérieur
déroge à la loi antérieur) ou au critère de la
spécialité (spécialia generalibus derogant ou generalia
specialibus non derogant) qui a pour conséquence de qu'une loi
spéciale déroge à la loi générale. D'autres
solutions, par contre, ont porté sur la qualité et la valeur des
normes en conflit. Ainsi, pour certains auteurs, la qualité
intrinsèque de la norme devait constituer un critère de choix car
pour eux, la norme dont le sens est clair doit être
préférée à celle dont le sens est obscur. De
même que la norme impérative doit l'emporter sur la norme
supplétive, eu égard à sa valeur intrinsèque.
Cependant, malgré les différentes solutions
proposées, les conflits de normes communautaires ne se présentent
pas toujours sous la même apparence que les conflits entre règles
de droit international privé. C'est la raison pour laquelle, ces
solutions, empruntées au droit international conventionnel, peinent
à prospérer dans le règlement des conflits de lois en
droit communautaire. A titre d'exemple, on pourrait être tenté
d'établir une relation hiérarchique entre les Actes uniformes de
l'OHADA et les dispositions de l'UEMOA en fonction du critère
chronologique. Dans ce cas, la hiérarchie pourrait être favorable
aux Actes uniformes. Mais, qu'en serait-il des dispositions de l'UEMOA, issues
du traité UMOA54(*), et qui sont contraires aux dispositions des Actes
uniformes. En outre, le critère de la spécialité porterait
atteinte à la faveur accordée aux Actes uniformes sur les
dispositions de l'UEMOA. En effet, la finalité de l'OHADA est
d'harmoniser le droit des affaires dans son intégralité alors que
l'UEMOA ne prévoit d'y recourir que dans la mesure
nécessitée par l'intégration économique.
Par ailleurs, compte tenu des objectifs poursuivis par ces
diverses organisations d'intégration et les moyens mis en oeuvre pour y
parvenir, l'efficacité des critères de la valeur
intrinsèque et de la qualité intrinsèque est mise en
échec car les normes communautaires parviennent dans l'ordonnancement
juridique interne des Etats membres avec les mêmes caractères
normatifs.
Ainsi, à défaut de hiérarchie de sources,
les conflits entre normes communautaires au sein de l'espace juridique OHADA ne
peuvent être appréhendés selon la même méthode
de règlement des différends qui prévaut en droit
international conventionnel. Ainsi, la complexité dont elle fait preuve
a conduit à s'intéresser à d'autres solutions.
B- L'incertitude des solutions
adoptées
La complexité des conflits entre normes communautaires
au sein de l'espace juridique OHADA s'est manifestée par l'échec
des tentatives de solutions préconisées tant au niveau national
qu'au niveau international. En effet, sur le plan interne, la difficulté
majeure réside dans l'impossibilité, pour le juge,
d'opérer un choix entre les différentes normes en concurrence par
les procédés de règlement des litiges que lui offrait son
système juridique. C'est aussi, le même scénario
prévaut en droit international conventionnel. La méthode de
règlement des différends entre règles de droit
international a, comme nous l'avons précédemment souligné,
montré ses limites. A cet effet, au niveau communautaire, des solutions
ont été adoptées55(*). Ainsi, les voies ouvertes convergent, non seulement,
vers une rationalisation des dispositions communautaires mais aussi, vers la
prise en compte et le respect de l'existence des autres organisations
d'intégration par chaque institution.
Cependant, ces solutions sont loin d'être suffisantes.
Sur le plan de la rationalisation des dispositions communautaires,
malgré l'effort fourni par certaines organisations d'intégration,
les solutions adoptées semblent être, à la fois, partielle
et porteuse de germe d'incertitude.
En effet, la rationalisation des dispositions communautaires
se heurte actuellement à l'absence de mécanisme communautaire
permettant le rapprochement des différents organes législatifs de
ces différentes organisations d`intégration. Tout au plus, seule
la volonté de certaines d'entre elles, matérialisée dans
leurs actes constitutifs est perceptible. Ainsi, au sein de l'UEMOA, on
perçoit cette volonté d'harmonisation des législations
communautaires à travers l'article 14 du traité UEMOA qui dispose
que : « dès l'entrée en vigueur du présent
Traité, les Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de
prendre toutes mesures destinées à éliminer les
incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les
compétences de l'Union d'une part, et les conventions conclues par un ou
plusieurs Etats membres d'autre part, en particulier celles instituant des
organisations économiques internationales spécialisées
». Cette disposition est complétée par les termes de
l'article 60 al.2 qui affirme que « ... la conférence tient compte
des progrès réalisés en matière de rapprochement
des législations des Etats de la région, dans le cadre
d'organismes poursuivant les mêmes objectifs que l'Union ». C'est
précisément dans ce sens qu'il faut situer la décision de
l'UEMOA de modifier les dispositions du règlement 04/CM/96 du 20
décembre 1996 portant système comptable ouest africain de
l'UEMOA56(*).
Les institutions spécialisées aussi, notamment,
la CIMA et l'OAPI ont en vue cette politique de rationalisation des normes en
ce sens que leur compétences exclusives ne porte pas atteinte à
la coopération entre ces dernières et les autres organisations
d'intégration57(*).
Pour sa part, le traité OHADA en son art. 8
prévoit la possibilité de bloquer l'adoption d'un Acte uniforme
qui irait à l'encontre des dispositions des autres traités.
Ainsi, par le truchement de cette disposition, elle adopte une solution
préventive dans la mesure où selon cet article l'adoption des
Actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert l'unanimité des
Etats présents et votants. L'adoption des Actes uniformes n'est valable
que si les deux tiers au moins des Etats Parties sont
représentés. L'abstention ne fait pas obstacle à
l'adoption des Actes uniformes »58(*).
Toutefois, les vertus de telles solutions ponctuelles sont
sans doute limitées. En effet, cette tentative de rationalisation des
règles communautaires ne règlent pas définitivement le
problème posé par la concurrence entre normes communautaires.
Car, chacune de ces organisations d'intégration peut à tout
moment modifier discrétionnairement les règles substantielles
qu'elle produise. Ensuite, de telles solutions n'ont pas d'effet sur le risque
de conflits entre les différentes juridictions supranationales ou, plus
particulièrement, sur les risques de différentes
interprétations contradictoires des règles communautaires.
Dès lors, au regard des inquiétudes
soulevées par cette pluralité de normes concurrentielles et
contradictoires, il est urgent, pour les Etats membres de ces
différentes organisations d'intégration, de mettre en place un
mécanisme de résolution des conflits de lois au sein de l'espace
OHADA.
Parag 2 : La
nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode de
règlement des différends entre normes communautaires
La mise en oeuvre d'une méthode de règlement
des conflits de normes au sein de l'espace OHADA est primordiale pour la
garantie de l'efficacité du droit communautaire. Elle doit être
manifestée par une coopération entre organisation
d'intégration tant sur le plan de la production des normes (A) que sur
le plan juridictionnel (B).
A- Sur le plan matériel : sur
le plan de la production des normes
L'harmonisation du droit économique et
l'amélioration du fonctionnement des systèmes judiciaires dans
les Etats africains sont considérées comme nécessaires
pour restaurer la confiance des investisseurs et le développement d'un
secteur privé performant. A cet effet, la coordination de
l'activité des différentes organisations d'intégration de
l'espace OHADA semble être une nécessité pour atteindre ces
objectifs. Cette coordination doit d'abord se matérialisée au
niveau des mécanismes de production des normes juridiques.
En effet, la politique d'harmonisation ou d'uniformisation du
droit en cours au sein de l'espace OHADA nécessite pour son
efficacité la rationalisation des procédés et
procédures de mise en oeuvre du droit communautaire. En d'autres termes,
compte tenu de la pluralité des organisations d'intégration au
sein de cet espace, la nécessité d'une coordination entre
organisations sur le plan de la production des normes est devenue une
nécessité pour la garantie de l'effectivité et de
l'efficacité du droit communautaire59(*). L'on sait pourtant que l'efficacité d'une
action communautaire s'inscrit dans l'unité et dans la cohérence
d'une logique d'ensemble dans laquelle elle trouve ses sources60(*). Or, au sein de l'espace
OHADA, la pluralité des sources, et plus particulièrement des
ordres juridiques communautaires, portent sérieusement atteinte au sens
et à la portée du droit communautaire.
Ainsi, la coopération entre ces différentes
organisations communautaires, nonobstant l'autonomie dans laquelle vogue
chacune d'elles, doit être un outil au service de la production normative
afin d'éliminer les incompatibilités entre normes communautaires.
L'exemple de l'UEMOA, à propos de la modification du SYSCOA, a
été salutaire. En effet, il constitue un grand pas dans cette
optique de coordination des règles communautaires. Cependant, la
complexité d'une telle approche, du reste en aval, conduit à
s'interroger sur l'efficacité de celle-ci à long terme. Car,
l'UEMOA ne peut ou ne doit modifier ses normes à chaque fois qu'il
y'aurait incompatibilité entre celles-ci et les normes de l'OHADA, au
risque de voir sa cohérence remise en cause61(*).
Les difficultés soulevées par les conflits de
lois au sein de l'espace OHADA doivent, en principe, se résoudre en
amont par un système de dialogue et de communication sur les
différents projets d'harmonisation ou d'uniformisation de chaque
organisation. Compte tenu de la composition de celles-ci, où l'on
constate l'appartenance des Etats à plusieurs organisations,
l'instauration d'un cadre de dialogue contribuerait à
l'élimination, voire à la réduction des
incompatibilités entre normes communautaires62(*).
Toutefois, cette coopération entre organisations
d'intégration ne doit pas simplement se limiter entre les organes
législatifs de ces différentes institutions, elle doit aussi
s'étendre aux différentes juridictions communautaires qui, sont
au premier chef, chargées de veiller à l'efficacité du
droit communautaire.
B- Sur le plan juridictionnel : sur
le plan de l'application des normes
Chargées d'assurer l'interprétation et
l'application des normes communautaires issues des ordres juridiques dont elles
poursuivent la réalisation des objectifs, les juridictions
communautaires sont, au sein de l'espace juridique OHADA, confrontées
à de sérieuses difficultés liées à la
coexistence de plusieurs règles concurrentielles. Cependant, en
dépit de cette situation, les juridictions communautaires doivent
assurer, chacune dans l'ordre juridique qui l'intéresse,
l'interprétation et l'application du droit communautaire. Ainsi, devant
les juridictions communautaires, le conflit de compétences paraît,
a priori, impensable63(*).
Toutefois, l'impossibilité devant laquelle se trouve le juge en cas de
conflit de normes confirme l'impact de ceux-ci dans le fonctionnement efficace
des juridictions communautaires.
Ainsi, malgré l'autonomie de ces dernières, des
efforts dans le sens d'une coopération judiciaire doivent être
retenues afin de permettre au juge communautaire, confronté à une
situation de conflit entre normes, de trouver des solutions tenant en compte la
satisfaction des intérêts des différents systèmes
juridiques en cause. Cependant, d'un point de vue juridictionnel, aucune
liaison n'est établie entre les juridictions d'intégration
régionale. C'est justement à ce titre que la CJU, dans son avis
du 2 février 2000 rendu à propos du projet de code communautaire
des investissements, faisait remarquer d'une part que la Cour commune de
l'OHADA « ne peut saisir la Cour de justice de l'UEMOA en renvoi
préjudiciel parce qu'elle n'est pas une juridiction
nationale » et d'autre part que l'interprétation par la Cour
de justice de l'UEMOA des actes uniformes de l'OHADA porterait atteinte
à « l'exclusivité de la Cour commune de justice et
d'arbitrage de l'OHADA dans l'application et l'interprétation des actes
uniformes... ». Toutefois, la situation des conflits de normes qui
gangrène l'efficacité de l'action communautaire, exige des
réaménagements institutionnels qui permettraient d'établir
un lien entre les juridictions communautaires.
Il serait ainsi parfaitement possible d'organiser un
mécanisme de renvoi préjudiciel ou (et) consultatif entre
juridictions de manière à assurer une meilleure coordination dans
l'interprétation et l'application du droit communautaire64(*). Au niveau de l'UEMOA et de la
CEMAC, cette coordination est plus que possible, elle est même
nécessaire au regard de la similitude des objectifs et des moyens
d'action.
S'agissant des organisations d'intégration sectorielle,
l'absence de juridictions spécialisées porte le contentieux
relatif à l'application des normes qu'elles produisent à la
compétence des juridictions nationales. Cependant, leur
interprétation, à défaut de juridictions spéciales,
gagneraient en efficacité et en homogénéité s'il
ressortait de la compétence d'une juridiction communautaire telle que
l'OHADA65(*).
En fait, la mise en place d'un ensemble
juridico-institutionnel de règlement des conflits de normes à
travers la coopération judiciaire devra se concrétiser par
l'instauration d'un mécanisme de saisine entre juridictions
communautaires dans des situations mettant en cause l'application de
différentes normes communautaires.
Ainsi, à défaut d'une juridiction supranationale
chargée de trancher les conflits, seule la coopération entre les
juridictions communautaires est salvatrice face à la
problématique des conflits de lois au sein de l'espace juridique
OHADA.
Conclusion
En définitive, l'espace juridique OHADA offre
l'assurance d'un environnement propice aux affaires. Cette assurance est due
à la conformité des textes applicables aux relations d'affaires.
En effet, par un droit moderne et modernisé, l'OHADA a entendu faire du
droit des affaires, sur l'ensemble du territoire de ses Etats membres, un droit
unique. Mais, cette unification du droit n'est pas seulement l'oeuvre de
l'OHADA. Au sein de ce même espace, existent d'autres organisations
d'intégration économique qui poursuivent les mêmes
objectifs. Toutefois, cette pluralité institutionnelle au sein d'un
même espace entretient de façon durable une
hétérogénéité des normes émises. Elle
se traduit parfois par des situations conflictuelles entre normes du fait de la
convergence des domaines d'action. Cependant, l'articulation entre ces
différents systèmes est très complexe eu égard
à la nature des relations qu'entretiennent ces derniers.
Ainsi, les conflits de lois au sein de l'espace juridique
OHADA constituent sérieusement un obstacle à la création
d'un espace économique favorable aux investissements et aux
opérations économiques. A cet effet, l'élimination des
incompatibilités entre normes communautaires et les effets qui en
découlent, au sein de l'espace OHADA, devait constituer une
priorité dans l'action de chaque organisation d'intégration pour
garantir l'efficacité du droit communautaire. Cependant, à
l'heure actuelle, aucun mécanisme de règlement des
différends entre normes communautaires n'a été
consacré par les différents actes constitutifs de ces
organisations. Malheureusement, ces situations se règlent par des
procédés juridico-diplomatiques qui n'offrent aucune garantie
d'efficacité pour l'avenir. La récente modification du
traité OHADA, intervenue le 17 octobre 2008, aurait pu servir de
prétexte pour poser les jalons d'une solution définitive aux
conflits entre les normes des autres organisations d'intégration et les
dispositions des Actes uniformes.
A défaut, la mise en cohérence des droits
communautaires doit se poursuivre par une coopération impliquant
nécessairement une volonté politique franche entre les
différents acteurs du processus d'intégration. A ce titre, il
convient de souligner avec le Pr. Abdallah Cissé
que : « le risque potentiel de dislocation du droit
uniforme des affaires au niveau africain ne peut être jugulé
qu'avec une définition rigoureuse des principes directeurs communs
à toutes ces entreprises de communautarisation, de sorte à
créer les conditions favorables à une unification substantielle
des règles communes ». Ainsi, seule une rationalisation des
politiques d'intégration semble à priori être, pour
l'instant, la solution face à la problématique des conflits de
lois dans l'espace OHADA.
Cependant, la rationalisation des divers organismes
d'intégration par l'harmonisation des différentes normes
communautaires ne pourrait-elle pas se traduire par la possibilité
d'émergence d'une structure chargée de trancher les conflits de
compétences entre les différents systèmes en
présence. Ainsi, l'on transposera le mécanisme de
résolution des conflits de compétences de droit interne au niveau
communautaire.
Mais, dans ce cas précis, n'assisterons nous pas
à une remise en cause du principe d'autonomie de l'ordre juridique
communautaire, voire même de sa cohérence ? Mais encore,
faudrait-il que ces réaménagements institutionnel et normatif
soient d'un commun accord entre ces différentes organisations
communautaires. Ce qui suppose, en d'autres termes, la prise en compte de
l'existence des autres organisations d'intégration par chaque
institution communautaire.
Toutefois, la solution des conflits de lois appelle à
la fois un dynamisme politique et une volonté juridique de la part de
tous les acteurs pour donner plus de vivacité à
l'intégration économique en cours au sein de l'espace OHADA.
Ainsi, compte tenu de leur nature et des difficultés qu'ils
soulèvent, c'est seulement au prix de plusieurs concessions
réciproques que jaillira un droit cohérent et harmonisé
entre organisations d'intégration au grand profit des particuliers.
Bibliographie
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www.ohada.com
Ø
www.droitfrancophonie.org
Ø
www.juriscope.org.
Ø
www.uemoa.int
Ø
www.lefaso.net
Table des matières
Dédicaces
1
Remerciements
2
Abréviation
3
Introduction
6
Chapitre 1 : L'identification des conflits de
lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
10
Section 1 : La détermination des
conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
12
Parag 1 : Les sources
des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
12
A- La pluralité institutionnelle au
sein de l'espace OHADA
12
B- L'hypertrophie des normes au sein de l'espace
OHADA
15
Parag 2 : La nature
des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
17
A- Conflits de compétences
17
B- Conflits de normes
19
Section 2 : La portée des conflits de
lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA
21
Parag 1: La prise en
compte des conflits virtuels entre normes communautaires
21
A- La possibilité
d'interférences entre normes communautaires d'intégration
22
B- L'éventualité des
interférences entre normes communautaires d'intégration et normes
communautaires spécialisées
24
Parag 2 : L'existence
de conflits réels entre normes communautaires
26
A- Conflits entre normes communautaires
d'intégration
26
B- Conflits entre normes communautaires
d'intégration et normes communautaires spéciales
28
Chapitre 2 : L'impact des conflits de lois
dans l'application des règles communautaires au sein de l'espace
OHADA
31
Section 1: L'impasse juridictionnelle dans le
règlement des différends entre normes communautaires
32
Parag 1 :
L'affirmation du principe d'autonomie des ordres juridiques communautaires
32
A- L'affirmation du principe quant à
l'application des normes communautaires
32
B- L'affirmation du principe quant à
la compétence des juridictions communautaires
34
Parag 2 :
L'inefficacité de la méthode conflictuelle dans le
règlement des différends entre normes communautaires
37
A- L'absence de critères pertinents
d'élection des normes communautaires
38
B- L'impossibilité juridique de
détermination de la norme applicable
39
Section 2: Les risques d'insécurité
juridique liés aux conflits de lois dans l'espace OHADA
41
Parag 1 :
L'inefficacité des stratégies adoptées dans la
résolution des conflits de lois
41
A- La complexité des solutions
proposées
42
B- L'incertitude des solutions
adoptées
43
Parag 2 : La
nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode de
règlement des différends entre normes communautaires
45
A- Sur le plan matériel : sur le
plan de la production des normes
45
B- Sur le plan juridictionnel : sur le
plan de l'application des normes
47
Conclusion
50
Bibliographie
52
Table des matières
55
* 1 Pour une analyse
pertinente de la question, Djibril Abarchi, Problématique des
réformes législatives en Afrique : le mimétisme juridique
comme méthode de construction du droit, Penant 2003, p. 88.
* 2 C'est l'une des missions
fondamentales assignées à l'OHADA. Sa création traduit la
conscience de nos dirigeants qu'un espace économique ne peut être
pleinement efficace s'il n'est tramé d'un espace juridique
cohérent.
* 3 V. J. ISSA-SAYEGH,
« L'intégration juridique des Etats africains dans la zone
franc », Rec. Penant, n°823, p.9.
* 4 Idem. p. 12
* 5 Certes, l'ambition de
l'OHADA est plus noble en ce sens qu'elle vise une intégration à
échelle continentale du droit des affaires. Il était apparu
nécessaire aux dirigeants des pays ayant en commun le franc Cfa de
créer un système d'intégration juridique conçue
comme le levier indispensable de l'intégration économique en
cours.
* 6 La communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest a été
fondée le 28 mai 1975. Elle comporte neufs Etats membres de
l'OHADA : Bénin, Burkina Faso, Cote d'Ivoire, Guinée,
Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. A ces Etats
viennent s'ajouter le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, le Libéria, le
Nigéria et la Sierra Leone. Sont objectif principal est de promouvoir
l'intégration dans tous les domaines économiques, tant en
matière de politique économique que de projets de
développement avec comme toile l'établissement d'une union
économique en Afrique de l'Ouest. Cependant, pour des raisons
liées à la nature des règles produites par celle-ci, les
développements qui suivront seront plus axés sur les
organisations d'intégration supranationales.
* 7 Le Traité
instituant l'UEMOA a été signé le 10 janvier 1994 et
ratifié en juin 1994, remplaçant l'UMOA créée en
1962 et la CEAO créée en 1973, et fusionnant les fonctions de
ces deux institutions. Les Etats membres de l'UEMOA sont le Bénin, le
Burkina Faso, la Cote d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le
Sénégal et le Togo. Elle a comme objectifs la création
d'un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des
services et des capitaux. L'Organisation a aussi pour objet de coordonner les
politiques nationales dans certaines matières telles que
l'énergie ou les transports, et enfin, d'harmoniser la
législation de ses Etats membres dans les limites de son objet.
Parallèlement, elle a aussi pour fonction de coordonner les politiques
économique et budgétaire de ses Etats membres par l'institution
d'une procédure de surveillance multilatérale. L'UEMOA est
devenue un territoire douanier unique depuis le 1er janvier 2000
basé sur l'exonération du paiement des droits de douanes pour les
produits industriels, les produits du cru et l'artisanat traditionnel provenant
des Etats membres, et l'établissement d'un tarif extérieur commun
« TEC », consistant en des droits de douanes permanents et
temporaires, déterminés en fonction d'une nomenclature
définie de produits importés « 0 à 20
* 8 La CEMAC a
été créée en 1994 afin de remplacer l'ancienne
UDEAC « Union Douanière des Etats d'Afrique
Centrale » datant de 1964. Ses Etats membres sont : le Cameroun,
le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République
Centrafricaine et le Tchad. Elle est la « soeur
jumelle » de l'UEMOA. Le Traité CEMAC a mis en place deux
unions : l'UEAC « Union Economique en Afrique
Centrale » et l'UMAC « Union Monétaire en
Afrique Centrale ».La fonction principale de cette dernière
est de consolider la coopération monétaire entre les Etats
membres de la CEMAC en instituant une politique monétaire et de
contrôle des changes unique. L'UEAC a quant à elle pour mission de
favoriser la libre circulation des biens, des services et des capitaux par la
création d'un marché commun, ainsi que la coordination des
politiques nationales notamment en matières d'environnement, de
transports, d'industrie, de communications et d'infrastructures. Afin
d'encourager la compétitivité économique et de s'engager
dans un marché commun, l'UEAC a entamé certaines réformes
comprenant l'établissement d'une union douanière fondée
sur la liberté des échanges au sein de l'union et l'instauration
d'un tarif commun pour les importations provenant de pays étrangers
à la zone. Le régime douanier de l'UEAC repose sur un tarif
extérieur commun « TEC » et un tarif
préférentiel
généralisé « TPG ».
* 9 La Conférence
Interafricaine de la Prévoyance Sociale a été
créée par traité signé le 21 septembre 1993 par les
Etats de la zone franc Cfa. Son principal objectif est l'harmonisation des
législations sociales de ses Etats membres. Elle est entrée en
vigueur le 10 octobre 1995.
* 10 La Conférence
Interafricaine du marché des Assurances est entrée en vigueur en
février 1995 au sein de quatorze Etats membres de l'OHADA :
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Cote d'Ivoire,
Guinée Equatoriale, Gabon, Mali, Niger, République
Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo. Son objectif principal
est l'unification d'une réglementation en faveur des entreprises et des
opérations d'assurances au sein de ses Etats membres.
* 11 L'Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle a été
instituée par l'Accord de Bangui en date du 2 mars 1977. Cet accord a
été révisé le 25 février 1999, elle est
entrée en vigueur en février 2000. Des Etats membres de l'OHADA,
seules l'Union des Comores n'est pas membres de l'OAPI.
* 12 Malgré la
volonté de rationalisation souhaitée par l'OUA à travers
le plan d'action local (PAL) de 1980 devant aboutir en 2000 à la
fusion de toutes les organisations régionales d'intégration
économique existantes en une organisation à dimension
continentale. V. Maurice Glélé-Ahanhanzo,
« Introduction à l'organisation de l'unité africaine et
aux organisations régionales africaines » LGDJ 1986, p. 30 et s.,
p. 67 et s.
* 13 Notre choix,
consacré à l'expérience de l'Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle (OAPI) et à celle de la
Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA),
s'explique par le fait qu'ils s'agissent d'organisations interafricaines
d'intégration juridique à compétence sectorielle dont la
Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES).
Cependant, cette dernière n'a pas atteint les objectifs qu'elle
s'était fixée, de sorte que ce sont les dispositions nationales,
en la matière, qui continuent à s'appliquer.
* 14 Le principe de la
supranationalité suppose le transfert de compétence des Etats
à une institution internationale dans certaines matières d'un
pouvoir de décision qui s'impose aux Etats mêmes et aux
ressortissants de ces derniers. Ce pouvoir se manifeste également par
l'édiction de règles qui sont non seulement immédiatement
applicables sur le territoire des Etats parties mais aussi supérieur aux
règles internes, en vertu du principe de la primauté du droit
communautaire.
* 15 L'article 2 du
Traité précise la nature des règles qui entre dans le
domaine du droit des affaires. C'est l'ensemble des règles relatives au
droit des sociétés et au groupement économique, au statut
juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux
suretés, aux voies d'exécution, aux redressement des entreprises
et à la liquidation judiciaire, à l'arbitrage, au droit du
travail, au droit de la vente et des transports « et toutes
autres matières que le conseil des ministres déciderait, à
l'unanimité d'y inclure... »
* 16 Il en est ainsi des
Actes uniformes sur le droit Commercial Général, sur le droit des
Sociétés et GIE, sur le droit des Suretés
( 1er janvier 1998 ), sur le droit des Procédures
Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution (10 juillet
1998 ), sur le droit des Procédures Collectives
( 1er janvier 1999 ), sur le droit de l'Arbitrage
( 11 juin 1999), à la Comptabilité (la première
partie de cet AU, relative aux comptes personnels des entreprises est
entrée en vigueur le 1er janvier 2001 ; la
deuxième partie relative aux comptes consolidés et
combinés est entrée en vigueur le 1er janvier
2002 ) et aux Contrats de Transports de Marchandises par Routes
( 1er janvier 2004).
* 17 Il convient toutefois
de nuancer la portée de cette affirmation car dire que les règles
communautaires sont supérieures à toutes les règles de
droit interne c'est méconnaitre l'étendue des dispositions du
droit interne, notamment la place qu'occupe la constitution dans
l'ordonnancement juridique des Etats parties. Ainsi, M. Robert Kovar (Rapports
entre le droit communautaire et les droits nationaux in Commission des
Communautés européennes, Trente ans de droit communautaire,
ouvrage collectif, Luxembourg, Publication CE, 1982, p. 138) reconnaît
que « dans aucun des Etats membres, le droit communautaire n'est
assuré d'une primauté absolue sur les normes constitutionnelles
». M. Francis Delpérée, dans le cas de la Belgique (Les
rapports de cohérence entre le droit constitutionnel et le droit
international public, Développements récents en Belgique, RFDC
n° 36, 1998, p. 740) se félicite de ce que « la Cour
d'arbitrage et le Conseil d'Etat contribuent à replacer... la
Constitution au sommet des règles juridiques qui s'imposent dans un Etat
». Enfin, M. Georges Vedel (Souveraineté et
supraconstitutionnalité, Revue Pouvoirs, n° 67 - 993) soutient
qu'il n'existe pas en droit positif français de normes juridiques d'un
rang supérieur à celui de la constitution, que le concept de
normes juridiques supraconstituionnelles est logiquement inconstructible et que
la supranationalité est dangereuse pour l'ordre juridique
démocratique.
* 18 Il en est aussi de la
possibilité de l'existence d'un vide juridique dans certains cas
occasionné par cette pluralité institutionnelle dont chaque
organisation se meut dans son domaine respectif : ce sont les conflits
négatifs
* 19 Cependant, le
problème ne se pose pas entre l'UEMOA et la CEMAC, car elles sont
chacune cantonnées dans un espace géographique bien
délimité.
* 20 L'art. 2 du
Traité OHADA dispose que : « pour l'application du
présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires
l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et
au statut juridique des commerçants, au recouvrement des
créances, aux suretés et aux voies d'exécution, au
régimes de redressement des entreprises et à la liquidation
judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable,
au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le
Conseil des ministres déciderait, à l'unanimité, d'y
inclure, conformément à l'objet du présent traité
et aux dispositions de l'article 8 ».
* 21 V. Conv. de Vienne du 23
mai 1969 sur le droit des traités, art. 30 al. 1 à 4.
* 22 Sur cette même
lancée, l'art. 6 du Traité UEMOA dispose que :
« Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la
réalisation des objectifs du présent Traité et
conformément aux règles et procédures instituées
par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale contraire, antérieure ou
postérieure ».
* 23 A la différence
des règlements, les directives se bornent à fixer les objectifs
à atteindre dans un délai prescrit, en laissant aux
autorités étatiques le choix des moyens à mettre en oeuvre
pour les réaliser. C'est à l'expiration du délai imparti
que des problèmes peuvent surgir tenant, soit à une
défaillance totale des autorités, soit au fait que les objectifs
sont incomplètement atteints. La question est alors de savoir si la
directive peut être directement invoquée par ceux qui y ont
intérêt. Si l'on considère que les nonnes Communautaires
créent les mêmes droits et obligations, au bénéfice
ou à la charge de l'ensemble des personnes de l'espace Communautaire, la
défaillance d'un Etat crée un déséquilibre entre
les personnes résidant sur son territoire et ceux des autres.
Il faudrait alors admettre que ceux-là puissent invoquer la directive
à condition bien entendu qu'elle soit suffisamment
détaillée.
* 24Ainsi, par exemple, la
conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance (CIMA) a
adopté un Traité instituant une réglementation et un
contrôle commun du secteur des assurances, ainsi qu'un Code des
assurances unique.
* 25 Sur ces conflits de
compétence entre les organisations internationales africaines
chargées de l'intégration juridique, voir J. ISSA-SAYEGH,
Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des
actes uniformes de l'OHADA, revue uniforme de droit, UNIDROIT, Rome 1999-1, p.
5. ; Colloque sur « La problématique de la délimitation des
compétences entre la Cour de justice de l'UEMOA, la Cour de justice et
d'arbitrage de l'OHADA et les juridictions nationales des Etats Parties »,
Centre de formation judiciaire de Dakar, 9-13 octobre 2000.
* 26 En effet, toute
situation incertaine qui suscite des solutions alternatives, est source de
conflits potentiels, et donc, d'insécurité juridique. Il n'est
donc pas étonnant qu'un tel conflit de détermination de la
juridiction compétente - Cour Commune ou juridiction nationale de
contrôle de légalité - se soit posé dans l'affaire
Snar Leyma rendue par la Cour Suprême du Niger, le 16
août 2001. V. à ce propos, Cour Suprême du Niger, 16
août 2001, RBD, 2002, p. 121 et S., et obs. D. Abarchi. Sur
cette affaire, V. aussi A. Kanté, La détermination de la
juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre
une décision rendue en dernier ressort, en application des actes
uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du
16 août 2001), OHADA. Com., Ohadata D-02-29.
* 27 En effet, la violation
du plan comptable OHADA en vigueur depuis 2002 par les organes de la CEMAC
situés dans le secteur économique peut relever de la
compétence de la Chambre des comptes de la Cour de justice de la CEMAC
tout comme elle peut aussi relever de la compétence de la CCJA.
* 28 En effet, celle-ci
prévoit dans son préambule de « donner une impulsion
nouvelle et décisive au processus d'intégration en Afrique
Centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations
des Etats ».
* 29 En effet, l'art. 47 du
Traité de la CIMA dispose que : «Les juridictions nationales
appliquent les dispositions du présent traité et les actes
établis par les organes de la Conférence nonobstant toute
disposition nationale contraire ou antérieure à ces textes».
L'art. 44 met à la charge des Parties contractantes une obligation
négative de ne pas légiférer dans le domaine de
compétence de la Conférence. Il n'est pas exclu, là aussi,
qu'il y ait un conflit de normes.
* 30 En effet, il existe un
risque de conflit de normes créé par le caractère
élastique du domaine du traité OHADA. Certes, il y a une
coordination qui se développe par les voies de la coexistence pacifique
et l'instauration de partenariat entre les différentes instances
d'harmonisation, mais le risque de conflit entre les normes de l'OHADA et
celles de certaines organisations d'intégration juridique sectorielle
est inhérent à l'élasticité du domaine du droit des
affaires. En effet, l'article 2 du traité, tout en
énumérant les disciplines qui, pour le besoin de son application
entrent dans le domaine du droit des affaires, fait également allusion
à « toute matière que le conseil des ministre
déciderait d'y inclure. ». A cet effet, en application des
dispositions de l'article 2 du traité, le Conseil des Ministres de
l'OHADA a pris la décision, en mars 2001, d'inclure dans le
périmètre de l'OHADA des matières qui ont
déjà fait l'objet d'une harmonisation par d'autres instances ou
organisations interafricaines. Il en est ainsi, notamment, du droit de la
propriété intellectuelle régis par les dispositions de
l'Accord portant révision de l'Accord de Bangui du 02 mars 1977
instituant une OAPI.
* 31 Au sein de l'espace
OHADA, on dénombre plusieurs plans comptables. En effet, on distingue le
plan comptable de l'OCAM voué à la disparition, remplacé
par celui de l'OHADA qui est le plan comptable de droit commun ; le plan
comptable de l'UEMOA ; le plan comptable de la CIPRES spécifique
à la sécurité sociale et plan comptable de la CIMA
particulier aux entreprises d'assurances.
* 32La
généralisation de l'application des dispositions de l'article 449
de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales (AUSC) et GIE se
heurte à la spécificité des établissements
bancaires. En effet, les cautions, avals, garanties et garanties à
première demande constituent des opérations quotidiennes et
normales des institutions bancaires et dès lors, l'extension de
l'article 449 de l'AUSC est une entrave manifeste à la
compétitivité de celles-ci.
* 33 Le droit des
systèmes de paiement offre un exemple d'incohérence assez
illustratif des chevauchements de compétences dans la
sous-région. Il en est ainsi du statut de commerçant et des actes
de commerce qui sont régis par les actes uniformes de l'OHADA, tandis
que les effets de commerce sont réglementés par des dispositions
de l'UEMOA. Il en est de même des difficultés posées par
les dispositions de l'Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives « AUPC ». En effet, les art. 6 et 7 du
Règlement n° 15/2002/CMUEMOA/ du 19 septembre 2002 relatif aux
systèmes de paiements dans les Etats membres de l'UEMOA entrent en
contradiction avec la règle du «zéro heure»
consacrée par l'Acte uniforme relatif aux procédures collectives
d'apurement du passif. V. Amadou T. Ndiaye, Conflits de normes en droit
communautaires OHADA et UEMOA : Exemple des paiements
réalisés dans les systèmes de paiement
intégrés en cas de procédures collectives d'apurement du
passif, Ohadata D- 08-06, p. 5.
* 34 Au sein de l'espace
OHADA, l'appel public à l'épargne est régi par trois (03)
organisations internationales d'intégration régionale :
l'OHADA, l'UEMOA, la CEMAC chacune édictant des règles
particulières. Mais, le plus remarquable entre le droit communautaire de
l'OHADA et celui de l'UEMOA sur la matière de l'appel public à
l'épargne porte sur les notions de titres et de valeurs
mobilières. Le droit communautaire de l'OHADA et celui de l'UMOA ont
deux conceptions différentes de ces notions ce qui pose naturellement
des difficultés aux différents acteurs de cette branche.
* 35 Par exemple des
divergences subsistent aussi entre l'OHADA et l'UEMOA dans le domaine des
investissements. V. D.B. BA, Le problème de la compatibilité
entre l'UEMOA et l'OHADA, in La libéralisation de l'économie dans
le cadre de l.intégration régionale : le cas de l'UEMOA, sous la
direction de Pierre MEYER, Publication du CEEI N°3, Ouagadougou,
Imprimerie Presses Africaines, 2001, p.180.
* 36 En effet, l'art. 325
du code CIMA dispose que : « la faillite d'une société
régie par le présent code, ne peut être prononcée
à l'égard d'une entreprise soumise aux dispositions du
présent livre qu'à la requête de la commission de
contrôle des assurances. Le Tribunal peut également se saisir
d'office ou être saisi par le ministère public d'une demande
d'ouverture de cette procédure après avis conforme de la
commission de contrôle des assurances. Le Président du tribunal ne
peut être saisi d'une demande de règlement amiable qu'après
avis conforme de la commission de contrôle des assurances »
* 37 Sur un plan d'ensemble
: Abarchi D., La supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation
en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Revue Burkinabé de Droit,
n° 37 - 1er semestre 2000, p. 9 à 27.
* 38 V. Guy ISSAC, Droit
communautaire Général, Armand Colin, 7éd. Liège.
* 39V. Jean COMBACAU et
Serge SUR, Droit international public, 2ème édition, Paris,
Montchrestien, 1995, p.8
* 40 V. D.B. BA, « Le
problème de la compatibilité U.E.M.O.A.-O.H.A.D.A. »,
op.cit., p.186
* 41 En effet, compte tenu
de la pluralité des organisations d'intégration totalement
autonomes dans l'espace OHADA et de la signification que l'on pourrait donner
au droit communautaire, il conviendrait d'employer le pluriel pour souligner
l'existence, non pas d'un droit communautaire dans cet espace mais, de
plusieurs droits communautaires. V. vocabulaire juridique, Henry Capitant, 7
éd. 1998, PUF.
* 42 Cependant, il existe,
dans l'espace OHADA, une autre juridiction communautaire : la Cour de
justice de la CEDEAO. Mais, le droit de la C.E.D.E.A.O est un droit de nature
interétatique et non supranationale, qui s'adresse aux Etats (articles 9
et 12 du Traité C.E.D.E.A.O). C'est la raison pour laquelle elle
s'apparente beaucoup plus à une juridiction internationale que
communautaire.
* 43 C'est d'abord l'article
14 du Traité de base qui prévoit la compétence exclusive
de la CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements
pris pour son application et des actes uniformes. Ensuite c'est l'article 56 du
règlement de procédure qui traite de la question de
l'interprétation, mais à ce niveau le règlement consacre
le concept de procédure consultative. Ainsi on peut dire que la demande
d'avis est le pendant de la procédure du renvoi préjudiciel de
l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est demandé, elle fait
même l'objet d'une notification à tous les Etats parties au
Traité, par le greffier en chef de la Cour.
* 44 L'al. 2 de l'art. 38
dispose que : « Le statut, la composition, les
compétences ainsi que les règles de procédures et de
fonctionnement de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes sont
énoncés dans le protocole additionnel no 1. Ainsi, dans l'UEMOA
mais également dans la communauté jumelle de l'Afrique centrale
(CEMAC), le contrôle par l'interprétation s'exerce à
travers ce que l'on appelle le recours préjudiciel en
interprétation. Ce recours est organisé dans l'Union par les
dispositions du protocole additionnel n°1 du Traité de l'UEMOA, et
par l'article 15 paragraphe 6 du règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant
règlement de procédure de la Cour de justice. Justement cet
article 15 dispose que : « Lorsqu'un problème
d'interprétation du traité de l'Union, de la
légalité des organes de l'Union, de la légalité et
d'interprétation des statuts des organismes créés par un
acte du conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les
décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle
l'estime nécessaire, poser des questions préjudicielles à
la Cour ».
* 45 En effet, l'OHADA et
l'U.E.M.O.A ne prévoient pas le même type de relations entre le
juge national et le juge communautaire. Toutes choses qui compliquent la
position du juge national quand il a à connaître d'une affaire
appelant l'application conjointe des dispositions de ces deux droits
communautaires. Par exemple, le code des investissements issu du traité
U.E.M.O.A comporte des dispositions relatives à la vente qui, dans le
même espace, est en principe régi par les dispositions du droit
OHADA.
* 46 La coordination entre
juridictions nationales et communautaires s'effectue par un système de
renvoi préjudiciel qu'opèrent les cours de cassation saisies,
à la CJU, afin que celle-ci puisse donner sa position sur la question de
droit communautaire, dont la juridiction nationale est saisie. Le recours
préjudiciel est certes une faculté qui reste à la libre
appréciation des juridictions nationales. Mais aux termes de l'article
12 alinéa 2 du règlement de procédure de la CJU, les
juridictions qui statuent en dernier ressort sont tenues de saisir la CJU afin
de requérir sa position sur la question de droit communautaire
révélée par le litige dont elle est saisie. Ensuite le
juge national est tenu de se conformer à l'interprétation qui lui
sera donnée par la cour. S'il en est ainsi c'est dire que la CJU ne
dispose pas d'un quelconque pouvoir d'invalidation des décisions des
juridictions nationales, lors même que l'application du droit
communautaire est en cause.
* 47 Ainsi il est
prévu aux termes de l'article 14 du Traité OHADA
que : « Saisie par la voie du recours en cassation, la cour
se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des
Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives
à l'application des Actes Uniformes et des règlements
prévus au présent Traité à l'exception des
décisions appliquant des sanctions pénales... ». Sous
cet éclairage de la loi il est à dire que la cassation dans le
cadre de l'espace OHADA constitue en quelque sorte la « chasse
gardée » de la CCJA. Cette dernière peut être
saisie conformément à l'article 51 du règlement de
procédure, par la voie du renvoi effectué par le juge national,
elle peut également être saisie dans un délai de deux mois
à compter de la notification de la décision, par toute partie
à un procès qui estime que la juridiction nationale statuant en
cassation a méconnu la compétence de la CCJA.
* 48 L'évocation
c'est la faculté qui est donné à la CCJA de se prononcer
sur le fond de l'affaire, et de ne plus opérer de renvoi après la
cassation. Ceci étant la CCJA se substitue donc aux cours de cassation
des différents Etats parties, mais elle se substitue surtout à la
juridiction nationale de fond qui aurait été normalement
compétente à statuer après la cassation. Cependant ce
mécanisme de substitution de la CCJA aux juridictions nationales
connaît une limite concernant les décisions appliquant des
sanctions pénales. V. Ndiaw DIOUF, Actes uniformes et droit pénal
des Etats signataires du traité de l'OHADA : la difficile
émergence d'un droit pénal communautaire des affaires dans
l'espace OHADA, Revue Burkinabé de droit, n 39-40, numéro
spécial.
* 49 Par contre, le juge
communautaire, lui, n'a pas à résoudre de conflit de lois. Il
doit simplement vérifier si la situation entre dans le champ
d'application du droit communautaire. Si la réponse est positive, il
déclare qu'il faut lui appliquer les dispositions pertinentes du droit
communautaire. Si tel n'est pas le cas, il n'a pas à déterminer
quel autre droit que le droit communautaire est applicable à la
situation. V. Pierre MEYER, les conflits de
juridictions dans l'espace OHADA, UEMOA, CEDEAO,
http://droit.francophonie.org/doc/dcum/fr/2003/2003dfznaodcumfr4.htlm.
* 50 V. art. 30 al. 2 de
l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et voies
d'exécution
* 51 Ainsi, il appartient
à chaque organisation d'intégration de fixer sa propre
sphère d'applicabilité matérielle et spatiale et celle-ci
s'impose aux ordres juridiques internes des Etats membres. Aucune norme
communautaire ne peut davantage régler la question de
l'applicabilité du droit communautaire produit par les autres
institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi, il ne revient pas
à une norme UEMOA ou CEMAC de traiter de l'applicabilité d'une
norme OHADA.
* 52 En effet, cette situation
explique que le problème de l.incompatibilité entre les
règles de l.U.E.M.O.A. et celles de l.O.H.A.D.A. ne puisse pas
être résolu à la lumière de la jurisprudence
Simmenthal de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui,
tirant toutes les conséquences de la primauté du droit
communautaire, affirme l.inapplicabilité de plein droit de toute norme
nationale incompatible avec le droit communautaire. V. C.J.C.E., 9 mars 1978,
aff. 106/77, Simmenthal, Recueil 1978, p. 609, s.
* 53 La lex fori signifie la
loi du for, c'est-à-dire la loi du juge saisi du litige.
* 54 Le Traité de
l'UEMOA maintient en vigueur le Traité de l'UMOA à titre
transitoire. Il est, à cet effet, prévu qu'« en temps
opportun, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement adoptera un
Traité fusionnant le Traité de l'UMOA et le présent
Traité », c'est-à-dire le Traité de l'UEMOA.
* 55 Les différentes
solutions adoptées au niveau communautaires peuvent être
envisagées sous deux angles. D'une part, elles concernent des voies
diplomatiques à travers la coopération entre organisations
d'intégration. A ce titre, l'UEMOA a un rang d'observateur au sein de
l'OHADA. D'autre part, les solutions juridiques mises en oeuvre ressortent
d'une lecture des traités constitutifs des différentes
organisations d'intégration.
* 56 Le SYSCOA a
été modifié à la suite de la réunion du
conseil des ministres de l'UEMOA qui s'est tenu à Dakar le 20 Septembre
2001. Le règlement 07/2001/CM/UEMOA vient ainsi modifier le
règlement 04/CM/96 du 20 Décembre 1996 qui institué le
SYSCOA. Cette modification fait suite à la perspective de
rationalisation des normes entre l'UEMOA et l'OHADA sur le plan comptable.
* 57 Lors de sa
réunion tenue à Ouagadougou les 11 et 12 mars 1999, le Conseil
des Ministres de l'OHADA avait autorisé la coopération entre
l'ERSUMA et l'Institut international des assurances (IIA), tout en tout en
excluant la compétence de la CCJA en matière d'assurances. V.
J.O. OHADA n° 11 du 01/01/02, p. 12.
* 58 Ainsi, l'OHADA,
à travers cette disposition, offrent aux Etats membres des autres
organisations d'intégration la possibilité d'empêcher
l'adoption de tout Acte uniforme qui leur paraîtrait incompatible ou
comporter de sérieux risques d'incompatibilité avec leur propre
ordre juridique.
* 59 En effet, la
sécurité juridique étant désormais une constante du
marché de l'investissement, les opérateurs économiques se
préoccupent d'abord de l'environnement et des conditions juridiques dans
lesquelles ils vont opérer. Nul doute que l'insécurité
juridique et judiciaire qui prévaut, compte tenu de ce foisonnement
normatif ne porte atteinte à politique d'intégration en cours
dans ces zones.
* 60 Certains auteurs
préconisent la spécialisation de ces différentes
organisations dans les domaines où elles sont les plus performants.
Ainsi, la C.E.D.E.A.O sera cantonnée dans le domaine du
règlement des conflits, l'UEMOA dans la construction du marché
commun, l'OHADA dans le domaine du droit uniforme des affaires. D'autres, ont
senti la nécessité de faire la distinction entre les
compétences de l'UEMOA ou de la CEMAC en attribuant à celles-ci
le monopole de la législation en matière de politique
économique et monétaire et à l'OHADA la compétence
pour légiférer en droit économique. V. Issa Sayegh,
Conflits entre droit OHADA et droit régional,
www.ohada.com, Ohadata D-06-05, p. 5.
* 61 A ce propos, la
pensée du Pr. Ch. Rousseau sied bien lorsqu'il écrit que :
« A beaucoup d'égards, le problème de la
contrariété des règles conventionnelles est encore
largement dominé par des facteurs d'ordre politique et son
règlement est fonction des progrès du sentiment du droit chez les
Etats contractants ». V. Charles ROUSSEAU, Droit International
Public, Paris, 11ème édition, Dalloz, 1987, p.55.
* 62 En effet, il n'est pas
interdit que ces différentes organisations adoptent des clauses leur
permettant d'établir toute coopération utile avec les
organisations régionales ou sous-régionales existantes, de faire
appel à l'aide technique de tout Etat ou d'organisations internationales
et, surtout, de conclure des accords de coopération avec elles. A cet
effet, aussi bien le traité UEMOA (article 13) que l'additif au
Traité de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique
de la communauté (article 36) comporte des dispositions permettant cette
coopération. Le Traité OHADA n'en comporte pas mais le pouvoir de
coopérer doit être reconnu comme de droit commun pour une telle
organisation, ce pouvoir pouvant s'induire de l'article 46 qui lui
reconnaît la pleine capacité juridique dont la capacité de
contracter.
* 63 Car un tel conflit
n'est possible que lorsqu'une juridiction suprême communautaire ou
régionale a compétence pour régler les litiges de droit
interne relatifs au droit supranational et matériel
dérivé. Le seul exemple connu, au sein de l'espace OHADA, est
celui de la CCJA. En effet, il peut arriver, comme on l'a vu avec l'affaire
Snar Leyma rendu par la Cour Suprême du Niger le 16 août
2001, qu'un conflit de compétence surgisse entre les juridictions
nationales et la CCJA.V. Cour Suprême du Niger, 16 août 2001, op.
cit. p. 14.
* 64 Juridiquement,
malgré l'autonomie des différents ordres juridiques
communautaires, rien ne s'oppose à ce qu'il existe un mécanisme
de coopération entre les juridictions communautaires.
* 65 Malheureusement,
l'OHADA a décliné les demandes tendant à
l'élargissement de la compétence de la CCJA en matière
d'assurances et de propriété intellectuelle. Toutefois, elle a
plaidée pour la coopération entre les différentes
organisations d'intégration communautaire.
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