Les ONG et la protection des enfants soldats( Télécharger le fichier original )par N'taho Désirée Florine Roxann Victoire ODOUKPE Université Catholique d'Afrique de l'Ouest - Maitrise en droit, otion relations diplomatiques et consulaires 2006 |
Paragraphe 2: La promotion des règles prohibant l'enrôlement des enfantsdans l'armée Les ONG, par leurs nombreuses interventions, ont démontré leur volonté de lutter contre l'utilisation des enfants comme soldats (A) et de réglementer l'âge de recrutement et de participation de ces enfants aux hostilités (B). A- La lutte contre l'utilisation des enfants L'intérêt pour les enfants soldats s'est accru de manière exponentielle durant les années 90. Un arsenal important d'instruments juridiques a été élaboré permettant de protéger l'enfant contre toute forme de recrutement militaire. D'abord, la Convention internationale des droits de l'enfant, en son article 38, interdit formellement toute forme d'incorporation d'enfants de moins de 15 ans dans des troupes armées. Toutefois, étant donné le solide appui dont bénéficiait la Convention, l'idée est venue d'élaborer un Protocole facultatif à la Convention qui aurait trait spécifiquement à l'implication des enfants dans les conflits armés. En 1994, la Commission des droits de l'homme de l'ONU a créé un groupe de travail chargé de rédiger le texte du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. Pendant les six années qui ont suivi, le groupe de travail où siégeaient les représentants d'un grand nombre de pays, d'ONG et d'organismes des Nations Unies, ainsi que des experts indépendants, a participé à des échanges de vues et peaufiné le projet de texte. C'est ainsi que le Protocole facultatif à la Convention relatif à l'implication d'enfants dans les conflits armés, qui est entré en vigueur le 12 février 2002, porte à 18 ans l'âge minimal de participation aux conflits et de recrutement obligatoire dans les forces armées. Ce texte fait interdiction de recrutement d'un enfant de moins de 18 ans dans un groupe armé d'une part, son utilisation dans des conflits armés d'autre part, mais autorise implicitement l'engagement volontaire sous réserves des mesures de protection efficaces. On a ensuite l'émergence d'autres instruments juridiques importants en la matière. Le Statut de la CPI (1998) a marqué un tournant historique dans la lutte contre l'utilisation des enfants soldats dans les conflits armés puisqu'il considère comme un crime de guerre « le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités » dans un conflit armé international et « le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces armées et dans les groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités » en cas de conflit ne présentant pas un caractère international68(*). La Convention de l'OIT adoptée en juin 1999 et entrée en vigueur en novembre 2000 considère l'utilisation des enfants à des fins militaires comme l'une des «pires formes du travail des enfants» et prévoit l'élaboration de programmes d'action pour éliminer le recours aux enfants soldats et la prise de « toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre effective et le respect des dispositions » et ce, « y compris par l'établissement et l'application de sanctions pénales ou, le cas échéant, d'autres sanctions ». La Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990, entrée en vigueur en novembre 1999, est le premier traité régional à fixer à 18 ans l'âge minimal de la conscription et de la participation aux hostilités. Outre ces normes juridiques internationales, il faut également noter l'intérêt croissant des milieux diplomatiques et parfois politiques pour ce phénomène. Plusieurs ONG participent au suivi et à l'établissement de rapports sur les droits des enfants dans les situations de conflit et leurs activités contribuent à inspirer l'action du Conseil de Sécurité. A cet égard, le Conseil de Sécurité a adopté depuis 1999 et à plusieurs reprises six résolutions exprimant que le recrutement d'enfants comme soldats constitue un danger pour la paix et la sécurité dans le monde: - La résolution 1261172 (1999)69(*) ; - La résolution 1314173 (200070(*) ; - La résolution 1379174 (2001)71(*) ; - La résolution 1460175 (2003)72(*) ; - La résolution 1539176 (2004)73(*) ; - La résolution 1612177 (2005)74(*). Par ailleurs, il s'avère important de mentionner que la Coalition publie tous les trois ans un rapport mondial sur les enfants soldats. La Watchlist and Armed Conflict est un autre réseau d'ONG qui surveille le droit des enfants et signale les cas de violation de ces droits à certains pays. Ces résolutions et ces rapports d'ONG représentent un pas important dans la lutte engagée pour mettre fin à l'utilisation d'enfants dans les conflits armés tout comme la réglementation de l'âge de recrutement et de participation des enfants aux hostilités. B- La réglementation de l'âge de recrutement et de participation desenfants aux hostilités Les Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de la guerre contiennent de nombreuses dispositions portant sur les besoins de protection spécifique des enfants mais ne prévoient aucune disposition en matière d'âge minimum de recrutement ou de participation aux hostilités. Il a fallu attendre le Protocole additionnel du 8 juin 1977 pour que soit adoptée une disposition de ce type, ce qui a constitué à l'époque une étape importante dans l'amélioration de la protection conférée aux enfants par la IVe Convention de Genève. Ensuite, la pression que certaines ONG ont exercée sur les Etats afin d'élever l'âge minimum de participation aux hostilités et de recrutement à 18 ans a été déterminante. En effet, pendant de nombreuses années, les défenseurs des droits de l'enfant se sont employés à faire porter de 15 à 18 ans cette norme à la faveur d'un nouveau traité international. A cet égard, le CICR a joué un rôle d'autant plus important qu'il jouit d'une grande reconnaissance des Etats qui se répercute sur le poids des opinions qu'il avance tant au niveau de l'élaboration des règles de droit qu'au niveau de leur interprétation. D'autres ONG, tels que la « Coalition75(*)», se sont également mobilisées dans ce sens. Tout comme le CICR, la Coalition a fermement milité pour l'adoption du Protocole facultatif, notamment en invoquant la propension des législations nationales76(*) et des textes internationaux récents77(*) à fixer à 18 ans la majorité. Son but est de faire connaître au public le problème posé par les enfants soldats et de faire pression sur les Etats afin qu'ils signent le Protocole facultatif à la CDE. Le relèvement en droit international de l'âge minimum de participation aux hostilités améliore très nettement la protection des enfants. Sur le plan pratique, cette disposition permettra d'empêcher au moins la participation d'enfants de moins de quinze ans aux conflits armés. En effet, les chefs militaires ont dans le passé souvent justifié la présence d'enfants soldats dans leurs troupes par l'argument selon lequel les recrues avaient quinze ans mais paraissaient plus jeunes en raison de la précarité de leurs conditions de vie, argument impossible à réfuter en l'absence de document permettant de prouver l'âge des enfants78(*). L'incorporation abusive d'enfants de moins de quinze ans deviendra impossible avec le relèvement de l'âge minimum à 18 ans, étant donné la différence d'âge désormais très nette. A l'occasion de la 27e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge de novembre 1999, les membres ont insisté sur la recommandation de la 26e Conférence qui fait partie du plan d'action 2000-2003 et qui prévoit qu'il convient de s'abstenir de recruter des personnes de moins de 18 ans et d'éviter qu'elles ne prennent part aux hostilités. Toutefois, l'action des ONG ne se limite pas à l'adoption des normes interdisant l'utilisation des enfants soldats. Celle-là s'étend jusqu'à l'entrée en vigueur de celles-ci. SECTION II: L'APPORT DES ONG CONCERNANT L'ENTREE EN VIGUEUR DES NORMES La guerre ne demeure pas la meilleure forme de revendication. Certains acteurs tels que les ONG mènent des campagnes en faisant pression sur les décideurs. Ces campagnes (paragraphe 1), encore appelées lobbying79(*), ont conduit à des développements importants concernant les enfants soldats (paragraphe 2). Cette action des ONG en tant que groupes de pression, est bien résumée par l'internationaliste Pierre de Senarclens: «Les ONG ont une capacité évidente d'infléchir les opinions publiques». * 68 L'UNICEF considère cette disposition comme l'événement historique le plus marquant dans la campagne menée pour mettre fin à l'utilisation d'enfants dans les conflits armés. * 69 UNICEF, Guide du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés , mai 2004. Disponible sur le site de l'UNICEF : www.unicef.org/french. (site visitée le 6 octobre 2007) * 70 Ibid. * 71 Ibid. En 2002, suite à ladite résolution, la Coalition a établi un rapport «parallèle» sur le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats. * 72 Le Conseil prévoit des «mesures appropriées» en cas d'inaction ou d'insuffisance des progrès accomplis lors de l'examen du rapport ultérieur du Secrétaire général * 73 Cette résolution met en place un mécanisme de suivi en instaurant un dispositif « gradué ». Les acteurs des Nations Unies au niveau local sont chargés d'évaluer sur le terrain les progrès réalisés par les forces ou groupes armés figurant sur la première partie de la «liste noire» afin que le Conseil puisse prendre des mesures de sanction en cas d'inaction sur la base d'informations viables et précises données très souvent par des ONG. * 74 Elle met en place un régime de suivi et d'évaluation et prévoit la création d'un groupe de travail du Conseil chargé de la question des enfants dans les conflits armés. * 75 Elle mène des campagnes contre le recrutement et l'utilisation des enfants soldats dans plus de 20 pays à travers le monde. Elle dispose d'un site Internet : http://www.child-soldiers.org/. ( site visité en octobre 2007) * 76 Pour une analyse des législations nationales, voir Brett (R) et McCallin (M), Children - The invisible soldiers, Rädda Barnen (Swedish Save the Children), 1996, pp. 53-64. * 77 Voir la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants (art. 1.1), adoptée par le Conseil de l'Europe, Document Série des traités européens STE/160 et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1990, adoptée par l'OUA, Document OUA CAB/LEG/153/Rev.2, art. 2. * 78 UNICEF, « Guide du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés », mai 2004. Disponible sur le site de l'UNICEF : www.unicef.org/french. (site visité en octobre 2007) * 79 Le lobbying est l'ensemble de pressions exercées par des groupes, notamment les ONG, visant à influencer les décisions des pouvoirs étatiques. Ces groupes en raison de leur dimension multinationale et de leurs moyens matériels considérables, sont capables d'exercer une influence dans les Etats et même sur certains Etats pou atteindre leurs objectifs. |
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