Conclusion : mon expérience de
stagiaire
Tout au long de cette expérience, j'ai pu
appréhender les multiples facettes que comprend le travail du
psychologue en CMP enfants. Ce stage a été d'une grande richesse
pour la construction de mes représentations concernant ma future
profession. Je m'aperçois de cet évolution quand je compare mes
attitudes en début de stage et celles que j'adopte à l'heure
actuelle.
Mes expériences préalables se situaient
davantage auprès d'une population adulte ; ainsi, je me suis
confrontée à la complexité de la clinique infantile. Par
le fait que l'enfant soit en plein développement, il est plus difficile
d'établir des repères quant à la structuration psychique
et au développement psychoaffectif. Cela s'est confirmé, pour
moi, lorsque j'ai eu à analyser des bilans psychologiques et que j'ai
constaté plusieurs registres de fonctionnement, ainsi que le
chevauchement de différentes problématiques.
Qui plus est, je me suis rendue compte que le psychologue doit
faire preuve d'un grand sens clinique pour approcher la réalité
psychique de l'enfant, qui, ne possède pas toujours les capacités
de mentalisation que l'on peut attendre d'un adulte. En ce sens, il me semble
que le clinicien doit pouvoir faire appel à l'infantile en lui pour
développer une empathie nécessaire à la
compréhension de la dynamique psychique, et qui, je pense, passe par une
identification « maitrisée » à l'enfant. On
peut ajouter à cet aspect que l'engagement des parents dans le soin
complexifie encore ce travail empathique, puisqu'il faut se situer à
différents niveaux, celui de l'enfant et de chacun des parents. Cette
manoeuvre a été difficile pour moi et a donné lieu
à un cheminement tout au long de mon stage. Avec du recul, je reconnais
m'être un peu trop focalisée sur la réalité
psychique des parents au début de mon stage, au détriment de
celle de l'enfant, qui est pourtant le sujet que l'on estime souffrant. Je
présume qu'il était plus facile de m'identifier aux adultes.
Néanmoins, il m'apparait qu'à force de recevoir des enfants en
consultation, j'ai assoupli, au moins en partie, mon fonctionnement propre, ce
qui m'a permis de me défaire peu à peu de cette rigidité.
De même, il m'a fallu un certains temps avant de saisir
véritablement ce qui constitue le phénomène de
contre-transfert. Je pense que la reconnaissance de mon vécu
émotionnel a pu émerger conjointement à
l'établissement de mes repères au sein de l'institution et de
l'équipe. Il est possible que l'arrivée dans un lieu nouveau,
avec son histoire propre et ses modalités de fonctionnement groupal
notamment, me confronta à une dose d'inconnu et me campa sur un
fonctionnement trop défensif pour que je puisse m'impliquer
affectivement dans les situations, ou tout du moins en avoir conscience. Au fur
et à mesure, et en voyant ma référente partager son propre
vécu contre-transférentiel avec moi après les
consultations auxquelles j'assistais, je me suis autorisée à
ressentir des affects, à les identifier et à les nommer afin de
les inclure dans mes élaborations cliniques. Malgré tout,
j'envisage que ma position de débutante, et le fait de n'avoir
entamé mon travail psychothérapique personnel que trop
récemment, ne me permettent pas de maitriser suffisamment ces
phénomènes. J'ai pu m'en apercevoir, entre autres, lorsque je me
suis retrouvée en face de parents relatant une histoire violente lors
d'un entretien d'accueil qui, je pense, m'a effracté. Quand j'ai
restitué le contenu de l'entretien à la consultante, j'ai alors
eu du mal à produire un discours ordonné ; de la même
manière, en confrontant mes impressions avec l'assistante sociale qui
avait mené l'entretien en ma compagnie, j'ai constaté que j'avais
« oublié » certaines informations. A ce
moment-là, j'ai saisi l'impact des paroles de cette mère sur mon
fonctionnement psychique.
A l'instar des différents points abordés
ci-avant, j'ai conscience qu'il m'a fallut du temps pour être plus
à mon aise en consultations. Au départ, je me sentais un peu
comme une « intruse », surtout lorsqu'il s'agissait de
suivis thérapeutiques déjà engagés avant mon
arrivée en stage. J'avais l'impression que les patients donnaient leur
accord dans le but de satisfaire au désir des consultants, mais qu'il ne
s'agissait pas d'une décision totalement libre. Puis, je me suis dit que
mon sentiment de gêne devait se percevoir et que cela risquait
d'accentuer le leur. J'ai donc essayé de travailler ceci, et je me suis
progressivement permise de prendre une place active en témoignant de ma
réceptivité aux éléments amenés dans
l'espace thérapeutique, en m'autorisant à intervenir oralement
avec certains consultants lorsque c'était possible ou en jouant avec les
enfants. De plus, ma référente, auprès de qui j'ai le plus
travaillé, me présentait comme une étudiante en fin de
formation, ce que j'ai éprouvé comme une valorisation aux yeux
des patients ; j'estime que cela m'a aidée à admettre que
j'avais effectivement une place au sein du CMP. Par ailleurs, durant la
première période, il me semble que j'essayais de retirer un
enseignement peut être un peu trop technique et théorique. Cette
recherche prenait probablement un aspect défensif face à mes
incertitudes d'étudiante en situation préprofessionnelle. Or,
j'ai vite perçu que le savoir-faire clinique ne peut se transmettre tel
quel, et qu'il incombe à chaque personne de composer avec sa
personnalité et de créer sa propre manière de travailler.
A ce moment là, j'ai pu sortir de ce qui s'apparente à une
position d'identification adhésive au consultant, et je pense que mon
attitude a été plus naturelle ; ce point me parait
essentiel, et même inhérent, à la dimension clinique de
notre profession. Cependant, j'avoue que je manque encore de confiance et que
cela se traduit notamment par mes appréhensions concernant le regard du
professionnel expérimenté qui mène la consultation. Je
l'ai ressenti personnellement comme une position un peu surmoïque, bien
que je n'ai pas la sensation que les consultants mobilisent ouvertement cette
disposition.
Prendre la parole en réunion de synthèse reste
encore aujourd'hui l'une de mes principales difficultés. En effet,
là encore, je manque d'assurance et il sera nécessaire que je
m'applique à améliorer ce point dans mes futurs lieux de travail.
Sans doute ma position de stagiaire accentue cette difficulté en me
fixant à une place d'élève, dans laquelle je suis
là pour recevoir un enseignement. Pourtant, le médecin
responsable du CMP se montrait favorable aux interventions de l'interne et de
moi-même, stipulant qu'un regard neuf était porteur d'une
créativité qui a parfois tendance à s'essouffler avec
l'expérience. Je dois dire que j'ai l'impression de ne pas avoir pu
m'intégrer auprès de l'ensemble des professionnels. Le fait est
que la majeur partie d'entre eux travaille sur des temps partiels au CMP, et
que je n'ai pas eu l'occasion de travailler en collaboration avec certains. Je
crois que ma présence aux réunions de synthèse n'a pas
suffit à me manifester comme membre à part entière de
l'équipe. Toutefois, on peut retourner ce questionnement, car si je
m'étais plus exprimée durant celles-ci, je me serais
sûrement davantage incluse dans l'équipe.
Pour en revenir à la problématique de cet
écrit, j'observe qu'à la lumière des considérations
auxquelles il a mené, j'ai certainement transmis davantage
d'informations que je n'aurait dû. En effet, le besoin d'être
étayée dans mes élaborations m'a conduit à partager
beaucoup d'éléments avec ma référente ; je
pense notamment aux bilans psychologiques que j'ai réalisé
à sa demande, pour des enfants qu'elle suivait en consultation. En ce
sens, il m'a quelquefois était difficile de respecter le secret
professionnel concernant ce que l'enfant avait mis en jeu lors de nos
rencontres. Par contre, j'estime avoir fait en sorte de respecter la
dignité de l'ensemble des patients avec lesquels je me suis entretenue.
De même, au fur et à mesure de ma réflexion sur ce sujet,
je me suis efforcée de tenir compte des enjeux soulevés lorsque
j'ai eu à faire des restitutions, que ce soit à ma
référente, à l'équipe ou à
l'extérieur de l'institution.
A l'issue de cette expérience, je peux dire que je suis
globalement satisfaite de l'enseignement que j'en ai retiré, et qu'elle
a renforcé encore davantage mes aspirations à exercer le
métier de psychologue clinicienne. J'ai effectué un réel
travail de co-élaboration avec ma référente qui a
favorisé les échanges bilatéraux entre nous. J'ai
également éprouvé un grand attrait pour la clinique
infantile, bien que je sois consciente qu'il me reste beaucoup de domaines
d'intervention à explorer en tant que psychologue. A travers l'autonomie
dont j'ai pu profiter, notamment dans la passation des bilans psychologiques,
je pense avoir développé une certaine assurance qui m'a
donné l'envie de démarrer ma propre pratique. Enfin, de par cette
activité de terrain et l'enseignement théorique de
l'université, j'estime avoir posé les bases de mon
identité professionnelle. Je sais qu'elle sera sans cesse à
renouveler et j'espère pouvoir affiner mon positionnement à
mesure que j'acquerrais de l'expérience.
|
|