Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Dieudonne Desire ELANGA Universite de Douala Cameroun - DEA 2004 |
II. LES CARACTERISTIQUES DE LA CRISE DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE
La crise de l'intermédiation financière présente un certain nombre de caractéristiques. D'abord, une dégradation des dépôts, ensuite un rationnement bancaire du crédit, et enfin une mutation de la carte bancaire se traduisant par une concentration géographique des guichets dans les zones urbaines. II-1)- LA DEGRADATION DES DEPOTSLes dépôts ont progressé régulièrement jusqu'en 1985.Cette progression des dépôts jusqu'au milieu des années quatre-vingt n'est pas liée au taux d'intérêt réel négatifs15(*) durant toute cette période, elle s'explique par des effets d'offre avec la multiplication des agences bancaires dans un climat de croissance économique. Entre 1985 et 1987, les dépôts à terme et les dépôts à vue ont chuté de plus de 32%(soit 45% en volume) et 22% (soit 36%en volume) ; cette baisse aurait été beaucoup plus importante si les banques n'avaient pas limité le montant des retraits (Joseph A, 2000). La chute des dépôts s'explique par le déclenchement de la crise économique. Le manque de confiance dans le système bancaire pourrait être à l'origine de ce phénomène. C'est ainsi que Joseph A. (2000), a montré en effectuant le test de Chow qu'il existe une rupture de tendance dans la relation entre les dépôts et le PIB avant et après 1986. à partir de cette année, les dépôts observés évoluent plus irrégulièrement que les dépôts prévus, et sont inférieurs à ceux-ci. Ce retrait des dépôts illustre un phénomène de désintermédiation bancaire et de fuite des capitaux. Les banques quant à elles ont adopté le rationnement du crédit.
II-2)-LE RATIONNEMENT DU CREDIT La relation entre banque et emprunteur est empreinte d'asymétries d'information. En raison de ces asymétries, et de l'univers incertain dans lequel s'exerce son activité, la banque est soumise à un risque de retrait et de non-remboursement des crédits. L'asymétrie d'information supportée par la banque dans son activité d'octroi de crédits explique le phénomène de rationnement de crédit de cette dernière. Le rationnement du crédit se définit comme le refus par une banque de prêter aux conditions de quantité et de taux demandées (Joseph. A, 2000). Le fait stylisé à expliquer est le suivant : Lorsque le niveau de risque du débiteur augmente, les banques n'augmentent pas le taux d'intérêt qu'elles exigent, mais préfèrent rationner le crédit, c'est-à-dire refuser le prêt (Stiglitz et Weiss, 1981). Ce concept de rationnement de crédit est en contradiction avec la théorie néoclassique d'équilibre des marchés des prix. Certains auteurs, en l'occurrence Cukierman (1978), Keeton (1979), Jaffee et Modigliani (1969) ont élaboré des modèles de rationnement de crédit en tenant également compte des imperfections du marché. Aussi, la carte bancaire a connu une profonde mutation.
II-3)- MUTATION DE LA CARTE BANCAIRE. La mutation de la carte bancaire se rapporte à l'ensemble des changements survenus dans la répartition géographique des établissements bancaires sur le territoire national. Cette mutation s'est traduite au Cameroun par deux mouvements. En premier lieu, une mutation de la structure des établissements bancaires, marquée par le retrait de certains établissements bancaires et la restructuration d'autres. En second lieu, une concentration géographique des banques dans les agglomérations urbaines telles que Yaoundé, Douala, Bafoussam. II-3-1)- Mutation de la structure des établissements bancaires Suite aux difficultés économiques du pays, certaines banques ont été retirées du paysage bancaire. C'est ainsi que les banques telles que la Banque Camerounaise de développement (BCD), la Cameroon Bank, la Banque Paribas Cameroun, la Bank of America, la Boston Bank, ont été fermées. Sous un autre aspect, les banques viables ont subi des restructurations et des privatisations. A cet effet, le Crédit Agricole du Cameroun (CAC) a connu une restructuration qui a abouti à la privatisation après assainissement de son bilan. C'est ainsi que la Société Camerounaise de Banque (SCB) est devenue Société Commerciale de Banque -Crédit Lyonnais Cameroun (SCB-CLC) après scission, dissolution et acquisition des actifs saints par le Crédit Lyonnais (1989).La BICIC est devenue la BICEC le 14 mars 1997 à la suite d'une restructuration interne. La Commercial Bank of Cameroon (CBC), a pris les intérêts du Crédit Agricole du Cameroun et de la BMBC. Ces changements constituent les résultats des mesures financières adoptées dans le cadre du programme d'ajustement financier. Aux disparitions de certaines banques émergent d'autres nouvelles banques dont leur structure sera évoquée plus tard. II-3-2)- Modification géographique des guichets bancaires La crise bancaire avait été attribuée en partie aux erreurs de gestion des banques liées aux effectifs pléthoriques et aux charges excessives. Leur retour à l'exploitation bénéficiaire impliquait dans la quasi totalité des banques, une forte réduction des charges qui passait notamment par la fermeture des points de vente déficitaires. Il s'agissait beaucoup plus des guichets de campagne qui subissaient les effets de la baisse des prix des produits de base. Aussi a t-on assisté à un redimentionnement du réseau bancaire en faveur de la réduction du nombre de guichets permanents d'une part, et de la concentration des guichets dans les zones urbaines d'autre part. A cet effet, la plupart des banques sont installées dans les grandes villes, notamment Douala, Yaoundé, et Bafoussam, et quelques chefs lieux de province. C'est ainsi que, des 186 guichets16(*) que comptait le système bancaire en 1987, 96 se trouvaient dans les seules villes de Douala, Yaoundé et Bafoussam et 90 seulement pour l'ensemble des autres villes. Cette situation a affecté les marges bénéficiaires dans les grandes villes, et a également conduit à soulever le débat sur la surbancarisation au Cameroun. Cette surbancarisation se traduit par la concentration des guichets dans les zones urbaines. Pareil débat met en lumière, l'incapacité des banques à recevoir de bonnes informations sur l'état de l'économie nationale. Il faut tout de même noter que la disparition des guichets des zones rurales soulève des interrogations sur le lien entre l'efficacité des banques et leur éloignement de leurs champs d'activité. Ce qui a nécessité la mise en place des mesures d'ajustement financier. * 15 Malgré le fait que l'inflation soit passée de 16% en 1983à 8% en 1985. * 16 Rapport annuel du Conseil National du Crédit, 1999 |
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