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Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun

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par Dieudonne Desire ELANGA
Universite de Douala Cameroun - DEA 2004
  

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DEUXIEME PARTIE

LES CONSEQUENCES DES MUTATIONS FINANCIERES SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE AU CAMEROUN

Concept étroitement associé aux processus de globalisation financière et, d'accélération d'innovations financières, les mutations financières sont à l'origine des profondes transformations qu'ont connues les systèmes bancaires et financiers depuis les années 1970. L'abaissement de barrières réglementaires et techniques a en particulier favorisé l'émergence de nouveaux acteurs et, durci les conditions de la concurrence au sein de la sphère bancaire et financière. Parallèlement, l'accélération du processus d'innovations financières a largement contribué à améliorer la complétude des marchés et l'adéquation entre les besoins et capacités de financement des agents économiques (Demartini, 2004). Ainsi, la mutation financière a dans une certaine mesure contribuée à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers plus efficient. Pour autant, l'analyse du phénomène par Demartini (2004) révèle très rapidement que ses conséquences sur la sphère financières sont loin d'être univoques, les gains d'efficience ainsi obtenus ayant eu pour contre partie une instabilité accrue. Demartini (2004) va élaborer des éléments susceptibles d'étayer cette thèse. En particulier, si de nombreuses innovations financières ont répondu à une demande latente de couverture des agents économiques contre les risques, force est de constater qu'en pratique, loin d'avoir disparu, ces derniers se sont simplement déplacés.

Par ailleurs, dans un contexte de mobilité croissante des capitaux, l'augmentation du degré de concurrence entre les institutions financières au niveau international, induite par le mouvement de libéralisation et de déréglementation, a parfois pu conduire à des prises de risques excessives, notamment de la part des banques, alimentant l'instabilité financières (Demartini, 2004). Ainsi, les changements intervenus dans la sphère financière camerounaise à la suite de la crise économique ont un certain nombre de composantes principales : un essor de la micro finance, une crise de l'intermédiation bancaire et une tendance à l'innovation financière quoi que peu diversifiée et de qualité médiocre. Ces principales composantes traduisent globalement un recul de la banque dans son rôle d'intermédiaire financier et une émergence d'adaptations inspirées des habitudes sociales des populations. Les mutations ayant dès lors affectées le fonctionnement du système financier camerounais, il sera question dans cette partie de savoir si le financement de l'économie s'est amélioré. Pour cela, avant d'analyser l'évolution du financement de l'économie ainsi que les implications de politique économique (chapitre IV), il sera évalué l'impact des mutations financières sur le financement de l'économie (chapitre III).

CHAPITRE III

EVALUATION DE L'IMPACT

DES MUTATIONS FINANCIERES SUR LE FINANCEMENT DE L'ECONOMIE AU CAMEROUN

L'étude de la croissance des pays industriels a permis de prendre conscience de la relation étroite, on pourrait dire du lien causal fort existant entre le trend ascendant de l'économie et, le développement de l'intermédiation financière. Comme le relève Bekolo-Ebe (2002), tout au long du XXè siècle, l'expansion des entreprises s'accompagne d'une forte expansion des marchés financiers et d'un développement particulièrement rapide des institutions financières, notamment s'agissant de la multinationalisation des entreprises, l'internationalisation du capital productif et marchant allant de paire avec l'internationalisation du capital financier. Ainsi, en favorisant une allocation plus efficace des capitaux, les mutations financières ont sans conteste contribué à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers internationaux plus efficients (Demartini, 2004). Comme un "effet de caillou dans l'eau", les mutations financières internationales ont affecté les circuits de financement de l'économie camerounaise, à l'initiative des pouvoirs publics soucieux de rendre leur économie plus dynamique. L'ensemble des mesures ainsi adoptées par les autorités, a eu une incidence sur le système financier. Il convient dès lors de mesurer cet impact par une évaluation de la solidité financière du système bancaire (section 1), ainsi que celle de la politique de crédit entre 1972 et 1990 (section 2) puis de 1990 à 2003 (section 3).

SECTION I : EVALUATION DE LA SOLIDITE

FINANCIERE DU SYSTEME BANCAIRE

La solidité du système bancaire camerounais s'apprécie à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC (I) et, les indicateurs de rentabilité (II).

I. REFORMES FINANCIERES ET RESPECT DES NORMES PRUDENTIELLES

Le dispositif prudentiel mis en place par la COBAC depuis 1993, sert d'instrument privilégié de la surveillance des banques de l'ensemble de la sous-région Afrique Centrale, en matière des garanties de solvabilité et de liquidité. L'objectif visé étant de sécuriser les dépôts et de veiller à une gestion optimale des crédits. Les banques sur lesquelles portera cette évaluation sont celles qui ont été en activité au Cameroun entre l'exercice 1995/1996 (période de mise en place de la deuxième génération des réformes) et l'exercice 1998/199922(*). Elles seront appréciées d'une part par rapport au respect des normes de solvabilité et d'autre part par rapport au respect des normes de liquidité.

I.1 Le respect des normes de solvabilité

Deux principaux ratios retiendront notre attention : le ratio de couverture des risques et le ratio de couverture des immobilisations

I.1.1 Le ratio de couverture des risques

A travers ce ratio encore appelé ratio de solvabilité minimum, la COBAC oblige les établissements de crédit à justifier en permanence que leurs fonds propres nets couvrent au moins 5% de leurs concours financiers, y compris ceux accordés à l'Etat. L'intérêt de ce ratio est d'obliger les banques à disposer d'un volume des fonds propres assez important par rapport à leurs concours et engagements. Les données du tableau 2 permettent de relever qu'au 30 juin 1995, seules la CCEI Bank et Amity Bank disposaient des ratios satisfaisants de 8.63% et de 7.65% respectivement. Toutes les autres banques affichaient des ratios inférieurs aux normes. Cette contre performance est particulièrement imputable à l'accumulation des besoins en fonds propres. Les banques qui présentent des situations plus critiques sont la BICEC et la SCB-CL avec des besoins en fonds propres de 24.8 milliards et de 15.11 milliards respectivement.

Tableau 2 : Evolution du ratio de solvabilité minimum des banques camerounaises (en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

Std bank

4.4

13.6

10.5

-5.8

-5.3

-0.73

4.26

7.26

-10

Amity bank

7.65

-1.3

-7.31

-11.31

-6.34

-6.01

-0.44

-5.01

-4.11

Sgbc

2.63

2.74

-3.56%

8.32

7.33

12.06

10

18.48

13.92

Ccei

8.63

5.57

4.39

5.71

5.76

4.04

4.74

8.18

5.66

Bicec

-15.14

-18.13

-18.94

-6.05

-5.4

5.2

6.04

7.45

7.17

Scb-cl

-15.43

-25.86

-34.9

-45.9

7.3

10.72

10.43

6.44

7.28

Source : Commission Bancaire de l'Afrique centrale : Secrétariat Général

L'évolution de ce ratio sur la période d'étude permet de noter au 30 juin 1999, que la Standard Charttered Bank et Amity Bank qui disposaient de meilleurs ratios au 31 décembre 1995 ont enregistré d'importants besoins en capitaux permanents qui se chiffrent respectivement à 2.26 milliards et à 4 milliards. Ce qui justifie des ratios respectifs de -10% et de -4.11%. En revanche, le comportement de la BICEC et de la SCB-CL reste satisfaisant. Ces deux banques ont pu, au regard des réformes, améliorer leurs ratios qui sont respectivement de 7.17% et de 7.28%. En ce qui concerne la SGBC et la BICEC, elles ont maintenu une certaine stabilité tout au long de la période d'analyse avec des ratios oscillant autour de 5%.

I.1.2 Le ratio de couverture des immobilisations

L'intérêt de ce ratio est de contraindre les établissements de crédits à n'utiliser que les capitaux permanents pour le financement de l'actif immobilisé. C'est pourquoi la COBAC exige que celui-ci soit financé au moins à 100% par les fonds permanents. Les données du tableau 3 qui donnent l'évolution de ce ratio pour les six banques de notre échantillon permettent de noter que la CCEI et la BICEC sont les seules à avoir respecté ce ratio au cours de la période d'analyse. Les ratios de la Standard et Amity se sont dégradés considérablement du 30 juin 1996 au 30 juin 1999. Ils sont passés respectivement de 88% à -188% et de 75.71% à -46.65%. Cette évolution est liée à l'accumulation des besoins en capitaux permanents. Ceux de la Standard qui étaient de 30 millions au 30 juin 1995 sont chiffrés à 2.3 milliards au 30 juin 1999, et ceux de Amity sont passés de 818 millions à 4.6 milliards au cours de la même période.

En revanche, on note un redressement impressionnant du ratio de la BICEC et de la SCB-CL. Ils sont respectivement à 132.23% et à 67% au 30 juin 1999, au lieu de -215.23% pour la BICEC et -90.9% pour la SCB-CL quatre ans plus tôt. Les besoins en ressources permanentes qui se chiffraient à 27.3 milliards pour la BICEC et à 15.88 milliards pour la SCB-CL se sont progressivement comblés.

Tableau 3 : Evolution du ratio des couvertures des immobilisations (en %)

 

30/06/95

30/12/95

30/06/96

31/12/96

30/06/97

31/12/97

30/06/98

31/12/98

30/06/99

STD BK

88

241

311.56

-209.6

-122.8

-22.36

-5.18

108

-188.6

AMITY BK

75.71

23.12

-60

-66.5

-26.82

-35.14

14.57

-49.25

-46.66

SGBC

635.32

811.67

240

12.96

871.15

347

349.26

342.22

256.24

CCEI

161.6

109.29

82.57

9.18

69

92.77

212

140.52

128.56

BICEC

-215.2

-304

-282.5

-16.88

-13.9

133

166.5

136.82

132.25

SCB-CL

-90.9

-189.9

-274.7

-47.56

39.82

66.6

73.68

53.5

67

Source : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale : Secrétariat Général.

* 22 En raison de la disponibilité des données au cous de cette période.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry