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Les conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

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par Abdoulaye DIALLO
Université Gaston Berger de Saint-Louis  - DEA 2009
  

Disponible en mode multipage

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Dédicaces

Je dédie ce travail :

A ma mère ;

A mon père ;

A mes frères et soeurs ;

A toute ma famille ;

A mes amis.

Remerciements

Je remercie tout d'abord mes parents pour tout leur soutien et leur amour de tous les jours. A mon père pour avoir su me donner une éducation qui jusqu'à présent me permet d'aller de l'avant. A ma mère, pour tous les sacrifices qu'une mère fait si fièrement pour ses enfants.

Je ne saurais vous remercier assez.

Je remercie mon encadreur, Monsieur Adrien DIOH pour toute sa disponibilité et sa détermination. Ses conseils et orientations ont été d'un grand apport dans mes recherches et la rédaction de ce travail. L'esprit critique dont il a fait preuve avec nous, nous a permis de comprendre que la recherche exige toujours un effort quotidien.

Je remercie aussi, Monsieur Boubacar DIALLO pour tout son soutien dans la réalisation de ce travail. Son apport a été décisif pour la compréhension et l'orientation du sujet. Merci.

Enfin, je remercie toute ma famille, mes amis et mes camarades de promotion.

Abréviation

Aff. : Affaires

Al. : Alinéa

Art. : Article

AU : Actes uniformes

AUSC/GIE : Actes uniformes sur les sociétés commerciales

AUPC : Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif

CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

CE : Communauté Européenne

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire en Afrique Centrale

CIMA : Conférence Inter africaine des Marchés d'assurances

CIPRES : Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale

CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne

CJU : Cour de Justice de l'UEMOA

CM : Conseil des Ministres

Conv. : Convention

ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature

GIE : Groupement d'intérêt Economique

IIA : Institut International des Assurances

JO : Journal Officiel

LGDJ : Librairie Général de Droit et de Jurisprudence

OCAM : Organisation Commune Africaine et Mauritanienne

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Obs. : Observation

PAL : Programme d'Action Local

Pr. : Professeur

Rec. : Recueil

RBD : Revue Burkinabé de Droit

RFDC : Revue Française de Droit Commercial

SYSCOA : Système Comptable Ouest Africain

TEC : Tarif Extérieur Commun

TPG : Tarif Préférentiel Généralisé

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UMAC : Union Monétaire en Afrique Centrale

UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine

Sommaire

Dédicaces 1

Remerciements 2

Abréviation 3

Introduction 6

Chapitre 1 : L'identification des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 10

Section 1 : La détermination des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 12

Section 2 : La portée des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 21

Chapitre 2 : L'impact des conflits de lois dans l'application des règles communautaires au sein de l'espace OHADA 31

Section 1: L'impasse juridictionnelle dans le règlement des différends entre normes communautaires 32

Section 2: Les risques d'insécurité juridique liés aux conflits de lois dans l'espace OHADA 41

Conclusion 50

Bibliographie 52

Table des matières 55

Introduction

La plupart des pays africains se sont inscrits dans une dynamique irréversible de constitution d'une communauté économique et monétaire qui ne laisse pas en reste l'intégration juridique. En effet, la consécration des ambitions des pays africains passe nécessairement par la consécration de règles juridiques qui doivent s'imposer aux Etats. La participation d'un pays à une organisation communautaire nécessite un abandon d'une parcelle de souveraineté qui a pour conséquence de faire échapper un pan du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire au profit des organes équivalent de la Communauté. Ce qui favorise la naissance des normes communautaires. Ainsi, depuis les indépendances, on assiste à une éclosion d'ensembles organisé et structuré de normes juridiques possédant leurs propres sources.

Dans la zone CFA ce processus a abouti a la mise en place de l'Organisation pour Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et il n'est pas douteux qu'en vertu de la supranationalité des dispositions du droit uniforme que les Actes uniformes sont devenus, dans les domaines où ils sont intervenus, le droit positif des Etats partis de l'espace OHADA. Ainsi, contrairement à ce que laisse penser l'expression utilisée, l'OHADA poursuit plus une véritable politique d'uniformisation que d'harmonisation1(*). En effet, cette dernière au sens strict est l'opération qui consiste à rapprocher des systèmes juridiques différents pour les mettre en cohérence entre eux en supprimant leurs différences. Par contre, l'uniformisation est une forme plus radicale d'intégration, consistant à instaurer dans un domaine précis une réglementation unique dans laquelle les divergences sont, en principe, éliminées.

De même de nombreux ensembles et sous-ensembles régionaux ont été aussi mis en place. Cependant, l'une des principales conditions de l'efficacité de ces unions économiques reste la cohérence2(*). Il est évident que ces unions ne peuvent réellement fonctionner que si les pays qui les composent ont un droit unique ou du moins harmonisé dans les domaines essentiels des activités économiques. Or, ce n'est pas la constitution de telles unions qui a conduit à l'harmonisation du droit des affaires dans l'espace OHADA. La plupart des pays de l'espace OHADA n'appartiennent pas aux mêmes unions qui sont elles aussi dotées d'un droit qui leur est propre dans certains domaines de leurs activités économiques.

Mais cet espace juridique cohérent peut-il exister dans un contexte où il y a pléthore de sources de droit communautaire avec les risques inhérents à cette situation ? L'un d'entre eux c'est bien sur les conflits de normes dont on sait qu'ils affectent les bases essentielles des ordres juridiques en présence, car tout refus d'application met en cause la primauté qui est l'essence même du droit communautaire. Cependant une telle affirmation n'aurait soulevé de difficultés si dans le même espace considéré n'avait pas vocation à s'appliquer d'autres dispositions concurrentes visant aussi à réaliser l'uniformisation du droit. En effet, l'une des particularités de l'espace juridique OHADA est qu'elle regroupe en son sein d'autres organisations d'intégration qui poursuivent la même finalité à savoir la création d'un cadre juridique harmonisé répondant aux soucis d'une véritable intégration économique. Cependant, cette espace juridique uniformisé ne peut être cohérant dans un contexte où concourent plusieurs règles communautaires de même valeurs normatives. En effet, au regard du domaine d'intervention de ces organismes d'intégration, la prolifération des normes communautaires est susceptible de poser d'éventuels conflits de lois.

Cependant, il faut préciser que l'expression conflit de lois ainsi entendu ne présente pas d'analogie avec la technique dite des conflits de lois traditionnellement utilisées en droit international privé. L'expression conflit de lois en droit international privé désigne une concurrence entre plusieurs lois, résolues par le choix d'une des normes en conflits en raison de la dispersion de ses éléments constitutifs. Ainsi, pour qu'un conflit de lois soit posé, il faut que les domaines d'intervention des différentes organisations communautaires soient totalement ou partiellement identiques ou communs. Si, on admet la primauté des droits communautaires sur les droits internes des Etats membres, il va sans dire que la situation est extrêmement complexe lorsque sont en conflit des normes communautaires car l'exclusion ou l'application d'une d'elles dans un différend dont le règlement suppose la prise en compte de plusieurs règles communautaires semble à priori embarrassante.

Cette concurrence normative dans le droit uniformisé de l'espace juridique OHADA ne manque pas de soulever d'énormes problèmes juridiques. Ainsi, d'un point de vue strictement juridique, il serait hasardeux de considérer que l'OHADA s'occupe simplement de droit des affaires et les autres organisations d'intégration de l'économie, car une intégration économique ne saurait être viable sans une véritable intégration juridique. Dès lors, les organes de chacune des institutions OHADA, UEMOA et CEMAC aussi bien que certaines organisations sous régionales spécialisées CIMA, OAPI, CIPRES, etc. élaborent des textes qui concernent aussi bien le droit des affaires que le droit économique.

D'autre part, des règles de valeur normative équivalente, porteuses de solutions antinomiques, ont vocation à être appliqués à une situation juridique impliquant des enjeux importants. En effet, la singularité de la situation réside dans la coexistence dans un même espace de plusieurs systèmes juridiques dont chacun revendique sa suprématie. A l'évidence, compte tenu de la revendication de la primauté de ses normes par chaque système, doté par ailleurs d'une juridiction suprême, toutes les solutions basées sur la méthode conflictuelle semble à l'avance inefficaces.

Dès lors qu'est ce qui caractérise les conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA ?

Loin de constituer de simples hypothèses d'école, les conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA soulèvent de véritables difficultés qu'il faut prendre en compte. En effet, elles soulèvent des questions relatives au domaine d'application de ces règles en contradiction, posant ainsi toute la problématique des conflits de compétence entre les différentes institutions communautaires dans l'espace juridique OHADA. Par ailleurs, et plus particulièrement, les conflits de normes présentent sur un aspect plus pointu toutes les difficultés engendrées par cette hypertrophie des règles communautaires à la fois spéciales et générales.

Cependant, il ne sera pas question dans notre étude des conflits de lois nationales dans le cadre du droit uniformisé des affaires dans l'espace juridique OHADA. En effet, selon l'article 10 du traité « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats partis, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». Ainsi, tout en restant dans le champ de ses compétences, il existe des dispositions nationales dans le droit uniformisé que l'OHADA se refusera de franchir, si bien que dans ce domaine précis, les conflits de lois que la loi uniforme à vocation à éliminer demeure toujours.

Ne sera non plus pris en compte dans cette étude les problèmes posés par les conflits entre normes communautaires et les règles du droit international issues des traités conclus par les Etats membres de l'OHADA. Ainsi, sous réserve de leur application réciproque par les Etats signataires, les traités régulièrement conclus ont dès leur entrée en vigueur une autorité supérieure aux lois. A cet effet, on peut en déduire qu'ils ont une valeur égale aux normes communautaires. De ce fait, un éventuel conflit peut naître entre ces deux ordres juridiques à valeur égale.

Cependant, aussi bien l'OHADA que les autres institutions d'intégrations communautaires n'ont dans leurs traités constitutifs apporté des éléments de réponse aux difficultés que peuvent engendrer les relations conflictuelles entre les règles communautaires. Ainsi, conviendrait-il d'abord de s'interroger sur le phénomène des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA (Chapitre 1), avant de déterminer leur impact dans l'application des dispositions du droit communautaire (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L'identification des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

Avant les indépendances, les pays africains sous domination française étaient soumis en grande partie au droit français. Puis, après les indépendances, certains de ces pays ont conservés ce droit tel quel sans l'adapter à l'évolution des situations économiques et des besoins des entreprises. Mais, dans d'autres pays africains des réformes avaient été faites dans certains domaines. Ainsi, on constate que « ces Etats ont légiféré dans les différents domaines du droit suivant leur propres options politiques, économiques et sociales avec des résultats différents selon les pays et les domaines du droit concernés »3(*). Cependant, à l'heure de la mondialisation de l'économie, il était plus que nécessaire pou ces Etats africains de se regrouper autour des unions économique et monétaire à l'instar des principaux pays du monde.

Dès lors, il était impératif pour les pays concernés d'adopter un même droit des affaires moderne, adapté aux besoins économiques et sécurisant les relations et les opérations économiques. Dans cette perspective est née l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Elle est une organisation internationale avec comme objectif principal tel qu'identifié dans le Traité4(*), d'harmoniser le droit des affaires des Etats membres « par l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies ». Ainsi, la particularité de l'OHADA est que c'est un droit d'un espace juridique et non celui d'une union économique et monétaire. En effet, « l'intégration juridique strictement entendu se définit comme le transfert des compétences étatiques de deux ou plusieurs Etats à une organisation internationale dotée de pouvoir de décision et de compétences supranationales pour réaliser un ensemble juridique unique et cohérent dans lequel les législations nationales s'insèrent ou se fondent pour atteindre les objectifs économiques et sociaux que les Etats membres se sont assignés ». Généralement, l'adoption par différents pays d'un droit des affaires commun est à la fois la condition et la conséquence de l'existence d'une union économique (et monétaire) entre ces pays. Or, ce n'est pas la constitution d'une telle union économique (et le cas échéant monétaire) qui a conduit à l'harmonisation du droit des affaires dans l'espace OHADA.

D'ailleurs, les pays de l'espace OHADA n'appartiennent pas aux mêmes unions économique et monétaire. Ces dernières ont, elles-mêmes, un droit qui leur est propre dans certains domaines de leurs activités économiques. Ainsi, ces dernières ont un champ d'application qui doit être analysé conjointement avec celui de l'OHADA.

Cependant, cette pluralité des organisations d'intégration, à la fois juridique et économique, dans l'espace OHADA entraine nécessairement des conflits de lois. C'est à leur détermination qu'il conviendrait d'abord de s'attarder (Section 1) avant d'en apprécier leur portée (Section 2).

Section 1 : La détermination des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

L'espace juridique OHADA se présente sous la particularité d'un espace où cohabitent plusieurs ordres juridiques différents dont les objectifs sont parfois similaires. En effet, cette similitude des objectifs pose nécessairement des conflits de lois. Ces conflits de lois sont perceptibles non seulement dans leurs sources (Parag 1) mais aussi dans leur nature (Parag 2).

Parag 1 : Les sources des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

L'intégration économico-juridique dans l'espace OHADA est marquée par la présence de plusieurs institutions d'intégration. Cette pluralité institutionnelle au sein de l'espace OHADA (A), résultat d'une volonté d`intégration dispersée, conduit nécessairement à des difficultés sérieuses posées par une hypertrophie des sources normatives (B).

A- La pluralité institutionnelle au sein de l'espace OHADA

Le droit communautaire au sein de l'espace OHADA se présente sous une physionomie particulière. En effet, cette particularité réside dans le fait que cet environnement est marqué par la présence de plusieurs organisations d'intégration à vocation régionale et spéciale. Ainsi, certains ordres juridiques ayant abouti à une politique commune d'intégration juridique, politique et économique sur un plan très large au moyen d'une législation harmonisée ou uniforme dérivée de certains groupements (UEMOA, CEMAC) et d'autres réunissant également plusieurs Etats, unis par des liens régionaux mais qui ne mènent une telle politique d'intégration juridique que dans des domaines juridiques sectoriels bien précis (CIMA : assurances ; OAPI : Propriété intellectuelle ; CIPRES : sécurité sociale).

A ces organisations d'intégration, vient s'ajouter l'OHADA qui est elle aussi une organisation internationale dont l'objectif est de réaliser une oeuvre d'intégration5(*).

Contrairement à cette dernière, les premières organisations d'intégration, aussi bien régionale que spéciale, avaient comme objectif de réaliser une intégration économique en vue de la création d'un cadre commun pour le développement de leurs économies.

C'est ainsi que des organisations d'intégration économique regroupant des Etats par régions géographiques se sont crées. Par ailleurs, l'intégration économique s'est réalisée aussi par l'intermédiaire d'organisations spécialisées. En effet, les Etats membres de l'OHADA sont, non seulement, parties à des organisations internationales à vocation économique et monétaire, mais aussi à des organisations d'intégration juridique dont le champ respectif doit être appréhendé en même temps que celui de l'OHADA. Ainsi, les organisations d'intégration économique et monétaire auxquelles les Etats membres de l'OHADA sont parties sont : la CEDEAO6(*), l'UEMOA7(*) et la CEMAC8(*). Les organisations d'intégration juridique dites « spécialisées » auxquelles les Etats membres de l'OHADA sont membres sont la CIPRES9(*), la CIMA10(*) et l'OAPI11(*).

Cependant, cette configuration spatiale et juridique fait de l'espace OHADA un cadre dans lequel se retrouvent plusieurs ensembles institutionnels dont les compétences sont plus ou moins étanches. Ainsi, cette pluralité des organisations internationales au sein de l'espace juridique OHADA n'est pas sans susciter des difficultés12(*). En effet, elle pose parfois d'énormes problèmes quant à la définition des domaines de compétence de chaque organisation. C'est ainsi que sur plusieurs aspects du droit ces institutions communautaires secrètent des normes variées, parfois même contraires, dans des domaines qui sont pourtant identiques. Aussi bien les organisations d'intégration à caractère régionale que celles à caractère sectoriel, édictent des normes qui ont toutes vocation à s'appliquer dans un même territoire déterminé.

B- L'hypertrophie des normes au sein de l'espace OHADA

La prolifération des institutions communautaires dans l'espace juridique OHADA pose le problème de la diversité des normes. En effet, chaque organisation édicte des normes dans le cadre de son domaine d'intervention. Ainsi, aussi bien les organisations d'intégration régionale tels que l'OHADA, l'UEMOA ou la CEMAC, que les organisations spécialisées tels la CIMA, l'OAPI, le CIPRES, etc., secrètent des règles qui ont toutes vocation à s'appliquer dans le même espace13(*).

Ce foisonnement des règles juridiques dans l'espace OHADA soulève d'énormes difficultés. En effet, en vertu de la supranationalité14(*) des règles communautaires, chaque organisation édicte des règles, à valeur égale, qui ont vocation à s'intégrer dans l'ordre juridique interne. Ainsi, il résulte de ce principe que les ordres juridiques communautaires s'imposent aux ordres juridiques internes avec la même force. Cependant, le droit communautaire ne comporte pas de hiérarchie entre les normes dérivées de ces différentes institutions juridiques.

Dès sa création, l'OHADA s'est assignée comme mission la création d'un environnement propice aux affaires en garantissant la sécurité juridique aux agents économiques et en offrant un vaste espace économique couvert par un droit des affaires unifié . Cette volonté est clairement affirmée dans son traité qui se fixe comme objectif d' « harmoniser » voire « unifier » le droit des affaires15(*). Ainsi, sur toutes les matières relevant du droit des affaires, l'OHADA adopte un ensemble de règles sous forme d'Actes uniformes16(*). Toutes ces règles s'appliquent sur l'ensemble du territoire des Etats membres avec une autorité supérieure aux règles internes17(*).

Cependant, il faut noter, comme nous l'avons vu précédemment, que l'OHADA n'est pas la seule organisation d'intégration à être investi d'un tel pouvoir normatif. Il en est ainsi des autres organisations d'intégration tant régionale que spéciale. Ainsi, ces ordres juridiques dont l'espace s'enchevêtre avec celui de l'OHADA aspirent elles aussi à harmoniser ou à unifier le droit dans des domaines en relation avec leur objet. C'est ainsi qu'on assiste, dans ce domaine, à une intense activité normative. En effet, aussi bien l'UEMOA, en ce qui concerne l'Afrique de l'Ouest que la CEMAC s'agissant de l'Afrique Centrale, édictent des normes par le procédé de Règlements qui ont une même valeur normative que les dispositions des Actes Uniformes de l'OHADA. De même, les organisations d'intégration spécialisées ont aussi leurs propres réglementations dans les domaines entrant dans leur champ d'application.

Ce foisonnement normatif, reflet d'une pluralité institutionnelle d'organisations d'intégration dans l'espace OHADA conduit nécessairement à une inflation de normes, caractérisée par des relations conflictuelles dans certains domaines. Le conflit devient dès lors positif en ce sens que sur plusieurs aspects ces règles se contredisent posant ainsi la difficile équation de leur résolution18(*). Ainsi, l'espace juridique OHADA gangréné par une réglementation juridique à la fois plurielle et divergente causée par une intégration économico-juridique divisée entre différentes institutions constitue un espace au sein duquel s'enchevêtrent des ordres juridiques différents dont les objectifs sont, pourtant, parfois identiques. Cette singularité est particulièrement perceptible, au regard des sources des conflits de lois, au sein de l'espace OHADA, mais c'est dans leur nature qu'elle se présente une certaine perplexité.

Parag 2 : La nature des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

Les conflits de lois dans l'espace OHADA ne se posent pas seulement, en amont, dans la détermination des compétences respectives des organisations en présence (A). Mais, ils se présentent aussi, en aval, dans les modalités de mise en oeuvre de cette politique d'intégration (B).

A- Conflits de compétences

Le droit communautaire Ouest-africain se caractérise par son hétérogénéité à la fois sur le plan institutionnel et normatif. Cette pluralité des sources pose un véritable problème de compétences entre les différentes organisations intervenant dans l'espace juridique OHADA. En effet, cet espace est caractérisé par une pluralité d'organisations d'intégration poursuivant les mêmes objectifs, du moins presque.

Les différentes organisations d'intégration sont régies par leurs Traités constitutifs qui délimitent leurs propres domaines de compétences. A cet effet, la similitude des objectifs poursuivis ou les finalités visées conduit nécessairement ces derniers à délimiter dans le même sens les compétences respectives de leurs organisations. Ainsi, le risque de conflits de compétences entre ces différentes organisations n'est pas moindre.

S'agissant des organisations à caractère régionale, le risque est d'autant plus grand car elles ont toutes des domaines de compétences très larges. En vérité, l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC visent toutes une intégration économique19(*). Même si la finalité de l'OHADA est de réaliser à terme une intégration juridique, il n'en demeure pas moins aussi qu'elle vise une véritable intégration économique. En effet, l'unification du droit des affaires n'est cependant pas un but ou un objectif en lui même. Elle n'est qu'un moyen de réalisation d'un objectif au service du développement économique. A cet effet, l'art. 2 de son Traité indique de manière non exhaustive les domaines dans lesquels elle peut intervenir. Cependant, l'étendue des compétences d'attribution de l'OHADA se heurte nécessairement aux domaines de compétences des autres organisations d'intégrations20(*). Assurément, la compétence élargie de l'OHADA de régir tous les pans du droit des affaires se heurte à la compétence des autres organisations qui ont elles aussi vocation à unifier le droit dans les régions de leur compétence. Celles-ci, en effet, ont une compétence orientée vers un droit purement économique. Cependant, la frontière entre le droit économique et le droit des affaires n'est pas aussi hermétique. En réalité, le droit des affaires est une composante du droit économique. Ainsi, la dévolution des compétences à ces différentes organisations ne peut être effectuée suivant une délimitation basée sur la distinction entre droit économique et droit des affaires.

Ces conflits de compétences n'apparaissent pas exclusivement entre l'OHADA et les autres organisations régionales d'intégration. Ils sont également perceptibles à travers la cohabitation, dans un même espace, entre l'OHADA et les autres organisations d'intégration spécialisées. En effet, même si elles restent dans le domaine de leurs compétences respectives délimitées par leurs actes constitutifs, les organisations d'intégration sectorielle peuvent être en conflits avec l'OHADA dans la mesure où cette dernière à une vocation plus large qui peut englober leur domaine de compétence. Celles-ci ayant donc une vocation similaire à celle de l'OHADA, il peut se poser des interférences et des questions de différences entre leurs différents textes. Ces différences, loin d'être de simples hypothèses d'école, peuvent se présenter, notamment, dans le domaine des assurances ou de la propriété intellectuelle.

La problématique des conflits de compétences au sein de l'espace OHADA est caractérisée par le fait que celle-ci couvre un champ d'application très large dans lequel évolue d'autres organisations d'intégration. Mais aussi, l'étendue de son domaine de compétence qui se présente sous la couverture de la notion imprécise de droit des affaires pose énormément de difficultés quant à sa délimitation.

Ainsi, au sein de cet espace juridique évoluent des organisations autonomes dont les compétences se recoupent. Toutefois, tant qu'on reste au stade d'une simple consécration de compétences, aucune grande difficulté ne se pose. Le problème, à ce niveau, peut être résolu par le procédé du droit international relatif au règlement des différends entre traités21(*). C'est, cependant, à la mise en oeuvre de ces compétences, par la production de normes qui tendent directement à s'appliquer dans cet espace juridique, que peuvent surgir de véritables conflits.

B- Conflits de normes

Le droit primaire est matérialisé par la volonté des Etats de mettre en place des Organisations internationales pour la poursuite d'un objectif bien défini. Sur ce point, le droit communautaire s'apparente au droit international. Cependant, sa particularité réside dans le droit issu des Traités pour la concrétisation des objectifs. Au sein de l'OHADA, l'art.2 du Traité dispose que : « le présent Traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies...». Ces règles, définies par l'art. 8 comme étant des « actes uniformes », sont revêtues d'une valeur supérieure aux règles nationales des Etats membres.

Cependant, la singularité du droit communautaire des affaires dans l'espace ouest-africain réside dans le fait qu'au sein de cet espace existent plusieurs règles investies d'une même force normative, et ayant des sources différentes. En effet, les actes uniformes de l'OHADA et le droit dérivé de l'UEMOA et de la CEMAC, en dépit de la différence marquant leur mode de production sont semblables par leur nature, en ce qu'ils sont d'applicabilité immédiate, produisent un effet direct et leur primauté sur les droits nationaux expressément affirmée (articles 10 du Traité de l'OHADA, 6 et 43 de celui de l'UEMOA). Cette situation peut se présenter sous une forme de complémentarité, surtout entre l'OHADA et les organisations d'intégration spécialisées telle que la CIMA. Mais, les chances de l'existence d'une relation conflictuelle entre ces différentes normes ne sont pas minimes. En effet, en vertu du principe de la supranationalité, les dispositions du droit communautaires, s'intègrent directement dans l'ordonnancement juridique interne des Etats membres et occupent, de ce fait, une position supérieure aux dispositions nationales. Sur le plan de la hiérarchie entre normes communautaires et dispositions nationales, les traités de ces différentes organisations ont posé le principe de la primauté des règles communautaires sur les dispositions nationales. L'art. 10 du Traité OHADA dispose que : « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». Il en est aussi de même pour les autres organisations d'intégration22(*).

Cependant, le droit dérivé des organisations d'intégration s'applique dans l'espace juridique national avec la même teneur. Aucune organisation hiérarchique entre ces différentes règles n'est consacrée. Cette situation est source d'un conflit entre normes communautaires. En effet, la similitude des domaines de compétence entre certaines organisations peut conduire à l'adoption de normes totalement opposées et pouvant être applicables à une même situation. Dès lors, on se retrouve dans un même domaine avec des règles antinomiques revêtues de la même force juridique.

Les conflits de normes dans l'espace juridique OHADA peuvent alors surgir entre les actes uniformes de cette dernière et le droit dérivé issu des autres ordres juridiques en présence. Immédiatement applicables dans les Etats membres, les normes communautaires produisent en faveur et à la charge des personnes physiques et morales des droits et obligations, et peuvent en conséquence être invoquées par les particuliers dans les mêmes conditions que les normes internes. Toutefois, se pose la question de l'applicabilité immédiate des directives communautaires. Dans certains cas, leur applicabilité immédiate est admise. Mais, encore faudrait-il qu'elles soient claires, précises et complètes23(*).

Par ailleurs, les organisations spécialisées sont dotées de textes qui ont pour finalité d'uniformiser la législation des Etats membres sur les domaines de leurs compétences. Ainsi, pour les assurances, la CIMA dispose d'un code qui s'applique sur l'ensemble du territoire des Etats parties24(*).

Ainsi, la portée des relations entre normes communautaires est marquée par l'identité des objectifs économiques et des moyens juridiques, complétés par la communauté des domaines d'action des différentes organisations au sein de l'espace OHADA.

Section 2 : La portée des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA

L'espace OHADA offre un champ juridique très large dans lequel évoluent plusieurs règles communautaires. Celles-ci, comme nous l'avons précédemment montré, sont issues des différentes organisations d'intégration qui cohabitent dans la sous-région. Cette situation de coexistence entre ces différentes règles pose parfois de sérieuses conflits de normes entre les organisations d'intégration qu'elles soient régionale ou spécialisée (Parag 2). Cette relation conflictuelle entre ces différentes normes n'est cependant pas simplement réelle mais, à l'analyse des domaines de compétences de chacune de ces organisations, elle peut revêtir un caractère potentiel (Parag 1).

Parag 1: La prise en compte des conflits virtuels entre normes communautaires

Le champ d'application matériel des règles communautaires au sein de l'espace juridique OHADA se caractérise par le chevauchement des différents ordres juridiques en présence. Cette situation, qui est le résultat d'une pluralité d'organisations économico-juridiques ayant des compétences presque identiques, peut entrainer des possibilités d'interférences entre normes communautaires d'intégration d'une part (A), et de la prise en compte de l'interférence de certaines normes communautaires dans d'autres systèmes d'intégration d'autre part (B).

A- La possibilité d'interférences entre normes communautaires d'intégration

En dehors des situations dans lesquelles les conflits entre normes communautaires sont perceptibles à travers leur réalité, les risques de conflits sont potentiels lorsqu'ils sont susceptibles de surgir entre deux organisations à compétence large. En effet, il en est ainsi des relations entre les normes des organisations communautaires d`intégration telles que l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC.

Ces dernières couvrent des domaines de compétences qui peuvent se recouper. Comme nous l'avons précédemment souligné, la frontière entre le champ d'application normatif de ces différentes institutions n'est pas hermétique25(*). Ainsi, l'existence d'interférences entre les normes des différents ordres juridiques communautaires est possible. Loin de constituer de simples conflits de compétences, les conflits virtuels entre normes communautaires d'intégration se caractérisent par la présence, dans un même domaine, de différentes règles ayant en commun la volonté de régir différemment une même situation sans porter véritablement atteinte à l'application de l'une d'entre elles. En d'autres termes, les conflits virtuels entre normes communautaires sont de véritables conflits de normes. Cependant, la contrariété ou les divergences dont elles suscitent n'est pas apparent. C'est la raison pour laquelle, on les considère comme des conflits potentiels26(*).

Elles ne peuvent, cependant, se poser qu'entre d'une part les règlements de l'UEMOA et les normes OHADA ou encore entre ces dernières et les règlements de la CEMAC. L'UEMOA et la CEMAC, étant circonscrites chacune dans un espace bien définis, ne peuvent entretenir de relations ni complémentaires, ni conflictuelles en vertu du principe de l'autonomie de leur ordre juridique communautaire respectif. Cependant, du fait de sa compétence rationae loci et de sa compétence rationae materiae, l'ordre juridique OHADA exerce sur ces deux territoires son empreinte. Sur le plan territorial, elle couvre l'étendue du territoire de la l'UEMAO et de la CEMAC. A cet effet, les Actes uniformes s'appliquent aussi bien dans le territoire de chacune d'elles. En outre, en tant qu'oeuvre d'intégration juridique dans le domaine du droit des affaires, l'OHADA jouit, sur le plan normatif, d'un large champ d'application de ses règles. Fort de ces considérations, il est inévitable qu'il existe des interférences entre les Actes uniformes et les différents règlements issus des systèmes juridiques de l'UEMOA et de la CEMAC27(*).

La virtualité des conflits entre ces différentes normes communautaires n'est pas sans poser de difficultés à la politique d'unification du droit recherchée par ces organisations d'intégration. En réalité, elle porte atteinte à l'esprit de communautarisation des règles juridiques régissant les activités économiques au sein de l'espace OHADA. En effet, cette situation entraine, sur certains aspects du droit communautaire, une complexification des solutions à adopter, due à une hypertrophie de règles concurrentes ou tout simplement à un vide juridique.

Au niveau de l'UEMOA, la similitude des objectifs avec l'OHADA peut se traduire dans certains cas par des interférences dans le domaine des activités économiques. Même si le Traité de l'UEMOA a dès l'entame défini les compétences d'attribution de cette dernière, il n'en demeure pas moins que la compétence élargie de l'OHADA peut être source de relations conflictuelles tant dans le domaine du droit des affaires que du droit économique.

Le même rapprochement peut être fait s'agissant de la CEMAC compte tenu de l'objectif que poursuit celle-ci en Afrique centrale28(*).

En somme, les conflits potentiels qui peuvent naitre entre les normes communautaires d'intégration sont, au même titre que les conflits dits réels, le reflet d'une pluralité d'ordres juridiques au sein d'un même espace. Toutefois, cette pluralité normative pose aussi dans certains cas la problématique de l'applicabilité de certaines règles communautaires dans d'autres systèmes juridiques différents.

B- L'éventualité des interférences entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spécialisées

L'existence de plusieurs ordres juridiques communautaires au sein de l'espace OHADA a soulevé, sur le plan normatif, la question de leur interférence dans le domaine du droit des affaires. En effet, les ordres juridiques communautaires, malgré le principe d'autonomie qui les gouverne, sont dans certaines situations soumis à des relations complexes qui entrainent parfois le recours aux normes des autres systèmes concurrents. C'est ainsi que l'OHADA, en vertu de la spécialisation de certaines organisations d'intégration, n'intervient pas dans certaines matières qui relèvent pourtant du domaine du droit des affaires. Il en est ainsi du droit des assurances et du droit de la propriété intellectuelle qui sont, respectivement, de la compétence exclusive de la CIMA et de l'OAPI. Malgré l'autonomie de chacun de ces différents ordres juridiques, ces derniers entretiennent parfois des relations qui peuvent être analysées sous le sceau de la complémentarité. En effet, la pléthore de normes juridiques dans un même espace n'est pas toujours sources de relations conflictuelles. Elle doit être considérée aussi dans certains cas comme un facteur de complémentarité. A cet effet, sur plusieurs points les dispositions communautaires au sein de l'espace juridique OHADA entretiennent des relations complémentaires.

Cependant, en dehors de toute idée de complémentarité normative, le principe de spécialisation qui gouverne certaines organisations d'intégration sectorielle constitue un facteur d'interférences entre les différents ordres juridiques en présence. L'art. 2 du Traité de l'OAPI dispose en effet que : « les textes des annexes sont considérés comme des droits nationaux indépendants soumis à la législation de chacun des Etats membres dans lesquels ils ont effet ». Au même titre que l'OAPI, la CIMA poursuit aussi une oeuvre d'unification du droit dans le domaine des assurances. Ainsi, à la lecture de l'ensemble des dispositions du Traité et des annexes, il ressort qu'elle poursuit deux objectifs à savoir la réglementation unique des entreprises et des opérations d'assurances d'une part et, d'autre part, la réglementation des contrats d'assurances par un code unique29(*). Ainsi, au regard de ces différentes approches communautaires au sein de l'espace juridique OHADA, le risque de cafouillage entre les normes des organisations d'intégration régionale et celles dites spécialisées est inévitable, compte tenu du recoupement des compétences de ces différentes organisations30(*).

Dans le secteur du droit des assurances, la CIMA a mis en place un plan comptable auquel sont soumises les sociétés d'assurances. Ainsi, se pose forcément la question de la compatibilité entre ces différentes règles au sein d'un même espace31(*). Cependant, ces interférences entre normes d'intégration et normes spécialisées ne se limitent pas seulement aux relations entre l'OHADA et les organisations d'intégration sectorielle. Elles peuvent également surgir entre les normes produites par ces dernières et les normes de l'UEMOA ou de la CEMAC.

Dans le domaine de la propriété intellectuelle, il en est de même pour l'OAPI dont les matières traitées par les annexes font également partie du droit des affaires. Il est difficile de penser que l'OHADA s'avise de légiférer sur le terrain de la propriété intellectuelle, même sur des sujets non encore explorés par l'OAPI, tels que les obtentions végétales ou les oeuvres informatiques ou multimédia. Cette abstention peut d'ailleurs conduire à un risque de vide juridique, entrainant ainsi un conflit négatif.

Cependant, les conflits de normes ne sont pas seulement perceptibles dans leur virtualité. En effet, la simple lecture des dispositions communautaires qui régissent à la fois le droit économique et le droit des affaires dans l'espace juridique OHADA permet de déceler l'existence de conflits réels entre ces dernières.

Parag 2 : L'existence de conflits réels entre normes communautaires

Les conflits de normes dans l'espace OHADA ne sont pas tout simplement des hypothèses déduites de la diversité des organisations en présence. En effet, elles naissent de la pluralité des ordres juridiques communautaires. Elles peuvent exister entre des normes communautaires d'intégration d'une part (A), et d'autre part, opposer ces dernières aux normes communautaires spéciales (B).

A- Conflits entre normes communautaires d'intégration

Du fait de l'appartenance croisée de plusieurs pays à des organisations communautaires différentes, l'espace OHADA est caractérisé par une situation marquée par la coexistence de plusieurs systèmes juridiques autonomes les uns envers les autres. L'existence dans un même espace de normes communautaires, ayant des sources différentes et revêtues de la même valeur juridique pose toujours de sérieuses problèmes. A défaut d'une parfaite articulation entre ces dernières, le risque est d'autan plus grand que surgissent des conflits entre ces différentes normes.

Ainsi, si l'on admet qu'il y a conflit lorsque des normes sont contraires ou incompatibles entre elles, il est dès lors force de constater que les normes communautaires d'intégration OHADA, UEMOA et CEMAC sont, sur plusieurs points, en conflits. En effet, les domaines d'intervention sont loin d'être étanches entre ces différentes organisations de sorte qu'il n'est pas impossible que des normes produites par plusieurs de ces institutions portent sur les mêmes matières. Il y aurait, dans ces situations, coexistence de règles substantielles pour réguler une même situation. Cette situation, comme nous l'avons déjà rappelé, n'est pas toujours exempte de contrariété, voire de conflits entre des normes totalement antagoniques.

Ainsi, sur plusieurs points, les normes produites par les organisations d'intégration régionale sont en conflits étant donné l'importance du nombre des intersections entre les compétences de ces différentes entités. Sur le plan comptable, on a assisté à une situation conflictuelle entre l'OHADA et l'UEMOA à propos de l'Acte uniforme sur le droit comptable et le SYSCOA. En effet, les ordres juridiques communautaires OHADA et UEMOA régissaient le même objet. Cependant, sur plusieurs points, le système comptable OHADA était différent de celui du SYSCOA. Ces deux instruments contenaient des règles distinctes applicables directement et de manière simultanée en vertu du principe de l'effet direct des dispositions communautaires. Un autre exemple de relation conflictuelle concerne aussi le secteur bancaire et financier. En effet, le secteur bancaire et financier dans la zone OHADA n'échappe pas à cette situation conflictuelle. Il en est ainsi, notamment dans le domaine des garanties bancaires32(*), des systèmes de paiement33(*)et des règles gouvernant l'appel public à l'épargne34(*). Dans le cadre de la CEMAC, ces situations sont aussi perceptibles en ce sens qu'elle ne peut échapper à cette superposition normative du fait de la similitude des objectifs avec l'UEMOA. Des observations identiques peuvent aussi être faites, s'agissant de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale, notamment. Les conflits de normes, dans ce domaine, sont en effet accentués par la particularité de ce secteur qui transcende à la fois, et le droit des affaires et le droit économique. A cet effet, l'unification dont il a fait l'objet de part et d'autre, débouche sur des situations conflictuelles, inconfortables pour leurs destinataires.

Sur ces aspects, et sur beaucoup d'autres encore, les normes OHADA et UEMOA ou de la CEMAC sont totalement antinomiques35(*). Cette concurrence normative se traduit devant le juge national comme une situation inextricable du fait de l'autonomie de chaque ordre juridique communautaire. La même situation se présente aussi entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spéciales.

B- Conflits entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spéciales

L'espace juridique OHADA n'est pas en réalité marquée par la présence d'une seule organisation d'intégration juridique. En dehors de l'OHADA, existent des organisations d'intégration sectorielle qui poursuivent une oeuvre d'intégration juridique dans les domaines de leurs compétences. Ces dernières évoluent dans des secteurs juridiques et économiques bien définis. Cependant, compte tenue de la compétence élargie de l'OHADA et de l'unité territoriale dans laquelle évoluent ces normes, il est évident qu'il existe des risques de contrariété entre ces différentes règles.

En effet, les conflits entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spécialises est apparent. Les organisations d'intégration telles que la CIMA et l'OAPI interviennent dans des domaines qui intéressent aussi le droit des affaires. La délimitation des compétences entre ces différentes institutions n'est pas bien définie même si chaque organisation spécialisée à en charge un domaine déterminé. Cette imbrication des compétences entraine inévitablement une complexité des relations entre institutions pouvant se traduire par conflits de normes. Dans le domaine des assurances, ces difficultés se sont en effet posées entre la CIMA et l'OHADA. Les conflits de normes entre l'OHADA et la CIMA peuvent se poser aussi bien sur le plan formel que sur le fond du droit. En effet, sur le plan formel, la CIMA à travers le Code des assurances organise l'ensemble des activités des sociétés d'assurances et l'Acte uniforme OHADA sur les sociétés régit l'organisation et le fonctionnement des sociétés. A cet effet, des interférences se sont produites entre ces deux organisations concernant la constitution et la liquidation des entreprises d'assurances qui sont constituées en sociétés anonymes. Cependant, l'art. 916 de l'AUSC/GIE n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier. Toutefois, la portée d'une telle disposition doit être limitée aux seules règles régissant l'organisation et le fonctionnement des sociétés particulières. En revanche, il en est par exemple des dispositions du code CIMA qui subordonnent les poursuites en déclaration de cessation de paiements contre les compagnies d'assurances à la saisine préalable d'une commission. Or l'acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif ne laisse entrevoir aucun traitement spécial tenant compte de la particularité de certaines entreprises, en ce qui concerne la procédure d'ouverture des procédures collectives36(*). S'il est vrai que l'article 916 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales permet à certaines catégories spécifiques de sociétés de continuer à évoluer sous un régime juridique propre, c'est au regard du seul droit des sociétés qu'il faut limiter la portée de cet article. Le droit harmonisé des procédures collectives ne prévoyant pas de traitement spécial, il faut considérer que les personnes morales visées par l'article 2 de l'acte uniforme s'y rapportant inclue les sociétés d'assurances.

Dans le domaine de la propriété intellectuelle, cette situation est identique. Toutefois, l'OHADA ne légifère pas, pour l'instant, dans ce domaine. L'Acte uniforme sur les suretés renvoie à propos des nantissements des propriétés intellectuelles à des textes particuliers. Or, il n'existe, à l'état actuel du droit, aucune réglementation dans ce sens au niveau de l'OAPI. Ainsi, le vide juridique entrainé par cette situation risque de se traduire par un conflit négatif entre ces différentes institutions communautaires.

Loin d'être exhaustive, les situations de conflits de normes entre les organisations d'intégration et les organisations spécialisées sont très diverses. Elles intéressent, en effet, le champ matériel de ces différentes institutions dans la mesure où, aussi bien l'UEMOA que la CEMAC, peuvent étendre dans leurs domaines respectifs leur compétence. L'OHADA, dans le respect de ces différentes règles d'intégration sectorielle, semble aller dans ce sens, mais avec une grande délicatesse.

Ainsi, la concurrence des compétences entre les organisations internationales peut conduire à deux situations diamétralement opposées (soit un vide juridique, soit un trop plein de textes) qui laissent présager un avenir de désordre. En effet, ces situations de conflits entre normes, qu'elles soient positif ou négatif, réelle ou potentielle peuvent entrainer des conséquences indésirables dans l'application des dispositions communautaires au sein de l'espace OHADA

Chapitre 2 : L'impact des conflits de lois dans l'application des règles communautaires au sein de l'espace OHADA

La présence au sein de l'espace juridique OHADA, de plusieurs ordres juridiques communautaires soulève de sérieuses difficultés. L'appartenance des Etats à plusieurs groupements d'intégration économique régionale, dont les fonctions et les activités font souvent double emploi ou se chevauchent quand elles ne se contredisent pas, porte atteinte à l'évolution du processus d'intégration en cours. En effet, l'espace juridique OHADA est caractérisé par l'existence de plusieurs organisations dotées chacune d'un système juridique propre qui lui permet d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée.

Sur le plan normatif, cette situation s'est traduite, dans certains cas, par l'existence de conflits entre normes produites par ces différentes organisations. Les organisations d'intégration, aussi bien régionale (OHADA, UEMOA, CEMAC) que sectorielle (CIMA, OAPI), produisent des règles qui, compte tenu de leur domaine d'application, peuvent entrer en conflit. Cependant, la question du choix de la norme appropriée, en cas de conflit, ne se pose pas seulement au niveau des traités. Il est vrai que le traité international peut créer des droits ou des obligations au profit ou à la charge des particuliers (traités d'établissement et de commerce par exemple), mais il n'en demeure pas moins que ses sujets naturels sont en principe les Etats et les organisations internationales. Mais les traités d'intégration économique et les traités d'harmonisation des législations, dans leur mise en oeuvre pour la réalisation de leurs objectifs, génèrent un droit dont les destinataires sont essentiellement les particuliers. Ainsi, comme nous l'avons vu, ces conflits de normes peuvent entrainer des conséquences indésirables dans l'application des dispositions communautaires.

A la difficulté du choix entre normes dérivées liée au fait qu'elles se présentent toutes à un titre égal, tiré de différents traités originaires, s'ajoute celle de leur autonomie eu égard à l'ordre juridique dont elles émanent. Ainsi, chacun des systèmes en présence revendiquant fort justement la primauté de ses textes, le juge national pourrait être confronté à d'inextricables difficultés pouvant aboutir probablement à une impasse juridictionnelle (Section 1). A cet effet, les risques d'insécurité juridique au sein de l'espace OHADA interpelle sur la nécessité d'investir la réflexion sur la compatibilité et la nécessaire mise en cohérence des différents schémas d'intégration (Section 2).

Section 1: L'impasse juridictionnelle dans le règlement des différends entre normes communautaires

L'effectivité de l'application des dispositions communautaire dans l'espace OHADA est parfois mise en échec par les conflits entre les différentes normes juridiques. Sur le plan juridictionnel, cette situation se traduit par une impasse dans laquelle se trouve confronté le juge. En effet, ce dernier ne peut opérer un choix entre ces différentes règles en vertu de l'autonomie des ordres juridiques communautaires. Ainsi, l'affirmation du principe d'autonomie des ordres juridiques communautaires (Parag 1) rend inefficace le recours à la méthode conflictuelle dans le règlement des différends entre normes communautaires (Parag 2).

Parag 1 : L'affirmation du principe d'autonomie des ordres juridiques communautaires

Les différents ordres juridiques communautaires évoluant au sein de l'espace juridique OHADA sont autonomes les uns des autres. Cette autonomie est en effet perceptible non seulement au niveau de l'application des normes communautaires(A) mais aussi au niveau de la compétence des différentes juridictions mises en place (B).

A-   L'affirmation du principe quant à l'application des normes communautaires

En dépit de leur supranationalité, les normes communautaires des différentes organisations d'intégration s'intègrent dans l'ordonnancement juridique des Etats membres sans aucune relation entre elles37(*). Ainsi, chaque norme provient d'un système juridique autonome issu d'une organisation d'intégration. A cet effet, l'ordre juridique peut être défini comme étant « un ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses propres sources et doté d'organes et de procédures aptes à les émettre »38(*). Au sein de l'espace juridique OHADA, cette autonomie des organisations d'intégration, et par ricochet des ordres juridiques communautaires en présence, se manifeste à travers l'application des dispositions communautaires. En effet, chaque organisation d'intégration intervient dans un domaine bien défini par son acte constitutif sans référence à l'existence des autres systèmes d'intégration. Ainsi, les organisations d'intégration régionale telles que l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC interviennent respectivement dans les domaines du droit des affaires et du droit économique. Par ailleurs, il n'existe aucune relation hiérarchique entre les différentes normes produites par les organisations d'intégration sectorielle, tant bien que chacune d'elles est cantonnée dans un domaine bien précis.

Ainsi, les Actes uniformes de l'OHADA sont totalement autonomes vis-à-vis des règlements de l'UEMOA ou de la CEMAC, et réciproquement. En effet, l'ordre juridique supra-étatique qu'elles mettent en place se caractérise par un mode particulier de production et de réalisation du droit ressortissant d'un schéma caractérisé par la superposition de plusieurs ordres juridiques organisés de façon à ce que les sujets de « chaque élément composant l'ensemble soit simultanément soumis au droit de l'élément et à celui de l'ensemble »39(*). Ainsi, la situation devient dès lors complexe lorsqu'elle elle met en présence plusieurs ordres juridiques au niveau supérieur de la superposition comme c'est le cas au sein de l'espace OHADA. En effet, le problème réside ici non seulement dans la multitude des repères proposés au juge national, mais aussi dans la nature des rapports qu'entretiennent les différents ordres juridiques communautaires.

Sur le premier point, la distorsion entre normes communautaires permet d`appréhender l'impasse dans laquelle se trouve le juge devant une situation conflictuelle. Face à ces divergences, il y a lieu de se demander dans quel sens les juges nationaux trancheront s'ils avaient à connaître d'une telle affaire ? A cet effet, le juge étatique, en tant qu'il est en même temps juge de droit commun de ces différents corps de règles, est placé devant un problème, a priori, insoluble. Chacun des différents corps de règles « a vocation à s'appliquer et, en cas de contrariété entre eux, à imposer sa solution dans le règlement du litige »40(*). Cependant, le noeud du problème réside dans l'autonomie structurelle de ces différentes organisations d'intégration. Or, il est bien connu que les moyens principaux qui permettent d'assurer à un ordre juridique sa cohérence et son fonctionnement harmonieux résident dans la définition stricte de son domaine d'action ainsi que l'établissement d'une hiérarchie entre les différentes catégories de normes. Toutefois, la densité des moyens garantissant la cohérence des ordres juridiques en présence met en échec toute idée de subordination entre ces derniers. Dès lors, la coexistence négative entre différentes normes communautaires ne saurait se résoudre selon le même procédé en cas de conflit entre normes communautaires et normes internes ou entre règles de droit international privé.

Ainsi, du fait de la coexistence de normes contradictoires au sein d'un même espace juridique, le risque est grand de voir s'instaurer non seulement une insécurité juridique consécutive au caractère plural du substrat juridique mais surtout à un morcellement du litige, du fait de la compétence d'attribution qui est celle du juge communautaire.

B- L'affirmation du principe quant à la compétence des juridictions communautaires

Le contrôle de l'application des dispositions communautaires relève de prime abord de la compétence des juridictions nationales. En fait, lorsqu'un litige portant sur des matières ayant fait l'objet d'une uniformisation est né, il appartient au juge national d'en connaitre. Cependant, pour garantir l'efficacité et l'effectivité de la politique d'uniformisation du droit dans les domaines qui les intéresse, les organisations d`intégration ont mis en place chacune une juridiction autonome qui permet d'assurer l'interprétation et l'application uniforme des normes communautaires qu'elles produisent.

En effet, le système juridictionnel communautaire peut être considéré comme un ensemble de mécanismes, à savoir les juridictions elles mêmes, et les voies de droit, qui assurent la mise en oeuvre et la garantie de l'effectivité du droit communautaire, et par voie de conséquence la promotion de l'intégration. Cependant, il faut souligner que les organisations d`intégration sectorielle, telles que la CIMA et l'OAPI, n'ont pas institué de juridictions communautaires pour assurer l'interprétation et l'application des règles qu'elles secrètent. Seules les organisations d'intégration régionale ont senti la nécessité de mettre en place des juridictions communautaires permettant de garantir l'efficacité et l'effectivité du droit communautaire41(*).

Au niveau de l'OHADA, il est mis en place une juridiction chargée de l'interprétation et de l'application des Actes uniformes. Parallèlement à cette dernière, l'UEMOA et la CEMAC ont mis en place, elles aussi, des juridictions communautaires chargées de veiller au respect des dispositions communautaires issues de leurs différents systèmes juridiques42(*).

Cependant malgré leur diversité, ces différentes juridictions communautaires sont cantonnées chacune dans le domaine de l'organisation qui l'institue. A cet effet, l'art. 14 du Traité OHADA dispose que : « la Cour assure dans les Etats parties l'interprétation et l'application commune du présent traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes »43(*). Au sein de l'UEMOA, la compétence juridictionnelle est répartie entre une Cour de justice et une Cour des comptes. L'art. 38 dispose a cet effet qu' : « il est créé au niveau de l'Union deux organes de contrôle juridictionnel dénommés Cour de Justice et Cour des Comptes »44(*). C'est le même schéma juridictionnel qui prévaut aussi au sein de la CEMAC. En effet, cette dernière, au même titre que l'UEMOA a mis en place une Cour de justice et une Cour des comptes, chargées de veiller à l'interprétation et à l'application des règles communautaires dans la région.

Cependant, le mode de fonctionnement de ces juridictions communautaires, ou du moins leur implication dans l'application et l'interprétation des règles communautaires n'a pas la même intensité45(*). Les Cours de justice de l'UEMOA et de la CEMAC ne peuvent être saisies qu'à titre préjudiciel par une juridiction nationale chargée de trancher un litige portant sur le droit uniformisé de l'UEMOA ou de la CEMAC46(*). Contrairement à celles-ci, la CCJA est érigé par le traité OHADA comme étant une juridiction de troisième degré. Ainsi, elle connait en dernier ressort le contentieux relatif à l'application des Actes uniformes.47(*) Dans ce cas, la compétence des juridictions nationales de cassation, dans les litiges relatifs à l'application des Actes uniformes, est dévolue à la CCJA qui est investi d'un pouvoir d'évocation48(*).

Ainsi, face à une difficulté soulevant l'application de différentes normes communautaires, quelle juridiction serait compétente et selon quelle procédure la saisine de l'une d'elles serait effectuée ? La CJU, dans un avis consultatif du 2 février 2000, a fait remarquer que la CCJA ne peut saisir la CJU en renvoi préjudiciel parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale et que l'interprétation par la CJU des Actes uniformes porterait atteinte à l'exclusivité de la CCJA à l'application et l'interprétation des Actes uniformes. Toutefois, l'érection de la CCJA en une juridiction de troisième degré peut entrainer des situations de télescopage entre ces différentes juridictions communautaires. En effet, au regard de la connexité des matières, la CCJA peut être appelé à infirmé une décision rendue par une juridiction nationale de cassation après avis de la CJU.

Cependant, l'autonomie de ces juridictions supranationales réside, non seulement dans la cohérence dans laquelle se meut chaque système juridique, mais aussi dans la délimitation de leur champ de compétence respectif. Or, les conflits de normes transcendent les domaines de compétence et mettent en cause, dans une même situation, des normes juridiques qui échappent totalement à la compétence de l'une ou de l'autre des juridictions en présence. Ainsi, l'autonomie des normes communautaires se reflète ainsi au sein même des juridictions supranationales.

Dès lors, l'impasse juridictionnelle à laquelle est confrontée le juge national face à cette situation de conflits entre normes communautaires se trouve transposer au niveau du juge communautaire avec les mêmes garanties d'inefficacité du recours à la méthode conflictuelle.

Parag 2 : L'inefficacité de la méthode conflictuelle dans le règlement des différends entre normes communautaires

Les conflits entre normes communautaires se posent devant le juge avec la même physionomie que les conflits de lois en droit international privé. Cependant, leur résolution ne saurait être déduite de l'application de la méthode conflictuelle. En effet, du fait de l'absence de critères permettant le choix de l'une des normes en présence (A) le juge est dans l'impossibilité juridique de déterminer la norme applicable (B).

A-  L'absence de critères pertinents d'élection des normes communautaires

L'existence de conflits entre règles juridiques dans un même domaine n'est pas une situation nouvelle en droit. La concurrence entre règles juridiques contradictoires au sein d'un même espace constitue en réalité une composante de la vie juridique. En effet, il peut arriver qu'une situation litigieuse soit soumise à plusieurs règles juridiques dont chacune revendique son application.

En droit international privé, cette situation peut se présenter lorsque plusieurs lois ont vocation à s'appliquer dans un même litige. Cette situation qui se présente le plus souvent dans les relations internationales se résout par l'application de la méthode conflictuelle. En effet, le juge fait appel à la règle de conflit qui lui permet ainsi de déterminer la règle de droit applicable à la situation litigieuse. Ainsi, la méthode conflictuelle est définie comme étant une méthode par laquelle, le juge, saisi d'un litige international, s'en réfère pour déterminer le droit applicable à ce litige. Elle a pour rôle essentiel la détermination de l'ordre juridique au regard duquel les situations litigieuses seront résolues.

Si dans les litiges internes, aucun problème ne se pose, le juge applique simplement sa loi nationale. En revanche, dans les litiges internationaux, la question des conflits de lois est certainement susceptible de poser des difficultés. En effet, une relation privée internationale a, par définition, des liens avec plusieurs systèmes juridiques. Or, la question de droit ne peut recevoir qu'une seule réponse. Une partie invoque une telle norme et l'autre une autre. Le juge est alors obligé d'appliquer la règle de conflit pour déterminer quelle position est fondée49(*).

Ainsi, la règle de conflit est une disposition nationale qui permet au juge saisi d'un litige présentant des éléments d'extranéité d'apporter une solution en ayant recours à un certain nombre de critères bien définis. A cet effet, par la confrontation d'éléments objectif et subjectif, ce dernier recherche la norme en vertu de laquelle la situation litigieuse sera résolue.

Cependant, bien que se présentant sous la même physionomie, les conflits de normes ne peuvent être résolu suivant le même schéma. Les critères permettant au juge d'opérer un choix entre les différentes règles juridiques en présence ne peuvent être transposés dans les conflits de normes. Ces dernières, comme nous l'avons souligné, sont investies d'une même force normative qui les présente devant le juge avec la même teneur et les mêmes caractères.

Le critère de rattachement de la situation litigieuse à un système juridique en fonction des éléments déterminant les rapports entre les parties ne peut, en effet, être mis en avant par le juge, compte tenu du champ d'application matériel des ces différentes règles. En effet, les normes en conflit occupent la même place et font partie d'un même ordonnancement juridique qui est, au demeurant, celui du juge appelé à trancher le litige. La singularité, ou plus particulièrement la complexité de la situation réside dans le fait que ces normes coexistent dans un même espace juridique. Ainsi, quand un texte de l'UEMOA prohibe la compensation des dettes de l'Etat et qu'à l' opposé un autre de l'OHADA50(*) autorise cette compensation, le juge national devient nécessairement impuissant car quelle que soit sa motivation, le critère de rattachement, auquel il fait recours, aboutit toujours à une impasse quant à la détermination de la disposition juridique applicable.

Dès lors, à défaut de critères objectif et subjectif permettant le rattachement de la situation litigieuse à un système juridique bien déterminé, le juge se trouve dans l'impossibilité juridique de déterminer la loi applicable entre les différentes normes en conflit.

B- L'impossibilité juridique de détermination de la norme applicable

La situation de conflit entre normes communautaires au sein de l'espace OHADA n'est pas aisée pour le juge, qu'il soit national ou supranational. Cependant, il revient au premier juge, en tant que juge de droit commun de l'application des normes communautaires, d'en connaitre les difficultés majeures. Le juge communautaire, quant à lui, veille seulement au respect de l'application et de l'interprétation des règles issues de l'ordre juridique auquel il appartient. A cet effet, les conflits entre normes s'imposent au juge national qui est chargé d'appliquer en premier le droit communautaire.

Cependant, devant un litige mettant en cause plusieurs normes communautaires, l'attitude du juge face à une telle situation ne saurait se traduire par le choix d'une des normes en présence. En effet, compte tenu de la primauté des dispositions communautaires, le choix de l'une d'elles et le rejet des autres pourrait être considéré comme une affirmation de l'existence d'un rapport hiérarchique entre ces différentes règles. Or, les normes communautaires sont autonomes et n'ont aucune relation qui permet d'en déduire un rapport hiérarchique entre elles. Chaque ordre juridique évolue dans un domaine bien délimité par l'organisation d'intégration dont il a pour mission de traduire les objectifs51(*).

A l'évidence, compte tenu de ce qui précède c'est à dire la revendication de la primauté de ses règles par chaque système doté par ailleurs d'une juridiction suprême, les solutions basées sur la méthode conflictuelle paraissent totalement inefficaces et inopératoires. Ainsi, la supranationalité des normes communautaires, avec tous les effets qui s'y attachent, met totalement en échec le recours à la méthode conflictuelle qui devrait permettre au juge de solutionner une situation litigieuse mettant en cause différentes normes communautaires.

En effet, un tel conflit entre deux normes communautaires devant le juge national, met en cause deux corps de règles ayant vocation à s'appliquer sans qu'aucune règle de conflit du juge national ne puisse s'appliquer pour opérer un choix entre les droits en concurrence et sans qu'aucun principe hiérarchique ne puisse permettre de résoudre le conflit52(*). De sorte que, si le juge applique les dispositions d'un Acte uniforme, il peut voir sa décision combattue à la suite d'un recours en manquement devant une juridiction communautaire (UEMOA ou CEMAC). S'il adoptait l'attitude inverse, la même décision pourra être attaquée devant la CCJA pour non application d'un Acte uniforme, véritable impasse même si le juge a eu recours à une règle de rattachement ou règle de conflit. Cette impossibilité juridique, à laquelle est confrontée le juge, est due au fait que les critères de rattachement qui lui permettaient d'apporter des solutions aux conflits entre deux règles contradictoires sont inopérantes dans les conflits de normes.

Ainsi, ni le juge national, ni le juge communautaire ne peut, en effet, s'arroger le pouvoir d'opérer un choix entre les normes en concurrence. A la différence de la règle de conflit qui permet, dans les limites fixées par le système de droit international privé du for, de répartir l'application de la lex fori53(*) et de la loi étrangère, aucun système, ni interne, ni communautaire, n'est apte à opérer une telle répartition s'agissant de règles communautaires.

Face à cette situation inextricable, et à défaut de rapports entre les différentes juridictions communautaires, certaines solutions ont été préconisées pour sortir de l'impasse juridictionnelle dans laquelle ces conflits tiennent en otage le juge. Cependant, la fragilité des solutions préconisées montre l'urgence de la mise en oeuvre d'une méthode de règlement des différends entre normes communautaires au sein de l'espace juridique OHADA.

Section 2: Les risques d'insécurité juridique liés aux conflits de lois dans l'espace OHADA

Les difficultés soulevées par les conflits de normes au sein de l'espace juridique OHADA portent sérieusement atteinte à la politique d'intégration dans cet espace. En effet, l'esprit d`harmonisation, voire d'uniformisation qui présidait la création de ces différentes organisation d'intégration est remise en cause par le télescopage de plusieurs règles contradictoires dans des domaines identiques. Cependant, l'inefficacité des stratégies adoptées pour la résolution des conflits entre normes communautaires (Parag 1) conduit à s'interroger sur la nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode efficace de règlement des différends entre normes communautaires (Parag 2).

Parag 1 : L'inefficacité des stratégies adoptées dans la résolution des conflits de lois

L'impasse dans laquelle se trouve confronté le juge dans la résolution des conflits entre normes communautaires a conduit à l'adoption de différentes stratégies pour le dénouement de cette situation. Cependant, ces différentes stratégies ont montré leurs limites du fait de la complexité (A) et de l'incertitude de solutions qu'elles préconisaient (B).

A- La complexité des solutions proposées

Une procédure susceptible d'engendrer des conflits de compétences ou de normes entre les différentes institutions évoluant au sein de l'espace OHADA, est nécessairement une procédure source d'insécurité pour les praticiens du droit, et plus généralement, les justiciables. Cependant, l'espace juridique OHADA offre le schéma d'un cadre juridique marqué par une situation de relation conflictuelle entre normes communautaires sans issue possible au plan juridictionnel.

Ainsi, en l'absence de mécanisme statutaire de coopération entre elles, qui soit destiné à harmoniser les normes régionales ou, à tout le moins faciliter la convergence, des solutions ont été avancées de part et d'autre pour apporter des issues aux relations conflictuelles entre ces dernières. A cet effet, il a été proposé le recours à la méthode de règlement des différends entre normes, emprunté au droit international. Ainsi, en cas de contrariété entre normes communautaires, certains auteurs ont proposés le recours au critère chronologique, traduite par la règle lex posterior derogat priori (la loi postérieur déroge à la loi antérieur) ou au critère de la spécialité (spécialia generalibus derogant ou generalia specialibus non derogant) qui a pour conséquence de qu'une loi spéciale déroge à la loi générale. D'autres solutions, par contre, ont porté sur la qualité et la valeur des normes en conflit. Ainsi, pour certains auteurs, la qualité intrinsèque de la norme devait constituer un critère de choix car pour eux, la norme dont le sens est clair doit être préférée à celle dont le sens est obscur. De même que la norme impérative doit l'emporter sur la norme supplétive, eu égard à sa valeur intrinsèque.

Cependant, malgré les différentes solutions proposées, les conflits de normes communautaires ne se présentent pas toujours sous la même apparence que les conflits entre règles de droit international privé. C'est la raison pour laquelle, ces solutions, empruntées au droit international conventionnel, peinent à prospérer dans le règlement des conflits de lois en droit communautaire. A titre d'exemple, on pourrait être tenté d'établir une relation hiérarchique entre les Actes uniformes de l'OHADA et les dispositions de l'UEMOA en fonction du critère chronologique. Dans ce cas, la hiérarchie pourrait être favorable aux Actes uniformes. Mais, qu'en serait-il des dispositions de l'UEMOA, issues du traité UMOA54(*), et qui sont contraires aux dispositions des Actes uniformes. En outre, le critère de la spécialité porterait atteinte à la faveur accordée aux Actes uniformes sur les dispositions de l'UEMOA. En effet, la finalité de l'OHADA est d'harmoniser le droit des affaires dans son intégralité alors que l'UEMOA ne prévoit d'y recourir que dans la mesure nécessitée par l'intégration économique.

Par ailleurs, compte tenu des objectifs poursuivis par ces diverses organisations d'intégration et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir, l'efficacité des critères de la valeur intrinsèque et de la qualité intrinsèque est mise en échec car les normes communautaires parviennent dans l'ordonnancement juridique interne des Etats membres avec les mêmes caractères normatifs.

Ainsi, à défaut de hiérarchie de sources, les conflits entre normes communautaires au sein de l'espace juridique OHADA ne peuvent être appréhendés selon la même méthode de règlement des différends qui prévaut en droit international conventionnel. Ainsi, la complexité dont elle fait preuve a conduit à s'intéresser à d'autres solutions.

B- L'incertitude des solutions adoptées

La complexité des conflits entre normes communautaires au sein de l'espace juridique OHADA s'est manifestée par l'échec des tentatives de solutions préconisées tant au niveau national qu'au niveau international. En effet, sur le plan interne, la difficulté majeure réside dans l'impossibilité, pour le juge, d'opérer un choix entre les différentes normes en concurrence par les procédés de règlement des litiges que lui offrait son système juridique. C'est aussi, le même scénario prévaut en droit international conventionnel. La méthode de règlement des différends entre règles de droit international a, comme nous l'avons précédemment souligné, montré ses limites. A cet effet, au niveau communautaire, des solutions ont été adoptées55(*). Ainsi, les voies ouvertes convergent, non seulement, vers une rationalisation des dispositions communautaires mais aussi, vers la prise en compte et le respect de l'existence des autres organisations d'intégration par chaque institution.

Cependant, ces solutions sont loin d'être suffisantes. Sur le plan de la rationalisation des dispositions communautaires, malgré l'effort fourni par certaines organisations d'intégration, les solutions adoptées semblent être, à la fois, partielle et porteuse de germe d'incertitude.

En effet, la rationalisation des dispositions communautaires se heurte actuellement à l'absence de mécanisme communautaire permettant le rapprochement des différents organes législatifs de ces différentes organisations d`intégration. Tout au plus, seule la volonté de certaines d'entre elles, matérialisée dans leurs actes constitutifs est perceptible. Ainsi, au sein de l'UEMOA, on perçoit cette volonté d'harmonisation des législations communautaires à travers l'article 14 du traité UEMOA qui dispose que : « dès l'entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de prendre toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union d'une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats membres d'autre part, en particulier celles instituant des organisations économiques internationales spécialisées ». Cette disposition est complétée par les termes de l'article 60 al.2 qui affirme que « ... la conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre d'organismes poursuivant les mêmes objectifs que l'Union ». C'est précisément dans ce sens qu'il faut situer la décision de l'UEMOA de modifier les dispositions du règlement 04/CM/96 du 20 décembre 1996 portant système comptable ouest africain de l'UEMOA56(*).

Les institutions spécialisées aussi, notamment, la CIMA et l'OAPI ont en vue cette politique de rationalisation des normes en ce sens que leur compétences exclusives ne porte pas atteinte à la coopération entre ces dernières et les autres organisations d'intégration57(*).

Pour sa part, le traité OHADA en son art. 8 prévoit la possibilité de bloquer l'adoption d'un Acte uniforme qui irait à l'encontre des dispositions des autres traités. Ainsi, par le truchement de cette disposition, elle adopte une solution préventive dans la mesure où selon cet article l'adoption des Actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert l'unanimité des Etats présents et votants. L'adoption des Actes uniformes n'est valable que si les deux tiers au moins des Etats Parties sont représentés. L'abstention ne fait pas obstacle à l'adoption des Actes uniformes »58(*).

Toutefois, les vertus de telles solutions ponctuelles sont sans doute limitées. En effet, cette tentative de rationalisation des règles communautaires ne règlent pas définitivement le problème posé par la concurrence entre normes communautaires. Car, chacune de ces organisations d'intégration peut à tout moment modifier discrétionnairement les règles substantielles qu'elle produise. Ensuite, de telles solutions n'ont pas d'effet sur le risque de conflits entre les différentes juridictions supranationales ou, plus particulièrement, sur les risques de différentes interprétations contradictoires des règles communautaires.

Dès lors, au regard des inquiétudes soulevées par cette pluralité de normes concurrentielles et contradictoires, il est urgent, pour les Etats membres de ces différentes organisations d'intégration, de mettre en place un mécanisme de résolution des conflits de lois au sein de l'espace OHADA.

Parag 2 : La nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode de règlement des différends entre normes communautaires

La mise en oeuvre d'une méthode de règlement des conflits de normes au sein de l'espace OHADA est primordiale pour la garantie de l'efficacité du droit communautaire. Elle doit être manifestée par une coopération entre organisation d'intégration tant sur le plan de la production des normes (A) que sur le plan juridictionnel (B).

A- Sur le plan matériel : sur le plan de la production des normes

L'harmonisation du droit économique et l'amélioration du fonctionnement des systèmes judiciaires dans les Etats africains sont considérées comme nécessaires pour restaurer la confiance des investisseurs et le développement d'un secteur privé performant. A cet effet, la coordination de l'activité des différentes organisations d'intégration de l'espace OHADA semble être une nécessité pour atteindre ces objectifs. Cette coordination doit d'abord se matérialisée au niveau des mécanismes de production des normes juridiques.

En effet, la politique d'harmonisation ou d'uniformisation du droit en cours au sein de l'espace OHADA nécessite pour son efficacité la rationalisation des procédés et procédures de mise en oeuvre du droit communautaire. En d'autres termes, compte tenu de la pluralité des organisations d'intégration au sein de cet espace, la nécessité d'une coordination entre organisations sur le plan de la production des normes est devenue une nécessité pour la garantie de l'effectivité et de l'efficacité du droit communautaire59(*). L'on sait pourtant que l'efficacité d'une action communautaire s'inscrit dans l'unité et dans la cohérence d'une logique d'ensemble dans laquelle elle trouve ses sources60(*). Or, au sein de l'espace OHADA, la pluralité des sources, et plus particulièrement des ordres juridiques communautaires, portent sérieusement atteinte au sens et à la portée du droit communautaire.

Ainsi, la coopération entre ces différentes organisations communautaires, nonobstant l'autonomie dans laquelle vogue chacune d'elles, doit être un outil au service de la production normative afin d'éliminer les incompatibilités entre normes communautaires. L'exemple de l'UEMOA, à propos de la modification du SYSCOA, a été salutaire. En effet, il constitue un grand pas dans cette optique de coordination des règles communautaires. Cependant, la complexité d'une telle approche, du reste en aval, conduit à s'interroger sur l'efficacité de celle-ci à long terme. Car, l'UEMOA ne peut ou ne doit modifier ses normes à chaque fois qu'il y'aurait incompatibilité entre celles-ci et les normes de l'OHADA, au risque de voir sa cohérence remise en cause61(*).

Les difficultés soulevées par les conflits de lois au sein de l'espace OHADA doivent, en principe, se résoudre en amont par un système de dialogue et de communication sur les différents projets d'harmonisation ou d'uniformisation de chaque organisation. Compte tenu de la composition de celles-ci, où l'on constate l'appartenance des Etats à plusieurs organisations, l'instauration d'un cadre de dialogue contribuerait à l'élimination, voire à la réduction des incompatibilités entre normes communautaires62(*).

Toutefois, cette coopération entre organisations d'intégration ne doit pas simplement se limiter entre les organes législatifs de ces différentes institutions, elle doit aussi s'étendre aux différentes juridictions communautaires qui, sont au premier chef, chargées de veiller à l'efficacité du droit communautaire.

B- Sur le plan juridictionnel : sur le plan de l'application des normes

Chargées d'assurer l'interprétation et l'application des normes communautaires issues des ordres juridiques dont elles poursuivent la réalisation des objectifs, les juridictions communautaires sont, au sein de l'espace juridique OHADA, confrontées à de sérieuses difficultés liées à la coexistence de plusieurs règles concurrentielles. Cependant, en dépit de cette situation, les juridictions communautaires doivent assurer, chacune dans l'ordre juridique qui l'intéresse, l'interprétation et l'application du droit communautaire. Ainsi, devant les juridictions communautaires, le conflit de compétences paraît, a priori, impensable63(*). Toutefois, l'impossibilité devant laquelle se trouve le juge en cas de conflit de normes confirme l'impact de ceux-ci dans le fonctionnement efficace des juridictions communautaires.

Ainsi, malgré l'autonomie de ces dernières, des efforts dans le sens d'une coopération judiciaire doivent être retenues afin de permettre au juge communautaire, confronté à une situation de conflit entre normes, de trouver des solutions tenant en compte la satisfaction des intérêts des différents systèmes juridiques en cause. Cependant, d'un point de vue juridictionnel, aucune liaison n'est établie entre les juridictions d'intégration régionale. C'est justement à ce titre que la CJU, dans son avis du 2 février 2000 rendu à propos du projet de code communautaire des investissements, faisait remarquer d'une part que la Cour commune de l'OHADA « ne peut saisir la Cour de justice de l'UEMOA en renvoi préjudiciel parce qu'elle n'est pas une juridiction nationale » et d'autre part que l'interprétation par la Cour de justice de l'UEMOA des actes uniformes de l'OHADA porterait atteinte à « l'exclusivité de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA dans l'application et l'interprétation des actes uniformes... ». Toutefois, la situation des conflits de normes qui gangrène l'efficacité de l'action communautaire, exige des réaménagements institutionnels qui permettraient d'établir un lien entre les juridictions communautaires.

Il serait ainsi parfaitement possible d'organiser un mécanisme de renvoi préjudiciel ou (et) consultatif entre juridictions de manière à assurer une meilleure coordination dans l'interprétation et l'application du droit communautaire64(*). Au niveau de l'UEMOA et de la CEMAC, cette coordination est plus que possible, elle est même nécessaire au regard de la similitude des objectifs et des moyens d'action.

S'agissant des organisations d'intégration sectorielle, l'absence de juridictions spécialisées porte le contentieux relatif à l'application des normes qu'elles produisent à la compétence des juridictions nationales. Cependant, leur interprétation, à défaut de juridictions spéciales, gagneraient en efficacité et en homogénéité s'il ressortait de la compétence d'une juridiction communautaire telle que l'OHADA65(*).

En fait, la mise en place d'un ensemble juridico-institutionnel de règlement des conflits de normes à travers la coopération judiciaire devra se concrétiser par l'instauration d'un mécanisme de saisine entre juridictions communautaires dans des situations mettant en cause l'application de différentes normes communautaires.

Ainsi, à défaut d'une juridiction supranationale chargée de trancher les conflits, seule la coopération entre les juridictions communautaires est salvatrice face à la problématique des conflits de lois au sein de l'espace juridique OHADA.

Conclusion

En définitive, l'espace juridique OHADA offre l'assurance d'un environnement propice aux affaires. Cette assurance est due à la conformité des textes applicables aux relations d'affaires. En effet, par un droit moderne et modernisé, l'OHADA a entendu faire du droit des affaires, sur l'ensemble du territoire de ses Etats membres, un droit unique. Mais, cette unification du droit n'est pas seulement l'oeuvre de l'OHADA. Au sein de ce même espace, existent d'autres organisations d'intégration économique qui poursuivent les mêmes objectifs. Toutefois, cette pluralité institutionnelle au sein d'un même espace entretient de façon durable une hétérogénéité des normes émises. Elle se traduit parfois par des situations conflictuelles entre normes du fait de la convergence des domaines d'action. Cependant, l'articulation entre ces différents systèmes est très complexe eu égard à la nature des relations qu'entretiennent ces derniers.

Ainsi, les conflits de lois au sein de l'espace juridique OHADA constituent sérieusement un obstacle à la création d'un espace économique favorable aux investissements et aux opérations économiques. A cet effet, l'élimination des incompatibilités entre normes communautaires et les effets qui en découlent, au sein de l'espace OHADA, devait constituer une priorité dans l'action de chaque organisation d'intégration pour garantir l'efficacité du droit communautaire. Cependant, à l'heure actuelle, aucun mécanisme de règlement des différends entre normes communautaires n'a été consacré par les différents actes constitutifs de ces organisations. Malheureusement, ces situations se règlent par des procédés juridico-diplomatiques qui n'offrent aucune garantie d'efficacité pour l'avenir. La récente modification du traité OHADA, intervenue le 17 octobre 2008, aurait pu servir de prétexte pour poser les jalons d'une solution définitive aux conflits entre les normes des autres organisations d'intégration et les dispositions des Actes uniformes.

A défaut, la mise en cohérence des droits communautaires doit se poursuivre par une coopération impliquant nécessairement une volonté politique franche entre les différents acteurs du processus d'intégration. A ce titre, il convient de souligner avec le Pr. Abdallah Cissé que : « le risque potentiel de dislocation du droit uniforme des affaires au niveau africain ne peut être jugulé qu'avec une définition rigoureuse des principes directeurs communs à toutes ces entreprises de communautarisation, de sorte à créer les conditions favorables à une unification substantielle des règles communes ». Ainsi, seule une rationalisation des politiques d'intégration semble à priori être, pour l'instant, la solution face à la problématique des conflits de lois dans l'espace OHADA.

Cependant, la rationalisation des divers organismes d'intégration par l'harmonisation des différentes normes communautaires ne pourrait-elle pas se traduire par la possibilité d'émergence d'une structure chargée de trancher les conflits de compétences entre les différents systèmes en présence. Ainsi, l'on transposera le mécanisme de résolution des conflits de compétences de droit interne au niveau communautaire.

Mais, dans ce cas précis, n'assisterons nous pas à une remise en cause du principe d'autonomie de l'ordre juridique communautaire, voire même de sa cohérence ? Mais encore, faudrait-il que ces réaménagements institutionnel et normatif soient d'un commun accord entre ces différentes organisations communautaires. Ce qui suppose, en d'autres termes, la prise en compte de l'existence des autres organisations d'intégration par chaque institution communautaire.

Toutefois, la solution des conflits de lois appelle à la fois un dynamisme politique et une volonté juridique de la part de tous les acteurs pour donner plus de vivacité à l'intégration économique en cours au sein de l'espace OHADA. Ainsi, compte tenu de leur nature et des difficultés qu'ils soulèvent, c'est seulement au prix de plusieurs concessions réciproques que jaillira un droit cohérent et harmonisé entre organisations d'intégration au grand profit des particuliers.

Bibliographie

Ouvrages

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Webographie

Ø www.ohada.com

Ø www.droitfrancophonie.org

Ø www.juriscope.org.

Ø www.uemoa.int

Ø www.lefaso.net

Table des matières

Dédicaces 1

Remerciements 2

Abréviation 3

Introduction 6

Chapitre 1 : L'identification des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 10

Section 1 : La détermination des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 12

Parag 1 : Les sources des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 12

A- La pluralité institutionnelle au sein de l'espace OHADA 12

B- L'hypertrophie des normes au sein de l'espace OHADA 15

Parag 2 : La nature des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 17

A- Conflits de compétences 17

B- Conflits de normes 19

Section 2 : La portée des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA 21

Parag 1: La prise en compte des conflits virtuels entre normes communautaires 21

A- La possibilité d'interférences entre normes communautaires d'intégration 22

B- L'éventualité des interférences entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spécialisées 24

Parag 2 : L'existence de conflits réels entre normes communautaires 26

A- Conflits entre normes communautaires d'intégration 26

B- Conflits entre normes communautaires d'intégration et normes communautaires spéciales 28

Chapitre 2 : L'impact des conflits de lois dans l'application des règles communautaires au sein de l'espace OHADA 31

Section 1: L'impasse juridictionnelle dans le règlement des différends entre normes communautaires 32

Parag 1 : L'affirmation du principe d'autonomie des ordres juridiques communautaires 32

A- L'affirmation du principe quant à l'application des normes communautaires 32

B- L'affirmation du principe quant à la compétence des juridictions communautaires 34

Parag 2 : L'inefficacité de la méthode conflictuelle dans le règlement des différends entre normes communautaires 37

A- L'absence de critères pertinents d'élection des normes communautaires 38

B- L'impossibilité juridique de détermination de la norme applicable 39

Section 2: Les risques d'insécurité juridique liés aux conflits de lois dans l'espace OHADA 41

Parag 1 : L'inefficacité des stratégies adoptées dans la résolution des conflits de lois 41

A- La complexité des solutions proposées 42

B- L'incertitude des solutions adoptées 43

Parag 2 : La nécessité de la mise en oeuvre d'une méthode de règlement des différends entre normes communautaires 45

A- Sur le plan matériel : sur le plan de la production des normes 45

B- Sur le plan juridictionnel : sur le plan de l'application des normes 47

Conclusion 50

Bibliographie 52

Table des matières 55

* 1 Pour une analyse pertinente de la question, Djibril Abarchi, Problématique des réformes législatives en Afrique : le mimétisme juridique comme méthode de construction du droit, Penant 2003, p. 88.

* 2 C'est l'une des missions fondamentales assignées à l'OHADA. Sa création traduit la conscience de nos dirigeants qu'un espace économique ne peut être pleinement efficace s'il n'est tramé d'un espace juridique cohérent.

* 3 V. J. ISSA-SAYEGH, « L'intégration juridique des Etats africains dans la zone franc », Rec. Penant, n°823, p.9.

* 4 Idem. p. 12

* 5 Certes, l'ambition de l'OHADA est plus noble en ce sens qu'elle vise une intégration à échelle continentale du droit des affaires. Il était apparu nécessaire aux dirigeants des pays ayant en commun le franc Cfa de créer un système d'intégration juridique conçue comme le levier indispensable de l'intégration économique en cours.

* 6 La communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest a été fondée le 28 mai 1975. Elle comporte neufs Etats membres de l'OHADA : Bénin, Burkina Faso, Cote d'Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. A ces Etats viennent s'ajouter le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, le Libéria, le Nigéria et la Sierra Leone. Sont objectif principal est de promouvoir l'intégration dans tous les domaines économiques, tant en matière de politique économique que de projets de développement avec comme toile l'établissement d'une union économique en Afrique de l'Ouest. Cependant, pour des raisons liées à la nature des règles produites par celle-ci, les développements qui suivront seront plus axés sur les organisations d'intégration supranationales.

* 7 Le Traité instituant l'UEMOA a été signé le 10 janvier 1994 et ratifié en juin 1994, remplaçant l'UMOA créée en 1962 et la CEAO créée en 1973, et fusionnant les fonctions de ces deux institutions. Les Etats membres de l'UEMOA sont le Bénin, le Burkina Faso, la Cote d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Elle a comme objectifs la création d'un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des services et des capitaux. L'Organisation a aussi pour objet de coordonner les politiques nationales dans certaines matières telles que l'énergie ou les transports, et enfin, d'harmoniser la législation de ses Etats membres dans les limites de son objet. Parallèlement, elle a aussi pour fonction de coordonner les politiques économique et budgétaire de ses Etats membres par l'institution d'une procédure de surveillance multilatérale. L'UEMOA est devenue un territoire douanier unique depuis le 1er janvier 2000 basé sur l'exonération du paiement des droits de douanes pour les produits industriels, les produits du cru et l'artisanat traditionnel provenant des Etats membres, et l'établissement d'un tarif extérieur commun « TEC », consistant en des droits de douanes permanents et temporaires, déterminés en fonction d'une nomenclature définie de produits importés « 0 à 20

* 8 La CEMAC a été créée en 1994 afin de remplacer l'ancienne UDEAC « Union Douanière des Etats d'Afrique Centrale » datant de 1964. Ses Etats membres sont : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad. Elle est la « soeur jumelle » de l'UEMOA. Le Traité CEMAC a mis en place deux unions : l'UEAC « Union Economique en Afrique Centrale » et l'UMAC « Union Monétaire en Afrique Centrale ».La fonction principale de cette dernière est de consolider la coopération monétaire entre les Etats membres de la CEMAC en instituant une politique monétaire et de contrôle des changes unique. L'UEAC a quant à elle pour mission de favoriser la libre circulation des biens, des services et des capitaux par la création d'un marché commun, ainsi que la coordination des politiques nationales notamment en matières d'environnement, de transports, d'industrie, de communications et d'infrastructures. Afin d'encourager la compétitivité économique et de s'engager dans un marché commun, l'UEAC a entamé certaines réformes comprenant l'établissement d'une union douanière fondée sur la liberté des échanges au sein de l'union et l'instauration d'un tarif commun pour les importations provenant de pays étrangers à la zone. Le régime douanier de l'UEAC repose sur un tarif extérieur commun « TEC » et un tarif préférentiel généralisé « TPG ».

* 9 La Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale a été créée par traité signé le 21 septembre 1993 par les Etats de la zone franc Cfa. Son principal objectif est l'harmonisation des législations sociales de ses Etats membres. Elle est entrée en vigueur le 10 octobre 1995.

* 10 La Conférence Interafricaine du marché des Assurances est entrée en vigueur en février 1995 au sein de quatorze Etats membres de l'OHADA : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Cote d'Ivoire, Guinée Equatoriale, Gabon, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo. Son objectif principal est l'unification d'une réglementation en faveur des entreprises et des opérations d'assurances au sein de ses Etats membres.

* 11 L'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle a été instituée par l'Accord de Bangui en date du 2 mars 1977. Cet accord a été révisé le 25 février 1999, elle est entrée en vigueur en février 2000. Des Etats membres de l'OHADA, seules l'Union des Comores n'est pas membres de l'OAPI.

* 12 Malgré la volonté de rationalisation souhaitée par l'OUA à travers le plan d'action local (PAL) de 1980 devant aboutir en 2000 à la fusion de toutes les organisations régionales d'intégration économique existantes en une organisation à dimension continentale. V. Maurice Glélé-Ahanhanzo, « Introduction à l'organisation de l'unité africaine et aux organisations régionales africaines » LGDJ 1986, p. 30 et s., p. 67 et s.

* 13 Notre choix, consacré à l'expérience de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) et à celle de la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA), s'explique par le fait qu'ils s'agissent d'organisations interafricaines d'intégration juridique à compétence sectorielle dont la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES). Cependant, cette dernière n'a pas atteint les objectifs qu'elle s'était fixée, de sorte que ce sont les dispositions nationales, en la matière, qui continuent à s'appliquer.

* 14 Le principe de la supranationalité suppose le transfert de compétence des Etats à une institution internationale dans certaines matières d'un pouvoir de décision qui s'impose aux Etats mêmes et aux ressortissants de ces derniers. Ce pouvoir se manifeste également par l'édiction de règles qui sont non seulement immédiatement applicables sur le territoire des Etats parties mais aussi supérieur aux règles internes, en vertu du principe de la primauté du droit communautaire.

* 15 L'article 2 du Traité précise la nature des règles qui entre dans le domaine du droit des affaires. C'est l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au groupement économique, au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux suretés, aux voies d'exécution, aux redressement des entreprises et à la liquidation judiciaire, à l'arbitrage, au droit du travail, au droit de la vente et des transports « et toutes autres matières que le conseil des ministres déciderait, à l'unanimité d'y inclure... »

* 16 Il en est ainsi des Actes uniformes sur le droit Commercial Général, sur le droit des Sociétés et GIE, sur le droit des Suretés ( 1er janvier 1998 ), sur le droit des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution (10 juillet 1998 ), sur le droit des Procédures Collectives ( 1er janvier 1999 ), sur le droit de l'Arbitrage ( 11 juin 1999), à la Comptabilité (la première partie de cet AU, relative aux comptes personnels des entreprises est entrée en vigueur le 1er janvier 2001 ; la deuxième partie relative aux comptes consolidés et combinés est entrée en vigueur le 1er janvier 2002 ) et aux Contrats de Transports de Marchandises par Routes ( 1er janvier 2004).

* 17 Il convient toutefois de nuancer la portée de cette affirmation car dire que les règles communautaires sont supérieures à toutes les règles de droit interne c'est méconnaitre l'étendue des dispositions du droit interne, notamment la place qu'occupe la constitution dans l'ordonnancement juridique des Etats parties. Ainsi, M. Robert Kovar (Rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux in Commission des Communautés européennes, Trente ans de droit communautaire, ouvrage collectif, Luxembourg, Publication CE, 1982, p. 138) reconnaît que « dans aucun des Etats membres, le droit communautaire n'est assuré d'une primauté absolue sur les normes constitutionnelles ». M. Francis Delpérée, dans le cas de la Belgique (Les rapports de cohérence entre le droit constitutionnel et le droit international public, Développements récents en Belgique, RFDC n° 36, 1998, p. 740) se félicite de ce que « la Cour d'arbitrage et le Conseil d'Etat contribuent à replacer... la Constitution au sommet des règles juridiques qui s'imposent dans un Etat ». Enfin, M. Georges Vedel (Souveraineté et supraconstitutionnalité, Revue Pouvoirs, n° 67 - 993) soutient qu'il n'existe pas en droit positif français de normes juridiques d'un rang supérieur à celui de la constitution, que le concept de normes juridiques supraconstituionnelles est logiquement inconstructible et que la supranationalité est dangereuse pour l'ordre juridique démocratique.

* 18 Il en est aussi de la possibilité de l'existence d'un vide juridique dans certains cas occasionné par cette pluralité institutionnelle dont chaque organisation se meut dans son domaine respectif : ce sont les conflits négatifs

* 19 Cependant, le problème ne se pose pas entre l'UEMOA et la CEMAC, car elles sont chacune cantonnées dans un espace géographique bien délimité.

* 20 L'art. 2 du Traité OHADA dispose que : « pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux suretés et aux voies d'exécution, au régimes de redressement des entreprises et à la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure, conformément à l'objet du présent traité et aux dispositions de l'article 8 ».

* 21 V. Conv. de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, art. 30 al. 1 à 4.

* 22 Sur cette même lancée, l'art. 6 du Traité UEMOA dispose que : « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ».

* 23 A la différence des règlements, les directives se bornent à fixer les objectifs à atteindre dans un délai prescrit, en laissant aux autorités étatiques le choix des moyens à mettre en oeuvre pour les réaliser. C'est à l'expiration du délai imparti que des problèmes peuvent surgir tenant, soit à une défaillance totale des autorités, soit au fait que les objectifs sont incomplètement atteints. La question est alors de savoir si la directive peut être directement invoquée par ceux qui y ont intérêt. Si l'on considère que les nonnes Communautaires créent les mêmes droits et obligations, au bénéfice ou à la charge de l'ensemble des personnes de l'espace Communautaire, la défaillance d'un Etat crée un déséquilibre entre les personnes résidant sur son territoire et ceux des autres. Il faudrait alors admettre que ceux-là puissent invoquer la directive à condition bien entendu qu'elle soit suffisamment détaillée.

* 24Ainsi, par exemple, la conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance (CIMA) a adopté un Traité instituant une réglementation et un contrôle commun du secteur des assurances, ainsi qu'un Code des assurances unique.

* 25 Sur ces conflits de compétence entre les organisations internationales africaines chargées de l'intégration juridique, voir J. ISSA-SAYEGH, Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de l'OHADA, revue uniforme de droit, UNIDROIT, Rome 1999-1, p. 5. ; Colloque sur « La problématique de la délimitation des compétences entre la Cour de justice de l'UEMOA, la Cour de justice et d'arbitrage de l'OHADA et les juridictions nationales des Etats Parties », Centre de formation judiciaire de Dakar, 9-13 octobre 2000.

* 26 En effet, toute situation incertaine qui suscite des solutions alternatives, est source de conflits potentiels, et donc, d'insécurité juridique. Il n'est donc pas étonnant qu'un tel conflit de détermination de la juridiction compétente - Cour Commune ou juridiction nationale de contrôle de légalité - se soit posé dans l'affaire Snar Leyma rendue par la Cour Suprême du Niger, le 16 août 2001. V. à ce propos, Cour Suprême du Niger, 16 août 2001, RBD, 2002, p. 121 et S., et obs. D. Abarchi. Sur cette affaire, V. aussi A. Kanté, La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort, en application des actes uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du 16 août 2001), OHADA. Com., Ohadata D-02-29.

* 27 En effet, la violation du plan comptable OHADA en vigueur depuis 2002 par les organes de la CEMAC situés dans le secteur économique peut relever de la compétence de la Chambre des comptes de la Cour de justice de la CEMAC tout comme elle peut aussi relever de la compétence de la CCJA.

* 28 En effet, celle-ci prévoit dans son préambule de « donner une impulsion nouvelle et décisive au processus d'intégration en Afrique Centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations des Etats ».

* 29 En effet, l'art. 47 du Traité de la CIMA dispose que : «Les juridictions nationales appliquent les dispositions du présent traité et les actes établis par les organes de la Conférence nonobstant toute disposition nationale contraire ou antérieure à ces textes». L'art. 44 met à la charge des Parties contractantes une obligation négative de ne pas légiférer dans le domaine de compétence de la Conférence. Il n'est pas exclu, là aussi, qu'il y ait un conflit de normes.

* 30 En effet, il existe un risque de conflit de normes créé par le caractère élastique du domaine du traité OHADA. Certes, il y a une coordination qui se développe par les voies de la coexistence pacifique et l'instauration de partenariat entre les différentes instances d'harmonisation, mais le risque de conflit entre les normes de l'OHADA et celles de certaines organisations d'intégration juridique sectorielle est inhérent à l'élasticité du domaine du droit des affaires. En effet, l'article 2 du traité, tout en énumérant les disciplines qui, pour le besoin de son application entrent dans le domaine du droit des affaires, fait également allusion à « toute matière que le conseil des ministre déciderait d'y inclure. ». A cet effet, en application des dispositions de l'article 2 du traité, le Conseil des Ministres de l'OHADA a pris la décision, en mars 2001, d'inclure dans le périmètre de l'OHADA des matières qui ont déjà fait l'objet d'une harmonisation par d'autres instances ou organisations interafricaines. Il en est ainsi, notamment, du droit de la propriété intellectuelle régis par les dispositions de l'Accord portant révision de l'Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une OAPI.

* 31 Au sein de l'espace OHADA, on dénombre plusieurs plans comptables. En effet, on distingue le plan comptable de l'OCAM voué à la disparition, remplacé par celui de l'OHADA qui est le plan comptable de droit commun ; le plan comptable de l'UEMOA ; le plan comptable de la CIPRES spécifique à la sécurité sociale et plan comptable de la CIMA particulier aux entreprises d'assurances.

* 32La généralisation de l'application des dispositions de l'article 449 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales (AUSC) et GIE se heurte à la spécificité des établissements bancaires. En effet, les cautions, avals, garanties et garanties à première demande constituent des opérations quotidiennes et normales des institutions bancaires et dès lors, l'extension de l'article 449 de l'AUSC est une entrave manifeste à la compétitivité de celles-ci.

* 33 Le droit des systèmes de paiement offre un exemple d'incohérence assez illustratif des chevauchements de compétences dans la sous-région. Il en est ainsi du statut de commerçant et des actes de commerce qui sont régis par les actes uniformes de l'OHADA, tandis que les effets de commerce sont réglementés par des dispositions de l'UEMOA. Il en est de même des difficultés posées par les dispositions de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives « AUPC ». En effet, les art. 6 et 7 du Règlement n° 15/2002/CMUEMOA/ du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes de paiements dans les Etats membres de l'UEMOA entrent en contradiction avec la règle du «zéro heure» consacrée par l'Acte uniforme relatif aux procédures collectives d'apurement du passif. V. Amadou T. Ndiaye, Conflits de normes en droit communautaires OHADA et UEMOA : Exemple des paiements réalisés dans les systèmes de paiement intégrés en cas de procédures collectives d'apurement du passif, Ohadata D- 08-06, p. 5.

* 34 Au sein de l'espace OHADA, l'appel public à l'épargne est régi par trois (03) organisations internationales d'intégration régionale : l'OHADA, l'UEMOA, la CEMAC chacune édictant des règles particulières. Mais, le plus remarquable entre le droit communautaire de l'OHADA et celui de l'UEMOA sur la matière de l'appel public à l'épargne porte sur les notions de titres et de valeurs mobilières. Le droit communautaire de l'OHADA et celui de l'UMOA ont deux conceptions différentes de ces notions ce qui pose naturellement des difficultés aux différents acteurs de cette branche.

* 35 Par exemple des divergences subsistent aussi entre l'OHADA et l'UEMOA dans le domaine des investissements. V. D.B. BA, Le problème de la compatibilité entre l'UEMOA et l'OHADA, in La libéralisation de l'économie dans le cadre de l.intégration régionale : le cas de l'UEMOA, sous la direction de Pierre MEYER, Publication du CEEI N°3, Ouagadougou, Imprimerie Presses Africaines, 2001, p.180.

* 36 En effet, l'art. 325 du code CIMA dispose que : « la faillite d'une société régie par le présent code, ne peut être prononcée à l'égard d'une entreprise soumise aux dispositions du présent livre qu'à la requête de la commission de contrôle des assurances. Le Tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi par le ministère public d'une demande d'ouverture de cette procédure après avis conforme de la commission de contrôle des assurances. Le Président du tribunal ne peut être saisi d'une demande de règlement amiable qu'après avis conforme de la commission de contrôle des assurances »

* 37 Sur un plan d'ensemble : Abarchi D., La supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Revue Burkinabé de Droit, n° 37 - 1er semestre 2000, p. 9 à 27.

* 38 V. Guy ISSAC, Droit communautaire Général, Armand Colin, 7éd. Liège.

* 39V. Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, 2ème édition, Paris, Montchrestien, 1995, p.8

* 40 V. D.B. BA, « Le problème de la compatibilité U.E.M.O.A.-O.H.A.D.A. », op.cit., p.186

* 41 En effet, compte tenu de la pluralité des organisations d'intégration totalement autonomes dans l'espace OHADA et de la signification que l'on pourrait donner au droit communautaire, il conviendrait d'employer le pluriel pour souligner l'existence, non pas d'un droit communautaire dans cet espace mais, de plusieurs droits communautaires. V. vocabulaire juridique, Henry Capitant, 7 éd. 1998, PUF.

* 42 Cependant, il existe, dans l'espace OHADA, une autre juridiction communautaire : la Cour de justice de la CEDEAO. Mais, le droit de la C.E.D.E.A.O est un droit de nature interétatique et non supranationale, qui s'adresse aux Etats (articles 9 et 12 du Traité C.E.D.E.A.O). C'est la raison pour laquelle elle s'apparente beaucoup plus à une juridiction internationale que communautaire.

* 43 C'est d'abord l'article 14 du Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes. Ensuite c'est l'article 56 du règlement de procédure qui traite de la question de l'interprétation, mais à ce niveau le règlement consacre le concept de procédure consultative. Ainsi on peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous les Etats parties au Traité, par le greffier en chef de la Cour.

* 44 L'al. 2 de l'art. 38 dispose que : « Le statut, la composition, les compétences ainsi que les règles de procédures et de fonctionnement de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes sont énoncés dans le protocole additionnel no 1. Ainsi, dans l'UEMOA mais également dans la communauté jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure de la Cour de justice. Justement cet article 15 dispose que : «  Lorsqu'un problème d'interprétation du traité de l'Union, de la légalité des organes de l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions préjudicielles à la Cour ».

* 45 En effet, l'OHADA et l'U.E.M.O.A ne prévoient pas le même type de relations entre le juge national et le juge communautaire. Toutes choses qui compliquent la position du juge national quand il a à connaître d'une affaire appelant l'application conjointe des dispositions de ces deux droits communautaires. Par exemple, le code des investissements issu du traité U.E.M.O.A comporte des dispositions relatives à la vente qui, dans le même espace, est en principe régi par les dispositions du droit OHADA.

* 46 La coordination entre juridictions nationales et communautaires s'effectue par un système de renvoi préjudiciel qu'opèrent les cours de cassation saisies, à la CJU, afin que celle-ci puisse donner sa position sur la question de droit communautaire, dont la juridiction nationale est saisie. Le recours préjudiciel est certes une faculté qui reste à la libre appréciation des juridictions nationales. Mais aux termes de l'article 12 alinéa 2 du règlement de procédure de la CJU, les juridictions qui statuent en dernier ressort sont tenues de saisir la CJU afin de requérir sa position sur la question de droit communautaire révélée par le litige dont elle est saisie. Ensuite le juge national est tenu de se conformer à l'interprétation qui lui sera donnée par la cour. S'il en est ainsi c'est dire que la CJU ne dispose pas d'un quelconque pouvoir d'invalidation des décisions des juridictions nationales, lors même que l'application du droit communautaire est en cause.

* 47 Ainsi il est prévu aux termes de l'article 14 du Traité OHADA que : « Saisie par la voie du recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales... ». Sous cet éclairage de la loi il est à dire que la cassation dans le cadre de l'espace OHADA constitue en quelque sorte la « chasse gardée » de la CCJA. Cette dernière peut être saisie conformément à l'article 51 du règlement de procédure, par la voie du renvoi effectué par le juge national, elle peut également être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, par toute partie à un procès qui estime que la juridiction nationale statuant en cassation a méconnu la compétence de la CCJA.

* 48 L'évocation c'est la faculté qui est donné à la CCJA de se prononcer sur le fond de l'affaire, et de ne plus opérer de renvoi après la cassation. Ceci étant la CCJA se substitue donc aux cours de cassation des différents Etats parties, mais elle se substitue surtout à la juridiction nationale de fond qui aurait été normalement compétente à statuer après la cassation. Cependant ce mécanisme de substitution de la CCJA aux juridictions nationales connaît une limite concernant les décisions appliquant des sanctions pénales. V. Ndiaw DIOUF, Actes uniformes et droit pénal des Etats signataires du traité de l'OHADA : la difficile émergence d'un droit pénal communautaire des affaires dans l'espace OHADA, Revue Burkinabé de droit, n 39-40, numéro spécial.

* 49 Par contre, le juge communautaire, lui, n'a pas à résoudre de conflit de lois. Il doit simplement vérifier si la situation entre dans le champ d'application du droit communautaire. Si la réponse est positive, il déclare qu'il faut lui appliquer les dispositions pertinentes du droit communautaire. Si tel n'est pas le cas, il n'a pas à déterminer quel autre droit que le droit communautaire est applicable à la situation. V. Pierre MEYER, les conflits de

juridictions dans l'espace OHADA, UEMOA, CEDEAO, http://droit.francophonie.org/doc/dcum/fr/2003/2003dfznaodcumfr4.htlm.

 
 

* 50 V. art. 30 al. 2 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et voies d'exécution

* 51 Ainsi, il appartient à chaque organisation d'intégration de fixer sa propre sphère d'applicabilité matérielle et spatiale et celle-ci s'impose aux ordres juridiques internes des Etats membres. Aucune norme communautaire ne peut davantage régler la question de l'applicabilité du droit communautaire produit par les autres institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi, il ne revient pas à une norme UEMOA ou CEMAC de traiter de l'applicabilité d'une norme OHADA.

* 52 En effet, cette situation explique que le problème de l.incompatibilité entre les règles de l.U.E.M.O.A. et celles de l.O.H.A.D.A. ne puisse pas être résolu à la lumière de la jurisprudence Simmenthal de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui, tirant toutes les conséquences de la primauté du droit communautaire, affirme l.inapplicabilité de plein droit de toute norme nationale incompatible avec le droit communautaire. V. C.J.C.E., 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal, Recueil 1978, p. 609, s.

* 53 La lex fori signifie la loi du for, c'est-à-dire la loi du juge saisi du litige.

* 54 Le Traité de l'UEMOA maintient en vigueur le Traité de l'UMOA à titre transitoire. Il est, à cet effet, prévu qu'« en temps opportun, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement adoptera un Traité fusionnant le Traité de l'UMOA et le présent Traité », c'est-à-dire le Traité de l'UEMOA.

* 55 Les différentes solutions adoptées au niveau communautaires peuvent être envisagées sous deux angles. D'une part, elles concernent des voies diplomatiques à travers la coopération entre organisations d'intégration. A ce titre, l'UEMOA a un rang d'observateur au sein de l'OHADA. D'autre part, les solutions juridiques mises en oeuvre ressortent d'une lecture des traités constitutifs des différentes organisations d'intégration.

* 56 Le SYSCOA a été modifié à la suite de la réunion du conseil des ministres de l'UEMOA qui s'est tenu à Dakar le 20 Septembre 2001. Le règlement 07/2001/CM/UEMOA vient ainsi modifier le règlement 04/CM/96 du 20 Décembre 1996 qui institué le SYSCOA. Cette modification fait suite à la perspective de rationalisation des normes entre l'UEMOA et l'OHADA sur le plan comptable.

* 57 Lors de sa réunion tenue à Ouagadougou les 11 et 12 mars 1999, le Conseil des Ministres de l'OHADA avait autorisé la coopération entre l'ERSUMA et l'Institut international des assurances (IIA), tout en tout en excluant la compétence de la CCJA en matière d'assurances. V. J.O. OHADA n° 11 du 01/01/02, p. 12.

* 58 Ainsi, l'OHADA, à travers cette disposition, offrent aux Etats membres des autres organisations d'intégration la possibilité d'empêcher l'adoption de tout Acte uniforme qui leur paraîtrait incompatible ou comporter de sérieux risques d'incompatibilité avec leur propre ordre juridique.

* 59 En effet, la sécurité juridique étant désormais une constante du marché de l'investissement, les opérateurs économiques se préoccupent d'abord de l'environnement et des conditions juridiques dans lesquelles ils vont opérer. Nul doute que l'insécurité juridique et judiciaire qui prévaut, compte tenu de ce foisonnement normatif ne porte atteinte à politique d'intégration en cours dans ces zones.

* 60 Certains auteurs préconisent la spécialisation de ces différentes organisations dans les domaines où elles sont les plus performants. Ainsi, la C.E.D.E.A.O sera cantonnée dans le domaine du règlement des conflits, l'UEMOA dans la construction du marché commun, l'OHADA dans le domaine du droit uniforme des affaires. D'autres, ont senti la nécessité de faire la distinction entre les compétences de l'UEMOA ou de la CEMAC en attribuant à celles-ci le monopole de la législation en matière de politique économique et monétaire et à l'OHADA la compétence pour légiférer en droit économique. V. Issa Sayegh, Conflits entre droit OHADA et droit régional, www.ohada.com, Ohadata D-06-05, p. 5.

* 61 A ce propos, la pensée du Pr. Ch. Rousseau sied bien lorsqu'il écrit que : « A beaucoup d'égards, le problème de la contrariété des règles conventionnelles est encore largement dominé par des facteurs d'ordre politique et son règlement est fonction des progrès du sentiment du droit chez les Etats contractants ». V. Charles ROUSSEAU, Droit International Public, Paris, 11ème édition, Dalloz, 1987, p.55.

* 62 En effet, il n'est pas interdit que ces différentes organisations adoptent des clauses leur permettant d'établir toute coopération utile avec les organisations régionales ou sous-régionales existantes, de faire appel à l'aide technique de tout Etat ou d'organisations internationales et, surtout, de conclure des accords de coopération avec elles. A cet effet, aussi bien le traité UEMOA (article 13) que l'additif au Traité de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la communauté (article 36) comporte des dispositions permettant cette coopération. Le Traité OHADA n'en comporte pas mais le pouvoir de coopérer doit être reconnu comme de droit commun pour une telle organisation, ce pouvoir pouvant s'induire de l'article 46 qui lui reconnaît la pleine capacité juridique dont la capacité de contracter.

* 63 Car un tel conflit n'est possible que lorsqu'une juridiction suprême communautaire ou régionale a compétence pour régler les litiges de droit interne relatifs au droit supranational et matériel dérivé. Le seul exemple connu, au sein de l'espace OHADA, est celui de la CCJA. En effet, il peut arriver, comme on l'a vu avec l'affaire Snar Leyma rendu par la Cour Suprême du Niger le 16 août 2001, qu'un conflit de compétence surgisse entre les juridictions nationales et la CCJA.V. Cour Suprême du Niger, 16 août 2001, op. cit. p. 14.

* 64 Juridiquement, malgré l'autonomie des différents ordres juridiques communautaires, rien ne s'oppose à ce qu'il existe un mécanisme de coopération entre les juridictions communautaires.

* 65 Malheureusement, l'OHADA a décliné les demandes tendant à l'élargissement de la compétence de la CCJA en matière d'assurances et de propriété intellectuelle. Toutefois, elle a plaidée pour la coopération entre les différentes organisations d'intégration communautaire.






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