La dignité de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Pierre Leon André DIENG Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maà®trise en Droit 2003 |
CHAPITRE II - LA SAUVEGARDE SOCIALE DE L'ENFANTACTEUR DANS LA SOCIETE L'enfant comme tout citoyen demeure soumis à la loi. Selon qu'il soit sujet ou victime de faits punissables, le législateur a prévu pour sa personne un régime de justice spécifique (SECTION I) et soumet l'activité ou l'exploitation économique dont il peut être l'objet à une réglementation précise (SECTION II). SECTION I - LA SPECIFICITE DE LA JUSTICE POUR ENFANTCette spécificité de la justice de l'enfant repose sur la particularité de la situation de l'enfant en conflit avec la loi pénale (Paragraphe 1) et de l'état d'engagement de sa responsabilité civile (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - La situation de l'enfant en conflit avec la loi pénaleIl s'agit de la détermination de la procédure pénale suivie (A) et de la sanction applicable à l'enfant au pénal (B). A - La procédure pénale suivie L'objectif consiste à ne pas soumettre à l'enfant le même régime pénal applicable à l'adulte. Il peut arriver qu'au cours de sa marche dans la société, l'enfant commette des faiblesse et déviances coupable et qu'il faille sévir contre sa personne pour le tort qu'il a infligé à la société ou alors qu'il est lui-même victime d'atteintes contre sa personne répressives au pénal. En combinant les principes fondamentaux du respect du caractère sacré de la personne humaine, de ses droits à la défense à tous les degrés de la procédure, le législateur sénégalais a aménagé des garanties qui ne prennent en compte que la situation de l'enfant car le but tend avant tout à le rééduquer et non pas à le punir. Par suite, la problématique ne varie pas fondamentalement de celle de l'adulte. Si l'enfant est pénalement responsable de ses actes, encore faut-il fixer les règles qui gouvernent son incrimination. La majorité pénale est fixée à 18 ans, tout comme pour la majorité civile. Lorsqu'un enfant commet une infraction, la jurisprudence française avait dégagé une sous-distinction parmi les enfants de moins de 13 ans. Ainsi, l'enfant de moins de 13 ans bénéficie d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité. Il ne peut être frappé d'une condamnation pénale. Il n'est justiciable que de mesures éducatives, même s'il comparaît devant la juridiction des enfants. C'est un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 13 mars 1956 4(*) qui a bien précisé que l'enfant doit avoir compris et voulu l'acte matériel qu'il a causé et qui lui est reproché ; car toute infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté. Dès lors, on ne peut imputer des infractions au jeune enfant dépourvu d'un minimum de raison. Avec l'arrêt Laboube de 1956, l'enfant de moins de 13 ans bénéficie d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale tandis que pour l'enfant de plus de 13 ans, la présomption est simple. Seuls les enfants dépourvus d'un discernement sont considérés comme pénalement responsables. Les enfants de bas âge, qui ne comprennent pas la portée de leurs actes, ne sont pas pénalement responsables. Il revient ainsi au juge d'apprécier souverainement la notion d'aptitude à discerner de l'enfant. Une appréciation qui risque, au demeurant, d'être fort logiquement contestable au vu de la marge d'erreur qui reste dans la mesure du possible. Pour les enfants âgés de 13 ans, ils doivent répondre de leurs actes délictueux mais ne feront l'objet d'aucune sanction pénale. Notre analyse tiendra compte de l'enfant âgé de moins de 13 ans mais doté d'un esprit de discernement et l'enfant âgé de 13 ans jusqu'à la fin de la minorité d'âge. Ceci dit, l'âge de l'enfant s'apprécie au jour de l'infraction et même, le cas échéant, d'heure en heure. La procédure se caractérise par une originalité très forte. La première particularité est la présence obligatoire d'un avocat. Désormais, l'enfant aura droit à la présence d'un avocat à tous les stades de la procédure : le défenseur devra être convoqué lors des interrogatoires au cours de l'instruction. Les procédures de comparution immédiate et de citation directe sont inapplicables aux enfants. C'est l'impérieuse nécessité de respecter les droits de la défense. L'article 577 CPP dispose à l'attention du tribunal pour enfants qu'il ne doit statuer sur le sort de l'enfant qu'après l'avoir entendu, avec ses parents ou ses représentants légaux ou son défenseur. L'enfant de moins de 13 ans ne peut être placé en garde à vue (art. 576 CPP) et ses parents doivent être tenus informés des charges pesant sur lui. Par ailleurs, des délais ont été introduits dans la procédure. L'article 592 CF in fine fait obligation au Procureur de la République, chargé de la poursuite (art. 572 CPP), de faire comparaître à bref délai l'enfant devant la juridiction de jugement (art. 592 CF in fine). Il s'agit de prémunir l'enfant contre les longues détentions et la promiscuité avec les adultes qui pourraient être préjudiciables à sa santé morale, voire à sa réinsertion dans la société. L'efficacité de l'intervention judiciaire se jauge à l'aune d'une bonne instruction. Pour ce qui a trait au déroulement de l'instruction, certaines règles particulières ont été consacrées par le législateur. Le magistrat chargé de l'instruction procède à une enquête, à des investigations pour la manifestation de la vérité (art. 573 CPP) et il a la charge à la fois de constituer le dossier de personnalité et le dossier de l'acte. En constituant le dossier de l'acte, le juge d'instruction est tenu par la règle du respect intangible des droits de la défense. A ce titre, la désignation de l'avocat incombe à l'enfant ou à son représentant légal, à défaut, le juge d'instruction désignera ou fera désigner, par le Bâtonnier des avocats, un défenseur d'office. On admet aujourd'hui que l'enfant dans les locaux de la police doit avoir aussitôt un avocat, a fortiori lors de sa première comparution à l'instruction devant le magistrat instructeur. Les parents ou les représentants légaux sont avisés (art. 575 alinéas 1er et 2). Pour le dossier de personnalité, le juge d'instructeur peut ordonner diverses mesures afin de connaître, le mieux possible, la personnalité du jeune délinquant (art. 573 alinéa 5 CPP). La clôture de l'instruction est prévue à l'article 574 CPP. Lorsque le juge d'instruction estime que son information est terminée, il rend une ordonnance de règlement après avoir communiqué le dossier au Procureur de la République et suivant les circonstances, il rend soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants, soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal de simple police, soit une ordonnance de non-lieu. Il revient au tribunal pour enfants, juridiction compétente saisie de juger et sanctionner l'enfant, auteur de violations pénales. B - La sanction applicable à l'enfant au pénal La juridiction compétente dépend de la gravité de l'infraction commise (crime, délit, contravention). La composition du tribunal pour enfants est prévue à l'article 577 CPP. Il ne peut statuer qu'après avoir entendu toutes les personnes qui ont gravité autour de l'enfant et même ce dernier (art. 578 alinéa 1er CPP). Il statue en chambre de conseil et peut, dans l'intérêt de l'enfant , le dispenser de comparaître à l'audience (art. 578 alinéa 2 CPP). La restriction de la publicité des audiences est motivée par un souci de protéger la moralité de l'enfant (art. 579 alinéas 4 et 5). Les contrevenants à ce caractère non public des audiences sont passible de sanctions (art. 579 alinéa 6). Quelque soit le résultat, la décision du tribunal pour enfants est susceptible d'appel (art. 588 alinéa 2 CPP) et le droit d'opposition, d'appel ou de recours en cassation peut être exercé soit par l'enfant, soit par son représentant légal (art. 588 alinéa 3 CPP). Toutefois, la loi reste muette sur les notions de contumace et de recours en révision. Malgré le silence, on peut penser que leur application est possible dans le cas des enfants car on comprendrait mal une protection de l'enfant moins efficace que celle du majeur délinquant. Ceci précisé, les sanctions ou mesures applicables à l'enfant sont très diverses. Une option est offerte à la juridiction de jugement puisqu'elle doit choisir entre la voie éducative et la voie répressive. La primauté de la voie éducative plus pratiquée. Les mesures éducatives sont ordonnées par les tribunaux pour enfants. Il en existe un au niveau de chaque tribunal régional. Le juge doit faire appel à l'assistance de la Direction Nationale de l'Education Surveillée et de la Protection Sociale qui, elle, supervise un ensemble de structures spécialisées dans la prise en charge éducative des jeunes inadaptés, notamment l'AEMO (service de l'Administration Educative en Milieu Ouvert), les centres de protection sociale, les centres d'adaptation sociale et les centres de sauvegarde. L'objectif de protection de l'enfant étant le but prioritaire de l'intervention judiciaire. Les mesures peuvent concerner la garde de l'enfant, la liberté surveillée de l'enfant et la mise sous protection judiciaire (art. 561 alinéa 1er CPP). Les mesures ordonnées sont provisoires et peuvent être révisées à tout moment (articles 591 et 603 CPP). Les mesures provisoires sont exécutoires nonobstant appel ou opposition. Quant aux mesures répressives, elles sont exceptionnelles. La primauté étant accordée avec force aux mesures éducatives. La juridiction opte pour la voie répressive si la mesure éducative paraît vouée à l'échec. Cependant, la peine est atténuée. En effet, le législateur a prévu des peines spécifiquement moins lourdes que celles encourues par les majeurs. En ce sens, l'enfant bénéficie entre autres excuses atténuantes, de l'excuse de minorité ( art. 25 et 53 CP). En raison de cette excuse de minorité, la peine est schématisée de la façon suivante : - si l'enfant encourt la peine de mort ou les travaux forcés à perpétuité, la peine sera de 10 à 20 ans ; - s'il encourt les travaux forcés à temps de 10 à 20 ans, ou de 5 à 10 ans ou la détention criminelle de 10 à 20 ans, il sera condamné à la moitié de la peine ; - s'il encourt la dégradation civique, il sera condamné à 2 ans au plus. Dans tous les autres cas, il ne pourra être condamné à plus de la moitié de la peine applicable au majeur. L'enfant, privé de liberté, doit purger sa peine dans une prison spéciale (le Fort B, sis à Hann) et dans les autres prisons du pays où il doit lui être aménagé un quartier spécial. En France, il a été institutionnalisé le régime de la médiation pénale par la loi du 4 janvier 1993 réformant la procédure pénale. Ce régime subordonne l'abandon des poursuites pénales à une action positive du jeune délinquant, visant en particulier à indemniser la victime. La mesure de réparation doit être acceptée à la fois par l'enfant, par les titulaires de l'autorité parentale et par la victime. Elle est décidée par le procureur avant les poursuites ou par le juge chargé d'instruire le délit. Si elle est bien exécutée, l'affaire sera classée sans suite ou fera l'objet d'un non-lieu. L'enfant n'est pas le plus souvent l'auteur d'infractions. Il est pour la plupart du temps la victime d'actes répressifs contre sa personne. Ce sont des atteintes qui sont portées à son état. Par exemple, le fait d'une non -représentation d'enfant est un délit qui consiste à refuser indûment de représenter un enfant dans tous les actes juridiques en société. Ce délit peut être à la base de la déchéance de la puissance paternelle. Egalement le délit de soustraction par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par un tiers consistant à soustraire l'enfant des mains de ceux qui exercent la puissance paternelle et au domicile desquels il a sa résidence habituelle. Le délit de provocation à l'abandon d'enfant est une question d'actualité parce qu'il existe un véritable ·marché· de l'adoption où la demande est très largement supérieure à l'offre. Certains peuvent être tentés soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité de pousser les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître. Dans cet ordre, peuvent entrer les délits de substitution, de simulation ou de dissimulation en portant atteinte à son état-civil, c'est-à-dire de faire perdre les traces de sa naissance ou de ne pas l'enregistrer. D'autres comportements intentionnels sont tout aussi réprimés, notamment l'incitation à l'usage et à la vente de stupéfiants sur mineurs, la provocation à la mendicité, les violences, tortures, menaces, actes de barbarie, mutilations sexuelles, viols, incitation à l'infanticide, à l'avortement, à la prostitution, etc. Les infractions que peut subir l'enfant revêtent un aspect disparate qu'il serait d'une pénibilité certaine et trop fastidieuse de tout relever. Toutefois, leurs auteurs s'exposent à des peines plus sévères puisque la minorité de l'enfant est une circonstance aggravante. L'enfant n'est pas seulement soumis au régime des règles pénales. Le législateur sénégalais retient à son encontre un régime de responsabilité civile. * 4 Crim. 13 mars 1956. D. 1957. 349. |
|