Discussion :
Par les réflexions qui ont donné lieu à
cet écrit, il me semble pouvoir dire que la transmission, sous toutes
les formes qu'elle comprend et les processus qui y sont inhérents,
recouvre l'ensemble des pratiques du psychologue. Bien que la
problématique ait été analysée à travers les
missions du CMP, je suppose qu'elle est applicable dans beaucoup d'autres
champs d'interventions du psychologue, dans des modalités
différentes. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un véritable
exercice de réflexion à renouveler sans cesse en tenant compte de
la singularité de chaque situation.
Le clinicien est tenu de déterminer les
conséquences de ses paroles sur ses interlocuteurs et de respecter
l'intimité et l'intégrité de ses patients, ce qui englobe
ici l'enfant et sa famille et complexifie encore la tâche. Si l'on
examine les processus intrinsèques à la transmission, on
distingue qu'elle ne peut se résumer à un simple échange
linéaire, mais opère des transformations sur les
représentations de chacune des personnes qu'elle engage. Dès
lors, il parait indispensable que le psychologue ne se fige pas dans une
position de détenteur d'un savoir univoque ayant pour corollaire
l'illusion d'une « toute-puissance ». A l'inverse, il doit
faire preuve de plasticité et être prêt à remettre en
question ses propres représentations concernant le fonctionnement de
l'enfant et/ou la dynamique familiale. C'est par ces transformations
collectives créatrices de sens que pourra être resituée la
singularité de chaque situation. Et c'est bien, entre autres, l'un des
points constitutifs du travail en équipe. Si je repositionne mon
observation dans le cadre du soin de l'enfant, le fait est que la
problématique du petit patient s'inscrit directement dans la dynamique
familiale ; l'enfant est sensible à l'état interne dans
lequel est le parent qui s'occupe de lui, lui parle, et lui transmet
inconsciemment des éléments qui vont colorer son monde
intérieur. L'intervention clinique du psychologue se situe donc à
bout portant du jeu des relations intersubjectives. A l'instar de la dynamique
familiale, celles-ci pourront être transférées sur
l'institution soignante, et analysées par la co-élaboration en
équipe. C'est de la dimension clinique des réunions de
synthèse dont il est question.
Force est de constater que ce travail est tributaire du bon
fonctionnement même de l'équipe institutionnelle. Or, j'ai
remarqué que les questionnements de l'équipe sur le
fonctionnement de l'institution prennent actuellement une place importante dans
les synthèses, au détriment de la disposition de chacun à
l'élaboration des situations qui y sont rapportées. En effet, il
me semble que les réformes hospitalières en cours au sein de
l'EPS engendrent une remise en question des missions du CMP et de
l'identité professionnelle de chacun des membres de l'équipe.
J'ai l'impression que les discussions sur ce sujet donnent lieu à des
échanges effervescents où les professionnels s'impliquent
affectivement et personnellement avec peu de recul ; ambiance qui marque
parfois la totalité de la réunion. Il est possible que ces
remaniements institutionnels, qui dépassent le cadre du CMP, entrainent
un sentiment d'incertitude relatif aux perspectives de l'institution et des
activités de chacun, et qui affecte par là même le
dynamisme et la créativité de l'équipe. Mais à ce
moment-là, comment maintenir le sens de nos interventions malgré
ces faits sur lesquels nous n'avons que peu de prises ?
Pour finir, il me parait opportun d'évoquer la place
des transmissions écrites qui balayent l'ensemble des points que j'ai
parcouru. En effet, les écrits tiennent une place importante dans les
fonctions attribuées au psychologue ; qu'ils soient destinés
aux parents, aux institutions extérieures ou qu'ils constituent la trace
de la prise en charge dans le dossier patient. Navalet et
Guérin-Carnelle (1997) repèrent deux utilisations qui peuvent
être faites des écrits du psychologue : une utilisation
officielle, qui en fait un outil de réflexion, et une utilisation
sauvage, qui est susceptible d'en faire une arme. Le clinicien doit donc garder
à l'esprit ces deux versants. Il doit s'efforcer à une
véritable réflexion quant aux enjeux que ses écrits
peuvent représenter.
Mais, selon moi, les écrits remplissent d'autres
fonctions. Si l'on prend l'exemple de l'examen psychologique, au-delà du
code de déontologie stipulant le droit des patients d'obtenir un
compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, je
pense que ce type d'écrit permet de s'assurer que les informations
transmises pourront être bien comprises par la famille. J'ai
effectivement décrit ci-avant que les processus de la transmission
comprennent une réappropriation de l'information. En ce sens, il me
semble que le compte-rendu adressé à la famille permet, entre
autres, d'éviter les écueils d'une interprétation
hâtive ou pervertie des conclusions du psychologue. De plus, ces
écrits constitueront une trace durable de l'évaluation de
l'enfant à un temps donné et favoriseront une reprise en
après-coup des élaborations autour de celle-ci. Mais en ce sens,
cela oblige aussi à prendre la mesure des effets de ces conclusions sur
le long terme.
On peut ajouter, d'après les propositions de Roman
(2007), que tout écrit contraint le psychologue à la mise en
tension entre la nécessité de l'expression de ses
compétences spécialisées, impliquant le recours à
des notions complexes, et le souci d'un partage de sa compréhension de
la problématique incluant l'usage d'un langage accessible aux parents.
Le fait est que son compte-rendu doit pouvoir être adressé
à un collègue comme aux parents.
D'autre part, outre l'ordonnance légale exigeant une
traçabilité des soins et qui donne lieu à un archivage
réglementé, les écrits du psychologue dans le
dossier-patient peuvent être considérés comme garants de la
continuité des soins, mais ils doivent être rédigés
en tenant compte des diverses utilités qu'ils pourront avoir. Je pense
qu'ils sont ainsi au croisement même de la conciliation entre
l'utilité de la transmission et le respect du secret professionnel.
A la lumière de ces considérations, il me semble
que ces questions, bien que touchant de prêt le sujet de mon travail,
mériteraient d'être traitées indépendamment et
pourraient faire l'objet d'une élaboration théorico-clinique
à part entière.
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